Rapport Objets Connectés (2) Et Big Data

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Big data et objets

connectés
Faire de la France un champion
de la révolution numérique  

R A P P O R T AV R I L 2 015
L’Institut Montaigne est un laboratoire d’idées - think tank -
créé fin 2000 par Claude Bébéar et dirigé par Laurent Bigorgne.
Il est dépourvu de toute attache partisane et ses financements,
exclusivement privés, sont très diversifiés, aucune contribution
n’excédant 2 % de son budget annuel. En toute indépendance,
il réunit des chefs d’entreprise, des hauts fonctionnaires,
des universitaires et des représentants de la société civile
issus des horizons et des expériences les plus variés.
Il concentre ses travaux sur quatre axes de recherche :
Cohésion sociale (école primaire, enseignement supérieur,
emploi des jeunes et des seniors, modernisation du dialogue
social, diversité et égalité des chances, logement)
 odernisation de l’action publique
M
(réforme des retraites, justice, santé)
Compétitivité (création d’entreprise, énergie pays émergents,
financement des entreprises, propriété intellectuelle, transports)
Finances publiques
(fiscalité, protection sociale)
Grâce à ses experts associés (chercheurs, praticiens) et à ses
groupes de travail, l’Institut Montaigne élabore des propositions
concrètes de long terme sur les grands enjeux auxquels nos sociétés
sont confrontées. Il contribue ainsi aux évolutions de la conscience
sociale. Ses recommandations résultent d’une méthode d’analyse
et de recherche rigoureuse et critique. Elles sont ensuite promues
activement auprès des décideurs publics.
À travers ses publications et ses conférences, l’Institut Montaigne
souhaite jouer pleinement son rôle d’acteur du débat démocratique.

L’Institut Montaigne s’assure de la validité scientifique


et de la qualité éditoriale des travaux qu’il publie, mais
les opinions et les jugements qui y sont formulés sont
exclusivement ceux de leurs auteurs. Ils ne sauraient être
imputés ni à l’Institut, ni, a fortiori, à ses organes directeurs.
Il n’est désir plus naturel
que le désir de connaissance
Big data et objets
connectés
Faire de la France un champion
de la révolution numérique
« Tout va toujours plus vite que prévu »1

1
Ray Kurzweil, The singularity is Near : when humans transcend biology, 2005.

AVRIL 2015
SOMMAIRE 

INTRODUCTION ............................................................................... 3

I - LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE SOUTENUE PAR LES OBJETS


CONNECTÉS ET LE BIG DATA OUVRE UNE NOUVELLE ÈRE ........ 7
1.1. L
 a donnée est devenue la matière première
de la transformation numérique ............................................. 7
1.2. L
 a numérisation du réel devient ubiquitaire .......................... 15
1.3. D
 e l’Internet des objets à l’« Internet du Tout connecté »
(Internet of Everything) ....................................................... 32

II - LES PERSPECTIVES DE CRÉATION DE VALEUR ASSOCIÉES AU


BIG DATA ET AUX OBJETS CONNECTÉS ................................... 37
2.1. L
 ’Internet des objets et le Big data étendent la révolution
numérique à tous les pans de l’économie.............................. 37
2.2. L
 e potentiel économique de l’Internet des objets en France :
entre 88 milliards d’euros en 2020 et
162 milliards d’euros en 2025............................................. 48
2.3. L
 a santé et la ville : deux exemples d’opportunités
à saisir............................................................................... 69

III - L
 A FRANCE DISPOSE D’ATOUTS IMPORTANTS POUR
SAISIR LES OPPORTUNITÉS OFFERTES PAR L’INTERNET
OF EVERYTHING........................................................................ 99
3.1. L
 es nouveaux leviers de la confiance :
API, normes et sécurité ...................................................... 99
3.2. L
 es atouts de la France pour devenir un champion
de l’Internet du Tout connecté............................................129

1
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IV - Q
 UATRE AXES POUR ÊTRE ACTEUR DANS LA PROCHAINE
RÉVOLUTION NUMÉRIQUE..................................................... 161
4.1. D
 iffuser l’excellence data et numérique au sein du tissu
économique français ........................................................ 161
4.2. R
 enforcer la sécurité pour développer la confiance................169
4.3. R
 enforcer l’influence de la France et soutenir une gouvernance
numérique forte................................................................186
4.4. R
 épondre aux besoins de compétences des métiers
du Big data et de l’Internet des Objets................................197

CONCLUSION....................................................................................... 203

REMERCIEMENTS................................................................................ 205

ANNEXES............................................................................................. 209

2
INTRODUCTION

L’horizon de l’Internet des objets2 et du Big data3 est celui d’un monde
toujours plus densément connecté qui relie les hommes, les données
et les objets dans un écosystème numérique désormais global. Selon
l’Organisation des Nations-Unies (ONU), plus de données ont été créées
en 2011 que dans toute l’histoire de l’humanité4 et, selon les sources
retenues, entre 30 et 212 milliards d’objets pourraient être connectés
d’ici 2020. Cette connexion, qualifiée d’ubiquitaire, soulève aujourd’hui
autant d’inquiétudes que de promesses d’opportunités économiques et
sociétales.

Le Big data et les objets connectés représentent un important relais de


croissance économique selon de nombreuses études5. Ils ouvrent la
possibilité de connecter les personnes ou les objets de manière plus
pertinente, de fournir la bonne information au bon destinataire et au
bon moment, ou encore de faire ressortir les informations utiles à la
prise de décision.

D’une part, les ensembles de données qui apparaissent avec le Big


data constituent une nouvelle source de valeur économique et d’inno-

2 
L’Internet des objets est défini comme « un réseau de réseaux qui permet, via des
systèmes d’identification électronique normalisés et unifiés, et des dispositifs mobiles
sans fil, d’identifier directement et sans ambiguïté des entités numériques et des objets
physiques et ainsi de pouvoir récupérer, stocker, transférer et traiter, sans discontinuité
entre les mondes physiques et virtuels, les données s’y rattachant ». Source : Pierre-
Jean Benghozi, Sylvain Bureau et Françoise Massit-Folléa, L’Internet des objets. Quels
enjeux pour l’Europe ?, janvier 2012.
3
Littéralement les « grosses données », ou mégadonnées, parfois appelées données


massives.
4
« Robert Kirkpatrick, Director of UN Global Pulse, on the Value of Big Data », theglo-
balobservatory.org, 5 novembre 2012.
5
Cisco,

McKinsey, Idate, Inspection générale des finances, Gartner Research, Boston
Consulting Group, A.T. Kearney, etc.

Sommaire 3
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vation : la valeur des données évolue depuis leur utilisation initiale vers
de futures utilisations potentielles à plus forte valeur ajoutée. Toutes les
données sont ainsi considérées comme précieuses par définition.

D’autre part, l’Internet des objets est marqué par le développement des
réseaux, des partenariats et des interrelations complexes, permettant
ainsi le développement de certains procédés industriels, l’amélioration
de la qualité de service et des performances accessibles aux individus
et aux consommateurs. Il se nourrit des données et en augmente en
retour le volume.

Associés, l’Internet des objets et le Big data brouillent les frontières


traditionnelles et transforment profondément les chaînes de valeur de
la plupart des secteurs économiques. Dans le même temps, leur déve-
loppement suscite des interrogations nouvelles sur la gestion de certains
risques notamment environnementaux, sanitaires ou économiques et
sur la protection de la vie privée et des données sensibles.

La révolution des objets connectés et du Big data est déjà en marche.


La France, dans un cadre européen, peut en devenir un acteur de
premier plan à condition qu’une action volontariste, équilibrée et coor-
donnée des acteurs privés et de la puissance publique soit conduite.

Comment alors, et par quels leviers, accélérer ce mouvement et concré-


tiser le potentiel économique estimé ? Comment guider l’innovation
dans ce domaine et favoriser la croissance économique associée ?
Comment articuler de manière partagée, durable, et à moindre coût
des réseaux et des applications diversifiés ? Comment enfin faire en
sorte qu’un réseau de réseaux conçu comme ubiquitaire ne soit pas
trop intrusif et respecte l’individu et les libertés individuelles et publiques ?

4 Sommaire
INTRODUCTION

Les réflexions de ce rapport portent sur cinq axes majeurs :

• les enjeux économiques pour la France ;

• la nécessité d’une gouvernance adaptée intégrant notamment les


sujets de transparence et de standardisation ;

• l’adaptation des compétences et des ressources humaines aux besoins


nouveaux liés au développement des objets connectés et du Big data ;

• l’amélioration de la performance et de la pérennité des solutions


technologiques ;

• la régulation des usages et la protection de la vie privée et des données


sensibles destinée à maintenir la confiance comme facteur clef de
succès de la révolution des objets et du Big data.

Nous vivons aujourd’hui une révolution numérique globale, une nouvelle


révolution industrielle, alimentée par l’essor des objets connectés associé
à l’exploitation du Big data, que nous appellerons Internet of Everything
(IoE), l’Internet du Tout connecté. Les perspectives de création de valeur
du Big data et des objets connectés sont stratégiques pour l’économie
d’un territoire et concernent tous les pans de l’économie et de la société.
Mais leurs usages et leur développement génèrent des interrogations
nouvelles et des comportements encore très prudents. L’essor du Big data
et des objets connectés doit reposer sur la confiance entre tous les acteurs.

Entre opportunité économique et confiance, la France doit, pour s’impo-


ser comme un acteur de premier plan, davantage encore anticiper et
s’engager pour le développement du Big data et des objets connectés.
En amont du projet de règlement européen sur la protection des données

Sommaire 5
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et du projet de loi sur le numérique, l’Institut Montaigne a souhaité de


saisir de ces enjeux afin de contribuer à mobiliser tous les acteurs pour
faire de la France un champion de la révolution numérique.

6 Sommaire
I

L A RÉVO LUTION N UM É R IQ U E
SOUTEN UE PA R L E S OB JE T S
CONNE C TÉ S E T L E B IG DATA
OUVRE UN E N OUVE L L E È R E

1.1. L
 a donnée est devenue la matière première
de la transformation numérique

1.1.1. L
 a révolution numérique, troisième révolution
technique de l’histoire moderne

Toutes les révolutions ont pour point commun d’opérer un change-


ment complet de système technique qui influence toute la société.
Ce qui caractérise une révolution, c’est bien son « aspect global »6.
La première grande révolution technique fut celle de la machine à
la période Renaissance, dont la presse à imprimer typographique
mise au point par Johannes Gutenberg en 1450 reste un symbole.
La seconde fut la révolution mécanique de l’ère industrielle 7. La
troisième grande révolution technique, enfin, est la révolution
numérique, dont nous sommes à la fois les acteurs et les specta-
teurs privilégiés. Jeremy Rifkin8 parle même d’une « troisième
6
Bertrand Gille, Histoire des techniques, 1978.
7 
Selon Bertrand Gille, celle-ci repose sur trois innovations techniques majeures, totalement
interdépendantes : l’emploi généralisé du métal dans le domaine des matériaux, l’uti-
lisation corollaire de la machine à vapeur dans le domaine de l’énergie, et l’essor du
charbon dans le domaine des combustibles, l’ensemble constituant « la trilogie essentielle
du nouveau système technique ». On considère aujourd’hui que deux révolutions
industrielles se sont succédées, celle de la fin du XVIIIe siècle et celle lié à l’électricité,
au moteur à explosion, au pétrole et à l’acier dans la seconde moitié du XIXe siècle. Si
la première révolution industrielle a été mécanique, la seconde fut énergétique.
8
Jeremy Rifkin, La troisième révolution industrielle, 2012.
Sommaire 7
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révolution industrielle, […] dernière des grandes révolutions indus-


trielles [qui] va poser les bases d’une ère coopérative émergente ».

On pourrait aussi l’associer à la notion d’informatisation de nos


sociétés, comme le fait Michel Volle qui en restitue finement le
mouvement historique9. Ce dernier aurait réellement commencé
dans les années 1960 avec l’informatisation des « opérations gour-
mandes en temps et en paperasses : comptabilité, paie, facturation,
gestion des stocks, prises de commandes ». C’est le temps des
ordinateurs « grands systèmes » et des grands logiciels, fondés sur
« la programmation des algorithmes qui procurent un résultat à partir
des données saisies ». Le mouvement se poursuit dans les années
1970 avec « la normalisation des bases de données et l’architecture
des systèmes d’information » dans le but de permettre aux applica-
tions de s’alimenter entre elles. Puis, dans les années 1980, « la
dissémination des micro-ordinateurs et des réseaux locaux » marque
la démocratisation de l’informatique qui se prolonge dans la vitalité
numérique des années 1990, marquées par l’émergence de l’Internet
et du Web. Ces derniers permettent, grâce à la documentation
électronique et la messagerie, « d’informatiser le parcours d’un
processus de production en transférant, d’un poste de travail au
suivant, les documents où s’inscrit l’élaboration d’un produit ».

Ce mouvement se poursuit depuis les décennies 2000 et 2010 avec


l’essor du Web 2.0 et l’élargissement des réseaux sociaux, l’apparition
des terminaux mobiles, l’essor des objets connectés et le dévelop-
pement du Big data. Ainsi, en moins de soixante ans, l’informati-
sation des sociétés est devenue complète et globale, nous faisant
entrer dans une ère numérique.
9 
Toutes les citations de ce paragraphe sont issues de : Michel Volle, De l’informatique :
savoir vivre avec l’automate, 2006 et Économie des nouvelles technologies, 1999.

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Figure 1 : De Gutenberg aux objets connectés,


les trois grandes révolutions techniques de l’humanité

Complexité >
3. Révolution numérique
(ou 3e révolution industrielle, de
l’ordinateur à l’Internet of Everything.
Electronique, informatique et réseau)

2. Révolution(s) industrielle(s)
(1re révolution industrielle-mécanique
en Angleterre avec l’apparition du Métal,
du charbon et de la machine à vapeur
et 2e révolution industrielle-énergétique
avec l’utilisation du pétrole, de l’acier
et du moteur à explosion)

1. Révolution machinique
(développement des machines
et essor de la science)

Temps >

15e siècle Fin 18e siècle Aujourd’hui


Renaissance mi-19e siècle
Source : Institut Montaigne.

Selon Stéphane Vial, les éléments qui structurent le système numérique


d’aujourd’hui sont: « l’électronique (versant physique des compo-
sants), l’informatique (versant logique des algorithmes) et les réseaux
(versant réticulaire des connexions). C’est parce qu’il repose à la fois
sur l’ordinateur et sur l’Internet que le nouveau système technique
n’est pas seulement un système technique informatisé (fondé sur le
seul l’ordinateur) mais bien un système technique numérique (fondé
sur l’ordinateur et le réseau). Car si l’ordinateur est l’étoile centrale
du système, l’Internet est la structure en orbites qui fait rayonner
cette étoile en tout lieu et en tout point du monde »10.

Stéphane Vial, La structure de la révolution numérique, Thèse de doctorat en


10 

Philosophie, novembre 2012.

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Dans cette révolution numérique, les objets connectés occupent


une place centrale. À la fois outils au service des utilisateurs et
collecteurs de données, les milliards d’objets connectés sont en train
d’ébranler nos vies et de bouleverser le fonctionnement de toutes nos
organisations. L’historien Siegfried Giedion rappelait en 1948 que le
« vrai sens de l’histoire provient de choses humbles, d’objets auxquels
on n’attache généralement pas une grande importance, ou tout au
moins auxquels on n’attribue pas de valeur historique »11. Or, à
l’époque de la mécanisation, « toutes ces humbles choses [...] ont
ébranlé notre vie jusque dans ses racines les plus profondes » : « le
lent façonnement de la vie quotidienne a autant d’importance que
les explosions de l’histoire ; car, dans la vie anonyme, l’accumulation
des particules finit par former une véritable force explosive. Outils et
objets sont les prolongements de nos attitudes fondamentales au
monde extérieur »12.

Les objets connectés et les applications associées que nous utilisons


pour travailler, communiquer ou habiter, traversent en effet toutes les
strates du quotidien, guident en partie nos gestes, conservent la mémoire
de l’ensemble des données produites et alimentent le Big data. Selon
Yannick Lacoste et Jean-François Vermont, « l’offre d’objets connectés
est très en avance sur les usages. Le flot grandissant d’objets connec-
tés soutient la croissance du Big data qui, à son tour, facilite l’explosion
des usages »13.

11 
Siegfried Giedion, La mécanisation au pouvoir : contribution à l’histoire anonyme,
1948.
12
Ibid.
13
Yannick

Lacoste et Jean-François Vermont, in G9+ et Renaissance numérique, Big
data, l’accélérateur d’innovation, décembre 2014.

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1.1.2. L
 e potentiel de données actuel nous ramène aux
premiers jours de l’essor pétrolier

La donnée constitue la matière première de cette révolution numé-


rique. À ce titre, elle a été comparée au pétrole, ressource au cœur
de la seconde révolution industrielle. Elle constitue le gisement de
base, que l’industrie exploitante extrait puis transforme.

La révolution industrielle a permis de développer de nouveaux produits


et de nouvelles technologies à partir du pétrole. Vers la fin du
XIXe siècle, si l’usage du pétrole reste encore assez marginal, l’intérêt
envers cette ressource est grandissant. Au cours du XXe siècle, le
développement rapide de la chimie (dès les années 1930) et du
marché automobile (après la Seconde Guerre mondiale) donnent au
pétrole une place centrale dans l’évolution du système économique
mondial, place qu’il occupe encore aujourd’hui. Les objets connectés
jouent pour le Big data le même rôle de catalyseur que la chimie
ou l’automobile pour le pétrole.

Le Big data est une ressource largement sous-exploitée et capable


d’alimenter des progrès encore insoupçonnés. Il exige une certaine
expertise pour extraire et « raffiner » les données afin d’en maximiser
l’utilité. De même que le pétrole brut ne peut être utilisé comme
combustible automobile, les données brutes ne sont pas perti-
nentes par elles-mêmes. Elles deviendraient en revanche créatrices
de valeur une fois analysées. L’analogie entre données numériques
et pétrole remonte à 2006, lorsque Clive Humby, un mathématicien
ayant développé la carte de fidélité de l’enseigne de supermarchés
Tesco, l’utilise pour la première fois. Elle fut reprise et développée

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par Michael Palmer14, qui compare les données au pétrole brut qui
doit subir une transformation avant de générer de la valeur. Les
données numériques seraient aujourd’hui l’équivalent d’un pétrole
brut, ressource non mobilisable sans raffinage préalable, c’est-à-dire
devant subir un traitement depuis leur création jusqu’à leur
archivage.

L’analogie donnée-pétrole a néanmoins ses limites. Comme le


souligne Henri Verdier, « la donnée, c’est à la fois beaucoup plus
compliqué, et dans l’économie, c’est à la fois beaucoup moins et
beaucoup plus que du pétrole »15. Le pétrole est une ressource
naturelle limitée non renouvelable dont les réserves sont finies.
Utiliser le pétrole, même transformé, et sous réserve qu’une partie
puisse être recyclée, le détruit et, avec lui, sa valeur. « Il y a une
valeur d’usage qui disparaît après son utilisation, sa valeur est dite
transitive : dix fois plus de pétrole vaut dix fois plus de valeur »16.

Par ailleurs, contrairement au combustible fossile, les données


ne sont pas toujours consommées. Elles s’apparenteraient davantage
aux énergies éolienne ou solaire qui peuvent également être utilisées
sous de multiples formes et servir plusieurs objectifs. Elles ne s’usent
pas quand on les exploite, elles peuvent même trouver d’autres
utilités et gagner en valeur en fonction du contexte dans lequel
elles sont utilisées. Enfin, les données n’ont rien de naturel, elles
sont produites par des dispositifs techniques développés par des
ingénieurs : « elles s’articulent au réel, dont elles sont la trace, le

14 
« Tech giants may be huge, but nothing matches big data », The Guardian, 23 août
2013.
15
« Non, les données ne sont pas un nouvel or noir… », Henri Verdier Blog, 19 mars
2013.
16
Ibid.

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C O N N E C T É S E T L E B I G DATA O U V R E U N E N O U V E L L E È R E

symbole ou l’empreinte, elles sont parfois extraites mais le plus souvent


produites et échangées librement par les individus »17.

Toutefois, la métaphore du pétrole reste pertinente lorsqu’il s’agit


de souligner les opportunités inexploitées du Big data. Le parallèle
entre économie numérique et économie du pétrole peut se faire
lorsqu’on rapproche la notion de réserve pétrolière avec la notion
de « multitude » qui génère les réserves de données, or noir
numérique. Le modèle d’affaire des entreprises pétrolières a com-
mencé par s’intéresser au « bout de chaîne » pour rapidement intégrer
toutes les activités pétrolières amont, de l’extraction-forage à la
distribution en passant par le raffinage. De même, les grandes
entreprises du numérique sont en train de développer de plus en
plus ce modèle économique « pétroliforme » intégré autour de la
donnée et des objets connectés.

La métaphore pétrolière aurait une autre utilité, celle d’un avertis-


sement : tout comme l’exploitation pétrolière peut-être source de
nombreuses pollutions ou autres « externalités négatives », l’usage
déraisonnable de données pourrait être aussi socialement peu accep-
table. La donnée, « pétrole numérique » du XXIe siècle, constitue
une matière première, renouvelable et pour partie inépuisable,
dont, comme au début de l’ère pétrolière, on commence à peine à
discerner les multiples usages et bénéfices, et dont on tarde à prendre
en compte la valeur stratégique.

17
Ibid.

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Les unités de mesure de la donnée

Le Bit est l’unité de mesure de base utilisée en informatique pour


quantifier la taille de la mémoire d’un ordinateur, l’espace utilisable
sur un disque dur, la taille d’un fichier ou d’un répertoire. Le bit
(anglais binary digit, « chiffre binaire ») ne peut prendre que deux
valeurs, la plupart du temps interprétées comme 0 ou 1. Les
autres unités de mesure ne correspondent qu’à des regroupements
de bits. Ainsi, un octet est composé de huit bits. Son symbole
normalisé est « o ». Il peut prendre 28, soit 256, valeurs possibles.
Les abréviations suivantes permettent de prendre la mesure de
la croissance des données produites :
1 kilooctet (ko) = 103 octets = 1 000 octets
1 mégaoctet (Mo) = 106 octets = 1 000 ko = 1 000 000 octets
1 gigaoctet (Go) = 109 octets = 1 000 Mo = 1 000 000 000 octets
1 téraoctet (To) = 1012 octets = 1 000 Go = 1 000 000 000 000 octets
1 pétaoctet (Po) = 1015 octets = 1 000 To = 1 000 000 000 000 000 octets
1 exaoctet (Eo) = 1018 octets = 1 000 Po = 1 000 000 000 000 000 000 octets
1 zettaoctet (Zo) = 1021 octets = 1 000 Eo = 1 000 000 000 000 000 000 000 octets
1 yottaoctet (Yo) = 1024 octets = 1 000 Zo = 1 000 000 000 000 000 000 000 000 octets

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1.2. La numérisation du réel devient ubiquitaire

1.2.1. L
 es capteurs vont multiplier par dix la taille de l’uni-
vers numérique d’ici 2020

L’Internet des objets contribuerait à doubler la taille de l’univers numérique


tous les 2 ans, lequel pourrait représenter 44 000 milliards de gigaoctets
en 2020, soit 10 fois plus qu’en 201318. Les objets connectés étendent
ainsi le périmètre de l’Internet en permettant à tout objet, machine
ou élément vivant, de transmettre des informations sur son environ-
nement et son état, et d’être éventuellement activé à distance.

En générant de grandes quantités de données et en participant à la


numérisation du réel, ils font grandir l’écosystème numérique, qui
devient par ailleurs ubiquitaire. Selon Global Investor (Crédit Suisse),
l’univers digital aura grandi en 2020 de 300 fois sa taille de 2005,
et l’essor des objets connectés y participerait très activement19.

Figure 2 : Croissance de l’univers digital


2020

2005
Source : Makasi group, Livre blanc du Data Marketing, 2013.
18 
EMC et IDC, The Digital Universe of Opportunities: Rich Data and the Increasing Value
of the Internet of Things, avril 2014.
19
Données

présentées par le Global Investor 1.13 du Crédit Suisse, juin 2013, au sujet
du rapport McKinsey Global Institute 2011

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L’Internet des objets n’est pas un simple prolongement de l’Internet


actuel mais plutôt une série de nouveaux systèmes indépendants
fonctionnant avec leurs propres infrastructures. Il est mis en œuvre
en relation étroite avec de nouveaux services et couvre différents modes
de communication : d’objet à personne et d’objet à objet, mais aussi
de machine à machine (M2M) avec potentiellement 50 à 70 milliards
de machines dont seulement 1 % sont aujourd’hui connectées20.

Aujourd’hui seuls 10 milliards d’objets mondiaux (sur un total de


1,5 x 101) seraient connectés21. La société Cisco estime qu’il existerait
ainsi actuellement, en moyenne, 200 objets connectables par personne
dans le monde. Le potentiel de « choses » qui pourraient être
connectées d’ici 2020 est estimé entre 30 et 212 milliards selon
les sources retenues (cf. figure 3).

Figure 3 : Estimation du nombre d’objets connectés en 2020


Gartner 30
Sources

Berg Insight 50

Cisco ISBG 50

Idate 80

IDC 212

0 50 100 150 200 250


Nombre d’objets connectés en milliards
Source : G9+, Les nouveaux eldorados de l’économie connectée, 2013.
20 
« Ce chiffre est utilisé par divers auteurs sur l’hypothèse que chaque personne est
entourée d’une dizaine de machines ». Communication de la Commission au Parlement
européen, au Conseil, Comité économique et social européen et au Comité des régions,
L’internet des objets : un plan d’action pour l’Europe, 2009.
21
Cisco, L’Internet of Everything, un potentiel de 14,4 trillions de dollars, 2013.

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Ces chiffres soulignent le vaste potentiel de connexion : des évo-


lutions technologiques majeures permettent d’envisager une diffusion
très large des objets connectés au travers :

•d
 e différents types de capteurs22, actionneurs ou de solutions tech-
nologiques en évolution (solution RFID (radio frequency identifica-
tion), capteurs MEMs (microsystèmes électromécaniques), etc.) ;

•d
 e réseaux qui supportent cette extension de l’univers numérique
comme le système d’adressage IPV6 (Internet Protocol Version 6) ou
des réseaux locaux de type NFC (Near Field Communication), Zigbee,
LTN (Low Throughput Networks) et des réseaux large bande, etc.

Face à cette forte croissance des objets connectés, des enjeux tech-
nologiques majeurs se posent toutefois : comment améliorer la
performance des solutions, permettre une meilleure interopérabilité
des systèmes et enfin concevoir une gestion efficiente des
données ?

Il devient essentiel aujourd’hui de conforter :

• l a fiabilité des solutions dans certains contextes d’usage


complexe ;

• la pérennité des solutions grâce à :


– la flexibilité de dispositifs qui doivent pouvoir évoluer et
s’adapter ;
– l’interopérabilité de tous les composants d’une solution.

On entend par capteur « un dispositif qui recueille un phénomène pour en faire l’analyse,
22 

le mesurer, le transformer en un signal correspondant » (source : Trésor de la langue


française informatisé).

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Par exemple, la convergence entre les solutions RFID23 et les solutions


mobiles doit être favorisée. Cette question dépasse cependant la
seule dimension technique, elle a des incidences juridiques (proli-
fération des brevets par exemple), économiques (royalties) et de
gouvernance. Une des incertitudes qui pèsent sur le développement
de l’Internet des objets réside dans la concurrence que se livrent les
solutions technologiques avec des offres RFID disponibles sur le
marché très nombreuses et beaucoup de laboratoires qui travaillent
sur des solutions alternatives, qui pourraient à terme remplacer les
solutions RFID (ex. système d’identification acoustiques, systèmes
optiques, détection ADN, ou encore du marquage logiciel).

Les caractéristiques de l’objet dit connecté24

Les objets connectés se définissent en termes d’identité, d’inte-


ractivité, de « shadowing », de sensibilité et d’autonomie.

Identité
Pour que les objets soient gérables, ils doivent être identifiables
comme une entité unique. Par exemple, il peut être suffisant pour
un détaillant de savoir (à partir d’un code-barres) qu’une cargaison
est en transit entre deux villes. En général, les identificateurs sont
numériques. Par exemple, les livres ont un numéro ISBN. Des
éléments individuels peuvent également être affectés pour iden-
tifier les objets avec par exemple, les étiquettes RFID, les adresses

23 
La radio-identification, le plus souvent désignée par le sigle RFID (radio frequency
identification), est une méthode pour mémoriser et récupérer des données à
distance.
24
Les données de cet encadré sont une traduction de : Jon Collins, The Internet of things :


a market landscape, Gigaom Pro, juin 2013.

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IP ou les numéros codés en dur (par exemple, dans le


firmware25).

Interactivité
Les progrès technologiques ont permis de connecter une grande
variété d’objets et de dispositifs. Un objet n’a pas besoin d’être
connecté à un réseau à tout moment. Pour des objets dits passifs
tels que des livres ou des DVD, des étiquettes RFID doivent seulement
être en mesure de signaler leur présence, de temps en temps, comme
au moment de quitter un magasin. A l’inverse, les objets actifs, qui
ont une plus grande capacité de traitement, peuvent être connectés
tout le temps ou peuvent établir une connexion seulement quand
ils ont besoin d’échanger des informations.

Shadowing
La notion de shadowing désigne le fait qu’un programme logiciel
puisse tout connaître d’un objet physique et agir en son nom.
Grâce à cela, même un objet physique « muet » peut avoir une
représentation virtuelle relativement intelligente. Ceci est parfois
désigné sous le nom de cyber-objet ou d’agent virtuel. Par
exemple, une bouteille de lait peut avoir un identifiant unique et
la capacité d’indiquer sa présence à un capteur local, situé dans
le réfrigérateur. Dans un autre endroit, un programme (l’agent
virtuel de la bouteille de lait) possède d’autres informations sur
la bouteille (où elle a été achetée, quand elle se périme, etc.).
Ce programme peut communiquer à son tour avec le frigidaire et
indiquer ces informations à l’utilisateur.

Un firmware, parfois appelé micrologiciel ou microcode, est un ensemble d’instructions


25 

et de structures de données qui sont intégrées dans du matériel informatique pour qu’il
puisse fonctionner.

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Sensibilité
Un objet peut transmettre des informations non seulement
sur son propre état, mais aussi sur les caractéristiques de son
environnement. Il peut ainsi avoir des capteurs signalant les
niveaux de température, d’humidité, de vibrations, d’emplacement
ou de bruit. Il peut enfin être en mesure d’enregistrer et/ou de
diffuser des informations audio ou vidéo, si la bande passante
disponible est suffisante.

Autonomie
Les objets doivent pouvoir être traités et surveillés individuelle-
ment, généralement depuis un point éloigné, et doivent fonctionner
indépendamment d’une télécommande. Le concept d’« indépen-
dance » est ainsi central : chaque objet devient responsable de
lui-même, même s’il peut être interrogé par un tiers pour connaître
son état. Les objets peuvent ainsi présenter divers degrés
d’autonomie.

Ces caractéristiques permettent non seulement aux éléments


physiques d’acquérir de nouvelles capacités, mais aussi de créer
de nouveaux objets. L’Internet des objets ouvre donc un envi-
ronnement ultra-connecté, des capacités et des services per-
mettant une interaction avec et entre les objets physiques et
leur représentation virtuelle.

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1.2.2. La mise en donnée de tout, de Gutenberg au Big data

Vers 1450, Johannes Gutenberg met au point la presse à imprimer


typographique, la machine « disruptive » de la Renaissance qui
fonctionnera jusqu’à l’invention des mécaniques du XIXe siècle. Le
premier ouvrage imprimé, le « Psautier de Mayence », paraît en 1457
et l’essor de la production imprimée, avec la diffusion du savoir qui
l’accompagne, est ensuite phénoménal. D’après l’historienne Elizabeth
Eistein, en cinquante ans, entre 1457 et 1500, près de huit millions
de livres furent imprimés, soit l’équivalent de tout ce qui avait été
produit par les scribes d’Europe depuis la fondation de Constantinople26.
Historiquement, le stock d’information dans le monde a donc doublé
en presque cinquante ans ; il vient de doubler à nouveau en seu-
lement trois ans27. Le monde regorge d’informations et connaît une
accélération de la production et de la collecte des données.

L’époque du Big data constitue comme jamais auparavant un défi


pour notre mode de vie et modifie notre relation avec le monde : « il
ne s’agit plus de connaître le pourquoi, mais seulement le quoi. La
révolution ne réside pas dans les calculs effectués par les machines
mais dans les données elles-mêmes et la façon de nous en servir »28.

Big data : Volume, Vitesse, Variété pour créer de la Valeur


Le Big data, littéralement « grosses données », désigne des
ensembles de données qui deviennent si volumineux qu’ils en
deviennent difficiles à traiter avec les seuls outils de gestion de base
de données ou les outils classiques de gestion de l’information. Le

26 
Elizabeth L. Eisenstein, La révolution de l’imprimé. Dans l’Europe des premiers temps
modernes, mai 1991.
27
Viktor

Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier, Big Data, la révolution des données est
en marche, 2014.
28
Ibid.
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Big data désigne aussi l’ensemble des technologies, infrastructures


et services permettant la collecte, le stockage et l’analyse de don-
nées recueillies et produites en nombre croissant, grâce à des
traitements automatisés et au recours aux technologies de l’intelligence
artificielle. Le Big data s’appuie sur le développement d’applications
à visée analytique, qui traitent les données pour en extraire du sens.
Ces analyses sont appelées Big analytics ou « broyage de données » et
sont à l’origine de nouvelles technologies de traitement de données
comme MapReduce de Google ou son équivalent en version open
source, Hadoop29. Le Big data se réfère ainsi à ce qui peut être accompli
à grande échelle et ne peut pas l’être à une échelle plus petite.

L’augmentation de la masse de données numériques s’explique


par trois facteurs principaux, bien connus sous la « formule des
3V » (cf. figure 4) :

• l’explosion du volume de données émises. À titre d’exemple, en


2013 le volume de données collectées ou manipulées a dépassé
les quatre zettaoctets ;

• la variété des outils connectés et la masse non structurée des


données produites par ces multiples sources. Les données pro-
viennent principalement de la généralisation des outils numériques
performants et connectées (smartphones, ordinateurs, etc.) ainsi

Hadoop est une structure logicielle (un framework) libre destiné à faciliter la création
29 

d’applications.Il a été créé par Doug Cutting et s’est inspiré des publications MapReduce,
GoogleFS et BigTable de Google. MapReduce est un patron d’architecture de dévelop-
pement informatique, inventé par Google, dans lequel sont effectués des calculs
parallèles, et souvent distribués, de données potentiellement très volumineuses, typi-
quement supérieures en taille à un téraoctet. MapReduce permet de manipuler de
grandes quantités de données en les distribuant dans un cluster de machines pour être
traitées. Ce modèle connaît un vif succès auprès de sociétés possédant d’importants
centres de traitement de données telles Amazon ou Facebook.

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que de l’accès à l’information (réseaux sociaux, open data, etc.)


mais surtout de l’augmentation très importante des données issues
d’objets interconnectés (par exemple, du fait des puces RFID).

• la vélocité de l’information et une vitesse de traitement simultanée


des données qui augmente.

Figure 4 : La formule des 3V du Big data

? &

! +
Volume Vélocité Variété

Aux trois « V » du Big data s’ajoute celui de la valeur que représentent


ces données pour l’entreprise ou l’individu. En 1986, alors que le
sujet de la donnée commençait à prendre de l’importance, Hal B.
Becker publiait un avis resté célèbre pour sa nature visionnaire :
« est-ce que l’utilisateur peut réellement absorber les quantités de
données qu’il reçoit au rythme actuel ? Le pourra-t-il demain ? La
densité d’information à l’époque de Gutenberg était approximative-
ment de 500 caractères par inch30 carré, soit 500 fois ce qu’elle était
à l’époque de Summer, 4000 ans avant Jésus-Christ. En 2000, l’on
prévoit que cette capacité sera de 1,25 x 1011 octets par inch
carré »31.

30
Le « inch » (pouce) est une unité de mesure britannique qui vaut à peu près 2,54 cm.
31 
Hal B. Becker, « Can users really absorb data at today’s rates? Tomorrow’s? », Data
Communications, juillet 1986.

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Comme le montre la figure 5, la vision de Hal B. Becker s’est lar-


gement concrétisée puisqu’en 2011, un zettaoctet de données a
été enregistré, soit 200 fois plus en une seule année que ce qui
avait pu être mesuré jusqu’alors. « Il est extrêmement difficile de
se faire une représentation claire d’un tel volume de données.
Seraient-elles sous forme de livres imprimés qu’elles couvriraient la
superficie totale des États-Unis sur 52 strates d’épaisseur. Sous forme
de CD-Rom empilés, elles s’étireraient jusqu’à la lune en cinq piles
séparées »32. En 2013, 4,4 zettaoctets de données ont été géné-
rées. Il a été estimé que cette quantité serait de 44 zettaoctets
en 202033.

Figure 5 : L’échelle des données, de l’octet au yottaoctet


De l’octet au yottaoctet, l’échelle des données

5
exaoctet de données ➜ En 2011 il fallait 2 jours 24 h 24 h
générées depuis les premières pour les générer
mesures jusqu’en 2003 ➜ En 2013 il faut 10 minutes 10 mn
pour les générer
Une pile de DVD La totalité des Capacité
Une page Un morceau Un film de 6 millions de livres de la hauteur données enregistrées du data center
de texte word de musique 2 heures numérisés de la tour Montparnasse en 2011 de la NSA
1o 30 Ko 5 Mo 1 Go 1 To 1 Po 1 Zo 1 Yo
Octet Kilo-octet (Ko) Mégaoctet (Mo) Gigaoctet (Go) Téraoctet (To) Pétaoctet (Po) Exaoctet (Eo) Zettaoctet (Zo) Yottaoctet (Yo)
1 000 octets 1 000 Ko 1 000 Mo 1 000 Go 1 000 To 1 000 Po 1 000 Eo 1 000 Zo

Source : « La déferlante des octets » Le journal du CNRS, décembre 2012.

La baisse des coûts de stockage joue aussi sur le développement


du Big data. Selon la société Nova Scotia, le prix de stockage du
gigaoctet pour un disque dur est passé d’environ 13,50 euros en
février 2000 à 0,09 euros en août 2010, puis à 0,06 euros en juillet

32
Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier, Op. cit.
33
EMC et IDC, Op. cit.

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201334. L’avènement d’outils comme le cloud computing35 permet


par ailleurs de stocker ces données à moindre coût. La prochaine
génération d’objets reposera certainement davantage sur le cloud et
des systèmes de connexion M2M. On notera ainsi que de nombreux
projets se concentrent sur des technologies de communication à
bas débit et longue distance, utiles pour réunir des informations de
réseaux de capteurs déportés (cf. Sigfox qui se définit comme le
premier opérateur cellulaire bas débit au M2M et à l’Internet des
objets). Cloud et Big data deviennent aujourd’hui deux éléments
indissociables.

Le phénomène du Big data est aussi marqué par36 :

• des marchés émergents qui produiront bientôt plus de données que


les pays développés : actuellement, 60 % des données numériques
sont issues des marchés matures ;

• un volume de données qui augmente plus vite que la capacité de


stockage disponible ;

• des entreprises majoritairement responsables des données créées


par les consommateurs : si deux tiers des données de la sphère
numérique sont générées ou utilisées par les consommateurs et les
salariés, 85 % sont créées par les entreprises.

34
Taux de conversion en janvier 2015, soit 1 dollar pour 0,839 euro.
35 
Le National Institute of Standards and Technology (NIST) définit le cloud computing
comme un « modèle permettant un accès réseau pratique et à la demande à une
famille de ressources informatiques partagées par tous qui peuvent être rapidement
mobilisées ou libérées en utilisant des efforts minimaux de gestion ou d’interaction
avec le fournisseur de service ».
36
EMC et IDC, Op. cit.

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L’essor du Big data fait évoluer l’ensemble de la société


Les ensembles de données constituent une nouvelle opportunité de
valeur économique et d’innovation. L’apport du Big data ne réside
pas dans les calculs effectués par les machines, mais dans les
données elles-mêmes et dans la façon de les exploiter. En 2013,
selon l’IDC, seuls 22 % de la quantité de données digitales est
analysable et moins de 5 % est effectivement analysé. En 2020,
35 % de ces données seront analysables37.

L’organisation de la société va devoir évoluer avec la possibilité


d’analyser des quantités bien plus grandes de données, lorsque seul
existait jusqu’alors le recours à l’échantillonnage. Viktor Mayer-
Schönberger rappelle ainsi que, « durant la plus grande partie de
notre histoire humaine, nous n’avons travaillé qu’avec une petite
quantité de données parce que nous ne disposions que d’outils limités
pour les collecter, les organiser, les stocker et les analyser. Nous avons
fait le tri des informations sur lesquelles s’appuyer pour n’en garder
que le strict minimum et en faciliter ainsi l’examen. C’était une forme
inconsciente d’autocensure : nous avons traité la difficulté qu’il y
avait à interagir avec les données comme un fait regrettable au lieu
de la considérer pour ce qu’elle était, à savoir une contrainte artificielle
imposée par la technologie de l’époque »38.

Le Big data autorise également une moindre exigence quant à


l’exactitude des données en raison des grands volumes de données
et de la capacité à prendre en compte le « désordre ». Le Big data
nous rapproche plus de la réalité que ne le faisaient des masses
plus petites de données aussi exactes fussent-elles. Ainsi, « des
modèles simples et une grande quantité de données surpassent des
37
Ibid.
38
Kenneth Cukier et Viktor Mayer-Schonberger, Op. cit.

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modèles plus élaborés fondés sur une quantité moindre de données.


Passer à un monde de Big data nous demandera de changer de
point de vue sur les mérites de l’exactitude. En effet, l’obsession de
l’exactitude est un artefact de l’époque de l’analogique où les infor-
mations étaient peu nombreuses. Il faut souligner que le désordre
n’est pas une caractéristique des gros volumes mais est dû à l’imper-
fection de nos outils actuels de mesure, d’enregistrement et d’analyses
des informations »39.

Par ailleurs, le développement du Big data devrait engendrer un


recul de la « quête de causalité » en favorisant désormais une
logique de corrélation :

• l’émergence du concept de « mise en données » avec le recueil


systématique d’informations, non prises en considération jusque-là
car les signaux étaient trop faibles pour les enregistrer, les trans-
former en données et les valoriser. Cette mise en données de tout
donnera les moyens de cartographier le monde de manière quan-
tifiable et analysable ;

•u
 n déplacement de la valeur des données entre leur utilisation
initiale et de futures utilisations potentielles à plus forte valeur
ajoutée. Ce phénomène modifiera la manière dont les entreprises
évaluent les données en leur possession. Viktor Mayer-Schönberger
et Kenneth Cukier précisent sur ce point que « les informations
sont un bien « non rival », ainsi la consommation de ce bien par
l’un n’empêche pas l’autre de le consommer, elles peuvent non
seulement servir plusieurs fois mais elles peuvent aussi être exploi-
tées à de multiples fins. L’importance de cette réutilisation des

39
Peter Norvig, The Unreasonable Effectiveness of Data, 2009.

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données n’est pas encore appréciée à sa juste valeur dans le


monde des affaires ni par la société. Il existe une limite à l’utilité
et à la valeur des données : la plupart des données perdent de
leur intérêt avec le temps (toutes les données ne perdant pas
cependant de la valeur au même rythme et de la même façon) »40.
À l’ère du Big data, toutes les données sont donc considérées
comme précieuses par définition.

De l’octet au yottaoctet : le développement exponentiel du Big data


Deux lois expliquent l’augmentation vertigineuse et continue de la
masse de données disponibles dans l’environnement numérique
contemporain. La première est la « loi de Moore », du nom du cofon-
dateur de la société de processeurs Intel, qui constatait empiriquement
dès 1965 que le « nombre de transistors par circuit de même taille
doublait tous les dix-huit mois, sans augmentation de leur coût »41.
Ce constat, jamais démenti jusqu’à présent, a depuis été élargi aux
mémoires de stockage des données. La seconde règle est le « calcul
de Grötschel » qui établit que « la vitesse de calcul des algorithmes
progresse quarante-trois fois plus vite que la puissance des micro-
processeurs, les algorithmes pouvant être définis comme les séquences
d’opérations et d’instructions d’un programme informatique »42.

Ces deux lois expliquent la diminution du coût du stockage et celle


du coût de la puissance de calcul des ordinateurs. La combinaison
40 
Kenneth Cukier et Viktor Mayer-Schonberger, Op. cit. La notion de valeur d’option des
données intègre notamment la réutilisation des bases de données, la fusion de plusieurs
ensembles de données et la recherche d’ensembles de données qui font d’« une pierre
deux coups ».
41
Gordon

Moore, Electronics Magazine, 1965. Au sens strict, on ne devrait pas parler
de loi de Moore mais de conjectures puisque les énoncés de Moore ne sont en fait que
des suppositions.
42
Sénat,

Rapport de la mission commune d’information de Catherine Morin-Desailly sur
la gouvernance mondiale de l’Internet, 8 juillet 2014.

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de ces deux éléments permet en conséquence de traiter des quantités


toujours croissantes de données, conférant une réalité au Big data.

La montée en puissance du Big data aujourd’hui est également


la conséquence de facteurs technologiques, dont trois doivent être
plus particulièrement détaillés :

• l’uniformisation des réseaux d’échanges de données. Jusqu’à


peu, les systèmes informatiques communiquaient via des proto-
coles propriétaires et il n’était pas aisé de les faire échanger entre
eux. L’émergence d’un seul standard (le protocole Internet) a eu
un rôle essentiel dans le développement du monde de la donnée.
À mesure que les systèmes informatiques se développaient, l’inter-
connexion des grands ensembles entre eux a été facilitée ;

• la multiplication des outils informatiques. Comme nous l’avons


déjà évoqué, nous constatons une croissance quasi exponentielle
des objets connectés : smartphones, tablettes numériques, cap-
teurs machines, pèse-personnes, bracelets, montres, etc. Ils
occupent une part de plus en plus importante de notre quotidien
au fur et à mesure que les usages se développent. En outre, les
performances de ces outils connectés ainsi que leurs processeurs,
cartes mères ou autres puces grandissent et permettent de produire
et de traiter des volumes de données plus importants ;

• l’émergence de technologies appropriées au traitement des


grandes quantités de données, comme le NoSQL43.

NoSQL (Not only SQL en anglais) désigne une catégorie de systèmes de gestion de base
43 

de données (SGBD) qui n’est plus fondée sur l’architecture classique des bases relation-
nelles. L’unité logique n’y est plus la table, et les données ne sont en général pas manipulées
avec SQL (Structured Query Language, en français langage de requête structurée).

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1.2.3. L
 ’économie numérique nous fait entrer dans « l’âge
de la multitude »

La société contemporaine se caractérise d’abord par son « hyper-


fluidité » où le changement permanent, l’imprévisibilité et l’incertitude
deviennent la norme. Pour expliquer le potentiel et les enjeux de ce
monde numérique hyperfluide et hyperdense, Nicolas Colin et Henri
Verdier ont introduit le concept de multitude : les individus « dis-
posent d’une puissance de création, de communication et de coor-
dination sans précédent […] ils forment une communauté créative
et mobile »44. Selon eux, « l’économie numérique ne se développe
pas tant grâce au progrès technique que grâce à la puissance de la
multitude. Ainsi, les gagnants de cette économie ne sont pas forcé-
ment ceux qui réalisent les plus belles prouesses technologiques mais
ceux qui mettent au point les stratégies les plus performantes de
captation de cette puissance ».

« La multitude soutient une économie de la contribution » que les


objets connectés favorisent, car les individus qui composent cette
multitude sont aujourd’hui connectés dans de plus en plus d’aspects
de leur vie. Ainsi, pour les organisations, il est difficile de rémunérer
systématiquement l’activité de la multitude et il est parfois tout aussi
difficile de faire payer la multitude lorsque son activité spontanée a
été facilitée par les organisations.

Les nouveaux actifs immatériels issus de la donnée deviennent


aussi importants que les actifs matériels ou immatériels classiques
(terrains, biens meubles, outils de production ou encore marques,

Nicolas Colin et Henri Verdier, L’âge de la multitude : entreprendre et gouverner après


44 

la révolution numérique, 2012. Toutes les citations qui suivent sont également issues
de cet ouvrage.

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brevets et droits de propriété). Ces actifs immatériels classiques ne


prennent pas en compte ce qui fait « l’essentiel de la valeur d’une
entreprise dans l’économie numérique : sa capacité à capter l’exter-
nalité positive que constitue la puissance de la multitude ». À titre
d’exemple, la force de la multitude tient aussi à différents éléments
qui échappent à la propriété intellectuelle, comme le « design réussi
d’une application, la capacité à itérer, la position dominante sur un
marché, l’ouverture d’une plateforme logicielle permettant à des
développeurs de s’emparer de ses ressources à des fins d’hybrida-
tion ». Dans cette société de la multitude, la technologie numérique
est nécessaire mais n’est pas le moteur principal. Les applications
sont le lieu de l’innovation car « elles constituent l’interface où la
technologie, transformée en expérience, rencontre le marché ». Toute
plateforme est en effet issue d’une application, et transformer une
application en plateforme est une grande réussite industrielle qui
fournit un avantage comparatif décisif. Les plateformes sont
aujourd’hui les infrastructures de l’économie numérique.

Le rôle et la nature des Application Programming Interfaces (API,


cf. infra) sont déterminants dans la force et le développement d’une
plateforme. « L’accroissement de l’emprise des plateformes est indis-
sociable de la révolution numérique – comme des profondes mutations
qu’elle entraîne dans l’économie mondiale ». Certaines plateformes
offrent des ressources techniques ou un accès à un marché à des
développeurs d’applications (App store ou Windows), d’autres captent
la « puissance bouillonnante de la multitude pour mieux lui redonner
les moyens d’utiliser cette puissance (Twitter) ». L’économie numé-
rique, appuyée par l’essor du Big data et des objets connectés
fait de chacun un acteur.

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FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

1.3. D
 e l’Internet des objets à l’« Internet du Tout
connecté » (Internet of Everything)
L’Internet des objets est un système de systèmes. Au cœur de cet
Internet des objets se trouve la capacité de l’objet à interconnecter
et interagir entre son environnement physique et son écosystème
numérique.

L’Union internationale des télécommunications (UIT) définit l’Internet


des objets comme une extension de l’Internet tel que nous le connais-
sons aujourd’hui, par la création d’un réseau omniprésent et auto-
organisé d’objets physiques connectés, identifiables et adressables
permettant le développement d’applications au sein de secteurs
verticaux clés et entre ces secteurs par le biais de puces
intégrées45.

L’Internet des objets regroupe trois natures d’appareils :

• les objets connectés directement à Internet ;

• le M2M qui définit la communication entre machines et l’accès


au système d’information sans intervention humaine via une
technologie Bluetooth, RFID, NFC46, Wifi ou 4G par exemple ;

• les terminaux communicants (smart connected devices) comme


les tablettes ou les smartphones.

45
Circuits et microprocesseurs intégrés, communément appelés « puces ».
46 
Bluetooth est une norme de communication basée sur les ondes radio (1 à 100 mètres) ;
la puce RFID (radio Frequency Identification) est une étiquette électronique incrustée
à l’objet qui permet la mémorisation et la récupération de données à distance, NFC
(near field communication) est une technologie de communication sans fil qui permet
l’échange d’informations entre les puces RFID.

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C O N N E C T É S E T L E B I G DATA O U V R E U N E N O U V E L L E È R E

L’Internet des objets ne se limite donc pas au monde en ligne et


permet potentiellement d’attribuer à chaque objet un double virtuel,
une copie simplifiée des caractéristiques de l’objet présent dans le
contexte physique. On notera qu’une des ruptures importantes
introduite dans l’Internet des objets est venue du design et de l’ergo-
nomie introduits notamment par Apple.

Après l’Internet des objets, la prochaine vague de croissance


d’Internet viendra certainement de la convergence des personnes,
des processus, des données et des objets : il s’agit de l’Internet
of Everything (IoE), ou « Internet du Tout connecté ». L’Internet
of Everything est la mise en réseau des personnes, des processus,
des données et des objets. C’est un Internet multidimensionnel qui
embrasse les champs de l’Internet des objets et de celui du Big data.

Figure 6 : Définition de l’Internet of Everything

Personnes Processus Données Objets


Connexion des Fournir la bonne S’appuyer sur les Dispositifs physiques
personnes de manière information à la données pour faire et objets connectés
plus pertinente bonne personne ressortir les à l’Internet pour
et avec davantage (ou à la machine) informations les plus une prise de décision
de valeur au bon moment utiles à la prise de décision intelligente

Source : Cisco, Value of the Internet of Everything for Cities, States and Countries, 2013.

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Le développement de l’Internet du Tout connecté s’appuie sur


trois tendances :

• les évolutions technologiques permettent de dégager davantage


de bénéfices de la connectivité. Par exemple, l’augmentation
considérable de la puissance de traitement, du stockage et de la
bande passante disponible à des coûts toujours plus faibles ; la
croissance rapide du cloud, des médias sociaux et de l’informatique
mobile ; les possibilités d’analyse du Big data et d’obtention d’infor-
mations exploitables, ou encore l’amélioration de l’interopérabilité
des technologies - matérielles et logicielles.

• la contrainte des formats perd en influence. Aujourd’hui, un


ordinateur de la taille d’un grain de sel (1 x 1 x 1 mm) est équipé
d’une cellule solaire, d’une batterie ultramince, d’une mémoire,
d’un capteur de pression, d’une radio et d’une antenne sans fil.
De même, des capteurs de la taille d’un grain de poussière
(0,05 x 0,005 mm) sont capables de détecter et de communiquer
la température, la pression et les mouvements. Ces développe-
ments sont importants, car les objets connectés à Internet dans
le futur pourraient être invisibles à l’œil nu.

• enfin, les obstacles à la connectivité s’effacent. Par exemple, le


protocole IPv647 a dépassé les limites d’IPv4 en permettant la
connexion de 340 282 366 920 938 463 463 374 607 431 768

IPv6 (Internet Protocol version 6) est un protocole réseau sans connexion de la couche
47 

3 du modèle OSI (Open Systems Interconnection). Grâce à des adresses de 128 bits
au lieu de 32 bits, IPv6 dispose d’un espace d’adressage bien plus important qu’IPv4.
Cette quantité d’adresses considérable permet une plus grande flexibilité dans leur
attribution et une meilleure agrégation des routes dans la table de routage d’Internet.
La traduction d’adresse, qui a été rendue populaire par le manque d’adresses IPv4,
n’est plus nécessaire.

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C O N N E C T É S E T L E B I G DATA O U V R E U N E N O U V E L L E È R E

211 456 personnes, processus, données et objets supplémentaires


à l’Internet. Ce protocole offre une capacité d’adresses de 4,8 x 1018.

De manière encore plus prégnante qu’avec l’Internet des objets,


l’Internet du Tout connecté repose sur la collecte, le traitement et
l’analyse des informations individuellement ou collectivement par-
tagées : les Big data. L’Internet du Tout connecté est en outre
porté par l’essor des objets connectés comme le résume la figure 7.

Figure 7 : Croissance estimée du nombre


d’objets connectés à Internet
Mobilité/BYOD* Internet of Everything
Informatique « fixe » (l’appareil Internet des objets (personnes, processus,
(vous allez à l’appareil) vous accompagne) (âge des appareils) données et objets)
M : millions 50 B
B : milliards
10 B

200 M

1995 2000 2013 2020


* BYOD : Bring your own device (« amenez votre propre appareil »).
Source : Prévisions du trafic de données Cisco (ISBG), 2013.

Les progrès du Big data et des objets connectés s’ajoutent aux res-
sources déjà disponibles pour accélérer la révolution numérique et
développer les écosystèmes associés. Selon Ray Kurzweil, le « coude
au-delà duquel toute courbe exponentielle s’infléchit semble encore
très loin » 48.

48
Ray Kurzweil, Op. cit.

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De nombreuses voix s’accordent à dire que le Big data et les objets


connectés représentent un important potentiel économique qui
pourrait devenir un relais de croissance majeur pour nos économies
endormies. Quelles sont les perspectives de création de valeur
associées au Big data et aux objets connectés et quels pans de
l’économie concernent-ils ?

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II

LES PERSP E C TIVE S D E C R É AT I O N


DE VA L E UR A S S OC IÉ E S
AU BIG DATA E T AUX OB JE T S
C ON N E C TÉ S

2.1. L
 ’Internet des objets et le Big data étendent
la révolution numérique à tous les pans de
l’économie

2.1.1. D
 es secteurs économiques immatériels déjà profon-
dément transformés

Trois aspects de la révolution numérique en particulier bouleversent


la technologie, l’industrie et l’économie avec de profondes consé-
quences sociétales : « la baisse des coûts de l’informatique et des
télécommunications qui deviennent insensiblement des ressources
abondantes et bon marché, à la portée de tous, l’entrée dans une
période d’innovation continue et jamais achevée et la démultiplication
de la puissance créatrice et du désir de créer en dehors des institutions
traditionnelles »49.

Ces évolutions entraînent des mécanismes économiques nouveaux


et permettent en particulier le développement d’activités à rende-
ments croissants qui redéfinissent les règles du jeu
concurrentiel.

49
Nicolas Colin et Henri Verdier, Op. cit.

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À l’ère de la production de masse, les rendements étaient croissants


avec l’activité dans un premier temps, avant de décroître, car les
entreprises étaient soumises à deux lois qui s’opposent : elles cher-
chaient à améliorer leur productivité par une meilleure organisation
du travail et des économies d’échelle, mais se heurtaient aux limites
du monde physique, comme par exemple la difficulté à trouver des
terres fertiles lorsque l’on augmente la production agricole.

L’ère numérique permet au contraire à des activités à rendements


croissants de se développer. W. Brian Arthur a ainsi identifié dès
1996 trois raisons qui combinées engendrent ces rendements crois-
sants50 :

• des coûts initiaux élevés et des coûts marginaux faibles. Les


activités numériques nécessitent souvent des coûts d’investisse-
ments initiaux importants, notamment pour leur conception. En
revanche, leurs coûts unitaires tendent à décroître très rapidement.
Par exemple, un logiciel peut demander un fort investissement en
recherche et développement (R&D) mais chaque unité supplé-
mentaire est vendue à un coût marginal quasiment nul ;

• l’appropriation par les utilisateurs : il est frappant de voir avec


quelle rapidité les utilisateurs des plateformes Internet accueillent
dans leur quotidien ces nouveaux usages. Cela n’est pas fortuit.
C’est à la fois parce que le design de ces plateformes a été soi-
gneusement pensé pour en simplifier l’usage, voire créer une
certaine addiction, et parce qu’une part importante de la valeur,
qu’elles créent est redonnée aux utilisateurs ;

50
Pour plus d’informations, voir : W.Brian Arthur, « Increasing Returns and the New
World of Business », Harvard Business Review, avril 1996.

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• les effets de réseaux : la plupart des activités numériques s’ins-


crivent dans une logique de plateforme qui organise la rencontre
de consommateurs et de fournisseurs : ainsi, Google permet à des
annonceurs de cibler des visiteurs autour de son moteur de
recherche. La valeur du service croît avec le nombre de ses
utilisateurs. La qualité et l’exhaustivité des avis de consommateurs
sur TripAdvisor augmentent très fortement avec le nombre de
contributeurs : ce sont des effets de réseaux simples. Par la suite,
cette masse d’utilisateurs attire un nombre croissant de fournisseurs
de services qui à leur tour attirent plus d’utilisateurs, l’offre deve-
nant plus complète : ce sont des effets de réseaux croisés.

Ces effets réseaux sont amplifiés par la forte baisse des coûts
de communication qui donne la possibilité au monde entier de
prendre part à ces plateformes. Enfin, le développement des
API51 permet aux plateformes de s’étendre bien au-delà de leur
propre service, en permettant à d’autres services de bénéficier des
fonctionnalités de la plateforme tout en contribuant à la renforcer.
C’est le cas de l’API Facebook Connect qui permet aux sites Internet
qui l’utilisent d’offrir à leurs utilisateurs un moyen simple de
s’identifier, tout en permettant à Facebook d’augmenter l’utilité de
sa plateforme, d’enrichir son contenu et de mieux connaître ses
clients.

Conséquence directe de ces rendements croissants, les secteurs


transformés par le numérique voient émerger des acteurs mono-
polistiques et globaux. Ces derniers redéfinissent les règles du jeu

Les API (Application Programming Interface) sont des interfaces de programmation.


51 

Une API permet notamment de faire le lien entre un utilisateur et une application. Il
s’agit de la partie exposée d’un programme permettant le contrôle de ce dernier sans
en maîtriser toutes les différentes composantes. Les API assurent également l’intero-
pérabilité de différents programmes et plateformes.

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concurrentiel dont les facteurs clés de succès peuvent être résumés


ainsi : course à la croissance, capacité à se positionner comme une
plateforme et service rendu au client.

Une étude récente52 met en avant la croissance forte et continue


comme principal caractère distinctif des acteurs ayant dépassé la
barre des 4 Mds$ de revenu (moins de 1 % des 3 000 entreprises
étudiées). Les acteurs de l’ère numérique sont ainsi embarqués dans
une course effrénée à la croissance, nécessitant souvent l’immo-
bilisation de capitaux initiaux importants.

La même étude souligne également la capacité qu’ont eue les géants


de l’Internet à se transformer en plateformes et ainsi bénéficier à
plein des effets réseaux et de la puissance de la multitude. Par
exemple, l’éditeur de solutions Salesforce.com s’est mué en plate-
forme en lançant Force.com qui permet aux entreprises de développer
leurs propres applications, et Appexchange, qui permet aux éditeurs
de logiciels de vendre leurs applications à ses 100 000 clients.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, le champ de la concur-


rence est avant tout celui de l’expérience et du service rendu au
client. Contrairement aux produits traditionnels qui évoluent lente-
ment, les produits et services de l’ère du numérique évoluent en
permanence. Les positions acquises par les acteurs de l’ère numé-
rique peuvent rapidement être reprises par des acteurs plus à l’écoute
des attentes des utilisateurs (cf. la quasi-disparition de MySpace).

Les premiers secteurs économiques à avoir basculé dans l’ère


numérique étaient les plus simples à transformer de par leur nature

Eric Kutcher, Olivia Nottebohm et Kara Sprague, Grow fast or die slow, McKinsey&Company,
52 

avril 2014.

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immatérielle : la musique, la vidéo, l’édition, le tourisme, etc. Les


nouveaux codes de l’ère numérique ont été déstabilisants pour les
acteurs établis car ils n’entraient pas dans leur modèle habituel de
prise de décision et de gestion du risque. Investir massivement sans
pouvoir évaluer le futur retour sur investissement, ou mettre à dispo-
sition d’autres acteurs certains de ses actifs pour devenir une plate-
forme, ne fait pas partie de la stratégie des acteurs traditionnels et
nécessite une transformation culturelle et organisationnelle en pro-
fondeur que peu d’acteurs ont su réaliser suffisamment rapidement.

Les chaînes de valeur des secteurs ayant basculé dans l’ère numé-
rique ont été systématiquement redéfinies. Des plateformes, opérées
par des acteurs globaux et monopolistiques, sont venues « désin-
termédier » les acteurs traditionnels qui ont réagi trop tardivement ;
comme par exemple iTunes vis-à-vis des majors de la musique ou
Booking.com vis-à-vis des hôteliers.

2.1.2. L
 ’Internet des objets étend la révolution numérique
à tous les secteurs économiques

Les analyses menées notamment par Carlota Perez53 permettent de


constater que les vagues de développement économique suivent
un cycle binaire similaire :

• tout d’abord, une période d’installation, marquée par la spécu-


lation, l’explosion de nouvelles technologies et la prédominance
du capital financier. Cette phase est souvent caractérisée par

Universitaire spécialiste de l’analyse des cycles technologiques et leurs relations avec les
53 

cycles financiers et économiques. Elle a approfondi les travaux sur la création-destructrice


de Shumpeter avec sa théorie des « grandes vagues » systémiques de développement
économique depuis la révolution industrielle en Europe et en Amérique du Nord.

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l’émergence de bulles financières qui fournissent le capital néces-


saire aux nouvelles infrastructures pour se développer et se
déployer ;

• puis, une période de déploiement, âge d’or économique et social


porté par une adoption de la nouvelle technologie par tous les
pans de l’économie et par un État plus actif. Entre ces deux périodes
se trouve une phase de transition et de transformation, souvent
caractérisée par une instabilité économique et politique et par
l’éclatement des bulles spéculatives.

Figure 8 : Les deux périodes des révolutions technologiques


5 révolutions technologiques en 240 ans
1771 La Révolution industrielle

1829 L’âge de la vapeur, du charbon et des chemins de fer

1875 L’âge de l’acier et de l’ingénierie lourde

1908 L’âge de l’automobile, du pétrole, de la pétrochimie et de la production de masse

1971 L’âge des technologies de l’information et des télécommunications

20 ?? L’âge des biotechnologies, des nanotechnologies et des nouveaux matériaux ?

Chacune modifie le paradigme techno-économique qui guide l’innovation

Source : Carlota Perez, The direction of innovation after the financial collapse, 9th Triple
Helix Conference, juillet 2011.

Cette théorie s’applique également à la révolution numérique en


marche depuis 40 ans : à ce jour, un nombre encore restreint de
secteurs économiques (essentiellement des secteurs « immatériels »)
ont réellement connu une transformation digitale.

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Nous serions donc au point de bascule de l’ère numérique : de


l’éclatement récent des bulles spéculatives54 devrait naître une
période prospère. Cette dernière sera marquée par la diffusion du
numérique dans l’économie réelle, générant des gains de produc-
tivité et de nouveaux gisements de valeur.

Contrairement à l’informatique et à l’Internet, dont la diffusion se limitait


au « non physique », les objets connectés vont permettre au numé-
rique de conquérir le dernier territoire sur lequel il n’avait encore
d’emprise : le monde réel, celui des produits et du tangible.

Figure 9 : La révolution Internet entre dans son « âge d’or »


Révolution Année et pays Période Point Période
d’installation de bascule de déploiement
1771
1re « Canal Mania » 1793-1797 « Grand bond » Anglais
Royaume-Uni

1829 Ère victorienne


2e Âge d’or des chemins de fer 1848-1850
Royaume-Uni

3e 1875
Royaume-Uni Bulle des infrastructures
de la première mondialisation 1890-1895 Belle époque
États-Unis
Allemagne (Argentine, Australie, États-Unis)

1908 Europe : 1929-1933 Après-Guerre


4e Les années folles
États-Unis États-Unis : 1929-1943 30 Glorieuses

1971 Développement d’Internet 2000 et 2007


5e et de la finance de marché Âge d’or global
États-Unis ???

Source : Carlota Perez, Op. cit.

Voir notamment la tribune de Gérard Mestrallet, président-directeur général de GDF


54 

Suez : « Uber relance les interrogations sur une nouvelle bulle Internet », Les Echos,
7 décembre 2014.

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Les travaux de Carlota Perez nous éclairent sur un autre aspect des
révolutions technologiques : la période de déploiement d’une
technologie s’accompagne systématiquement d’une transformation
radicale de la société. Ainsi, au cours du XXe siècle, l’ère de la
production de masse dans les pays occidentaux a été marquée par
l’avènement d’une classe moyenne qui a permis le développement
d’une société de consommation, où « bien-être » rimait avec
« possession ». Or, la société de l’ère du numérique reste encore
à inventer. On voit cependant se dessiner certaines exigences :
davantage de liberté dans l’organisation du temps et des activités
professionnelles, moins d’attachement à la possession de biens
matériels, plus d’attention pour la durabilité. Michael Porter55 voit
également dans les objets connectés une opportunité de répondre
aux grands enjeux sociétaux, parce qu’ils permettront des avancées
considérables en terme d’efficacité, de sécurité et de qualité tout en
préservant les ressources de notre planète.

2.1.3. Toutes les entreprises doivent repenser leur busi-


ness model

Un à un, tous les secteurs économiques vont basculer dans l’ère


numérique, menaçant les entreprises de disparition si elles n’évoluent
pas. Le mandat des dirigeants est donc simple : amener les
entreprises à envisager leur positionnement dans ce nouveau
paradigme, à développer de nouveaux avantages compétitifs – ceux
de l’ère précédente devenant partiellement caduques - puis à se
transformer pour mettre en œuvre cette nouvelle vision.

Michael Porter et James E. Heppelmann, « How smart, connected products are trans-
55 

forming competition », Harvard Business Review, novembre 2014.

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Positionnement et avantages compétitifs


Les entreprises doivent d’abord comprendre le potentiel de création
de valeur des objets connectés et du Big data sur leurs marchés.
Michael Porter56 identifie quatre capacités-clés des objets connectés
combinés au Big data :

• la surveillance (ou monitoring) : les capteurs placés sur les objets
renseignent sur leur environnement et sur les conditions d’utilisation
et d’opération des objets. L’exploitation de ces données peut être
la source de nouveaux services, comme par exemple en médecine
préventive. Ces données peuvent également être utilisées de façon
indirecte pour mieux envisager la conception des futurs objets,
mieux segmenter le marché et les prix, ou bien assurer un service
après-vente plus efficace ;

• le contrôle : l’exploitation de ces données par des algorithmes


placés dans le produit ou dans le cloud permet de commander à
distance les objets s’ils sont équipés d’actionneurs ;

• l’optimisation : l’analyse des données de fonctionnement actuel


et passé d’un objet, croisées avec l’ensemble des autres données
environnementales et la possibilité de les contrôler, permet
d’optimiser l’efficacité de l’objet ;

• l’autonomie : la combinaison de toutes les capacités précédentes


et des dernières évolutions de l’intelligence artificielle permet
d’atteindre un important niveau d’autonomie d’objets individuels
(comme les robots aspirateurs ménagers) ou de systèmes complets
(comme les smartgrids).

56
Ibid.
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De plus, les objets connectés obligent les entreprises à réévaluer


leur environnement, car les données produites ainsi que les services
et plateformes qui les accompagnent permettent une optimisation
des systèmes à plus large échelle. Par exemple, le transport public
est d’ores et déjà pensé dans le cadre d’un marché plus large de la
mobilité, dans lequel la finalité n’est plus d’opérer un réseau de bus
ou de métro, mais d’aider un client à se rendre d’un point A à un
point B. L’écosystème s’élargit dès lors pour inclure tous les moyens
de transport dans et autour de la ville (bus, métros, voiture
individuelle, taxis, auto-partage, etc.), les applications mobiles de
GPS urbain, les réseaux sociaux d’usagers et les infrastructures de
la ville notamment (voierie, parkings, etc.).

Enfin, les entreprises doivent anticiper l’apparition d’activités à


rendement croissants, où la multitude sera la plus à même de
démultiplier la valeur des actifs et des services. Elles pourront créer
des plateformes autour de ces activités pour permettre à ces
rendements croissants de se matérialiser.

Transformation du modèle de l’entreprise


Une fois mesurée l’apparition des objets connectés et leur impact sur
un marché défini, les entreprises doivent penser leur transformation pour
exceller dans ce nouveau paradigme. Tout d’abord, l’entreprise doit faire
évoluer la plupart de ses fonctions et savoirs faire, en termes de :

• c onception : les objets connectés sont à la fois plus évolutifs, plus


efficaces et moins énergivores. Une plus grande collaboration est
nécessaire entre les équipes software et les équipes hardware pour
concevoir de nouveaux produits et services qui intègrent plus
d’intelligence, de capteurs et de fonctionnalités déportées dans le
cloud et faisant appel au Big data ;

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• marketing : les nouvelles données créées par les objets connectés


permettent de mieux segmenter le marché et d’individualiser la
relation client. Ce marketing individualisé permet également de
concevoir des services plus facilement adaptables tout en
préservant des économies d’échelle ;

• s ervices clients : le rôle des services clients évolue progressivement


vers la prévention des pannes, parfois à distance. L’analyse des
données permet également à ces services de comprendre les
causes de panne, afin notamment d’améliorer la conception.

Les ressources humaines jouent dans cette transformation un rôle


central d’accompagnement, pour s’assurer de l’apport de
compétences nouvelles en termes d’analyse de données, de design,
d’ingénierie logicielle et mécanique ainsi que de développeurs. Elles
doivent également accompagner les équipes en place pour les faire
monter en compétence et éviter qu’une fracture générationnelle entre
employés ne se forme.

Les entreprises devront également se doter d’infrastructures


technologiques beaucoup plus robustes : la place de l’informatique
et des communications va se renforcer, tout comme celle de la
sécurité. Plus fondamentalement, les entreprises doivent faire évoluer
leur structure et leur gouvernance pour gagner en agilité et en capacité
d’adaptation. En effet, l’Internet des objets suppose une innovation
permanente : la rapidité d’exécution et la capacité à échouer puis
rebondir rapidement seront primordiales. Enfin, l’ouverture sur
l’extérieur sera également un levier d’action essentiel pour s’intégrer
aux plateformes et aux écosystèmes qui structureront les marchés.

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2.2. L
 e potentiel économique de l’Internet des
objets en France : entre 74 milliards d’euros
en 2020 et 138 milliards d’euros en 2025

2.2.1. L
 es objets connectés et le Big data offrent de nou-
veaux leviers de création de valeur

Les objets connectés couplés à la capacité d’analyse du Big data


fournissent aux entreprises, aux particuliers et aux administrations
de nouveaux leviers d’action dont quatre en particulier doivent être
soulignés :

•d
 isposer de plus d’informations pour la prise de décision. Ainsi,
les départements marketing disposent d’informations plus détaillées
sur les usages qui sont faits de leurs produits et les préférences
individuelles de leurs clients, et peuvent mieux répondre aux
attentes de ces derniers ;

•m
 ieux anticiper afin d’agir plus tôt et à moindre coût. Par
exemple, dans le domaine de la santé le suivi régulier et précis
de critères diagnostiques permet la détection précoce de certaines
pathologies et en minimise pour l’avenir les conséquences ;

• r éaliser des économies en améliorant la productivité, l’utilisation


des ressources et les processus industriels. Ainsi, les voitures
connectées devraient permettre de fluidifier le trafic routier et ainsi
réduire la consommation globale de carburant. De même, la
meilleure identification des pannes dans les usines permettra de
minimiser les temps d’arrêt des processus de production ;

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• identifier de nouveaux gisements de valeur : « du Big data à la


Big value ». L’exploitation des données longitudinales et le
croisement de sources de données disparates vont permettre
d’améliorer la productivité (par exemple, l’optimisation d’un réseau
de transport urbain par l’analyse des flux de voyageurs et de
l’évolution de l’urbanisation), de développer de nouveaux produits
(par exemple, le lancement de nouvelles molécules facilité par
une conception et une analyse plus fine des tests cliniques) et de
mieux lutter contre les pertes (par exemple les fuites d’eau ou les
fraudes).

Les bénéfices des objets connectés iront cependant bien au-delà de


la simple valeur économique. Du point de vue de l’individu, ils auront
également un impact très significatif sur la vie quotidienne. Ils vont
ainsi contribuer à améliorer le bien-être et la qualité de vie (via
l’automatisation des tâches, d’une part, et les progrès de la médecine,
d’autre part), à réduire les pertes de temps (par exemple via les
changements dans la mobilité) et le temps passé à travailler, et enfin
à réduire les risques (d’accidents, de santé ou industriels).

Au niveau de l’État, les objets connectés représentent un levier de


réindustrialisation, pour produire ces nouveaux objets mais
également pour se doter d’un outil de production plus compétitif (les
« usines connectées »). Ils constituent également un enjeu de
localisation de la valeur. La France et l’Europe n’hébergent aucune
des grandes plateformes Internet qui ont agrégé une part importante
de la valeur des premières industries à basculer dans le numérique,
et doivent donc veiller à attirer celles de la prochaine vague de
numérisation de l’économie.

Sommaire 49
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Cette localisation est d’autant plus importante que les objets


connectés vont engendrer un phénomène de création destructrice :
les nouvelles technologies vont avant tout remplacer les activités
actuelles et ne créeront que marginalement de nouveaux marchés.
Un territoire qui ne prendrait pas le virage suffisamment tôt
risquerait donc de voir ses emplois détruits et déplacés en dehors
de ses frontières.

2.2.2. U
 n potentiel de création de valeur compris entre
3,6 % et 7,0 % du PIB français

Nouveaux revenus mais aussi gains de productivité pour les


entreprises, économies et libération de temps pour les citoyens :
plus qu’un nouveau segment de marché estimé à 15 MdsE en 2020
(et 23 MdsE en 2025), les objets connectés, associés au Big data,
permettent un effet de levier dont les répercussions sur l’économie
française pourraient atteindre les 3,6 % de PIB à échéance 2020
(et environ 7 % en 2025).

Méthodologie de l’estimation économique

Les estimations présentées dans ce rapport sont issues d’une


évaluation originale réalisée par A.T. Kearney dans le cadre du
rapport de l’Institut Montaigne.

L’étude d’A.T. Kearney est une modélisation du potentiel du


développement des objets connectés et du Big data sur le PIB
français à horizon 2020-2025.

50 Sommaire
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AU B I G DATA E T AU X O B J E T S C O N N E C T É S

Ce travail se fonde sur l’évaluation du produit intérieur brut (PIB)


par les dépenses, telle qu’utilisée dans la comptabilité nationale,
et vise à comprendre l’impact des objets connectés et du Big data
sur la consommation des ménages, la consommation des
entreprises, les investissements publics et privés ainsi que la
balance commerciale.

L’approche utilisée est originale dans le sens où elle distingue le


marché d’équipement (la consommation et l’investissement dans
les objets connectés et leurs services associés) et les différents
mécanismes de création de valeur des objets connectés et du Big
data dans le PIB (gains de productivité, gains de pouvoir d’achat
et gains de temps pour la société dans son ensemble).

Sur les principaux secteurs de la comptabilité nationale, les


valorisations se basent sur l’évaluation des principaux cas
d’usages. Seuls les cas d’usages faisant appel à des objets
connectés ont été pris en compte. Il ne s’agit donc pas d’un impact
du numérique sur l’économie française mais bien des objets
connectés et du Big data. Par exemple, le commerce électronique
n’entre pas en ligne de compte dans cette évaluation, ni les accès
Internet ou mobiles non liés à des objets, ou bien encore les
dépenses des entreprises en informatique lorsqu’elles ne sont pas
liées à l’Internet des objets ou au Big data.

Sommaire 51
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L’Internet des objets est une industrie d’équipement à fort


potentiel de création de valeur sur le PIB
La masse d’informations précises créée par les objets connectés,
dont l’interprétation est assurée par des architectures en cloud et
des algorithmes Big data, est une source d’optimisation inédite de
très nombreux domaines de services et de processus industriels. Le
chiffrage réalisé par A.T. Kearney pour l’Institut Montaigne estime
à 15 Mdse en 2020 et 23 Mdse en 2025 le marché d’équipements
connectés et entre 74 Mdse en 2020 et 138 Mdse en 2025 le
potentiel de création de valeur de l’Internet des objets en France57 :

•u
 n nouveau marché d’achat d’équipements connectés (15 à
23 Mdse de 2020 à 2025) : il s’agit du marché direct d’achats
d’objets et de services connectés par les particuliers et les entre-
prises (par exemple, l’achat d’un bracelet connecté pour suivre
son activité physique, ou l’équipement en réseau de capteurs
d’une ligne de production) ;

•u
 n potentiel de création de valeur sur le PIB réparti en trois
leviers (74 à 138 Mdse de 2020 à 2025) :
– l’augmentation de la productivité (30 à 64 Mdse de 2020 à
2025) : l’exploitation des données produites par les objets et leur
environnement, la capacité de les contrôler à distance, d’optimiser
leur fonctionnement voire de rendre quasiment autonomes des
systèmes d’objets, permettent une augmentation significative de
la production par unité de coût ainsi qu’un usage plus économe
des intrants et de l’énergie ;

Le marché d’achat d’équipements connectés n’est pas intégré au calcul de l’impact sur
57 

le PIB pour éviter un double compte. Les objets connectés représentent simultanément
un nouveau marché et un investissement nécessaire à la réalisation des gains de
productivité, de temps et de pouvoir d’achat.

52 Sommaire
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– les gains de pouvoir d’achat (24 à 42 Mdse de 2020 à


2025) : les mêmes leviers appliqués aux consommateurs
entraîneront des économies significatives notamment en termes
d’énergie ainsi qu’une plus grande durabilité des produits qu’ils
consomment ;
–d es économies de temps monétisées (20 à 32 Mdse de 2020
à 2025) : conséquence directe des gains de productivité, des
progrès médicaux et de la réduction des risques qu’ils génèrent,
les objets connectés vont libérer du temps en bonne santé pour
leurs utilisateurs. Une part de ce temps libéré aura une valeur
économique directe lorsqu’il sera employé à travailler.

Ainsi, chaque euro investi dans les objets connectés pourrait


produire jusqu’à six euros de gain de productivité, de pouvoir
d’achat et d’économies de temps monétisées.

Sommaire 53
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Figure 10 : Le marché d’équipement et les trois leviers


de création de valeur des objets connectés

Économies réalisées par les ménages


24 Mds€ Gain de et qui peuvent être redirigées vers la
à 42 Mds€ pouvoir d’achat consommation d’autres biens et services

Achats
d’équipements 15 Mds€ PIB FRANCE 20 Mds€ Économies
de temps
connectés à 23 Mds€ à 32 Mds€ monétisées
2 100 Mds€
Achats d’objets et de services Économies de temps réalisées
connectés par les particuliers par les ménages, qui pourront
et les entreprises être monétisées

Augmentation de la production
par unité de coût réinvestie Augmentation 30 Mds€
dans l’activité et les outils
de productivité à 64 Mds€
de production
Nouveau marché d’équipement en objets connectés
Leviers de création de valeur
Source : A.T. Kearney France, 2015.

Des leviers de création de valeur qui bénéficient à tous les sec-


teurs de l’économie
Les objets connectés étendent la révolution numérique à tous les
secteurs de l’économie, car ils abolissent la séparation entre monde
physique et monde virtuel. Parmi les secteurs à plus fort potentiel
de création de valeur se trouvent58:

Le potentiel indiqué ici est la somme des potentiels de création de valeur des trois
58 

leviers présentés plus haut (gains de productivité, gain de pouvoir d’achat, économies
de temps) pour chacun des secteurs économiques. Les exemples cités sont les plus
significatifs par secteur. Ils ne sont pas exhaustifs et la somme de leur impact ne
correspond pas à la totalité des effets modélisés.

54 Sommaire
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• le logement (19 à 28 Mdse de 2020 à 2025) : il s’agit du


principal poste de consommation des ménages dans le PIB avec
près de 395 Mdse de dépenses en 201359. Le principal levier de
création de valeur concernera les économies d’énergie, à hauteur
de 10 % des 56 Mdse de dépenses actuelles, soit 5,6 Mdse en
2025. Viendront ensuite les gains de temps, grâce au développe-
ment d’un marché d’équipements d’électroménagers et de domo-
tique plus autonomes et porteurs de services. L’INSEE estime60
que les tâches ménagères requièrent aujourd’hui environ 20 heures
par semaine et par personne, qui pourraient être réduites de 20 %
et générer un potentiel économique allant jusqu’à 20 Mdse en
2025 ;

• la mobilité (17 à 31 Mdse de 2020 à 2025) : le transport génère


des inefficacités importantes : perte de temps (5,5 Mdse « gas-
pillés » dans les embouteillages)61, consommation d’énergie
(83 Mdse de dépenses d’utilisation)62 et accidents, dramatiques
pour les personnes mais aussi coûteux (22 Mdse de coûts liés,
en sus des blessures et décès)63. La multiplication des capteurs
et des systèmes d’assistance à la conduite, la coordination entre
les véhicules et la voirie, le développement de la multi-modalité
vont permettre une réduction de ces inefficacités d’ici 2025 :
jusqu’à 100 % pour les embouteillages (5,5 Mdse), 40 % pour

59 
Sommes des dépenses liées au logement, dont : loyers, services liés au logement,
électricité et gaz, meubles, entretien courant, etc. Cette somme est calculée sur la base
des données de l’INSEE en 2013 pour ces différents postes.
60
Insee,

Le travail domestique : 60 milliards d’heures en 2010, novembre 2012.
61
Centre for Economics and Business Research (CEBR) pour INRIX, The economic costs


of gridlock, décembre 2012.


62
Source : INSEE.
63
Source : Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).

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les accidents (8,8 Mdse) et 5 % pour la consommation d’énergie


(4 Mdse)64 ;

• la santé (16 à 35 Mdse de 2020 à 2025) : les objets connectés


impactent très fortement le domaine de la santé en permettant,
notamment, un meilleur suivi des maladies chroniques (diabète,
asthme, hypertension artérielle, etc.) et une meilleure observance
des traitements. Sur les 66 Mdse de coût des affections longue
durée65, jusqu’à 10 % pourraient être économisées par un meilleur
monitoring des constantes et des parcours de soin (6,6 Mdse)66. La
non-observance des traitements, dont le coût est évalué jusqu’à
9 Mdse par an67, pourrait être réduite de 80 %68 en 2025 (7 Mdse)
par l’usage de systèmes de suivi comme des piluliers connectés.

Le développement de capteurs à faible coût devrait permettre


d’améliorer l’efficacité des politiques de prévention dont l’impact

64 
Ces potentiels de réduction sont calculés sur la base d’une hypothèse de 60 % de
véhicules connectés en 2025. Ce niveau de connectivité permet d’augmenter de 40 %
la capacité horaire des routes et autoroutes et, par exemple, d’éliminer presque entièrement
les embouteillages sur le périphérique parisien. Ces véhicules connectés élimineront la
quasi-totalité des accidents liés aux véhicules équipés – tandis que les accidents liés aux
40 % de véhicules non équipés perdureront. Enfin, la meilleure régulation de la vitesse
permettra de gagner environ 10 % de carburant pour les voitures équipées.
65
Haute autorité de santé, « coût des ALD en 2009 ».
66
Voir

notamment à ce sujet : François de Brantes, Michael Painter, Amita Rastogi,
« Reducing Potentially Avoidable Complications in Patients with Chronic Diseases »,
juillet 2010. Cette étude souligne que 30 % des coûts des maladies chroniques sont
dus à des complications évitables par une meilleure coordination des soins et du suivi
des patients. L’étude réalisée par A.T. Keanrye estime de manière prudente que l’Internet
des objets pourrait permettre d’éviter un tiers de ces complications et réduire ainsi
10 % des coûts correspondants.
67
IMS Health pour le Cercle de réflexion de l’industrie pharmaceutique, Améliorer l’obser-


vance. Traiter mieux et moins cher, novembre 2014.


68
« Le pilulier connecté, nouveau remède pour une meilleure observance médicamen-
teuse », Le monde de la e-santé, janvier 2014. Sur cette base, l’étude d’A.T. Kearney
estime à 80 % l’impact possible de réduction de la non observance.

56 Sommaire
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sur les coûts de santé est estimé à 2 Mdse en 2025. L’hospitalisation


à distance, notamment pour les soins de suite et de réadaptation,
est également un domaine valorisé à 3 Mdse en 202569 pour un
budget actuel de 7 Mdse70. Enfin, l’ouverture des données médi-
cales aux laboratoires de recherche médicamenteuse pourrait
contribuer à l’identification de nouvelles molécules et au dévelop-
pement de thérapies plus individualisées ;

•d
 es leviers transverses comme l’outil de production manufac-
turière, la logistique ou les smartgrids (12 à 23 Mdse de 2020
à 2025) : les smartgrids devraient permettre de réduire les coûts
de transport et de production de l’énergie électrique de 1,2 Mde
en 2025 (cf. figure 13). Le développement des objets connectés
peut améliorer la productivité dans le secteur manufacturier en
diminuant les temps d’arrêt des machines équipées de capteurs,
en améliorant le suivi des inventaires ou le positionnement des
objets dans les chaînes de production. Sur 400 Mdse de coûts
de fonctionnement de l’industrie manufacturière71, il est estimé
que 4 % (16 Mdse) pourraient être économisés en 2025 (5 %
de gain de productivité pour 80 % des usines). Enfin, l’équipement
des camions, des palettes et des colis avec des puces RFID et les
dispositifs de localisation devraient favoriser un meilleur pilotage
des chaînes logistiques, évalué à 3 Mdse en 2025 (10 % des
coûts de transport routiers pour 60 % de la flotte équipée en
télématique72).

Hypothèse de transfert de 60 % des journées en établissement de soin de suite vers


69 

l’hospitalisation à domicile. Source : Institute For Research and Information in Health


Economics, 2007.
70
Source : INSEE.
71 
INSEE, PIB 2011, « Part des salaires, charges sociales et consommations intermédiaires
dans l’industrie manufacturière ».
72
INSEE, « La part du routier dans la logistique représentait 51 Mds€ en 2011 ».

Sommaire 57
Figure 11 : Le potentiel de création de valeur des objets connectés

58
dans différents secteurs d’activité
Un potentiel de création de valeur sur tous les domaines de l’économie et notamment le logement, la mobilité et la santé

Domaine Potentiel de valeur Principales Champ d’application Potentiel de gain


(en Mds€ par an) applications (2020-2025)
•Domotique / tâches ménagères •>1 000 h/an/personne tâches ménagères •~15-25 %
Logement 19 28 •Réduction des dépenses d’énergie •56 Mds€/an énergie des logements •~10 %
•Réduction des embouteillages •5,5 Mds€/an coût des embouteillages •~50-100 %
Mobilité 17 31 •Réduction des accidents •22 Mds€/an coût de l’accidentalité •~20-40 %
•Réduction des consommations •83 Mds€/an dépenses d’utilisation •~3-5 %
•Réduction de la non observance •9 Mds€/an coût de la non observance •~30-80 %
Santé 16 35 •Optimisation des parcours de soin •66 Mds€/an coût des ALD •~5-10 %
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•Hospitalisation •~22 M jours de réadaptation ➛ HAD •~15-30 %


•Prévention •~700000 diabètes de type 2 non diagnostiqués •~50-80 %

Sommaire
Sujets •Usine connectée •~400 Mds€ coût (salaire/biens) des usines •~2-4 %
12 23 •Optimisation des flux logistiques •~51 Mds€ coûts logistiques routiers •~3-6 %
transverses •Impact des smartgrids sur la consommation •480 TWh de consommation annuelle, •2 % conso, 4 % des pics
et l’investissement pic >100 MW
Action •Optimisation des ressources •20 % de la dépense publique
8 15 •Sécurité •~3-7 %
publique adressable (~200 Mds€)
•Défense connectée
•Gestion des salles de classe •512 000 salles de classe •~15-100 %
Éducation 26 •Meilleur impact de la formation prof. •37 % des salariés formés chaque année •20-80 % des formations
sur la productivité aux objets connectés
Loisirs 12 •Articles de sports connectés •9,6 Mds€ d’équipements sportifs •~20-60 %

Total 74 138 2020 2025

Source : INSEE, ONISR, IMS Health, A.T. Kearney, 2015. NB : ALD = affection longue durée ; HAD = hospitalisation à domicile.
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Un nouveau secteur industriel en forte croissance


Les objets connectés devraient connaître une croissance très forte
pour représenter un marché direct d’équipements et de services
estimé à 15 Mdse en France à l’horizon 2020, puis 23 Mdse en
2025.

Sous une désignation unique, les objets connectés revêtent une


réalité très large d’applications. Leur dénominateur commun réside
dans leur composition : ils s’appuient tous sur des objets physiques
souvent déjà existants mais repensés pour y intégrer une couche «
d’intelligence » (capteurs, actionneurs, microprocesseur et système
d’exploitation), un module de connectivité aux réseaux et des services
dans le cloud qui en étendent les fonctionnalités.

En France, de nombreuses opportunités peuvent être saisies dans


des domaines comme les objets et services dans le logement (domo-
tique, sécurité, électroménager), qui représenteront un marché de
4,3 Mdse en 2020, ou dans le transport (télématique, modules de
pilotage, mobilier routier) pour 3 Mdse (cf. figure 12).

Enfin, ces estimations ne tiennent pas compte de l’impact positif


que pourrait avoir l’Internet des objets sur la balance commerciale
française. Si le marché français des objets connectés et des services
qui y sont associés a été estimé à 15 Mdse en 2020, une autre
étude A.T. Kearney a estimé qu’ils pourraient représenter au niveau
mondial un marché de près de près de 300 Mdse en 202073. Chaque
point de part de marché gagné par des entreprises françaises repré-
senterait environ 3 Mdse pour l’économie française.

73
A.T.Kearney, Internet of Things 2020, A Glimpse into the Future, avril 2014.

Sommaire 59
Figure 12 : Le marché des objets connectés en France et dans le monde

60
Les ventes d’objets connectés représenteraient ~15 Mds€ en 2020 en France ; pour un marché global 20 fois plus important
Marché des objets connectés (2020, en Mds€)
Opportunité en France Opportunité globale
Domaine Marché Objets connectés Exemple d’acteurs
en France x 20
(2020 ; Mds€)
•Domotique •Netatmo
Logement 4,3 •Équipements de sécurité •Alima 295,8
•Électroménager •Myfox
•Sagem
Smartgrid, •Smartmeters / Smartgrids •Schneider
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3,4 •RFID et GPS logistique


Manufacturing, •Nexess
Supply Chain •Capteurs sur robots •Kalray

Sommaire
•Télématique et GPS •Technicolor
Transport 3,0 •Modules de pilotage •Valeo
•Mobilier routier •Induct
•Capteurs de constantes •Withings
Santé 2,7 Piluliers et doseurs •Bodycap
•Dispositifs de santé •Medissimo
•Intervention à distance
•Équipement de sport, •Citizen Sciences
Autre 1,7 •Loisirs (drônes connectés, •Parrot 15,2
jardinage...)

Total France Global


15,2

Source : Desk research, A.T. Kearney, 2015.


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Déjà, des startups, des PME et des grandes entreprises françaises se


sont illustrées sur ces marchés, soulignant les atouts de notre tissu
entrepreneurial, et le talent de nos ingénieurs et de nos designers.

Ces acteurs interviennent à différents niveaux dans la chaîne de


valeur des objets connectés :

• e n tant que concepteurs d’objets grands publics - est-il encore


besoin de citer les sociétés Withings, Netatmo ou Citizen Science
et la myriade d’objets développés aujourd’hui par le tissu de
startups françaises ;

• c omme fournisseurs d’infrastructures ou de dispositifs industriels


connectés (par exemple, les compteurs électriques intelligents de
Sagem ou les solutions de smartgrid de Schneider Electrics) ;

• c omme fournisseur des capteurs (ST Microelectronics), de micro-


processeurs (Kalray) ou bien de connectivité (Sigfox, Alcatel).

Meilleure productivité et maîtrise du gaspillage


La valeur créée par les objets connectés s’étend bien au-delà du
marché de la vente d’équipements. Les objets connectés offrent des
gains de productivité considérables pour les particuliers et les entre-
prises, dans tous les secteurs de l’économie.

Ainsi, l’amélioration des algorithmes d’exploitation des données


permet d’optimiser des processus existants à une échelle jusqu’ici
inaccessible. L’Internet du Tout connecté participe à l’évolution
d’un modèle de consommation essentiellement fondé sur la pos-
session vers un modèle d’usage des actifs, contribuant ainsi à
limiter la production et le gaspillage.

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Par exemple, les compteurs électriques intelligents, une fois déployés


sur le réseau électrique permettront de :

•m
 ieux gérer le transport d’électricité, réduisant ainsi les pertes en
ligne ;

• r éduire la demande, par une meilleure information et une capacité


accrue de contrôle ;

• lisser la charge via un effacement diffus des pics de consommation


et donc de réduire le surdimensionnement des infrastructures.

Figure 13 : Les compteurs intelligents et l’amélioration


du réseau électrique
Équiper tout le réseau en smartmeters permettrait d’économiser 1,2 Md€ par an
3 sources de création de valeur (Mds€)
Charges Réseau transport 1,24
Gains électrique (RTE) :
d’efficacité •Coût aujourd’hui : 3,6 Mds€
•Potentiel de réduction : 10 % 0,36

Réduction Réduction consommation hors pics


Réseau de la •Périmètre : 489,5 TWh 0,40
électrique demande •Prix du MWh hors pic : 41 €
équipé de •Potentiel de réduction : 2 %
smartmeters
Réduction de la capacité
de production nécessaire grâce 0,48
Lissage à la réduction des pics
de la charge •Capacité actuelle :102 GW
•Réduction : 4 % Gains
•Coût du GW installé : 3,5 Mds€ Maximum
pour 1 GW pendant 30 ans (Md€)
(centrale nucléaire)
En 2020, nous estimons que 75 % du réseau sera équipé de smartmeters,
permettant d’économiser 0,9 Md€ par an.
Source : Climate Group, A.T. Kearney, 2015.

62 Sommaire
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Watt et Moi : expérimenter l’impact


des compteurs intelligents74

L’expérimentation Watt & Moi, menée en partenariat entre ERDF


et Grand Lyon Habitat, a concerné un panel de 1 116 locataires
en habitat social de l’agglomération lyonnaise à partir de mai 2012.
Le panel tendait à représenter les différents types de chauffage et
de logements existants. Le dispositif s’est basé sur l’utilisation des
compteurs Linky développés par ERDF75 en interaction avec un
site créé pour les circonstances : www.watt-et-moi.fr. Il proposait
aux ménages concernés, grâce aux données récoltées en temps
réel, de suivre leur consommation et son évolution, de la comparer
à celle de consommateurs similaires dont les données étaient
rendues anonymes et se fixer un objectif mensuel. En parallèle, le
site Internet Watt & Moi proposait des conseils pour les aider à
mieux maîtriser, à réduire, leur consommation. Cette expérimen-
tation a fait l’objet d’une enquête sociologique achevée en mai
2014 dont le but était de mesurer l’intérêt des consommateurs
pour un tel site et l’impact de ce site sur leur consommation
d’énergie.

Les résultats de l’expérimentation ont établis que sur les 1 116


locataires sélectionnés, 216 se sont connectés au site Internet Watt
& Moi. Parmi ces utilisateurs, l’expérience est positive : 82 %

74 
Les données indiquées dans cet encadré sont issues de : ERDF et Grand Lyon Habitat,
Watt & Moi – Mon électricité à la loupe, 10 mai 2012.
« Linky est un compteur communicant, ce qui signifie qu’il peut recevoir et envoyer
75 

des données et des ordres sans l’intervention physique d’un technicien. Installé chez
les clients et relié à un centre de supervision, il est en interaction permanente avec le
réseau, qu’il contribue à rendre « intelligent ». » Source : site Internet d’ERDF.

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d’entre eux le recommanderaient à leur entourage et 88 % ont


déclaré vouloir continuer à l’utiliser. ERDF conclut que le dispositif
mis en place permet également de « responsabiliser les consom-
mateurs ». Un utilisateur sur deux déclare avoir modifié sa consom-
mation grâce à ce dispositif et 40 % des utilisateurs ont déclaré
l’avoir réduite.

Il convient de noter qu’au-delà des points d’amélioration déjà cités,


l’expérience n’a touché qu’un nombre relativement restreint parmi
les membres du panel – un sur cinq – et que, de fait, ces conclu-
sions sont difficilement applicables à l’ensemble de la
population.

L’exemple de la voiture est également représentatif de cette dynamique.


Leur connexion à l’Internet et l’exploitation des capteurs embarqués
permet déjà une meilleure utilisation de leur capacité (par exemple,
Autolib qui maximise l’utilisation, ou Blablacar le remplissage) et de
moindres gaspillages (comme Waze qui permet de gagner du temps,
ou l’utilisation des capteurs pour faciliter la réparation).

La progression de la connectivité avec l’extérieur des voitures et la


multiplication des capteurs doit accélérer ce processus déjà bien
entamé. La voiture connectée permettra de réduire les accidents de
la route (cf. figure 14) en contrôlant les excès de vitesse, en détectant
les dangers dans leur environnement ou en empêchant le démarrage
en cas de taux d’alcoolémie trop élevé ; elle pourra également réduire
les consommation et les embouteillages par une meilleure synchro-
nisation des véhicules les uns avec les autres.

64 Sommaire
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Figure 14 : Réduction des accidents de la route


grâce aux voitures connectées
Le nombre d’accidents de la route pourrait baisser de 20 % en 2020
grâce aux voitures connectées
Cause Part dans le total Apport de la Réduction
des accidents des accidents (%) voiture connectée possible
•Contrôle complet
Vitesse 25 % sur les excès
de vitesse
•Capteurs empêchant
Alcool 20 % le démarrage du véhicule
30 %
Refus
14 %
•Capteurs
d’évitement
x de voitures
de priorité de collisions « connectées »
en 2020
•Capteurs empêchant
Stupéfiants 4% le démarrage du véhicule

Non renseigné 37 % •N/A

= 20 % de réduction
des accidents

Les accidents de la route ayant un coût humain et materiel évalués


aujourd’hui à 22 Mds€, cette reduction permettrait 4,4 Mds€ d’économies.

Source : Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière, A.T. Kearney, 2015.

La réduction du gaspillage, et donc de la consommation, a pour


conséquence le redimensionnement des capacités de production et
de distribution, et impacte donc négativement l’emploi. Cependant,
de nouveaux emplois, principalement qualifiés, seront créés simul-
tanément pour concevoir et fabriquer les objets connectés ainsi que
l’ensemble de services qui gravitent autour. Ces emplois sont en

Sommaire 65
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grande partie délocalisables : la France doit donc rester attractive


pour les conserver.

Un gain de temps pour les individus


L’estimation réalisée par A.T. Kearney pour l’Institut Montaigne a
permis d’estimer que les objets connectés pourraient redonner plus
de dix jours par an aux citoyens à l’horizon 2025 : huit jours en
moins de travaux ménagers (près de cinq heures par semaine), un
jour et demi non perdu dans les embouteillages et près de un jour
de maladie en moins, donc du temps supplémentaire en bonne
santé76 (cf. figure 15).

Ce gain de temps pourra être consacré aux activités personnelles,


transformant ainsi un gain de temps en consommation supplémen-
taire (de biens, d’éducation, de loisirs, etc.) ou à la vie familiale ou
associative. Il peut également devenir un gain de temps de travail
s’il est mis au service de l’activité professionnelle. L’estimation pré-
sentée ici considère qu’environ 2,5 %77 de ces heures libérées
deviendraient productives, produisant environ 54 e/heure travaillée78.
Au total, ces gains économiques pourraient représenter jusqu’à
32 Mdse en 2025.

76 
Ces estimations ne tiennent pas compte d’une éventuelle modification de la durée du
travail, ni d’un éventuel impact sur la durée de vie.
77
Selon

l’INSEE, la moitié de la population est active ; parmi cette population active,
nous avons estimé que seul 5 % du temps libéré serait utilisé à travailler.
78
Sur la base du PIB produit par heure travaillée.

66 Sommaire
Figure 15 : Le gain de temps individuel

Les objets connectés permettraient à chacun de gagner en moyenne près de 5 h par semaine de travail domestique
Gain de temps : Exemple des tâches ménagères Temps libéré
Activité domestiques Exemple Temps
(en heure par semaine) d’application libéré Loisir
– 2,5 •Réfrigérateurs connectés •Le temps gagné est employé
Courses 40- à des tâches non productives.
50 %
2,5 h
Ménage – 3,8 •Robots aspirateurs
•Courant d’air anti-poussière • Elles peuvent engendrer
Cuisine – 4,2 •Robots de cuisine de la consommation
•Surveillance de cuisson supplémentaire (non valorisée
•Robots tondeuses 20- dans notre modèle).
Jardinage – 1,2
•Capteurs des besoins du jardin 30 % 1,6 h

Sommaire
Lessive, repassage – 1,3 •Machine à laver intelligente Productivité
Vaisselle – 1,3 •Machines plus efficaces •Le temps gagné est employé
à des tâches productives.
Surveillance – 2,8 •Appareil (jouet, camera...)
d’enfant de surveillance à distance •L’heure travaillée en France
produit en moyenne 54 €
Autres – 2,4 •NA de PIB.
0-10 % 0,7 h
Bricolage – 1,4 •Assistance à l’usage •Modélisation uniquement pour
la part de la population
Gestion du ménage – 0,6 •NA disposant d’un travail
(~50 % de la pop.).
Total 21,5 h 22 % de temps gagné 4,8 h

Source : INSEE, OCDE, Analyse A.T. Kearney.

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Conclusion : un enjeu économique stratégique pour la France

En conclusion, l’Internet du Tout connecté représente une oppor-


tunité formidable pour l’économie française, à la fois comme
débouché industriel mais surtout comme levier de compétitivité pour
tous les secteurs de l’économie. A ce titre, parmi les 34 priorités
industrielles définies par le gouvernement, une initiative adresse
spécifiquement les enjeux liés aux objets connectés. L’une des
premières réalisations de ce plan devrait être la mise en place de la
Cité des objets connectés à Angers dédiée à leur conception et à
leur industrialisation79.

Les très remarquées délégations françaises aux éditions 2014 et


2015 du Consumer Electronics Show (CES), de même que l’élan
suscité par la French Tech, sont autant de signes du bon départ
pris par la France. Pour aller plus loin, l’industrie française doit
passer le cap de l’industrialisation à grande échelle et renforcer ses
capacités de design et de conception en faisant les bons paris tech-
nologiques. Elle doit surtout s’intégrer aux écosystèmes des différents
secteurs d’activité (énergie, transport, santé, etc.) et s’internationa-
liser, en premier lieu au niveau européen. La transformation de tous
les secteurs par les objets connectés et le Big data sera de la même
ampleur que celle qui a secoué les industries musicales (dématé-
rialisation) ou hôtelières (développement du modèle « C2C »80) ; il
y aura des gagnants et des perdants. Les entreprises non préparées
courent le risque de voir rapidement s’estomper leur avantage com-
pétitif et, à terme, de disparaître. Les acteurs installés doivent donc
79 
Ce projet est issu du plan de la Nouvelle France industrielle consacré aux objets
connectés et validé par le gouvernement en juin 2014. Cette cité proposera notamment
des espaces de travail, de conception et de production d’objets connectés. Elle devrait
ouvrir en mai 2015.
80
Consommateur à consommateur.

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repenser leur proposition de valeur, redéfinir leur modèle opéra-


tionnel, leurs organisations et leurs compétences et investir de
façon volontariste dans l’innovation.

Pour l’État français, l’enjeu est tout aussi grand. Les gains de pro-
ductivité permis par l’Internet des objets s’accompagneront de des-
tructions d’emploi et d’un transfert de valeur vers des acteurs
technologiques et des plateformes globales. La France doit se saisir
des opportunités offertes par les objets connectés pour prendre une
position forte sur un secteur technologique qui sera stratégique au
plan mondial pour les prochaines décennies. Cela l’oblige notamment
à anticiper les besoins en ressources humaines et à faire évoluer
son marché du travail pour attirer ces nouveaux emplois.

2.3. L
 a santé et la ville : deux exemples
d’opportunités à saisir
Tous les secteurs sont impactés par l’essor de l’Internet of Everything,
mais pas à la même vitesse. La santé et la ville représentent des
cas d’étude très concrets où se croisent les problématiques d’intérêt
général, de confiance et de régulation, et dans lesquels la France
dispose d’un savoir-faire lui permettant de jouer un rôle de leader
mondial.

2.3.1. U
 n modèle de santé numérique plus performant qui
maintient le patient au cœur des préoccupations

Le domaine de la santé constitue un très bon exemple pour et par


lequel la révolution du Big data et des objets connectés promet de
fortes opportunités : amélioration de l’offre de soins, évolution de

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l’approche sanitaire vers une médecine prédictive et épidémiologique,


amélioration de l’efficacité des dépenses, etc. Pourtant, si le système
de santé français est généralement reconnu comme l’un des meilleurs
au monde81, malgré une augmentation des dépenses courantes
de santé de 23 % entre 2006 et 201382, la qualité des soins ne
semble pas progresser dans les mêmes proportions.

La donnée peut-elle offrir un potentiel comparable à ce que l’arrivée


des antibiotiques a permis en matière de médecine ? Le Big data
et les objets connectés nous offrent l’opportunité de créer une
médecine non plus « post-traumatique » mais préventive, person-
nalisée, en partie prédictive et moins dispendieuse. En France, les
dépenses courantes de santé représentent environ 11,7 % du PIB
soit 247,7 MdsE en 2013. Les dépenses de prévention ne repré-
sentent que 5,8 MdsE soit 2 % des dépenses courantes de santé83.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 17 % des dia-
gnostics seraient infondés tandis que près de 60 % des prescriptions
dans le monde pourraient être largement améliorées84. Dans un
contexte de contrainte budgétaire et de démographie vieillissante,
le maintien de la qualité de notre système de santé exige une plus
grande efficience.

81
OMS, Rapport sur la santé dans le monde, édition 2013.
82 
INSEE, « Dépenses courantes de santé 2013 » d’après DREES, Comptes de la santé
- base 2010.
83
Ibid.
84
OMS, Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2014-2023, 2013.

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Du bien-être à la médecine de soin, les perspectives du « tout


connecté » sont vastes

Dans ce mouvement de numérisation de la santé, on distingue


généralement ce qui relève :

• du bien-être, d’une part, qui désigne les services construits sur
la base d’objets connectés individuels (tels que les bracelets tra-
queurs d’activité physique) ou d’informations produites à titre
individuel (au travers de l’application comme Google Flu85) ;

• du sanitaire (ou médical), d’autre part, qui s’appuie sur des dis-
positifs médicaux connectés certifiés ou sur des données produites
par les professionnels de la santé.

L’impact positif de la numérisation sur la santé publique reste encore


à démontrer dans le domaine du bien-être. En revanche, dans le
domaine sanitaire, les enjeux pourraient être très importants. La
mise en place à grande échelle du suivi de constantes-clés via des
dispositifs connectés pourrait ainsi accroître la capacité de prévention
et, par conséquent, diminuer le coût de traitement de maladies ainsi
diagnostiquées plus précocement. Par exemple, l’identification des
diabétiques non diagnostiqués (entre 500 000 à 800 000 diabé-
tiques qui s’ignorent soit environ 1 % de la population86) pourrait
être facilitée en développant un suivi à grand échelle du taux de
glycémie.

85 
Estimation de la progression des épidémies de grippe basée sur les mots clés de
recherche Google.
86
Selon

les derniers chiffres publiés, la prévalence du diabète en France serait de 6 %
soit environ 3,5 millions de personnes concernées, parmi lesquelles quelques
500 000 à 800 000 diabétiques qui s’ignorent. Source : Centre européen d’étude du
diabète, « Le diabète : un état des lieux préoccupant ».

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Il faut toutefois rappeler que les objets connectés ne sont pas


d’une parfaite fiabilité et que leur utilisation à des fins médicale
et non plus uniquement pour le seul bien-être emporte un risque
juridique fort.

Dans son cahier Le Corps, nouvel objet connecté publié en mai


2014, la CNIL souligne que la frontière est moins hermétique entre
les questions de suivi du bien-être et les questions de santé87 : ces
données ne sont pas à proprement parler des données médicales,
mais elles sont en revanche des indicateurs de l’activité et des
comportements de l’utilisateur, et peuvent éventuellement être d’inté-
ressants indicateurs de son état de santé actuel ou futur, surtout
lorsqu’elles sont collectées dans la durée et croisées avec d’autres
informations. De simples données corporelles anodines comme le
nombre de pas quotidiens ou les cycles du sommeil peuvent ainsi
devenir des indicateurs avancés de certains comportements, voire
de certaines pathologies.

Le système de santé pourrait être orienté sur une médecine pré-


ventive et prédictive, grâce aux objets connectés et à l’exploita-
tion de toutes les données de santé
Le Big data et les objets connectés au service de l’épidémiologie
L’épidémiologie88 ne se répand, en France, que vers 1960 dans
l’enseignement et la recherche. L’épidémiologie s’est imposée par la
découverte de facteurs de risque de plusieurs maladies très répandues
(notamment le tabac pour le cancer des bronches et les maladies

87 
CNIL, « Le corps, nouvel objet connecté ? Du Quantified Self à la M-santé : les nouveaux
territoires de la mise en données du monde », Cahier Innovation et Prospective, n° 2,
mai 2014.
88
Alain-Jacques

Valleron (dir.), « L’épidémiologie humaine. Conditions de son dévelop-
pement en France, et rôle des mathématiques », Rapport sur la science et la technologie,
n° 23, Académie des sciences, 2006.

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cardiovasculaires), par son rôle dans l’identification et la description


de maladies émergentes (sida, hépatite C, etc.), par la nécessité
d’établir les liens entre pratiques industrielles et maladies (par
exemple, le rôle de l’amiante dans le déclenchement de pathologies)
et par l’évaluation de risques environnementaux (usines électronu-
cléaires, OGM, téléphonie mobile, etc.). En tant que discipline « qui
vise à identifier les déterminants des variations de fréquence des
maladies et la compréhension de leurs causes »89, l’épidémiologie
s’avère souvent en mesure d’appuyer la décision politique en matière
de santé publique. L’intérêt croissant des citoyens et des pouvoirs
publics pour la maîtrise et la prévention des risques sanitaires n’a
fait que renforcer ces liens, en faisant de l’épidémiologie l’une des
principales sources de connaissances face au risque.

L’épidémiologie révolutionne aujourd’hui la pratique médicale.


Sous la forme de l’épidémiologie clinique, qui analyse les informations
recueillies auprès de malades sur la tolérance et l’efficacité des
traitements, elle permet au praticien de prendre une décision thé-
rapeutique individuelle face au malade qu’il a à traiter et de contribuer
au développement d’une médecine fondée sur les preuves.

La France dispose de nombreux systèmes d’information relatifs à la


santé et aux soins. Ces systèmes ont généralement pour finalité la
gestion du système de santé ou la prise en charge du patient ; ils
sont donc gérés par les organismes en charge de ces missions
(cf. figure 16). On peut cependant regretter que ces sommes consi-
dérables d’informations n’aient que très peu contribué au progrès
des connaissances. En effet, souvent développés par un organisme
particulier, les systèmes de données ne sont pas suffisamment reliés

89
Ibid.

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à d’autres systèmes d’information développés par d’autres organismes


qui apporteraient les informations complémentaires nécessaires sur
le plan épidémiologique.

Figure 16 : De nombreux collecteurs institutionnels


De nombreux collecteurs institutionnels de données de santé
de données de santé

CNAMTS CNIS

ORS INSEE

Collectes
de données
InVS de santé DREES

INSERM CTNERHI

INED

CNIS : Conseil national de l’information statistique ; INSEE : Institut national de la sta-


tistique et des études économiques ; DREES : Direction de la recherche, des études, de
l’évaluation et des statistiques ; CTNERHI : Centre technique national d’études et de
recherches sur les handicaps et les inadaptations ; INED : Institut national d’études
démographiques ; INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale ;
InVS : l’Institut de veille sanitaire ; ORS : Observatoire régional de la santé ; CNAMTS :
Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.

Pour un même individu, de nombreuses informations sont recueillies


dans plusieurs bases de données informatisées (par exemple : décès,
registres, hôpitaux, prescriptions, génomique, emploi, environnement,
administration, météorologie, assurances, etc.). Leur croisement

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permettrait la mise en place d’enquêtes épidémiologiques inédites,


impossibles à réaliser aujourd’hui. Afin d’augmenter la puissance
des études et de détecter de faibles risques, il est impératif que ces
recoupements se fassent sur une base individuelle, c’est-à-dire que
l’on puisse relier les observations pour un même individu dans des
bases de données différentes.

Cependant, les règles de confidentialité, souvent différentes pour


chaque source et généralement restrictives lorsqu’il s’agit de
données liées à la santé, pourraient être mises à mal lors de ces
recoupements. Par exemple, il est établi que la connaissance de 80
SNP (single nucleotide polymorphism, l’unité de base de la variabilité
génétique) suffirait à identifier de manière totalement unique tout
individu dans le monde90. La construction de dossiers centrés sur
le patient, grâce à la mise en liaison de bases de données différentes,
aurait un fort intérêt pour la recherche épidémiologique.

Sous réserve de pouvoir recouper différentes données, l’épidémiologie


constitue un outil puissant pour une politique publique de prévention
sanitaire et pour améliorer la décision thérapeutique individuelle.
Toutefois, le cadre législatif et réglementaire relatif aux études
épidémiologiques91 constitue, dans une certaine mesure, un frein
au plein développement de « l’épidémiologie connectée ». En
France, la culture du registre est insuffisamment développée, comme
le souligne la sous-exploitation du carnet de santé dans sa forme

90
Lin W., Wei L.-J., SNP Significance, Biomedicines, 2004.
91 
Ces études sont notamment encadrées par la déclaration d’Helsinki (2000), l’article
16 du Code civil, la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (1978), la
charte des bonnes pratiques épidémiologiques, les lois sur la protection de l’intégrité
physique des personnes comme la loi n° 88-1138 du 22 décembre 1988 dite « loi
Huriet-Sérusclat » ou encore la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 encadrant les
recherches biomédicales.

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actuelle (support papier). Le développement des registres de cancer,


qui s’est accéléré depuis 1975 pour donner lieu à la création en
1986 du Comité national des registres (CNR), constitue pourtant
un exemple à suivre pour une politique de santé publique renforcée
par une logique du registre, que le Big data et les objets connectés
pourraient appuyer.

Le carnet de santé : un exemple de données perdues


pour une politique de santé publique

Depuis 1985, un système national d’information sur la santé de


la mère et de l’enfant a été mis en place et tout enfant dispose
d’un carnet de santé individuel (remanié en 1995) où sont notés
tous les évènements de santé importants concernant la période
prénatale, au moment de la naissance (biométrie, examens cli-
niques, tests de dépistage), de l’enfance (examens du 8e jour, du
9e mois, du 24e mois), des vaccinations, etc.

Les parents connaissent bien ce carnet de santé qui leur est


réclamé périodiquement à différents moments de la vie de l’enfant
et le conservent précieusement. Une partie de cette information
(notamment les examens du 8e jour, du 9e et du 24e mois) font
l’objet d’analyses statistiques locales (Protection Maternelle et
Infantile) synthétisées par la Direction de la recherche, des études,
de l’évaluation et des statistiques (DRESS) au niveau national. Il
reste, hélas, que les millions de carnets de sante créés depuis
de nombreuses années auraient pu constituer la base de futurs
travaux épidémiologiques permettant de corréler les paramètres
de l’enfant au cours de sa petite enfance avec des évènements
de l’âge adulte. Malheureusement, ils n’ont pas été informatisés

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et ne sont donc pas exploitables, pas même pour faire une étude
simple d’épidémiologie des vaccins pourtant répertoriés de façon
exhaustive par nécessité règlementaire.

Ainsi, alors qu’entre 1994 et 1996, 20 millions de français ont été


vaccinés92 contre l’hépatite B lors de la campagne de vaccination
de 1995 (donc dans l’ère post-Internet) – avec les contestations que
l’on connaît – faute d’informatisation, aucune étude de suivi post-
vaccinal systématique s’appuyant sur ces données n’est possible.

Le quantified self ou la mise en données de la santé


Le numérique a fait évoluer les usages : les patients eux-mêmes
sont devenus un levier de transformation de notre système de santé.
« Le numérique a contribué à une autonomisation et une responsa-
bilisation de plus en plus fortes des patients. Autrefois détenteur
exclusif de l’information médicale, les professionnels de santé se
retrouvent aujourd’hui face à des patients mieux informés et en
capacité d’interroger leur diagnostic ou leurs pratiques »93 grâce,
notamment, à la constitution de communautés de patients sur les
réseaux et aux outils de quantified self qui se développent.

La numérisation des activités concerne désormais le corps et ce que


chacun en fait. Ce mouvement numérique, appelé quantified self
et traduit par « quantification de soi » ou « auto-mesure de soi »,
consiste à quantifier en temps réel les performances, les comporte-

92 
Ministère de la Santé, Mission d’expertise sur la politique de vaccination contre l’hépatite
B en France, février 2002
93
Philippe

Lemoine, La nouvelle grammaire du succès. La transformation numérique
de l’économie française, rapport au gouvernement, novembre 2014.

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ments et la santé des individus. Il peut s’agir de la nutrition, de


l’exercice physique, du sommeil ou d’autres variables physiologiques,
mais aussi de l’humeur. Reposant de plus en plus sur l’utilisation
de capteurs connectés, intégrés au smartphone ou extérieurs (bra-
celets, podomètres, balances, tensiomètres, etc.) ces pratiques
volontaires d’auto-mesure captent des données d’une façon de plus
en plus automatique puis partagent ces volumes considérables de
données personnelles94.

Ce phénomène a pour particularité de se développer à l’initiative


des individus eux-mêmes. Emmanuel Gadenne rappelle que, si « le
mouvement de la quantification de soi a émergé autour des années
2007-2008, il existait dès 2003 sous la forme des forums de patients
avec des internautes à la recherche de conseils [qui] voulaient échap-
per aux intervenants de santé »95. Popularisé en 2010 par Gary Wolf
comme un « passe-temps intrigant »96, il semble désormais désigner
bien davantage et l’on peut pronostiquer qu’ « avant 2022, vous et
moi mettrons à jour les données concernant nos fonctions corporelles
aussi régulièrement que nous mettons à jour nos statuts Facebook »97.

Ainsi, « un tiers des médecins considère que les technologies du côté


des patients sont un facteur clé d’amélioration des soins ; un tiers
affirme que la revendication des patients est normale et le reste y
est indiffèrent, voire est d’avis que c’est un élément perturbateur »98.

94 
Sur ces sujets, voir : CNIL, Le Corps, nouvel objet connecté ? Du Quantified Self à la
M-santé : les nouveaux territoires de la mise en données du monde. Cahier Innovation
et Prospective, n° 2, mai 2014.
95
Emmanuel

Gadenne, Guide pratique du Quantified Self. Mieux gérer sa vie, sa santé,
sa productivité, juin 2012.
96
Gary Wolf, « The quantified self », conférence TED, juin 2010.
97
Le Corps, nouvel objet connecté ?..., Op. cit.
98
Ibid.

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Les objets connectés créent une donnée longitudinale qui propose


non seulement aux individus de mesurer leurs actions et de modi-
fier leurs comportements, mais aussi aux professionnels de santé
d’améliorer le fondement de leur diagnostic. Par exemple, l’étude
des séries longitudinales de données crées par les podomètres
représente un levier potentiel pour détecter des maladies d’Alzheimer
précoces. Aux États-Unis par exemple, les cliniques privées mettent
en place des protocoles impliquant des objets connectés qui per-
mettent par exemple, en suivant l’évolution du poids ou de la rétention
d’eau, de limiter les risques de réadmission post-hospitalisation. Les
assureurs sont également très actifs dans ce secteur, afin de réduire
les risques encourus par les assurés.

Les objets connectés peuvent donc avoir des effets très positifs à la
fois sur l’état de santé des individus et sur l’ensemble du système
de santé. Il faut aussi prendre garde à ne pas sombrer dans le
« solutionnisme technologique » dénoncé par Evgeny Morozov99 et
ne pas transformer toutes les questions de santé publique en un
problème de comportement individuel, surtout quand ces compor-
tements sont comparés à une « moyenne », norme toujours artifi-
cielle. Antoinette Rouvroy considère ainsi que ces pratiques sont un
symbole de notre « normopathie » : l’individu ne serait jamais assez
normal par rapport à des normes elles-mêmes toujours
mouvantes100.

Evgeny Morozov. Pour tout résoudre cliquez ici - l’aberration du solutionnisme tech-
99 

nologique, septembre 2014.


100
Le Corps, nouvel objet connecté ?..., Op. cit.

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FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

En France, la difficulté d’accès aux données de santé constitue


un frein important à l’amélioration du système de santé

Des données nombreuses mais trop cloisonnées et trop peu


disponibles
On peut distinguer deux types de données : les données anonymes
qui peuvent être mises librement à disposition et facilement réutili-
sées, et les données personnelles, qui peuvent être directement ou
indirectement nominatives et dont l’usage peut être plus ou moins
strictement encadré. Un vif débat porte sur les risques liés à leur
mise à disposition et aux mauvaises utilisations que des tiers pour-
raient faire des données personnelles. La question se pose tout
particulièrement pour les données de santé qui sont considérées (en
France, en Europe mais aussi aux États-Unis101) comme des données
particulièrement sensibles.

Qu’est-ce qu’une donnée de santé ? La loi informatique et libertés102


parle de données relatives à la santé. Le Conseil d’État donne une
définition plus restreinte de la donnée de santé, qui permet de
« révéler une pathologie relative à une personne »103. En l’absence
de définition partagée, le débat sur l’utilisation et l’anonymisation
de la donnée est difficile.

101 
Aux États-Unis, ce cadre est défini par le Health Insurance Portability and Accountability
Act de 1996.
102
Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
103
Conseil d’État, La révision des lois bioéthiques, mai 2009.

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Selon l’avis104 émis en 2014 par le G29105, les techniques ou pro-


cessus d’anonymisation doivent s’apprécier selon trois critères :
l’individualisation (peut-on isoler dans le jeu de données l’ensemble
des données concernant un individu ?), la corrélation (peut-on relier
des données distinctes correspondant à un individu et retrouver par
ce biais l’identité d’un individu ?) et l’inférence (peut-on déduire des
informations sur l’individu ?).

L’un des principaux freins réside dans l’accès aux données de santé
publique. Beaucoup de données sont contenues dans les bases
d’acteurs publics comme la Caisse nationale d’Assurance maladie
des travailleurs salariés (CNAMTS) qui restent trop peu ouvertes
(cf. figure 16 supra).

Il manque également un modèle d’urbanisation106 des données et


des interfaces qui permettrait l’interopérabilité des systèmes
connectés et leur diffusion. Par exemple, la télésurveillance des
pacemakers et défibrillateurs est aujourd’hui limitée par le fait que
les systèmes sont différents pour chaque vendeur.

Les données issues des objets connectés sont encore peu exploitées
par le corps médical, du fait de leur caractère non professionnel

104 
Article 29 Data protection working party, Opinion 05/2014 on Anonymisation
Techniques, avril 2014.
105
L’acronyme

G29 désigne le « groupe de travail de l’article 29 » ou Article 29 Data
protection working party, un organe consultatif européen qui doit son nom à l’article 29
de la directive 95/46/EC relative à la protection des données personnelles. Le G29
est composé des représentants de toutes les autorités de protection des données des
différents pays de l’Union européenne (ainsi, la CNIL y représente la France).
106
Selon Wikipedia, « l’urbanisation du système d’information d’une entité est une


discipline d’ingénierie informatique consistant à faire évoluer son système d’information


(SI) pour qu’il soutienne et accompagne de manière efficace et efficiente les missions
de cette organisation et leurs transformations ».

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dans la prise de mesure et d’une absence d’encadrement de ces


données, d’une part, et en raison des risques liés à la sauvegarde
et à la sécurisation de la donnée, d’autre part. Cependant, certaines
équipes médicales commencent à souligner l’utilité de ces mesures,
comme l’équipe de cardiologie de l’hôpital européen Georges
Pompidou 107 ou le collectif de médecins derrière le site
www.automesure.com108. Aux États-Unis, l’utilisation de ces données
semble mieux comprise : elles sont par exemple utilisées par les
Health Maintenance Organisations (HMO, organisations fournissant
des prestations de santé contre paiement d’un forfait) pour gérer la
patientèle et, par exemple, prioriser les urgences en fonction de ces
données.

La collecte des données de santé se heurte à plusieurs


difficultés :

•u
 ne part importante de la donnée clinique n’est pas disponible,
notamment parce que toutes les informations ne sont pas numé-
risées, comme les diagnostics ou les carnets de santé, et qu’il n’y
a pas de collecte du suivi clinique ;

• l’utilisation des données de santé est trop orientée vers la «


gestion de la dépense » (réduire le coût et la fraude) et pas assez
autour du patient : les données de la CNAM sont utilisées pour
la gestion de la dépense et non la gestion du patient ; de même,
107 
L’unité d’hypertension artérielle à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris a
lancé en décembre 2014 les premières applications médicales de l’auto-mesure,
appelées Hy-Quest et Hy-Result. Ces applications reposent sur deux sites Internet qui
ont pour objectif d’optimiser le lien entre patients et médecins et d’améliorer la prise
en charge des patients.
108
Les

informations présentes sur le site www.automesure.com sont élaborées par des
médecins hospitaliers notamment avec le service de Santé publique et d’informatique
médicale de la faculté de médecine Broussais Hôtel-Dieu (SPIM).

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la carte Vitale rassemble les données autour d’une logique de


facturation, sans garder la trace du diagnostic ou de la pathologie.
Un care manager pourrait être chargé de développer l’utilisation
des données dans une perspective patient et non plus seulement
« coût, fraude, et paiement » ;

• un identifiant unique, de type NIR (numéro d’inscription au


répertoire), manque pour relier les données du patient ;

•d
 es données de diagnostic et de suivi produites par les praticiens
libéraux sont faiblement informatisées ;

• e nfin, en France, il n’y a pas de culture du registre qui permettrait


de développer le suivi post-hospitalisation, par exemple, ou d’amé-
liorer la prévention. Les objets connectés doivent aider à la consti-
tution d’un registre numérique en collectant les données et en
permettant leur consolidation autour du patient.

La donnée doit être pensée à partir de son usage et non de sa


nature : il ne faut pas chercher à protéger a priori mais bien à
contrôler a posteriori. En cela, la loi de 1978 demeure intéressante
car elle évalue bien la finalité de la donnée et ne porte pas sur sa
nature. La notion de réversibilité et de tiers de confiance, qui en est
le garant, est centrale.

L’émergence d’un nouveau modèle de santé dépend de conditions


non réunies à ce jour
Les objets connectés et le Big data rendent possible le passage d’une
médecine curative et post-traumatique à une médecine préventive
et personnalisée. Si l’enjeu est considérable, les conditions pour y
parvenir le sont tout autant. Il ne s’agit rien de moins que de refonder

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notre système de santé et de mettre les données au cœur de celui-ci,


tout en respectant la vie privée du patient.

Cinq conditions doivent être remplies pour favoriser la médecine


connectée et prédictive :

1. L
 ’émergence d’une filière de startups liées aux objets connectés
de santé

Pour l’instant, les appareillages médicaux sont coûteux, néces-


sitent des opérateurs spécialisés et exigent que le patient se
déplace. À l’avenir, ils pourraient être développés à un coût plus
faible et, dans de nombreux cas, accessibles et manipulables par
le patient lui-même. Des initiatives visent déjà à simplifier les
usages dans le domaine de l’échographie, de l’analyse de sang,
des captures d’électrocardiogramme (ECG) ou de l’endoscopie,
par exemple.

Des données médicales seront prochainement produites par des


dispositifs et des acteurs nouveaux. Il pourrait être opportun
d’organiser l’agrément de ces nouveaux équipements et de
mettre en place les protocoles permettant d’accéder à ces
données en complément de celles provenant des autres équipe-
ments de santé.

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Le projet EchOpen

EchOpen est un exemple de développement de la M-santé109 qui


a pour objectif la conception d’une sonde d’échographie branchée
sur un smartphone. La simplicité d’accès d’une telle technologie
dont le coût deviendra marginal aura un impact décisif sur l’orga-
nisation des systèmes de soins. En effet, cet outil d’imagerie,
dont il est important de préciser qu’il n’est pas invasif, peut devenir
un élément majeur de la prise en charge sanitaire :

• à l’hôpital, en particulier aux urgences, où certaines pathologies


courantes sont explorées au moyen d’examens biologiques
rudimentaires ou d’examens cliniques de présomption, faute
d’un accès systématique à l’échographie. Ces pathologies, en
particulier digestives, gynécologiques, obstétricales ou cardio-
pulmonaires, pourraient être diagnostiquées avec une plus
grande certitude ;

• e n ville, car l’écho-stéthoscope deviendrait l’outil maître de


diagnostic et d’orientation, évitant ainsi nombre d’hospitalisa-
tions. Dans les zones sous-médicalisées des pays développés
ou plus généralement dans les pays au système sanitaire défail-
lant, cet outil deviendrait essentiel ;

•E
 chOpen pourrait en outre devenir un outil décisif pour le suivi
et la prise en charge télé-médicalisée des grossesses.

Le terme d’M-santé (« MHealth » pour Mobile Health) désigne tous les services relatifs
109 

à la santé et disponibles en permanence via un appareil mobile connecté à un réseau.

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2. La normalisation des formats d’échanges

Pour l’instant, aucune démarche de normalisation n’a été entre-


prise en France pour ces nouveaux dispositifs médicaux.
L’imagerie 3D n’est que très partiellement compatible avec les
formats traditionnellement mis en œuvre par les ordinateurs
commerciaux. Il en est ainsi de la majorité des équipements
numériques médicaux. On ne peut pourtant ignorer les bénéfices
économiques et les gains d’efficacité qu’une normalisation pourrait
induire.

3. L
 e développement d’une régulation des conditions d’utilisation
des données de santé

Dans le cadre des réflexions menées en France comme à l’inter-


national autour de la création d’un dossier médical personnalisé
(DMP), on peut penser qu’une approche faisant reposer la collecte
et la gestion des données de santé sur l’usager paraît plus prag-
matique et accessible, tout à la fois d’un point de vue technique
et au regard de l’obligation du respect de la vie privée des patients.
Les conditions d’utilisation des données de santé doivent faire
l’objet d’une régulation qu’il conviendrait de déléguer aux
usagers eux-mêmes, à l’instar de ce qui existe dans le cadre du
blue button (cf. encadré ci-dessous).

Pour faciliter le développement de l’e-santé, il est aussi essentiel


de permettre le chaînage des données (remonter à l’identité des
personnes) par un tiers de confiance via l’utilisation d’un iden-
tifiant de santé publique non traçable et de développer la
confiance des usagers en recherchant systématiquement leur
consentement.

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L’utilisation acceptée des données de santé,


l’exemple américain du blue button

La France a cherché à se doter d’un système d’information unifié


dans le domaine de la santé : le DMP devait être une réponse
technique pour créer cette plateforme unique permettant à chaque
citoyen de disposer d’une information exhaustive de ses antécé-
dents médicaux. Ce projet a cependant échoué, notamment en
raison du numéro d’identification unique des usagers de la sécurité
sociale (NIR). Jugé trop signifiant, le NIR n’a pas été adopté
comme identifiant unique permettant aux différentes administra-
tions intervenant dans la politique de santé d’échanger leurs
informations et de coordonner leurs actions auprès des usagers.
L’identifiant unique est pourtant, on le sait, à l’origine de la force
des plateformes numériques. Avoir la possibilité de centraliser
les données autour d’une seule référence est la condition sine
qua non pour disposer de plateformes efficaces. Or en France,
il existe des contraintes juridiques qui ne sont pas levées.

Ainsi, dans son rapport d’activité pour 2013, la CNIL s’est montrée
favorable à l’utilisation du numéro de Sécurité sociale, le NIR,
pour permettre l’agrégation et l’appariement des données de santé.
Cela représentait un changement de position pour la Commission,
qui s’était jusque-là toujours opposée à cette utilisation du NIR.
Cette évolution reste cependant limitée à la sphère médico-sociale,
empêchant ainsi toute utilisation des données à des fins autres
que médicales. Il semble donc indispensable de rechercher une
nouvelle approche alternative à l’utilisation des données de
santé, comme l’exemple américain du blue button nous y invite.

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Le blue button est un projet dit de smart disclosure (dévoilement


intelligent) du gouvernement fédéral américain, mis en place en
2013. Il permet aux salariés du Department of Defense de télé-
charger les données médicales qu’il possède sur eux. La grande
qualité de ce dispositif est de limiter considérablement les usages
impropres qui pourraient être faits des données car l’usager est
le seul décisionnaire. La limite du blue button concerne les travaux
d’épidémiologie, qui ne peuvent être faits sans un accès global
aux dossiers numériques des usagers.

Le dispositif s’est généralisé en 2014 avec la mise en place d’un


nouveau site et d’une version plus puissante du programme,
intituliée « blue button + » et en cours de déploiement. Dans
cette version, les données seront interopérables via des standards
et des API notamment. Cela permettra aux développeurs de créer
des applications utilisant ces données, comme par exemple
iBlueButton110 qui réorganise ergonomiquement sur smartphone
les informations de Medicare, le système d’assurance santé mis
en place par le gouvernement des États-Unis.

4. L
 a refonte du protocole médical pour soutenir la prévention en
santé

L’explosion des données relatives à la santé ne fait aujourd’hui


plus débat. Qu’elles soient issues du corps médical ou d’équipe-
ments à la disposition d’usagers et connectés à un smartphone,

Melinda Beck, « Next in Tech : App Helps Patients Track Care », Wall Street Journal,
110 

décembre 2013.

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les données de santé seront de plus en plus nombreuses et variées.


Il est important d’initier dès à présent une réflexion sur la forme
que pourrait prendre une médecine préventive. Cela pose néan-
moins certaines questions : quels pourraient être les signaux
précurseurs déclenchant une visite chez le médecin ? Quelle
responsabilité juridique pour des actes de télémédecine, des
diagnostics suivis de prescription, faits à distance sur la base de
l’évolution de paramètres de santé ? Comment systématiser l’ap-
proche épidémiologique à partir des flux de données issus des
usagers ? Ces enjeux se trouvent au cœur du système de santé
de demain et doivent faire l’objet d’un débat public.

5. La création d’un corps médical spécialisé

Réorienter l’organisation de notre système de santé en plaçant


la donnée en son cœur nécessite l’émergence de nouvelles
compétences. Aujourd’hui seule une poignée de spécialistes sont
spécialisées dans l’épidémiologie, et ceux-ci n’ont aucune maîtrise
des modèles de valorisation moderne de la donnée et du Big data.
Mettre en place des formations génériques au sein des facultés
de médecine et faciliter l’émergence d’une discipline croisant
épidémiologie, sciences numériques, statistiques et Big data
semble donc s’imposer comme prérequis.

Les systèmes de santé publique sont donc à l’aube d’un chan-


gement majeur dans leur mode de fonctionnement. Ce change-
ment est d’autant plus urgent que le risque de voir apparaître à
brève échéance une médecine à deux vitesses est réel : une
médecine traditionnelle, reposant sur les protocoles actuels et
sur des diagnostics limités, et une autre, largement numérique,
de nature privée, dont les processus seront très différents. La

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question sera de savoir si cette dualité permettra de continuer à


assurer la solidarité sociale et l’égalité de tous face à la politique
de santé.

Malgré ces enjeux, le secteur français de la santé accuse un


retard important dans l’utilisation des systèmes basés sur
l’exploitation des grands volumes de données. Or, des acteurs
non étatiques portent des ambitions très fortes et font peser un
risque de désintermédiation dans la politique de santé publique :
c’est le cas par exemple de Google111. On voit émerger des
« barbares du numérique » qui contraignent le système de
santé à évoluer rapidement, sous peine d’être concurrencé par
ces acteurs privés internationaux.

2.3.2. Une ville connectée, citoyenne et durable


L’Internet du Tout connecté accompagnera l’émergence de villes
de plus en plus connectées
Chaque semaine sur Terre, un million de personnes supplémentaires
s’installe en ville112. Aujourd’hui, plus de 50 % de la population
mondiale vit en ville et, si le rythme ne faiblit pas, 6,3 milliards
d’êtres humains qui seront urbains en 2050113, soit 80 % de la
population mondiale. Comment faire pour répondre aux défis
énergétiques, écologiques, sociétaux, économiques et environne-
mentaux qui s’imposeront aux villes de demain ?

Des villes métropoles hyperconnectées sont en train de voir le jour


en Arabie Saoudite (King Abdullah Economic city), en Chine (l’éco-
111
« Le pari fou de Google pour réinventer la médecine », Les Echos, 28 octobre 2014.
112
ONU, World Population Prospects. The 2008 Revision, 2008.
113
ONU, Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau, 2014.

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cité de Tianjin) ou en Corée du Sud (Songdo). Ces villes créées de


toutes pièces, financées par des partenariats public-privé, tentent
chacune à leur manière de réinventer la façon dont se vit le milieu
urbain. Au-delà de ces exemples nouveaux, toutes les villes vont
concentrer une part de plus en plus importante de la population et
faire face à des défis structurels : raréfaction de l’eau, pollution
atmosphérique, transport, fractures sociales, insécurité, production
excessive de déchets ou consommation croissante d’énergie, etc.

Rendre les villes intelligentes et durables, c’est essayer de diminuer


l’impact environnemental, mais aussi de repenser les modèles
d’accès aux ressources, les transports, la gestion des déchets, la
climatisation des édifices et surtout la gestion de l’énergie. Cependant,
l’objectif de la ville intelligente est avant tout de mieux vivre collec-
tivement en améliorant les services et leur accès au plus grand
nombre.

L’attractivité des villes pour les différents agents économiques est


liée à leur capacité à développer un écosystème urbain technolo-
gique permettant d’optimiser le recueil, le traitement et la resti-
tution de la donnée pour une vie urbaine plus simple et plus
efficace. Au centre de cette vision se placent l’humain et son expé-
rience de la ville, ses nouveaux usages et sa nouvelle économie mais
également la volonté des citoyens de participer à la construction de
cette ville du futur.

Les villes, synonymes de concentration des richesses


La croissance régulière des villes induit des défis relatifs à l’accès
aux infrastructures et aux services publics, à la mobilité et à l’infor-
mation, pour lesquels l’utilisation des nouvelles technologies constitue
donc un levier d’amélioration majeur.

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La ville, qui est le réseau social le plus fréquenté et le plus partagé,


doit se doter de l’infrastructure nécessaire à un dialogue enrichi entre
ses actifs physiques (bâtiments, mobiliers de toutes sortes, façades,
etc.) et les terminaux mobiles dont dispose une grande majorité des
citadins. Ainsi, irriguer la ville d’un ensemble de capteurs à même
de collecter des informations pertinentes sur des aspects aussi divers
que le trafic, les déplacements, la pollution, le bruit, etc., enrichira
de manière très significative le potentiel d’innovations de produits
et de services.

Faciliter l’accès à la donnée


Dans le cadre du déploiement de cette ville intelligente et de sa
capacité à recueillir la donnée, il apparaît nécessaire de favoriser
l’open data, dans un cadre construit, pour réunir des conditions
économiques favorables.

Dans ce cadre, les organismes publics devraient respecter un certain


nombre de règles relatives à l’ouverture de leurs propres données
pour favoriser leur traitement par la communauté des développeurs.
Il s’agit là d’une condition nécessaire à l’émergence de nouveaux
services numériques qui amélioreront et faciliteront de nombreux
aspects de la vie en ville. Enfin, la capacité des institutions et des
agents économiques à collaborer ensemble pour une optimisation
de l’accès et du traitement des données est un facteur essentiel du
succès.

Les objets connectés urbains, facteurs de croissance


Dès lors que la couche d’infrastructures nécessaire à un accès per-
manent, rapide et confortable au réseau aura été mise en œuvre,
les applications liées à la réalisation de la ville intelligente et à la
connectivité des objets constitueront de véritables facteurs d’amé-

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lioration de la vie urbaine : meilleure information sur l’activité de


la ville, les transports et la mobilité, le parking intelligent, les services
publics, l’accès en temps réel à de multiples indicateurs, prévention
des risques, gestion des consommations de toute nature, etc. Les
champs d’application sont multiples et ouvrent des perspectives
d’innovation à très grande échelle.

Ainsi, de nombreuses entreprises comme la SNCF, Renault ou encore


JCDecaux ont créé des incubateurs en relation avec les villes pour
travailler sur les nouveaux enjeux des domaines du voyage, de
l’automobile ou de la ville connectés et identifier et développer de
nouveaux produits et services au bénéfice des urbains. L’accès à la
donnée est stratégique et structurant pour permettre ces innovations
et inventer des modèles économiques vertueux.

Les opportunités économiques de la ville connectée :


l’exemple de Chicago et Copenhague

Deux études, réalisées par Cisco en octobre 2014 et portant sur


les villes de Chicago et de Copenhague, permettent de mieux
comprendre comment des villes connectées peuvent apporter des
améliorations notables dans la vie quotidienne des citadins ainsi
que des économies importantes pour les collectivités. Chicago :
quinze dispositifs d’Internet des objets pourraient rapporter
8,1 milliards de dollar à la ville.

La municipalité de Chicago, mais aussi les résidents, les entre-


prises et l’ensemble de la société civile pourraient tirer profit de
la ville connectée. Avec des augmentations de recettes, une
réduction des coûts et une productivité poussée de ses agents,

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la ville connectée représenterait un gain estimé à 5,2 Mds$. Les


habitants, qui gagneraient 35 minutes par mois grâce aux dis-
positifs, bénéficieraient de 1,8 Mds$ en gains économiques et
en gain de temps. L’intérêt pour les entreprises et la société se
valorise à 1,1 Md$ par des économies d’eau, une réduction des
émissions de carbone et un meilleur chiffre d’affaires.

Quinze solutions d’Internet des objets ont été sélectionnées et


validées en 2014 par le maire adjoint et le directeur des systèmes
d’information de Chicago. Elles répondent à des problématiques
liées à la circulation, les transports, l’environnement, le tourisme,
l’éducation et les supports de travail. Dans ces domaines, l’utili-
sation de capteurs serait utile à plusieurs fins dont plusieurs
exemples sont décrits ci-dessous :

• l’éclairage de rue pourrait être amélioré en plaçant des capteurs


sur chaque lampadaire, permettant d’ajuster l’intensité de la
lumière selon l’heure du jour et l’activité des piétons et des
voitures. Chicago pourrait ainsi économiser 200 000 dollars
par mois en coût d’énergie et de fonctionnement ;

• les bâtiments de la ville pourraient être munis de capteurs


surveillant le chauffage, la ventilation, la climatisation et
l’électricité : c’est ce que l’on appelle la construction intelligente.
350 000 dollars pourraient ainsi être économisés chaque année
en simple réduction de la consommation d’électricité ;

•d
 es capteurs sur tous les véhicules de Chicago (police, pompier,
ambulance, bus d’école, etc.) fourniraient des informations qui

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réduiraient le coût de l’assurance de 30 dollars par véhicule et


le coût de maintenance de 8 dollars par mois par véhicule. De
plus, le bruit, la pollution ou les conditions météorologiques
seraient mieux connus. La circulation pourrait être plus facile
et les coûts seraient réduits de 800 000 dollars par an. Aussi,
10,4 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel ne seraient
pas perdus à cause des conditions météorologiques ;

• l’optimisation de la circulation baisserait les émissions de CO²


de 200 000 tonnes par an. Des vidéocaméras pouvant identifier
la plaque d’immatriculation et envoyer par mail une amende
en cas de stationnement interdit ou non-respect du parcomètre
par exemple permettraient une économie de 1,3 million de
dollars supplémentaires, tandis que les vidéosurveillances avec
reconnaissance faciale en temps réel pourraient faire éviter
420 crimes par an et rendre la répartition des policiers à travers
la ville plus efficace.

Les téléphones portables offrent également des opportunités pour


Chicago. Avec les données des applications mobiles de la ville et
les points d’accès wifi, la circulation des personnes pourrait être
mieux organisée. Par exemple, les itinéraires et horaires de bus
seraient optimisés, ce qui engendrerait par ailleurs six millions
de dollars mensuels supplémentaires pour la compagnie de bus.
Des applications mobiles et des kiosques numériques interactifs
informeraient facilement les touristes qui gagneraient 30 minutes
par jour. La publicité pourrait rapporter 1,8 million de dollars par
an et les visiteurs dépenseraient 40 millions de dollars en plus
par an. Le portable serait aussi le nouvel outil de travail des

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employés de la ville, opérant pour certains à distance des autres


sur le terrain. Leur collaboration par portable économiserait
48 minutes par jour et employé, équivalant à 43 millions de
dollars chaque année.

En outre, la commande intégrale des trains réduirait de 80 % les


accidents de trains. La fréquence des métros en hausse rapporterait
57 millions de dollars par an grâce à une plus grande capacité de
voyageurs. De plus, la localisation en temps réel des trains per-
mettrait de communiquer aux usagers l’heure exacte de passage.

Enfin, le programme d’un Chicago connecté prévoit aussi l’appren-


tissage en ligne. Cela adapterait mieux les programmes aux
besoins des élèves, permettrait d’accéder aux supports d’éducation
à toute heure et de suivre les cours même à distance. Le taux de
diplômés passerait de 65 % à 74 %.

Les avantages que pourrait retirer Copenhague en tant que


ville connectée s’estiment à 1,4 Md$
Plusieurs exemples permettent de prendre la mesure des avan-
tages économiques que la ville de Copenhague pourrait retirer
du développement des objets connectés et du Big data :

• l’éclairage intelligent, avec des diodes électroluminescentes et


des capteurs sur les lampadaires, réduirait les coûts d’électricité
de 1,2 million de dollars par mois pour la ville ;

•d
 es capteurs sur les places de parking et des applications sur
smartphone indiqueraient aux conducteurs où se garer : cela

96 Sommaire
I I . L E S P E R S P E C T I V E S D E C R É AT I O N D E VA L E U R A S S O C I É E S
AU B I G DATA E T AU X O B J E T S C O N N E C T É S

éviterait certains embouteillages et 3 600 litres d’essence


pourraient être économisés chaque mois tandis que les émis-
sions de CO² seraient ainsi réduites de 234 tonnes ;

•p
 ar des poubelles dotées de capteurs, les camions seraient
informés de la nécessité de leur passage. L’optimisation de leur
itinéraire éliminerait 4 930 tonnes de CO² chaque année. Les
déchets inappropriés dans les poubelles seraient aussi signalés.
Avec la construction intelligente des établissements publics
(capteurs surveillant et contrôlant l’électricité, le chauffage, la
ventilation et la climatisation), Copenhague éviterait de dépenser
700 000 dollars par mois ;

•u
 ne plateforme WiFi pour toute la ville servirait aux touristes,
les services de santé et la municipalité, et la publicité générerait
110 000 dollars mensuels. L’analyse des données WiFi don-
nerait des informations en temps réel sur le trafic et aiderait à
l’organisation de la ville. Chaque voiture gagnerait 33 minutes
par mois et Copenhague économiserait 1,5 million de dollars
en essence pour les bus par an. Un compteur communiquant
connecté au WiFi baisserait la consommation en eau de 5 %
par ménage, ce qui reviendrait à 354 millions de litres d’eau
non consommés. Le WiFi, les capteurs et autres dispositifs
pourraient soutenir la prévention et la gestion des fortes pluies
et des inondations. La perte de 2 200 véhicules pourrait être
épargnée ;

• e nfin, des kiosques numériques à travers la ville offriraient des


services de la municipalité aux citoyens. Les habitants dans

Sommaire 97
B I G D ATA E T O B J E T S C O N N E C T É S
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les zones isolées n’auraient plus besoin de se déplacer pour


renouveler le permis de conduire par exemple. Les kiosques
numériques et des applications mobiles seraient également
utiles aux touristes. L’Internet des objets pour les visiteurs
pourrait générer 60 millions de dollars en revenu touristique
supplémentaire par an.

Au-delà de la valorisation économique, ces deux exemples soulignent


ce que la numérisation pourra apporter à la cité. Dans ce mouvement
du Tout connecté, la France possède de nombreux atouts parfois
insuffisamment exploités mais qui devraient lui permettre, si tous
les acteurs concernés, se coordonnent, d’exploiter toute le potentiel
de cette révolution numérique. L’enjeu est de taille : à défaut de
saisir les opportunités de l’Internet du Tout connecté, d’autres pays
et d’autres acteurs le feront, car cette concurrence est mondiale.

98 Sommaire
III

L A FRA N C E D IS P OS E D ’ATO U T S
I MPORTAN TS P OUR S A IS IR LE S
OPPORTUN ITÉ S OF F E RTE S PA R
L’ INTERN E T O F E VE RY T H I NG

3.1. L
 es nouveaux leviers de la confiance :
API, normes et sécurité

3.1.1 L
 a confiance est la pierre angulaire du développe-
ment de l’économie numérique

La régulation des usages liés au Big data et aux objets connectés


est un enjeu essentiel qui doit être débattu et porté politiquement,
tout en évitant l’écueil d’appliquer unilatéralement le principe de
précaution. Face au besoin de confiance partagée et de régulation,
trois types d’actions peuvent être prises.

Créer de la transparence
L’invisibilité des capteurs et l’opacité partielle des traitements opérés
sur les données sont très néfastes à la confiance. Les acteurs privés
mais aussi publics doivent améliorer la communication sur les
actions qu’ils mènent à partir des données et les finalités de ces
travaux.

À titre d’exemple, l’inflation des conditions générale d’utilisation


(CGU) ne permet que difficilement aux clients utilisateurs de les
interpréter. Il conviendrait de mener un travail de transparence au
bénéfice de l’usager.

Sommaire 99
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Renforcer la loyauté
La notion de loyauté a fait l’objet d’une des quatre thématiques de
réflexion choisies dans le cadre de la concertation publique organisée
par le CNNum. Il s’agit notamment de régir les relations entre les
utilisateurs et les prestataires de services114.

Cette notion de loyauté apporte une réponse à la critique selon


laquelle le Big data n’aurait pas de finalité, dans la mesure où on
ne peut pas prédire a priori les usages futurs qui seront faits des
données. En effet, malgré cela, on peut attendre du prestataire de
services qu’il respecte une forme de loyauté en ne faisant pas
d’usages incompatibles avec l’intention initiale de l’utilisateur. Par
exemple, on pourrait considérer comme déloyal que les données sur
le nombre de pas réalisés par un individu, sans son consentement,
soient vendues à son assureur.

Il s’agit donc de rendre les finalités compatibles les unes avec les
autres ou, dans le cas contraire, de recueillir le consentement
explicite ou implicite de l’utilisateur. La notion de loyauté correspond
donc à un alignement d’intérêts entre l’individu et l’entreprise. Elle
doit concilier le Big data et la régulation des données personnelles.
On peut d’ores et déjà concevoir des règles qui empêchent les
détournements de finalité.

Le Conseil d’État115 est allé jusqu’à envisager un « droit à l’auto-


détermination numérique » afin d’équilibrer la relation entre les
individus et les acteurs économiques. Cette notion s’inspire du droit
à « l’autodétermination informationnelle » défendu par la Cour

114
Voir également à ce sujet : ICO, Big data and data protection, juillet 2014.
115 
Conseil d’État, Étude annuelle 2014 - Le numérique et les droits fondamentaux,
juillet 2014.

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constitutionnelle allemande en 1983, et tend à « garantir en principe


la capacité de l’individu à décider de la communication et de l’utili-
sation de ses données à caractère personnel »116. Ce droit ne serait
pas un nouveau droit mais un principe pouvant donner sens à la
régulation des usages.

Renforcer l’empowerment de l’utilisateur


Enfin, pour développer la confiance, l’individu doit être responsa-
bilisé et rendu maître de ses données. L’empowerment ou la gestion
par l’individu de son « capital données » est un des défis du déve-
loppement des objets connectés et du Big data. Pour ce faire il est
nécessaire que la gestion des données personnelles soit facilitée,
dépourvue de biais commerciaux, idéologiques ou opérationnels.

Le self data, c’est-à-dire la production, l’exploitation et le partage


de données personnelles par les individus, sous leur contrôle et à
leurs propres fins, apporte une réponse au développement de l’em-
powerment de l’utilisateur. Par exemple, en France le projet Mes
Infos117 expérimente le self data, susceptible de replacer l’individu
au centre de la production et de l’utilisation des données qu’il génère.

Le rôle des algorithmes

« Les algorithmes sont des fonctions qui déterminent l’action que


l’on doit attribuer à chaque donnée entrante. Les algorithmes
avancés et auto-apprenants, au cœur du traitement intelligent

116
Ibid.
117 
Expérimentation Mes Infos, « Synthèse, conclusions et défis pour le futur du “Self
Data” », Fondation Internet nouvelle génération, Octobre 2013 - Juin 2014

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des données, sont des fonctions qui se transforment au fur et à


mesure des résultats obtenus par les actions entreprises. Cela
permet, à chaque nouvelle action ou campagne, d’évoluer au
plus près des objectifs fixés au départ »118.

Christophe Steiner119 définit les algorithmes comme de « gigan-


tesques ramifications dans lesquelles se succèdent des décisions
binaires suivant une suite de règles préétablies ». Un algorithme
trouve donc sa définition et sa formule dans sa finalité. Selon
qu’il recommande, ordonne ou déduit, il sera construit différem-
ment. « Parce qu’ils constituent un prisme de lecture et de com-
préhension du réel de plus en plus présents, les algorithmes et
les données doivent faire l’objet de règles de gouvernance réflé-
chies. Plusieurs exemples mettent en lumière comment une uti-
lisation malintentionnée ou malencontreuse des technologies Big
data peut transformer un algorithme en une machine à discriminer,
systémique et silencieuse ».

3.1.2. L
 a protection des données et des droits à l’ère de
l’Internet du Tout connecté

La multiplication des capteurs autour de l’individu soulève des


questions nouvelles sur la gestion des données ainsi collectées par
des appareils, des applications ou des services. Les enjeux sont
distincts selon qu’on se place du point de vue de l’individu qui
produit des données ou de celui de l’entreprise qui les exploite.
118
Makazi, Livre blanc du data marketing, 2013.
119
Auteur de Automate this : how algorithms came to rule our world, août 2012.

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Comment garantir les droits des individus ?


La multiplication de capteurs dans l’espace public et privé rend
possible l’obtention de données qui permettent d’analyser les acti-
vités, les comportements et les modes de vie des individus sans
qu’ils soient toujours informés de cette collecte, de son ampleur et
de ce qui peut en résulter. Ainsi, un bracelet connecté permet de
connaître le nombre de pas réalisés chaque jour par un individu.

Ces données brutes peuvent paraître anodines ; elles peuvent


cependant très facilement basculer dans le champ des données
personnelles pouvant être utilisées pour suivre, analyser, sonder
et cibler des individus. Par exemple, les données sur le nombre de
pas, accumulées sur le long terme, peuvent devenir un indicateur
de l’état de santé. Cette information peut dès lors représenter un
atout ou un risque pour l’individu, en fonction de l’entité qui s’en
sert : pour la prévention de maladies cardio-vasculaires (par un
professionnel de santé) ou pour la modification d’un contrat d’assu-
rance (par un assureur).

Les enjeux soulevés par ces questions se retrouvent dans les


thèmes ci-dessous :

• la distinction des types de données : a minima, les données


brutes doivent être distinguées des données lissées ou interpré-
tées, dont la nature est moins sensible. Le recueil et l’usage de
ces données entraînent des responsabilités particulières qui varient
en fonction de leur type. Ces notions ont été développées dans
un avis récent du G29120 ;

120
Opinion 05/2014 on anonymisation techniques, Op. cit.

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• la visibilité des capteurs : les individus ne sont pas nécessairement


informés du fait que telles et telles données sont recueillies à un
lieu et à un moment donnés. Cet état de fait, potentiellement
problématique, doit s’inscrire dans une réflexion plus large sur
l’information de l’individu producteur de données ;

• la privacy by design : ce concept, que l’on peut traduire par «


respect de la vie privée dès la conception » a été développé dans
les années 1990. Il désigne le fait d’intégrer la protection des
données dès la conception des systèmes et des technologies
informatiques et implique notamment que les développeurs s’im-
posent de ne pas recueillir de données sans lien avec le service
rendu. Il s’agit d’une application du principe de proportionnalité
qui vise à limiter le type et la quantité de données collectées dès
la conception des systèmes informatiques ;

• la portabilité des données : il s’agit de permettre aux utilisateurs


de récupérer les données qui les concernent, afin d’éviter qu’ils
ne se trouvent « enfermés » dans un univers technologique donné.
Pour inciter les fournisseurs de biens ou de services à proposer à
leurs utilisateurs la portabilité des données, les standards et les
API peuvent être de bons leviers car ils permettent de contrôler
les usages et les partages des données.

Comme l’indique la CNIL, « un enjeu de standardisation majeur


pèse sur l’avenir de l’internet des objets et des communications de
machine à machine (M2M). En effet, de nombreuses normes sont
en compétition, à commencer par les traditionnels Wifi et Bluetooth,
les technologies sans contact et RFID, des normes spécifiques de
domotique ou d’objets communicants (Zigby, D-wave...) et des normes
propriétaires. Cette situation limite l’expansion des services liés à

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l’internet des objets, mais elle réduit également la capacité à offrir


un environnement de sécurité satisfaisant »121.

Comment permettre le développement de business models


autour de l’exploitation des données ?
Les enjeux liés à l’anonymisation des données se posent dès lors
qu’on se place du point de vue de l’entreprise qui souhaite utiliser
les données recueillies.

L’anonymisation est un processus bien défini et qui porte notam-


ment un caractère d’irréversibilité. Au sens de la directive 95/46/
CE et du G29, qui s’est prononcé en avril 2014 sur les techniques
d’anonymisation122, l’anonymisation consiste à rompre tout lien entre
une donnée et un utilisateur. Si une entreprise peut faire la preuve
de cette anonymisation, la donnée n’est plus considérée comme
personnelle et peut dès lors être utilisée et diffusée très largement.

Cependant, la qualité de l’information et son intérêt du point de vue


d’une exploitation économique est souvent très dégradée par l’ano-
nymisation. De nombreuses voix s’élèvent ainsi pour réclamer la
mise en œuvre d’une solution intermédiaire, qui permette aux
entreprises de fonder leur activité sur le traitement de la donnée tout
en restant en conformité avec la loi.

Par exemple, il est possible de traiter la donnée sans rompre totale-


ment le lien avec l’utilisateur initial. La suppression de certaines
données permet de réduire les risques d’identification : par exemple,
dans une base de données, remplacer le prénom et le nom par un

121 
« Le corps, nouvel objet connecté », CNIL, Cahiers innovation et prospective, n° 2,
mai 2014. 
122
Opinion 05/2014 on anonymisation techniques, Op. cit.

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identifiant alphanumérique (tout en conservant à côté un document


appareillant ces identifiants et ces noms) permet de créer des données
pseudonymisées.

Le développement de méthodes d’analyse du risque de ré-identifi-


cation pourrait permettre de dessiner les contours de cette pseudo-
nymisation. De même, les API peuvent représenter un levier d’action
intéressant en permettant de gérer l’accès et la récupération des
ensembles de données concernées.

Par exemple, Twitter utilise des règles similaires et, lorsqu’un utili-
sateur efface l’un de ses tweets, les autres utilisateurs qui l’auraient
réutilisé doivent théoriquement ne plus prendre en compte ce tweet
– bien que cette vérification soit difficile à mettre en œuvre.

Les autorités européennes de protection des données, et la CNIL


en France, sont plutôt opposées à la création d’un statut juridique
particulier pour les données pseudonymisées, car ce dernier pourrait
permettre à des entreprises mal intentionnées de contourner les
règles de protection des données personnelles. À l’inverse, ces mêmes
autorités sont à la recherche de mécanismes intelligents qui per-
mettent une réutilisation sous contrôle des données en analysant
les risques et les impacts de ces techniques.

En plus des enjeux liés à l’anonymisation des données, la question


du rescrit est centrale pour le développement de l’innovation autour
des données. Un rescrit est une prise de position de l’administration
qui est opposable à celle-ci : les porteurs de projets, comme les
entrepreneurs, peuvent donc s’en prévaloir au cas où l’administration
changerait d’avis.

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Comme l’explique le Conseil d’État, « peu de traitements sont soumis


à autorisation préalable et le responsable de traitement doit donc
apprécier lui-même la licéité de son action »123, au risque d’être
sanctionné s’il l’a mal appréciée alors qu’il cherchait à respecter la
loi. Ainsi, « la création d’un rescrit en matière de données personnelles
serait un instrument adapté pour renforcer la sécurité juridique des
porteurs de projets »124. En pratique, un responsable de traitement
pourrait interroger la CNIL sur la licéité du traitement avant de mettre
celui-ci en œuvre ; la réponse fournie par la CNIL lui serait opposable
et constituerait donc une garantie pour le porteur de projet.

Les politiques publiques de protection des données


personnelles aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne

Aux États-Unis
Le 4e Amendement de la Constitution américaine établit un droit
de protection de la vie privée. Cependant, il couvre uniquement
les données traitées par les agences gouvernementales et ne
concerne que les citoyens américains et les étrangers vivant sur
le sol américain125. Le Privacy Act de 1974 est le principal cadre
juridique protégeant les données à caractère personnel détenues
par le secteur public. Il énonce cinq principes : le principe de
transparence, le principe d’accès, le principe de correction, le
principe de sécurité des données et le principe de limitation de

123
Conseil d’État, Le numérique et les droits fondamentaux, 2014.
124
Ibid.
125
Winston

Maxwell, « La protection des données à caractère personnel aux États-unis :
convergences et divergences avec l’approche européenne » Le Cloud Computing,
L’informatique en nuage, octobre 2013.

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la finalité126. Ce n’est qu’après le Privacy Act que le secteur privé


fut réglementé sur la gestion des données privées. Par exemple, le
Health Insurance Portability and Accountability Act qui protège les
données de santé, le Gramm-Leach-Bliley Act pour les données
financières, ou le Children’s Online Privacy Protection Act concer-
nant les données des enfants. Tous les États américains ont voté
des lois spécifiques pour la défense de certains aspects de la vie
privée : par exemple, l’État de Californie condamne les entreprises
pour vente de données d’étudiants sans but éducatif dans le Student
Digital Privacy Act127 et donne un droit à l’effacement à des utili-
sateurs mineurs de réseaux sociaux.

La différence la plus notable avec le droit européen est le caractère


commercial ou non des données privées. Même s’il existe plusieurs
lois relatives aux différents secteurs économiques, les États-Unis
ne disposent pas de cadre juridique couvrant tout le secteur privé.
Ainsi, la gestion des informations collectées par des hôpitaux ou
des banques par exemple est réglementée, mais les entreprises
peuvent librement utiliser les données tant qu’elles ne se rendent
pas coupables de pratiques déloyales.

La Federal Trade Commission (FTC) est l’agence indépendante en


charge de l’application des droits du consommateur qui veille à la
mise en place des bonnes pratiques commerciales anticoncurren-
tielles. Elle s’occupe aussi de la protection de la vie privée des

126 
Rocco Bellanova and Paul De Hert, « Protection des données personnelles et mesures
de sécurité : vers une perspective transatlantique », Culture et Conflits, juillet 2013.
127
« Obama cherche à renforcer la protection des données personnelles », L’atelier,


13 janvier 2015.

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consommateurs et conduit des investigations, poursuit les contre-


venants à la loi et fait suite aux plaintes qu’elle collecte128.

Barack Obama s’est récemment prononcé pour le renforcement


de la protection des données privées, du fait notamment de
l’ampleur du piratage et de la collecte des informations sur smart-
phones et tablettes. Il a déclaré le 12 janvier 2015 l’élaboration
de plusieurs lois129 et l’harmonisation des lois fédérales130, pro-
posant notamment que les entreprises signalent aux consomma-
teurs le piratage de leurs données sous 30 jours et que la revente
des données des étudiants soit interdite. Ces propositions doivent
être soumises au Congrès.

Au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, le Data Protection Act de 1998 pose les bases
de la protection des données personnelles. Entrée en vigueur en
2000, cette loi transpose la directive européenne de 1995 et
donne certains droits aux individus et des obligations aux déten-
teurs et utilisateurs d’informations privées.

La donnée personnelle y est définie comme toute information liée


à un individu qui peut être identifié grâce à cette donnée ou à
partir de cette donnée, et à d’autres informations qui sont en
possession, ou qui pourraient être en possession du contrôleur
de données. Plusieurs voix ont souligné que cette définition est

128
Site internet de la Federal Trade Commisson, consulté le 16 janvier 2015.
129 
« Barack Obama veut élaborer de nouvelles lois sur la protection des données »,
L’usine digitale, 15 janvier 2015.
130
« Obama : With Tech Advances Come Privacy Risks for US », The New York Times,
12 janvier 2015.

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trop imprécise pour garantir l’anonymat. Selon les huit principes


que le Data Protection Act énonce, les données doivent être
traitées de manière juste et légale, utilisées à certaines fins seu-
lement, adéquates, utiles et non excessives, exactes et à jour,
conservées seulement tant qu’elles sont nécessaires, utilisées
conformément aux droits des individus, stockées en lieu sûr et
conservées dans l’espace économique européen, à moins d’une
protection adéquate131.

D’autres lois complètent celle de 1998 : par exemple, les Privacy


and Electronic Communications Regulations 2003 régulent le
marketing par e-mail ou par messages en exigeant le consente-
ment du consommateur à l’envoi d’information spontané. Les
Privacy and Electronic Communications Amendment Regulations
2011 réglementent l’utilisation des « cookies » et les interceptions
de communication sur les réseaux publics et privés sont régis par
le Regulation of Investigatory Powers Act de 2000. Enfin, le
Freedom of Information Act de 2000 donne aux citoyens des
droits d’accès aux informations détenues par les autorités
publiques132.

Le Information Commissioner’s Office (ICO) a été mis en place


par le Data Protection Act 1998 et est chargé du respect de cette
loi. Son rôle est similaire à celui de la CNIL : promouvoir et
informer les bonnes utilisations des données, établir ou approuver
les codes de pratique à suivre par les contrôleurs de données,

131 
« Résumé de la législation - Data Protection Act 1998 », site internet de l’Information
Commissioner’s Office, consulté le 15 janvier 2015.
132
Tailor Wessing, An overview of UK data protection law, 2012.

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vérifier la conformité à la loi et poursuivre les contrevenants,


recevoir et faire suite aux plaintes et écrire des rapports au
Parlement133.

En Allemagne
En Allemagne, une donnée est dite privée dès lors qu’elle concerne
une situation d’un individu identifié ou identifiable. Depuis 2009,
la Loi fédérale de protection des données (Bundesdatenschutzgesetz)
qui transpose la directive européenne 95/46/EC de 1995 est le
principal cadre législatif de la protection des informations détenues
par les autorités fédérales et les agents privés. Les organismes
publics étatiques suivent une réglementation propre à chaque État.
La collecte, le traitement et l’utilisation des données sont seulement
autorisés aux conditions de la loi fédérale ou si l’individu dont les
informations sont gérées a donné son consentement.

Certains secteurs privés suivent des règles spécifiques, comme


la banque ou les télécommunications. Les grands principes de
protection sont le principe de réduction et d’économie des données
(enregistrer et utiliser aussi peu de données que possible), le
principe de permission explicite (par la loi ou de l’individu), le
principe de limitation au but fixé du traitement des données, le
principe de collecte directe (venant de la personne), le principe
d’accès (l’individu a le droit de connaître gratuitement les infor-
mations détenues le concernant), le principe d’exactitude des
données et le principe de limitation (les informations non perti-
nentes pour le but du traitement doivent être effacées)134.

133
« Résumé de la législation - Data Protection Act 1998 », Op.cit.
134
« Data protection in Germany overview », Data Protection Multi-jurisdictional Guide,
site internet de Practical Law, consulté le 16 janvier 2015.
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Le Commissariat fédéral à la Protection des Données et du Droit


à l’Information (Bundesbeauftragten für den Datenschutz) veille
au respect du droit à l’accès, protège les données personnelles
et encourage la coopération européenne et internationale. Il a un
rôle de conseil auprès des particuliers, des personnes morales,
du Parlement et du gouvernement135. Angela Merkel plaide pour
une meilleure protection des données en Europe contre les géants
de l’internet et la surveillance américaine136.

En sus de ces interrogations liées à la protection des données,


l’anonymisation représente en outre un enjeu stratégique et éco-
nomique important pour la France. En effet, l’anonymisation requiert
des technologies et des services de pointe qui font appel à une
expertise encore rare. On peut anticiper une demande croissante
des entreprises pour bénéficier d’un accompagnement et de ser-
vices dans la mise en place de ces processus d’anonymisation
(évaluation des risques, tests de robustesse, formation, etc.) voire
même, à terme, dans la création d’un label décerné aux entreprises
répondant à des critères définis de protection des données.

Comme le précise la CNIL, « les acteurs qui permettent aux utilisa-


teurs de rester maîtres du partage de leurs données et qui recueillent
leur consentement peuvent même faire de ces pratiques vertueuses
un avantage concurrentiel »137. Or, la France dispose d’atouts
135 
« La liberté d’accès en Europe et dans le monde », site internet de la CADA, consulté
le 16 janvier 2015.
« Merkel et Hollande veulent renforcer la sécurité des messages électroniques en
136 

Europe », Le monde informatique, 17 février 2014.


137 
« [Communiqué G29] Avis sur l’Internet des objets », site Internet de la CNIL,
8 octobre 2014.

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conséquents pour se positionner comme leader sur ce marché


émergent de l’anonymisation des données : des chercheurs parmi
les meilleurs au monde, des entreprises à la pointe de ces enjeux
et des tiers de confiance.

3.1.3. Les API, clés de l’Internet des données

Les Application Programming Interfaces ou API (en français « inter-


face de programmation » ou « interface pour l’accès programmé aux
applications ») connaissent un développement très important et
définissent de nouvelles façons d’échanger les données et d’abor-
der l’écosystème numérique de demain. Équivalent de la prise de
courant pour les données dans le domaine numérique, les API
facilitent l’émergence de nouveaux services en simplifiant les
échanges entre systèmes d’information et applications. Personne ne
peut avoir accès aux données sans clef, et ces clefs sont de plus en
plus souvent les API. Demain, tous les objets connectés échangeront
au travers d’API.

Un protocole de communication
Une API permet de faire le lien entre un utilisateur et une application.
Il s’agit de la partie exposée d’un programme permettant le contrôle de
ce dernier sans en maîtriser toutes les différentes composantes138.

Les API assurent également l’interopérabilité de différents pro-


grammes et plateformes. L’accès aux données peut traditionnelle-
ment se réaliser en exportant des données sous forme de fichier :
simple, cette méthode est cependant peu pertinente lorsque les
données sont nombreuses et évoluent fréquemment. Il conviendrait

138
« API » sur techterms.com

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en effet de télécharger régulièrement l’ensemble du fichier pour


maintenir à jour les données collectées, ce qui engendrerait une
consommation importante des ressources système ou réseau139.

L’API répond à ce besoin en permettant un accès direct aux données


et uniquement à celles dont on a besoin ou auxquelles on peut
accéder. L’API est ainsi une porte d’entrée qui permet de contrôler
l’exposition et l’utilisation des données numériques produites par
un service. Un exemple souvent repris est celui des « boutons
Facebook » qui ne requièrent pas de visiter le site Internet de
Facebook pour « aimer » un contenu sur un autre site.

Chaque API a ses particularités (nombre de requêtes autorisées,


clefs d’accès, données accessibles, règles relatives aux manipulations
des données, etc.) et, en fonction de sa nature publique ou privée,
l’API expose les données à tous les développeurs qui le souhaitent
ou n’est accessible qu’aux développeurs internes et aux partenaires
sélectionnés. Il en existe trois principaux types : privées, partena-
riales et publiques :

• les API privées sont utilisées au sein des entreprises pour faciliter
l’intégration des différents systèmes et des applications utilisées.
Elles permettent de rationaliser les infrastructures, de réduire les
coûts, d’accroître la flexibilité de circulation des données et d’amé-
liorer certaines opérations ;

• les API partenaires sont utilisées pour faciliter la communication


et l’intégration de l’information entre une entreprise et ses parte-
naires ;

139
Ibid.

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• les API publiques permettent aux entreprises d’exposer publique-


ment des informations et des fonctionnalités d’un ou plusieurs
systèmes ou applications à des tiers, sans nécessairement être en
relation d’affaires avec eux. Ce type d’API facilite par exemple la
R&D déléguée, augmente la visibilité de l’entreprise et peut consti-
tuer une nouvelle source de revenus, car des tiers peuvent enrichir
l’offre de services via l’API. Twitter, par exemple, génère un flux
de visiteurs dix fois plus important via ses API qu’à travers son
site Internet140.

L’usage des API est en très forte croissance


Historiquement utilisées par les grandes sociétés de logiciel, l’usage
des API se généralise aujourd’hui pour l’échange de données. Dans
les années 1990, les API étaient seulement utilisées par les pro-
grammeurs pour développer des applications sur des systèmes
d’exploitation. Aujourd’hui, les API permettent de connecter certains
objets entre eux et de faire circuler la donnée plus globalement.
Demain, tous les objets connectés échangeront de plus en plus de
données entre eux via les API et les API entre elles.

140
« Twitter API traffic is 10X Twitter’s site », Programmable Web, 10 septembre 2007.
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Figure 17 : Développement de l’utilisation


des API pour l’échange de données
Années 1990 Aujourd’hui

Demain

Source : FaberNovel, 6 reasons why APIs are reshaping your business, 2012.

Les API publiques sont nées en 2000 avec l’API ouverte d’eBay141
et leur nombre croît fortement depuis 2005 : elles constituent l’une
des clefs de l’écosystème numérique actuel. L’année 2013 a été
importante pour le développement des API à la fois en termes
d’adoption, de technologie et d’investissement : le nombre d’API
publiques a dépassé les 10 000 pour la première fois en 2013. Le
site Programmableweb souligne en outre que cette tendance concerne
aussi les API privées et partenaires, qui sont par nature plus diffici-
lement recensables.

« Open APIs reach new high water mark as the market Web evolves », ZDNet,
141 

4 novembre 2008.

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Figure 18 : Croissance des API publiques


sur Internet entre 2005 et 2013
12000
10 302
10000
Nombre d’APIs publiques

8000

6000

4000

2000
299
0
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Source : programmableweb, « Growth in Web APIs from 2005 to 2013 », 2013.

En 2014, cette tendance semble s’être poursuivie avec un nombre


d’API compris entre 100 000 et 200 000 ; les API privées seraient
neuf fois plus nombreuses que les API publiques recensées142. Cette
croissance prend deux formes : le lancement de nouvelles API (l’indi-
cateur 3scale143 relève dix lancements de nouvelles API par mois)
ainsi qu’une augmentation de la visibilité d’API privées d’entreprises,
qui les ouvrent progressivement à des publics plus larges. Au-delà
de la croissance en volume, l’utilisation des API se répand dans
presque tous les secteurs économiques144 ainsi que chez certaines
collectivités publiques et associations.

142
« API Predictions 2014 », 3scale, 16 décembre 2013.
143 
3scale est une entreprise privée qui développe et vend des API et fournit aux déve-
loppeurs des outils pour les utiliser plus facilement. Voir : www.3scale.net
144
« API : Three Letters That Change Life, the Universe and Even Detroit », Wired,
6 février 2012.

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Un enjeu stratégique de création de valeur pour les entreprises


Les API sont un levier de création de valeur : ainsi Orange, à travers
son « API Challenge » ouvert à trois pays d’Afrique (Côte-d’Ivoire,
Sénégal et Mali)145 accroît sa visibilité, opère sa transformation
digitale et attire les développeurs, tout en retenant les API les plus
innovantes146. Les stratégies autour des API sont liées aux condi-
tions de leur mise à disposition : ouvertes ou réciproques, gratuites
ou payantes.

Ainsi, Johann Daigremont, responsable des communications aux


Bells Lab d’Alcatel Lucent, souligne qu’« ouvrir ses services tiers à
une API n’est pas anodin. C’est au contraire une réelle stratégie
économique choisie par celui qui fournit ce service. Cela permet
d’attirer des communautés de développeurs et de bénéficier d’une
masse critique que vous n’avez pas en interne dans votre entreprise
pour apporter de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles applications
auxquelles vous n’auriez pas pensé ou que vous n’auriez pu déve-
lopper. Cela permet également de suivre vos utilisateurs dans leurs
usages d’autres applications, ce qui permet de construire des profils
utilisateurs plus complets, profils pouvant ensuite être revendus pour
du marketing ciblé »147.

Les API interrogent les nouveaux contours du droit d’auteur, en


particulier depuis le cas « Oracle America, Inc. v Google, Inc. » :
un différend opposait Google à Oracle au sujet de la possibilité
d’étendre le droit d’auteur à des API. En mai 2014, la Cour d’appel
américaine a donné raison à Oracle en reconnaissante que ses API

145 
« Challenge API : tout savoir sur le concours », site Internet d’Orange Partner, 2 avril
2014.
146
« Orange ouvre ses API en Afrique », L’Usine Digitale, 15 octobre 2014.
147
« Comprendre les interfaces de programmation », InternetActu.net, 24 juin 2011.

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peuvent être protégées par un droit d’auteur148. Ce cas pourrait avoir


des conséquences de plus grande envergure en généralisant le
phénomène des interfaces de programmation spécifiques protégées
par copyright149. Le droit d’auteur généralisé pour les API serait
susceptible d’avoir, en revanche, un effet dissuasif sur l’innovation
en ralentissant l’apparition de modèles d’interface communs.

Le caractère contractuel d’une API ne semble pas suffisant pour


interdire l’asymétrie des échanges qu’elle peut engendrer. Les sys-
tèmes ou les applications peuvent utiliser les données sans que le
fournisseur initial (l’individu par exemple) s’en rende compte ou qu’il
ait une complète connaissance de leurs utilisations. Les API induisent
le risque d’une utilisation asymétrique des données et, pour certains
acteurs, la sur-utilisation de leurs ressources ouvertes pose question.

Ainsi, la guerre des stratégies autour des API est en train de


configurer l’Internet du Tout connecté et ce qui en dépend. Les
entreprises pourraient donc bénéficier d’un accompagnement au
développement des API, non seulement pour envisager leurs oppor-
tunités économiques mais aussi les enjeux juridiques, car les API
peuvent jouer le rôle d’un filtre et éventuellement celui de « corde
de rappel de la donnée » en cas de contestation sur leur utilisation.
De plus, les API peuvent être un moyen de prouver que les dili-
gences en matière de droit de la protection de la donnée sont
mises en œuvre et ce faisant d’alléger les contraintes a priori qui
pèsent sur l’entreprise en la matière (obligations relatives à la loi
« Informatique et Libertés »).

148 
United States Court of Appeals for the Federal Circuit, Oracle America Inc. v. Google
Inc., verdict rendu le 9 mai 2014.
149
« Dangerous Decision in Oracle v. Google: Federal Circuit Revrses Sensible Lower
Court Ruling on APIs », Electronic Frontier Foundation, 9 mai 2014.

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En effet, les API encadrent les conditions d’accès techniques à des


ressources. Elles pourraient à l’avenir inclure des règles juridiques
pour créer l’équivalent de « packs de conformité » associant des
clauses contractuelles types à des règles techniques. À titre
d’exemple, l’avis du G29 sur les applications mobiles développe
cette idée pour ce qui touche au droit d’accès, de rectification et
d’effacement des données personnelles150.

L’API Twitter et l’engagement contractuel

Dans le cadre des contrats que Twitter passe avec des tiers pour
leur offrir un accès « privilégié » par une API au flux complet des
tweets, la société Twitter est en mesure de contraindre le « réu-
tilisateur » (ayant re-tweeté un message) à effacer et de ne plus
utiliser un tweet que son auteur aurait ou souhaiterait effacer.
L’information sur cet effacement est transmise par l’API et, si le
« réutilisateur » ne se conforme pas à cette demande, il devient
alors contractuellement fautif151.

Cet exemple illustre aussi que l’auto-régulation par le marché


peut ne pas être suffisante pour garantir la pérennité de ces règles.
Twitter a passé un nombre limité de contrats avec des entreprises
ayant un accès « privilégié » aux données publiées sur Twitter
par les utilisateurs. Historiquement, quatre entreprises disposaient
de ce type de contrats : Topsy, NTT (uniquement pour le Japon),
Datasift et Gnip. La société Topsy a été acquise par Apple et Gnip
par Twitter : ce dernier s’interroge donc sur la pertinence de

150 
Article 29 data protection working party, Opinion 02/2013 on apps on smart devices,
27 février 2013.
Plus d’éléments sur ces données twitter : http://datasift.com/platform/datasources/
151 

twitter/

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continuer à fournir des informations complètes aux concurrents


d’une entreprise qui lui appartient désormais152.

On a souvent constaté que des grandes plateformes comme


Facebook, Twitter ou Google avaient, dans leur phase de lance-
ment, des politiques permissives sur leurs API, donnant un accès
très libre à leurs données pour favoriser l’émergence d’un éco-
système d’usages dense autour de ces API. Dans un second
temps, elles avaient tendance à « fermer » progressivement l’usage
de leurs API pour préserver leur avantage compétitif sur cette
richesse que représentent les données.

Le risque est donc réel de voir augmenter l’asymétrie d’accès à


l’information au fur et à mesure de la consolidation des marchés.
Dans ce cadre aussi, le législateur peut avoir un rôle à jouer pour
maintenir la fluidité des échanges dans le temps.

Les API sont un outil pour renforcer le lien entre les citoyens et
l’administration
Les API représentent un véritable potentiel pour les politiques
publiques à mener, car elles permettent une relation plus dynamique
entre les administrations et les administrés. En France, le gouver-
nement a ouvert ses données par le biais du site data.gouv.fr qui
met à la disposition des internautes une API permettant de trans-
mettre les données publiques mises en ligne à tout internaute qui
le souhaite153. La mairie de Paris a également développé, en 2014,

152
Site de techcrunch, 15 avril 2014 et site de Fortune, 16 avril 2014.
153
Voir la description de l’API du site data.gouv.fr : https://www.data.gouv.fr/fr/apidoc/

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sa propre API qui permet aux habitants de la ville de recevoir direc-


tement les données de la ville de Paris et d’échanger des informations
à travers la plateforme Paris Connect154.

La CNIL considère les API comme un moyen de gérer les données


personnelles et de remettre l’individu au cœur de la régulation :
« techniquement, un moyen de faciliter l’accès direct et transparent
est de passer par des API – c’est-à-dire des interfaces de program-
mation – que l’on peut schématiser comme « une prise » que les
organisations mettraient à la disposition de leurs utilisateurs, et sur
laquelle ils pourraient « se brancher » pour accéder et modifier leurs
données. Le recours à une API rend ainsi les données plus directement
accessibles pour les utilisateurs en même temps qu’il suppose de les
délivrer dans un format standardisé, lisible par d’autres machines.
En ce sens, militer pour l’ouverture d’API ne renvoie pas seulement
à une architecture technique mais à un design plus général facilitant
la réutilisation des données en les délivrant dans un format qui favorise
leur interopérabilité »155.

Cette appropriation des API par les services de l’État s’inscrit dans
le cadre d’une volonté de dialogue accru entre décideurs et citoyens.
Les API ont l’avantage d’offrir une réelle interopérabilité entre les
sites, et donc, d’aller chercher le citoyen « où il se trouve » : ainsi,
en octobre 2014 la Maison-Blanche a lancé une API pour sa pla-
teforme de pétitions en ligne « We the People ». Celle-ci permet aux
citoyens qui le souhaitent de signer une pétition émise par cette
plateforme sans avoir à se rendre sur le site officiel de la

154
Voir le site https://api.paris.fr/
155 
CNIL, « Vie privée à l’horizon 2020 », Cahiers Innovation et prospective, n° 1, novembre
2013.

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Maison-Blanche, mais en passant par l’API mise à leur disposition


à partir d’autres sites ou blogs156.

Les API permettent également de réduire les coûts dans la mesure


où quelques lignes de codes suffisent à intégrer du contenu sur
n’importe quel site sans avoir à bâtir une structure particulière pour
chacun d’entre eux.

3.1.4. L
 a sécurité numérique, condition sine qua non de la
confiance

Le Big data et les objets connectés offrent des perspectives d’évolution


très importantes aux individus et aux entreprises. Cependant, ces
évolutions supposent que tous les acteurs aient confiance dans les
systèmes et les réseaux technologiques qui sous-tendent la révolution
numérique. Condition de la confiance, la sécurité numérique
représente un défi majeur pour les entreprises et l’État, que l’avè-
nement du Big data, du cloud et de la mobilité dans un environne-
ment de plus en plus connecté rend d’autant plus fort.

Les enjeux de la sécurité se concentrent « sur l’intimité numérique


des personnes (privacy), sur la protection du patrimoine et des idées
(intellectual property rights), sur la distribution des contenus en lignes
tout en gérant les droits d’auteurs et de marques déposées (digital
rights management), sur la sécurité classique des réseaux [et des
systèmes d’information] et sur la protection des grandes
infrastructures »157.

156 
« The New We the People Write API, and What It Means for You », The White House
Blog, 23 octobre 2014.
157
Michel Riguidel, La sécurité des réseaux et des systèmes, ENST Paris, 2007.

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La démarche de sécurité numérique se compose de quatre dimen-


sions :

• « la sécurité physique (l’innocuité) des lieux, des personnes et des


biens, des infrastructures et des ressources matérielles (accidents
ou sabotages) ;

• la sécurité logique, la sûreté de fonctionnement, la fiabilité des


systèmes embarqués, relative à la bonne marche, à la robustesse
ou à la survie d’un système, suite à des dysfonctionnements internes
ou externes ou des perturbations accidentelles ou intentionnelles
de l’environnement ;

• la sécurité des infrastructures, des systèmes de télécommunication,


des réseaux et des systèmes répartis […] relative à la perturbation
par des attaques ou des propagations d’erreurs via le réseau ;

• la sécurité des SI de nature personnelle, technique, bureautique


ou administrative, relative à la divulgation d’informations confiden-
tielles ou à la corruption de base de données »158.

La sécurité a pour objectif de préserver les systèmes numériques des


actions malveillantes visant à en altérer la confidentialité, l’intégrité
ou la disponibilité du système lui-même. Pour être efficace une solution
de cybersécurité doit déployer des contremesures techniques et orga-
nisationnelles tout en restant à jour face à l’évolution des menaces.

158
Ibid.

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Techniquement une politique de sécurité repose sur la cryptogra-


phie159, la stéganographie160, la biométrie161, l’ingénierie de sécurité
dans les architectures et les protocoles réseaux. Le facteur humain
est primordial pour renforcer la sécurité des écosystèmes
numériques.

Malgré l’importance de ces enjeux, une étude récente162 révèle que


« 23 % des entreprises ont récemment échoué à un audit de sécurité,
tandis que 17 % doutent de leur capacité à réussir un audit de
conformité des échanges de données. […] L’enquête ajoute ainsi
que le coût total moyen d’une atteinte à l’intégrité des données
s’élèverait à 2,4 millions d’euros »163.

De plus, d’après la consultation menée par la Commission Européenne


à l’occasion de la directive NIS (Network and Information Security,
cf. infra), 93 % des grandes entreprises ont connu une cyberattaque
en 2012164. La valeur économique pillée par la cybercriminalité en
2013 représenterait 190 Mdse165.

Protection des messages utilisant des clés pour assurer la confidentialité, l’authenticité
159 

et l’intégrité des données échangées.


160
Dissimulation d’un message dans un autre message.
Technique de mesure du vivant à des fins de reconnaissance, d’authentification et
161 

d’identification.
Ovum pour Axway, Gouvernance, sécurité et conformité : impact sur les stratégies
162 

d’intégration IT, octobre 2014.


« Sécurité des données : les entreprises récoltent une mauvaise note », expoprotection.
163 

com, 10 décembre 2014.


164
« Une nouvelle directive européenne sur la cybersécurité », Les Echos, 14 mars 2014.
Philippe Richard, « Le boom de l’espionnage industriel », Paritech Review, octobre
165 

2014.

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Au-delà de l’objectif de confiance, un dispositif de sécurité


numérique doit préserver les infrastructures critiques
Le rapport de la commission SARK166, établie par le ministère suédois
de la Défense entre 1977 et 1979 sur la vulnérabilité de la société
informatisée, évoquait déjà la nécessité de prendre en compte les
risques inhérents à la numérisation des activités économiques et
sociales. L’intuition majeure de ce rapport reste d’actualité : « l’insé-
curité des systèmes d’information n’entraîne pas seulement des effets
au niveau de ces systèmes eux-mêmes [mais] est susceptible d’avoir
des effets directs et indirects immenses puisque l’ensemble des
activités économiques, sociales (et progressivement domestiques)
reposent sur ces systèmes »167.

Ainsi, les réseaux numériques les plus importants peuvent aujourd’hui


être considérés comme des infrastructures vitales pour la collectivité.
Dès 2005, la Commission européenne considérait que le secteur
de l’information et des technologies de communication comptait sept
des 37 types d’infrastructures critiques168.

En France, la protection des infrastructures vitales est organisée par


l’article 1332-1 du Code de la défense qui concerne explicitement
les opérateurs publics et privés. Le secteur « communication élec-
troniques, audiovisuel et information » est un des douze secteurs
d’activités d’importance vitale fixé par l’arrêté du 2 juin 2006. La
directive nationale de sécurité (DNS) encadre et fixe les obligations

166 
The Vulnerability of the Computerised Society : Considerations and Proposals, Report
of the SARK Committee, 1979.
167
« La protection des réseaux numériques en tant qu’infrastructures vitales », Sécurité
et Stratégie, 2011.
168
Commission européenne, Livre vert relatif au programme européen de protection des


infrastructures critiques, novembre 2005.

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de sécurité propres à la protection du secteur des infrastructures


numériques et à chacun de ses sous-secteurs. Tout opérateur de
réseaux ou de services numériques doit respecter un niveau suffisant
de sécurité pour ne pas contribuer à l’affaiblissement de celle des
autres : certaines dispositions liées à la sécurité doivent donc concer-
ner l’ensemble des opérateurs et non seulement ceux en charge des
infrastructures critiques du secteur.

Les menaces numériques sont multiformes et tous les acteurs sont


concernés :

• les États et les acteurs qui ont la responsabilité de gérer des


infrastructures vitales ;

• les entreprises dont le niveau de dépendance aux technologies de


l’information est de plus en plus prégnant ;

• les individus qui doivent pouvoir s’ils le souhaitent préserver leurs


données personnelles.

La sécurité de l’écosystème numérique est un facteur déterminant


de son développement car elle garantit la confiance des acteurs
et peut réduire les pertes économiques dues aux actes de
cybercriminalité.

La directive Network and Information Security (NIS)


renforce le cadre de gestion des risques inhérents
à la sécurité numérique
En 2014, les députés européens ont adopté une nouvelle directive
sur la cybersécurité. Baptisée NIS (Network and Information
Security), elle a pour vocation « d’accroître la sécurité de l’Internet

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et des réseaux et systèmes sur lesquels reposent les services dont


dépend le fonctionnement de notre société et de nos économies »169.

La directive NIS introduit l’obligation de déclaration des attaques


informatiques par les entreprises qui en sont victimes, afin de
prévenir les consommateurs d’une éventuelle fuite de données les
concernant et d’informer les autres entreprises afin qu’elles prennent
des mesures préventives. La Commission demande ainsi aux États
membres de renforcer leur niveau de préparation et leur coopération
mutuelle, et aux « opérateurs d’infrastructures critiques telles que
les réseaux d’énergie et de transports et aux principaux prestataires
de services de la société de l’information (plateformes de commerce
électronique, réseaux sociaux, etc.) ainsi qu’aux administrations
publiques d’adopter les mesures appropriées pour gérer les risques
de sécurité et signaler les incidents graves aux autorités nationales
compétentes »170.

Le projet de directive européenne imposait cette obligation de décla-


ration aux fournisseurs de services Internet critiques, que la fuite de
données soit avérée ou pas. L’obligation se serait donc appliquée
aux géants du Web tels que Google, Amazon, eBay ou Skype.
Toutefois, des amendements ont été apportés à ce projet lors de
l’analyse du texte par le Parlement européen le 7 mars 2014 et les
prestataires de services de la société de l’information ont finalement
été exclus du périmètre. Ces sociétés restent toutefois libres de
signaler leurs incidents.

169 
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures
destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l’information
dans l’Union, n° 2013/0027, 7 décembre 2013.
170
Ibid.

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L E S O P P O R T U N I T É S O F F E R T E S P A R L’ I N T E R N E T O F E V E R Y T H I N G

En France, la directive NIS pourrait étendre certaines obligations


aux autres acteurs d’Internet, par exemple l’obligation de notifier les
cyberattaques à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information (ANSSI). Autrement dit, le numérique serait considéré
comme un secteur aussi critique que les transports ou l’énergie.

3.2. L
 es atouts de la France pour devenir un
champion de l’Internet du Tout connecté

3.2.1. D
 es pouvoirs publics conscients de la nécessité
d’une politique dédiée

Les gouvernements qui se sont succédés depuis la fin des années


2000 se sont peu à peu dotés d’instruments permettant de répondre
aux enjeux de la révolution numérique.

L’expression « économie numérique » apparaît en 2008 dans l’intitulé


des portefeuilles ministériels et les attributions des ministres, avec
la création, auprès du Premier ministre, d’un poste de secrétaire
d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques
publiques et du développement de l’économie numérique. Depuis,
le numérique a toujours été présenté comme une politique publique
à part entière mais n’a jamais été véritablement porté au niveau
interministériel, alors que cette politique doit par essence être
globale et transverse.

Plusieurs initiatives soulignent l’action continue des gouvernements


successifs. Créée en février 2011, la Direction interministérielle
des systèmes d’information (DISIC, intégrée en octobre 2012 au
Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique ou

Sommaire 129
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FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

SGMAP) a pour ambition de décloisonner les systèmes d’information


et de communication de l’État et de diffuser une certaine culture du
numérique.

De plus, en avril 2011, le gouvernement créait le premier Conseil


national du numérique (CNNum), une commission consultative
indépendante, chargé de formuler des avis publics sur toutes les
questions relatives à l’impact du numérique sur la société et sur
l’économie, missions redéfinies et étendues en décembre 2012. Le
CNNum organise ainsi des concertations régulières, au niveau natio-
nal et territorial, avec les élus, la société civile et le monde
économique.

En septembre 2013, le gouvernement lançait la « Nouvelle France


industrielle » et ses 34 plans de reconquête. Le Big data et les
objets connectés font partie des axes stratégiques identifiés pour
renforcer la place de la France dans ces domaines et soutenir l’exper-
tise française au travers des startups, des PME et des grands groupes
impliqués. Le projet Nouvelle France industrielle porte au cœur de
plusieurs D’autres plans ont un lien direct avec le numérique, comme
« réseaux électriques intelligent », « santé numérique », « cloud
computing » ou encore « cybersécurité ».

Enfin, la France fait figure de bon élève dans le domaine de l’ouver-


ture des données. L’Open Knowledge Foundation (OKF) vient de
publier les résultats 2014 de son classement mondial « Open data
Index » : la France y est classée troisième et gagne ainsi plus de
douze places par rapport à la précédente édition, enregistrant ainsi
l’une des plus fortes progressions au sein des pays de l’OCDE. Ce
résultat traduit l’engagement de la France en matière d’ouverture
des données publiques. Au cours de l’année écoulée, plusieurs

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L E S O P P O R T U N I T É S O F F E R T E S P A R L’ I N T E R N E T O F E V E R Y T H I N G

données d’importance ont ainsi été ouvertes : les bases juridiques


de la DILA (base LEGI), certaines données géographiques de l’IGN
(France Raster v4), l’ensemble des résultats électoraux par le minis-
tère de l’Intérieur ou encore la base officielle des codes postaux par
La Poste.

Par le décret du 16 septembre 2014, la France s’est dotée d’un


administrateur général des données (équivalent du chief data officer
ou CDP anglais). C’est la première fois en Europe qu’une telle fonction
de CDO est créée au niveau national. Placée sous l’autorité du
Premier ministre, cette nouvelle mission a été confiée à Henri Verdier,
également directeur d’Etalab, la mission du SGMAP chargée de
l’ouverture des données publiques.

Dernier exemple en date d’une prise de conscience gouvernementale


des enjeux du numérique, l’Agence du numérique a été créé le
3 février 2015 sous la forme d’un service à compétence nationale
rattaché à la Direction générale des entreprises et organisé autour
de trois pôles171 :

• « la mise en œuvre du plan « France très haut débit », reprenant


et amplifiant des actions de la « Mission très haut débit » ;

• la coordination du programme French Tech qui vise à mettre en


avant les startups françaises à l’étranger ou au travers de regrou-
pements locaux ;

Décret n° 2015-113 du 3 février 2015 portant création d’un service compétence


171 

nationale dénommé « Agence du numérique ».

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• le déploiement d’usages de proximité à l’intention des citoyens


dans les territoires, construit autour des forces de l’actuelle
délégation aux usages de l’internet (DUI) »172.

Le principal handicap de cette agence, outre ses ressources limitées,


sera de ne pas être rattachée directement au Premier ministre et donc
interministérielle, mais simplement au ministère de l’Économie, malgré
sa thématique très transversale. L’Agence du numérique devra coor-
donner son action avec de nombreuses institutions telles que la Caisse
des dépôts, Bpifrance, le Conseil national du numérique, le régulateur
des télécoms Arcep et surtout les autres administrations.

Si des initiatives et des outils existent en France pour mener une


politique publique du numérique qui pourrait accompagner l’essor
du Big data et de l’Internet des objets, on constate aujourd’hui
deux limites importantes :

• une certaines dispersion des moyens et des initiatives ;

• la faiblesse récurrente de positionnement du secrétariat d’État


chargé du Numérique au regard de la réalité du jeu institutionnel
de la Ve République.

La puissance publique doit favoriser la culture de l’expérimentation,


en facilitant les investissements et en conciliant libertés et droit
d’innovation. Ce n’est qu’au prix d’une plus grande transversalité
entre les ministères et d’un repositionnement des enjeux numériques
au cœur de toutes les politiques publiques que la France se saisira
des opportunités de l’Internet of Everything.

Assemblée nationale, question n° 61174 de M. Lionel Tardy à la Secrétaire d’État au


172 

numérique, réponse publiée au Journal officiel le 16 décembre 2014.

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3.2.2. Une forte culture des tiers de confiance

Quels sont les acteurs de la nouvelle chaîne de valeur de la


data ?
La chaîne de valeur des données s’organise entre producteurs,
agrégateurs et utilisateurs de données. Le marché de la donnée
continuera à faire en outre émerger de nouveaux métiers et les
nouveaux usages et services de la donnée auront besoin de l’infras-
tructure Big data.

Comme le rapporte Ernst&Young, « le marché devrait donc évoluer


vers une séparation entre la data et son utilisation, une évolution qui
aurait le triple avantage d’apporter une réponse à un marché qui
évoluerait vers un monopole naturel, à l’enjeu des données nomina-
tives collectées/ échangées et de libérer tout le potentiel de la donnée
en matière d’innovation »173.

La figure 19 décrit les acteurs de cette nouvelle chaîne de valeur :

• les producteurs de données ;

• les agrégateurs qui exploitent et contextualisent les données à des


fins d’analyse ;

• les utilisateurs de données qui développent de nouveaux services


et usages ;

• les opérateurs et les gestionnaires d’infrastructures ;

Ernst&Young, Comportements culturels et données personnelles au cœur du Big


173 

data, 2013.

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• les tiers de confiance qui s’assurent du maintien de l’intégrité et


de la qualité des données, de la collecte à l’utilisation.

Figure 19 : Les acteurs de la nouvelle chaîne


delavaleur
Les acteurs de nouvelle de la de
chaîne data
valeur de la data

}
Producteurs de data Agrégateurs Utilisateurs
(exemples) de data
Acteurs •Réseaux de Croisement entre : Prise de décision
des échanges transport données produites •+ efficace
de données + autres données •+ rapide
personnelles •Collectivités de contexte •+ réactive
culturelles locales/territoriales (CSP des habitants/quartier, Innovation
•Établissements habitudes de déplacements •Nouveaux services
publics culturels pendant les vacances scolaires, •Développement d’applications
•Exploitants de salles météos locales, etc.) Découverte (sérendipité)

Acteurs
des infra- Infrastructures
structures Big data
de données

« Filtre de confiance » - Réglementation et sécurisation de la data


Données émises
Données analysées
Données améliorées (feedback)

Source : Comportements culturels et données personnelles au cœur du Big data, Op. cit.

La France dispose d’un terrain propice au développement de la


fonction de tiers de confiance numérique
Juridiquement, le tiers de confiance est un organisme habileté à mettre
en œuvre des signatures électroniques. Cette appellation récente est
utilisée dans différents domaines comme l’échange de biens ou d’infor-
mations sur Internet ou encore les déclarations fiscales.

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En France, la notion de tiers de confiance est issue de la loi du 29


décembre 1990, depuis abrogée. Malgré cette absence de définition
juridique stricte, il existe une Fédération des tiers de confiance
(FNTC) qui réunit les acteurs intéressés en France et à l’étranger.
Créée en 2001 en France afin de structurer les échanges numériques,
elle se donne pour ambition d’étendre son action au niveau inter-
national avec l’ensemble des acteurs qui souhaitent développer la
confiance dans le numérique.

La FNTC donne la définition suivante du tiers de confiance numérique


(TCN) : « le tiers de confiance numérique est un acteur du dévelop-
pement de la confiance dans le monde numérique. Il intervient dans
la protection de l’identité, des documents, des transactions et de la
mémoire numérique. Il engage sa responsabilité juridique dans les
opérations qu’il effectue pour le compte de son client. Le TCN respecte
une stricte confidentialité et garantit son interopérabilité avec les
autres Tiers de Confiance Numérique. Il doit démontrer sa capacité
de continuité de service au-delà de sa propre existence en garan-
tissant la réversibilité de ses services […] »174.

La France est l’État européen où ce concept de garant des flux et de


l’utilisation de données aurait le plus de chance de se développer.
En effet, l’existence d’un secteur public fort, le maintien d’entreprises
« publiques » (ERDF, La Poste, EDF, etc.), la tradition de la centra-
lisation et d’entreprises privées habituées à collaborer avec une
sphère étatique forte sont des atouts pour le développement de ce
concept élargi à tout l’écosystème du Big data et des objets
connectés.

174
Site Internet de la FNTC.

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Le tiers de confiance pourrait ainsi jouer un rôle de garant éthique


dans la collecte et l’utilisation appropriée des données indivi-
duelles. Certaines API pourraient faire reposer la bonne utilisation
des données sur ce tiers. La confiance numérique résulterait de
l’intervention généralisée de ces tiers ; la dynamique nouvelle de
France Connect175 illustre particulièrement bien ce propos.

Dans un domaine sensible comme celui de la santé, le tiers de


confiance pourrait effectuer des traitements algorithmiques pour le
compte d’organismes divers en n’informant que d’une façon limitée
certaines parties tout en informant complétement l’individu concerné.
Cela permettrait d’accroître sensiblement la fréquence d’examens
médicaux via des capteurs numériques, et renforçant l’évaluation
de risques de défaillance.

3.2.3. D
 es startups créatives qui peuvent être accompa-
gnées par des champions industriels

Depuis cinq ans déjà, les objets connectés made in France se font
remarquer bien au-delà des frontières de l’Hexagone et signent le
retour marqué des Français dans le hardware176 et la high-tech.

Pour s’en convaincre, il suffit d’observer ce qui se passe depuis deux


ans au grand événement mondial de l’électronique grand public, le
Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas. Les entreprises
françaises, réunies sous la bannière « French Tech », ont constitué

175 
Dispositif d’authentification et identification numérique unique pour les différentes
administrations, le projet France Connect est en cours de développement dans le cadre
des travaux menés par le SGMAP et la Direction interministérielle des systèmes d’infor-
mation et de communication (DISIC).
176
« Objets connectés : la deuxième révolution de l’Internet », Le nouvel économiste, 30
octobre 2013.

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la délégation européenne la plus importante, loin devant l’Angleterre


et l’Allemagne, et la cinquième plus importante au niveau mondial
derrière la Chine, les États-Unis, Taïwan et la Corée du Sud.

En 2015, ce sont ainsi 120 entreprises françaises qui ont fait le


voyage pour le CES, en hausse de 33 % par rapport à 2014. Etaient
présentes de grandes entreprises comme La Poste, L’Oréal, Pernod
Ricard ou Valeo, des startups déjà connues comme Withings,
Netatmo ou Parrot ainsi que 66 startups émergentes qui représen-
taient près d’une startup sur quatre de l’Eureka park, l’espace qui
leur est dédié. Mieux, sur les 70 innovations présentées en ouverture
du CES 2014, 10 étaient françaises, et 14 objets connectés français
ont été primés (cf. figure 20). Certains médias étrangers, comme le
site Yahoo!177, ont ainsi désigné la France comme la révélation de
cette édition.

Les startups françaises commencent à se faire une place sur le


marché naissant des objets connectés, y compris à l’international.
Par exemple, sur les douze objets connectés les plus vendus aux
États-Unis sur l’Apple Store, cinq sont français178.

« France is absolutely crushing it at CES », site de Yahoo ! Tech, 5 janvier 2015.


177 

« La French Tech : une ambition collective pour les startups françaises », site du
178 

gouvernement, 30 janvier 2015.

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Figure 20 : Entreprises françaises des objets


connectés présentes au CES 2015

Récompense Entreprise Dirigeant Objet


CES Innovation Cityzen Jean-Luc Errant Digital Shirt Smoozi : vêtement de sport
Award 2015 Sciences connecté
Giroptic Richard Ollier 360Cam : première camera Ultra HD
capable de filmer à 360°
Guillemot Guillemot Hercules DJControl Jogvision : platine
de mixage pour DJ
Haut-parleur bluetooth
Withings Eric Careel Withings Activité : montre analogique
capteur d’activité
Withings Home : caméra HD inté-
grant des capteurs mesure de
l’environnement
Lima Séverin Lima : premier boîtier permettant de
Technologies Marcombes sauvegarder ses documents depuis
tous les appareils
Voxtok Joël Reboul Audio Capsule : lecteur et serveur de
musique haut de gamme
Myfox Jean-Marc Myfox Security System : centrale
Prunet d’alarme et ses détecteurs d’intrusion
Parrot Henri Seydoux Autoradio autonome connecté RNB6
Zik Sport : casque sans fil
Flower power valve : assistant de
jardinage
Netatmo Fred Potter Welcome : caméra infrarouge qui recon-
naît les visages

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Récompense Entreprise Dirigeant Objet


CES Innovation Awox Alain Molinié AwoX StriimLIGHT WiFi : ampoule
Award 2014 musicale wifi
Sen.se Rafi Haladjian Mother : plateforme d’objets connectés
Medissimo Caroline Imedipac : pilulier connecté
Blochet
Beewi Thierry Casque sans fil
Dechatre
Netatmo Fred Potter Thermostat connecté

Source : Site Internet de la French Tech.

L’innovation des startups françaises dans le domaine des objets


connectés est favorisée par au moins trois facteurs.

Tout d’abord, le marché français des télécoms a fourni, depuis une


dizaine d’années, un terrain propice au foisonnement de l’écosys-
tème des objets connectés. Avec la Freebox et la Livebox (développée
pour Orange par Inventel), la France a créé au début des années
2000 les premiers objets connectés, permettant également de les
relier au wifi. La première génération d’entrepreneurs de l’économie
numérique française est à l’origine de certains grands succès actuels
comme Withings (fondé par Eric Careel, à l’origine d’Inventel) ou
Netatmo (fondé par Fred Potter, créateur de Cirpak, un fournisseur
d’équipements de téléphonie par ADSL).

Ensuite, c’est la combinaison unique de deux filières d’excellence


française, l’ingénierie et le design, qui permet à des objets tech-
nologiquement complexes de séduire et d’entrer simplement dans
le quotidien de leurs utilisateurs. Stéphane Distinguin, président du
pôle de compétitivité Cap Digital note que « des entreprises comme

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Parrot, Withings et Netatmo imaginent, conçoivent et fabriquent des


produits à la fois intelligents, esthétiquement réussis et très bien
réalisés, et qui intègrent très tôt le design »179. Le design des objets
connectés est ainsi fréquemment sous-traité à des cabinets spécia-
lisés qui prennent part à la conception, car pour qu’un objet connecté
soit réussi, il est souvent nécessaire de tout concevoir en même
temps : l’objet, le service, le cloud et l’interface.

L’initiative French Tech n’est pas non plus étrangère à cette efferves-
cence : créée en 2013, cette plateforme a réussi en deux ans à
fédérer sous sa marque l’ensemble des startups françaises du numé-
rique et à s’en faire l’ambassadeur, comme par exemple lors du CES
où le ministre de l’Economie en personne est venu défendre les
atouts des entreprises françaises, notamment auprès des fonds de
capital-risque.

Focus sur l’Initiative French Tech

Afin de favoriser en France l’émergence de startups à succès pour


générer de la valeur économique et des emplois, le gouvernement
a créé l’Initiative French Tech fin 2013 et lui a assigné trois
objectifs principaux :

• Fédérer : la marque « French Tech » est aussi associée à une


démarche de labellisation d’écosystèmes remarquables en
régions, appelés « métropoles French Tech ». Le 12 novembre
2014, neuf écosystèmes en région ont ainsi obtenu le label et
constituent, avec Paris, le grand réseau national de l’écosystème

« Quand la « french touch » désigne les objets connectés », L’Usine digitale, 9 décembre
179 

2014.

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French Tech : Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon,


Montpellier, Nantes, Rennes et Toulouse ;

• Accélérer : un fonds d’investissement de 200 millions d’euros


cofinancera à partir de 2015 des accélérateurs privés de
startups ;

• Rayonner : 15 millions d’euros seront investis à partir de 2015


pour renforcer l’attractivité de la French Tech à
l’international.

L’initiative French Tech est pilotée par la Mission French Tech au


sein du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique,
en partenariat avec la direction générale des Entreprises (DGE),
la direction générale du Trésor, le ministère des Affaires étrangères
et du Développement international, le Groupe Caisse des Dépôts,
Bpifrance et Business France (fusion Ubifrance-AFII). Les finan-
cements de la French Tech s’inscrivent dans le cadre des
Investissements d’avenir.

En 2015, la French Tech devrait poursuivre sa dynamique avec


plusieurs initiatives :

•u
 ne charte « grands groupes » pour que ces derniers accom-
pagnent les startups à l’international, les financent, les incubent,
ou encore mènent avec elles des projets de recherche ;

• la constitution de French Tech Hubs, une extension des métro-


poles French Tech à l’étranger ;

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• le lancement d’une plateforme d’attractivité internationale, doté


de 15 millions d’euros et destinée à renforcer la visibilité de la
French Tech à l’étranger ;

• la création des French Tech Tickets pour favoriser l’intégration


d’entrepreneurs étrangers en France.
Source : site Internet de la French Tech.

Outre les fabricants d’objets connectés, la France dispose égale-


ment de nombreuses « pépites » spécialistes des systèmes et
logiciels embarqués et des réseaux nécessaires à la connexion des
objets. Parmi ces entreprises, on peut citer :

•S
 igfox : technologique de connectivité cellulaire bas débit, basse
consommation, particulièrement adaptée à l’Internet des Objets
(levée de fonds de 15 ME en 2014) ;

•O
 ledcomm : technologie Li-Fi, qui exploite la lumière des éclairages
LED pour transmettre sans fil des données (levée de fonds de
5 ME en 2014) ;

• I nside secure : sécurité embarquée des mobiles et objets connectés


(introduction en Bourse en 2012) ;

•C
 rocus technology : microcontrôleurs sécurisés pour les objets
connectés (levée de fonds de 34 ME en 2013) ;

•M
 ovea : solution de détection de mouvements (levée de fonds de
6,5 ME en 2012).

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De plus, un certain nombre de grandes entreprises françaises ont


connu leurs premiers succès dans les objets connectés et le Big data :

•G
 emalto, entré au CAC40 en 2012 et spécialiste de la sécurité
numérique et des cartes à puce, réalise déjà près de 10 % de son
chiffre d’affaires grâce à la sécurisation des objets connectés. Son
président Olivier Piou note que c’est « Apple, avec l’iPad, qui a
facilité les usages et favorisé cette nouvelle offre. À Gemalto, à
présent, de sécuriser cet environnement »180 , un vaste champ qui
couvre des domaines aussi divers que la santé connectée, la voiture
la sécurisation du domicile, le paiement sans contact ou la pro-
tection des données personnelles ;

•D
 assault Systèmes dispose de nombreux atouts pour réussir dans
ce domaine. Leader des logiciels de gestion des cycles de vie des
produits, l’entreprise fournit des outils de conception d’objets et
d’impression 3D qui permettent d’accélérer le cycle d’innovation
des produits et de mieux intégrer l’ingénierie et le design dans la
conception de nouveaux objets. En septembre 2014, Dassault
Systèmes a ainsi lancé un concours de design d’objets connectés :
la « Cup of IoT contest ». Enfin, Dassault Système est également
un acteur important du Big Data, au travers notamment de sa
filiale de moteur de recherche Exalead ;

•O
 range ne cache pas non plus son ambition dans les objets
connectés. Après avoir lancé son offensive dans la domotique avec
Homelive en 2014, l’opérateur veut mettre les objets connectés
au cœur de son nouveau « plan stratégique ambition 2020 »181.

180
« Gemalto surfe sur la vague des objets connectés », Le Figaro, 29 août 2013.
181 
« Orange en 2020 : pleins feux sur les startups et objets connectés », La Tribune, 14
janvier 2015.

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Dans ce plan, Orange compte développer son offre de distributeur


et d’agrégateur, et envisage de développer ses propres objets
notamment dans le secteur de la santé. Orange est déjà très actif
dans l’accompagnement des startups, au travers de son programme
Orange Fab qui a déjà guidé 70 startups depuis 2013 ou via son
fond de capital-risque de 300 Me, commun à Publicis et géré par
Iris Capital ;

• e nfin, STMicroelectronics est devenu l’un des tous premiers fabricants


mondiaux des composants nécessaires aux objets connectés : micro-
contrôleurs, capteurs de son, d’images, de mouvements, gyroscope,
thermomètre, accélérateurs et composants de communication (RFID,
wifi, NFC). Les accéléromètres et les GPS de la société sont ainsi
présents dans un grand nombre de smartphones : ses capteurs sont
par exemple intégrés dans les bracelets d’activité Fitbit, les thermostats
Nest, les stations météo Netatmo ou l’objet Mother de Sen.se.

Cet écosystème français innovant et dynamique a cependant deux


faiblesses qui devront être surmontées pour consolider les premiers
succès : la disponibilité des financements destinées au développe-
ment des startups, et le renforcement du lien entre startups, entre-
prises de taille intermédiaire (ETI) et grandes entreprises, afin de
permettre aux plus petites de croître et de s’internationaliser.

3.2.4. D
 es écoles de formation reconnues et une expertise
dans certains domaines clefs
Le savoir-faire français dans des technologies permettant
d’assurer la confiance autour des données
L’essor de l’Internet des objets a des conséquences importantes sur
la demande en main-d’œuvre formée à des champs très spécifiques

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de l’enseignement supérieur, comme les réseaux et le Big data. Plus


largement, c’est la formation dans tous les domaines de l’informatique
qui est en cause : par exemple, les enjeux liés à la confiance et à
la sécurité sont centraux pour l’utilisation des objets connectés.

L’absence de garanties quant à la protection des données person-


nelles est un frein à l’adhésion du public aux technologies de
l’Internet des objets. Pourtant, des solutions techniques existent
pour obtenir des garanties sur les programmes utilisés par les
composants de l’Internet des objets ainsi que sur les données qu’ils
produisent ou échangent. Un utilisateur est d’autant plus à même
d’adhérer à l’Internet des objets qu’il sait précisément ce que
feront les programmes impliqués, entre autres vis-à-vis de ses
données. Définir et communiquer les spécifications précises des
programmes, puis garantir que ces programmes respectent bien
lesdites spécifications est un enjeu majeur de confiance.

Trois exemples permettent d’appréhender l’importance de l’infor-


matique pour le développement de l’Internet des objets :

• la cryptologie permet de garantir la confidentialité et l’intégrité


d’une donnée, la protection de son stockage et l’authentification
des agents communicants182. Elle garantit en particulier la non-
exploitation de données interceptées. Bien que des techniques
robustes de cryptologie et d’authentification sécurisée existent,
nombre de systèmes ne prennent pas la peine de crypter les
échanges de données ;

« Cryptologie », site Internet du Secrétariat général de la défense nationale, consulté


182 

le 19 janvier 2015.

Sommaire 145
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FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

• l a differential privacy vise à garantir la confidentialité des données


privées (informations sensibles d’un individu) lors de l’exploitation
d’une base de données à des fins statistiques. Des techniques
probabilistes et des systèmes de bruitage contrôlés permettent
d’extraire des informations statistiques fiables sur un ensemble de
données sans pouvoir en déduire des informations individuelles ;

• les méthodes formelles appliquent des logiques mathématiques à


des programmes informatiques ou du matériel électronique et per-
mettent ainsi de garantir qu’un programme se comporte de la
manière à laquelle on s’attend.183 Parmi ces méthodes se trouvent
le model checking, la vérification déductive, l’analyse statique et le
typage. Ces solutions sont aujourd’hui efficacement employées dans
les transports (notamment l’avionique et l’astronautique), gros
consommateurs de programmes embarqués, afin de garantir par
exemple la sécurité des passagers. Les méthodes formelles seront
cruciales pour la fiabilité des systèmes de l’Internet des objets et pour
la confiance qu’on leur accordera. Les entreprises françaises sont très
en pointe sur ces domaines : on peut citer notamment Adacore,
Prove and Run, Systerel, ClearSy mais aussi Gemalto et AbsInt.

Deux exemples soulignant l’importance


de la differential privacy

Les solutions proposées par la differential privacy, qui offre une


forme de protection des données individuelles dans un ensemble
statistique plus large, sont encore peu adoptées dans l’industrie.
Or, deux échecs notoires et devenus célèbres ont rappelé la
nécessité de soutenir la recherche en differential privacy. Dans

183
« Méthode formelle (informatique) », site de Wikipedia, consulté le 19 janvier 2015.

146 Sommaire
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ces exemples, des chercheurs ont prouvé qu’ils pouvaient identifier


des données personnelles en recoupant deux bases de données
indépendantes (linkage attacks) :

• Latanya Sweeney184 est parvenue, en croisant les registres de


votes et la base de données de la Group Insurance Commission
(GIC), contenant la date de naissance, le sexe et le code postal
de chaque patient, à identifier le dossier médical du gouverneur
du Massachusetts185 ;

•d
 ans le cadre d’un concours visant à améliorer son système de
recommandation de vidéos, la compagnie Netflix avait mis en
2007 une partie de sa base de données utilisateurs à disposition
de développeurs. Netflix avait pris soin d’en retirer toutes les
informations personnelles permettant d’identifier les utilisateurs.
Cependant, deux chercheurs à l’université du Texas sont par-
venus à « désanonymiser » cette base en la croisant avec celle
de l’IMDB (Internet movie database) pour les utilisateurs com-
muns aux deux sites186.

Cependant, des entreprises comme Microsoft ne s’y trompent pas


et s’intéressent de très près à la differential privacy, en finançant
des projets de recherche spécifiquement dédiés à l’amélioration
des techniques de protection des données personnelles187.

Latanya Sweeney, directrice du Data privacy Lab à l’Institut des sciences sociales
184 

qualitatives (IQSS) de Harvard. Voir notamment : Latanya Sweeney, « Simple


Demographics Often Identify People Uniquely », Carnegie Mellon University, Data
Privacy Working Paper, n° 3, 2000.
185
« Differential privacy », site Internet de Wikipedia, consulté le 29 janvier 2015.
186
« Netflix prize », site Internet de Wikipedia, consulté le 29 janvier 2015.
Voir notamment à ce sujet : « Database privacy projet » sur http://research.microsoft.com.
187 

Sommaire 147
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FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

L’Internet des objets apparaît donc comme un nouvel enjeu pour un


grand nombre de domaines informatiques, plutôt qu’un nouveau
domaine spécifique dont l’importance croissante serait en train
d’effacer les autres. Or, la France dispose d’écoles de formation
reconnues en mathématiques et d’une forte expertise dans certains
domaines comme la sécurité ou la normalisation.

Une forte demande pour les compétences scientifiques et


techniques
Selon une enquête réalisée par Pôle Emploi en 2014188, la catégorie
de métiers « Ingénieurs, cadres études et R&D informatique » est
celle qui affiche les plus fortes difficultés de recrutement. Les
employeurs déclarent que les candidats pour ces métiers n’ont pas
le profil recherché. Cette étude rappelle la réalité de la pénurie de
compétences en informatique et pose plus généralement la question
de l’attractivité des formations techniques pointues.

Ce constat a été renforcé par un récent baromètre consacré aux


métiers du numérique189 selon lequel, au cours du dernier trimestre
2014, le numérique a représenté plus de 10 000 offres d’emploi
dont près de 40 % concernent des métiers de développeur infor-
matique. Le volume d’offres demandant des compétences informa-
tiques et scientifiques a crû très fortement, mais « le volume de
candidat n’augmente pas suffisamment vite, ce qui accroît les tensions
sur le marché du recrutement »190.

188
Pôle Emploi, Enquête Besoins en Main-d’œuvre, avril 2014.
189
Cap Digital et Multiposting, Baromètre des métiers du numérique, 29 janvier 2015.
190
Ibid.

148 Sommaire
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Figure 21 : Nombre d’offres par métier sur le 4e trimestre 2014 et


augmentation entre le 4e trimestre 2013 et le 4e trimestre 2014
Développeur
(Développeur web, webdesigner… )
+ 19 %

3 216 Marketing communication et vente


(Rédacteur web, webmarketeur, acheteur
d’espace publicitaire web…)

Chef de projet
(Consultant IT, + 18 % Spécialiste
chef de projet Web…) (Juriste internet, expert en sécurité
2 120 informatique…)
Administrateur Analyse de l’information
(Administrateur réseaux, + 15 % (Veilleur stratégique, Knowledge
gestionnaire base de données) 1 483 manager…)

+ 30 %
+ 28 % – 24 %
768
572 92

Source : Cap Digital et Multiposting, Op.cit.

Il est important que la France augmente ses efforts dans ce


domaine et anticipe la croissance des besoins à venir dans l’éco-
nomie du numérique. À ce titre, on ne peut qu’encourager les
initiatives telles que l’École 42, une école d’informatique gratuite
créée et financée par Xavier Niel, ouverte à l’automne 2013191.
L’introduction de l’informatique comme matière et spécialité dans
les nouveaux programmes de lycée depuis la rentrée 2012 et le
renforcement de l’informatique en classes préparatoires représentent
également une avancée.

191
Pour plus d’informations, voir : www.42.fr

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Cependant, d’autres étapes doivent être franchies, à l’instar du


Royaume-Uni qui a introduit l’informatique dans les programmes
scolaires dès l’âge de 5 ans, depuis septembre 2014. Notons que
dès 14 ans, l’un des objectifs majeurs des programmes est de
« comprendre comment les changements technologiques affectent
la sécurité, notamment les nouvelles façons de protéger [son] identité
et [sa] vie personnelle en ligne, et comment répondre à plusieurs
enjeux »192, ce qui rejoint les défis de l’Internet des objets mentionnés
plus haut.

La dialectique entre formation et orientation, d’une part, et l’attrac-


tivité des études scientifiques dans le parcours scolaire et universi-
taire, d’autre part, est centrale en France. Le système éducatif français
fait face à une désaffection et des problèmes d’orientations dans
le domaine scientifique, tandis que le doctorat reste sous-valorisé
dans le secteur privé193.

Comment ouvrir et renforcer les formations en sciences ?


L’initiative US2020

L’initiative US2020 est un programme de mentorat dont l’objectif


est de développer l’intérêt des élèves américains, de la maternelle
à l’université, pour les STEM (acronyme de science, technology,
engineering and maths). Elle s’inscrit dans une initiative plus
large mise en place par la Maison-Blanche, intitulée STEM
Americorps et lancée par Barack Obama lors de la White House

192 
Traduction d’une citation de : Department for Education, National curriculum in
England: computing programmes of study, septembre 2013.
193
Claire Bonnard et Jean-François Giret, Quelle attractivité pour les études scientifiques


dans une société de la connaissance ?, juin 2014.

150 Sommaire
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Science Fair le 22 avril 2013194. US2020 veut répondre au


constat que d’ici 2018, 1,2 million d’emplois dans les STEM
verront le jour aux États-Unis, alors même que le nombre
d’individus qualifiés pour les remplir sera insuffisant. US2020
a bénéficié de l’expertise de l’incubateur Citizen Schools, une
organisation sans but lucratif. Le projet a également pu voir le
jour grâce à des porteurs de projets tels Chevron, Cisco, Cognizant,
Raytheon, SanDisk et Tata Consultancy Services195. Cisco s’est
notamment engagé à ce que 20 % de ses employés offrent 20
heures ou plus de mentorat à US2020, d’ici 2020196.

L’objectif général de l’initiative est de mobiliser, chaque année


jusqu’en 2020, environ 1 million de tuteurs travaillant dans les
domaines des STEM avec des élèves, notamment issus de la
diversité, afin de les intéresser et de leur faire connaître ces
métiers. Plus de 80 % des élèves en collège qui bénéficient d’un
mentorat sont intéressés à l’idée de travailler dans les STEM,
alors que la moyenne nationale pour les élèves de 8th grade
(équivalent de la classe de quatrième) est inférieure à 30 %197.

Par ailleurs, US2020 a été à l’origine d’une compétition récom-


pensant les villes des États-Unis qui mettent en place des pro-
grammes auprès des étudiants les moins susceptibles (en fonction
de leur sexe ou de leur origine) de s’impliquer dans ces sujets.
Les villes de Allentown, Chicago, Indianapolis, Philadelphia, le

194
Corporation for National & Community Service, STEM Americorps.
195
Site Internet de l’initiative US2020.
196
Citizen Schools, US2020 Announces 7 Cities as Winners of its STEM Mentoring


Competition at the White House Science Fair, mai 2014.


197
Site Internet de l’initiative US2020.

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Research Triangle Park, San Francisco et Wichita ont gagné cette


compétition et remporté 1 million de dollars afin de favoriser ce
type d’initiative198.

Quelles formations pour les « métiers de la donnée » ?


Mélange de mathématiciens et de développeurs, les chiefs data
officers (CDO ou administrateurs des données) doivent surtout dis-
poser d’une solide expérience managériale afin d’expliquer aux
différentes divisions l’intérêt d’une gestion transversale des données.
Une formation d’une année pourrait comprendre :

•d
 es cours généraux sur les principes et les potentiels du Big data,
favorisant l’émergence d’une culture de la donnée auprès des
étudiants, encourageant l’innovation et donc l’expérimentation ;

•d
 es matières dédiées aux moyens et aux objectifs des projets Big
data : l’utilisation des données ouvertes (open data), et leur métho-
dologie de diffusion, ainsi que les techniques de visualisation des
données (dataviz) répondant au besoin de comprendre et de
communiquer simplement une information complexe pour amé-
liorer la prise de décision ;

•u
 ne solide formation en mathématiques est indispensable : les
statistiques mais aussi la topologie, qui permet d’analyser des
phénomènes de corrélations dans de nombreuses séries de chiffres,
sont les principales spécialités qui sous-tendent les calculs relevant
du Big data ;

198
Ibid.

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• la maîtrise des langages C++, Java (dans lequel est écrit Hadoop)
ou Python (utilisé pour automatiser des tâches simples mais
fastidieuses comme un script qui récupérerait la météo sur
Internet), est indispensable. Une bonne maîtrise des environne-
ments de données – architecture et fonctionnement des bases de
données et des systèmes d’informations – est également
nécessaire ;

•u
 ne dimension sociologique, permettant d’éclairer les futurs déci-
deurs dans la création de projets complexes, par une étude qua-
litative des comportements humains ;

•u
 ne importante composante managériale : le rôle du CDO étant
principalement de faire passer l’entreprise d’un modèle vertical à
un modèle transversal, il doit avoir une culture très fine de ce que
représente le fonctionnement d’une grande entreprise et doit exercer
une sorte de « soft-power » pour parvenir à faire travailler ensemble
des divisions souvent très autonomes, accéder à des données
confidentielles et à haute valeur et rassurer les directeurs de division
sur leurs rôles dans un univers aplati. Il doit être capable de
convaincre plutôt que d’imposer, il aide également les différentes
divisions à utiliser leurs propres données, ainsi que celles qui
proviendraient d’autres divisions.

Ainsi, la formation de CDO doit être constituée d’un équilibre entre


compétences techniques et « business », incluant une dimension
managériale responsable et une vision stratégique. Dans le même
temps, le projet de règlement européen relatif à la protection des
données personnelles pourrait généraliser le poste de délégué à
la protection des données (data protection officer ou DPO).

Sommaire 153
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Le projet de règlement européen sur la protection des données

L’Union européenne prépare un projet de règlement pour se doter


« d’un cadre juridique plus solide et plus cohérent en matière de
protection des données, assorti d’une application rigoureuse des
règles, afin de permettre à l’économie numérique de se développer
sur tout le marché intérieur et aux personnes physiques de maî-
triser l’utilisation qui est faite des données les concernant, et de
renforcer la sécurité juridique et pratique pour les opérateurs
économiques et les pouvoirs publics »199.

La Commission européenne a ainsi publié en janvier 2012 un


projet de règlement dont la discussion fait l’objet de ce processus
législatif. Ce document rappelle que « l’instauration d’un climat
de confiance dans l’environnement en ligne est essentielle au
développement économique. […] S’il demeure satisfaisant en ce
qui concerne ses objectifs et ses principes, le cadre juridique
actuel n’a cependant pas permis d’éviter une fragmentation de la
mise en œuvre de la protection des données à caractère personnel
dans l’Union, une insécurité juridique et le sentiment, largement
répandu dans le public, que des risques importants subsistent,
notamment dans l’environnement en ligne »200.

199 
Commission européenne, Proposition de règlement du Parlement européen et du
Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement
général sur la protection des données), 25 janvier 2012.
200
Ibid.

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Ce projet est récemment entré dans une phase de « trilogue »


qui devrait aboutir d’ici la fin de l’année 2015. Le projet de
règlement prévoit de nombreuses dispositions visant à donner
aux citoyens davantage de contrôle sur leurs données personnelles
tout en harmonisant les règles qui s’appliquent aux différents
États membres. Parmi les avancées attendues, se trouvent notam-
ment201 :

• le renforcement du contrôle et de l’information autour de la


diffusion de données personnelles de citoyens européens à des
pays tiers ;

• l’établissement d’amendes importantes pour les entreprises qui


enfreindraient les règles ;

• la création de nouvelles dispositions pour protéger les données


sur Internet : droit à l’oubli numérique, droit à la portabilité des
données, principe du consentement explicite au traitement des
données, obligation d’utiliser un langage simple et clair pour
présenter sa politique d’application du droit à la vie privée.

Si la France ne manque pas d’atouts pour mettre en place de telles


formations, qu’il s’agisse de l’excellence de son enseignement ou
de l’efficacité de sa pédagogie mêlant théorie et cas pratiques, des
obstacles subsistent. Le plus important d’entre eux, et le plus difficile
à surmonter, est sans doute une culture scientifique trop scolaire et
peu transdisciplinaire.

Site du Parlement européen, « Des règles plus strictes pour protéger les données
201 

personnelles à l’ère numérique », communiqué de presse, 12 mars 2014.

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Comment se forme-t-on à la « data » en France ?

Responsables d’administrer et de faciliter un usage transversal


des données partagées au sein d’une organisation, les CDO
actuellement en poste ont souvent des parcours disparates.
Aujourd’hui, les formations portant sur les métiers du Big data,
et notamment celui de CDO, ont commencé à émerger dans
les écoles d’ingénieurs, d’informatique et de commerce
françaises.

L’Ensimag (Grenoble INP) et l’EMSI Grenoble (Grenoble École de


Management) ont annoncé, en octobre 2013, la création d’une
filière bac+6 commune, visant à produire des futurs Data scien-
tists et Data strategists. Elle sera composée de cinq mois de cours
et de dix mois de mission en entreprise avec, au programme,
divers enseignements techniques et économiques.

Fin 2013, HEC Paris a lancé, avec l’appui du groupe IBM, « le


premier cursus européen en Business Analytics dans une business
school », une formation destinée aux étudiants de MBA visant à
former des dirigeants et des consultants capables d’identifier les
nouvelles opportunités de croissance liées à l’exploitation intelligente
de la data. Télécom ParisTech va proposer à la prochaine rentrée un
master spécialisé « Big Data : gestion et analyse des données mas-
sives » (BGD), permettant d’acquérir un socle de connaissances
techniques (informatique et machine learning) et du business condui-
sant à un projet de mise en situation professionnelle.

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Enfin, en collaboration avec Télécom ParisTech, l’Université de


Paris-Sud et l’ENSAE ParisTech, l’École polytechnique lance aussi
un master, intitulé « Mathématiques pour la science des masses
de données » à la rentrée 2014. Une vaste palette de méthodes
de statistiques mathématiques et numériques est mobilisée, ainsi
la maîtrise des mécanismes de distribution des données et des
calculs à très grande échelle. Ce Master, qui rejoindra la mention
« Mathématiques et Applications » des masters de l’Université
Paris-Saclay à la rentrée 2015, a vocation à devenir une référence
dans le domaine des Data Sciences au niveau mondial. Les chaires
également se multiplient dans les écoles de commerces : Chaire
Accenture Strategic Business Analytics à l’ESSEC, chaire Stratégie
digitale et Big data à HEC en partenariat avec AXA pour n’en citer
que deux.

Cependant, dans la mesure où les formations en Big data ne sont


apparues en France au mieux qu’en 2012, et qu’elles n’ont dans
un premier temps concerné que quelques dizaines de personnes,
elles ne répondent pas encore à la demande croissante et les
perspectives importantes qu’offre le Big data. Les MOOCs
restent aujourd’hui le moyen privilégié par beaucoup pour
s’auto-former à la data science.

L’insuffisante valorisation des métiers scientifiques en


entreprise
Outre leur implication dans la formation et le recrutement des doc-
torants, les entreprises ont également leur rôle à jouer. Selon un
rapport du Centre d’études et de recherches sur les qualifications

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(Céreq) en novembre 2013 : « il apparaît [...] qu’au sein des entre-


prises françaises, les fonctions de Recherche et Développement
sont les activités les moins rémunératrices. En effet, selon l’enquête
du CNISF, les ingénieurs travaillant dans les fonctions de R&D per-
çoivent un salaire annuel inférieur de 5 200 euros par rapport aux
fonctions de production et de 18 200 euros par rapport aux fonctions
commerciales et marketing »202.

Sans être gratifiées par des carrières plus rémunératrices, les for-
mations scientifiques et techniques sont de plus perçues par les
étudiants comme demandant plus d’efforts que celles menant par
exemple aux métiers de la banque et du conseil. Le choix de spé-
cialisation d’un étudiant est donc trop souvent défavorable à la
résorption de la pénurie, particulièrement lorsque ses études le
laissent choisir tard, comme dans les écoles d’ingénieur
généralistes.

Des docteurs mieux intégrés dans l’entreprise en Allemagne

D’autres pays mettent en avant la formation doctorale : l’Alle-


magne en est un bon exemple. La part de la population active
de doctorants y est de 2,7 % tandis que la France ne forme que
12 000 docteurs par an, soit 1,7 % de sa population active203.
Le doctorat est ainsi beaucoup plus valorisé en Allemagne, notam-
ment du fait qu’il n’y existe pas d’équivalent aux « grandes
écoles » ; il est également indispensable dans certaines disciplines

202 
Céreq, Attractivité des carrières scientifique et technologiques, novembre 2013. Le
CNISF désigne le Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France.
203
Marie-Christine

Corbier, « Le doctorat peine à trouver sa place dans les entreprises »,
Les Echos, 12 novembre 2014.

158 Sommaire
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(en chimie, par exemple). Par conséquent, presque tous les


étudiants allemands diplômés d’un master font un doctorat.

D’autre part, les doctorants ont plus de facilités à trouver un


poste en entreprise en Allemagne qu’en France. La coopération
entre le système éducatif et le monde du travail y est plus déve-
loppée grâce à l’alternance notamment. Les doctorants trouvent
aisément un emploi privé dans des domaines aussi variés que le
marketing, le commercial, les ressources humaines, le conseil,
ou bien créent leur entreprise – de biotechnologies en particulier.
La France, pour sa part, a tendance à se concentrer sur la
recherche et le développement dans le secteur public204. Si une
prolongation de la pénurie risque de modifier à la hausse la valeur
du diplômé à haute compétence technique, les entreprises fran-
çaises ont tout intérêt à anticiper cette évolution.

La révolution des objets connectés et du Big data est en marche.


Elle va redéfinir en partie notre organisation sociale. Seule la
confiance entre tous les acteurs ainsi qu’un sentiment de sécurité,
de stabilité et d’assurance permettront à tous de bénéficier serei-
nement des opportunités offertes.

Cécile Peltier, « Les doctorants allemands envisagent plus facilement un poste en


204 

entreprise », L’Etudiant, 21 février 2014.

Sommaire 159
IV

QUATR E A XE S P OUR Ê TR E
A C TEU R DA N S L A P R OC H A I N E
RÉVOLUTION N UM É RIQU E

4.1. D
 iffuser l’excellence data et numérique au
sein du tissu économique français
Du « Why Software is eating the world » 205 de 2011 à la crainte
portée par Maurice Levy de se faire « ubériser »206, aujourd’hui toutes
les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, doivent devenir
a minima « technology friendly » pour exister dans un avenir proche.
Il est rare qu’un seul acteur ait toutes les briques technologiques ou
compétences nécessaires à la réalisation d’un projet de transformation
numérique : il faut donc encourager l’économie partenariale.

Le potentiel économique porté par l’ère du tout connecté et de la


massification des données sous-tend également une course à l’inno-
vation permanente, des modèles ouverts et un fort besoin d’inte-
ropérabilité. Ce mouvement numérique qui se nourrit de transversalité
se heurte donc frontalement aux « silos » d’activité durablement
installés.

Or, comme le soulignait récemment une note de France Stratégie,


si « les objets connectés ont également été définis comme l’une des

205 
Marc Andreessen, « Why software is eating the world », The Wall Street Journal, août
2011.
206
« Maurice Lévy tries to pick up Publicis after failed deal with Omnicom », The Financial


Times, décembre 2014.

Sommaire 161
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34 priorités industrielles par le ministère du redressement productif »,


la concurrence internationale est particulièrement forte dans ce
domaine et, à l’échelle communautaire, « l’Union européenne […]
manque d’une réelle vision industrielle »207. À l’inverse, des États
concurrents comme les États-Unis ont mis en place des mesures
fortes de soutien au développement industriel des objets connectés,
comme l’initiative Smart America (cf. encadré ci-dessous).

Il est donc essentiel que les pouvoirs publics contribuent à la coor-


dination des acteurs privés et publics dans différentes filières pour
favoriser l’émergence d’écosystèmes pour les usages de l’Internet
des Objets. Le développement de plateformes communes devrait
entraîner une réflexion sur les technologies et les standards qui
faciliterait la coordination des différents acteurs dans le choix et la
promotion des technologies et des standards, en France comme à
l’international.

Le soutien des pouvoirs publics au développement


de plateformes industrielles : l’exemple du Smart America
Challenge aux États-Unis208

Le Smart America Challenge est une initiative lancée en décembre


2013 par le bureau « innovation » de la Maison-Blanche et par
le National Institute of Standards and Technology (NIST), une
agence du Département du Commerce des États-Unis, dans
l’objectif de réunir les acteurs industriels, académiques et le
gouvernement pour soutenir le développement de l’Internet des

207 
France Stratégie, « Demain, l’Internet des objets », La note d’analyse, n° 22, janvier
2015.
208
Pour plus d’informations, voir : http://smartamerica.org

162 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

objets. Doté de 500 millions de dollars, il a pour objectif


d’« accélérer les avancées dans le domaine des « cyber-physical
systems » ou systèmes cyber-physiques (SCP), en mettant en
relation les acteurs technologiques, les investisseurs et les testeurs
de ces technologies.

Le concours cherche à mettre fin au décalage entre les progrès


technologiques majeurs et l’adoption généralisée et quotidienne
de ces technologies. La plupart d’entre elles sont confinées à des
secteurs donnés, ce qui ne permet pas d’en déployer toute l’am-
pleur. Le Smart America Challenge vise ainsi à construire des
systèmes qui permettent des interconnexions et des interopérations
par le partage et l’analyse associée de données, pour une inté-
gration facilitée et une adoption accélérée.

Dans ce cadre, Smart America demande aux concurrents de


présenter des systèmes opérables de façon trans-sectorielle et
sur la base de standards ouverts, dont les impacts sont mesu-
rables. Ces défis ont été lancés dans l’ensemble des champs de
politiques publiques (énergie, santé, environnement, sécurité,
systèmes de transports intelligents, etc.). Le challenge a ainsi
pour objectifs de créer de nouvelles opportunités d’investissement,
de catalyser l’innovation en encourageant les coopérations entre
secteurs et les partenariats publics-privés, d’identifier les obstacles
éventuels. La première édition du challenge s’est lancée en
décembre 2013 à la Maison-Blanche, et s’est conclue en juin
2014 lorsque 24 équipes, regroupant plus de 100 acteurs, sont
venues faire la démonstration des collaborations réussies.

Sommaire 163
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FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

Dans le souci de faire prospérer l’ensemble du tissu économique


français dans ce nouveau monde, il apparaît vital de « prescrire »
une dose technologique à l’ensemble des contrats, notamment
publics, afin d’encourager les partenariats et collaborations avec
les startups. A l’image du Small Business Act américain, le « Digital
Business Act » préconisé dans ce rapport pourrait aussi être un
véhicule pour plus d’intégration et de parité.

Concurremment, l’observation attentive des premières expérimen-


tations en matière de smart city a permis de mettre en lumière la
complexité associée à la définition d’un modèle économique viable.
Elle a aussi contribué à faire émerger l’idée que seule une combi-
naison d’usages au sein d’une plateforme multiservices permet une
mutualisation aboutie, source de retour sur investissements, de gains
de productivité et de réduction des coûts. Tout comme les entreprises,
l’État gagnerait à mettre en œuvre une politique ambitieuse de
transformation digitale, dans un double objectif d’amélioration du
service public et de diminution des dépenses.

La prise de conscience de l’impact de l’ère du tout connecté et de


la massification des données invite à penser une nouvelle gouver-
nance, fondée sur le régalien et en capacité de faire face au rythme
rapide de l’innovation. Une gouvernance tout autant nécessaire à
un État agile qu’à la compétitivité des entreprises privées.
Parallèlement, le besoin de transversalité induit par l’Internet of
Everything nécessite une action de niveau interministériel. Enfin, la
rupture induite par les objets connectés et le Big data se heurtera
aussi à une barrière de moyens et d’investissements : il s’agit dès
lors de réorienter les investissements publics existants pour renforcer
le développement de l’économie numérique.

164 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Proposition n° 1 : Créer un « Digital Business Act » en France

•F
 aire de la commande publique un levier pour encourager
l’émergence d’un écosystème favorable à l’Internet des objets.

L’instauration d’une contrainte réglementaire sous la forme d’un


critère de mieux-disance, permettant au donneur d’ordre de
poser des pénalités si le critère n’est pas rempli209, permettrait
de réorienter une partie des investissements publics sur la
présence d’un volet numérique.

Selon ce critère, tout investissement public devrait comprendre


un volet numérique équivalent à 10 % de l’investissement
consenti. Par exemple, une municipalité ne pourra pas démarrer
un projet de transformation de son système d’éclairage public,
si elle ne prévoit pas une plateforme multiservices et a minima
deux usages supplémentaires (gestion du stationnement, gestion
des déchets, etc.) afin de créer un cercle vertueux et un effet
d’entraînement.

Le critère de mieux-disance est posé par l’article 53 du Code des marchés publics qui
209 

décrit de quel manière le pouvoir adjudicateur doit « attribuer le marché au candidat


qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse » (Code des marchés
publics, article 53, modifié le 1er août 2006 par le décret n° 2006-975). Il permet
d’identifier l’offre la plus avantageuse économiquement dans le cadre de la commande
publique. Selon cet article, l’acheteur public, pour désigner une entreprise, doit justifier
du fait qu’elle est choisie pour son efficience. Il doit donc attribuer l’offre à l’entreprise
économiquement la plus avantageuse, en se fondant sur plusieurs critères comme le
prix, la qualité ou les délais par exemple. Ces critères sont précisés dès la publication
de l’appel d’offres. Pour plus d’information, voir notamment : Le mieux-disant dans
la commande publique, Livre blanc du MEDEF, janvier 2010.

Sommaire 165
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• Confier aux services du Premier ministre l’intégralité de la


gouvernance de l’État au service de l’innovation numérique.

Cette mesure permettra non seulement de conforter une gou-


vernance agile de l’État mais aussi de favoriser la transversalité
nécessaire pour accompagner les évolutions technologiques et
réunir les conditions nécessaires à la saisie des opportunités
liées à la massification des données, tant pour le secteur public
que pour le secteur privé210.

•P
 romouvoir la notion de plateforme unique et multiservices
par filières.

Afin de permettre des usages combinés des données, chaque


filière d’activité pourrait bénéficier d’une plateforme numérique
multi-services qui permettre de promouvoir des standards et
des processus communs.

 Proposition n° 2 : Inciter les entreprises à accélérer leur trans-


formation numérique et à renforcer leur culture de la donnée

Pour ce faire, il convient d’encourager l’émergence de chief


digital officers (CDO) dans toutes les entreprises d’une
certaine taille. Rattaché au CEO, et membre du comité

Bien que le risque existe que cette proposition aboutisse à la création d’une instance
210 

indépendante sans moyens ni influence, il semble néanmoins que le rattachement de


cette gouvernance aux missions du Premier ministre soit nécessaire, au vu de l’importance
stratégique des enjeux qui y sont liés.

166 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

exécutif, le CDO aurait pour rôle de définir et d’orchestrer la


transformation numérique de l’entreprise en collaboration
avec la direction de l’informatique interne et les autres
départements211.

De plus, les entreprises peuvent être incitées à intégrer la


protection des données dès la conception des outils tech-
niques et favoriser des approches par analyse de risques pour
la mise en place des mesures de sécurité, c’est-à-dire à
promouvoir la « privacy by design ». Ces approches permettent
d’adapter les mesures de sécurité aux risques réels.

Enfin, pour les TPE et PME ne disposant pas des moyens


nécessaires pour réaliser leur transformation numérique, des
plateformes informatiques d’innovation communes pourront
être mises en œuvre en s’appuyant sur les filières, les pôles
de compétitivité, les fédérations professionnelles qui devront
se réinventer à l’aune de la numérisation de l’économie.

L’adoption des objets connectés et du Big data reste limitée par les
entreprises, en dépit de leur fort potentiel de création de valeur : les
déploiements technologiques restent fragmentés et confinés à des
secteurs spécifiques : ils peinent souvent à démontrer un impact mesu-
rable et tangible. Or, la richesse des applications des objets connectés
et du Big Data viendra de l’émergence de plateformes multi
Les missions du CDO doivent être envisagées dans le cadre du développement du
211 

métier de délégué à la protection des données (data protection officer ou DPO).


Ce poste, dont la mise en place est prévue dans le projet de règlement européen,
sera obligatoire pour de nombreuses entreprises. Le DPO remplacera notamment
le correspondant informatique et libertés (CIL), déjà présent dans plus de
14 500 organismes.
Sommaire 167
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sectorielles, permettant le partage d’infrastructures et de données, dans


le respect des principes de protection des données.

Depuis 2005, les pôles de compétitivité ont démontré leur capacité


à faire collaborer les entreprises, les laboratoires de recherche et les
établissements de formation sur les projets d’innovation ; ils ras-
semblent déjà plus de 7 000 entreprises dont une forte représentation
de PME et d’ETI à côté de grands groupes.

 Proposition n° 3 : Mobiliser les pôles de compétitivité pour faire


émerger des écosystèmes et des projets de plateformes indus-
trielles entre secteurs pour l’Internet du Tout connecté

La création d’un espace de dialogue commun à tous les acteurs


permettra d’aligner leurs choix de solutions technologiques et
de démultiplier le poids de la France dans les processus de
standardisation.

De plus, l’État français pourrait animer les pôles de compétitivité


autour d’un concours dont l’objectif serait de faire émerger des
collaborations multi sectorielles, basées sur des standards
ouverts et qui démontreront l’impact des objets connectés et
du Big data sur l’économie et la société françaises, sur le modèle
de l’initiative Smart America Challenge conduite par la Maison
Blanche aux États-Unis212.

212
Cf. encadré supra.

168 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

4.2 R
 enforcer la sécurité pour développer la
confiance

4.2.1. L
 e développement de l’Internet du Tout connecté
suscite des interrogations nouvelles et des
comportements encore très prudents
Les craintes liées aux données et aux capteurs qui les collectent
Kord Davis rappelle que si « le Big data est éthiquement neutre,
l’utilisation qu’on en fait peut ne pas l’être »213. Confortant cette
idée, Eric Larson écrivait en 1989 que « ceux qui conservent les
données nous disent qu’ils le font pour le bénéfice du consommateur.
Mais en réalité, les datas pourraient très bien être utilisées à des fins
autres que celles pour lesquelles elles ont initialement été
collectées »214.

Derrière la notion de confiance, c’est la définition des finalités


d’usages qui se pose. Il ne peut y avoir de confiance durable sans
alignement d’intérêts entre les clients ou utilisateurs d’un bien ou
d’un service, d’une part, et son fournisseur, d’autre part. Un récent
sondage215 soulignait que sept personnes sur dix exprimaient encore
des craintes relatives aux failles de sécurité des appareils connectés
et à la faible garantie de sécurité pour les données collectées.
Comment décrypter ces craintes sur le Big data et les objets
connectés ?

213 
Traduction de « Big data is ethically neutral, the use of Big data is not ». Voir : Kord
Davis, Ethics of Big data : balancing risk and innovation, septembre 2012.
214
Citation

extraite de « The Origin of Big Data, An Etymological Story», New York Times,
1er février 2013.
215
Harris

Interactive, Objets connectés : the next big thing ? Le point de vue du grand
public, 3 juin 2014.

Sommaire 169
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À côté des immenses potentialités qu’il offre pour les entreprises,


les consommateurs et les citoyens, le Big data génère des craintes
de manipulation et de discrimination. Ce risque de manipulation
serait d’autant plus grand que les capacités techniques du Big data
sont amplifiées par les objets connectés. Ainsi pour Viktor Mayer-
Schönberger, professeur à l’Oxford Internet Institute, « la dictature
des informations mine l’avenir de nos démocraties : on leur accorde
davantage d’importance qu’elles n’en ont, en pensant qu’elles peuvent
tout expliquer »216. Ainsi que le montre le rapport de John Podesta217
remis au président Barack Obama, la façon dont les algorithmes
sont structurés pourrait induire un risque de discrimination dans
l’usage du Big data. Cette discrimination pourrait également être
volontaire pour écarter d’office certaines catégories de la population
de l’accès à un emploi, à un crédit, à un logement, etc.

La masse des données recueillies et l’intrusion permise dans les vies


privées augmentent avec l’Internet des objets. Nous semblons aller
« vers des existences complètement numérisées, où les données
personnelles et comportementales qui alimenteront en continu [le]
Big data dresseront nos sociotypes avec toujours plus de précision,
offrant toujours plus de capacité de contrôle aux États et d’intrusion
commerciale aux entreprises »218.

La crainte de voir émerger une société de surveillance explique


en partie les réticences vis-à-vis des objets connectés. Cette crainte
doit être prise en compte et doit faire l’objet de pédagogie et de
216
Viktor Mayer-Schönberger et Kenneth Cukier, Op. cit.
217 
John Podesta, Big data, seizing opportunities, preserving values. Executive office of
the President, mai 2014.
218
Audition

de Laurent Sorbier, cité dans : Sénat, L’Europe au secours de l’Internet :
démocratiser la gouvernance de l’Internet en s’appuyant sur une ambition politique
et industrielle européenne, rapport d’information n° 696 déposé le 8 juillet 2014.

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I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

réponses techniques garantissant la confiance entre acteurs : « plus


notre économie inventera des services qui auront besoin de s’appuyer
sur de la donnée pour fonctionner [...], plus nous mettrons en place
les infrastructures passives qui rendent les logiques de surveillance
techniquement possibles, quel que soit le tiers qui décide de s’en
servir »219. Redoutant lui aussi une « aliénation généralisée », Peter
Warren s’inquiète d’un « système où la surveillance est la règle, que
ce soit dans la rue, désormais intelligente, avec votre portable, qui
permet de connaître en temps réel votre géolocalisation, avec vos
vêtements, qui seront en mesure d’émettre à tout moment un dia-
gnostic sur votre état de santé et votre maison qui répondra à votre
rythme de vie. Bref, la vie des individus va être cartographiée »220.

De fait, les révélations de l’« affaire Snowden » n’ont fait qu’accréditer


cette idée de surveillance généralisée que permettrait le Big data et
les performances croissantes des algorithmes de traitement des
informations. Mais cette affaire a aussi fait prendre conscience aux
États européens les enjeux économique et de souveraineté liés aux
données : l’essor du Big data doit s’accompagner d’une prise de
conscience du « soft power étatique » de grands acteurs du
numérique.

Est-il encore possible de garantir un droit à la vie privée dans un


monde de capteurs connectés où le risque de captation permanente
et ubiquitaire de données est prégnant ? Même si le champ des
données personnelles est difficile à définir, la captation permanente
de données « anodines » dans ce monde de l’Internet du Tout
connecté interroge et fait craindre une translation du Big data au
Big Brother. Afin de permettre aux consommateurs et citoyens de
219
Audition de Valérie Peugeot, ibid.
220
Audition de Peter Warren, ibid.

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bénéficier du potentiel de ces technologies nouvelles, il semble dès


lors indispensable de continuer à :

• renforcer la protection de la vie privée et des données sensibles


de « l’homo connexus » ;

• g arantir la transparence de l’écosystème de l’Internet des objets


connectés221, nul ne devant pouvoir collecter de données sans
l’accord explicite de leurs propriétaires.

Dans le monde qui se dessine, les algorithmes pourront prédire la


probabilité qu’un individu fasse une crise cardiaque, qu’il n’honore
pas son prêt hypothécaire ou qu’il commette un crime : en d’autre
terme, sa contribution, positive ou négative à l’égard du reste de la
société.

Le Big data rend plus complexe la protection de la vie privée et, dans
une logique poussée à l’extrême, il pourrait représenter une menace
totalement nouvelle : celle de la pénalisation des intentions ou des
comportements « déviants » avant même qu’il ne soit commis. Le
débat nécessaire autour de ces enjeux doit aussi interroger la façon
de garantir une contrainte de notification et de recueil du consente-
ment des individus pour lesquelles de la donnée est collectée.
Toutefois, dans le contexte du Big data, le concept éprouvé de
notification et de consentement se retrouve soit trop restrictif pour
que la valeur latente des données en soit extraite, soit juridiquement
et techniquement faible pour protéger réellement un individu et sa
vie privée.

Voir à ce sujet les recommandations du G29 : Article 29 Data protection working


221 

party, Opinion 8/2014 on the Recent Developments on the Internet of things,


16 septembre 2014.

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DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Le spectre d’une « dictature des données» doit faire l’objet de


mesures appropriées pour que le développement de l’Internet du
Tout connecté rime avec confiance. Dans la mesure où il est difficile
de prédire l’usage que pourrait être fait des données, au-delà de leur
exploitation initiale, il conviendrait que les futurs usages des données
fassent l’objet d’une information aux individus concernés et soient
encadrés pour protéger les libertés individuelles.

Les entreprises françaises restent encore prudentes devant les


opportunités offertes par le Big data et les objets connectés
Selon une étude récente222, les entreprises françaises font un usage
des technologies numériques moins avancé que leurs concurrentes
européennes. Christine Balague, vice-présidente du Conseil national
du numérique souligne ainsi que « la résistance au changement est
souvent forte, l’engagement des organisations vers la transformation
numérique lent, les discours souvent en contradiction avec les actions
menées. On assiste [ainsi] aujourd’hui à un paradoxe de marché :
d’un côté des consommateurs de plus en plus connectés, dotés d’une
capacité d’agir accrue par les échanges en réseaux, faisant du numé-
rique leur usage quotidien, de l’autre des entreprises peu ou pas
assez numérisées, dans lesquelles la culture numérique reste inexis-
tante ou faiblement diffusée »223.

En effet, seules 17 % des entreprises françaises ont entamé une


démarche d’exploitation du Big data224. Deux tiers d’entre elles n’y
voient pas encore un levier de croissance, car le concept demeure
222 
Roland Berger Strategy Consultants avec la participation de Cap Digital, Du rattrapage
à la transformation. L’aventure numérique, une chance pour la France, septembre
2014.
223
Ibid.
224
Ernst&Young,

(Big) data : où en sont les entreprises françaises ? Quelle maturité dans
l’exploitation des données clients ?, novembre 2014.

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encore trop vague pour les sociétés interrogées : ainsi, « les entre-
prises ne sont qu’au début de la démarche. Il leur reste encore
beaucoup à faire pour tirer pleinement profit des données »225. Cette
faiblesse se traduit par une exploration insuffisante des nouvelles
sources de données que représentent les réseaux sociaux, les données
ouvertes, les objets connectés ou encore les données de géolocali-
sation. L’étude précise que si 69 % des entreprises engagées dans
le Big data explorent les données des réseaux sociaux, elles sont
seulement 30 % à en faire de même pour l’open data, 23 % pour
les objets connectés et 12 % pour la géolocalisation.

Les freins à l’adoption du Big data résideraient dans la « culture


cloisonnée et pyramidale des sociétés en France »226. Les sociétés
restent méfiantes vis-à-vis de l’open source et d’une trop grande
ouverture de leur donnée. La situation du Big data est donc pour
le moins paradoxale en France : alors que 75 % des entreprises
connaissent bien, voire très bien, ces technologies, peu d’entre
elles les ont déjà mises en œuvre concrètement. Ainsi, seuls
11 % des dirigeants d’entreprises ont déjà mené au moins un projet
de Big data, soit deux fois plus qu’en 2012, mais encore peu par
rapport aux possibilités. Le secteur public reste le plus en retard227.

Les entreprises sont en outre obligées de repenser leur fonction-


nement et leurs schémas de valeur : la transformation numérique
d’une entreprise, poussée par les nouveaux usages, ne peut se faire
sans une rénovation culturelle et organisationnelle de leurs modes
de travail. Or, de nombreuses entreprises sont méfiantes, étant donné

225
Ibid.
226 
« Le Big data peu exploité en France », L’Usine Nouvelle, 27 novembre 2014.
227
Markess International, « Projets Big data en France : la progression des besoins


sectoriels et métiers », 26 juin 2014.

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DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

que plusieurs exemples dans l’industrie musicale ou l’hôtellerie ont


donné à voir les bouleversements induits par le Big data et des objets
connectés. Pourtant, la transformation digitale des entreprises est
bien un facteur de performance économique : les entreprises doivent
donc évaluer leur « patrimoine de données », et qualifier leurs besoins
et les enjeux auxquels elles sont confrontées pour diffuser une culture
de la donnée et profiter pleinement des opportunités de l’Internet of
Everything.

4.2.2. L
 es API doivent garantir une utilisation acceptée
des données numériques
Les API doivent garantir l’anonymat et la protection des données
De bonnes pratiques doivent émerger pour préserver les données,
toujours plus nombreuses, recueillies par le biais des API. Karl
Dubost, responsable des relations avec les développeurs chez Opera,
relève à ce sujet que « à chaque fois que Google donne la possibilité
aux gens de mettre une carte Google Maps [sur leur site], c’est l’oppor-
tunité de tracer les gens et leurs intérêts avec la combinaison de [la]
recherche et [de] Doubleclick, la régie publicitaire de Google. Ce qui
est en jeu, c’est la construction fine de profils marketing pour mieux
vendre de la publicité »228.

Les utilisateurs n’ont pas nécessairement conscience de l’ampleur


des données personnelles qui peuvent être recueillies par ce biais.
Les API pourraient par exemple autoriser une réversibilité : ainsi,
si des données sont rendues disponibles au travers d’une API mais
qu’une incertitude pèse sur leur anonymisation, on pourrait permettre
via l’API de faire des requêtes sur la base (c’est-à-dire de ne pas

228
« Comprendre les interfaces de programmation », Op. cit.

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télécharger toute la base de données, qui, elle, resterait centralisée)


et, dans le cas où les données sont mal anonymisées où utilisées à
d’autres fins que celle prévues initialement, de « fermer » l’API.

L’anonymisation des données disponibles via des API représente un


enjeu majeur qui demande un effort important aux administrations
qui devront s’assurer que cette démarche est effectuée. En France,
la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) permet
ainsi, via son site et une API dédiée, d’accéder à des avis anonymisés
de refus de transmissions de documents administratifs229. Cette
anonymisation est extrêmement importante dans la mesure où la
moindre faille pourrait rendre public l’ensemble des données
personnelles accessibles via une API ou un site Internet, comme
le gouvernement israélien en a fait l’expérience en 2006230.

Normaliser les pratiques autour des API : un défi pour les pou-
voirs publics
Des conventions se mettent peu à peu en place pour coder les API.
C’est le cas de REST (representational state transfer), un style archi-
tectural du web développé par Roy Fielding en 2000 et utilisé pour
la création de nombreuses API231 : ainsi, Netflix a développé une
API basée sur les standards définis par REST232. REST ne définit
pas un standard précis, mais davantage un style architectural dont
les applications peuvent varier233 ; néanmoins, le fait qu’un tel style

229 
« Les avis de la CADA en open data sur Data.gouv.fr », Le blog de la mission Etalab,
11 avril 2014.
230
« Population database hacked in 2006 reached the Internet », Haaretz, 25 octobre
2011.
231
REST, REST API Tutorial.
232
Netflix, Netflix REST API Conventions.
233
« API’s Lack Conventions and Standards – Two Perspectives on Solutions », StrongLoop,


12 février 2014.

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DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

soit reconnu et adopté par de nombreux développeurs est encoura-


geant et laisse à penser que des standards peuvent peu à peu
s’établir dans cet environnement dynamique. C’est le cas de
JSTON234, qui tend à être l’un des standards les plus utilisés. La
Maison-Blanche235 et le New York Times236 notamment ont recours
à ce format dérivé du Javascript et qui a été adopté en remplacement
du XML.

Plusieurs États et des organisations internationales ont envisagé


une normalisation des pratiques relatives aux API. Ainsi, au niveau
européen, une directive cadre dispose que « l’interopérabilité des
services de télévision numérique interactive et des équipements de
télévision numérique avancée devrait être encouragée, au niveau du
consommateur, en vue d’assurer la libre circulation de l’information,
le pluralisme des médias et la diversité culturelle. […] Les opérateurs
de plates-formes de télévision numérique interactive devraient s’effor-
cer de recourir à une interface de programmes d’application (API)
ouverte et conforme aux normes ou spécifications adoptées par un
organisme européen de normalisation. Le passage des API existantes
aux nouvelles API ouvertes devrait être encouragé et organisé, par
exemple grâce à des mémorandums d’entente entre les acteurs du
marché concernés. Les API ouvertes facilitent l’interopérabilité, c’est-
à-dire la portabilité du contenu interactif entre les nouveaux méca-
nismes de transmission et la pleine fonctionnalité de ce contenu sur
les équipements de télévision numérique avancée »237.

234
Site Internet de JSON API.
235
« White House API Standards », GitHub.
236
« The Most Popular API », The New York Times.
237
Directive

2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative
à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications
électroniques (directive « cadre »).

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En France, aucune règle normative ne vient encadrer la diffusion


et le traitement des données échangées par les API mais la volonté
affichée du gouvernement de se saisir du sujet238 constitue un
signal encourageant pour la mise en place de bonnes pratiques.

Il serait contre-productif d’envisager une forme rigide de régulation


des API : celle-ci freinerait l’innovation et aurait nécessairement un
temps de retard sur les pratiques existantes, qui se développent très
rapidement (l’API de Google Maps en est déjà à sa troisième
version239).

Cependant, il existe un régulateur qui agit effectivement dans le


nouvel espace du numérique et fait peser une menace importante
sur les libertés : il s’agit du code, qui définit la manière dont s’orga-
nisent le cyberespace et son écosystème numérique. Il détermine
dans quelle mesure il est possible de protéger les données, de
censurer la parole, d’accéder à l’information. Il a un impact sur qui
peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Il serait dangereux de
croire que la liberté est garantie par le code, car le code n’est pas
immuable.

Les choix qui seront opérés sur le code et le droit sont des choix de
valeurs : comme le soulignait déjà en janvier 2000 Lawrence Lessig,
« ce n’est pas entre régulation et absence de régulation que nous
avons à choisir. Le code régule. Il implémente - ou non - un certain
nombre de valeurs. Il garantit certaines libertés, ou les empêche.
Il protège la vie privée, ou promeut la surveillance. Des gens décident
comment le code va se comporter. Des gens l’écrivent. La question

238 
Secrétariat d’État chargé de la Réforme de l’État et de la simplification, Le numérique,
pour transformer l’État, septembre 2014.
239
Google, Google Maps Javascript API V3 Reference, 2014.

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I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

n’est donc pas de savoir qui décidera de la manière dont le cybe-


respace est régulé : ce seront les codeurs. La seule question est
de savoir si nous aurons collectivement un rôle dans leur choix – et
donc dans la manière dont ces valeurs sont garanties – ou si nous
laisserons aux codeurs le soin de choisir nos valeurs à notre place.
Il est opportun de commencer par laisser le marché se développer.
Mais, tout comme la Constitution contrôle et limite l’action du Congrès,
les valeurs constitutionnelles devraient contrôler et limiter l’action du
marché »240.

Les API sont devenues des dispositifs très puissants dans les
rapports entre entreprises, institutions et particuliers. Toutefois,
leur puissance, de régulation et de maîtrise des données notam-
ment, n’est pas perçue à sa juste mesure par les pouvoirs publics.
Si les API constituent un potentiel important pour les entreprises et
les États, si elles représentent une opportunité de moderniser l’outil
productif et le fonctionnement des institutions et de renforcer les
rapports avec les citoyens, elles comportent également des risques,
notamment en termes d’anonymat des données personnelles et
d’usage à des fins non maîtrisées des données échangées.

Les API représentent un défi pour les pouvoirs publics, qui devront
se les approprier afin de renforcer le lien avec les citoyens dans le
cadre d’un gouvernement ouvert, d’une part, et assurer la protection
des droits de chacun, d’autre part. La tâche sera d’autant plus ardue
que les API se développent très rapidement et que les gouvernements
ne doivent pas établir des cadres de réglementations trop rigides qui
représenteraient un frein à l’innovation.

240
« Code is Law – On Liberty in Cyberspace », Harvard Magazine, 2000.

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B I G D ATA E T O B J E T S C O N N E C T É S
FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

Le législateur doit donc garantir une utilisation acceptée des données


numériques par les API, pour permettre aux citoyens et aux entre-
prises de rééquilibrer les pouvoirs dans le monde du Big data et des
objets connectés. Parce que l’API devient un élément structurant
de l’échange des données numériques, la loi, tout en maintenant
sa nature contractuelle, doit fixer un cadre destiné à maîtriser le
risque d’asymétrie des échanges inhérent à son utilisation.

Cette régulation de l’environnement contractuel des API, loin


d’inhiber et d’interdire, doit créer de la confiance et, ce faisant,
libéraliser leur utilisation.

Il s’agit ainsi de réconcilier les usages, la technique et le droit.


Un cadre législatif souple, proposant en ce domaine des « briques
normatives socles », participerait au besoin actuel de « confiance
préalable » entre tous les acteurs.

 Proposition n° 4 : Offrir aux citoyens des Application


Programming Interfaces (API) techniquement sécurisées et
portées par un droit stable et partagé

Afin de renforcer la confiance de tous les acteurs dans l’Internet


de demain, le développement juridique d’APIs labélisées doit être
encouragé et organisé par les pouvoirs publics. Il pourrait ensuite
être valorisé grâce à des mémorandums d’entente entre les acteurs
du marché concernés. Cette régulation de l’environnement
contractuel des APIs, loin d’inhiber et d’interdire, doit créer de la
confiance et, ce faisant, libéraliser leur utilisation. Il s’agit ainsi
de réconcilier les usages, la technique et le droit.

180 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Ce principe se décline en deux volets :

1. Identifier et porter au niveau européen un « socle de


confiance » pour toutes les API, au-delà des seules conditions
particulières négociées de tiers à tiers. Défendues par l’Union
européenne, ces clauses juridiques à portée internationale
s’imposeraient aux clauses particulières. Elles auraient pour
objectifs de :
• limiter l’asymétrie des échanges et interdire une utilisation des
données sans que le fournisseur initial (le citoyen par exemple)
ne s’en rende compte ou qu’il ait une complète connaissance
de leurs utilisations ;
• jouer le rôle d’un filtre et éventuellement, dans le temps,
celui de « corde de rappel de la donnée » en cas de contes-
tation sur leur utilisation et autoriser la réversibilité.

2. D
 évelopper un label « EU connect » pour ces API. Ce label,
respectant ce « socle juridique de confiance », permettrait de
certifier les API conformes auprès des utilisateurs publics et
privés. Plus généralement, les démarches de labellisation
comme France Connect, sont à consolider.

Sommaire 181
B I G D ATA E T O B J E T S C O N N E C T É S
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 Proposition n° 5 : Favoriser l’émergence d’un État plateforme


et simplifier les démarches administratives

Cet État plateforme doit permettre les échanges de données entre


les différents services de l’État mais aussi entre l’État et le citoyen.
Au-delà de France Connect, projet d’identifiant unique pour les
administrations qui laisse au citoyen le choix de la nature des
données partagées, l’État plateforme supposera à terme la mise
en commun des données des différentes administrations dans
une base unifiée. Les enjeux liés à la gouvernance et à la protec-
tion de cette base devront être adressés de façon préalable à sa
mise en place.

Dans le cadre de la mise en place du projet de règlement européen


sur la protection des données, il convient également de continuer
à développer le rôle de conseil et d’accompagnement de la CNIL
tout en renforçant la sécurité juridique pour les entreprises. Pour
ce faire, de nouveaux outils doivent être pensés et promus, dans
la logique par exemple de la notion de rescrit ou « certificat de
conformité » du Conseil d’État241. 

241 
Sous réserve de la possibilité qui sera ouverte ou non aux autorités par le règlement
de se positionner sur ce type d’outils, que les processus soient assez stables pour
permettre une telle « certification » et qu’un tel mécanisme n’entrave pas les pouvoirs
de contrôle a posteriori de la CNIL. Le projet de règlement européen va dans ce sens
en prévoyant la quasi-disparition des formalités préalables, en promouvant la logique
de preuves de conformité et d’accountability.

182 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

 Proposition n° 6 : Libérer l’utilisation des objets connectés et


du Big data dans le secteur de la santé

Les nouvelles technologies peinent à se déployer dans le domaine


de la santé, alors même qu’elles pourraient permettre des gains
importants de qualité et de temps, pour les patients comme pour
les professionnels. Il semble donc intéressant de demander à la
CNAMTS d’ouvrir ses données aux acteurs externes sous réserve
de la signature d’un protocole de recherche simple. La politique
de santé de demain doit être basée sur l’épidémiologie et la
prévention en utilisant le potentiel du Big data, en numérisant
davantage les données de santé et en favorisant une culture du
registre de santé242.

De plus, France Connect (projet d’identifiant numérique unique


pour les administrations) pourra être utilisé pour promouvoir
l’identifiant national de santé afin d’améliorer la coordination
des soins et la circulation de l’information.

Enfin, pour permettre aux citoyens d’accéder à leurs données de


santé et de les partager, un dispositif comparable au blue button
américain pourrait être expérimenté en France.

242
Dans le respect de la loi Informatique et Libertés.

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 Proposition n° 7 : Garantir un droit à la portabilité des données


dans un cadre européen concerté

Le droit à la portabilité serait un droit opposable de faire transmettre


ses données d’un système de traitement automatisé à un autre,
sans que le responsable du traitement ne puisse y faire obstacle.

Ce nouveau droit, qui est un développement numérique naturel


du principe du droit d’accès et de rectification de la loi Informatique
et Libertés, permettrait notamment :

•d
 e décider des conditions de partage de ses données avec des
tiers, pour bénéficier de nouveaux produits et services et de
maîtriser ces réutilisations ;

•d
 ’obtenir à tout moment une copie de ses données dans un
format structuré afin de pouvoir les réutiliser par lui-même.

La mise en œuvre de ce droit aurait donc pour objectif d’encou-


rager la concurrence et de limiter les barrières techniques au
changement de prestataire, tout en renforçant le cadre général
de la protection des données personnelles.

184 Sommaire
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DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

 Proposition n° 8 : Faire de la France le champion des techniques


de certification et de protection des données

La confiance dans les API et dans les programmes qui les utilisent,
peut être renforcée par des solutions techniques qui permettent
de garantir leur bon fonctionnement, leur fiabilité et le respect
des clauses juridiques pour lesquelles elles peuvent être
labélisées.

La France dispose des savoir-faire et des compétences de pointe


dans ces domaines ; il convient d’investir de manière ciblée pour
soutenir la recherche et financer les applications concrètes qui
en découlent pour l’industrie.

Cela permettra, par exemple, de généraliser des techniques garan-


tissant la conformité des API, mais aussi de renforcer l’authenti-
fication et la protection des données, par exemple en définissant
le périmètre de visibilité d’une donnée ou les droits d’accès.

Sommaire 185
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4.3. R
 enforcer l’influence de la France et soutenir
une gouvernance numérique forte
Comme la richesse de l’Internet actuel est née de la connexion d’un
très grand nombre d’individus, la richesse de l’Internet des objets
émergera des innombrables combinaisons possibles entre les
milliards d’objets connectés et des données qu’ils produisent.

Pourtant, ce principe relativement simple d’interconnexion s’appa-


rente à une gageure, tant la diversité des objets envisagés est large
(ils sont souvent issus de sphères de consommation et de filières
industrielles très hétérogènes) et les cas d’usages nombreux. Par
exemple, une entreprise de distribution alimentaire souhaitant pro-
poser à ses clients un service leur suggérant des listes de courses
en fonction de leurs habitudes d’achats et de l’état de leurs stocks,
devrait utiliser des données provenant des cartes bancaires, du
réfrigérateur et des produits eux-mêmes. Il faudrait que le réfrigérateur
puisse être facilement raccordé au réseau et être identifié comme
appartenant au client, quelle qu’en soit la marque, et que les produits
soient facilement reconnus via leurs codes-barres ou tags RFID ou
NFC, quels qu’en soient les fabricants et les distributeurs.

En réalité, seule l’émergence de normes et standards243 propres


à l’Internet des Objets pourrait permettre ces combinaisons d’ob-
jets et de données. Ces standards devront avant tout s’atteler à :

•n
 ommer les objets, pour pouvoir les adresser de manière unique
et non ambiguë ;

Le standard résulte d’un consensus plus restreint que pour la norme ; il est élaboré
243 

entre des industriels au sein de consortiums et non par des organismes nationaux. La
différence entre les deux concepts est cependant faible et les anglo-saxons utilisent
le terme de standard pour désigner une norme.

186 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

• les connecter facilement aux réseaux, en faisant bon usage du


spectre qui va devenir une ressource rare ;

• les interconnecter, avec une architecture de réseaux cohérente et


capable d’accueillir autant d’objets ;

• les rendre interopérables, quels qu’en soient le fabricant.

Les standards permettront également de faire baisser les prix en


partageant des composants développés pour les marchés mondiaux
et de donner davantage de lisibilité aux utilisateurs, surtout si les
standards intègrent des exigences en termes de sécurité et de
confidentialité.

La tâche est vaste et complexe tant le concept d’Internet des Objets


est englobant, imbriqué avec les technologies de l’Internet, de l’élec-
tronique mais aussi de la plupart des verticaux qui disposent déjà
de leurs corpus de standards souvent divergents. Derrière la mul-
titude d’initiatives pour standardiser l’Internet des Objets couve
une « guerre des standards » à l’issue encore incertaine. Grace
Hopper disait ainsi : « the wonderful thing about standards is that
there are so many of them to choose from » (« ce qu’il y a de mer-
veilleux avec les standards, c’est qu’il y en a tellement parmi lesquels
choisir »).

En effet, l’activité de standardisation de l’Internet des Objets est


prolifique : de nouveaux consortiums et de nouvelles alliances se
créent pratiquement tous les jours :

• a u niveau mondial, des organismes institutionnels de standardi-


sation (cf. encadré infra), l’Organisation internationale de norma-

Sommaire 187
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lisation (ISO), la Commission électrotechnique internationale (CEI)


et l’Union internationale des télécommunications (UIT) bâtissent
un cadre cohérent de standardisation et définissent des modèles
de référence au niveau des réseaux et des services, afin d’améliorer
les coopérations transversales et de limiter les redondances ;

•a
 u niveau des organismes européens, le Comité européen de
normalisation (CEN) et le Comité européen de normalisation en
électronique et en électrotechnique (CENELEC) traitent plus spé-
cifiquement des applications finales (smartgrids, smarthome,
véhicules électriques, etc.), de l’automatisation de l’identification
des objets et de la prise en compte des objectifs sociétaux de
protection des données et de sécurité. Des partenariats publics/
privés ont également été créés pour anticiper les futurs enjeux
technologiques et aligner les acteurs européens ; citons notamment
le PPP 5G, le PPP Big Data ou le PPP « futur Internet » ;

• les autres organismes s’attachent, chacun dans leur domaine, à


compléter le puzzle des standards nécessaires à l’édifice global
de l’Internet des objets. Par exemple, l’Institute of Electrical and
Electronics Engineers (IEEE) et l’Internet Engineering Task Force
(IETF) développent de nouveaux standards de communication
sans fil moins consommateurs de ressources et préparent l’évo-
lution de l’architecture de l’Internet capable d’interconnecter ces
milliards d’objets. L’Open geospatial consortium (OGC) systématise
quant à lui l’interfaçage des capteurs et actionneurs, pour qu’il
soit aussi simple d’interagir avec eux qu’avec une page Internet.

Tous ces travaux multilatéraux s’inscrivent dans une réflexion de


long terme et ne devraient porter leurs fruits que d’ici plusieurs
années. En attendant, la quête de l’interopérabilité généralisée se

188 Sommaire
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DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

heurte aux intérêts stratégiques de grands industriels dont certains


s’organisent en consortiums. Ils ambitionnent d’accélérer le dévelop-
pement de l’Internet des objets, de promouvoir leurs filières techno-
logiques voire de faire émerger des standards de facto. De nombreuses
initiatives émergent qui sont souvent en concurrence : c’est le cas en
particulier de la « guerre des standards » que se livrent l’Alliance
AllSeen244 (conduite par Qualcomm, dominant dans les smartphones)
et l’Open Interconnect Consortium245 (conduite par Intel, dominant
dans les PC). L’Internet des objets pourrait ainsi ne pas disposer de
standards uniques avant longtemps : des écosystèmes concurrents
et fermés, menés par de grands groupes, pourraient dans un premier
temps structurer le marché avant éventuellement de converger.

Figure 22 : le système normatif international (non exhaustif)

L’organisation de la standardisation (cf. annexe 1 et 2)

La normalisation institutionnelle internationale s’appuie sur trois


organisations : l’ISO, généraliste, pour l’ensemble des secteurs,
la CEI pour l’électrotechnique et l’UIT pour les télécommunica-
tions. Au plan européen, se trouvent le CEN, le CENELEC (pour
l’électricité) et l’ETSI (European Telecommunications Standards
Institute) pour les télécommunications. Enfin, au plan national
se trouvent les organismes généralistes (AFNOR, DIN en
Allemagne, BSI au Royaume-Uni) et parfois des bureaux de
normalisation par secteurs.

Le cadre de l’Internet est principalement fixé par des normes


244
Site de Allseen Alliance.
245
Site de Open Interconnect Consortium.

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autoproduites par des consortiums d’industriels ou par des orga-


nismes privés ou à but non lucratif. Citons par exemple :

• l’IETF (Internet Engineering Task Force) : réseaux Internet ;

• l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) : réseaux


locaux filaire et sans fil ;

•W
 3C (World Wide Web Consortium) : compatibilité des tech-
nologies du web ;

•O
 ASIS (Advancing open standards for the information society) :
formats de fichiers ouverts.

Il existe par ailleurs de très nombreux consortiums, instituts de


recherche et groupements open source qui participent aux efforts

de normalisation. On citera par exemple le 3GPP pour les stan-


dards des réseaux mobiles, l’OGC, le Global Stand 1 (GS1) ou
encore OneM2M.

En France, un délégué interministériel aux normes, rattaché au


ministre en charge de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique,
a pour mission d’assurer la définition et la mise en œuvre de la
politique française des normes. Un groupe interministériel des
normes coordonne le suivi et la promotion des travaux de nor-
malisation dans chaque ministère.

Les positions françaises exprimées au sein des organisations


internationales sont élaborées au sein du Comité de coordination

190 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

et de pilotage de la normalisation (CCPN), placé auprès de


l’AFNOR. Des comités stratégiques (CoS) préparent les positions
arrêtées par le CCPN. 90 % des 30 000 normes applicables sur
le territoire français sont de portée européenne (EN) ou interna-
tionale (ISO), dans une proportion d’environ deux tiers/un tiers.

La normalisation représente un enjeu de taille pour la France et


appartient au champ de la diplomatie économique. Comme le
notait la délégation interministérielle à l’Intelligence économique,
« les normes sont un instrument stratégique de la concurrence.
Les entreprises qui participent au travail de normalisation peuvent
obtenir des avantages concurrentiels grâce à leur avance en termes
de savoir et de temps, en amont du cycle industriel »246. Derrière la
normalisation se cachent également des enjeux de gouvernance
et de souveraineté comme l’a souligné la mission commune d’infor-
mation sur la gouvernance mondiale de l’Internet247.

La France dispose d’une représentation importante dans les orga-


nismes européens et internationaux qui préparent les normes du
futur. Par exemple, c’est un représentant de Schneider qui pilote la
rédaction de la feuille de route de l’IEC sur les smart grids et qui,
au niveau européen, a en charge le programme de standardisation
sur le même thème. La France dispose également de ressources
importantes, avec 20 000 experts majoritairement en provenance

246 
Délégation interministérielle à l’Intelligence économique, Normalisation internationale
et stratégies d’influences : bilan et proposition, janvier 2012.
247
Rapport

d’information de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la mission
commune d’informationsur la gouvernance mondiale de l’Internet, L’Europe au secours
de l’Internet : démocratiser la gouvernance de l’Internet en s’appuyant sur une
ambition politique et industrielle européenne, juillet 2014.

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du monde de l’entreprise, qui peuvent être mobilisés sur la prépa-


ration des normes248.

Cette représentation a permis de grands succès par le passé, comme


celui de la norme mobile GSM. Cependant, l’influence française
s’est depuis essoufflée : ainsi, la norme allemande a été préférée
à celle défendue par la France dans le cadre de la normalisation des
prises de recharge des véhicules électriques. De même, le Conseil
général de l’Économie249 a souligné la relative absence de la France
dans la plupart des organes de normalisation de la e-santé.

248 
Claude Revel, Développer une influence normative internationale stratégique pour la
France, janvier 2013.
249
Conseil

général de l’économie, Des dispositifs publics pour développer la confiance
et les marchés des technologies logicielles pour la santé, juin 2012.

192 Sommaire
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DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Quatre points faibles en particulier sont identifiés :

• le manque d’alignement en amont des acteurs français, indus-


triels et institutionnels ;

• le manque d’implication de la France dans les comités et les


groupes techniques des institutions de normalisation, où
s’écrivent les normes (la présence française s’y établit surtout au
niveau des postes honorifiques) ;

• le repli des entreprises qui se mobilisent de moins en moins ;

• le traitement à trop faible niveau des enjeux techniques, chez


les industriels comme au niveau de l’État.

Dans le cas plus spécifique des objets connectés, la standardisation


sera en grande partie le fait de consortiums privés ou d’organismes
non institutionnels250. La France est relativement absente de ces
initiatives privées à de rares exceptions près, comme Technicolor
dans le consortium Allseen.

Pourtant, sur le plan technologique, la France dispose d’atouts


indéniables, très visibles notamment lors du dernier CES. Le poids
de ses entreprises dans des secteurs comme l’énergie, les transports
ou la santé lui donne une forte légitimité pour peser sur les futurs
standards. Des travaux structurants sont à venir pour l’établissement
de normes par exemple dans les réseaux mobiles 5G, les smart grids
ou l’e-santé. Il est primordial que des dispositions soient prises

Commissariat général à la stratégie et à la prospective, L’Internet des Objets, défis et


250 

perspectives pour la France et l’Europe, avril 2014.

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pour que la standardisation soit un vecteur de diffusion du savoir-


faire technologique français dans ces domaines.

De même, le spectre est un enjeu régalien central dans la révolution


numérique : plus de 50 % du trafic IP est déjà aujourd’hui sans fil.
Demain, avec plusieurs milliards d’objets connectés, la tension sur
la disponibilité des fréquences sera encore plus prégnante. Un récent
rapport251 commandé par le gouvernement contient à ce sujet de
nombreuses propositions pertinentes.

Pour rayonner au niveau mondial, le couple franco-allemand peut


représenter la meilleure opportunité de redynamiser le soft power
européen : les marchés français et allemand sont suffisamment
importants dans l’écosystème numérique mondial pour y exercer un
soft power européen efficace. Par exemple, un choix commun de
bande de fréquences ou d’une norme obligerait les acteurs écono-
miques à modifier leurs stratégies pour pouvoir accéder au marché
franco-allemand. De plus, les champions industriels allemands ou
encore les champions énergéticiens français ont besoin d’encoura-
gement dans leur processus de transformation numérique actuelle-
ment à l’œuvre. Par conséquent, des rapprochements seraient
également souhaitables en matière de protection des données per-
sonnelles, de sécurité ou encore de réseaux convergents qu’ils soient
télécoms, énergétiques ou de transports, sur le modèle des parte-
nariats entre Orange et Deutsch Telecom, ou encore entre le MEDEF
et le BDI.

251
Joëlle Toledano, Une gestion dynamique du spectre pour l’innovation et la croissance,
juin 2014.

194 Sommaire
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DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

 Proposition n° 9 : Consolider la politique d’influence française


dans les instances de normalisation

Pour renforcer l’influence de la France dans les instances de


normalisation, il convient notamment de placer l’actuel délégué
interministériel aux normes directement sous l’autorité du
Premier ministre afin d’améliorer la coordination des acteurs
français en matière de normalisation. Les arguments liés à la
difficulté de trouver des ressources budgétaires pour ce faire, s’ils
doivent être entendus, ne doivent pas constituer de blocage eu
égard à l’enjeu stratégique de cette proposition.

De plus, il convient de demander au SGMAP d’exprimer les


besoins normatifs des startups et des entreprises en matière
d’Internet des objets et de Big data, en s’appuyant sur leurs
organisations professionnelles en partenariat avec l’AFNOR.

Enfin, l’adoption des normes doit être promue un comme outil


de différenciation et d’attractivité. Par exemple, les collectivités
territoriales et l’État devraient rendre leurs sites web et leurs
services accessibles par tous les citoyens en IPv6.

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 Proposition n° 10 : Faire du couple franco-allemand le moteur


du soft power numérique européen

Pour ce faire, les pouvoirs publics doivent soutenir les partenariats


entre industriels français et allemands mais aussi pousser à la
convergence des positions dans les domaines clefs et régaliens
que sont la normalisation, le spectre, les choix liés à la privacy
ou à la labellisation des API.

Afin de soutenir ce rapprochement, la création d’une commission


permanente dédiée au numérique à l’Assemblée nationale pourrait
être envisagée, comme équivalent à la commission « Agenda
numérique » du Bundestag.

 Proposition n° 11 : Nommer un Commissaire au spectre


auprès du Premier ministre, en charge d’élaborer et tenir à
jour un plan stratégique en associant le Parlement

Les fréquences radioélectriques représentent une ressource stra-


tégique sur laquelle reposent notamment les communications
mobiles mais aussi des pans entiers de l’industrie. La gestion du
spectre est ainsi un levier central pour favoriser l’innovation et la
croissance.

196 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

4.4. R
 épondre aux besoins de compétences des
métiers du Big data et de l’Internet des
Objets
Pour que de telles expertises, à la frontière avec la recherche, se
développent et impactent l’économie de l’Internet des objets, la
France doit davantage promouvoir le système doctoral. En effet, les
diplômés de l’enseignement supérieur sont mieux insérés dans le
marché du travail lorsqu’ils sont diplômés d’un master (M1, M2
et grandes écoles de commerce et d’ingénieurs) que d’un doctorat :
leurs taux d’emploi à durée indéterminée (regroupant CDI, fonction-
naires et emploi non salarié) sont respectivement de 81 et 69 %.
De même, le taux de chômage des docteurs est supérieur de trois
points à celui des titulaires d’un master (10 % vs. 7 %)252. Or, le
doctorat n’est pas seulement une formation, mais aussi un moyen
d’acquérir une expertise exclusive qui permettra éventuellement de
rendre viable le business model d’une startup dans ses premières
années.

Une plus grande intégration du doctorat dans l’économie de l’Internet


des objets passe en particulier par une meilleure reconnaissance
des docteurs dans les entreprises, et par conséquent une plus
grande implication des entreprises dans les formations doctorales.
Le dispositif de la convention industrielle de formation par la
recherche (CIFRE) a été créé à cette fin : il permet à un doctorant
d’être cofinancé par une entreprise et par le ministère de l’Enseigne-
ment supérieur et de la Recherche, pour un travail de recherche
mené entre l’entreprise et un laboratoire public. Ce dispositif gagnerait
à se développer dans les sciences informatiques, car c’est là que

« Sortants du supérieur : la hausse du niveau de formation n’empêche pas celle du


252 

chômage », Bref du Céreq, n°322, septembre 2014.

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résident les plus grands besoins en main d’œuvre à haute


compétence253.

Le rôle des entreprises privées pour renforcer l’attractivité des


formations scientifiques
Les entreprises peuvent contribuer à l’attractivité des métiers
scientifiques en s’impliquant davantage dans les formations supé-
rieures. Les liens avec les établissements de formation ont toujours
existés : ainsi, le développement de chaires, formalisant un parte-
nariat entre établissement de formation et entreprise, va dans le bon
sens et mérite d’être poursuivi. Trois leviers d’action peuvent cepen-
dant être approfondis :

• l’intervention des personnels d’entreprise pendant les périodes


d’enseignement sur campus permet de renforcer la proximité entre
les programmes de formation et la réalité des enjeux du secteur
privé. Sans aller jusqu’à donner des cours, l’encadrement de mini-
projets ou travaux pratiques inspirés des applications en entreprise
constitue un facteur d’attractivité pour les sciences informatiques,
qui complète l’enseignement du personnel académique (par ailleurs
souvent en manque d’encadrants pour de tels projets) ;

• s ’il est souvent logique que les interventions d’entreprises dans


les formations passent par les services « relations entreprises »
des écoles ou universités et les services « relations écoles / uni-
versités » (voire ressources humaines) des entreprises, il est vital
d’établir le plus directement possible des échanges de nature

Le dispositif des CIFRE, créé en 1981, a accompagné près de 16 000 docteurs, 4000
253 

laboratoires partenaires et 7500 entreprises bénéficiaires. En 2013, 4 500 CIFRE


étaient en cours et 1 350 ouvertes pendant cette année. Source : site Internet de
l’Association nationale de la recherche et de la technologie, « Les dispositifs CIFRE ».

198 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

technologique entre étudiant et ingénieur. Ces échanges peuvent


impliquer une meilleure collaboration entre le monde académique
et le monde de l’entreprise (c’est également valable au niveau des
thèses CIFRE) comme une plus grande ouverture des campus et
une attitude moins méfiante des entreprises quant au risque de
diffusion de leurs technologies ;

• enfin, les PME sont souvent sous-représentées dans les liens


avec les établissements de formation et il conviendrait de les doter
de dispositifs spécifiques.

Il apparaît donc essentiel :

•d
 ’exposer les futurs ingénieurs de l’Internet des objets, non seulement
aux télécommunications et au Big data mais aussi aux multiples
problématiques évoquées ci-dessus et aux solutions scientifiques
et techniques qui peuvent y répondre, ainsi que de renforcer l’inté-
gration de ces aspects à la culture du développement logiciel ;

•d
 e développer autour de ces problématiques des expertises poin-
tues, propices au transfert et à l’innovation, qui peuvent jouer un
rôle économique majeur dans le développement de l’Internet des
objets et sur lesquelles la France a la capacité de figurer au tout
premier plan.

Sommaire 199
B I G D ATA E T O B J E T S C O N N E C T É S
FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

 Proposition n° 12 : Former les étudiants, les salariés et les


fonctionnaires à l’Internet des objets

Pour les établissements d’enseignement supérieur et les étu-


diants, organiser un programme de mentorat à échelle nationale
en mobilisant des tuteurs pour stimuler l’intérêt des étudiants
pour les matières scientifiques et techniques, sur le modèle de
l’initiative US 2020 menée aux États-Unis.

Pour les entreprises et leurs salariés, intégrer davantage de


programmes de transformation digitale de l’entreprise dans le
catalogue des organismes de formation (OPCA) et, au sein de la
Commission des titres d’ingénieurs (CTI) et dans la formation
continue, inclure des pré-requis relatifs aux compétences numériques.

Pour la formation des fonctionnaires, rendre obligatoire une


formation aux technologies, aux infrastructures et aux usages du
numérique dans les écoles des cadres de la fonction publique
(ENA, INET, IRA, EHESP, EN3S, etc.).

Proposition n° 13 : Renforcer le partenariat entre le monde


de l’entreprise et le monde académique sur la recherche et
l’innovation

Pour encourager les échanges entre le monde académique et


celui de l’entreprise et inciter les entreprises à valoriser davantage
les compétences scientifiques et techniques, il convient de :

200 Sommaire
I V. Q U A T R E A X E S P O U R Ê T R E A C T E U R
DANS L A PROCHAINE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

• c onditionner l’obtention du crédit impôt-recherche (CIR) à


l’emploi d’un nombre minimal de docteurs ou de doctorants
au sein de l’entreprise ;

• inciter les universités à recourir à des ingénieurs et techniciens


pour encadrer des projets et travaux pratiques, afin d’illustrer
l’applicabilité des enseignements académiques ;

•d
 évelopper le mécénat de compétences dans les secteurs des
nouvelles technologies afin d’accompagner les entreprises dans
l’intégration de la recherche.

Sommaire 201
CONCLUSION

La révolution numérique ébranle nos sociétés et ne bouleverse pas


seulement la technologie, l’industrie ou l’économie mais a également
des conséquences sociétales profondes.

Face à ce mouvement, deux visions s’opposent parfois : l’une positive,


qui valorise les potentialités offertes et la puissance créatrice, l’autre
plus alarmiste, qui met en garde contre les dangers, pour l’individu
ou les entreprises, d’une utilisation malveillante et discriminante de
la donnée.

Structures techniques et structures sociales sont toujours intimement


liées et l’adoption d’un système technique entraîne souvent l’adoption
d’un système social correspondant.

Il est donc indispensable qu’en même temps que se développe


l’utilisation du Big data et des objets connectés, une réflexion soit
menée sur ses conséquences sociétales et sur la manière dont,
chacun et collectivement, nous acceptons de faire évoluer nos
sociétés.

Il serait cependant inconcevable que la France et l’Europe ne profitent


pas de l’essor du Big data et des objets connectés. Le Big data et
les objets connectés sont au cœur de l’Internet du Tout connecté qui
ouvre une nouvelle ère, numérique, dans laquelle citoyen, Etat et
entreprise doivent saisir, en confiance, toutes les opportunités éco-
nomique et sociétales.

Sommaire 203
REMERCIEMENTS 

L’Institut Montaigne remercie particulièrement les personnes sui-


vantes pour leur contribution.

Membres du groupe de travail


• Gilles Babinet, Digital champion, co-président du groupe de
travail ;
•R
 obert Vassoyan, directeur général de Cisco France, co-président
du groupe de travail ;
•A
 lbert Asséraf, directeur général Stratégie, études et marketing,
JCDecaux France, et professeur associé au CELSA – Paris Sorbonne ;
•H
 ervé Collignon, associé responsable du secteur télécom et tech-
nologie, AT Kearney ;
• Geoffrey Delcroix, chargé de projet Innovation et prospective, CNIL ;
• Frédéric Geraud de Lescazes, secrétaire général, Cisco France ;
• Stéphane Graham-Lengrand, chargé de recherche au CNRS et
chargé d’enseignement à l’École Polytechnique ;
• Julien Munch, haut fonctionnaire, co-rapporteur du groupe de
travail ;
• Julien Vincent, manager, AT Kearney, co-rapporteur du groupe de
travail.

Sommaire 205
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Personnes auditionnées

Les auditions exprimées dans le présent rapport n’engagent ni les


personnes citées, ni les institutions qu’elles représentent.
• I van Bertrand, fondateur et président du cabinet Filangrocca, ancien
vice-président Digital Enterprise pour CGI Business Consulting ;
• Jean-Luc Beylat, président du pôle de compétitivité Systematic
Paris-Region et d’Alcatel-Lucent Bells-Labs France ;
• François Blanc, directeur du programme évolution numérique des
métiers, ERDF ;
• Guillaume Blot, chef du service architecture et urbanisation,
Direction interministérielle des systèmes d’information et de com-
munication (DISIC) ;
• Frédéric Brajon, co-fondateur et directeur général du cabinet
Saegus, ancien directeur de l’activité Big Data et Data Science pour
CGI Business Consulting ;
• Luc Bretones, directeur du Technocentre d’Orange, administrateur
du think tank Renaissance numérique et vice-président de l’Institut
G9+ ;
• Christian Buchel, directeur général adjoint en charge du digital,
ERDF ;
• F lorence Chafiol-Chaumont, avocate, August & Debouzy
avocats ;
• Nicolas Colin, associé chez TheFamily ;
• Benoît Coquart, directeur stratégie et développement de Legrand ;
•D
 r Jean-Marc Coursier, directeur des relations médicales, Générale
de Santé ;

206 Sommaire
REMERCIEMENTS

• Pascal Dagras, chef du bureau des usages du numérique, Direction


générale des entreprises (DGE) ;
• Cécile Dubarry, chef du service de l’Économie numérique à la
Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’Économie,
de l’Industrie et du Numérique ;
• Anne-Laure Falkman, avocate, August & Debouzy avocats ;
• Pierre Guelman, directeur des affaires publiques et juridiques,
ERDF ;
• Jean-Daniel Guyot, fondateur de Capitaine Train ;
• Cédric Hutchings, cofondateur, Withings ;
• Romain Lacombe, ancien directeur de l’innovation et du dévelop-
pement chez Etalab ;
•D
 r Thierry Maillet, directeur général d’Ooshot, cofondateur du think
tank Image & Digital, chercheur associé à l’université d’Erasmus
(Rotterdam) ;
• Jacques Marzin, directeur de la Direction interministérielle des
systèmes d’information et de communication (DISIC) ;
• B arbara Ngouyombo, ancienne fondatrice et directrice de
Fourmisanté, responsable solutions engagement et adhésion patients
au sein du groupe Sanofi ;
• Thanh Nguyen, directrice adjointe du bureau Orange auprès des
institutions européennes à Bruxelles ;
• Jean-Yves Robin, expert de l’e-santé ;
• Fabien Terraillot, chef du bureau du logiciel, Direction générale
des entreprises (DGE) ;
• Henri Verdier, directeur d’Etalab et administrateur général des
données ;
• Véronique Weill, directrice des opérations du groupe AXA.
Sommaire 207
ANNEXES 

Annexe 1 : initiatives des organismes de standar-


disation dans l’Internet des Objets254
Organisation Principaux travaux
ISO/IEC/JTC 1 • Coordination des différentes organisations de standardisation
(Special Working Group 5)
• Spécifications des réseaux de capteurs (Special Working Group 7)
• Identification et authentification automatique des codes-barres et
puces RFID (SC31)
ITU-T • Coordination des travaux de standardisation sur les aspects
télécoms de l’IoT (Joint Coordination Activity-IoT et IoT-Global
Standards Initiative)
• Modèle de référence et définitions de l’IoT (Y.2060)
• Spécifications des couches de service M2M (basé sur l’étude des
applications eHealth)
CEN/CENELEC • Spécification des applications à la périphérie de l’Internet des
objets, en participant notamment aux projets Européens : RFID
(M/436), Smart Grids (M/490), Smart Housing, Electric Vehicles
• Identification automatique des objets (CEN/TC 225)
• Intégration des objectifs sociétaux de protection des données et de
privacy dans l’Internet des objets
ETSI • Gestion et standardisation des systèmes de communication sans
fils (TC ERM).
• Sécurisation des communications (ISG ISI)
• Gestion de l’identité pour l’accès aux réseaux et services (ISG INS)

Sources : IERC (Internet of Things European Research Cluster), Internet of Things


254 

Global Standardisation - State of Play, 2014 ; RAND, Europe’s policy options for a
dynamic and trustworthy development of the Internet of Things, 2012 ; UIT, Perspective
on IoT standardization, 2014 ; The physical web : http://google.github.io/
physical-web/

Sommaire 209
B I G D ATA E T O B J E T S C O N N E C T É S
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Organisation Principaux travaux


IEEE • Réseaux sans fil à courte distance et bas débit (IEEE802.15.4) à
l’origine de ZigBee et 6LoWPAN
• Futurs réseaux d’automatisation industrielle (Time Slotted Channel
Hopping TSCH)
• P2413 : Un projet ambitieux d’architecture pour l’Internet des
objets
IETF • Nouveau système d’adressage Internet (IPv6) et ses adaptations
pour des réseaux à faible bande passante et faibles ressources
(6lo) et pour les réseaux industriels (6TiSCH)
OASIS • Fiabilisation des échanges entre objets : protocole Message
Queuing Telemetry Transport (MQTT) et Advanced Message Queuing
Protocol (AMPQ)
• Interopérabilité des API: Cloud Application management for Plat-
forms (CAMP)
• Portabilité des applications cloud : Topology & Orchestration Speci-
fication for Cloud Applications (TOSCA)
• Découverte et gestion automatique des objets : Device Profile for
Web Services et Web Services Dynamic Discouvery
• Privacy : Privacy Management Reference Model et Privacy by
Design for Software Engineers
OGC • Localisation des capteurs
• Interfaçage et interopérabilité des capteurs et des actionneurs
(SensorThings API)
One M2M • Couche de service M2M standardisée répondant aux enjeux de
coûts et fonctionnels de l’industrie télécom et des différents
verticaux
GS1 • Identifiants uniques pour tous les objets (connectées ou non) :
codes-barres, tags RFID, système de numérotation
3GPP • 5G

210 Sommaire 210


ANNEXES

Annexe 2 : Initiatives des consortiums privés pour


des standards de l’Internet des Objets255
Nom du consortium Objet Principaux membres

The physical web Proposer un protocole de communication Google


normalisé qui permettra de connecter
n’importe quel objet à n’importe quel
smartphone indépendamment du sys-
tème d’exploitation de ce dernier

Allseen Permettre l’adoption et accélérer le Electrolux, Haier, LG,


développement et l’évolution d’un modèle Microsoft, Panasonic,
de connectivité et de communication Qualcomm, Sharp,
interopérable des objets et des Silicon Image, Sony,
applications de l’Internet des objets Technicolor, TP-Link

Open Interconnect Permettre l’interopérabilité entre les Atmel, Broadcom, Dell,


Consortium marchés verticaux et les cas d’usages Intel, Samsung, Wind
de l’Internet des objets River

Thread Group Faire émerger un protocole réseau pour Arm, Big Ass Fans,
l’Internet des Objet, notamment pour les Freescale, Nest
objets de la maison (Google), Samsung,
Silicon Labs, Yale

Apple HomeKit Proposer un modèle de connectivité pour Apple


(and Healthkit) permettre aux applications développées
sur les systèmes d’exploitation d’Apple
d’interagir avec les objets environnants

Industrial Internet Influencer le développement de stan- AT&T, Cisco Systems,


Consortium dards pour l’Internet des objets appliqué General Electric, IBM,
aux processus et systèmes industriels Intel

Sources identiques à l’annexe 1.


255 

Sommaire 211
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Nom du consortium Objet Principaux membres

Confluens Permettre l’interopérabilité de la Co-entreprise entre


domotique : développement d’une couche CDVI, Delta Dore, Hager,
logicielle, qui permettra aux différents Legrand, Schneider
équipements dans la maison de Electric et Somfy
dialoguer entre eux et ce quel que soient
les protocoles filaires et sans fil qu’ils
utilisent pour communiquer

212 Sommaire
LES PUBLICATIONS
DE L’INSTITUT MONTAIGNE

•U  niversité : pour une nouvelle ambition (avril 2015)


• Rallumer la télévision : 10 propositions pour faire rayonner
l’audiovisuel français (février 2015)
• Marché du travail : la grande fracture (février 2015)
• Concilier efficacité économique et démocratie : l’exemple
mutualiste (décembre 2014)
• Résidences Seniors : une alternative à développer
(décembre 2014)
• Business schools : rester des champions dans la compétition
internationale (novembre 2014)
• Prévention des maladies psychiatriques : pour en finir
avec le retard français (octobre 2014)
• Temps de travail : mettre fin aux blocages (octobre 2014)
• Réforme de la formation professionnelle : entre avancées,
occasions manquées et pari financier (septembre 2014)
• Dix ans de politiques de diversité : quel bilan ? (septembre 2014)
• Et la confiance, bordel ? (août 2014)
• Gaz de schiste : comment avancer (juillet 2014)
• Pour une véritable politique publique du renseignement
(juillet 2014)
• Emploi : le temps des (vraies) réformes ? Propositions pour la
conférence sociale de juillet 2014 (juillet 2014)
• Rester le leader mondial du tourisme, un enjeu vital pour la
France (juin 2014)
• Pour une fonction publique audacieuse et « Business friendly »
(avril 2014)
• Passion française. Les voix des cités (avril 2014)

Sommaire 213
B I G D ATA E T O B J E T S C O N N E C T É S
FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

• Alléger le coût du travail pour augmenter l’emploi : les clés de


la réussite (mars 2014)
• 1 151 milliards d’euros de dépenses publiques :
quels résultats ? (février 2014)
• Une nouvelle ambition pour l’apprentissage : dix propositions
concrètes (janvier 2014)
• Comment renforcer l’Europe politique (janvier 2014)
• Améliorer l’équité et l’efficacité de l’assurance chômage
(décembre 2013)
• Santé : faire le pari de l’innovation (décembre 2013)
• Afrique-France : mettre en œuvre le co-développement
Contribution au XXVIe sommet Afrique-France (décembre 2013)
• Chômage : inverser la courbe (octobre 2013)
• Mettre la fiscalité au service de la croissance (septembre 2013)
• Vive le long terme ! Les entreprises familiales au service de la
croissance et de l’emploi (septembre 2013)
• Habitat : pour une transition énergétique ambitieuse
(septembre 2013)
• Commerce extérieur : refuser le déclin
Propositions pour renforcer notre présence dans les échanges
internationaux (juillet 2013)
• Pour des logements sobres en consommation d’énergie
(juillet 2013)
• 10 propositions pour refonder le patronat (juin 2013)
• Accès aux soins : en finir avec la fracture territoriale (mai 2013)
• Nouvelle réglementation européenne des agences de notation :
quels bénéfices attendre ? (avril 2013)
• Remettre la formation professionnelle au service de l’emploi et
de la compétitivité (mars 2013)
• Faire vivre la promesse laïque (mars 2013)
• Pour un « New Deal » numérique (février 2013)
• Intérêt général : que peut l’entreprise ? (janvier 2013)

214 Sommaire
L E S P U B L I C A T I O N S D E L’ I N S T I T U T M O N T A I G N E

•R  edonner sens et efficacité à la dépense publique


15 propositions pour 60 milliards d’économies
(décembre 2012)
• Les juges et l’économie : une défiance française ?
(décembre 2012)
• Restaurer la compétitivité de l’économie française
(novembre 2012)
• Faire de la transition énergétique un levier de compétitivité
(novembre 2012)
• Réformer la mise en examen
Un impératif pour renforcer l’État de droit (novembre 2012)
• Transport de voyageurs : comment réformer un modèle à bout
de souffle ? (novembre 2012)
• Comment concilier régulation financière et croissance :
20 propositions (novembre 2012)
• Taxe professionnelle et finances locales : premier pas vers une
réforme globale ? (septembre 2012)
• Remettre la notation financière à sa juste place (juillet 2012)
• Réformer par temps de crise (mai 2012)
• Insatisfaction au travail : sortir de l’exception française
(avril 2012)
• Vademecum 2007 – 2012 : Objectif Croissance (mars 2012)
• Financement des entreprises : propositions pour la présiden-
tielle (mars 2012)
• Une fiscalité au service de la « social compétitivité » (mars 2012)
• La France au miroir de l’Italie (février 2012)
• Pour des réseaux électriques intelligents (février 2012)
• Un CDI pour tous (novembre 2011)
• Repenser la politique familiale (octobre 2011)
• Formation professionnelle : pour en finir avec les réformes
inabouties (octobre 2011)

Sommaire 215
B I G D ATA E T O B J E T S C O N N E C T É S
FA I R E D E L A F R A N C E U N C H A M P I O N D E L A R É V O LU T I O N N U M É R I Q U E

• Banlieue de la République (septembre 2011)


• De la naissance à la croissance : comment développer nos PME
(juin 2011)
• Reconstruire le dialogue social (juin 2011)
• Adapter la formation des ingénieurs à la mondialisation
(février 2011)
• « Vous avez le droit de garder le silence… »
Comment réformer la garde à vue (décembre 2010)
• Gone for Good? Partis pour de bon ?
Les expatriés de l’enseignement supérieur français aux
États-Unis (novembre 2010)
• 15 propositions pour l’emploi des jeunes et des seniors
(septembre 2010)
• Afrique - France. Réinventer le co-développement (juin 2010)
• Vaincre l’échec à l’école primaire (avril 2010)
• Pour un Eurobond. Une stratégie coordonnée pour sortir de la
crise (février 2010)
• Réforme des retraites : vers un big-bang ? (mai 2009)
• Mesurer la qualité des soins (février 2009)
• Ouvrir la politique à la diversité (janvier 2009)
• Engager le citoyen dans la vie associative (novembre 2008)
• Comment rendre la prison (enfin) utile (septembre 2008)
• Infrastructures de transport : lesquelles bâtir, comment
les choisir ? (juillet 2008)
• HLM, parc privé
Deux pistes pour que tous aient un toit (juin 2008)
• Comment communiquer la réforme (mai 2008)
• Après le Japon, la France…
Faire du vieillissement un moteur de croissance (décembre 2007)
• Au nom de l’Islam…
Quel dialogue avec les minorités musulmanes en Europe ?
(septembre 2007)

216 Sommaire
L E S P U B L I C A T I O N S D E L’ I N S T I T U T M O N T A I G N E

•L  ’exemple inattendu des Vets


Comment ressusciter un système public de santé (juin 2007)
• Vademecum 2007-2012
Moderniser la France (mai 2007)
• Après Erasmus, Amicus
Pour un service civique universel européen (avril 2007)
• Quelle politique de l’énergie pour l’Union européenne ?
(mars 2007)
• Sortir de l’immobilité sociale à la française (novembre 2006)
• Avoir des leaders dans la compétition universitaire mondiale
(octobre 2006)
• Comment sauver la presse quotidienne d’information
(août 2006)
• Pourquoi nos PME ne grandissent pas (juillet 2006)
• Mondialisation : réconcilier la France avec la compétitivité
(juin 2006)
• TVA, CSG, IR, cotisations…
Comment financer la protection sociale (mai 2006)
• Pauvreté, exclusion : ce que peut faire l’entreprise (février 2006)
• Ouvrir les grandes écoles à la diversité (janvier 2006)
• Immobilier de l’État : quoi vendre, pourquoi, comment
(décembre 2005)
• 15 pistes (parmi d’autres…) pour moderniser la sphère
publique (novembre 2005)
• Ambition pour l’agriculture, libertés pour les agriculteurs
(juillet 2005)
• Hôpital : le modèle invisible (juin 2005)
• Un Contrôleur général pour les Finances publiques (février 2005)
• Les oubliés de l’égalité des chances
(janvier 2004 - Réédition septembre 2005)
Pour les publications antérieures se référer à notre site internet :
www.institutmontaigne.org
Sommaire 217
3i France
Adminext
Aegis Media France
Affaires Publiques Consultants
Air France - KLM
Allen&Overy
Allianz
Areva
Association Passerelle
AT Kearney
August & Debouzy Avocats
AXA
Baker & McKenzie
BearingPoint
BNI France et Belgique
BNP Paribas
Bolloré
Bouygues
BPCE
Caisse des Dépôts
Cap Gemini
Carbonnier Lamaze & Rasle
Carrefour
CGI France
Cisco
CNP Assurances
La Compagnie financière Edmond de Rothschild
Crédit Agricole
Cremonini
Davis Polk & Wardwell
De Pardieu Brocas Maffei
Development Institute International
EADS
EDF
Egon Zehnder International
Eurazeo
Eurostar
France Telecom
GDF SUEZ
Générale de Santé
Groupama
Hamer & Cie
Henner
HSBC France
IBM
International SOS
ISRP
Jalma
Jeantet Associés
KPMG SA
Kurt Salmon
La Banque Postale
Lazard Frères
Linedata Services
LIR
LVMH
M6

So utienne nt l ’In stitut Mo n ta i g n e


MACSF
Malakoff Médéric
Mazars
McKinsey & Company
Média Participations
Mercer
Michel Tudel & Associés
Microsoft France
Ngo Cohen Amir-Aslani & Associés
OBEA
Ondra Partners
PAI Partners
Pierre & Vacances
PriceWaterhouseCoopers
Radiall
Raise
Rallye - Casino
Randstad
RATP
RBS France
Redex
Réseau Ferré de France
REXEL
Ricol, Lasteyrie & Associés
Roland Berger Strategy Consultants
Rothschild & Cie
RTE
Sanofi aventis
Santéclair
Schneider Electric Industries SA
Servier Monde
SFR
Sia Partners
Siaci Saint Honoré
SNCF
Sodexo
Sorin Group
Stallergènes
Suez Environnement
Tecnet Participations
The Boston Consulting Group
Tilder
Total
Vallourec
Vedici
Veolia
Vinci
Vivendi
Voyageurs du monde
Wendel
WordAppeal

S o u tiennent l ’In stitut Mo n ta i g n e


Imprimé en France
Dépôt légal : avril 2015
ISSN : 1771-6756
Achevé d’imprimer en avril 2015
COMITÉ DIRECTEUR

Claude Bébéar  Président


Henri Lachmann  Vice-président et trésorier

Emmanuelle Barbara, Managing partner, August & Debouzy Avocats


Nicolas Baverez  avocat Gibson Dunn & Crutcher
Jacques Bentz  Président, Tecnet Participations
Mireille Faugère  Conseiller Maître, Cour des comptes
Christian Forestier, Ancien recteur
Marwan Lahoud, Directeur général délégué, Airbus Group
Natalie Rastoin  Directrice générale, Ogilvy France
Jean-Paul Tran Thiet  Avocat associé, White & Case
Arnaud Vaissié  PDG, Président-directeur général, International SOS
Philippe Wahl  Président-directeur général, Groupe La Poste
Lionel Zinsou  Président, PAI partners
PRÉSIDENT D’HONNEUR
Bernard de La Rochefoucauld  Président, Les Parcs et Jardins de France

CONSEIL D’ORIENTATION

PRÉSIDENT
Ezra Suleiman  Professeur, Princeton University
Benoit d’Angelin, président d’Ondra Partners
Frank Bournois  Co-Directeur du CIFFOP
Pierre Cahuc  Professeur d’économie, École Polytechnique
Loraine Donnedieu de Vabres  Avocate, associée gérante, JeantetAssociés
Pierre Godé  Vice-président, Groupe LVMH
Michel Godet Professeur, Cnam
Françoise Holder, Administrateur, Groupe Holder
Philippe Josse  Conseiller d’État
Marianne Laigneau  Directrice des ressources humaines, EDF
Sophie Pedder  Correspondante à Paris, The Economist
Hélène Rey  Professeur d’économie, London Business School
Laurent Bigorgne  Directeur
IL N ’ E ST D É SIR PLUS N AT UREL QUE L E D É SIR D E C O NN AIS S A N C E

Big data et objets connectés


Faire de la France un champion
de la révolution numérique
Le Big data et les objets connectés sont porteurs d’une révolution
qui va impacter tous les pans de l’économie et de la société.
Ils représentent un potentiel de création de valeur estimé à
138 milliards d’euros en 2025 et interrogent l’ensemble des acteurs
économiques sur leur capacité à se transformer. Leur développement
suscite également de nombreuses interrogations liées à la sécurité
des données, à la protection des droits des individus mais aussi à
l’émergence de modèles économiques innovants.

La France dispose de nombreux atouts pour devenir un champion


de la révolution numérique. Ce rapport identifie quatre axes pour
coordonner les efforts conjoints de la puissance publique et des
acteurs privés : diffuser l’excellence technologique dans le tissu
économique, garantir la confiance entre les acteurs, renforcer la
gouvernance du numérique et l’influence de France, et enfin répondre
aux nouveaux besoins de compétences.
Institut Montaigne 10 
59, rue La Boétie - 75008 Paris ISSN 1771- 6764
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