Fibonacci
Fibonacci
Fibonacci
La suite de Fibonacci
Université du Sud Toulon–Var
Nils Berglund
Novembre 2005
1
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G
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G
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Définition 1.1. La suite de Fibonacci est la suite {Fn }n>1 telle que F1 = F2 = 1 et
Dénotons ce nombre par N (n). Par inspection (Fig. 3), on voit que N (1) = 1, N (2) = 2,
N (3) = 3, N (4) = 5, N (5) = 8. Il semblerait donc que N (n) = Fn+1 . C’est effectivement
le cas, et on peut le montrer de la manière suivante:
• si le premier domino est placé verticalement, dans le coin supérieur gauche, il reste
N (n − 1) manières de placer les autres dans le rectangle restant, de taille 2 × (n − 1);
• si le premier domino est placé horizontalement, dans le coin supérieur gauche, le second
doit obligatoirement être placé juste en-dessous, et il reste alors N (n − 2) manières de
placer les autres dans le rectangle restant, de taille 2 × (n − 2).
On en déduit que
N (n) = N (n − 1) + N (n − 2) , (5)
qui est la même relation de récurrence que pour les Fn . Comme N (1) = F2 et N (2) = F3 ,
il suit que N (n) = Fn+1 .
2
1
Problème 1.3. Quel est le nombre N (n) de manières de disposer n pièces de monnaie,
par rangées connexes, de telle manière que chaque pièce touche deux pièces de la rangée
inférieure?
Les premières valeurs de n semblent indiquer que N (n) = Fn (Fig. 4). Cependant, cette
conjecture est fausse, puisque pour n = 7, il s’avère y avoir 12 et non pas 13 arrangements
possibles.1
1
Ceci montre que les test de “quotient intellectuel”, fréquents dans certains magazines, demandant
d’étendre de manière logique la suite 1, 1, 2, 3, 5, 8, . . . en disent plus long sur l’intelligence de leur
concepteur que sur celle du lecteur.
3
21 34
21
34
8 13
8
13
3 5
5
12 − 1 · 2 = −1 ,
22 − 1 · 3 = 1 ,
32 − 2 · 5 = −1 ,
52 − 3 · 8 = 1 .
Il semble donc que le carré d’un nombre de Fibonacci diffère toujours d’une unité du
produit de ses voisins. Cela est-il vrai de manière générale? On peut effectivement le
prouver par récurrence.
Problème 1.5. On se donne des carrés de taille Fn ×Fn pour chaque nombre de Fibonacci.
Arranger successivement les carrés de manière à former, à chaque étape, un rectangle.
4
Figure 6: La diagonale passe-t-elle par les sommets des carrés?
5
On voit que la pente rn n’est pas constante, donc la diagonale ne passe pas par les
sommets des carrés. Néanmoins, les rn semblent s’approcher d’une valeur fixe, donc pour
de grands rectangles, la diagonale passera près des sommets des carrés les plus grands.
Deux questions se posent alors:
1. La suite des rn tend-elle vers une limite?
2. Quelle est cette limite?
Souvent, on répond séparément à ces deux questions.
Pour prouver l’existence de la limite, on peut s’aider de la proposition suivante.
Proposition 1.6. Pour tous a, c ∈ R et b, d > 0,
a+c a c
est compris entre et . (9)
b+d b d
a
Démonstration: Supposons b < dc , c’est-à-dire ad < bc. Alors
a+c a ab + cb − ab − ad bc − ad
− = = >0, (10)
b+d b b(b + d) b(b + d)
alors que
a+c c ad + cd − bc − cd ad − bc
− = = <0, (11)
b+d d d(b + d) d(b + d)
a c a c
ce qui prouve le résultat. Les cas b = d et b > d sont traités de manière similaire.
Ce résultat permet d’énumérer les nombres rationnels contenus dans un intervalle, par
exemple [0, 1], à l’aide de l’arbre de Farey:
0 1
1 1
1
2
1 2
3 3
1 2 3 3
4 5 5 4
1 2 3 3 4 5 5 4
5 7 8 7 7 8 7 5
1 2 3 3 4 5 5 4 5 7 8 7 7 8 7 5
6 9 11 10 11 13 12 9 9 12 13 11 10 11 9 6
Corollaire 1.7. Pour tout n > 2, rn+1 est compris entre rn et rn−1 .
Démonstration: Il suffit d’observer que
Fn+1 Fn + Fn−1
rn+1 = = , (12)
Fn+2 Fn+1 + Fn
et d’appliquer la proposition.
6
Les premiers rn ont été marqués en gras dans l’arbre de Farey. On observe que
En fait, on a
Ceci justifie, d’une part, que rn+1 est situé alternativement à gauche et à droite de rn .
D’autre part, comme la suite des Fn tend vers l’infini, on conclut que |rn+1 − rn | tend vers
0 lorsque n tend vers l’infini. Les suites de rn pairs et impairs sont dites adjacentes. Par
un théorème d’analyse, elles admettent une limite commune. Nous avons donc prouvé:
lim rn = ϕ . (15)
n→∞
Méthode analytique
Une première méthode de le calculer part de l’observation
Fn+1 Fn+1 1 1
rn+1 = = = = . (16)
Fn+2 Fn+1 + Fn Fn 1 + rn
1+
Fn+1
Il suit que
ϕ2 + ϕ − 1 = 0 , (18)
et la solution positive de cette équation du second degré est donnée par
√
5−1
ϕ= = 0.618033988 . . . . (19)
2
Son inverse, le nombre
√
1 5+1
φ= =ϕ+1= = 1.618033988 . . . (20)
ϕ 2
est appelé le nombre d’or . Il satisfait l’équation du second degré
φ2 − φ − 1 = 0 . (21)
Les
√ nombres ϕ et φ sont irrationnels (la preuve est similaire à celle du cas bien connu de
2). Une suite de nombres rationnels peut donc converger vers un nombre irrationnel (on
dit que Q n’est pas complet, alors que R est complet).
7
B
ϕ E
1−ϕ
O C 1 A
Méthode géométrique
La valeur de la limite ϕ peut également être déterminée par un raisonnement géométrique.
Supposons que l’on construise le puzzle de Fibonacci petit à petit, mais en diminuant à
chaque étape la taille du puzzle, de telle manière que le dernier carré ait une taille unité.
Comme la pente de la diagonale tend vers ϕ, dans la limite d’un grand nombre de carrés
on doit tendre vers la situation dessinée dans la Figure 7: Les triangles OAB, OCD et
BED étant semblables, il suit que
AB CD ED 1 1−ϕ
= = ⇒ = =ϕ, (22)
OA OC BE 1+ϕ ϕ
ce qui donne ϕ2 + ϕ − 1 = 0.
8
Tout nombre rationnel x peut s’écrire sous la forme a0 + [a1 , . . . , an ]. Il suffit de poser
x = a0 + x1 , où a0 = bxc est le plus grand entier inférieur ou égal à x et x1 ∈ [0, 1[.
Si x1 > 0, on écrit 1/x1 = a1 + x2 , où a1 = b1/x1 c, et ainsi de suite. On peut montrer
qu’après un nombre fini n de pas, on tombera forcément sur un xn entier.
La procédure peut aussi s’appliquer à des nombres irrationnels, mais alors elle ne
s’arrête jamais. On aura par exemple
ϕ = [1, 1, 1, . . . ] . (28)
yn = [ 2, 2, . . . , 2 ] , (31)
| {z }
n termes
2 5 12 29
y2 = , y3 = , y4 = , y5 = ,... . (33)
5 12 29 70
On voit apparaı̂tre la suite
1, 2, 5, 12, 29, 70, . . . (34)
qui satisfait la relation de récurrence
Gn
En effet, si l’on pose yn = , la relation (32) donne
Gn+1
Gn+1 1 Gn+1
= = , (36)
Gn+2 Gn 2Gn+1 + Gn
2+
Gn+1
9
est telle que les rapports Xn /Xn+1 soient les convergents d’un certain nombre réel, solution
d’une équation du second degré.
Calculons encore le développement en fractions continues de π:
π = 3.14159265 . . .
= 3 + 0.14159265 . . .
1
=3+
7.0625133 . . .
1
=3+
1
7+
15.99659
1
=3+
1
7+
1
15 +
1.00341 . . .
1
=3+ , (38)
1
7+
1
15 +
1
1+
292.63 . . .
(39)
et par conséquent
π = 3 + [7, 15, 1, 292, . . . ] . (40)
Les premiers convergents sont donnés par
22
3 + [7] = = 3.142857 . . . ,
7
333
3 + [7, 15] = = 3.141509 . . . ,
106
355
3 + [7, 15, 1] = = 3.1415929 . . . . (41)
113
Les meilleures approximations sont obtenues lorsque le premier terme négligé est grand,
comme ici le terme 292. La convergence est la plus lente dans le cas du nombre d’or,
puisque tous les termes sont égaux à 1.
10
2 Du nombre d’or aux tournesols
La phyllotaxie étudie les propriétés géométriques des végétaux, par exemple la disposition
régulière des fleurs, des feuilles ou des pétales. Souvent, ces éléments sont disposés selon des
arrangements en spirales, appelées parastichies, et le nombre de spirales est fréquemment
un nombre de Fibonacci (Fig. 8). On pourrait penser qu’il s’agit là de coı̈ncidences. En
fait, il semble que ce ne soit pas le cas, et que les nombres de Fibonacci apparaissent de
manière naturelle dans le processus de croissance.
Figure 8: Les graines de cette fleur de tournesol sont disposées en spirales, au nombre de
34 dans un sens, et de 55 dans l’autre.
Les modèles morphogénétiques essaient d’expliquer ces phénomènes par des méca-
nismes de croissance. Le mathématicien Alan Turing a été l’un des premiers à en étudier.
Sans entrer dans les détails, nous allons donner ici quelques idées de base de tels modèles.
Une fleur de tournesol pousse de l’intérieur vers l’extérieur. Les nouvelles cellules ap-
paraissent successivement sur un bord circulaire situé au milieu de la fleur, appelé anneau
apical. La plupart des cellules serviront de support aux graines, mais de temps en temps,
une cellule se différencie pour donner une graine (en fait, d’abord une fleur qui se trans-
formera plus tard en graine). Il n’est pas avantageux que les cellules différenciées appa-
raissent trop près l’une de l’autre, aussi peut-on supposer que chaque cellule différenciée
émet une substance chimique inhibitrice, qui dissuade ses voisines de se différencier. Au
bout d’un certain temps, l’effet de cette substance se dissipe et une nouvelle cellule peut
se différencier.
La Figure 9 indique l’ordre d’apparition des premières cellules différentiées. Un des
algorithmes proposés pour déterminer cet ordre d’apparition est le suivant: Après les trois
premières cellules, on place
• la cellule 4 entre la cellule 1 et sa voisine la plus ancienne, à savoir 2;
• la cellule 5 entre la cellule 2 et sa voisine la plus ancienne, à savoir 0.
A chaque fois que la la cellule 0 est une voisine, on recommence à partir de la cellule 1,
donc on place
• la cellule 6 entre la cellule 1 et sa voisine la plus ancienne, à savoir 3;
• la cellule 7 entre la cellule 2 et sa voisine la plus ancienne, à savoir 4;
11
0 0 0
8
3 3
5 5
2 1 2 1 2 1
4 7 4
2: 0 1 0
3: 0 1 2 0
4: 0 3 1 2 0
5: 0 3 1 4 2 0
6: 0 3 1 4 2 5 0
7: 0 3 6 1 4 2 5 0
8: 0 3 6 1 4 7 2 5 0
9: 0 8 3 6 1 4 7 2 5 0
10 : 0 8 3 6 1 9 4 7 2 5 0
11 : 0 8 3 6 1 9 4 7 2 10 5 0
12 : 0 8 3 11 6 1 9 4 7 2 10 5 0
13 : 0 8 3 11 6 1 9 4 12 7 2 10 5 0
14 : 0 8 3 11 6 1 9 4 12 7 2 10 5 13 0
15 : 0 8 3 11 6 14 1 9 4 12 7 2 10 5 13 0
Pour la ligne 8, on a:
+3, +3, −5, +3, +3, −5, +3, −5 .
Pour la ligne 12, on a:
+8, −5, +8, −5, −5, +8, −5, +3, −5, +8, −5, −5 .
12
t
20
15
10
+8, −5, +8, −5, +8, −13, +8, −5, +8, −5, −5, +8, −5, +8, −13 .
On observe que
• chaque suite de différences ne contient que deux ou trois nombres différents;
• ces nombres sont des nombres de Fibonacci (au signe près).
Ces propriétés ne sont pas très difficiles à montrer, et utilisent principalement le fait que
la somme et la différence de deux nombres de Fibonacci voisins est encore un nombre de
Fibonacci.
Quel est le rapport avec les spirales? Les différences calculées ci-dessus représentent les
pentes de segments obtenus en reliant deux cellules voisines sur le cercle. Les pentes des
segments reliant des cellules distantes de deux, trois ou plus d’unités, étant des sommes
et différences de nombres de Fibonacci, sont à nouveau de tels nombres. Les cellules se
trouvent donc, à une unité près, sur des droites de pente 3, 5, 8, 13, . . . . Comme la figure
est carrée, il en est de même du nombre de diagonales de même pente.
On peut également faire l’observation suivante: La distance angulaire entre deux cel-
lules successives, par exemple 0 et 1, rapportée au nombre total de cellules, oscille autour
du rapport de deux nombres de Fibonacci Fn et Fn+2 : Ce rapport vaut 13 dans la ligne 3,
2 3 5
5 dans la ligne 5, 8 dans la ligne 8, 13 dans la ligne 13. En fait ce rapport converge vers
Fn Fn 1 1 1
lim = lim = lim = = 2 . (42)
n→∞ Fn+2 n→∞ Fn+1 + Fn n→∞ 1 1+φ φ
1+
rn
On observe souvent que l’angle entre feuilles successives apparaissant sur une branche est
donné par 360◦ /φ2 ' 137.5◦ , appelé l’angle d’or.
13
Figure 11: La figure précédente en géométrie polaire.
Nils Berglund
PHYMAT, Université du Sud Toulon–Var
et
CPT–CNRS Luminy
Case 907, 13288 Marseille Cedex 9, France
E-mail: [email protected]
http://berglund.univ-tln.fr
14