CH 2
CH 2
CH 2
Mouvement brownien
0. Historique
Définition 1.1. Une famille B = (Bt , t ≥ 0) de variables aléatoires réelles est un mouve-
ment brownien si:
(i) Presque sûrement, la fonction t "→ Bt (ω) est continue sur R+ .
(ii) Pour tout n ≥ 2, et tous 0 =: t0 ≤ t1 ≤ t2 ≤ · · · ≤ tn , les variables aléatoires
Bt1 − Bt0 , Bt2 − Bt1 , · · · , Btn − Btn−1 sont indépendantes.
(iii) Pour tous t ≥ s ≥ 0, Bt − Bs suit la loi gaussienne N (0, σ 2(t − s)).
1
Sauf mention du contraire, on suppose toujours que l’espace est complet, c’est-à-dire que tous les sous-
ensembles d’un ensemble de probabilité nulle sont mesurables.
17
18 Chapitre 2. Mouvement brownien
B0 = 0 p.s., σ = 1.
Durant tout le cours, lorsque l’on parle du mouvement brownien sans autre précision, il
s’agira du mouvement brownien standard.
(b) Pour tout réel T > 0, on appelle un mouvement brownien sur [0, T ] toute famille de
variables aléatoires vérifiant les conditions de la définition 1.1 pour les indices dans [0, T ].
(c) On dira que le mouvement brownien est à accroissements indépendants (propriété
(ii)) et stationnaires (propriété (iii)). !
Preuve. Par définition, Bt1 , Bt2 − Bt1 , · · · , Btn − Btn−1 sont des variables gaussiennes
!
indépendantes. Donc pour tout (b1 , b2 , · · · , bn ) ∈ Rn , nk=1 bk (Btk − Btk−1 ) (avec t0 := 0) est
! !
une variable gaussienne. Il suffit alors de remarquer que nk=1 ak Btk = nk=1 bk (Btk − Btk−1 )
!
si l’on prend bk := nj=k aj , 1 ≤ k ≤ n. !
Théorème 1.3. Soit B un mouvement brownien. Les processus suivants sont aussi des
mouvements browniens.
(i) Xt = −Bt . (symétrie)
1
(ii) a > 0 fixé, Xt = a1/2 Bat . (scaling)
(iii) r > 0 fixé, Xt = Br − Br−t , t ∈ [0, r]. (retournement du temps)
(iv) Xt := t B1/t , t > 0, X0 := 0. (inversion du temps)
Exemple. Soit X = (Xt , t ≥ 0) un processus tel que p.s., la fonction t "→ Xt (ω) est
continue, et que pour tout n et tous 0 ≤ t1 < · · · < tn , les vecteurs aléatoires (Xt1 , · · · , Xtn )
et (Bt1 , · · · , Btn ) ont la même loi. Alors X est un mouvement brownien.
En particulier, si X est un processus gaussien centré de trajectoires2 p.s. continues et de
covariance E(Xt Xs ) = s ∧ t, alors X est un mouvement brownien. (Exercice à domicile.) !
2
Trajectoires = fonctions aléatoires t "→ Xt .
§2 Propriété de Markov 19
On termine ce paragraphe avec un résultat général, dû à Kolmogorov, sur les trajectoires
des processus aléatoires.
E(|Xs − Xt |p ) ≤ C |t − s|1+ε , ∀ s, t ≥ 0.
Alors p.s. les trajectoires sont localement höldériennes d’exposant α, pour tout α ∈ ]0, pε [ :
c’est-à-dire que pour tout T > 0 et tout α ∈ ]0, pε [ , il existe Cα (T, ω) tel que
[Strictement parlant, pour que le résultat du théorème soit valable, il faut éventuellement
“modifier” le processus, c’est-à-dire que pour chaque t ≥ 0, remplacer Xt par une variable
aléatoire qui est p.s. identique à Xt .]
2. Propriété de Markov
Soit (Ω, F , P) un espace de probabilité. Durant toute la section, on suppose que Ft :=
σ(Bs , s ≤ t).
20 Chapitre 2. Mouvement brownien
"t := Bt+s −
Théorème 2.1. (Propriété de Markov simple) Soit s > 0. Le processus (B
Bs , t ≥ 0) est un mouvement brownien, indépendant de Fs .
Soit ε > 0. D’après le théorème précédent, le processus t "→ Bt+s+ε −Bs+ε est indépendant
de Fs+ε , et a fortiori de Fs+ . Donc
% & % &
E 1A F (Bt1 +s+ε − Bs+ε , · · · , Btn +s+ε − Bs+ε ) = P(A) E F (Bt1 , · · · , Btn ) .
Pour tout t > 0, P(τ ≤ t) ≥ P(Bt > 0) = 1/2. Donc P(τ = 0) = limt→0+ P(τ ≤ t) ≥ 1/2.
Par la loi 0–1 de Blumenthal, P(τ = 0) = 1.
Comme −B est un mouvement brownien, on voit que inf{t ≥ 0 : Bt < 0} = 0, p.s.
Donc le mouvement brownien visite R∗+ et R∗− dans chaque voisinage de 0. Par conséquent,
il existe une suite (tn = tn (ω))n≥0 strictement décroissante vers 0 telle que Btn (ω) = 0, ∀ n.
En particulier, inf{t > 0 : Bt = 0} = 0, p.s.
D’autre part, on a vu que P(∀ t > 0, sup0≤s≤t Bs > 0) = 1. Soit x > 0. On a
' ( ' x (
P sup Bs > x = P sup Bs > √ .
0≤s≤t 0≤s≤1 t
En faisant t → +∞, le terme à droite tend vers 1. Donc P(sups≥0 Bs > x) = 1, ∀ x > 0.
Autrement dit, sups≥0 Bs = +∞, p.s. Par symétrie, inf s≥0 Bs = −∞, p.s. En particulier,
cela implique que {t > 0 : Bt = 0} est p.s. non bornée.
Donc, si Ta := inf{t > 0 : Bt = a}, a ∈ R (convention: inf ∅ := ∞), alors P(Ta <
∞, ∀ a ∈ R) = 1. !
La propriété de Markov nous dit que pour tout s, (Bt+s − Bs , t ≥ 0) est un mouvement
brownien, indépendant de Fs . On peut étendre cette propriété pour les temps d’arrêt s. La
preuve consiste à discrétiser le temps d’arrêt et d’utiliser la propriété de Markov simple.
Théorème 2.4. (Propriété de Markov forte) Soit T un temps d’arrêt fini. Le processus
" := (BT +t − BT , t ≥ 0) est un mouvement brownien indépendant de FT .
B
% & ∞
) % & % &
"t1 , · · · , B
E 1A F ( B "tn ) = lim E 1A 1{ k−1 k E F (Bt1 , · · · , Btn )
m→∞ m <T ≤
2 2m}
k=0
% &
= P(A) E F (Bt1 , · · · , Btn ) ,
Exemple 2.5. Soit G := sup{t ≤ 1 : Bt = 0} ; alors G n’est pas un temps d’arrêt car le
mouvement brownien B ne s’annule pas dans un voisinage de droite de G. !
Exemple 2.6. Soit Ta := inf{t > 0 : Bt = a}. Par la propriété de Markov forte, le processus
(Ta , a ≥ 0) est à accroissements indépendants et stationnaires, et à trajectoires croissantes.
De plus, pour tout c > 0, les processus ( c12 Tca , a ≥ 0) et (Ta , a ≥ 0) ont les mêmes lois
fini-dimensionnelles, c’est-à-dire que pour tout k ≥ 1 et tous 0 ≤ a1 < . . . < ak , les vecteurs
aléatoires ( c12 Tca1 , . . . , c12 Tcak ) et (Ta1 , . . . , Tak ) ont la même loi. !
Remarque. L’identité en loi entre St et |Bt | n’est que pour t > 0 fixé. Les processus
(St , t ≥ 0) et (|Bt |, t ≥ 0) ont des comportements tout à fait différents (par exemple, le
premier est monotone, ce qui n’est pas le cas pour le second). Un résultat de P. Lévy dit
néanmoins que (St − Bt , t ≥ 0) et (|Bt |, t ≥ 0) ont la même loi. !
"t−Ta ≤ b − a),
P(St ≥ a, Bt ≤ b) = P(Ta ≤ t, Bt ≤ b) = P(Ta ≤ t, B
D’autre part, −B " est aussi un mouvement brownien indépendant de FTa (a fortiori, indé-
" a la même loi que (Ta , B),
pendant de Ta ), on voit que (Ta , −B) " et donc P{(Ta , B)
" ∈ At } =
" ∈ At }. Autrement dit,
P{(Ta , −B)
ce qui prouve la première équation dans le théorème, car {Bt ≥ 2a − b} ⊂ {Ta ≤ t}.
Pour compléter la preuve du théorème, il suffit de noter que
Exemple 2.8. On s’intéresse à la loi de Ta . D’après le théorème 2.7, pour tout t > 0,
√ ' a2 (
P(Ta ≤ t) = P(St ≥ a) = P(|Bt | ≥ a) = P( t |B1 | ≥ a) = P ≤t .
B12
|a| ' a2 (
fTa (t) = √ exp − 1{t>0} .
2πt3 2t
En particulier, E(Ta ) = ∞ si a ̸
= 0. !
3. Quelques discussions
Soit (Ω, F , (Ft ), P) un espace filtré. On dit que (Bt , t ≥ 0) un (Ft )-mouvement brownien
si
(i) (Bt ) est (Ft )-adapté;
(ii) pour tout s ≥ 0, t "→ Bt+s − Bs est un mouvement brownien indépendant de Fs .
Par exemple, un mouvement brownien standard est un mouvement brownien par rapport à
sa propre filtration Ft := σ(Bs , 0 ≤ s ≤ t).
2 t/2
Exemple 3.2. Soit Ta := inf{t ≥ 0 : Bt = a}. Soit θ > 0. On sait que (eθBt −θ , t ≥ 0)
θBt∧Ta −θ 2 (t∧Ta )/2
est une martingale. Si a > 0, alors θBt∧Ta − θ2 (t ∧ Ta )/2 ≤ θa, donc (e , t ≥ 0)
est une martingale continue bornée. On a, par le théorème d’arrêt,
' θ2
(
1 = E eθa− 2 Ta .
2 T /2
Autrement dit, E[e−θ a
] = e−θa . (En particulier, P(Ta < ∞) = 1.)
2 T /2
En général, pour tout a ∈ R, la transformée de Laplace de Ta est donnée par E[e−θ a
]=
e−θ|a| , θ ≥ 0, ou de façon équivalente :
√
E(e−λTa ) = e−|a| 2λ
, λ ≥ 0.
On vérifie facilement que ceci est en accord avec la densité de Ta dans l’exemple 2.8. !
Comme (Mt∧Ta,b , t ≥ 0) (que l’on écrit de temps en temps M Ta,b ) est une martingale continue
et bornée, le théorème d’arrêt nous dit que
% ' θ2 (&
sh(θa) = E sh(θ(BTa,b + a)) exp − Ta,b
2
% ' θ2 ( &
= sh(θ(a + b))E exp − Tb 1{Tb <T−a } .
2
Donc
% ' θ2 ( & sh(θa)
(3.1) E exp − Tb 1{Tb <T−a } = .
2 sh(θ(a + b))
Donc
% 2 & % ' θ2 ( & % ' θ2 ( &
E e−θ Ta,b /2 = E exp − Tb 1{Tb <T−a } + E exp − T−a 1{Tb >T−a }
2 2
sh(θa) + sh(θb)
=
sh(θ(a + b))
ch( θ(a−b)
2
)
= ,
ch( θ(a+b)
2
)
alors
% & ch( a−b √2λ )
−λTa,b 2
E e = a+b
√ , λ ≥ 0.
ch( 2 2λ )
On peut aussi faire θ → 0 dans (3.1) et (3.2) pour voir que
a b
P(Tb < T−a ) = , P(Tb > T−a ) = .
a+b a+b
Ceci nous donne par exemple la loi de sup0≤t≤T−1 Bt : pour tout x > 0,
' ( 1
P sup Bt ≥ x = P(Tx < T−1 ) = .
0≤t≤T−1 1+x
1−U
(Autrement dit, sup0≤t≤T−1 Bt a la même loi que U
, où U est uniformément distribuée sur
]0, 1[ .)
Un cas spécial est a = b. Soit Ta∗ := inf{t ≥ 0 : |Bt | = a}. Alors
% 2 ∗ & 1
E e−θ Ta /2 = . ⊓
0
ch(θa)
∂u 1 ∂2u
= .
∂t 2 ∂x2
[Preuve : Voir TD.]