9782130477525 (1)

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 24

Retrouver ce titre sur Numilog.

com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

QUE S AI S - J E ?

Le droit pénal
des affaires
FRÉDÉRIC-JÉRÔME PANSIER
Docteur d'État en Droit,
Docteur ès Lettres
Magistrat

Deuxième édition mise à jour


8e mille
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Abréviations :

C. civ. C o d e civil
C. cons. C o d e de la c o n s o m m a t i o n
CD C o d e des d o u a n e s
CDB C o d e des débits de b o i s s o n s
CEDH C o u r e u r o p é e n n e des d r o i t s de l ' h o m m e
CEE C o m m u n a u t é économique européenne
CGI C o d e g é n é r a l des i m p ô t s
CJCE C o u r de justice des c o m m u n a u t é s e u r o p é e n n e s
COB C o m m i s s i o n des o p é r a t i o n s de b o u r s e
CP Code pénal
CPI C o d e de la p r o p r i é t é intellectuelle
CPP C o d e de p r o c é d u r e pénale
CT C o d e d u travail
C. urb. C o d e de l ' u r b a n i s m e
D. Décret
e.g. par exemple
i.e. c'est-à-dire
L. Loi
LPF Livre des p r o c é d u r e s fiscales

ISBN 2 13 0 4 7 7 5 2 6

D é p ô t légal — 1 é d i t i o n : 1992
2 é d i t i o n m i s e à j o u r : 1996. m a l
© P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s d e F r a n c e , 1992
108, b o u l e v a r d S a i n t - G e r m a i n . 7 5 0 0 6 P a r i s
Retrouver ce titre sur Numilog.com

INTRODUCTION

1. — Définition du droit pénal des affaires

Depuis l'aube du XIX siècle, les affaires sont selon


l'aphorisme de Dumas fils « l'argent des autres ». Aussi
il était inévitable que le droit pénal s'introduise dans la
matière afin que l'utilisation de cet argent soit
conforme aux régles de la vie commerciale ou tout au
moins respecte la norme juridique. Inutile d'évoquer
ici la morale : les affaires et la morale font trop mau-
vais ménage pour que l'on puisse songer à une union,
même sous le régime de la séparation de biens.
La notion d'affaires est fort vague : il s'agit davan-
tage de l'occupation d'un monde du même nom, sans
que le juriste puisse éclairer ses contours par un critère
juridique précis. Au temps du Roi Soleil, la chaise d'af-
faires était la chaise percée et le brevet d'affaires le pri-
vilège de pénétrer dans le lieu où le roi était assis sur
une telle commodité. Aujourd'hui, le droit des affaires,
loin de toute référence historique au droit romain ou
aux mœurs du XVIII siècle, comprend l'ensemble du
droit commercial, fondé sur les notions classiques
d'acte de commerce et de commerçant, mais aussi cer-
taines parties de droits spécialisés (droit civil, droit du
travail, droit fiscal, droit de l'environnement...).
A l'instar de Mme le P M. Delmas-Marty, nous res-
terons sur cette approximation de la notion « d'affaires »
afin de nous attacher à définir le droit pénal des affaires.
Les critères individuels classiques ont échoué. La
référence juridique du Code de procédure pénale éta-
blit une liste des infractions à la fois trop étroite (car
Retrouver ce titre sur Numilog.com

oubliant des pans entiers de la matière) et trop large


(car incluant des infractions de droit pénal spécial non
spécifiques).
La criminologie considère la complexité de l'infrac-
tion comme une caractéristique essentielle du droit des
affaires : cette constatation pratique justifie la création
de sections économiques ou financières du parquet ou
de chambres spécialisées dans les tribunaux ; elle est,
en revanche, trop vague pour définir le territoire d'une
science même humaine.
Cet échec d'un critère unique conduit à proposer un
double critère : « D'une part, les atteintes à l'ordre
financier, économique, social, et à la qualité de la vie ;
d'autre part, les atteintes à la propriété, foi publique et
intégrité physique des personnes lorsque l'auteur a agi
dans le cadre d'une entreprise, soit pour le compte de
celle-ci, soit pour son propre compte si le mécanisme
de l'infraction est lié à l'existence de pouvoirs de déci-
sion essentiels à la vie de l'entreprise» (M. Delmas-
Marty, Traité, I, p. 8).
Cette notion est donc distincte, à la fois : du droit
pénal financier dont l'objet est la protection des res-
sources pécuniaires de victimes privées (e.g. la protec-
tion des louis d'or des victimes d'une escroquerie) ou
publiques (e.g. la protection des ressources étatiques
réduites par la fraude fiscale), et du droit pénal écono-
mique dont l'objet est la protection de l'ensemble des
entités régissant la production, la circulation, la distri-
bution et la consommation de richesses, dans un État
donné à un moment donné.

II. — Spécificité de la responsabilité pénale


La responsabilité en droit pénal des affaires présente
un certain nombre de particularités.
Dans la théorie du droit pénal général, seul l'agent
ayant concouru à la réalisation de l'infraction par son
Retrouver ce titre sur Numilog.com

action personnelle doit être poursuivi. Ce même prin-


cipe de participation prévaut en droit pénal des affaires
sous réserve d'exceptions multiples : en droit des socié-
tés, la répression cumulative du dirigeant de droit et
du ou des dirigeants de fait ; la définition du receleur
particulière au droit fiscal ou au droit de l'environne-
ment... L'entreprise étant une société structurée, quel-
ques textes épars et la jurisprudence ont admis la res-
ponsabilité du décideur effectif, comme par exemple en
droit du travail : en matière d'hygiène et de sécurité, et
plus particulièrement lorsqu'un accident survient,
seule la personne titulaire d'un pouvoir de délégation
est susceptible d'être poursuivie. Ce peut être le prési-
dent-directeur général, dit « PDG », le directeur des res-
sources humaines, le directeur technique ou le contre-
maître en charge des travaux. L'entreprise étant
quelquefois la destinataire finale des profits tirés d'in-
fractions, des textes spécifiques – en droit économique,
en droit fiscal et en droit du travail – ont pu prévoir
des sanctions suggérant une responsabilité quasi
pénale de la personne morale ou physique constituant
l'entreprise : il paraît logique de sanctionner le véri-
table bénéficiaire de l'infraction, de punir celui à qui le
délit profite. Le Nouveau Code pénal, adopté le
22 juillet 1992 et entré en vigueur le 1 mars 1994, a
pris en compte cette nécessité : l'une des innovations
essentielles de ce texte est à coup sûr la responsabilité
pénale des personnes morales, même si la pratique
demeure timide face à cette création.
Pour les mêmes raisons, le législateur a créé une
véritable responsabilité civile pour autrui : en d'autres
termes, il permet de faire supporter la charge définitive
des conséquences pécuniaires de la sanction à un autre
que le délinquant. C'est la trésorerie de la société qui
réglera les amendes infligées du fait que les ouvriers ne
portaient pas leur casque sur le chantier visité par
l'inspecteur du travail.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Quant aux personnes physiques, il existe aussi une


responsabilité pénale pour autrui : il en est ainsi pour
l'hôtelier ayant facilité le commerce des proxénètes
(art. 225-10 2° du Code pénal), l'employeur dont le pré-
posé, par exemple le salarié utilisé comme chauffeur rou-
tier, a commis des délits de circulation routière (art.
L. 21 du Code de la route), ou des infractions au code du
travail (art. L. 260-1 du Code du travail). De plus, une
solidarité entre dirigeant reconnu coupable et personna-
lité morale fut instituée en matière de délits de presse, de
démarchage ou de vente à domicile, de relations finan-
cières avec l'étranger ou en matière économique.

III. — Spécificité de la procédure


Selon l'article I du Code de procédure pénale,
«l'action publique pour l'application des peines est
mise en mouvement par les magistrats ou par les fonc-
tionnaires auxquels elle est conférée par la loi». Or
justement, ces fonctionnaires appartiennent à l'admi-
nistration fiscale ou douanière qui, outre son droit
légitime de se constituer partie civile - i.e. de réclamer
une indemnisation financière pour compenser le préju-
dice causé à l'État - a trois modes d'action :
• Soit elle se substitue au parquet en matière de
contributions indirectes lorsque la peine encourue est
seulement pécuniaire (pour le droit fiscal : art. L. 235
et 237 du Livre des procédures fiscales) ou de contra-
ventions passibles d'amendes ou de confiscations (pour
le droit douanier : art. 343 et 356 du Code des
douanes) : il n'y alors qu'une seule poursuite, celle de
l'une de ces administrations, et si, par exemple, les
Douanes parviennent à une transaction avec le frau-
deur qui a importé des montres sans déclaration préa-
lable, le procès est terminé et le procureur ne peut
reprendre la répression à son compte. Certains magis-
trats éprouvent parfois quelque gêne à appliquer cette
Retrouver ce titre sur Numilog.com

règle, donc à ne pas réprimer le fraudeur qui a pu par-


venir à un accord avec l'administration. Le tribunal de
Bobigny dut ainsi se résigner à ne pas appliquer de
peine à une trafiquante d'émeraudes, interpellée à
Roissy en provenance du Brésil, et pour laquelle une
transaction avait eu lieu avec l'administration des
Douanes. Ses commanditaires avaient payé rubis,
quoiqu'il s'agisse d'émeraudes en l'espèce, sur l'ongle...
• Soit l'intervention de l'administration s'addi-
tionne à l'action publique du procureur de la Répu-
blique : cela est possible en matière de contributions
indirectes lorsqu'un emprisonnement est prévu en
répression, et pour les délits douaniers ou forestiers. Il
y a alors double poursuite, celle de l'administration en
cause et celle du procureur au nom de la société.
• Outre ce droit à exercice de l'action publique,
l'administration bénéficie du droit de porter plainte, et
par là même de décider de la poursuite en contraignant
le parquet à citer. La plainte préalable de l'administra-
tion est exigée dans des domaines particuliers : atteinte
au crédit de la Nation, infractions à la législation sur la
Sécurité sociale, sur le contrôle des changes, sur les
relations financières avec l'étranger et, en droit fiscal,
pour les impôts directs et assimilés.
Il ne faudrait oublier en aucun cas ce que la doctrine
moderne regroupe sous l'intitulé de « autorités admi-
nistratives indépendantes » ou « AAI » : ce sont des
commissions composées de fonctionnaires, donc admi-
nistratives par nature, mais nommées par des autorités
non hiérarchiques (le Président de la République, du
Sénat, de l'Assemblée nationale...). Leur avis condi-
tionne parfois la possibilité d'une plainte : c'est le cas
de la commission consultative en matière d'usure, de la
commission des clauses abusives, du conseil de la
concurrence et de la commission des opérations de
bourse, la « COB » pour les intimes.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

IV. — Spécificité de la sanction

La première spécificité tient à la coexistence de sanc-


tions répressives pénales - i.e. dont l'objectif est la
souffrance («peine» de prison, travail d'intérêt géné-
ral, etc.) ou la diminution du patrimoine (amende)
infligée au délinquant - et extra-pénales, comme : la
mesure restitutive de la remise en état, les sanctions
pécuniaires prononcées par une autorité administra-
tive (e.g. le Conseil de la concurrence punit ainsi ceux
qui ne respectent pas les règles et constituent des
ententes interdites), les privations de droits,
déchéances ou suppressions d'avantages, les mesures
tendant à faire cesser l'activité délictueuse ou à rétablir
la situation en conformité avec la réglementation en
cause, et enfin les sanctions civiles.

La seconde spécificité résulte du cumul des sanc-


tions : la séparation, en droit français, des ordres admi-
nistratif et judiciaire induit le cumul des sanctions
pénales et administratives. Ainsi, celui qui emploie un
salarié en situation irrégulière en France subira, de la
part d'une juridiction judiciaire répressive (le tribunal
correctionnel puis éventuellement la Cour d'appel) une
peine pour deux délits – travail clandestin et aide à
séjour irrégulier -, mais il subira encore une forte
amende à titre de sanction (30 000 F environ par tra-
vailleur) de la part de l'Office national d'immigration
dit « ONI ».
En droit communautaire, l'article 87 du Traité de
la Communauté européenne, dite « CE » attribue com-
pétence au Conseil statuant à l'unanimité pour
prendre règlements et directives afin d'assurer l'appli-
cation des règles de concurrence. L'admission par la
Cour de justice des communautés européennes (dite
« CJCE ») de l'incrimination cumulative, communau-
taire et nationale, entraîne le cumul des sanctions :
Retrouver ce titre sur Numilog.com

une même personne pourra être sanctionnée pénale-


ment par les juridictions répressives nationales, puis,
pour le même fait, par la CJCE en raison de la viola-
tion d'un règlement de la CE.

Les possibilités de classification en droit pénal des


affaires ne manquent pas.
Dans un premier temps, le juriste serait tenté d'op-
poser les infractions constitutives d'un droit pénal de
protection des victimes privées – il s'agit d'indemniser
ceux qui ont été victimes d'une infraction et d'empê-
cher le renouvellement des délits – et celles relevant
d'un droit pénal de direction ayant pour objectif
l'ordre financier économique ou social défini par la
politique de l'État. Cette démarche n'était pas pure-
ment pédagogique, puisque le droit pénal de protec-
tion exige le respect rigoureux des trois éléments de
l'infraction punissable : l'élément légal – i.e. que l'acte
commis soit prévu et réprimé par un texte de loi -,
l'élément matériel – i.e. la définition préalable des
actes répréhensibles - et l'élément moral - i.e. la cons-
tatation de l'intention coupable de l'auteur. Le droit
pénal de direction est avant tout perspective écono-
mique, ce qui se traduit par quelques aménagements
au droit pénal général classique : ainsi, à l'encontre de
la présomption française d'innocence, l'article 329 du
Code des douanes a longtemps présumé de façon quasi
irréfragable la culpabilité du prévenu.
Toutefois la frontière entre ces deux pans du droit
pénal des affaires est floue et l'étude selon un tel chemi-
nement est à l'expérience difficile.
Nous nous proposons de traiter en trois parties l'en-
semble des infractions qui nous semblent être les plus
démonstratives de la spécificité du droit pénal des
affaires.
Nous envisagerons, en premier lieu, le droit pénal
commun applicable aux affaires, i.e. les infractions de
Retrouver ce titre sur Numilog.com

droit pénal spécial prenant une coloration particulière


en ce domaine (ce que le P Wilfrid Jeandidier
dénomme «le droit pénal des affaires en surimpres-
sion »), puis le droit spécifique aux sociétés, et enfin le
droit pénal des entreprises.
Au préalable, nous souhaiterions souligner la pre-
mière gageure que constitue la présentation synthétique
d'une matière aussi vaste dans un cadre aussi limité, ce
qui ne satisfera ni les spécialistes et ni les praticiens.
Le second pari est de s'écarter parfois de la langue
précise du juriste, qui regorge de termes techniques,
afin de rendre accessible à tous, parfois au prix d'une
dérive du sens, le droit pénal des affaires.
Nous disons « parfois », car nous avons essayé de pri-
vilégier le recours à la définition de ces termes, précédée
de l'expression « i.e. » soit « id est » ou « c'est-à-dire ».
La compréhension de toute règle ne provient pas de la
répétition inlassable de la même idée, mais procède soit
de sa reformulation avec d'autres mots, soit du choix
d'un ou deux exemples : de l'illustration du propos naît
quelquefois la lumière. Pour cela, nous avons privilégié
des exemples puisés dans la jurisprudence : nous nous
sommes cependant abstenu de citer les références,
comme il est d'usage dans les traités de droit – elles
alourdiraient notre propos et n'intéresseraient que les
experts. Chaque exemple court est précédé de l'expres-
sion « e.g. », « exempli gratia » ( « par exemple » ).
Retrouver ce titre sur Numilog.com

PREMIÈRE PARTIE

LE DROIT PÉNAL
COMMUN
APPLICABLE
AUX AFFAIRES

Dans cette première partie, il s'agit de présenter des


infractions qui ne sont pas particulières au droit pénal
des affaires, mais que la vie des affaires colore de tona-
lités spécifiques, au point de les rendre méconnaissa-
bles pour le « pénaliste classique ». Il s'agit d'un droit
pénal commun dans la mesure où il est partagé entre le
droit pénal dit spécial, i.e. l'étude théorique et juris-
prudentielle des éléments constitutifs de toutes les
infractions, et le droit pénal des affaires, variation
adaptée au monde du commerce d'un droit classique
du XIX siècle.
Le droit pénal commun, en l'attente du dernier livre
en cours de notre Code pénal, se situe soit au sein
même du Code pénal nouveau, soit dispersé parmi des
lois éparses non intégrées audit Code.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

tion du 16 octobre 1991) distingue bien ces deux


hypothèses.
1. D'une part, les ventes de marchandises sous forme
de véritables soldes – i.e. écouler le stock d'invendus
de la saison en cours – ne sont pas soumises à une
autorisation quelconque. Cependant, elles ne peuvent
avoir lieu plus de deux fois par an et, à chaque fois
pour une durée inférieure à deux mois. Les débuts de
chaque période sont fixés par le préfet, après consulta-
tion des chambres de commerce et artisanales et des
organisation professionnelles concernées.
Les mots «solde» «soldes» (art. 1, D. 1991) ou de
tout dérivé est juridiquement protégé : son emploi est
interdit dans toute publicité enseigne, dénomination
sociale ou nom commercial pour désigner une activité
non conforme à la stricte définition de la loi (art. 1 bis,
L. 1991). Cette réglementation prohibe donc l'usage de
ce terme aux boutiques spécialisées dans la vente d'ar-
ticles non commercialisables dans les circuits normaux
de distribution.
Les marchandises soldées doivent être neuves et en
stock depuis au moins trente jours, qu'elles soient
défraîchies, dépareillées ou des fins de séries. La preuve
du rabais résulte de l'obligation du « double étique-
tage », i.e. de la mention du prix du produit soldé et du
prix de référence conçu comme le prix le plus bas pra-
tiqué au cours des trente derniers jours ; sauf lorsque la
réduction consentie est du même pourcentage sur tout
le magasin, alors la mention générale de ce nombre
suffit: 30%, 40% voire 50 %). La fraude classique de
la majoration artificielle avant application du pourcen-
tage de réduction demeure possible... en fonction de la
vigilance des agents de contrôle. Toute publicité doit
indiquer les quantités des articles soldés.
2. D'autre part, les autres « soldes » non officielles
supposent une autorisation du maire de la ville sous
peine de confiscation de la marchandise et d'une
Retrouver ce titre sur Numilog.com

amende de 25 000 F. Trois types de ventes sont


visées :
• Les liquidations : vente du stock en raison de la ces-
sation d'activité du commerçant ou de la modifica-
tion d'aménagement du local, caractérisées par la
mention «Tout doit disparaître avant le... » ;
• Les ventes au déballage : vente à l'occasion de jour-
nées commerciales organisées localement de biens
démodés, défraîchis, dépareillés ou défectueux par
leur mise en dehors de la boutique, souvent sur le
trottoir ;
• Les ventes exceptionnelles : soldes non saisonnières
de biens limités, autorisées en raison de difficultés de
trésorerie d'une boutique.
Enfin, ne sont pas soumis à autorisation les profes-
sionnels du prix réduit, puisant leur stock parmi les
lots, fins de séries, produits de faillite... ou de produits
spécialement confectionnés dans des pays d'Extrême-
Orient. La multiplication des entreprises de ce type a
induit cette réorientation vers le bon marché fabriqué.
G) La vente à perte est le fait pour un commerçant
de revendre un produit en l'état à un prix inférieur à
son prix d'achat effectif (soit le prix d'achat avec les
taxes et charges afférentes). Elle est sanctionnée à l'ar-
ticle 32 de l'ordonnance du 1 décembre 1986.
H) Les ventes directes sont pratiquées par les fabri-
cants qui offrent leurs produits directement au consom-
mateur (art. 39 L. 27 décembre 1973 et art. L. 121-34
C. cons.).
Sauf autorisation du maire pour l'écoulement accé-
léré de stocks par un commerçant, elles sont interdites
et punies d'une amende de 3 000 F ; même sanction
pour les ventes liées ou jumelées, i.e. le fait de subor-
donner la vente à l'achat concomitant d'autres pro-
duits ou à l'achat d'une quantité imposée, dite vente
Retrouver ce titre sur Numilog.com

par lots. La vente subordonnée (à une quantité ou à


un lot) est prévue et punie par l'article L. 122-1
C. cons. : elle est licite si le client peut choisir entre le
lot et le produit isolé, et elle est tolérée lorsque le lot
n'excède pas les besoins d'un consommateur isolé
(cf. les yaourts en grande surface).
I) Le téléachat. — La loi du 6 janvier 1988 a régle-
menté le téléachat, i.e. offre de vente par l'intermé-
diaire de la télévision, en imposant un délai de
réflexion de sept jours, le changement ou le rembourse-
ment de tout produit retourné par l'acheteur sous
peine d'une contravention de cinquième classe.

4. Les tromperies et falsifications. — La loi ancienne


du 1 août 1905, reprise à l'article L. 213-1 et s.
C. cons., punit d'un emprisonnement de deux ans
et/ou une amende de 250 000 F, la publication et l'affi-
chage, le délit de tromperie.
C'est le fait d'induire en erreur un cocontractant soit
sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substan-
tielles, la composition ou la teneur de toutes marchan-
dises, soit encore sur la quantité ou l'identité des
choses livrées, soit enfin sur l'aptitude à l'emploi, les
risques liés à l'utilisation des produits, les contrôles
effectués, les modes d'emploi et précautions à prendre
(art. L. 213-1 C. cons.).
Encore aussi, sous la même répression, la falsifica-
tion : c'est la création d'un produit qui peut être une
fausse denrée, destinée à l'alimentation des hommes ou
animaux, d'un médicament, d'une boisson ou d'un
produit agricole ou naturel, soit par addition (mélange
de deux vins, du Bordeaux et du costières du Gard,
vendu comme « Bordeaux supérieur»), soit encore par
soustraction (écrémage du lait, puis vente du produit
comme « lait entier ») soit enfin par fabrication à partir
d'un mélange de produits (art. L. 213-3 C. cons.).
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Chapitre III

LA MORT
DE L'ENTREPRISE

La grande loi du 13 juillet 1967 a vécu et, comme


dans d'autres domaines du droit pénal des affaires,
l'impératif de dépénalisation a privilégié le règlement
négocié des choses du commerce.
Les lois du 1er mars 1984, relative à la prévention
et au règlement amiable des difficultés des entreprises,
et du 25 janvier 1985 règlent la mort de l'entreprise :
celle-ci bénéficiera d'un règlement amiable ou d'un
redressement judiciaire quand la mort n'est pas une
fin et que la procédure vise un coma contrôlé en
chambre de réanimation, et, quand l'issue est fatale,
en liquidation.
Adieu donc le banc d'infamie pour le commerçant qui est
tombé et a failli (double origine du mot faillite : le latin fallere :
tromper et l'anglais to fall : tomber) à la confiance de ses créan-
ciers. Adieu aussi la rupture symbolique, dans les cités commer-
çantes de l'Italie du Nord au Moyen Age, du comptoir du bouti-
quier qui a failli : le banco rotto, cette rupture du banc, n'est
aujourd'hui que l'infraction pénale de banqueroute, seul vestige
de l'opprobre attachée jadis au commerçant qui avait manqué à
la confiance de ses pairs.

I. — La banqueroute
Les articles 196 et suivants de la loi du 25 janvier 1985
sanctionnent la banqueroute - puisque la distinction
entre banqueroute simple et frauduleuse fut supprimée
Retrouver ce titre sur Numilog.com

par ce même texte – de cinq ans d'emprisonnement,


et/ou d'une amende de 500 000 F, de la privation des
droits civils civiques et de famille, de la faillite person-
nelle dans les cas les plus graves ou de l'interdiction de
diriger, gérer, administrer ou contrôler. La peine est
aggravée pour les agents de sociétés de bourse jusqu'à
sept ans de prison et 700 000 F d'amende.
Si la peine est du domaine du Code pénal, l'incrimi-
nation est enfermée dans les articles 196 et suivants de
la loi de 1985, qui n'a conservé que quatre cas de ban-
queroute sur la quinzaine existant auparavant. La loi
de 1994 a réintroduit un cinquième cas. Nous les pré-
senterons selon quatre axes principaux, après avoir
souligné que peut être poursuivi tout commerçant ou
artisan, tous ceux qui ont «directement ou indirecte-
ment, en droit ou en fait, dirigé ou liquidé une per-
sonne morale de droit privé ayant une activité écono-
mique ». Une autre condition est l'ouverture préalable
d'une procédure de redressement judiciaire ou de liqui-
dation judiciaire, i.e. la cessation des paiements judi-
ciairement établie (art. 197 L. 1985).

1. L'emploi de moyens ruineux. — Il recouvre en fait,


dans l'objectif d'éviter ou de retarder l'ouverture de la
procédure de redressement judiciaire, en d'autres termes
de prolonger artificiellement la vie des entreprises, deux
situations distinctes : soit faire des achats en vue d'une
revente en dessous des cours, soit employer des moyens
ruineux pour se procurer des fonds.
Le moyen ruineux le plus fréquent en jurisprudence est l'ob-
tention de crédits bancaires à un taux trop élevé. Les juges doivent
apprécier sur le fondement de critères économiques et des prati-
ques de la vie des affaires, quand l'emprunt, mode de finance-
ment régulier de l'entreprise, devient un délit en raison du taux
d'intérêt ou des agios trop élevés, de l'importance du découvert
ou du crédit, d'escomptes anticipés ou d'effets de complaisance...
par rapport à l'entreprise concernée. Cette appréciation in
concreto délicate justifie la spécialisation des juges.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

2. Le détournement ou la dissipation d'actif. — C'est


le second, en volume statistique, des cas de banque-
route : le détournement est l'usage d'un bien contraire
à l'intérêt de l'entreprise – e.g. le fait que le compte
courant d'un associé soit débiteur, des retraits d'es-
pèces ou des emprunts de matériel ni justifiés par des
documents, ni comptabilisés -, tandis que la dissipa-
tion est l'impossibilité de restituer un objet.

3. L'augmentation frauduleuse du passif. — Il


consiste dans la reconnaissance d'une dette fictive, soit
dans les écritures comptables, soit par acte public ou
engagement sous seing privé, soit au bilan, ayant pour
effet, non plus de diminuer l'actif de l'entreprise, mais
d'augmenter son passif.

4. Les délits comptables. — Ils résultent :


— d'une part, de l'absence d'une comptabilité, par-
tiellement ou entièrement, conforme aux lois, aux
règlements et usages du commerce, et à la régle-
mentation en vigueur (la loi du 10 juin 1994 a réin-
troduit l'hypothèse d'une comptabilité manifeste-
ment incomplète ou irrégulière, cas de banqueroute
supprimé en 1985) ;
— d'autre part, de la soustraction de comptabilité,
i.e. lorsque le chef d'entreprise a constitué des
documents comptables mais les a enlevés du
contrôle du syndic.
Le premier cas se rencontre de façon courante lorsque les
petits commerçants ou artisans en situation délicate mettent la
clé sous la porte et partent sans laisser d'adresse. L'administra-
teur judiciaire, dans l'impossibilité d'entrer en contact avec le
failli, demandera dans son rapport obligatoire que des poursuites
soient engagées pour non-tenue ou disparition de la comptabi-
lité. Remarquons que, depuis 1985, la banqueroute est désormais
non intentionnelle, les agissements n'étant plus qualifiés de frau-
duleux par la loi. Souvent une procédure par défaut est enta-
mée... dans le but, du fait de la peine d'emprisonnement ferme
Retrouver ce titre sur Numilog.com

prononcée par le tribunal correctionnel de retrouver le commer-


çant indélicat lors de l'exécution de cette décision. Dans le cadre
d'une politique pénale judiciaire en droit des affaires, la détermi-
nation de la peine peut s'établir sur la base d'un mois d'empri-
sonnement par 100000 F de passif non privilégié, i.e. ayant
causé un préjudice à des non-institutionnels.
Les personnes morales connaissent une responsabi-
lité sanctionnée en tant que complices de la banque-
route (art. 198 et 199 L. 1985).

II. — Les infractions


contribuant à l'insolvabilité

Le débiteur, tant commerçant, artisan, dirigeant de


droit ou de fait d'une personne morale, qui :
• soit pendant la période d'observation, a consenti
une sûreté réelle (hypothèque ou nantissement) ou a
disposé d'un bien ou a payé une dette antérieure ;
• soit, pendant la période d'exécution du plan, a effec-
tué un paiement non conforme audit plan est puni
de deux ans d'emprisonnement et/ou d'une amende
de 200 000 F (art. 203 L. 1985).
L'insolvabilité suppose parfois la participation de tiers étran-
gers à l'entreprise pour soustraire de l'actif social, pour receler ou
dissimuler des biens meubles et immeubles et ainsi les ôter de la
mainmise des créanciers (art. 204 1° L. 1985). Ils peuvent aussi
faire état de créances fictives, de connivence avec le commerçant
failli (délit dit de « supposition de créances » : art. 204 2° L. 1985).
Ces deux faits, détournement ou dissimulation des biens ou reven-
dication d'une créance fictive, sont incriminés spécifiquement
comme délit d'interposition de personnes lorsque le tiers l'a fait
sous le nom d'autrui ou sous un nom inventé (art. 204 3° L. 1985).
Les tiers peuvent être des conjoints ou des parents du débiteur, des
fonctionnaires de justice: administrateurs représentant les créan-
ciers, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan (art. 207
L. 1985). Les créanciers sont pareillement sanctionnés s'ils ont
«passé une convention comportant un avantage particulier à la
charge du débiteur » (art. 208 L. 1985).
Retrouver ce titre sur Numilog.com

CONCLUSION

Le droit pénal des affaires français couvre un vaste


domaine : il ne peut rester insensible à l'Europe, alors
même que l'objet de la CE est de favoriser le commerce
à l'intérieur du territoire unique constitué des états
membres. Maintenant que la Cour de cassation et le
Conseil d'état ont admis la supériorité de la norme
européenne sur la loi française, même postérieure, il
convient d'être attentif aux règlements, directement
applicables, et aux directives, que chaque État doit
faire entrer dans son ensemble normatif sous peine de
manquement.
Il est une seconde Europe à considérer, celle de la
fraude communautaire aux subventions et impositions,
qui envenime la vie des affaires transnationales remet-
tant en cause les principes fondamentaux de la CEE :
une totale liberté des produits et services n'est écono-
miquement profitable que si chaque pays de la com-
munauté veille à ce que ses frontières soient étanches,
qu'aucun de ses ressortissants ne triche en recevant
indûment une aide ou en évitant une taxe. La Commis-
sion de la Communauté impulse une réaction éner-
gique à cette perversion et il est juste d'être impi-
toyable avec les tricheurs, même si, comme en France,
il n'est pas de répression spécifique en ce domaine.
Une troisième Europe : chacun doit penser à la Cour
européenne des droits de l'homme de Strasbourg et au
projet qui permettrait à tout prévenu d'invoquer
devant ses juges l'inconstitutionnalité de la loi qui lui
est appliquée – le droit pénal des affaires, par des ren-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

vois successifs ou en raison d'une qualité insuffisante


des textes, renferme trop d'incriminations dont le flou,
préjudiciable à la liberté et irrespectueux des principes
généraux de notre droit pénal, n'est en rien artistique.
Assez de regrets ! Une constatation positive s'im-
pose : le droit pénal des affaires, outre une rigueur de
chaque moment, suppose une politique pénale préalable
du législateur, lors de l'élaboration des textes afin d'as-
surer la cohésion de la répression. Il paraît impossible
de réformer, e.g. la vente à perte, s'il n'y a pas une
appréhension globale de la situation commerciale, une
réflexion sur la frontière entre la déontologie des
affaires et l'intervention du droit pénal. Parce que cela
forme un tout. Lorsque le législateur s'est attaqué à la
«grande» ordonnance du 30 juin 1945 sur les prix, ce
fut au terme de la production d'une ordonnance de
même envergure, celle du 1 décembre 1986.
La même globalité de l'approche vaut pour les juri-
dictions chargées d'appliquer le droit. Chaque juridic-
tion ou chambre spécialisée se doit de réfléchir à un
tableau de principes de sentencing, i.e. de détermination
de la peine selon des critères paramétrés organisés en
modèle. Cette rationalisation des sanctions en fonction
d'un modèle mathématique paramétré, construit à par-
tir de l'observation de données antérieures, a pour
objectif une politique pénale cohérente et préalable. Ce
mot savant pour dire que toute juridiction doit réfléchir
sur savoir que sanctionner et dans quelle proportion en
fonction des buts fixés, définis avant la sanction, le tout
avec la volonté de se donner les moyens d'y parvenir.
Un peu à la manière des Guidelines élaborés par la
Commission fédérale de sentencing aux États-Unis.
Sans perdre de vue que le modèle n'est pas la réalité,
mais une tentative de construction d'une explication
théorique de celle-ci.
Notre dernier mot sera pour constater que l'examen
du droit pénal des affaires révèle, comme en droit du
Retrouver ce titre sur Numilog.com

travail, une constante : la répression de l'oralité, définie


comme tout geste ou discours d'un locuteur, sour-
noise, i.e. commise en dehors de la présence du coé-
nonciateur (ici les autres participants à la vie des
affaires). Alors que l'outrage, pour prendre cet exemple
parmi le droit pénal spécial étranger à notre domaine
des affaires, est une forme agressive d'oralité - puisque
les injures sont exprimées en présence et direction de la
personne outragée.
Cette oralité sournoise est difficile à cerner, d'où l'in-
satisfaction de l'exégète face à certaines incriminations
peu compatibles avec les nécessités d'un procès
moderne et d'une vie des affaires qui, par nature, est
constamment en mouvement. Et pourtant, elle
tourne...
Retrouver ce titre sur Numilog.com

BIBLIOGRAPHIE

J. Azema, La dépénalisation du droit de la concurrence. RSC, 1989,


p. 651.
Le droit français de la concurrence, PUF, « Thémis », 2 éd., 1989.
M. Cabrillac et C. Mouly, Droit pénal de la banque et du crédit, Masson,
1982.
J. Calais-Auloy et J.-M. Mousseron, Les biens de l'entreprise, LITEC,
1977.
J. Cosson, Les industriels de la fraude fiscale. Seuil, 1971.
M. Delmas-Marty, Les sociétés de construction devant la loi pénale, LGDJ,
1971.
Droit pénal des affaires, 2 t., PUF, 3 éd. refondue, 1990.
M. Delmas-Marty et Tiedeman, La criminalité, le droit pénal et les mul-
tinationales, J C P , 1979, I, 2935.
J. Derrida, La dépénalisation dans la loi du 25 janvier 1985 relative au
redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, RSC, 1989,
p. 658.
C. Ducouloux-Favard, Droit pénal des affaires, Masson, 2' éd., 1993.
P. Dupont-Delestraint, Droit pénal des affaires, Manuel Dalloz de droit
usuel, 1974.
Gauthier et Lauret, Droit pénal des affaires, Economica, 1986.
G. Giudicelli-Delage, Droit pénal des affaires, Memento Dalloz, 1994.
W. Jeandidier, Les truquages et usages frauduleux des cartes magnéti-
ques, JCP, 1986, I, 3229.
Droit pénal des affaires, Précis Dalloz, 2 éd., 1996.
J. Larguier, Droit pénal des affaires. Armand Colin, 8 éd., 1992.
J. Pannier, Douanes et changes, jurisprudence française 1959-1990, LITEC,
1990.
F.-J. Pansier, La peine et le droit, PUF. coll. « Que sais-je? », n° 2377,
1994.
Patin, Caujolle, Aydalot et Robert, Droit pénal des affaires, 5 éd.
refondue, 1977.
J. Pradel, Le Nouveau Code pénal, Dalloz, coll. « Dalloz-Service », 1995.
M.-L. Rassat, Les infractions contre les biens et les personnes dans le Nou-
veau Code pénal, Dalloz, 1995.
M. Véron, Droit pénal des affaires, Masson. 1992

Vous aimerez peut-être aussi