TRAUMATISMES PAR ACCIDENT

DU TRAFIC ROUTIER CHEZ L’ENFANT AU GABON

ABDOU RAOUF O*, ALLOGO OBIANG J.J**, NLOME NZE M.*, JOSSEAUME A.*. TCHOUA R.***

RESUME

Les traumatismes par accident de la circulation routière constituent un problème de santé publique dans les pays
en voie de développement. Au Centre Hospitalier de Libreville, les traumatismes par accident du trafic routier chez
l’enfant représentent 8,48 % de la totalité des urgences pédiatriques et 89 % des urgences traumatiques chez
l’enfant toutes circonstances confondues. Tous les âges de 0 à 16 ans sont concernés, avec un maximum de
fréquence dans la tranche d’‚ge 9 - 12 ans, les garçons sont plus touchés que les filles. En dehors des blessés légers
et des contusions de moindre gravité qui représentent 31,80 % des cas, les lésions traumatiques uniques repré-
sentent 55,40 % et concernent le crâne 36,20 %, les membres 29,10 %, l’abdomen 16,42 %, le thorax 11,20 % et
les rachis 7,08 %. Dans 12,80 % des cas les lésions traumatiques sont multiples. La létalité précoce est de 22 %.
L’absence de médicalisation pré-hospitalière au Gabon rend compte pour une bonne part de ce taux élevé de
mortalité.

INTRODUCTION de saisie qui comportait des éléments à étudier, notam-

ment : l’âge, le sexe, les circonstances de l’accident, le
Dès 1961, l’O.M.S. a marqué un intérêt croissant pour type de lésion, la gravité des lésions et l’évolution dans
le problème de santé publique que constitue le péril les 48 heures. Nous avons eu recours au service de
routier (1). traumatologie pour complément d’information.
Au Gabon, le phénomène commence à prendre des
proportions inquiétantes. Les enfants, très exposés sur la RESULTATS
voie publique comme piétons ou passagers d’un véhi-
cule en sont les principales victimes. D’avril 1998 à mars 2000 (soit 24 mois), nous avons
Le but de ce travail est d’évaluer la morbidité et la mor- enregistré, au service d’oxyologie du Centre Hospitalier
talité infantile dues aux accidents de la circulation rou- de Libreville, 484 cas de traumatismes par accident de
tière au Gabon. la voie publique chez l’enfant.
Ce chiffre représente 8,48 % de la totalité des urgences
MATERIEL ET METHODE pédiatriques et 89 % des urgences traumatiques chez
l’enfant toutes circonstances confondues.
Cette étude, réalisée dans le service d’accueil des urgen- C’est en tant que piétons (75 % des cas) ou passagers
ces du Centre Hospitalier de Libreville (Oxyologie), est d’un véhicule (-25 % des cas) que les enfants sont le
une analyse rétrospective des dossiers des enfants âgés plus souvent accidentés. Environ 75 % de ces accidents
se produisent sur le trajet scolaire. Le facteur humain est
de 0 à 16 ans admis dans ce service pour traumatismes
mis en cause dans plus de 70 % des accidents de la
dus aux accidents de la circulation routière, pendant la
route.
période allant du mois d’avril 1998 au mois de mars
2000, soit 24 mois.
1 - Répartition des blessés selon l’âge et le
Les informations recueillies dans les re g i s t res et les
sexe
dossiers médicaux étaient consignées sur un bordereau
L’étude de la répartition du nombre de cas par tranches
d’âges montre que tous les âges sont concernés, avec
* Service d’oxyologie C.H.L B.P: 5769 Libreville - Gabon. un maximum de fréquence dans la tranche d’âge 9 -
** Service de Traumatologie - Orthopédie C.H.L BP 2228 Libreville -
Gabon. 12 ans. L’âge moyen des victimes est de 9 ans avec des
*** Service de Réanimation C.H.L BP 20057 Libreville - Gabon extrêmes allant du cinquième jour de vie à 16 ans. Le
garçon est plus touché que la fille (sex-ratio = 1,6)
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Tableau 1 : Répartition des blessés Figure 1 : Répartition des blessés

selon l’âge et le sexe selon la gravité des lésions
Urgences Urgences
0-4 9-12 13-16 traumatiques traumatiques de
Age /Sexe 5-8 ans Total %
ans ans ans non prioritaires priorité absolue
61% 12%
Garçons 19 62 125 96 302 62,4
Filles 11 34 80 57 182 37,6
Total 30 96 205 153 484 100
% 6,2 19,83 42,35 31,62 100

2 - Répartition des blessés selon le type de

lésions Urgences
En dehors des blessés légers et des contusions de traumatiques de
priorité relative
moindre gravité qui représentent 31,80 % des cas, la 27%
répartition du nombre de cas de traumatismes chez
l’enfant selon le type de lésions rencontrées révèle tout
un ensemble de tableaux cliniques (tableau 2). a) Les urgences traumatiques de priorité
Une fois sur dix, les lésions traumatiques sont multiples absolue
et ce sont ces poly-traumatismes qui posent les problè- Elles re g roupent les victimes atteintes de plusieurs
mes thérapeutiques les plus ardus, car ils relèvent de lésions dont l’une au moins met en jeu le pronostic vital.
disciplines chirurgicales diverses : chirurgie orthopédi- Il s’agit des traumatismes graves dont les lésions concer-
que et traumatologique, chirurgie thoracique, chirurgie nent le crâne, le rachis cervical, le thorax et l’abdomen.
maxillo-faciale, chirurgie viscérale, mais aussi neurochi- Dans notre série, ces urgences représentent 12 % des
rurgie en raison des lésions encéphaliques et médu- cas.
llaires fréquentes.
b) Les urgences traumatiques de priorité
Tableau 2 : Répartition des blessés relative
selon le type de lésions Elles re g roupent les traumatismes ne menaçant pas
immédiatement la vie du blessé mais pouvant être à
Types de lésions Nb de cas %
l’origine de décès ultérieurs ou de séquelles impor-
Blessés légers et contusions tantes. Il s’agit essentiellement des fractures ouvertes
154 31,8
de moindre gravité
des membres, des luxations des grosses articulations et
Monotraumatismes 268 55,4 du traumatisme du rachis dorso-lombaire. Elles repré-
Crâne 97 36,2 sentent 27 % des cas dans notre série.
Membres 78 29,1
Abdomen 44 16,4
Thorax 30 11,2 c) Les urgences traumatiques non prioritaires
Rachis 19 7,08 Elles regroupent les blessés dont les lésions ne reten-
Polytraumatismes 62 12,8 tissent pas sur les grandes fonctions vitales : neurolo-
Crâne - Rachis 17 27,4 gique, circulatoire et respiratoire. C’est en fait le lot de la
Crâne - Membres 11 17,7 traumatologie courante qui représente dans notre série
Crâne - Abdomen 9 14,5 61 % des cas.
Abdomen - Thorax 4 6,45
Crâne - Thorax 3 4,84
Membres - Thorax 3 4,84
4 - Mortalité
Plus de 2 lésions 8 12,9 L’absence de médicalisation pré-hospitalière (sur le lieu
de l’accident et pendant le transport) voire hospitalière
3 - Gravité des lésions précoce des blessés comateux, polytraumatisés, en état
Nous avons classé les urgences traumatiques par acci- de choc, met en péril la vie d’environ deux enfants sur
dent du trafic routier chez l’enfant au Gabon en trois dix accidentés de la voie publique au Gabon.
groupe (figure 1). Sur les 484 enfants admis en oxyologie pour trauma-

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tismes par accident de la voie publique, 73 sont arrivés une prédominance des traumatismes des membre s .
décédés (15 %) et 34 sont décédés dans les 24 heures Dans notre série, le traumatisme crânien vient en pre-
suivant leur admission (7 %), soit un total de 107 décès mière position, aussi bien dans les mono-traumatismes
(22 %). L’absence de soins sur le lieu de l’accident et le que dans les poly-traumatismes. Un rapport volume de
manque de transport médicalisé rendent compte pour la tête sur le reste du corps et le moindre développe-
une bonne part de ce taux élevé de mortalité. ment de la musculature axiale font de la tête le point
d’impact préférentiel en cas de traumatisme chez l’en-
COMMENTAIRES fant. Ces constations sont aussi celles de NYARWAYA (4)
et MERCADIER (5) qui mettent en évidence une grande
L’enfant n’étant pas un adulte en miniature, son déve- fréquence des lésions du crâne dans leur série.
loppement sensoriel et psychomoteur l’empêche d’avoir Le traumatisme crânien retrouvé dans la majorité des
une bonne perception des dangers. mono et poly-traumatismes dans notre série, contribue
Cette étude, réalisée dans le service d’accueil des urgen- à plus de la moitié des décès comme dans les autres
ces du Centre Hospitalier de Libreville, montre que les pays (3, 6). D’où la nécessité d’organiser la réanimation
accidents dus au trafic routier prennent des proportions pré-hospitalière afin de réduire la mortalité liée aux mau-
inquiétantes au Gabon. Les enfants, très exposés sur la vaises conditions de transport et à l’absence de soins
voie publique comme piétons ou passagers d’un véhi- précoces (7, 8).
cule, restent les plus vulnérables et payent ainsi un lourd
tribut à la circulation routière. L’excès de vitesse, le non CONCLUSION
respect de priorité, le manque de rigueur dans le contrôle
routier, l’absence de panneaux de signalisation, l’état Les traumatismes par accident du trafic routier consti-
d’ébriété des conducteurs, le non respect de l’obligation tuent un problème de santé publique dans les pays en
du port de la ceinture de sécurité et des sièges spéciaux voie de développement.
pour enfant, le mauvais état des pistes et le phénomènes C’est en tant que passagers d’un véhicule ou piétons
des élèves «cascadeurs» des bus de transport scolaire que les enfants sont le plus souvent accidentés alors
expliquent la fréquence de ces accidents. qu’ils n’assurent aucun rôle «actif» dans la conduite des
Ce fléau représente 89 % des urgences traumatiques véhicules et qu’ils ne sont que spectateurs de leurs
chez l’enfant toutes circonstances confondues. L’âge propres accidents
moyen de nos malades est de 9 ans. Ceci est aussi vrai Pacifier la voie publique par la prise de conscience de
pour d’autres pays en voie de développement telle que chacun de nous (parents, conducteurs, pouvoirs pu-
la Côte d’Ivoire où l’âge moyen est de 8 ans et 27 jours blics, etc...) et organiser la réanimation pré-hospitalière
(2). La prédominance masculine retrouvée dans notre par la création des structures essentielles de la chaîne
étude est aussi vraie pour d’autres séries (2, 3). de secours et des soins des accidentés de la voie publi-
La distribution anatomique des lésions diffère peu de que sont non seulement une nécessité, mais une prio-
celle observée par OUATTARA (2) qui met en évidence rité dans nos pays.
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