Principes de La Philosophie

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Principes de la philosophie :

première partie / Descartes ;


publiée avec une préface et
une table de Descartes, une
[...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Descartes, René (1596-1650). Auteur du texte. Principes de la
philosophie : première partie / Descartes ; publiée avec une
préface et une table de Descartes, une introduction et des notes,
par T.-V. Charpentier,.... 1904.

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PKINGIPES m LA PHILOSOPHIEZ

PKHMIÈIIB PARTIE
DU MKMK AUTKUH

Descartes : Discours de ta méthode', première méditation.


Nouvelle édition classique, avec une introduction et des
notes par M. Charpentier. Un vol. petit in-10, cart. 1 fr. 80
Condillac : Traité des sensations, livre I. Nouvelle édition,
publiée, avec une introduction et des notes, par M. Char-
pentier. Un vol. petit in-tO, cartonné........... 1 fr. B0

262-Oi. — Coulommiers. Imp. PAUL imODAllD. — 4-01.


DESCARTES/;

PRINCIPES DE U PlilLOllI
A.PRKMlftnB PARTIE

OUBLIÉE

AVEC UNE I'UÈKACE ET UNE TAULE UB UESOAIITES


UNE INTllOUUOTION ET l»ES NOTES

Par T.-V. CHARPENTIER


Ancien professeur île iihilosonhio au lycée Louia-lc-Orond

.PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C,e
19, BOULEVAIU) SAINT-GERMAIN, 19

1904
INTRODUCTION

Do tous les grands systèmes quo la pliilosopluo mo- 1

derno a produits, lo Cartésianismo est, à la fois, lo plus


ancien et lo plus important. Au dix-sopliôino siôclo, son
influenco est absolument dominante; au dix-huiliômo,cllo
semble diminuer un peu; de nos jours, elle prend uuo
forco nouvelle. Un des observateurs les plus pénétrants
des choses do notre temps, Al. Sainle-lleuvo, a écrit :
< Fqntencllo a fort bien dit, dans sa yGiiio Digression
sur les Anciens et les Modernes : Ce qu'il y a do principal
dans la philosophie et ce qui de là so répand sur tout, je
veux dire la maniôro de raisonner, s'est singulièrement
perfectionné dans ce siècle. Avant AI. Descartes, on rai-
sonnait plus commodément; les siècles passés sont bioif
heureux do n'avoir pas eu cet homme-là. C'jst lui, à cq
qu'il me semble, qui a amené cette nouvelle manière dV
raisonner, beaucoup plus estimable que sa philosophie
môme, dont une bonne partie se trouve fausse ou incer-
taine, selon les propres règles qu'il nous a apprises. jî|
M. Sainte-Beuve ajoute : « Descartes a contribué plus quoi
personne à faire de l'esprit humain un instrument depré*~
cision, et cela mène loin 1. » ^~^£
D'autre part, le 15 mars 1884, M. Faye termitiainiwf

i.Portftoyal, t. V,p. *9t


PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE.
cbnférenco à la Sorbonno sur la Formation de VUnivcriT
et du Système solaire, en proposant d'ériger au milieu do
la cour de la nouvelle Sorbonno une statue à René Des-'
cartes, le réformateur dé la philosophie, l'inspirateur de
;/« science moderne. Rien ne serait plus facile que do mul-
tiplier les autorités do co genre. Nous pouvons, dès A pré-
sent, tenir pour certain que, sans une connaissance appro-
fondie du Cartésianisme, le développement delà philosophie
moderne demeure tout à fait inintelligible
Descartes nous a laissé trois expositions de sa doctrine :
je Discours de la méthode, 1637; les méditations méta-
physiques, 16H; les Principes de la philosophie, 1044,
Chacun de ces trois ouvrages offre un intérêt particulier; .
les Méditâtions présentent, avec les développements les
plus étendus, avec les discussions les plur approfondies,
lo système entier de la métaphysique cartésienne; lo Dis-
cours de la méthode est, do tous les ouvrages do Des-
cartes, celui que nous goûtons le plus aujourd'hui ; nous y
trouvons, av?c un merveilleux résumé de toute la philoso"
phie cartésienne, un tableau saisissant qui nous retrace
l'histoire d'un des génies les plus extraordinaires qui aient
jamais existé; les Principes ont un inappréciable avan-
tage : ils contiennent l'exposition la plus complète et la
plus didactique de la philosophie cartésienne prise dans
son ensemble. Au dix-septième siècle, ce sont les Principes
qui ont le plus piqué la curiosité du public. Descartes est
moins admiré commo réformateur do la métaphysique,
commo inventeur d'une mathématique nouvelle, que comme
,

auteur d'un nouveau système du inonde. On trouve de co


fait dès preuves aussi nombreuses, aussi décisives qu'on
peut le désirer, Par exemple, entre M"16 do Sévigné et
M*"dc Grignan, il est bien plus souvent question des tour'
biUons et de la matière subtile quo du cogito, ergo surn.
Quand Molière veut amuser aux dépens des GarlJsIoujpjj|
dos Cartésiennes, il fait dire à Trissotiii ^31
: --s
Jo viens vous annoncer une grando i. .to; -v^âl
Nous l'avons, en donnant, madamo, écluiypé bolto,^*â
Un inondo près douons a passé tout du long, jm
Et chu tout au travers do nolro touibillon. ~
rvfl
_
Et s'il eût en chemin rcnco'Urô nolro terre, ~"^§
-
Kilo eût été biiséo en morceaux commo verre '» '~~im

Ainsi, i'étudo des Principes présente un intérêt nçnforaj


lemcnl philosophique, mais encoro historique et lilfèraj^J
Toutefois, nous n'avons ici à nous occuper que do 'ô £|||§
miôre partie do co grand ouvrage, Nous indiqucro%~|J|j|
tard, comment nous essayerons de donner uno idéo âUX^ffl
aux jeunes gens auxquels cette édition est destinée. Ilnô^H
suffit, pour le moment, d'indiquer comment nousLdlyjffB
rons cette Introduction, qui a pour unique objet dereiiuS
plus intelligible la doctrine contenue dans l'ouvrage^ g®
Descartes. La première partie est une simple no|]cS
biographique; la seconde, un résumé très succinctd|ffl
philosophie cartésienne; la troisième, un ensemble doQ|l|
seignemenls historiques et philosophiques indispensable
sur le livre même des Principes. Z
"1|

1. Les Femmes savantes, acto IV, se. m. "-Â?


VIE DE DËSGÂRTES

Suivant le but que l'on poursuit, on divise la vie do Des-


cartes de différentes manières. Ceux qui s'attachent sur-
tout aux événements extérieurs la distribuent en trois pé-
riodes, la jeunesse, les voyages, lo séjour eti Hollande.
Nous, qui nous proposons surtout d'étudier lapenséo du
maître, nous procéderons autrement. Dans une première
période nous placerons tous les événements qui précèdent
la crise décisive de 1619; la seconda période renfer-
mera tous les faits qui s'accomplissent pendant que la
philosophie cartésienne se constitue dans l'esprit de Des*
cartes (1619*1629); à la troisième, se rapporte la com-
position de tous les ouvrages qui nous ont transmis celto
philosophie.
I
Lo 31 mars 1596 René Pescartcs naquit à La Haye, en
Touraine. Sa jeunesse n'eut rien de particulier. Il fit ses
éludes au collège des Jésuites de La Flèche, une des meil-
leures et des plus célèbres écoles du temps. Il en sortit à
seize ans, aussi instruit qu'il pouvait l'être. Son père estima
qu'étant né gentilhomme et riche, il ne pouvait être que de
rote ou d'épéè, mais qu'avant de faire un choix il devait
voir le monde, la cour et la guerre.
Quant, à lui, il avait reçu de la nature deux instincts
puissants, le goût du mouvement, des aventures, des
spectacles extraordinaires, et te goût de la méditation;
avec cela, une passion indomptable, colle de la vérité, mais
de la vérité certaine, de la vérité supérieure à toute dis*
cussion. Son caractère explique les bizarreries de sa con-
duite. Si l'on ne veut pas tout confondre, il faut examiner
d'abord la suite de ses actions, puis chercher à compreifpa^
le développement de si pensée. - - '"
*~3s8
En 1613, à dix-sept ans, il arrive à Paris. Il se iïïWM §
le monde recherche la èô^ I
dans et avec eniprossementt
pagnio des gens do mérite. Brusquement il dbplrjcd|||j i
vit enfermé dans une solitude qu'il s'est faite au faubôtjfj 1
Saint-Germain. Il part ensuite pour la Hollande,où irsllj
comme volontaire dans les troupes do Maurice de-NassajS
Il y reste à peine deux années. z~ J^»
11 repart, traverse une partie
«.
do l'Allemagne, et assjsigfj|||
passant à Francfort, au couronnement de l'empereur Fê^^g
nand H. En 1619, il est engagé dans les troupes du dûo;dj|
Haviôre. C'est pendant l'hiver de cette année que» rêdulM
l'inaction par la rigueur du froid, il s'enferma daïïsf||l
yoêle. Alors se produisit en lui la crise morale dont Q|iCT
avons parlé, celte crise qui devait fixer sa vie et ûllg
tant d'influence sur les destinées de la philosophie rnpdcf^g
Descartes était sorti du collège instruit et chrélie^^S
reste, l'esprit travaillé d'une multitude de doutes, Une $0^uH
élude lui avait donhé pleine satisfaction, à cause de lOéjlj
titude, qu'elle comporte, l'étude des mathématiques.-MW$
les années qui suivirent, ces germes se dévcloppèfehtrSfl
peut dire en un mot que Descaries devint peu à peyl6ë||j
tique et grand mathématicien. 11 est probable que, coittiK
tous les honnêtes gens de son temps, il lut beaucoup Alofe-
taigne, mais il ne put jamais parvenir à trouver que lel
scepticisme fût un doux et mol oreiller pour une tête bjelfi
faite. Il eut des moments de découragement, et mômë/dpp
désespoir. Les mathématiques le soutinrent en présentant
à son esprit une suite infinie de vérités inébranlables, dans
là connaissance desquelles il avançait sans cesse avec une;
aisance et une rapidité merveilleux. Il en élail là, quand;
il entra dans son poêle à la fin de 1619. * ~ y -<-
fr f&TftôfiUflftOS. '
Son àmi), échauffée par imo méditation Inlonso, s'élovâ
lu dernier degré do l'exaltation, sans rien faire perdro à
son esprit do son admirable lucidité. Il s'attacha d'abord au
doute. 11 aperçut clairement que le doute se détruit lui-
même, puisque la pensée qui doute est sûre do son existence
dans lo temps mémo qu'elle doulo, de sorlo quo l'affirma-
tion/é pense, donc je suis est absolument hors des at-
teintes du scepticisme. 11 vit ensuite que la méthode, qui
assure aux mathématiques une certitude incontestée, pou-
vait étro portée à un degré de généralité qui permettrait
de l'appliquer partout^ sans lui rien faire perdre dp ses
avantages. 11 fut dès lors convaincu qu'à la différence du
philosophe ancien, il était en possession non seulement du
lpvier, mais du point d'appui qui permettront de soulever
lo monde. De ce moment sa vie fut fixée. Une nuit, il vit
en songe un volume d'Ausone ouvert sur sa table, et il y
lut ces quelques mots : Quod vitoe sectabor iter. La rputo
était ouverte devant lui. Nous savons où elle lo devait con-
duire.
H serait fort étrange que, chez un croyant tel quo Dcs-
carlcs, une crise comme celle-ci eût été complètement, desti»
tuée dp tout caractère religieux. Aussi savons-nous qu'il n'en
fut pas de la sorte. Une des causes qui plus tard conduisi-
rent Descartes en Italie fut le désir d'aller en pèlerinage à
Notre»Dame de Lorelle, pour accomplir un voeu qu'il avait
fait dans les jours solennels do sa vio dont nous nous occu-
pons maintenant. Toutefois il importe de no rien exagérer.
Sans doute on ne peut se défendro de rapprocher celle
nuit du 10 novembre 1619, nuit décisive passée par Descaries
dans son poêle de Bavière, à la nuit du 23 novembre 1654
dans laquelle la vio morale de Pascal se trouva transformée,
et dont la fameuso amulette nous a conservé le souvenir,
Mais les résultats furent bien différents! Après s'être écrié:
Jésus-Christ! Jésus-Christ Pascal conclut en
1 »
dj|^MH
«
c Renonciation lotato et doueo. Soumission totaleÇll!|||H
Christ et à mon directeur. » Doscartes n'avait pas à F^fflBB
quérir la foi perduo ou du moins éclipsée, pùlsqué^^^H
doutes n'avaient jamais atteint la foi. Ce quUOTdUfègfflj^H
quis, c'était la confiancodans la raison, et cette c^fia)]cjp|jH
devait plus l'abandonner jamais. " .-S'jSf^

Rien cependant n'est changé dans la vie extérl4Ûl$ju|H


Descartes. Pour sa vie intérieure même, on.ne j£Jj^n|||^B
dire que ses travaux aient changé d'objet. Seuleïnont^^^JH
fondement sûr pour ses spéculations plillosôplif^^^Hj
un
avec une méthode éprouvée, on peut dire qu'ilft ^|^JH
Dès l'année suivante (1620) il' reprend ses
voyafe^SB
1621 il est on Hongrie, guerroyant sous les ordres âjCç^l^BH
de Bucquoy, qu'il abandonne tout aussi vite que loJtf^^Sp
Bavière. Il reprend dès lors sa liberté complété, M^STOHM
simplement. Il traverse la Moravie et la Siléslei^IsjlgM^M
côtes de la mer Baltique, le Holstein, les côtes de lad^^M
d'Allemagne, et rentre en Hollande par la Frise QriflîfilHlH
A La Haye, il se lie avec l'Êleclrice palatine; à Bruxjy]fôÇllM|
voit la cour de l'infante Isabelle, qui l'arrête À pelpfe£1l *4B
bientôt, par Rouen, il rentre à Rennes dans sa famille'. -J- "^ffl
Il était parti en 1613. Ce premier voyage avait doM^é m
environ sept ans. Nous savons ce qu'il en avait rappôjiïéiîj « m
est probable qu'il fit peu do confidences, Ses projets^* M
losophiques toutefois n'avaient rien d'absolument incôm» .jfj
patiblo avec un établissement honorable. Aussi ne fit-îj ail* J
cunè objection définitive quand ses parents et ses amis ]o *f|
pressèrent de se marier, de prendre une profession, ùV&o ,|
'\$y "V *
~
INTROmiÔTlONr ~~ "- - -:-
- fixer, en un mot. S'il fut arrêté, ce fut par un sentiment
assez ombrageux d'indépendance. 11 remit à plus tard sa dé-
cision.
En 1623, nous le trouvons à Paris. Cette mémo année il
part pour l'Italie. Il parcourt les Grisons, la Valteline, Ins-
pruck; Venise, où il assiste au marlago du dogo avec
l'Adriatique ; Rome, où il se trouve aux fêles du Jubilé, où il
selio avec le cardinal Barberini; Lorette, où il accomplit lo
voeu dont nous avons parlé; ta Toscane, lo Piémont. 11
quilto enfin l'Italie, sans avoir cherché à voir Galilée. En
revenant, il assiste au siège de Gavt attaquée par le conné-
table de Lesdiguières. En 1625, il est de retour à Rennes
dans sa famille.
I) y reste bien peu do temps, car, l'année suivante, il est à
Paris, Deux ans plus tard, on 1628, il est, sous los ordres
du cardinal de Richelieu, au siège de la Rochelle. Pendant
cet assez long séjour en France, il avait formé divers pro-
jets, examiné divers établissements, et enfin il avait pris
son parti de n'être qu'un philosophe. A la fin de mars 1629,
il part pour la Hollande. Il devait y demeurer vingt ans, et
y composer tous ses grands ouvrages.
On est assez embarrassé pour indiquer au juste le dêve-
lippement de la pensée de Descartes pendant la période
qui nous occupe. Ce qui nous reste de la correspondance
commence en 1629. Les indications de Baillet 1 sont infini-
ment précieuses ; mais ce sont des indications qu'il faudrait
pouvoir contrôler, et les éléments d'un contrôle efficace
font défaut. Le Discours de la méthode nous fournit heu-
reusement des renseignements, trop peu détaillés sans
doute, mais du moins très précis et parfaitement cer-
tains *

:
i. Dant> Vie de Monsieur Descartet, 1691, i vol. tn-K
Je continuais de m'exercer la méthodo jom':i3
c en gup
tais prescrite; car, outre que j'avais soin do cohduTreVgétt^
ralcmcnt toutes mes pensées selon ses règles, je\ mo^cS
servais de temps en temps quelques heures,quo j'cmpj|i^a!8
particulièrement à la pratiquer en des difficultés dp Malli|g
maliques,oumémo aussi en quelques autres, que je ppuyjujlj
rendre quasi semblables à celles des Mathématiques, cft léfi
détachant de tous les principes des autres sciences que jfjj
ne trouvais pas assez fermes, comme vous verrez: qj|Q
j'ai fait en plusieurs qui sont expliquées en ce volumo.:ffi
ainsi, sans vivre d'autre façon, en apparence, quecepqijjp
n'ayant aucun emploi qu'à passer une vie douce et irt»|rf
cente, s'étudient à séparer- les plaisirs des vices, et qu]||s
pour jouir de leur loisir sans s'ennuyer, usent de tôi}3sl|p
divertissements qui sont honnêtes, je ne laissais^ pasjJM
poursuivre en mon dessein, et do profiter en là corma^||
sance de la vérité, peut-être plus que si je n'eusse fait quj||
lire des livres ou fréquenter des gens de lettres. - {"J|
--
c Toutefois ces neuf années s'écoulèrent avant quej'eUsi|tj
encore pris aucun parti touchant les difficultés TJUJII^JÂ
coutume d'être disputées entre les doctes, ni cômmenèéf^
chercher les fondements d'aucune Philosophie plus cerïaluô^
que la vulgaire. Et l'exemple do plusieurs excellents;esprits^!
qui en ayant eu ci-devant le dessein me semblaient;^
avoir pas réussi, m'y faisait imaginer tant de difficultés quèS^
je n'eusse peut»ôlre pas encore sitôt osé l'entreprendre," sr
je n'eusse vu que quelques-uns faisaient déjà courre." le
bruit que j'en étais venu à bout Je pensai qu'il faÏÏaif'
que je lâchasse par tous moyens à me rendre digne delà"
réputation qu'on me donnait ; et il y a justement huit aïiC
que ce désir mo fit résoudre à m'éloigner de lous les lieux
où je pouvais avoir des connaissances, et à me retirer lcf,r
en un pays où la longue durée de la guerre a fait établir dé
ÏO ÏNTfiODOGTlÔNé

tels ordres, que les armées qu'on y entretient ne semblent


servir qu'à faire qu'on y jouisse des fruits de la paix avec
d'autant plus de sûreté, et où, parmi la foulo d'un grand
peuple fort actif et plus soigneux de ses propres affaires
quo de celles d'autrui, sans manquer d'aucune des commo*
dites qui sont dans les villes les plus fréquentées, j'ai pu
vivre aussi solitaire et retiré que dans les déserts les plus
écartés'. »
De ces paroles do Descartes on serait tenté de conclure
qu'à partir de 1619 il n'a fait autre chose qu'employer sa
méthode à l'étude de questions particulières, et qu'en 1629
seulement il a posé les fondements de sa métaphysique.
Mais comment croire
quo, sceptique et presque désespéré
avant 1619, il n'ait pas cherché à se débarrasser de ses
doutes en faisant usage de la méthode merveilleuse et vrai*
ment infaillible qu'il croyait avoir trouvée. 11 faut avoir re-
cours à une autre interprétation. Il est probable que, de
1619 à 1629, Descartes a singulièrement augmenté ses con-
naissances mathématiques; que, dans le même temps, il a
rassemblé bien des expériences et constitué son système de
physique; que, dans le même temps encore, son système
de philosophie s'est peu à peu développé dans son esprit.
Ce système, sans doute, n'était pas encore, en 1629, arrêté
dans toutes ses parties; mais il est impossible dé supposer
que les traits principaux n'en eussent pas dès lors été
fixés.
Maintenant devons-nous croire que quelque événement
particulier ait définitivement fait cesser les irrésolutions
de Descartes et pour ainsi dire précipité son départ? Baillet
raconte qu'un jour, à son retour du siège de la Rochelle,
notre philosophe assistait à une sorte de conférence philo*

1. Discours de ta méthode, 3« partie, à là fin.


: " :"": ^TROÔtfOîTDN. WÊ
*' «

sophiquô chez le nonco du pape, M. de Bagne. Il dut aV|


,
SB
^ fi»
monter à son tour. Il le fit avec une telle supériorité!
la docte assemblée fut saisie d'admiration, Lo cardirtalit |1B
Hérulle, celui que Bossuct, dans l'oraison funèbre
d^IlË^Sj
ricltode Franco, appelle « lo grand Pierre do BêrulltiJ>)j||B
pcrfcctîônnomê|||B
fit un cas do conscience do travailler au
et à la publication do sa philosophie. Descartes a toujourSi
genti)||3
eu pour los faiseurs de livres un vrai mépris de foiluUËH
homme. C'est peut-être à cette circonstance toute
que nous devons la composition de ses ouvrages.
V^lB

Avant 1629, Descartes n'est pas un écrivain. Sa


Vie/eS\3
vraiment double le monde, c'est gentilhoniniêq^^
pour
: un
loisir ; du reste, un cavalier parfait, commo aurait dft;S
Corneille, son contemporain; au fond, c'est un
mslhô^S
maticien, non par profession, mais par génie naturel él M
M
par goût, comme le furent plus tard Pascal, Fermltlel *
le marquis de L'Hôpital; avant tout, c'est un philosophé, 3
Après 1629, il devient un écrivain, et dôslôrs, les dêjfà 1
vies dont nous parlons se trouvent un peu mêlées. Corn»
1
mençons par donner quelques détails sur son séjour en -ç
Hollande. };
On a dit souvent, et nous avons dit nous-môme, qu'en 1629
il se fixa dans ce pays. Le fait est vrai, mais d'une vérité -
purement relative. A partir de 1629, il ne quitte plus guère
la Hollande, et pourtant nous avons encore à signaler trois
voyages qui se rapportent à celte époque : en France, en
Angleterre, en Danemark et dans la basse Allemagne. Alors
même qu'il ne sort pas do la Hollande, notre philosopheiîe
refuso jamais de donner satisfaction à son humeur voya*
gcuse. Rarement il passe uno année entière dans le mémo
tV " INTRODUCTION; ~ "" =
'" :-,.
lieu. Parfois il établit sa résidence dans quelqup grande
ville, cl prend plaisir à s'isoler au milieu d'une foule im-
mense et affairée; plus souvent il choisit une habitation
coinmodo et presquo somptueuse dans un site ravissant, à
quelque distance d'une ville capable de lui procurer toutes
les ressources nécessaires à ses besoins et à ses études,
^'ordinaire, il laissait ignorer à ses amis do Franco le lieu
de sa retraite, On communiquait avec lui par l'intermé-
diaire du P. Mersenne, son condisciple de La Flèche et le
,
plus cher do ses amis. Nous espérons qu'on nous saura gré
do donner ici quelques détails précis sur sa personne et
sur son genre do vie. Ces détails se trouvent épars
dans la biographie de Baïllct. Nous empruntons l'excellent
résumé qu'en a fait M. Adolphe Garnier dans son édi-
tion aujourd'hui épuisée des oeuvres philosophiques de i
Descaries.
11 était d'une taille au-dessous de la moyenne. Sa tête

était fort grosse, son front largo et avancé, ses cheveux noirs
et rabattus jusqu'aux sourcils. A quarante-trois ans, il.les
remplaça par une perruque, modelée sur la forme de ses
cheveux, et, regardant celte substitution comme favorable
à sa santé, il pressa son ami Picot de suivre son exemple.
Ses yeux étaient très écartés ; son nez saillant et large,
mais allongé; sa bouche grande, sa lèvre inférieure dépas-
sant un peu celle du dessus; la coupe du visage était assez
ovale; son teint avait été pâle dans l'enfance, un peu cra-
moisi dans, la jeunesse, et devint olivâtre dans l'âge mûr. Il
avait à la joue un petit bulbe qui s'écorchait de temps
en temps et renaissait toujours. La figure exprimait la mé-
ditation et la sévérité. Ceux qui ne se contenteraient pas de
ces détails peuvent aller voir au Louvre les deux portraits
qui nous restent de lui. Le premier est de Sébastien Bour- i
don, de grandeur naturelle, Descartes est vu presquo de
' ' -'v *V~ rKTRofiuÔTiôK; ---r:r"^!^H
face, la lélo nue; il est enveloppé d'un manteau nof^^M
main droite posée sur une ospèce d'appui en
piérrè,,etl^^8
nant do la gauche son chapeau. Ce portrait ost assurémprtj|3
intéressant à étudier; mais il est un peu académlquô^'ê^M
semble manquer de naïveté. Le second portrait est dp ^f^Sj
supérieur. Il est do Frans Hais, aussi do grnndfillj||
coup
naturelle. La tôle ost découverte, vue do trois quarts,, çj|||
tournée vers la droite. Descartes porto un col raballQHlflM
manteau noirci tient un chapeau à la main. C'est P°Ç-1>^^H
ce
qui a été gravé par Edelinck. La gravure est très ]jel|^^
Descartes avait une voix faible à cause d'uno légère alJtp^J
ration du poumon qu'il avait apportée en naissant, ÇendJÛI^S
son enfance il était tourmenté d'une toux sèche qu'il 43lffs|
héritée de sa mère. Depuis l'âge do dix-neuf ans il ~pritfl|||
gouvernement do sa santé, et so passa du secours M^^
médecins : son hygiène était do mener un train de vie M|i^S
forme, d'éviter tout changement brusque; sa médecine nl!l
diète, un exercice modéré et la confiance dans les foi ces *1
de la nature. *$
Ses vêtements annonçaient des soins, mais non du faste. a
Il ne courait pas après les modes, mais il ne les bravait pas ,^
non plus: le noir était la couleur qu'il préférait; en vojage,
il portail une casaque de gris brun. Les revenus donl il
eut la jouissance après la mort de son père et celle de son
oncle maternel, paraissent s'être élevés à six ou sept mille
livres. Dans les dix dernières années de sa vie il faut y
ajouter la pension de 3000 livres qui lui fut payée par h
France. Il n'était ni avare ni cupide, mais cependant il
savait défendre ses intérêts.
H était sobre, et, par un singulier effet do son tempéra-
ment, la tristesse et la crainte augmentaient son appétit.
Vers la fin de sa vie, il diminua la quantité des aliments
qu'il prenait le soir, el dont il était gêné pendant la nuit.
X4 " ' lflfROt>POTÏOHf "L *' " ' ~~~:~r
Il buvait très peu do vin, s'en abstenait souvent des mois
entiers, évitait les viandes trop nourrissantes, et préférait
les fruits et les racines, qu'il croyait plus favorables à la
vie de l'homme quo la chair des nnimaux. Picot prétendait
que, par ce régime, Dcscarles espérait faire vivre les hom- '
mes quatre ou cinq siècles, et quo le philosophe aurait
fourni cette longue carrière, sans la cause violente qui vint
troubler son tempérament et borner sa vie à un demi-siècle ;
mais Descartes était fort éloigné de ces prétentions; car,
dans une lcltre à Chanut, du 15 juin 1648, il écrivit qu'au
lieu de chercher les moyens de prolonger la vie, il avait
trouvé une recette bien plus facile et bien plus sûre, qui
était de ne pas craindre la mort,
11 dormait dix à douze heures. Il travaillait
au lit le ma-
tin, il dînait à midi, et donnait quelques heures à la con-
versation, à la culture de son jardin, à des promenades
qu'il faisait le plus souvent à cheval. H reprenait son tra-
vail à quatre heures, et le poussait jusque fort avant dans
là soirée. Dans les deux ou trois dernières années de sa vie,
il se dégoûta de la plume.
H était doux et affable pour ses domestiques, et paya
jusqu'à sa mort une pension à sa nourrice. Quant aux se-
crétaires ou copistes qu'il employa successivement pour
l'aider dans ses recherches cl dans ses expériences, il les
traitait comme ses égaux et s'occupait de leur avancement;
la plupart devinrent gens de mérite, et ont fini par acquérir
une honorable position Ï Villebressieux, jeune médecin de
Grenoble, so rendit célèbre par ses inventions on méca-
nique; Gaspard Guschavcn devint professeur de mathéma-
tiques à l'université deLouvain; Gillot enseigna la méca-
nique, la fortification et la navigation aux officiers de
l'année du prince d'Orange; Schluter fut nommé auditeur
en Suède,
^ * - î- "lBtWUOTIÔN.
relations mondaines do
™M
DfscavlW^ffl
Pour ce qui est des
été EJM^^B
est certain qu'elles, n'ont jamais nombreuses,
été rares, parce qu'elles ont été choisies. H osnropojlffl
nous
siblo d'entrer ici dans des détails qui seraiètït infTiîlirl^^^Bg
citer 2uitlichp$/|||
ne pouvons toutefois négliger de M. de
AllllfJ
pèro de lluygcns, f Klectrice palatine, et surtout sa
la princesse Elisabeth, qui, jusqu'à la mort do
Descarjo^H
entretint avec lui le commerce le plus suivi et le plus;^îte^S
tueux. C'est à la princesse Elisabeth que Descartes dédia s
JS
Principes; il la considéra toujours, non seulement cojiin^S
la plus dévouée, mais aussi jifrafS
son amie comme son
iB
ciple le plus fidèle et le plus éclairé *. J~
- iSm
Revenons à ses travaux.
Jusqu'alors il s'était occupé de mathématiques et; ^gll
physique. Sa physique d'ailleurs, verrons/^pl^H
nous le
lard, était toute géométrique. A partir du moment où^§§|f|
l'objet de études change. Il néglig^H
sommes parvenus, ses
sensiblement la physique et même les malhémailqîf^^B
C'est l'étude de la naturo vivante qui l'occupo tourenljpj^S
11 devient en peu d'années grand analomiste, grand physjÔ^S
logiste et habile médecin. Sur co point, le DUcoMrs dfljfm
méthode nous apporte un témoignage indiscutable. AûYejlefll
les seuls travaux que nous ayons ici en vue sont des" IrW^S
vaux de recherche. Nous devions donner ces
indicMiêns/J
avant quo de nous occuper de travaux d'un autre ordre,'»g
ceux qui se rapportent à la composition et à la publication* *
des ouvrages dans lesquels la philosophie cartésienne7 3d~^
trouve exposée. .
VrJ
Doscartes, ayant pour objet do fonder une philosophie ~-
nouvello, devait naturellement penser tout d'abord à pré-" ~

1. Sur les rapports do Doscartes dôM.Foucherde Cmtti Dttcartef, V


avec la princesse Elisabeth, on la princesse Elisabeth et la reine-
pourra coniulicr to r<5«*ût travail Christine. Parts, 1870. -
(6 INTRODUCTION;

sentcr au public l'ensomble do sa doctrlno.Tel fut, on effet,


son dessein. Il commença donc à rédiger un grand ouvrago
qui dovail avoir pour litre s le Monde» ou Traita de la lu-
mière 1. Son travail avançait do manière à lui donner satis-
faction, quand il apprit quo l'Inquisition romaine venait de
condamner Galilée pour avoir soutenu le système do Co*
pernio sur lo mouvement de la terre. Aussitôt il s'arrêta, et>
dans le premier moment, prit la résolution do ne plus rien
écrire (1633). Une pareille résolution a de quoi surprendro,
il faut tâcher de l'expliquer,
Que le système de Copernic fut une doctrino suspecte,
Descartes ne pouvait pas l'ignorer, car tout le monde le sa»
vait. Déjà même, en 1616, l'Inquisition avait condamné le
mouvement do Ja terro, et il est certain que Descartes l'a-
vait entendu dire. Sa surprise est donc assez étrange. Sa
résolution ne l'est pas moins. Était-il inquiété dans sa foi?
Nullement. Son adhésion au système de Copernic parait aussi
ferme et aussi tranquille après qu'avant le décret do l'In-
quisition. Était-il effrayé des conséquences fâcheuses que
pouvait avoir la publication de son livre? Mais on ne voit
pas bien ce qu'un Français établi en Hollande pouvait avoir
a craindre de l'Inquisition romaine donfles décrets n'étaient
même pas reçus en France. La vérité est qu'il no s'était pas
sans peine décidé à écrire : le métier de faiseur de livres
lui paraissait médiocrement compatible avec la qualité de
gentilhomme, Nous savons d'ailleurs que, dôsl619, il avait
pris la résolution de tenir les questions religieuses absolu-
ment di dehors de ses recherches, et mémo de ses médita-
tions philosophiques, et c'était un de ses principes dé ne

1. il nous en reste jinè esquisse de l'ouvrage entier se trouvé, dans


en quinze chapitres qui forment une le Discourt dt la méthode, Ve
centaine dopages, Au reste, le plan partie.
*
- -*
*
-- - _
INTRODUCTION. •- -
r jp
W-^T-W
?
rovenir jamais sur une résolution prise, En adoptant lo
syslômodo Copernic, H s'était flatté do n'adopter qu'une^
opinion do physique sans aucune conséquonce pour la foi, ~
~„
Lo décret do l'Inquisition lui faisait croire qu'il s'était .;
trompé sur co point. Enfin, il était catholique, et callm- ;
liquo soumis. Braver l'autorité de l'Église dans un pays
liéréliquo lui paraissait une sorte do déloyauté et presque :
do forfaiture. Sa résolution ost donc à la fols très hono-
rablo et très intelligible. Dès qu'elle fut connue, elle sou>
-
lova contre lui tous sos amis, sans aucune exception.
Cependant il tint bon, et son livre demeura supprimé.
Mais pour donner satisfaction à tous ceux dont l'influence
~
l'avait une première fois décidé, il promit de composer une
autre ouvrage dans lequel il exposerait d'abord sa méthode', \
ensuite les principaux résultats auxquels cette méthode lui
avait permis de parvenir dans los sciences. Telle est l'ori-
gine, du Discours de la méthode.
L'ouvrage, paru en 1637, et qui contenait, outre loZWs-
lui-même, trois traités : la Dioptrique, les Météores .
cours -
et la Géométrie, renfermait, sans parler de la méthode/
doux parties bien distinctes; une partie scientifique et une
->
partie métaphysique. Do la partie scientifique, Descartes
ne prit pas d'abord beaucoup de souci. 11 laissa les géo- -
mètres Schooten, Flprimond de Beaune, commenter son
livre et développer ses idées, el se contenta do répondre'—
,-
par lettres à quelques objections ou à quelques demandés
d'éclaircissements qui lui furent adressées surtout par'l'inï, '
termédiaire du P,,Mersenne. Il comprît d'ailleurs sur-lë- '
champ que sa Géométrie se défendrait toule seule et trlônfcV
plierait d'elle-même, La partie métaphysique de son oeuVro "
était plus facilement attaquable. Elle était d'ailleurs loûi£--
entière renfermée dans uno seule partie, c'est*.à-dife_ d|jïkte?
auelques pages du Discours de la méthode. H jugeif néfiolpl
PJUNCIt'ES DE Ik PH1LOSOM1IE. %"' J^W&
tt INTRODUCTION ' '* ' *"~

sairo do la développer, et se mit à composer sos Méditaliom


métaphysiques.
Lo Discours do la méthode, écrit en français, s'adressait
à tout le inonde. Los Méditations, écrites en latin, dédiées
à Messieurs les doyens et docteurs de la sacrée Faculté de
théologie de Paris, furent évidemment destinées aux philo»
sophos cl aux théologiens. Elles furent de plus communi-
quées avant l'impression aux écrivains du temps les plus
habiles et les plus célèbres en ces matières, Arnauld,
Hobbes, Gassendi, etc., qui envoyèrent leurs objections.
Descartes y fit des réponses, ot lo tout parut en 1641. Six
ans après, il en parut une traduction française'par M. le
duo de Luynes, que Descartes revit, et à laquelle il fit
quelques changements et additions. Cette traduction a
donc rang d'original.
Cependant le système du monde et la physique générale
n'avaient pas encore été exposés. L'ensemble de la doc-
,

trine n'avait pas encore été présenté au public d'une façon


complète et dogmatique. Ce fut pour combler colle lacune
quo Descaries composa un nouvel ouvrago qui parut à
Amsterdam, en 1614, sous co titro Î Renati Descartes Prin-
cipia Philosophiez
Les trois grands ouvrages que nous venons d'indiquer
embrassent toutes les parties de la philosophie, à l'excep-
tion de la seule morale. Descartos ne voulut jamais publier
un traité dogmatique de moralo, mais pour montrer corn»
ment il entendait que sa méthode fût appliquée aux quesi
lions de cet ordre, il fit paraître, en 1649, son Traité des
passions de l'âme, qui clôt la liste des grands ouvrages pu-
bliés de son vivant.
, i
L'effet produit par ces publications fut" vraiment immense.
Une philosophie nouvelle, certainement égale et par cer-
tains côtés supérieure aux grands systèmes de l'antiquité,
*
INTRODUCTION, 7 l^f
apparaissait brusquement, Ce fut une révélation, Dis lors
Doscartes eut des amis et dos ennemis, des admirateurs et
dos détracteurs, dos disciples et des adversaires, 11 perdit -
un peu dosa sérénité; car il était moins sensible à la gloiro
qu'aux tracasserios, et les tracasseries no lui manquèrent
pas. H ost inutile d'entror dans :es détails. Nous n'avons
plus qu'à donner quelques indications sur les dernières],
années do sa vie, et sur les principales circonstances do sa
mort, i'z
Il avait alors pour ami intime et pour admirateur pas-^
sionnné M. Chanut, ambassadeur de France en Suède. Celui-
ci conçut le dessein d'inspirer à la reine Christine le désîf^
d'avoir à sa cour un des hommes les plus extraordinaires/
de son temps. H n'eut pas de peine à réussir, La reino fit
faire par Chanut d'abord, puis par d'autres personnes, dëjf"
démarches très actives pour déterminer Doscartes à venljv;
se fixer à Stockholm. Celui-ci résista longtemps. Il sentait ^
bien .qu'il allait sinon perdro, du moins compromoltro l'inV;
dépendance absolue dont il avait joui (oulo sa vio. CoponV
dant la pensée qu'il pourrait concilier à la princesse Elisa-
beth et à la maison palatine la protection do la SuôdJ;
acheva do le déterminer*. H partit. Il fut reçu par Chris-;-
Une d'une manière digne de lui; mais le climat de lajf
! Suède se trouva contraire à sa santé, Au mois de février^
1650, il tomba malade d'une inflammation do poitrine, et Je"
11 du même mois il était mort. H avait cinquante-trois ans,<
dix mois et onze jours,

1. Voycjt lo rdcont travail de I ta princesse Elisabeth et ta reîn%;


M. Fouchcr de Garcil : Descaries, I Christine. Pua, im. -
r-£~-
10 ' ' INTRODUCTION,
" *
*" * """ '"~^~ '

RÉSUME DE LA PHILOSOPHIE
DE DESCARTES

La philosophie cartésienno ost uno philosophie complète,


c'esl-à-diro une philosophlo qui a la prétention do fournir
des principes à l'aido desquels on peut résoudre toutes les
questions que l'esprit humain so pose légitimement,
Nous laissons maintenant do côté la mélhodo quo nous
avons examinée ailleurs, à propos du Discours do la nié"
thode. Cola posé, la philosophie cartésienno so divise en
trois parties ! la métaphysique ou science dos premiers
principes, la physique ou scionco du mondo, et la science
do l'homme. Nous devons examiner cos trois parties suc-
cessivement.

MÉTAPHYSIQUE

Touto métaphysique a la prétention d'être générale.


En réalité, uno métaphysique, qucllo qu'elle soit, a pour
objet do résoudre le problème particulier que s'est posé
le philosophe qui l'institue. La métaphysique do Platon
explique comment l'unité, qui est un besoin de la pensée,
se concilie avec la diversité, qui est un fait constam- :

ment observé dans la nature, La métaphysique do Kant


explique dans quelle mesure la connaissance humaine, la
science peut être légitime. La métaphysique cartésienne",
s'attache au problème de la certitude.
Descartes part du doute sincèrement, sérieusement, et
non par hypothèse, comme le|fjront plus tard ses djscî-;
plés, MalebrancjiP où Férielort; Mais auHeu de prendre son
parti du douto, ou môme de s'y complaire, comme PrOtà-, V
gbras ou comme Montaigne, il considère lo doule coinmiè Un "'
1 INTRODUCTION. ~ "_ ,fQ
fait qu'il soumet à une rigouituso analyso. Co qu'il consU,
dére, co n'est donc pas le doute, mais son doute. Or, son
doute n'est, après tout, qu'un modo do sa pensée, Mais Icûi^
modo do sa penséo, lo Joulo commo tout autre, suppose
oxisteuco. Son douto suppose donc sa pensée, cl -
sa propre
sa pensée supposo su propre oxistonco. Lo sceptique le plus*
déterminé est donc forcé do dire : Jo douto, dono jo penspjO
jo pense, donc je suis, Quand lo sophiste grec disait qup
l'homme est la mesure de touto chose, il convenait lui-
même que toute chose a uno mesure, et que cette mesure-
est Yhomme, 11 est vrai que cette mesure même varie d'uirr
individu à l'autre ; Pierre n'est pas Paul, Mais peu lm>"
porto ici. —Je ne sais pas, disait Descartes, s'il existe d'au}"-
très hommes que moi; mais, quand j'existerais seul, à toup-
ie moins suis-jo sûr absolument d'oxister,
11 y a donc au moins uno vérité qui défio tous les efforts~?

du douto, c'est l'existence certaine do colui qui doute, danT-


le temps même qu'il doute. '-^
Maintenant, poursuit Doscartes, quand jo m'examines
moi-même par la conscience ou par la réflexion, je trouvlT-
en moi une foule d'idées qui mo paraissent êlre des ropré* ""

sèntalions de choses différentes do moi-mêmo.Ces idées, en..^


tant que représentations, sont pcul-ôtre do pures chimères;^
mais, en tant quo modes de ma propre pensée, elles son] --
toutes aussi certaines que ma pensée même, ou, si l'od ~
veut, que mon propre douto, Le problème qui se posef^
maintenant est donc celui-ci : Mes idées, qui sont certaines, ^
en tant que modes de ma propre penséo, sont-elles des re«_--
présentations vraies de quelque réalité différento de mSiy
même? ZS-',
J'ai l'idée do la feuillo de papier sur laquelle j'écris. Cptjp -»
feuille db papier me parait blanche, et j'ai l'idéo dp ceR<Q;
blancheur. Peut-être ces deux idées ne sont-elles* riçn"qû^%
8* INTRODUCTION
des modes de ma propre pensée. Peut-être no correspon*
,
de'nt-elles à rien d'oxislant endohors do moi-mémo. Mais
au point de vuo qu'on appelle dans l'école le point do vue
formel» ces doux idées mo semblent fort différentes : l'idée
do la feuillode papier est celle d'un objet; l'idéo do la
blancheur est celle d'une qualité, qui n'est rien en dehors
do l'objet qui la possède, do l'objet auquel elle est atta-
chée. Mais peut-être quo tout cola est une pure illusion,
Il me semblo quo je suis par rapport à mes idées tout jus-
tement ce qu'est la feuille de papier par rapport à la blan-
cheur. Il est possible que j'aie, sans m'en apercevoir, donné
à la feuille de papier une existonce comparable à la
mienne. Jo ne puis tirer de ces considérations aucune
conclusion certaine.
Jo trouve on mol l'idée de Dieu, c'est-à-dire d'un ôlre
infiniment parfait. Cette idée diffère beaucoup non seule-
ment de touto idée de qualité, mais encore de touto idéo
de substance ou d'objet. Dieu mo paraît être non pas sou-
,
lement une chose, mais uno chose qui est par soi, c'est-
à-diroune chose qui possède en soi la raison de sa propre
existence Maintenant, puis-je croire que j'ai formé l'idée
de Dieu sur le modèle de l'idée que j'ai de moi-même,
comme je l'ai supposé tout à l'heure pour l'idée d'une
feuille de papier? Nullement. Dieu est infini, et je suis fini;
Dieu est infiniment parfait, et je suis imparfait, L'idée de
Dieu ne peut donc être en moi que si elle y a été mise par
uno cause infiniment parfaite, Cette cause, c'est Dieu lui-
même,
Que si nous reprenons les*choses d'une autre manière,
nous arrivons à la mêriie conclusion., -
-
Par ma conscience je me saisis moi-même dans un mo-
ment particulier du tenips, Mais comment se fait-il que jeV
suis? Est-ce parce qùè j'ai déjà existé| l^ais quelle est
_
' "
i INTRODUCTION. " ^y-^lljff
origine? Ou bien je suis par mol-mêmo, mais e'oiljmç^
mon
possible, car je suis imparfait; ou bion jo suis par quoique -
autre chose, et celte autre chose, qui ost par soi, ne peut
être quo Dieu lui-même, _:-~
Jusqu'ici j'ai pris pour point do départ de mon raisonneur
ment un fait observé en moi. No puis-jo me placer en do- -
hors du monde dos phénomônos, cl, pour ainsi dire, dans le.-,
domaine de la pensée pure? Dans toute démonstration) les <r
mathématiciens partent d'une définition.Touto conséquence^
rigoureusement déduite d'une définition leur parait rigou-r-
reusêment démontrée, Ne pouvons-nous pas suivre ici làf ~
même méthode? Par définition Dieu est l'être absolument"
parfait, De cette définition on pout déduire évidemment*^
que Dieu existe, car il est plus parfait d'êtro que de no pas!i:
être, Dieu existe donc. C'est une conséquence de sa défini»-
lion.
Il importe en tout cela de bien observer la marche que
T
suit la métaphysique cartésienno. Le point do dépari est l
l'existence du «toi donnée parla conscienco, si l'on veuL;/
dans le phénomène même du doute. Mais l'existence du moYtf
qui est certaine, ost inintelligible sans une autre existence^
que celle du moi. Celte aulre existence est celle d'un être/*
infinîment. parfait, c'est l'existence de Dieu,
Revenons maintenant au problème primitif, au problème^
de la certitude, Nous sommes en possession do vérités çwv--
tainess quel est leur caractère? C'est l'évidence, L'évidence"-~
est donc la marque à laquelle la certitude se reconnaît,.-
Mais, puisque nous connaissons cette marque et puisqu'elle^
ne peut nous tromper, comment peut-il arriver qu'en faîtï
nous nous trompions si souvent? Le problème do l'erreut :
forme une sorte de complément indispensable du problème-
de là certitude. ~/v
L'erfeui* ne se rencontro que dans nos jugemenls ; c'elî^
"- fi INTRODUCTION. "
*" V ""

donc la nature du jugemont que nous devons examinor, si


nous voulons découvrir la cause de l'erreur, Or lo jugement
n'est pas un fait purement intellectuel; o'est un acte, Il
renformo donc nécessairement en lui-même un élémont vo-
lontaire, La volonté est libre. Nous sommes donc libres do
juger ou do no juger pas. Si nous savons suspendre notre
jugement jusqu'à ce que l'évidence soit faite, nous no nous
tromperons jamais. L'erreur n'a donc qu'uno cause, la pré-
cipitation du jugement, qui n'est au fond qu'un mauvais
usage de la volonté. Nous serions mal venus à nous plaindre
de nos erreurs. Nous pouvons prendre nos mesures pour
ne jamais nous tromper.
Il ne nous reste plus à examinor qu'un seul point pour
terminer le résumé de la métaphysique proprement dite,
c'est la question de l'existence du monde extérieur, Les dif-
ficultés que les philosophes ont rencontrées dans l'étudo
de co problème viennent do ce qu'ils 69 sont toujours laissé
tromper par une équivoque. Quand on demande si le
monde oxlérieur existe, de quel monde veut-on parler? 11
y a deux mondes : le monde de la sensation, qui est aussi
le monde de l'apparenco, et le mondo de la raison, qui est
celui de la scionco ; dans le premier, le soleil est un disque
(Vundomi-pîcdde diamètre; dans le second, le soleil est
un globo plusieurs millions de fois plus gros que la torre,
Maintenant, quand on demande si le soleil existe, prétend-
on demander s'il existe dans l'espace un disque lumineux
d'un demi-pied do diamètre, ou bien s'il existe à une im-
mense distance de nous un globo enflammé plusieurs mil-
lions de fois plus gros que notro torro? Pourquoi tant d'es-
prits pénétrants, et même tant d'esprits supérieurs, ont-ils r
mis en douto l'existence du monde? c'est qu'ils ont eu en
ensemble d'apparences absolument contradictoires:
vue un i
entre oHes, L'oeuvro de la science consiste à substituer à
*~'"r'" ?^Ï j^^iNTKODtJCTÏON.' ^ -1'*%jl?^
cet ensemble d'apparences un système dans lequel tpujM-J
les parties sont absolument cohérentes entre elles, un sysv-^
tèmedàns lequel nulle contradiction ne peut trouver place] __-
Que si l'on prend les chosos de cette manière, si l'on onleud J
lo monde do cette façon, on n'a pas de peine à se débarras-
do toutes les objections de ce quo j'appellerai l'idéâV
ser ,
lisme vulgairo; mais il subsiste toujours uno objection pluju.
métaphysique, qui est celle-ci s peut-êlrole monde mêmeS-
do la scionco n'est-il pas autre chose qu'une création,:
ou, si l'on veut, qu'une construction chimérique do \\\_
raison, ^
Descartes n'hésita pas à reconnaître que, placée au déc-
hut mémo do la métaphysique, avant le Cogito, ergo sujn,T
celte objection est irréfutable. Mais nous savons mainte* *
tenant que Dieu existe, et qu'il ne peut pas nous tromper,-
Au fond, c'est uniquement dp celte vérité que dépond foute -
la solidité du principe de l'évidence. _y?
Comment donc pourrions-nous, sans mellrp en douté JÀ
véracité divine, supposer que le monde delà scienco n'e§U
qu'une chimôro î Ainsi toute la métaphysique de Desçartesr
se réduit à cet enchaînement absolument indissoluble '4e 1
vérités évidentes : 4
Je ne puis douter, sans être sûr que j'existe; ~^
Si j'existe, Dieu existe nécessairement ; '
:
Si Dieu existe, le monde lui-même ne peut manquer:
d'exister,
Ainsi Uieu est la raison, l'explication de touto existence^
On pourrait sans doute lo poser d'abord à priori;, majs/-
on agissant delasorto,on laisserait subsister le sccptiçispieVZ
Mieux vaut partir du doute, montrer que le douto se défrulj-
lui-même, et s'élever ensuite jusqu'à Dieu. Cela fait, on Vf*;
pas de peino à prouver quo toutes choses se disposent!e]i
s'arrangent suivant les lois mômes de la raison. t ""-j J^
?W '""*'* ' INTRODUCTION.' ' - - - -
PHYSIQUE
La métaphysique nous enseigne quo le mondo oxlsto
parce que Dieu l'a créé. On peut môme dire on toute
> rigueur quo Dieu le créo continuellement; car, le temps
n'existant pas pour Dieu, on ne saurait distinguer on
lui deux momonts qui seraient, lo premier, celui delà
création, cl le second, celui qui aurait immédiatement suivi,
la création. Il s'agit maintenant do décrire lo monde s cette
description est l'objet de la physique.
La méthode à suivre est uno méthode de déduction à
,

priori. Dieu a créé lo monde, donc les lois de l'univers


sont des conséquences des perfections infinies de Dieu.
La matière doit être une. La diversité, les changements
qui se produisent on elle ne doivent tenir qu'aux modifi-
cations du principe unique qui la constitue. Le principe
de la matière, sa qualité première et essentielle est _ce sans
;
quoi la matière no peut être conçuo, c'est l'étendue. Mais
l'étendue pure se confond avec l'espace, il n'y a donc pas
deux espaces, l'un vide de matière, l'autre plein de matière.'
Tout est plein.
Les parties de l'étendue étant parfaitement homogènes,
on ne voit pas comment, dans un tel monde, lo change-
ment et même la diversité sont possibles. Mais il faut re-
marquer d'abord que l'étendue peut prendre toute espèce
-
de figures; quo les parties de l'étendue peuvent avoir les
unes par rapport aux autres uno infinité do situations;
qu'enfin dos corps réduits à l'étendue sont mobiles, La
diversité dos corps et leurs changements s'expliquent par
des différences de figures et par le mouvement. Mais
comment lo mouvement est-il possible dans le plein î L'étën-»
due est divisible à l'infini, et ses parties sont parfaitement,
-
mobiles; le mouvement circulaire se conçoit dans le plein,
* V INTRODUCTION. " T"
_-
":Çt
Tout corps en mouvomont ost comme uno portion d'une"
rouo qui tourne autour de son essiou.
L'étendue est mohilo, mais le mouvement ne lui est ptw«
essentiel. Dieu n'a donc pas seulement créé l'étonduoTH fi
communiqué à colto étendue une corlaino quantité do môu* --
veinent. Cette quantité demoure toujours la même. Tous
les phénomènes de la nature so réduisent à des change-
ments do mouvomont. Les lois de la nature ne sont donc
que les lois do la transformation et de la communication
des mouvements.
Toutes ces lois d'ailleurs so déduisent d'un même prin-
cipe, lo principe do l'immutabilité divine : Dieu est immua-
ble: ce qu'il a uno fois établi so conserve nécessairement.
Dieu a mis dans le monde une certaine quantité de mouH'.
ment. Les changements qui s'accomplissent doiventôtre tels
que la quantité de mouvement se conserve toujours dans le
monde. DÛ co principe, dont la formulo ne laisse pas que
d'être un peu vague, Descartes déduit trois lois générales d<f
la nature et, de plus, sept règles, par le moyen desquelles
on peut déterminer combien les corps qui so rencontrent
changent les mouvements les uns des autres ',
Voici ces lois et ces règles :
Première loi. Chaque chose demeure en l'état qu'elle"
est pendant que rien ne lo change.
Deuxième loi, Tout corps qui se meut tend à conser-
ver son mouvement on ligno droite.
Troisième loi. Si un corps qui se meut en rencontre_
un plus fort quo lui, il.no perd rien de son mouvement, ej=
s'il en rencontre un plus faiblo qu'il pulsso mouvoir, il'on
perd autant qu'il eii donne,
Première règle, Si deux corps étaient exactement*:

i. Voyei.PWnefpM, 2» partie, »
V|T' ÎNTRODUCTIONr ' ' ' €
égaux et se mouvaient d'égalo vltosso en ligne droite l'un
vers l'autre, lorsqu'ils viendraient à so roucontror, ils
rejailliraient tous deux également et retourneraient cha-
cun vers le côté d'où il serait venu, sans perdre rien de
leur vitesse,
Deuxième règle, Si l'un des deux corps était tant soit
pou plus grand que l'autre et qu'ils se rencontrassent avec
mémo vitesse, il n'y aurait quo le plus petit qui rejaillirait
vers le côté d'où il serait venu, et ils continueraient par
après leur mouvement tous deux ensemble vers ce môme
côté,
Troisième règle. Si ces deux corps étaient de même
grandeur, mais que B eût tant soit plus de vitesse que C,
non seulement, après s'êlro rencontrés, G seul rejaillirait
et ils iraient tous deux ensemble, comme devant, vers le
côté d'où C serait venu, mais aussi il serait nécessaire que
B lui transférât la moitié do co qu'il aurait déplus de
.
vitesse.
; Quatrième règle. Si le corps C était tant soit pou
plus grand que B ot qu'il fût entièrement en repos, dp*
quelque vitesse quo B pût venir vers lui, jamais il n'aurait
la force do le mouvoir, mais il serait contraint de rejaillir
vers le môme côté d'où il serait venu,
Cinquième règle. Si, au contraire, le corps G était tant
soit peu moindre quo B, celui-ci ne saurait aller si lente-
ment vers l'autre, lequel je suppose encore parfaitement
en repos, qu'il n'eût la force do lo pousser et do lui trans-
férer la partie de son mouvement qui serait requise pour
faire qu'ils allassent par après do môme vitesse.
Sixième règle. Si lo corps G était oh repos et parfaj-
>
lement égal en grandeur au corps B, qui se meut vers lui,
.
il faudrait nécessairement qu'il fût en partie poussé par B,s
..
et qu'en partie il Je fil rejaillir; en sorte quo, si B était
: i INTRODUCTION* :~ " -"iTSgJ
G avec quatre dogrés do vitesse, il faudrait qu'il
venu vers
lui en transférât qu'avec los trois autres il rotournui
un, ot
vers le côté d'où il serait venu.
Septième règle. Si B et C vont vers un moine côté cl
que C précède mais aille plus lontomont que B en sorto
qu'il soit onfin atteint par lui, il pout arriver que B trans-
férera uno partio de sa vitesse à G pour le pousser dovant
soi, et il pout arriver aussi qu'il no lui en transférera rleu
du tout, mais rejaillira avec tout son mouvement vers HT
côté d'où il serait venu; à savoir, non seulement lorsque G
est plus petit quo B, mais aussi lorsqu'il ost plus grand,
pourvu quo ce en quoi la grandeur de C surpasse celle de ~
B soit moindre quo co en quoi la vitesse de B surpasse.1
celle do C, jamais il ne doit rejaillir, mais il doit pousser
C en lui transférant uno partio do sa vitesse; et, au çoh-
traire, lorsque ce en quoi la grandeur de G surpasse pelle.,
de B est plus grand que co en quoi la vilosse do B surpassé
celle de C, il faut quo B rejaillisse, sans rien communiquer 1
à C do son mouvement; et enfin lorsque l'excès do gran-
deur qui e'st on G est parfaitement égal à l'excès de Yitessp -
qui est en B, celui-ci doit transférer une partie do son
-
mouvement à l'autre, et rejaillir avec le resto '.
Lo point auquel nous sommes parvenus est à la fois lo'
plus important et le plus délicat de la physique carte-
_
sienne, et c'est précisément sur ce point que les opinions
de Descaries deviennent contrairos à la vérité », -~{
Rechercher en détail, pour les rectifier ensuite, les errèùrl -

1. Voyea renonce* do ces règles nous donnerons les indications sul- r


avec les développements qu'elles vantes t ^_r
comportent dans les Principe», Quand on étudie les effets "djj/l
i" partie, choc des corps, il faut distinguoF-
8. Peur ceux d'entre nos lec- deux cas t
teurs qui Voudraient; discuter en 1" cas J Les deux corps A et_aB^
détail les refilés de Descaries, qui se choquent, manquent àbsolûT '[_,
f'so"*' " INTRODUCTION. '. ' "-*v:^
que notro auteur a commises nous entraînerait bien loin.
Mieux vaut indiquer le vice de méthode qui a été la cause
première de toutes ces erreurs. Bien n'est en effet plus
étrange que de voir un homme d'un tel génie se tromper
aussi complètement dans des matières d'ordre purement
scientifique. Co qui dans touto celte physique fait complè-
tement défaut, c'est l'expérience. Il est impossible do dé-
cider à priori quo les corps ne sont qu'étendue. On peut
sans doute affirmer à priori que Dieu est immuable. Peut-
être mémo peul-on se hasarder à dire qu'il n'y a pas dans le
monde création de mouvement et que la quantité do mouve-

ment d'élasticité. Alors le choc a


pour effet de Us déformer sans dé-
velopper entre eux aucune force
de réaction.
Appelons m et v la masse et la
vitesse du corps A t m'et l»' la masse
et la vitesse du corps B. Supposons
quo v soit plus grand que t>\ Appe-
lons *' la quantité dont la vitesse
de B augmente par l'effet du choc, Voy. pour do plus amples déve-
et « la quantité dont la vitesse de loppements lo cours de physique*
A. diminue par l'effet du môme de VÉcole polytechnique, par
choc. Nous aurons entre ces six M. Jamtn (5* Leçon). Nous laissons
quantités la relation suivante i deciltd la discusslondocoscasparti-
culiers,
Pour discuter les règles de Des-
cartes, on devra d'abord examiner
dans quel cas il so place. Ensullo
i* cas t Les deux corps A et B on devra donner à m, m* v, f*
sont parfaitement élastiques, c'est- los valeurs relatives convenables.
à-dire qu'ils so compriment au mo- Il ne parle pas do masse, mais,
ment du choc pour reprendra aussi- commo il supposo los doux corps
tôt après leur forme pritnhivo, Ainsi homogènes, Identiques, on devra
le corps A perdra d'abord unevltesso prendre a la place dos masses les
«.puis recevra par la réaction élas- volumes qui, dans ce cas, sont pro-
tique une autre vitesse égalo à x en portionnels aux masses. Enfin, on
sens Inverse. Malmenant, si l'on devra donner aux vitesses les niâmes
fait les mêmes suppositions que signes ou des signes contraires,
dans le premier cas, on aura les suivant qu'elles sont dirigées dans
relations suivantes t le môme sons ou en sons tnvsrse.
ment qui existe dans l'univers no pout ni s'ac6roltre^nlv|
diminuer. Mais do ces principes métaphysiques il est iirt?~?~
possible de'déduiro à priori une expreséion mathêmaliqup^
de cette quantité de mouvement qui dèmeuro toujours*'Iifî|-
môme. Nous sommes assurémont fort loin do prétondro'qûo^
tout dans la physique soit à posteriori, Tout au contraire, f
Kant a démontré, suivant nous d'une façon définitive, que-'
la physiquo contient nécessairement un élêmont à prlorU '
Mais cet élément no donne que la formé de la science,
„-
l'expérience seule peut en fournir la matière. 'r
Au reste, Deseartes a compris lui-même que sa méthode
no pouvait lui suffire absolument* Quand, aprè.s avoir fait;c
connaître ce qu'il appelle les Principes des choses maté*-
rielles, il arrive à l'exposition du système du monde, il voit "
bien qu'il faut t qu'il aille, pour ainsi oro, nu-dovant dos
causes par leurs effets et qu'il ait recours à plusieurs
expériences particulières ». Comment en effet découvrir dL
priori qu'il existe un soleil autour duquel circulent toiles
et telles planètes,etc., etc.? Mais ici encorePcxpérioncenô
,
trouve pas la place qui doit lui appartenir. Le système du
monde qui nous montre dos corps célestes nageant dans
une matière fluide et emportés dans les tourbillons do celle
matière, ce système n'est pas d'accord avec l'observation.
11 devait après moins de cinquante ans être remplacé défi-

nitivement par le système de Newton. Nous no saurions com-


parer ici ces deux systèmes, et d'ailleurs la comparaison "

que nous en pourrions faire n'aurait qu'un simplo intérêt


historique, Disons seulement que, si Doscartes n'a pas fait
à l'observation la place qui lui convient dans la vraie mê*
ihodo scientifique, ce n'est pas du tout qu'il ait cédé à
l'influence de quelque, préjugé scolastiquô. 11 avait proscrit
l'emploi des causes finales en physique; en métaphysique,
il avait Soutenu que toutes les vérités et même lés vérité?
: nécessaires dôpondonl uniquoinont de la libre volonté do
Dieu» N'ôlatl-co pas établir quo l'observation seulo pout
nous faire çonnallro co qui oxlsto, 11 faut avoir lo eoùrago
d'avouer que les plus grands hommes no savent pas toujours
résister aux entraînements do leur génie. Uno faculté ex-
traordinaire do spéculation métaphysique, tollo ost la seule
cause do la puissance cl do la faiblesse do Descarlos,
Dovôns'iious'cependant u.ccoptor comme conclusion co
mot,dédaigneux jusqu'àPiinporttnonoe, quo l'on répète sans
cesse, parce qu'il ost do Voltaire \ «la physique do Doscartes
est un roman? » Non, sans douto. Un jugement vraiment
équitable ol pout-ôtro définitif ost celui dod'Alotnbert : «lo
grand, mérite do Doscartes esl d'avoir vu quo lo problème
du monde osl un problème do mécanique, > Aujourd'hui -
rien no semble plus simple, mais nul no pout dire co quo
Newton a dû au système de Doscartes.
Quo s'il ost nécessaire do faire appel à l'expérience dès
qu'on cesse d'étudier on quoique sorto in abslracto los
propriétés do la matière pour s'attacher i\ dos questions
particulières d'nsironomio, à plus forto raison on ost-il do
mémo quand on entre dans le domaine do la physique ter-
restre proprement dito. Descartes n'a pas méconnu cotlo
nécessité : mais ici, commo on astronomie, l'emploi qu'il fait
iio ïa méthodo expérimentale est timido ol insuffisant, [A
tendance i\ laquelle il cède toujours ost d'expliquer lotit
•phénomène particulier par les propriétés générales do la
matière. Il no prend pas garda quo, si l'on a toujours lo
droit do considérer uno pareille explication comme pos-
sible, en fait il-est souvent prudent do l'ajourner pour
ainsi dire indéfiniment. Le principe cartésien quo la ma-
tière esl toujours cl partout homogène, une et identique à
elle-même, co principe, ou, si l'on veut, cette hypothèse
n'est guère contredite, el cependant personne, mémo au-
Irr^-* \ ;-'^"niTRôi.utffroK. -r- ---
* ^ -flfp
jourd'hul, n'oserait expliquer los diverses propriétés dès
différents corps par la diversité dos modifications tl'uno
seule ol mémo substance. Co quo nous n'osons pas falfo,
malgré la supériorité incontostablo do nos connaissances
expérimentales, Descartes lo fait constamment. Aussi la
quatrième partie do ses Principes no présento-t-ollo plus
guère aujourd'hui qu'un intérêt historique. On y Irouvo dos
vues do génie, mais l'onsomblo a dû âtro complètement
abandonné.
SOIHNOB DK 1,'lIOMMB

H nous roslo à faire connaltro la doctrine carléslontto


sur la nature vivante on général, cl sur l'hommo on par-
ticulier,
Descarlos ost d'abord un mathématicien. Quand 11 aban-
donne los mathématiques puros pour la physique, il porto
dans colto nouvelle éluda toutes sos habitudes d'esprit.
Quand ensuite il abandonna la physique pour la physiolo-
gie, il n'a gardo do changer uno mélhodo qui lui a procuré
dans la physique mômo les succès los plus brillants. C'est
par cotte raison quo s'explique l'Idée assez étrango qu'il
8*ost formée dos êtres vivants, Il avait d'ailleurs assoa pro«
foiidéinout étudié los forces puromont physiques de la
nature pour ôtro d'avance convaincu quo cos forcos pou*
vaient, dans lours combinaisons, enfanter toutes los mer-
veilles. Aucun prodige de mécanique no pouvait lo sur-
prendre. Un toi esprit, profondémont pénétré du besoin,
du sentiment de l'unité, devait être naturellement timonéà
croire qu'un organisme n'osi pas autre choso qu'un mrf-
canisme. Ces doux mots renferment toute sa doctrine.
Ainsi, pour Doscartes, un animal ost uno machlno, et rien
do plus.
Colto doctrine a d'abord excité los plus vives défiances

MUKCIM» DE LA NIILOSOI'IIIE. 3
et les plus sérieuses objections. Pourtant elle n'est pas
sans analogie avec certaines doctrines modernes, que des
savants très prudents acceptent encore aujourd'hui sans
scrupule. L'organiciemo, qui no veut voir dans la fonction
qu'une suite de la formo, de la structure de l'organe, esl
bien une sorte de mécanismo physiologique. La méthode
de Gl. Bernard, qui réduit la physiologie à la simple
recherche des conditions physiques et chimiques des phé-
nomènes vitaux, tend à faire considérer la vie commo mie
simple combinaison de forces physico-chimiques. II est
vrai que lo système de Descartes est plus radical encore},
mais on est on droit de lp considérer comme un progrès,.
quand on songe aux superstitions médicales qui régnaient
sans conteste au commencement du dix-soptième siècle II
est certain que, grâce à Descaries, la médecine a pris rang
parmi les sciences positives. L'esprit qui anime les méde-
cins modernes de l'école de Cl. Bernard est le pur esprit
cartésien. "•.'.....
Après avoir fait connaître le principe, le caractère gé-
néral du système, il est indispensable d'en indiquer au
moins quelques applications. 11 faut convenir d'abord qUo
la physiologie cartésienne contient une multitude d'erreurs
de détail, Si l'organisme est un mécanisme, c'est un mé;
canisme infiniment plus compliqué que celui que Descartes
imagine. Les nerfs, assurément, ne sont pas dès Vaisseaux,
et tes phénomènes nerveux ne s'expliquent pas par les
mouvements des esprits animaux circulant dans los nerfs.
Mais il existe au moins uno grande fonction qu'on oxpllquo
encoro aujourd'hui comme lo faisait Doscartes. Il est Vrai
qu'IIarvey a tout lo mérite de l'invention. Mais il s'agit
uniquement ici d'une question do méthode, et Descariés
a eu raison de soutenir que la méthode d'Harvey est pré-
cisément la sienne.
-;" ' '' " ïMofitJCTÎON? ^ ^-V^>flfe
.
Si tout organisme est un mécanisme, il ne faut pas hé-^

siter à reconnaître que l'homme, en tant que corps, estf
une machine. C'est une conséquence que Descartes accepte ~.

Parfaitement. Mais nous savons quo l'homme pense, et la


pensée parait être absolument inexplicable par un méca«i
nisme, si compliqué, si parfait qu'il puisse être. Dans la
philosophie cartésienne l'étude de l'homme estdono néces-
sairement double, car la pensée doit être étudiée directe^
ment en elle-même par la conscience.
Nos pensées sont des actions ou des passions.
Nos actions sont nos volontés, dont la nature est d'être
libre.
Nos passions sont des perceptions ou des connaissances,
qui sont elles-mêmes de deux sortes : si ces passions sont
produites dans l'àme par le corps, co sont des passions
proprement dites; si elles ont pour cause l'àme mémo,
elles forment comme une classe intermédiaire entre la
passion pure et la pure action!
Pour Descartes, la sensation el tous los plaisirs, toutes
les peines, en un mot, tous le3 phénomènes affectifs qui s'y
rapportent forment comme une classe inférieure de pen-
sées, qui dépendent en grande partie du corps. Elles sont-.
dans l'àme, mais c'est le corps qui les produit dans l'àme»
Au-dessus se trouvent les phénomènes de pur entendement,
les idées qui sont adventices, factices ou innées, Les idées
adventices n'apparttonnent pas à l'entendement seul, car
elles viennent du dehors; les idées factices sont l'oeuvre
de l'entendement» le produit do notre faculté de combi-
naison; les idées innées ne viennent d'aucune cause exté-
rieure, elles ne sont pas l'oeuvre do l'entendement, elles
lui sont en quoique sorte données comme les lois de sa
constitution même, Quant à la volonté, c'est l'action
pure. Fille est libre. La liberté est un état absolu qui
' INTRODUCTION.
"V*
Uft

ne comporte pas de degré, Elle est entière, ou elle n'est


pas.
Cotte philosophie de la pensée est présentée par Des-
cartes avec uno grande netteté, mais en même tomps avec
beaucoup de prudence et avec une certaine réserve. Elle
est le point de départ de tous les systèmes modernes. Les
uns la combattent, los autres la développent ; tous relèvent
d'elle sans exception.
Un dernier point reste à éclaircir. Nous avons dit que, pour
.Descartes, l'homme est double. H est corps et esprit, éten-
due et pensée. Comment deux éléments aussi différents et
même aussi contraires peuvent-ils s'unir pour former une
unité telle quo l'hommeî C'est un deS points les plus em-
barrassants de la philosophie cartésienne. Descartes a bien
dit que l'àme n'est pas logée dans le corps, comme un «pilote
dans son navire» ; mais en quoi consiste précisément l'union
de l'âme avec lé corps? Descartes ne l'a pas dit, et les hy-
pothèses de ses disciples paraissent loin d'être satisfai-
santes. •
'

L'àme est immortelle. Doscartes le croit et l'affirme.


\
Mais los raisons qu'il apporte à l'appui de son affirmation
ne semblent pas absolument démonstratives, La vérité est
que là morale occupe dans la philosophie cartésienne uno
place assez étroite, et que los vraies preuves do l'immor-
talité de l'âme sont les preuves morales. Au point de vue
métaphysique, il est à craindre que l'immortalité de l'àme
ne'reste une simple possibilité, et par conséquent, comme
iMsntt Platon, uno bollo espérance dont il faut s'enchanter
soi-même. ' :
ILES PRINCIPES

DE LA PHILOSOPHIE

Les Principes de la philosophie offrent au lecteur un


loubleintérêts d'abord ils contiennent la dernière oxpo-
iilion 1 et l'exposition la plus didactique de la philosophie
cartésienne; ensuite ils montrent comment la physique
cartésienne, le système du monde se déduisent do la méta-
physique. Le livre parut en 1644, en latin, sous co titre î
Renati Descartes Principia pAitosopfttoe, Quelquo temps
oprès, l'abbé Picot, disciple et ami de pescartos, on fit
uno traduction française, qui parut en 1647, Cetto traduc-
tion fut rovuo par l'auteur, qui écrivit au traducteur dans
une lettre destinée à servir de préface à la nouvelle édi-
tion : c La version que vous &YOZ pris la peine de faire do
mes Principes est si nette et si accomplie, qu'elle me fait
espérer qu'ils seront lus par plus de personnes en français
qu'en latin, et qu'ils seront mieux entendus. » La traduc-
tion de Picot a donc touto la valeur d'un original» C'est
celle traduction que nous donnons ici.
Il est toujours assez dangereux de faire étudier aux
jeunes gens un fragment détaché d'un grand ouvrage phi-

francilso des Principes de la philosophie fut publiée


1. L'ddltlon
eu iO»i Descartes eit morl en 1050,
88^ '- "* INTRObUOTtON. " •
*" "' *~'}*f*
losophique. L'inconvénient devient singulièrement grave
quand il s'agit d'un livre aussi fortement composé quo les
Principes, auxquels on pourrait donner commo épigrapho
ces mots du Discours de la méthode : « Ces longues
chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géo-
mètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus
difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion dp
m'imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous
la connaissance des hommes s'onlrc-suivent en même façon,
et que, pourvu seulement qu'on s'abstienne d'en recevoir
aucune pour vraie qui ne lo soit, et qu'on garde toujours
l'ordre qu'il faut pour les déduire les unes des autres, il
n'y en peut avoir de si éloignées, auxquelles enfin on ne
parvienne, ni de si reculées qu'on ne découvro, » Il est vrai
que la partie des Principes quo nous publions est la pre-
mière; mais on no pourrait guère se flatter d'avoir une
connaissance suffisante de la géométrie en so bornant à on
étudier le premier livre. Voici les moyens que nous avons
employés pour diminuer autant que possible l'inconvénient
que nous signalons.
Tout d'abord, nous donnons une lettro do Descartes à
l'abbé Picot, lettre destinée, commo nous l'avons dit, à
servir de préface à l'édition française des Principes; nous
donnons ensuite l'épitro dédicatoire à la princesse Elisa-
beth. Ces deux lettres expliquent parfaitement le dessein
do l'auleur. Nous ajoutons la table complète do l'ouvragé,
qui on est le résumé le plus exact et le plus complet. Celle
table est de Descartes. Elle a été composée avec le plus
grand soin. Elle so trouve reproduite en marge de toutes
les bonnes éditions des 'Principes^ conformément à î'inifh-
lion de l'auteur. Nous la reproduisons nous-mêmes pou*
la partie que nous publions; seulement nous avons rém*
placé les indications marginales par des titres. Cette dlspo-
"*-,'" î ' %"*IPRODUCTION. 89'
sition nous a paru plus claire et plus on rapport avec lof:
format do notre édition. Nous no saurions Irop reeomman-r
der aux élèves l'étude do cette table. Elle fait connaître^
toutes les questions traitées par l'auteur; elle permet do
retrouver immédiatement, dans uno édition complète, les.
passages qu'on pourrait avoir intérêt à consulter. Grâce
à cette publication d'un résumé emprunté à Descartes lui-
mêmo, il nous suffira maintenant d'appeler l'attention sur
quelques points essentiels.
La première partio.dos Principes a pour litre \ Dès.
principes de la connaissance humaine. C'est une exposi-
tion de la métaphysique cartésienne, La doctrine est la
même que celle du Discours de ta méthode et des Médi-
tations. Il n'y a do différences, quo sur certains points do
détail que nous avons indiqués dans des notes, Mais co
qui doit ici fixer l'attention, c'est la différence profonde
dans les méthodos d'exposition, Dans lo Discours de la
méthode, l'auteur s'applique à faire bien comprendre
comment l'application rigoureuse de sa méthodo l'a con-
duit à sa métaphysique. Dans les Méditations, écrites
cependant en latin ol dédiées à MM, tes Doyens et Doc*
leurs de la Sacrée Faculté de Théologie de Paris,
Descartes s'attache à développer les réflexions d'un homme
absolument étranger aux préjugés et même à l'enseigne-
ment de l'écolo. Au fond, c'est un homme du monde qui
s'adresse non pas à un public de philosophes, mais au
public on générai. La langue n'a rien do technique. Les
termes d'école sont rares, toujours expliqués, Souvent
l'auteur ne les emploie qu'en s'oxeusant de les employer,.
La méthode desMidpés est tout autre: elle est touto
didactique, Le style est moins agréable, mais peut-être plus
précis et plus rigoureux. L'enchatriement des déductions
ost plus sévère et montre moins do complaisance pour le
40 "
iNTttODÙoTfON. ^ "'V^-
lecteur. En sommo, l'exposition dos Méditations parait
plus claire, celle des Principes est plus claire en réalité.
Rien n'est plus utile et plus intéressant que de comparer
entre elles ces trois expositions d'une mémo pensée.
La seconde partio a pour titre : Des principes des choses
matérielles. Elle contient los principes do la mécanique'-
cartésienne. H faut en convenir : Descartes s'est ici grave-
ment trompé. A propos des règles qu'il prétend établir sur
la communication des mouvements, Montucla a pu dire
sans injustice, quoique avec une excessive sévérité :
< C'est ici que sa trop grande confiance en certaines
idées métaphysiques, et un esprit systématique mal dirigé,
l'entraînèrent dans une foule d'erreurs peu excusables. Nous
trouvons effectivement dans ces règles toutes sortes de dé-
fauts, principes hasardés, contradictions, manques d'ana-
logie et de liaison ; c'est, pour lo dire en un mot, un tissu
d'erreurs qui ne mériteraient pas d'êtro discutées sans la
célébrité de leur auteur '; >
Ainsi Descartes s'est trompé; mais ses erreurs ont mis
ceux qui l'ont suivi sur la voie qui devait les conduire à la
découverte de la vérité. C'est l'élude approfondie do la
deuxième partie des Principes qui a donné à Leibniz la
promière idée de son système. Nous ne pouvons entre-
prendre ici do comparer en détail la mécanique de Des-
cartes avec celle de Leibniz. Nous renvoyons le lecteur à
une étude de M, Poincaré, professeur à la Faculté dès
sciences de Paris, note publiée à la fin do l'édition de la
Monadologie de Leibniz donnée en 1881 par M. Bôutrôuxv
Dans cette élude M, Poincaré résume ainsi sa pensée i

4. Histoire de» mathématiques, l noto 9, les formules do la tranafor*


tomo II, page 200. — Nous avons matlon du mouvement dans lo phô*
donne" plus haut, pages 80 et 80, | nomene du choc,
1= c Los principes
INTRODUCTION.
généraux qui servaient de
' "

fondement
^

à la mécanique de Descartes sont absolument différents dé


^-"lït

ceux qui étaient admis par Leibniz et qui lo sont encore"


aujourd'hui.
t Uescartes croyait quo, dans un système do corps sous-
trait à toute action extérieure, la quantité de mouvement
reste constante :
<
D'où il suit que puisqu'il (Dieu) a mû en plusieurs fa-
çons différentes les parties de la matière, lorsqu'il les a
créées, et qu'il les maintient toutes en la mémo façon et
avec les mêmes lois qu'il leur a fait observer en leur créa-
tion, il conserve incessamment on celte matière une égale
quantité de mouvement. > (Principes, II, 36.)
Leibniz a fait voir, au contraire, que, dans un système
matériel, soustrait à toute action extérieure, cen'ost pas la
quantité do mouvement qui reste invariable, mais h quan-
tité d'action motrice (ce quo l'on appelle aujourd'hui éner-
gie), et, d'autre part, la quantité de progrès ou quantitas
progressus (ce que les mécaniciens modernes appellent
projection do la quantité de mouvement),
<
.....Ainsi les actions sont comme les carrés des vites-
ses...., il s'ensuit qu'il se conserve aussi la même quantité
do l'action motrice dans \û monte. * (Lettre à Bayle, 1702.)
<
Et quidem demonslro non tanlum eamdem conservari
vim absolutam, seu quantitatom aclionis in mundo, sed
eliam eamdem vim direclivam eamdcmqup quanti latent
directionis ad easdem partes, seu eamdem quantitatom
progressus, sed progressu in parlibus computato, ducta
celeritate in molem, non quadrato celeritatis, Hoec tam on
quantitas progressus in eodlflfert a quantitate motus, quod,
duobus corporibus in contrarium tendentibus, pro ha-
benda quantitate motus total! (sensu Cartesiano) debout
ttddi quantitates motus singulorum (seu facta ex celeritate
Ai ' ÎNTRODUOTION,

in molcm) ; sed, pro habenda quantitate progressus, dé-


lient a so invieem detrahi; differenlia enim quantitalum
motus in tali casu crit quantitas progressus. » (Lettre à
BernouilU, 28-'janvier 1096.) t
Il esl aisé do voir quelle est la différence essentielle
entre la loi de Descartes et celle de Leibniz. Si l'on consi-
dère un système quelconque d'atomes, la vitesse de l'un
d'entre eux peut, selon Descarlos, être altérée en direction,
pourvu qu'elle reste constanto en grandeur, sans que la
quantité do mouvement du système ait varié, Dans l'hypo-
thèse cartésienne, une molécule quelconque peut éprouver
dans son mouvement une perturbation, sans exercer aucune
influence sur les molécules voisines.
Avec les lois dp Leibniz, au contraire, dès que la vitesse
d'un point quelconque varie, soit en grandeur, soil on
direction, la quantité de progrès serait augmentée ou di-
minuée s'il n'y avait aucune autre modification dans lo
système. Pour que la quantité no soil pas altérée, ainsi quo
l'exige la loi leibnizienne, il faut que tout changement dans
lo mouvement d'un atome soit accompagné d'un change-
ment contraire dans le mouvement d'un ou plusieurs
autres atomes. 11 faut donc qu'il y ait une certaine harmo-
nie dans les phénomènes mécaniques qui affectent les dif-
férentes parties d'un système.
C'est ce qui explique pourquoi Leibniz a dit au n° 80
do la Monadologio que, si Descaries avait connu les vérita-
bles lois do la mécanique, il serait tombé dans le système
de l'harmonie préétablie, >
\ La Iroisiômo partio dos Principes a pour titre t DU
monde visible. Elle contient l'exposition du système du
monde connu sous le nom de système des Tourbillons, Gù
systèmo n'est pas uno puro et simple description do l'uni-
vers actuel, il contient encore uno histoire dos change-
' , " ~ ÏNTftdDUuTlÔM;" " -" V V-^JJ
'_

ments par lesquels lo monde a passé depuis lo ch^os pïl.vf


milif jusqu'à l'état actuel. Ce qu'il faut bien remarquer^
c'est que les lois qui expliquent los phénomènes que nous;:
pouvons observer chaque jour sont précisément les"
mêmes quo celles qui rendent compte des changements qui ~
se sont accomplis dans l'univers pendant la suite des sièr^
clcs. Il est certain que, dès son apparition, lo système des.. :
tourbillons fut accueilli avec un enthousiasme presque-:
universel. On sait comment La Fontaine parle do

Descartes, co mortel dont on eût fait un Dieu


Chez les païens et qui tient lo milieu
Entré l'homme et l'esprit' î

Il y eut toutefois quelques résistances. La plus considé-


rable fut celle de Pascal. Marguerite Parier dit dans ses ,-

Mémoires ;
c M. Pascal parlait peu de sciences; cependant, quand/
l'occasion s'en présentait, il disait son sentiment sur les
choses dont on lui parlait. Par exemple sur la philosophie
de M. Descartes, il disait ce qu'il pensait. Il 'était do son
sentiment sur l'automate et n'en était point sur la matière
subtile, dont il se moquait fort. Mais il no pouvait souffrir
sa manière d'expliquer la formation do toutes choses, et
il disait très souvent : Je ne puis pardonner à Descartes;
il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se
passer de Dieu, mais il n'a pu s'empêcher do lui faire don-
ner une chiquonau.de, pour mettre le monde en mouve-
ment : après cela il n'a plus que faire do Dieu 9. >

1. Les deux Rais, le Renard et cal 11 Quelque mouvementpeut uvotr


l'OEuf, I.X, fablol. rite Imprime* auparavant en celte
2. Lettres, Opuscules, etc.,p. 458. ylaiifctc, lequel elle conserve en-

Voici peut-être le passago des core longtemps après, nonobstant
Principes qui avait scandalise* Pas- quo les autres causes ici expliquées
mi INTRODUCTION.
On peut romarquor toutefois quo Pascal oppose à Dès-
caries non pas tant des observations ou des raisonnements
mécaniques ou astronomiques quo des raisons métaphy-
siques et religieuses. Peut-étro aussi cédait-il à son instinct
de savant, qui l'avertissait que lo systèmo do Doscartes n'é-
tait pas rigoureusement établi.
Quoiqu'il en soit, si la vogue fut grande,ello no fut pas
de bien longue durée, Les Principes de la philosophie
avaient paru en 1644, on 1686 parurent les Philosophie
naturalis Principia mathematica 1 do Newton qui con-
tiennent la réfutation la plus rigoureuse du système carté-
sien, Nous ne pouvons entrer ici dans Une discussion ap-
profondie, H nous suffira de citer quelques-unes dos
raisons données par Newton* ;
« L'hypothèse des tourbillons est sujetto à beaucoup de
difficultés; car, afin que chaque planète puisse.décrire au-
tour du Soleil des aires proportionnelles au temps, il fau-
drait que les temps périodiques des parties do leur tour-

y répugnent. Car, commo nous continuer lo môme mouvement


Voyons qu'une pirouette acquiert sans aucuno notablo diminution,
assez do force, do cela seul qu'un parce que d'autant plus qu'un corps
enfant la fait tourner entre ses est grand, d'autant plus longtemps
doigts, pour continuer par après aussi peut-Il retenir l'agitalion qui
toulo seule pendant quelques mi- lui a oté ainsi imprimée, et que la
nutes et faire peut-Clro pendant duréo de cinq ou six mille ans
ce temps-là plus de deux ou trois qu'il y a que lo mondo est, si on
mille tours sur son centre, non- lo compare avec la gw?sour d'une
obstant qu'elle soit fort petite et planète, n'est pas tant qu'une mi-
que tout l'air qui l'environne, que nute comparéo avec laïpelltcsso
la terre qui la soutient lui résistent d'une pirouette, » (Ed. Cotrin; t'. III,
::ei: retardent: son mouvement do nM4*.)
i^oiU leur pouvoir, ainsi on peut I, Communiqué* en manuscrit ?|
'fti^niént:crotrp que si une planeto .
la Société royato de Londres le
:|y|ii'e'ié agitée en môme façon dès 88 avril 1G86. * '
^fôeofeWencctyènt qu'elle a élé S.Noûs donnons la traduction _
WH&f cela seul serait' suffisant de Clalraùt publiéo sous le nom
{foujfïlu^ faire encore'à présent de 'il** du Çhâtolot,
1 TNTRODlfcTfON. 4&V

bitlon fussent on raison doublée do leurs distancés au


Soleil.
i Afin que les temps périodiques des planètes soient en
'
raison sesquipléo de leurs dislances au Soleil, il faudrait
que les temps périodiques des parties de leurs tourbillons
fussent en raison sesquipléo de leurs dislances à cet astro,
» Et afin que
les petits tourbillons qui tournent autour de,
Salurno, de Jupiter et des autres planètes, puissent sub-
sister et nager librement dans lo tourbillon du Soleil, il
faudrait que les temps périodiques des parties du tourbil-
lon solairo fussent égaux. Or les révolutions du Soleil eL
des planètes autour de leur nxo, qui devraient s'accorder-
avec les mouvements des tourbillons, s'éloignent beau*'
coup de toutes ces proportions. ' ^<
» Los comètes ont des mouvements peu
réguliers, elles
suivent dans leurs révolutions les mêmes lois que les pla-\
nètes; et leur cours ne peut s'expliquer parles tourbillons,
car les comètes sont transportées par des mouvemenlV
très excentriques dans toutes les parties du ciel, ce qui ne
peut s'exécuter si l'on ne renonce aux tourbillons 1, lv- ^
Newton a raison contre Descaries, Mais quand lui-m£jne?
cherche à substituer au système des tourbillons un sysii
tème nouveau sur l'origine du monde, il se heurte^ à dps_
difficultés inextricables. A la fin du dix-huitiéme siècle La-
place n'est guère moins sévère pour Newton que Névyïô|T,
lui-même ne l'avait été pour Descartos, Toutefois l'àûte^rj
de la Mécanique céleste s'est flatté d'être plus heflrcjf^
que ses devanciers. 11 a pu croire, que son bypplbôso/s'i|F~
l'origine du système solaire aurait une autre forceeÙOfîL
autre durée que les vieilles hypothèses du dix-sepliôfiîfi
siècle. ' -'rs^j

i» Scliolio qui termino lo livre des Principes* *j-^J£


40
jNfRODÙûflON.' - ^ -^ "
Aujourd'hui bien des pcrsonnos considèrent l'hypothôso
qu'on appelle en Allemagne l'hypothèse do Kant et qu'on
nommo on Franco l'hypothèse de Laplaco ou l'hypothôso
do la nébuleuse, comme une vérité scientifiquement dé-
montrée On l'enseigno partout, même dans les écoles pri-
maires, Ce n'est plus uno hypolhôjo, co n'esl plus mémo
une slmplo vérité, c'est un véritable dogme ; ot voici quo
les astronomes l'abandonnent, parco qu'ello ost en opposi-
tion avec des faits rigoureusement observés.
Dès 1797 Horschel avait remarqué que le mouvement
des satellites d'Uranus est rétrograde. En 1815 il confirma
son observation. Arago remarque dans son Astronomie
populaire que c'est là une anomalie unique dans l'ensem-
ble des mouvements de noire système solaire 1. Mais dos
observations postérieures démontrent que lo mouve-
ment du satellite do Neptune est également rétrograde.
D'aulros. observations prouvent que le mouvement do
rotation d'Uranus et de Neptune ost rétrograde aussi.
Donc dans le système solaire tous les mouvements do ro-
tation des planètes et de translation do leurs satellites
sont directs jusqu'à Salurno inclusivement; pour Uranus
et Noptune los mêmes mouvements sont rétrogrades. Mais
suivant l'hypothôso dp Laplaco tous les mouvements sans
exception doivent être directs, il faut donc abandonner le
système de Laplaco,
D'ailleurs, des considérations d'un autre ordre tirées de
l'élude du mouvement des comités ot dp la 'constitution
physique du Soleil conduisent au même résultat, iLest donc
nécessaire do chercher une autre hypothèse. Des astrono-
mes courageux se sont mis à l'oeuvre 8, Nous'"n'ayons mjL

i,T.lV,p. 408.
9. Fayo, De l'Origine du Monde, Paris, I&H,
,
INTRODUCTION, w*«fî?
'autorité, ni môme la compétence nécessaires pour Juger r
feurs conclusions; mais ce qui ost certain, c'est qu'ils VonT 7
chercher leurs Inspirations dans lo Cartésianisme Aprôs
-
avoir décrit lo système solaire, M, Fayo s'écrie :
No dirait-on pas qu'un vasto mouvemout giratoire
< -
anime tous ces corps, et que les systèmes secondaires de
la Terre, do Mars, do Jupiter, etc., sont do petits tourbil-
lons nageant dans lo premier? Telle n été la ponsée de *
Il s'est trompé, soit; mais, si le systômo t
Descartes. so*_
laire ne constitue pas actuellement un tourbillon, il a élé
constitué, à l'origino, par un mouvement de co genre dans ^
-
la nébuleuse qui lui a donné naissance *. > -
.
La qualriômo partie des Principes a pour titro s Delà ~
Terre, Elle contient la physique terrestre do Doscartes*- i
Nous n'insisterons pas longuement sur co point. Cette par- __«
tie du livre de Descaries contient avec beaucoup d'erreurs -_
une multitude de vues ingénieuses et intéressantes. ^
Malheureusement nous no saurions insister sans entrer J*
dans des détails infinis qui nous éloigneraient beaucoup ^
de notre objet.
- ~J
Nous devons en terminant insister sur une remarqua y
qui nous parait être de grande importanco. Nous avons dit y
que Descartes est le véritable inspirateur de la science IOWIT
derno. C'est un fait qu'il no faut pas oublier ; mais il ïLpjl
faut pas oublier non plus qu'entre le Cartésianisme çt la>_3
scienco moderne il existe une différence profonde. DansJlfj
scionco moderne lestvérités générales no sont que des~g4f~5i
' néralisations de l'expérience ou bien des hypothèses Wâ
empruntent toute leur valeur aux vérifications expérifWp|9j
taies qu'on en a faites ou qu'on en peut faire, L'expériehiâ
est donc, en définitive, In seulo garantie, lo seul crifpl'lîjgjj

i. Ouvrage cltri, p. 181. IfJÏ


48 INTRODUCTION,

les vérités particulières


ne sont que des déductions do priu-
cjpos que la métaphysique découvre fournit
dire aux nulles sciences Ici donc et pour ainsi
la garantie, le critérium
do toute cor iludo
se trouve dans la métaphysique. C'est à
amétaphyS,queque la science positive
forcée trouve Sa valeur. A qui faut-il emprunte toute sa
donner raison do
Descartes ou des Positivistes
contemporains? Il ne serait
pas sage do trancher uno pareille question
sans avoir étu-
Iwphï premiÔre par,ie des Piimipe*de la **'•
LETTRE DE L'AUTEUR
A CELUI QUI A TUADU1T LE MVIt.B

LAQUELLE PEUT ICI SEIWIft DE PRÉFACE *

MONSIEUR,

La version que vous avez pris la peino de faire do mes


Principes est si netto et si accomplie, qu'elle me fait espé-
rer qu'ils seront lus par plus do personnes en français
qu'on latin, et qu'ils seront mieux entendus. J'appréhende -
seulement quo letitro n'en rebute plusieurs qui n'ont point'.
été nourris aux lettres, ou bien qui ont mauvaise opinion
de la philosophie, à causo quo celle qu'on leur a onsoi- -
gnée ne les a pas contentés; et cela mo fait croiro qu'il
serait bon d'y ajouter uno préface qui leur déclarât quc| esf
lo sujet du livre, quel dessein j'ai eu on l'écrivant, et quelle,
utilité l'on peut on tirer, Mais encore que co dût être à mo£ >
à faire cette préface, à cause que jo dois savoir ces choses*;-
là mieux qu'aucun autre, je ne puis néanmoins rien obteV;:;
nir de moi autre chose sinon quo jo mettrai ici en abrégé >

les principaux points qui me semblent y devoir être trall'ésjl


et je Jaisso à votre discrétion d'en faire telle part au pT-"h
blic qUo vous jugerez être à propos. _f'-
J'aurais voulu premièrement y expliquer co que o*eslv„ 1

1. Le traducteur des Principes i dant de Dcscarles. La traducttoD de>


est l'abbé Picot) ami cl correspon- | Picot est de 1017. -.-,
, ""
"
PJUNClPBS DEiLA PHILOSOPHIE, "4
80 PRRFACE'

quo la philosophie, en commençant par les chosos les plus


yulgaires, comme sont : quo ce mot de philosophie slgni-
(le l'étude de la sagesse, et que par la sagesso on n'entend
pas seulement la prudence dans les affaires, mais une par.
faite connaissanco de toutes les choses quo l'hommo peut
savoir, tant pour la ronduito do sa vie que pour la conser-
vation de sa santé et l'invention do tous les arts, et qu'nfin
que cette connaissance soit telle il est nécessaire qu'elle
soit déduite des premières causes; en sorte que pour étu-
dier à l'acquérir, ce qui se nomme proprement philosopher,
il faut commencer par la recherche de ces premières cau-
ses, c'est-à-dire des principes, et que ces principes doivent
avoir deux conditions l'une, qu'ils soient si clairs et si
*

évidensque l'esprit humain ne puisse douter de leur vé-


rité, lorsqu'il s'applique avec attention à les considérer;
l'autre, que ce soit d'eux que dépende la connaissance des
autres choses, en sorte qu'ils puissent être. connus sans
elles, mais non pas réciproquement elles sans oux; et
qu'après cela il faut tâcher de déduiro tellement do ces
principes là connaissance des choses qui en dépendent,
qu'il n'y ait rien en toute la suite des déductions qu'on en
fait qui ne soit très manifeste*, Il n'y a véritablement que

i, Descartes résume Ici toute sa cune pour vraie qui ne le soit, et


méthode. Il dit danslo Discours de la qu'on garde toujours l'ordre qu'il
méthode t «Ces longues chaînes de faut pour les déduiro les unes
raisons, toutes simples et faciles, des autres, 11 n'y en, peut avoir
d^nt lés géomètres ont coutume de si éloignées ouxquelles^çnfin on
de se servir pour parvenir à Jours rie parvienne, gt /de: affichées
plus' difficiles démonstrations, m'«- qu'pn ne déeouw»; >No$S4|urons
Yalen|donné occasion de nj'im'aglncr sans cesse a/fa Ife des r|M^ç)je-
que toutes les choses qui peuvent menH 4e ce goiiré, -^ Cejïqp pes-
tomber sous la connaissance iee cartes appelle tel phmlèrwàuset,
hommes sVntre-sutvent JjLlnême il ^l'appelle absolu dànCTopjiséule
Tsèon; et que, poiïrVit feulement IUltiilé Réglée pmr ffî^rectton
Qtfoo s'abstienne d'en recevoir au- dtVéspHh..--'.";:-:} i
m PRINCIPES,
Dieu seul qui soit parfaitomont sago, c'est-à-dire qui ait
l'entière connaissance de la vérité do toutes choses; maison
peut dire que los hommes ont plus ou moins de sagessô
à proportion qu'ils ont plus ou moins do connaissance dof
vérités plus importantes. Et je crois qu'il n'y a rion en
ceci dont tous los doctes ne demeurent d'accord, > •-

J'aurais ensuite fait considérer l'utilité * de cotte philo*


sophie, et montré que, puisqu'elle s'étend à loutce que l'es-,
prit humain peut savoir, on doit croire que c'est elle seule
qui nous distingue des plus sauvagos et barbares, et que
chaque nation est d'autant plus civilisée et polie que les
-
hommes y philosophent mieux; et ainsi que c'est lo plus-
grand bien qui puisse être dans un État que d'avoir do_-
vrais philosophes. Et outre cela que, pour chaque homme
~
en particulier, il n'est pas seulement utile de vivre avec
ceux qui s'appliquent à celte étude, mais qu'il est incon?- "
parablement meilleur de s'y appliquer soi-même ; commet
sans douto il vaut beaucoup mieux se servir do ses
propres^
yeux pour se conduire, et jouir par même moyen dp hj
beauté des couleurs et de la lumière, que non pas de Jè><
avoir fermés et suivre la conduite d'un autre, mais co dèjk~
nier est encoro meilleur que de les tenir fermés et n'aVoJjf
que soi pour se conduire, Or c'est proprement avoir ièV
yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de'ylvrjl ;-
sans philosopher; et le plaisir de voir toutes les chpSë}'~
quenolre vue découvre n'est point comparable à la satis-
faction que donne la connaissance de celles qu'on troiîfflr
par la philosophie; et, enfin, cette étude est plus héWi*>
sairp pour régler nos moeurs et nous conduire en ôéUVvIjpj:
que n'est l'usage de nos yedx pour guider nos pjts.
lefrï;

1. pescàrtcs insiste souvent sur pratique et sjpfotfk*


Aon purêm'éîil
l'utilité de sa philosophie, qui esl to'Hve commo celle de lMcolK^ J'>
51 PRÉFACE

hôtes brutes, qui n ont que leur corps à conserver, s'occu-


pent continuellement à chorchor de quoi le nourrir; mais
les hommes, dont la principale partie est l'esprit, devraient
employer leurs principaux soins à la recherche do la sa-
gesse, qui en est la vraie nourriture ; et je m'assure aussi
qu'il yen a plusieurs qui n'y manqueraient pas, s'ils ovoiont
espérance d'y réussir, et qu'ils sussent combien ils en sont
capables. 11 n'y a point d'âme tant soit peu noble qui de-
meure si fort attachée aux objets des sens qu'elle ne s'en
détourne quelquefois pour souhaiter quelque autre plus
grand bien nonobstant qu'elle ignore souvent on quoi il
consiste, Ceux que la fortune favorise le plus, qui ont
abondance de santé, d'honneurs, de richesses, ne sont pas
plus exempts de ce désir que les autres; au contraire, je
me persuade que ce sont eux qui soupirent avec le plus
' d'ardeur après un autre bien, plus souverain que tous ceux
qu'ils possèdent. Or ce souverain bien, considéré par la
raison naturelle sans la lumière de la foi, n'est autre choso
que la connaissance de la vérité par ses premières causes,
c'est-à-dire la sagesse, dont la philosophie est l'éludé, Et,
parce que toutes ces choses sont entièrement vraies, elles
ne seraient pas difficiles à persuader si elles étaient bien
déduites.
Mais d'autant qu'on ost empêché de les croire, à causé
de l'expérience qui montre que ceux qui font profession
d'être philosophes sont souvent moins sagos et moins rai-
sonnables que d'autres qui ne se sont jamais appliqués' à
cplle' étude, j'aurais ici sommairement expliqué en quoi
consiste toute là scionce qu'on a maintenant, et quels sont
les degrés, de sagesse auxquels on est parvenu. Le premier
ne contient que des notions qui sont si claires d'elles-
mêmes qu'on les peut acquérir sans méditation ; le secopd
comprend tout, ce que l'expérience des sens fait connaître ;
1
DES PRINCIPES. * ' •
$f
lo troisième, co que la conversation dos autres hommes
nous enseigno ; à quoi l'on peut ajouter, pour lo quatrième, 1
ta lecture, non de tous los livres, mais particulièrement de
ceux qui ont été écrits par des personnes capables de nous
donner do bonnes instructions, car o'est uno espèce de
conversation que nous avons avec leurs auteurs*, Et IL
me semble que toute la sagesso qu'on a coutume d'avoir
n'est acquise que par ces quatre moyens ; car je ne mets
point ici en rang la révélation divine, parce qu'elle ne nous
conduit pas par degrés, mais nous élève tout d'un coup à
une croyance infaillible». - -
Or il y a ou do tout temps de grands hommes qui ont
.«-
tâché de trouver un cinquième degré pour parvonir à la
sagesse, incomparablement plus haut et plus assuré que
les quatre autres : c'est de chercher los premières causes et
les vrais principes dont on puisse déduire les raisons de tout \.
ce qu'on est capable de savoir 3; et ce sont particulière*
ment ceux qui ont travaillé à cela qu'on a nommés philo*' ~
sophes. Toutefois je ne sache point qu'il y en ait eu '
-
jusqu'à présent à qui ce dessein ait réussi. Les premiers =-
et les principaux dont nous ayons les écrits sont Platon et "
Aristote, entre lesquels H n'y a eu autre différence slnÇii
que le premier, suivant les traces de son maître Socrate,- ~-
\
a ingénument confessé qu'il n'avait encore rien pu trouver V

1, i La lecturo do tous les bons 3. Aristote définit la philo-- %


livres est commo une conversation sophto i la science dos i proinlpr»' -ï
avec les plus honnêtes gens des principes et des premières eauiejV " \
siècles passés, qui en ont été les L'ouvrage que nous Intitulons
auteurs, et même uno conversation aujourd'hui Métaphysique ftvajfll
&
éludiée en laquelle ils ne nous primitivement pour titre" « De^3
découvrent quo les meilleures do la Philosophie première, lEf^l
leurs pensées, > Disc, de la méth, Jg
pour objet d'ejeposer la scleifêe des
9. Descartes no discute Jamais la premiers principes et dis pVemtèrcf£-î
révélation, ciuses» -, ~~ j*£
&4 PREPACB
do certain, et s'ost contenté d'écrire les choses qui lui ont
gemblé être vraisomblablos, imaginant A cet effet quelques
principes par lesquels il tâchait do rendre raison des autres
choses** au lieu qu'Aristote a eu moins de franchiso; et
bien qu'il eût été vingt ans son disciple, et qu'il n'eût point
d'autres principes quo les siens, il a entièrement changé la
façon de les débiter, elles a proposés comme vrais et assurés
quoiqu'il n'y ail aucune apparence qu'il les ait, jamais
estimés tels 8, Or ces deux hommes avaient beaucoup d'es^
prit et beaucoup de la sagesse qui s'acquiert par les quatre
moyens précédons, ce qui leur donnait beaucoup d'autorité ;
en sorte que ceux qui vinrent après eux s'arrêtèrent plus
à suivre leurs opinions qu'à chercher quelque chose de
meilleur, et la principale dispute que leurs disciples eurent
entre eux fut pour savoir si on devait mettre toutes choses
on doute, ou bien s'il y en avait quelques-unes qui fussent
certaines, ce qui les porta de part et d'autre à des erreurs
extravagantes : car quelques-uns de ceux qui- étaient pour
|e doute retendaient même jusques aux actions de la vie»
en sorte qu'ils négligeaient d'user de pïudenco pour se
conduire 3; et ceux qui maintenaient la certitude, suppo-
sant qu'elle devait dépendre des sens, se fiaient entièrement
à eux, jusque-là qu'on dit qu'Épicure osait assurer, contre
tous les raisonnements des astronomes, que le soleil n'est
pas plus gi-and qu'il parait*,
C'est un défaut qu'on peut remarquer en la plupart des
disputes, que la vérité étant moyenne entre les doux opi-

I. Affirmation .tout à, fait con- 3, Il est. bien difficile do savoir


toshble: ni Socratvnl Platon, à qui Descartes veut faire Ici
n'ont été dos sceptiques. allusion.
S. Il faut bien reconnaître qu'un 4, Il scmblo que la prudence
pareil jugement sur Aristote est faux défendrait d'accepter aussi facile-
et injuste. ment un pareil on-dit,
' DES
PRINCÏPESV ~ ^ ~~~^~~ W
soutient, chacun s'en éloigne d'autant plus qu'il
nions qu'on
d'affection à contredire. Mais l'erreur de ceux qui
a plus
pcncliniont trop du côté du douto no fut pas longtemps,
suivie et celle des autres a été quoique peu corrigée, en co
les trompent en boauebup
qu'on a reconnu que sens nous
Toutefois je no sache point qu'on Tait entière-
do choses.
ôtée faisant voir que la certitude n'est pas dans
ment en
le sens, mais dans l'entendement seul lorsqu'il a des per-
ceptions évidentes ; et quo pendant qu'on n'a que les
connaissances qui s'acquièrent par les quatre premiers
degrés de sagesse, on no doit pas douter des choses qui
semblent vraies en ce qui regarde la conduite de la vie,
mais qu'on doit pas aussi les estimer si certaines qu'on
no
changer d'avis lorsqu'on y est obligé par l'évi-
ne puisso
dence de quelque raison.
. vérité, bien, s'il qui.
Faute d'avoir connu cette ou y en a
font connue, faute do s'en être servis, la plupart do ceujç
de ces derniers siècles qui ont voulu ôlro philosophes oijjt
suivi aveuglément Aristote ; en sorte qu'ils ont souvenj,
le de ses écrits, en lui attribuant diverse^
corrompu sens
opinions qu'il ne reconnaîtrait pas être siennes s'il revenait
monde 1; et ceux qui ne l'ont pas suivi, du nombre^
en ce
desquels ont été plusieurs des meilleurs esprits, n'ont pas/
laissé d'avoir été imbus de ses opinions en leur jeunesse,:
sont les seules qu'on enseigne dans les écoles t.
parce que ce parvenir:
tellement préoccupés qu'ils n'ont pu
ce qui les a jejéj.
à la connaissance des vrais principes, Et bien que
estime tous, et que je ne veuille pas me rendre odjeqyfe J
les reprenant, je puis donner une preuve de mon dire (q'ù|t
je ne crois pas qu'aucun d'eux désavoue), qui est;qu'D§!
supposé principe quelque chose qu'ils h'Onf
ont tous pour

1, Fait historique Incontestable et Important* noter» ---C*-'


.
60 PREFACE " "
peint parfaitement cpnnuo. Par exemple, jo n'en sache
aucun qui n'ait supposé la'pesnnteur dans les corps ter-
restres ; mais encore que l'oxpôriénce nous montro bien
clairement que les corps qu'on nommo posans descendent
vers le centré de In terre, nous ne connaissons point pour
cela quelle est la naturo de ce qu'on nomme pesanteur,
c'est-à-dire do la cause ou du principe qui los fait ainsi
doscendre, et nous le devons apprendre d'ailleurs 1, On
peut dire le môme du vide et des atomes, comme aussi du
chaud et du froid, du sec ot de l'humide, et du sol, du
soufre et du mercure, et de toutes les choses semblables
que quelques-uns ont supposées pour leurs principes. Or
toutos les conclusions quo l'on déduit d'un principe qui
n'est point évident ne peuvent pas être évidentes, quand
bien mémo elles en seraient déduites évidemment? d'où
il suit que tous les raisonnemens qu'ils ont appuyés sur
de tels principes n'ont pu leur donner'la connaissance
certaine d'aucuno chose, ni par conséquent les faire avancer
d'Un pas en la recherche do la sagesse. Et s'ils ont trouvé
quelque choso de vrai, ce n'a été que par quelques-uns
des quatre moyens ci-dessus déduits, Toutefois je ne veux
rien diminuer de l'honneur que chacun d'eux peut pré-
tendre ; je suis seulement obligé de dire, ppur la consola-
tion de ceux qui n'ont point étudié, que tout de môme
qu'en voyageant, pendant qu'on tourne le dos au lieu où
.l'on veut aller, orts'en éloigne d'autant plus qu'on marche
plus longtemps et plus vite, en sorte quo,' bien qu'on soit
mis par après dans le droit chemin, 6$ he peut pas y

: i, Suivant Descartes la pesan- ' vemonts do la matière subtile


teur n'est pas uno qualité des On retrouvera colto explication
corps. Les corps tombant parce dans les -Principes- de la phifc
qu'ils sont entraînés par les mou* Sophie, : :: ;-^
! e-;--"*~^--t nlsprilNblPES. '-w^
arrlver sllôt que si on n'avait point marché auparavant 1} '
ainsi, lorsqu'on a de mauvais principes, d'autant qu'on les
cultive davantage et qu'on s'applique avec plus de soin &
en tirer diverses conséquences, pensant que ce soit bien
philosopher, d'autant s'éloigno-t-on davantage do la con-
naissance de la vérité et de la sagosso : d'où il faut con-
clure que ceux qui ont le moins appris do tout co qui a
été nommé jusqu'ici philosophie sont los plus capables -
d'apprendro la vraie,
Après avoir bien fait entendre ces choses, j'aurais
voulu mettre ici les raisons qui servent à prouver quo les
.
vrais principes par lesquels on peut parvenir à ce plus
haut degré de sagesse, auquel consiste le souverain bien
delà vie humaine, sont ceux que j'ai mis en ce livres et
deux seules sont suffisantes à cela, dont la première est.. ^
qu'ils sont très clairs; et la secondo, qu'on en peut dé-,
duire toutes les autres choses : car il n'y a que ces deux
conditions qui soient requises en eux, Or je prouve aisé- T
ment qu'ils sont très clairs : premièrement par la façon
dont je lès al trouvés, /t savoir en rejetant toutes les ^
auxquelles _
choses jo pouvais rencontrer la moindre ocça-^
sion de douter ; car il est certain quo celles qui n'ont puf"^
en cette façon être rejeté*", lorsqu'on s'est appliqué 4 les,7;
considérer, sont les plus évidentes et les plus claires que_™
l'esprit humain puisse connaître, Ainsi, en considôrapf^
que celui qui veut douter de tout ne peut toutefois d&UtéfJf
qu'il ne soit pendant qu'il douto, et que ce qui raisonfc
ainsi, en ne pouvant douter de soi-même et doutant néan-
moins de tout le rosle, h'ost pas co que nous disons êiroO

II. «Ceux qui ne marchent quo | jours le droit chemin que ne" foftjl-
lentement peuvent avancer beau- I
ceux qui courent et qiit_s'cVéloJ|v
coup davantage, s'ils suivent teu- I gnent, » Disc, de la mêth, ' ri
~. ~
^a-' ; -*•; *- PRÉFACE "v~ ;-^-r^#-
notro corps, mats ce que nous appelons notre ame ou
notre pensée, j'ai pris l'être ou l'existence de colle pensée
pour le premier principe, duquel j'ai déduit très claire-
ment los suivons, à savoir qu'il'y a un Dieu qui est nutour
do tout ce qui est au monde, et qui, étant la source do
toute vérité, n'a point: créé notre entendement do telle
nature qu'il so puisse tromper au jugement qu'il fait des
choses dont il a uno perception fort claire et fort distincte,
Go sont là tous los principes dont je me sers touchant les
choses immatérielles ou métaphysiques, desquels je dé-
duis très clairement ceux des choses corporelles ou phy-
siques, à savoir qu'il y a des corps étendus en longueur,
largeur et profondeur, qui ont diverses figures et se meu-
vent en diverses façons. Voilà, en somme, tous les principes
dont jo déduis la vérité des autres choses 1. L'autre raison
qui prouvo la clarté de ces principes est qu'ils ont été
connus do tout temps, et même reçus pour vrais et indu-
bitables par tous les hommes, excepté seulement l'exis-
tence- de Dieu, qui a été mise en doute par quelques-uns à
cause qu'ils ont trop attribué aux perceptions des sens; et
que Dieu ne peut être vu ni touché 8.
Mais encore que toutes les vérités que je mets entre mes
principes aient été connues de tout temps de tout le
monde, il n'y a toutefois eu personne jusques à présent, que
jo sache, qui les ait reconnues pour les principes de la.
philosophie, c'est-rVdire pour telles qu'on en peut déduire
la connaissance de toutes les autros choses qui sont au
monde t c'est pourquoi il mo reste ici à prouver qu'elles
sont telles; et il me semble ne le pouvoir mieux prouver

11, Nous trouvons Ici un


résumé 9. Pour Descartes la cause prin-
rbs exact et très précis do cipale do l'alliélsmo est qu'il y a
oute la métaphysique carte- des hommes qui ne peuvent conce-
lonnd. voir les choies sans les ImagUwr»
qu'en le'faisant Voir par evJrierîco; oeM-à-dliiP-êh1cM^1K
viant los lecteurs à liro ce livre. Car encore que* je n'alep^
pas traité de toutes choses, et que cela soit impossible,]o^
pense avoir tellement oxpliqué toutes' celles dont j'ai, PU 'J
occasion do traiter, quo ceux qui les liront avec attention—
auront sujet do se persuador qu'il n'est pas besoin de cher-
cher d'autres principes que ceux que j'ai donnés pour par- :
venir à toutes les plus hautes connaissances dont l'esprit
humain soit capablo ; principalement si après avoir lu,
mes écrits ils prennent la peine de considérer combien de
diverses questions y sont expliquées, et que, parcourant
aussi ceux des aùtros, ils voient combien peu de raisons
vraisemblables on a pu donner pour expliquer les mômes
-
questions par dos principes différons des miens. Et> afin
qu'ils entreprennent cela plus aisément, j'aurais pu leur J
dire quo ceux qui sont imbus de mes opinions ont beau-
coup moins de peine à entendre les écrits dos autres ol h
en connaître la juste valeur que ceux qui n'en sont point
imbus; tout au contraire de ce que j'ai tantôt dit de ceux
qui ont commencé par l'ancienne philosophie, quo d'autant
qu'ils ont plus étudié, d'autant ils ont coutume d'être
moins propres à bien apprendre la vraie.
J'aurais aussi ajouté un mot d'avis touchant la façon de
lire co livre, qui est que je voudrais qu'on le parcourût
d'abord tout entier ainsi qu'un roman, sans forcer beau*,
coup son attention ni s'arrêter aux difficultés qu'on y peut *
rencontrer, afin souloment dp savoir en gros quelles sont
los matières dont j'ai traité; et qu'après cela, si on trouve
qu'ellosmêritenl d'être examinées et qu'on ailla curiosité
d'en connaître les causes, on lo peut lire uno secotulofois
pour remarquer la suite de mes raisons ; mais qu'il ne se
faut pas derechef rebutor si on no la peut assez connaître
partout, ou qu'on ne les entende pasi toutes \ il faut seule*
ment marquer d'un trait de plume les lieux où l'on trou-
' vera de la difficulté et continuer de lire sans interruption
jusqu'à la fin; puis, si on reprend le livre pour là troisième
fois, j'ose croire qu'on y trouvera la solution de la plupart
des difficultés qu'on aura marquées auparavant; et que
s'il en reste encore quelques-unes, on en trouvera enfin la
solution en relisant».
J'ai pris garde, en examinant le naturel de plusieurs
esprits, qu'il n'y en a presque point de si grossiers ni de si
tardifs qu'ils ne fussent capables d'entrer dans los bons
sentimens et même d'acquérir toutes lesr plus hautes
sciences, s'ils étaient conduits comme il faut', Et cola
peut aussi être prouvé par raison : car, puisque les prin-
cipes sont clairs et qu'on n'en doit rien déduire que par
des raisonnomens très évldens, on a toujours assez d'es-
prit pour entendre les choses qui en dépendent. Mais,
outro l'empêchement des préjugés, dont aucun n'est entiè-
rement exempt, bien que co soient ceux qui ont le plus
étudié les mauvaises sciences auxquels ils nuisent le plus,
il arriva presque toujours quo ceux qui ont l'esprit mo-
déré négligent d'étudier, parce qu'ils n'en pensent pas cire
capables, et que les autres qui sont plusordens se hâtent
trop : d'où vient qu'ils reçoivent souvent des principes
qui ne sont pas évidens, et qu'ils en tirent des consé-
quences incertaines, C'est pourquoi je voudrais assurer
ceux qui se défient trop do leurs forces qu'il n'y a aucune
chose en mes écrits qu'ils ne puissent entièrement entendre

t, Conseil oxcctlcnt, qu'on ne pas do ce que les uns sont plus


saurait trop répéter eux Jeunes raisonnables que les autres, mats
gens qui entreprennent des lectu- seulement de ce que nous condui-
res philosophiques. sons nos pensées par diverses
2. t Le bon sens est la chose du voles et ne considérons pas les
mômes choses. » Discourt ié la

nondo la mieux partagée,», La dl-
rerslto* de nos opinions ne vient méthode.
là poino.de los examinor 1; etnêannSofffsJ
s'ils prennent
aussi avertir les autres qup même les plus/exc~eljpfil;
esprits auront besoin do beaucoup de temps et d'attention
pour remarquer toutes les choses que j'ai eu dessein d'y ^

comprendre
En suite do quoi, pour faire bien concevoir quel des-
sein j'ai eu en les publiant, je voudrais ici expliquer
l'ordre qu'il me semble qu'on doit tenir pour s'instruire.f
Premièrement, un homme qui n'a encore que la connais-
sance vulgaire et imparfaite que l'on peut acquérir par los
quatre moyens ci-dessus expliqués doit, avant toutes
choses, tâcher de se former une morale qui puisse suffire,-
pour régler les actions de sa vie, à cause que cela noT
souffre point de délai, et que nous devons surtout tâcher
de bien vivreVAprès cela, il doit aussi étudier la logique,.
non pas celle de l'école, ctur elle n'est, à proprement par-
ler, qu'une dialectique qui enseigné les moyens de faire
entendre à autrui les choses qu'on sait, ou mômo"aussi
do dire sans jugement plusieurs paroles touchant celles
qu'on no sait pas 3, et ain?i clip corrompt lo bon sens
plutôt qu'elle ne l'augmente; mais celle qui apprend à
bien conduire sa raison pour découvrir les vérités qu'on
ignore; et, parce qu'elle dépend beaucoup de l'usage, il
est bon qu'il s'exerce longtemps, à en pratiquer les règles
touchant des questions faciles et simples, comme sont
celles des mathématiquesV Puis, lorsqu'il s'est acquis
quoique habitude à trouver la vérité en ces questions, il

1. Descartes revient sans cesse vont plutôt a expliquer fc autrui los


sur cclto Idée. choses qu'on sait, ou mémo, comme
2. C'est la moralo provisoire du l'art de Lullo, a parler sans Juge-
Disc, de la néth, Voy. 8* part. ment do colles qu'on Ignore, qu'a
3. «,.. Je pris garde quo pour les apprendre. *Dlso, de la mélh,
ta logique, ses syllogismes et la plu- 4. Voy, Régies pour la dlwc-
part do ses autres Instructions ter- l\on te Vtsprll, r.ft.
-CI- ---"-'W- -^Iffaliî^T^"*^' I

t ""

doit commencer tout do bon à s'appliquer à la vraie philo,


• i

sophio, dont la première partie est la métaphysique, qui


contient los principes de la connaissance, entre lesquels
est l'explication dos principaux attributs de Dieu, do l'im-
matérialité do nos ames, et de toutes les notions claires et
simples qui sont en nous ; la secondo est la physique, en
laquello, après avoir trouvé les vrais principes dos choses
matérielles, on examine en général comment tout l'univers
est composé; puis on particulier quelle est la nature do
celte terre et do tous les corps qui se trouvent le plus
communément autour d'elle, comme de l'air, de l'eau, du
feu, de l'aimant et des autres minéraux. En suite de quoi
il est besoin aussi d'examiner en particulier la nature des
plantos, celle des animaux, et surtout celle de l'homme ;
pfin qu'on soit capable par après de trouver les autres
sciences qui lui sont utiles. Ainsi toute la philosophie est
comme un arbre, dont les racinos sont la métaphysique, le
tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce
trono sonl toutes les autres sciences, qui se réduisent à
trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la
morale ; j'entends la plus haute et la plus parfaite morale,
qui, présupposant uno entière connaissance des autres
sciences, est le dernier degré de la sagesse 1.
Or commo co n'ost pas des racines ni du tronc des
;
arbres qu'on cueille les fruits, mais seulement des extré-
mités de leurs branches, ainsi là principale utilité de la
philosophie dépond de colles do ses parties qu'on ne .peut
apprendre quo les dernières '• Mais, bien que je les ignore

1, Passage souvent cité, qui montre i, Mats II est bien entendu que
nullement que, pour Doscartes, Il toutes ces dernières parties ne
n'y a ni philosophie ni science par- sauraient exister sans la métaphy-
ticulière sans, métaphysique. sique.
presquo toutes, le zèle quo j'ai toujours eu pour tàchcruV
rendre service au public est cause quo je fis imprimer^iïr
ya dix ou douze ans 1, quelques.essais des choses qu'ilL

me semblait avoir apprises, La première partie do'tes,!


essais fut un Discours touchant la Mélhodo pour bien comr:
duire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, où ~
je mis sommairement les principales règles de la logique *

et d'une morale imparfaite, qu'on peut suivre par provK


sion pendant qu'on n'en sait point encore do meilleure..
Les autres parties furent trois traités t l'un do la Diop-"
trique', l'autre des Météores, et le dernier de la GéoméV
trie. Par la Dioptrique, j'eus dessein de faire voir qu'on,,
pouvait aller assez avant en la philosophie pour arriver;
jttsques à la connaissance des arts qui son(
par son moyen
utiles à la vie, à cause que l'invention des lunettes d'ap*/
proche, quo j'y expliquais, est l'uno des plus difficiles qui
aient jamais été cherchées, Par les Météores, jo désirai "
qu'on reconnût la différence qui est entre ia philosophie"
que jo cultive et celle qu'on enseigne dans les écoles où
l'on a coutume do traiter de la même matière 8. Enfin,
par la Géométrie, je prétendais démontrer quo j'avais
trouvé plusieurs choses qui ont été ci-devant ignorées,
et ainsi donner occasion de croire qu'on en peut découvrir
encore plusieurs autres, afin d'inciter par ce moyen bus
les hommes à la recherche de la vérité*, Depuis co

1. En 1637. • . sens contraire, et fatjui, jo vols)


î. Dioptrique, de Ai*, a travers, est la partie de la physlqua qui 1
et j*t»;ittt, Je regarde C'est la par- traite do la lumière réfléchie.
tie do la physique qui a pour objet 3. La partie la plus Importante
l'étude des phénomènes quo pré- des Météores est l'explication de
sente la lumièro et de la déviation l'arc-en-clel.
qu'éprouvent les rayons lumineux 4. C'est dans la Géométrie que
en traversant les corps transpa- se trouvent exposés les principes
-
rents. La catoptrlquo (do *«*, en de la science qu'on nomme oujonr*
' temps-là, prévoyant la difficulté que plusieurs auraient à
concevoir los fondetncns de la métaphysique, j'ai tâché
d'en oxpliquer les principaux points dans un livre de
Méditations qui n'est pas bien grand, mais dont le volume
a été grossi et la matière beaucoup éclaircie par les objec-
tions quo plusieurs personnes très doctos m'ont envoyées
à leur sujet, et parles réponses quo je leur ai fait os'.
Puis, enfin, lorsqu'il m'a semblé que ces traités précédens
avaient assez préparé l'esprit des lecteurs à recevoir les
Principe* de la philosophie, je les ai aussi publiés; et
j'en ai divisé le livre en quatre parties, dont la première
contient les principes de la connaissance, qui est ce qu'on
peut nommer la première philosophie ou bien la métaphy-
sique: c'est pourquoi, afin do la bien entendre, il est à
propos de lire auparavant les Méditations que j'ai écrites
sur le même sujet. Les trois autres parties contiennent
tout ce qu'il y a de plus général en la physique, à savoir
l'explication des premières lois ou des principes de la
nature, et la façon dont les cléux, les étoiles fixes, les
planètes, les comètes, et généralement tout l'univers est
composé; puis en particulier la nature de cette terre, et
,

do l'air, de l'eau, du feu, de l'aimant, qui sont les corps


qu'on peut trouver le plus communément partout autour
d'elle, et de toutes les qualités qu'on remarque en ces
corps, comme sont la lumière, la chaleur, la pesanteur, et
semblables: au moyen de quoi je pense avoir commencé à
expliquer toute la philosophie par ordre, sans avoir omis

Id'hul U géométrie analytique, 1, Kn MIL On volt Ici la mé-


science dans laquelle on applique thode suivie par Descartos pour
l'algèbre h l'étude des propriétés l'exposition de la philosophie Les
des courbes. Tout co qu'il y a d'es- personnesdontparle Doscartes sont t
sentiel dans celle science a été In- Calérus, le P. Mcrsenne, Hobbos,
venté par Descai tes. Arnautd, Gassendi, oie.
1 " tfES'PRINCIPES,tk r -^~ - ^J
aucune des choses qui doivent précéder les dernières dônP
j'ai écrit 1.
Mais, afin de -condulro ce dossein jusqu'à sa fin, je de-c
vrais ci-après expliquer en môme façon la nature de
chacun des autres corps plus particuliers qui sont sur la
terre, à savoir des minéraux, des plantes, des animaux, et
principalement de l'homme; puis enfin traiter exactement,
de la médecine, do la moralo et des mécaniques. C'est ce
qu'il faudrait que je fisse pour donner aux hommes Un
corps de philosophie tout entier; et jo ne mo sons point
encore si vieil 9, je ne me défie point tant do mes
forces, jo ne me trouve pas si éloigné de la connaissance^
de ce qui reste, que je n'osasse entreprendre d'achever
ce dessein si j'avais la commodité de faire toutes les expé-
riences dont j'aurais besoin pour appuyer et justifiers
mes raisoniiemens. Mais voyant qu'il faudrait pour cela
do grandes dépenses auxquelles un particulier comme
moi no saurait suffire s'il n'était aidé par lo public, ol ne
voyant pas quo jo doive attendre celte aide, je crois devoir
dorénavant me contenter d'étudier pour mon instruction
particulière, et que la postérité m'excusera si jo manque
à travailler désormais pour elle 3.
Cependant, afin qu'on puisse voir en quoi jo pense lui
avoir déjà servi, je dirai ici quels sont les fruits que Jo me
persuade qu'on peut llrer de mes Principes, Le premier
est la satisfaction qu'on aura d'y trouver plusieurs vérités
qui ont été ci-devant ignorées; car, bien que souvonl la
vérité ne touche pas tant notre imagination quo font les

tl. On trouvera lo développa*


ncnl do lotîtes ces théories de
9. Dcscarlos avait alors cin-
quante et un ans»
)escarlcs dms la table généralo 3, Descartes a longuement dé-
les Principes que nous donnons veloppé ces considérations dans la
mis loin. C» partie du Disc, dé la mélh,
I PRINCIPES t>K LA MltLOSOPUIB, -6
60"' " ' ''"' "PRÊPACB- O "" -^ V:'^-
fâussotés et les feintes, à causo qu'elle parait moins admi-
rable et plus simple, toutefois lo contentemonl qu'elle
donne est toujours plus durable et plus solido, Le second
fruit est qu'en étudiant ces Principes on s'accoutumera pou
à peu à mieux juger do toutes les choses qui so rencon-
trent, cl ainsi à être plus sage: en quoi ils auront un effet
tout contraire à celui de la philosophie commune; car o»
peut aisément remarquer en ceux qu'on appelle pédans
qu'elle los rend moins capables déraison qu'ils rie seraient
s'ils ne l'avaient jamais apprise. Le troisième est que les
vérités qu'ils contiennent, étant très claires el très cer-
taines, ôtoront tous sujets de dispute, et ainsi disposeront
les esprits à la douceur et à la concorde : tout au con-
traire des controverses do l'école, qui, rendant insensible-
ment ceux qui les apprennent plus pointilleux et plus opi-
niàlros, sont peut-être la première cause des hérésies et
des dissensions qui travaillent maintenant lo monde, Le
dernier et lo principal fruit de ces Principes ost qu'on
pourra, on les cultivant, découvrir plusieurs vérités que je
n'ai point expliquées; et ainsi, passant peu à peu dos' unes
aux autres, acquérir avec le temps une parfaite connais-
sance de toute la philosophie el monter au plus haut degré
de la sagesse. Car, commo on voit en tous les ar&quc,
bien qu'ils soient au commencement rudes et imparfaits,
toutefois, à cause qu'ils contiennent quelque chose de
vrai et dont l'expérience montre l'effet, lisse perfection-
nent peu à peu par l'usage, ainsi, lorsqu'on a do vrais
principes en philosophie, on no pout manquer en les sui-
vant de rencontrer parfois d'autres vérités 1; ol on ne

1. Nous voyons que Doscartes est le progrès possible, fa iltte,i ra-


sms cesse préoccupé du progros. pide lui paraît une mauvalso phi-
touto philosophie qui no rend pas losophie.
saurait mieux prouver la fausseté de* ceux d'AïislolpK
qu'en disant qu'on n'a su faire aucun progrès par-leufc
moyen depuis plusieurs siècles qu'on les a suivis.
Jo sais bien qu'il y a des esprits qui se hâtent tant et-
qui usent de si peu do circonspection en co qu'ils font, qupV
môme ayant des fondemens bien solides, ils ne sauraient,
rien bâtir d'assuré; et, parce quo ce sont d'ordinaire ceux-
là qui sont les plus prompts à faire des livres, ils pour-
raient en peu do temps gâter tout ce que j'ai fait, et
introduire l'incertitude et le douto on ma façon do philo-
sopher, d'où j'ai soigneusement tâché de les bannir, si on
recevait leurs écrits comme miens ou comme remplis,dêx
mes opinions. J'en ai vu, depuis peu l'oxp'rience en l'uft
de ceux qu'on a le plus cru mo vouloir suivre 1, et mémo
duquel j'avais écrit en quelque endroit que jo m'assurais
tant sur son esprit, que je no croyais pas qu'il eût aucune
opinion quo, je ne voulusse bien avouer pour mienne t car
il publia l'année passée un livre, intitulé Fundamentà
physicoe, où,encoro qu'il semble, n'avoir rien mis touchant'
la physique ol la médecine qu'il n'ait tiré de mes écrits,
tant de ceux quo j'ai publiés que d'un autre encoro impar-
fait touchant la nature des animaux, qui lui est tombe*
entre les mains, toutefois, à cause qu'il a mal transcrit ejt
changé Tordre, et nié quelques vérités de métaphysique,
sur qui touto la physique doit ôtro appuyée, je suis obligé
do lo désavouer entièrement, et de prier ici les lecteurs
qu'ils no m'attribuent jamais aucune opinion s'ils ne la
trouvent expressément en mos écrits, cl qu'ils n'en reçoi-
vent nucuno pour vraie, ni dans mes écrits ni ailleurs,
s'ils no la voient très clairement être déduite des vrais
principes.

I. Henri Leroy.
èY ' ' PRÉFACE "
Je sais bien aussi qu'il pourra so passer plusieurs siècles
avant qu'on ait ainsi déduit do ces principes toutes les
vérités qu'on en peut déduire, tant parce quo la plupart
dp pelles qui restent à trouver dépendent de quelques ex-
périences particulières qui ne se rencontreront jamais par
hasard, mais qui doivent être cherchées avec soin et dé-
pense par des hommes fort intclligens, quo parce qu'il
arrivera difficilement que les mémos qui auront l'adresse
do s'en bien servir aient le pouvoir de les faire, et aussi
parce quo la plupart dos meilleurs esprits ont conçu une
si mauvaise opinion do toute la philosophie, à cause des
défauts qu'ils ont remarqués en celle qui a été jusqu'à
présent en usago, qu'ils ne pourront pas s'appliquer à en
chercher uno meilleure.
Mais, enfin, si la différence qu'ils verront entre ces
principes et tous ceux dos autres, et la grande suite des
vérités qu'on en peut déduire, leur fait connaître combien
il est important do continuer en la recherche do ces véri-
tés, et jusques à quel degré de sagesse, à quelle perfection
de vie et à quelle félicité elles peuvent conduire, j'ose
croire qu'il n'y en aura pas un qui ne tâcho do s'employer
à une élude si profitable, ou du moins qui ne favorise et
no veuille aider do tout son pouvoir ceux qui s'y emploie-
ront avec fruit. Jo souhaite quo nos neveux ^n voient lo
succès, etc.
A LA SÉRÉN1SS1MB PniNCESSE

ELISABETH
pltEMIÈnE FILLE DE Pllt'iDÉMC, nOl DE BOHÈME, COMTE
PALATIN ET PMNCE-ÊLECTEUn DE L'EMPtnB*

MADAME,

Le plus grand avantage que, j'aie reçu dos écrits, quo


j'ai ci-devant publiés a été qu'à leur occasion j'ai ou l'hon-
neur d'ôlro connu do Votre Altesse, et do lui pouvoir quel-
quefois parler, co qui' m'a procuré lo bonheur do remar-
quer en elle dos qualités si rares et si estimables, que je
crois que c'est rendre service au publié do lc3 proposor à
la postérité pour exemple. J'aurais mauvaise gràco à vou-
loir flatter, ou bien à écriro des choses dont je n'aurais
point de connaissance certaine, principalement aux pre-
mières pages de co livre, dans lequel je tâcherai de mettre
les principes do toutes les vérités que l'esprit humain peut.,

1. Ni.'a en 1018, morto en 1080. Maubutsson, amlo et correspon-


Elle <!tait, par sa mero, Elisabeth dante do Bossnel. C'est par l'In-
Smart, pctltc-fllto do Jacques 1", termédiaire do la duchesso do
rot d'Angleterre, ot nièce de Char- Hanovre et de Puhbosse do Mqu-
les I". Son frore Edouard épouta buisson quo fut engagéo la cétfebro
Anne de Conzague, dont Dosstiet correspondance onlre Dossuct et
prononça l'oraison funèbre. Sa soeur Lcibnti pour In réunion do'l'É-
Sophie épousa Ernest Auguste, duc glise' catholique et des' Églises
do Hanovre, et eut pour fils Geor- protestantes, Voy. POUCIIKR DB
ges Ie*, rot d'Anglolerro. Sa soeur, OAUEiL, Descartes, la Princesse
Louise Hollandlnc, so convertit ou Palatine el ta reine Christine.
catholicisme et devint nbbesso de Paris, 1810.
707 r"* --" LETTRE"" """ '-1 =ritf"^>
savoir. Et la généreuse modestie que l'on voit reluire en
toutes les actions de Votre Altesse m'assure que les dis-
cours simples et francs d'un homme qui n'écrit que ce
qu'il croit lui seront plus agréables quo ne soraient des
louanges, ornées do termes pompeux et recherchés par
ceux qui ont étudié l'art dos complimens. C'est pourquoi
je ne mettrai rien en cette lettre dont l'expérience et la
raison ne m'aient rendu certain ; et j'y écrirai en philosophe
ainsi que dans le reste du livre. Il y a bien do la différence
entre les vraies vertus et celles qui no spnt qu'apparentes;
et il y en a aussi beaucoup entre les vraies qui procèdent
d'une exacte connaissance de la vérité, et celles qui sont
accompagnées d'ignorance ou d'erreur. Les vertus que je
nomme apparentes ne sont, à proprement parler, que des
vices, qui, n'étant pas si fréquons quo d'autres vices qui
leur sont contraires, ont coutume d'être plus estimés que
los vertus qui consistent en la médiocrité, dont ces vices
opposés sont les excès. Ainsi, à cause qu'il y a bien plus
de personnes qui craignent trop les dangers qu'il n'y en a
qui les craignent trop pou, on prend souvent la témérité
pour une vertu; et elle éclate bien plus aux occasions que
défait le vrai courage. Ainsi les prodigues ont coutume
d'êlro plus loués que les libéraux ; et ceux qui sont vérita-
blement gens de bien n'acquièrent point tant la réputation
d'étro dévots que font les superstitieux et les hypocrites.
Pour ce qui est des vraies vertus, olles ne viennent pas
toutes d'une vraio connaissance, mais il y en a qui nais-
sent aussi quelquefois du défaut ou de l'erreur: ainsi la
simplicité est souvent la cause de la bonté, souvent la peur
donne de la dévotion, et le désespoir du courage, Or les
vertus qui sont ainsi accompagnées de quelque imperfec-
tion sont différentes entre elles, et on leur a aussi donné
divers noms. Mais celles qui sont si pures et si parfaites
A U PlflNCESSB ÉMSABÈTur ~\~-^ :^3Hpf
qu'elles no viennent que de la seule connaissance du blô/t^-
sont toutes de même nature, et peuvent être comprises -
sous le seul nom do la sagesse. Car quiconque a une vo-
lonté forme et constante d'user toujours do sa raisôïi 16
mieux qu'il est en son pouvoir, et de faire en toutes ses -
actions ce qu'il juge être lo meilleur, est véritablement -
sage autant quo sa nature permet qu'il le soit; et par cela
seul il est juste, courageux, modéré, et a toutes les autres
vertus, mais tellement jointes ensemble qu'il n'y en a au-
cune qui paraisse plus que les autres : c'est pourquoi
encore qu'elles soient beaucoup plus parfaites que colles
que le mélange de quelque défaut fait éclater, toulcfois, à
cause que lo commun des hommes les remarque moins,
on n'a pas coutume do leur donner tant de louanges, Outre
cela, de deux choses qui sont requises à la sagesse ainsi
décrite, à savoir quo l'entendement connaisse tout ce qui
est bien et quo la volonté soit toujours disposée à lo suivre,
il n'y a que celle qui consiste en la volonté que tous les
hommes puissent également avoir, d'autant quo l'entende-
ment de quelques-uns n'est pas si bon que celui des autres.
Mais encore que ceux qui n'ont pas tant d'esprit puissent
être aussi parfaitement sages que leur nature lo permet,
et se rendre très agréables à Dieu par leur vertu, si
seulement ils ont toujours une fermo résolution de fairo
tout lo bien qu'ils sauront, et de n'omettre rien pour
apprendre celui qu'ils ignorent; toutefois ceux qui avec
uno constante volonté de bien faire et un soin 1res
particulier de s'instruire ont aussi un très excellent es-
prit, arrivent sans doute à un plus haut degré do sa-
gesse que les autres. Et je vois quo ces trois choses se
trouvent très parfaitement en Volro Allesso. Car pour lo
soin qu'elle a eu de s'instruire i) parait assez de co que ni
les diverlissemcns do la cour, ni la façon dont les prlu*
cesses ont coutume d'èlro nourries, qui les détournent
entièrement de la connaissance des lettres, n'ont pu empê-
cher que vous n'ayez étudié avec beaucoup de soin tout ce
qu'il y a de meilleur dans les sciences : et on connaît l'ex-
cellence de votre esprit en ce quo vous les avez parfaite-
ment apprises en fort pou de temps. Mais j'en ai encore
Utie autre preuve qui m'est particulière, en co que je n'ai
jamais rencontré personno qui ait si généralement et si
bien entendu tout ce qui est contenu dans mes écrits. Car
il y en a plusieurs qui les trouvent très obscurs, même
entre les meilleurs esprits et les plus doctes; et je re-
marque presque en tous que ceux qui conçoivent aisément
les choses qui appartiennent aux mathématiques ne sont
nullement propres à entendre celles qui so rapportent à
la métaphysique, et au contraire que ceux à qui celles-ci
sont aisées ne peuvent comprendre les autres 1 : on sorte
quo jo puis djro avec vérité que jo n'ai jamais rencontré
quo le seul esprit de Voire Altesso auquel l'un et l'autre
fût également facile; co qui fait que j'ai une très juste
raison de l'estimer incomparable. Mais ce qui augmente
lo plus mon admiration, c'est qu'une si parfaite et si
diverse connaissance de toutes les sciences n'est point en
quelque vieux docteur qui ait employé beaucoup d'années
à s'instruiro, mais en une princesse encore jeune et dont
lo visage représente mieux celui que los poètes attribuent
aux Grâces que celui, qu'ils attribuent aux Muses ou à la
savante Minerve, Enfin je ne remarque pas seulement en
Votre Altesse tout co qui est requis de la part de l'esprit

i. En elîcl, les mathématiciens métaphysiciens no doivent pas


n'étudient que des objets qu'ils Ima- chercher h Imaginer, a so rcpré«
ginent, c'csl-a-dlro qu'Us se repré- senior par Intuition les objets
sentent par Intuition, solt dans qu'ils étudient, S'ils le font, Ils s'ex-
l'espace, solt dans le temps. Les posent aux plus graves erreurs.
à la plus haute et plus oxcellcnto sagesse, mais aussi tpu.t>
ce qui peut être requis de la part do la volonté ou dos '
moeurs, dans lesquelles on voit la magnanimité cl la dou-
ceur jointes ensemble avec un tel tempérament quo,
quoique la fortune, en vous attaquant par de continuelles '
injures, semble avoir fait tous ses efforts pour vous faire
changer d'humeur, elle n'a jamais pu tant soit peu ni vous
irriter ni vous abattre. Et cette sagesse si parfaite
m'oblige à tant de vénération, que non seulcmont jo
pense lui devoir ce livre, puisqu'il traite de la philoso-
phie qui en est l'élude, mais aussi je n'ai pas plus do zèle à
philosopher, c'est-à-dire à tâcher d'acquérir do la sagesso,
que j'en ai à être,
Madame,
do Votre Altesse
le très humble, très obéissant
et très dévot serviteur,
DESCAnTES.
TABLE
DES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE*

PREMIÈRE PARTIE

DES PRINCIPES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE

1. Quo pour examiner la vérité il est besoin, une fois


on sa vio, de mettre toutes choses en doule autant qu'il
se peut,
2. Qu'il est utile aussi do considérer comme fausses
toutes les choses dont on peut douter,
3. Quo nous ne devons point user de ce doute pour la
conduite de nos actions.
L Pourquoi on peut douter de la vérité des choses
sensibles.
5. Pourquoi on peut aussi douter des démonstrations do
mathématiques.
6. Quo nous avons un libre arbitre qui fait quo nous
pouvons nous abstenir de croire les choses douteuses, et
Etinsi nous empêcher d'être trompés.

ti. Cello table est do Doscartes.


Ile forme lo résumé lo plus net cl
le plus vrai du livre dont nous
avons h étudier la première paille.
VABLB DEV ptfiséïplCTÉ LA"?tjilosWr|î^$^p
7. Quo nous no saurions douter sans être, et que cèlcrç^
est la première connaissance certaine qu'on peut acquérir.^
H, Qu'on connaît aussi ensuito la distinction qui estir
entre l'aine'et le corps.
0. Co que c'est quo lu pensée, _\
10. Qu'il y a dos notions d'ellos-mêmos si claires qu'on, >
les obscurcit en les voulant définir à la façon de l'écolo, et,
qu'elles ne s'acquièrent point par étude, mais naissent „_
_
avec nous.
i I. Comment nous pouvons plus clairement connaître :
notre ame quo notre corps.
12. D'où vient que tout le mondo ne la connaît pas en
-
cette façon.
13. En quel sens on peut dire quo si on ignore Dieu,
peut avoir do connaissance certaino d^nucune autre
on no
chose,
M. Qu'on peut démontrer qu'il y a un Dieu do cela seul -
%

que la nécessité d'être ou d'exister est comprise on la *


notion quo nous avons de lui.
15. Quo la nécessité d'être n'est pas ainsi comprise en
la notion quo nous avons dès autres choses, mais seulement
le pouvoir d'être, x

10. Quo les préjugés empêchent quo plusieurs ne con-


naissent cluircment cette nécessité d'êtro qui est en Dieu,
17. Que d'autant que nous concevons plus do perfection
en uno chose, d'autant devons-nous croiro que sa causo
%

doit aussi ôtro plus parfaite.


18. Qu'on peut derechef démontrer par cela qu'il y a
un Dieu,
19. Qu'encore quo nous ne comprenions pas tout co qui
est en Dieu, il n'y a rien toutefois quo nous connaissions si
clairement comme ses perfections,
20. Quo nous ne sommes pas la cause do nous-mêmes,
mais quo c'est Dieu, et quo par conséquent il y a un
Dieu.
21. Que la seule durée do notre vio suffit pour démontrer
que Djoucst.
22. Qu'oi\ connaissant qu'il y a un Dieu-en la façon ici
expliquée on connaît aussi tous ses attributs, autant qu'ils
peuvent être connus par la seule lumiôro naturelle,
' 23. Que Dieu n'ost point corporel, et no connaît point
parl'aido dos sens commo nous, ot n'est point auteur
du péché. -,
24. Qu'après avoir connu quo Dieu, ost, pour passer
à la connaissance des créaturos, il so faut souvenir
quo notre ontendomont ost fini, et la puissance de Dieu
infinie. '
25. Et qu'il faut croire tout ce que Dieu a révélé, encore
qu'il soit au-dessus do la portée do notre esprit.
26. Qu'il no fout point tâcher do comprendro l'infini,
mais sculomont penser que tout co en quoi nous no
trouvons aucunes bornes est indéfini,
27. Quelle différence il y a entro indéfini et infini.
28. Qu'il no faut point examiner pour quollo fin Dieu a
,
fait chaque chose, mais seulement par quel moyen il a
voulu qu'elle fût produite.
29, Que Dieu n'est point la causodo nos erreurs.
30, Et quo par conséquent tout cela ost vrai quo nous
connaissons clairement être vrai, ce qui nous délivre dos
doutes ci-dessus proposés.
31, Quo nos erreurs au regard do Dieu ne sont quo dos
négations, mais au regard de nous sont des privations ou
des défauts.
32, Qu'il n'y a en nous quo deux sortes do pensées, à
savoir la perception do l'entendement et l'action do la
volonté,
r bÊS PRINCIPES M Ul»lHL0S0PHIBr^^-^_3Jh
33. Quo nous ne nous trompons que lorsque nous jugeofifr
de quelque chose qui ne nous ost pas assez connue.
31. Quo la volonté aussi bien quo l'entendement ost
,
requise pour juger.
35. Qu'elle a plus d'étendue que lui, et que de là viennent;
nos erreurs.
36. Lesquelles no peuvent ôtro imputées à Diou.
37. Quo la principale perfection de l'homme est d'avoir
un libre arbitre, et que c'est ce qui le rend digne de-
louango ou do blâme,
38. Que nos erreurs sont des défauts de notre façon
d'agir, mais non point de nolro nature; et que los fautes.
des sujets peuvent souvent être attribuées aux autres
maîtres, mais non point à Dieu.
39. Quo la liberté do notre volonté se connaît sans
preuve, parla seulo expérience que nous en avons.
40. Que nous savons aussi très certainement quo Dieu
a préordonné toutes choses.
41. Comment on peut accorder notre libre arbitre avec
la préordination divine.
42. Comment, encore quo nous no voulions jamais faillir,
c'est néanmoins par notre volonté quo nous faillons,
43. Quo nous ne saurions faillir en ne jugeant que des
choses que nous apercevons clairement et distincte-
ment.
44. Que nous ne saurions quo mal jugor de ce que nôu§
n'apercevons pas clairement, bien quo notre jugement
puisse ôtro vrai, et quo «c'est souvent notre ntêmoiro qui
nous trompe,
45. Ce que c'est qu'Une perception claire et distincte.
46. Qu'elle petit être claire sans être distincte, mais
non aucontraire.
47. Que pour ôter les préjugés de notre enfance il faut
considérer ce qu'il y a do clair en chacune de nos premières
notions.
48. Que tout ce dont nous avons quelque notion est
considéré comme une chose ou comme une vérité î et le
dénombrement des choses,
.
49. Que les vérités ne peuvent ainsi êlro dénpmbréos,
et qu'il n'en est pas besoin,
50. Quo toutes ces vérités peuvent êlro clairement aper-
çues; mais non pas do tous, à cause, des préjugés,
51. Ce que c'est que la substance ; et que c'est un nom
qu'on ne peut attribuer à Dieu et aux créatures en môme
sens.
52. Qu'il peut être attribué à l'âme et au corps en mémo
sens, et comment on connaît la substance.
53. Quo chaque substance a un attribut principal, et
quo celui do l'ame est la pensée, comme î'oxtonsion. est
celui du corps,
54. Comment nous pouvons avoir des pensées distinctes
.de la substance qui pense, do celle qui est corporelle et
do Dieu.
55. Comme nous en pouvons aussi avoir de la durée,
dp l'ordre et du nombre.
66, Ce quo c'est que qualité et attribut, et façon ou
mojde.
57. Qu'il y a des attributs qui appartiennent aux choses
auxquelles ils sont attribués, et d'autres qui dépendent do
notre pensée.
58. Que les nombres et les universaux dépendent de
notre pensée,
59} Quels sont les universaux,
GO. Des distinctions, et premièrement de celle qui est
réelle. •

Cl. De la distinction modale,


'' -
Dir^niNcfpjls'T)iif nî-piiTtôïSpiiTBJ -:^^^
62. De la distinction qui se fait parla pensée, S
63. Comment on peut avoir des notions distinctes do ^
l'extension et de la pensée, en tant que l'une constitue 15-
nature du corps, ot l'autre colle do Pamo.
Ci. Comment on peut aussi los concovoir distinctement
en les prenant pour dos modes ou attributs de ces sub- '
stances.
65. Gomment on conçoit aussi leurs diverses propriétés
ou attributs.
66. Que nous avons aussi des notions distinctes do nos
sentiments, de nos affections et de nos appétits, bien que -
souvent nous nous trompions aux jugements que nous en
faisons.
67. Que souvent mémo nous nous trompons on jugeant r
que nous sentons de la doulour en quelque partie de notre '
corps,
68. Gomment on doit distinguer en telles choses co on
quoi on peut se tromper d'avec qu'on conçoit clairement!
ce -
69. Qu'on connaît tout autrement les grandeurs, los
figures, etc., que les couleurs et les douleurs, etc.
70. Quo nous pouvons juger en deux façons des choses
sensibles, par l'une desquelles nous tombons en orreur, cl "

par l'autre nous l'évitons.


71. Que la première et principale cause de nos erreurs
sont les préjugés de notre enfance,
72. Que ta seconde ost que nous ne pouvons oublier ces
préjugés.
73. La troisième, que'notre esprit se fatigue quand il
se rend attentif à toutes les choses dont nous jugeons.
74. La quatrième, que nous attachons nos pensées à des
paroles qui no les expriment pas exactement.
75. Abrégé de tout ce qu'on doit observer pour blon
philosopher»
'80 *
" TABLE' v" -' " """ J

76. Quo nous devons préférer l'autorité divine à nos


raisoilnemens, et no rien croiro de ce qui n'est pas révélé
que nous ne le connaissions fort clairement,

SECONDE PARTIE

DES PRINCIPES DES CHOSES MATÉRIELLES

i,
Quelles raisons me font savoir certainement qu'il y a
des corps.
2. Comment nous savons aussi que notre ame est jointe
à un corps.

3. Que nos sens ne nous enseignent pas la nature des
choses, mais seulement ce en quoi elles nous sont utiles ou
nuisibles.
4. Que ce n'est pas la pesanteur, ni Indurée, ni la cou-
leur, etc., qui constituent la nature du corps, mats l'exten-
sion seule.
5. Quo cette vérité est obscurcie par los opinions dont
on est préoccupé touchant la raréfaction et le vide.
6. Comment se fait la raréfaction.
,
7. Qu'elle no peut être intelligiblement expliquée qu'en
.
ïa façon ici proposée.
8. Quo la grandeur ne diffère de ce qui est grand, ni le
nombre des choses nombréos, que par notre pensée.
0. Quo la substance corporelle ne peut être clairement
conçue sans son extension.
10. Ce quo c'est que l'espaco pu le lieu intérieur.
il. En quel sens on peut dire qu'il n'est point différent
du corps qu'il contient.
12, Et eu quel sens il en est différent.
13, Ce que c'est quo le lieu extérieur,
DES PRINCIPES DÉ LA PUILÔSOPlItB, :£M
14. Quello différence il y a entre lo lieu et l'espace.
15. Comment la superficie qui environne un corps peut
7
être prise pour son lieu extérieur. :~-
16. Qu'il ncpeul y avoir aucun vide, au sens quo les phi- - ~[
Insophes prennent ce mot.
17. Quo lo mot de vido, pris selon l'usago ordinaire, -
n'exclut point toute sorte de corps.
18. Comment on peut corriger la fausso opinion dont on .;
est préoccupé touchant lo vide.
19. Que cela confirme ce qui a été dit de la raréfaction.
20. Qu'il ne peut y avoir aucuns atomes ou petits corps
indivisibles.
2t. Que l'étendue du monde est indéfinie.
22. Quo la terre et les cieux no sont faits quo d'une,
môme matière, et qu'il ne peut y avoir plusieurs mondes,
_
23. Que (eûtes les variétés qui sont on la matière dépen-
dent du mouvement de ses parties.
24. Ce que c'est que te mouvement pris selon l'usago
commun.
25. Co quo c'est que le mouvement proprement dit.
26. Qu'il n'est pas requis plus d'action pour lo mou-
vement que pour le repos.
27. Quo le mouvement et le repos ne sont rien quo deux
diverses façons dans le corps où ils so trouvent.
23, Que le mouvement en sa propre signification ne se
rapporte qu'aux corps qui touchent celui qu'on dit se mou-
voir,
.
29. Et même qu'il ne se rapporte qu'à ceux de ces corps
quo nous considérons commo en repos.
30. D'où Vient que lo mouvomont qui sépare deux corps
qui se louchent est plutôt attribué à l'un qu'à l'autre.
31. Comment II pout y avoir plusieurs divers mouvé-
mens en un môme corps.
t'hiKûirES bts LA ritHôsortiiB. ô
32. Commont le mouvement unique proprement dit, qui
est unique en chaque corps, peut aussi être pris pour plu.
sieurs.
33. Comment en chaque mouvement il doit y avoir tout
un cercle ou anneau de corps qui se meuvent ensemble.
34. Qu'il suit do là quo la matière se divise en dos par-
lies indéfinies et innombrables.
35. Quo nous ne devons point douter que cette division
no so fasse, encore que nous ne la puissions comprendre.
36. Que Dieu est la première cause du mouvement, et
qu'il en conserve toujours uno égalo quantité en l'univers.
37. La première loi de la nature t quo chaque chose de-
meuro en l'étal qu'elle est pondant que rien ne le change,
38. Pourquoi los corps poussés delà main continuent do
so mouvoir après qu'elle les a quittés.
39. La seconde loi de la nature : que tout corps qui se
meut tend à continuer son mouvement en ligne droite.
40. La troisième s que si un corps qui se moul en ren-
conlro un autre plus fort quo soi, il ne perd rien do son
mouvement; et s'il en rencontre un plus faible qu'il puisse
mouvoir, il en pord autant qu'il lut en donne.
41. La preuve de la première partie de cette règle.
42. La prouve do la seconde partie.
43. En quoi consiste la force de chaque corps pour agir
ou pour résister.
44. Que lo mpuvoment n'est pas contraire à un autre
mouvement, mais au repos ; et la détermination d'un mou-
vement vers un côté à sa détermination vers un autre.
45. Commont on pout déterminer combien les corps qu
se rencontrent changent les mouvemons les uns des autres
par les règles qui suivent,
46. La première,
47. La second*
"DES PRINCIPES DE LA phiLosopiim. fèiç
48. La troisième.
19. La quatrième,
50. La cinquième,
51. La sixième.
52. La septième
53. règles est difficile, à cause,
Que l'explication dé cos
que chaque corps est touché par plusieurs autres en, même,
temps.
51. En quoi consiste la nature des corps durs et dos li-
quides,
55. Qu'il n'y arien qui joigne les parties des corps durs,
sinon qu'elles sont en repos au regard l'une do l'nutro.
,
56. Que los parties des corps fluides ont des mouve-
mens qui tendent également do tous côtés, et quo la moin-
dre force suffit pour mouvoir les corps durs qu'elles envi-
ronnent.
57. La preuve do l'article précédent.
58. Qu'un corps no doit pas Ôtro estimé, entièrement
fluide au regard d'un corps dur qu'il environne, quand
queiques-unos do ses parties sp meuvent moins vile quo no
fait CP corps dur.
59. Qu'un corps dur étant poussé par un autre no reçoit
pas de lui seul tout le mouvement qu'il acquiert, mais en
emprunte aussi uno partio du corps fluide qui l'envi-
ronne.
60. Qu'il ne peut toutefois avoir plus de vitesse quo co
corps dur no lui en donne.(
61. Qu'un corps fluide qui se meut tout entier vers quel-
que côté emporte nécessairement avec soi tous les corps,
durs qu'il contient ou environne.
62. Qu'on no peut pas dire proprernent qu'un corps dur,
se meut lorsqu'il est ainsi cmpprlé par. un corps fluide.
63. D'où vient qu'il y à des corps si durs qu'ils no pou-,
,84. TABLE
vent élre divisés par nos mains, bien qu'ils soient plus pe->
lits qu'elles.
64. Que je ne reçois point de principes en physique qui
ne soiont aussi reçus en mathématiques, afin de pouvoir
prouver par démonstration tout co que j'en déduirai, et que
ces principes suffisent, d'autant que tous les phénomènes
delà nature peuvent êlro expliqués parleur moyen.

TROISIÈME PARTIE

DU MONDE VISIBLE

1. Qu'on ne saurait penser trop hautement dos oeuvres


do Dieu.
2. Qu'on présumerait trop de soi-même si on entrepre-
nait do connaltro la fin quo Diou s'esl proposéo en créant
15 monde.,
3. En quoi sens on peut dire que Dieu a créé toutes
choses pour l'homme.
4. Dos phénomènes ou expériences, et à quoi elles peu-
vent ici servir.
5. Quelle proportion il y a entre le soleil, la terre et la
lune, à raison do leurs distances et de leurs grandeurs.
6. Quelle distance il y a entre los autres planètes et le
soleil.
7. Qu'on peut supposer les étoiles fixes autant éloignées
qu'on veut.
.
8. Quo la terro étant vuo du ciel no paraîtrait quo commo
une planète moindre que Jupiter ou SalUrno,
0, Quo la lumièro du soloil et des étoiles fixes leur est
propre
^^^W^rD^îi"*niic^ïim. '8&F?
10. Quo colle de la luno et des autres planètes est em- ,_r
prmitée du soleil. "T

ii, Qu'en co qui est de la lumière la terre est semblable


aux planètes.
12. Que la lune, lorsqu'elle est nouvelle, est illuminée
parla terre,
13. Que le soleil peut être mis au nombre des étoiles
fixes, et la terre au nombre des planètes.
14. Que los étoiles fixes demeurent toujours en même
situation, au regard l'une de l'autre, et qu'il n'en est pas
do môme des plané les.
15. Qu'on peut user de diverses hypothèses pour expli- -
quer les phénomènes des planètes.
16. Qu'on ne les peut expliquer tous par celle de Plo-
létnée.
17. Quo celles de Copernic et de Tycho no diffèrent
point, si on no les considère que comme, hypothèses,
18. Que par celle do Tycho on attribue en effet plus de
mouvement à la terre que' par colle de Copernic, bien :

qu'on lui en attribue'moins en paroles.


19. Que je nie le mouvement de la terre avec plus de
soin que Copernic, et plus do vérité quo Tycho.

éloignées do Saturne. ''.,'.


20. Qu'il faut supposer les éloiles fixes extrêmement

21. Quo la matière du soleil ainsi que celle do la flammé


est fort mobile, mais qu'il n'est pas besoin pour cola qu'il
passe tout entier d'un lieu en un autre,
22. Que lo soleil n'a pas besoin d'aliment commo la
flamme.
23. Que toutes les éloiles ne sont point en uno super-
ficie spliériquo, et qu'elles sont fort éloignées l'une de
l'autre.
24. Que les deux sont liquides,
86 TABIE
25. Qu'ils transportent avec eux tous les corps qu'iU
contiennent.
26. Quo la terre se repose en son ciol, mais qu'elle no
laisso pas d'ôlre transportée par lui.
27. Qu'il en est do mémo do toutes los planètes.
28. Qu'on no peut pas proprement diro quo la terro ou
los planètes so meuvent, bien qu'ellos soient ainsi trans-
portées.
29. Que même, en parlant improprement et suivant l'u-
sage, on no doit point attribuer de mouvement à la terre,
mais seulement aux autres planètes.
30. Quo toutes les planètes sont emportées autour du
soleil par le ciel qui les contient.
31. Comment elles sont ainsi emportées.
32. Comment lo sont aussi los taches qui so voient sur
la superficie du soleil.
33. Que la terro est aussi portée en rond autour de son
centre, et la lune autour do la terre.
3i. Que les mouvemens des deux ne sont pas parfaite-
ment circulaires.
35. Que toutes les planètes ne sont pas toujours en un
môme plan.
36. Et que chacune n'est pas toujours également éloi-
gnée d'un môme centre.
37. Que tous les phénomènes peuvent être expliqués
par l'hypothèse ici proposée.
38. Que, suivant l'hypothèse de Tycho, on doit dire que
la terre se meut autour de son centre.
39. Et aussi qu'elle se meut autour du soleil.
40. Encore que la" terre change de situation au
regard des autres planètes, cela n'est pas sensible
aU regard des éloiles fixes, à cause de leur extrême di-
stance
DBS PRINCIPES.DE LA PIIILOSOPIIIÉ. 87%£
41. Que cetto distance des étoiles fixes ost nécessaire
pour oxpliquer los mouvomcns des comètes.
12. Qu'on peut mcltro nu nombre dos phénomènes toutes
les choses qu'on voit sur la torro, mais qu'il n'est pas ici
besoin de les considérer toutes,
43. Qu'il n'est pas vraisemblablo quo les causes des-
quelles on peut déduire tous les phénomènes soient
fausses.
44. Quo je ne veux point toutefois assurer quo celles
que je propose sont vraies.
45. Que mémo j'en supposerai ici quelques-unes que jo
trois fausses.
46. Quelles sont ces suppositions.
47. Quo leur fausseté- n'empêche point quo co qui en
sera déduit ne soit vrai.
48. Comment toutes les parties du ciel sont devenues
rondes.
49. Qu'entre ces parties rondes il y en doit avoir d'au-
tres plus petites pour remplir tout l'espace où elles sont.
50. Que ces plus petites parties sont aisées à diviser.
51. Qu'elles se meuvent très vite.
52. Qu'il y a trois principaux élémens du monde vi-
sible.
53. Qu'on peut distinguer l'univers en trois divers
cieux.
54. Comment le soleil et les étoiles ont pu se former.
55. Ce que c'est que la, lumière.
56. Comment on peut dire d'une chose inanimée qu'elle
tond à produire quelque effort, ' "-
57. Comment un corps peut tendre à se mouvoir en
plusieurs diverses façons en même temps.
58. Comment il tend à s'éloigner du centre autour du*
_
quel il se meut.
88 TABLE
59. Combien colto tension a do force
60. Quo touto la matière des cicux tond ainsi à s'éloi-
gner do cortains centres.
61. Que cela est causo quo les corps du soloi) et des
étoiles fixes sont ronds.
02. Quo la matière céleste qui les environne tond à s'é-
loigner de tous les points de leur superficie.
63. Quo les parties de celte matière ne s'empêchent
point on cela l'une l'autre.
64. Que cela suffit pour expliquer toutes les propriétés
de la lumière, et pour fairo paraltro los astres lumineux
sans qu'ils y contribuent aucune chose,
65. Quo les cicux sont divisés en plusieurs tourbillons,
et que les pôles de quelques-uns de ces tourbillons lou-
chent les parties les plus éloignées des pôles des autres.
66. Quo les mouvemens de ces tourbillons so doivent
un peu détourner pour n'être pas contraires l'un à l'autre
67. Que deux tourbillons ne se peuvent toucher par
leurs pôles.
68. Qu'ils ne peuvent être tous de même grandeur.
69. Que la matière du premier élément entre par les
pôles do chaque tourbillon vers son centre, et sort de là
par les endroits les plus éloignés des pôles.
70. Qu'il n'en est pas de même du second élément.
71. Quelle est la cause de cette diversité.
72. Comment se meut la matièro qui compose lo corps
du soleil.
73. Qu'il y a beaucoup d'inégalités en ce qui regarde la
situation du soleil au milieu du tourbillon qui l'envi-
ronne.
74. Qu'il y en a aussi beaucoup en ce qui regarde le
mouvement de sa matière.
75. Que cela n'empêche pas que la figure ue soit ronde.
DÈS PRINCIPES DE Li PHHflSOIMIÏB, ~" 89>
76. Comment se meut la matière du premier élément
qui est entre los parties du second dans lo ciel,
77. Que le soleil n'envoie pas seulement sa lumière vers
l'écliptique, mais aussi vers les pôles.
73, Comment il l'envoie vers l'écliptique.
79. Combien il est aisé quelquefois aux corps qui so
meuvent d'étendre extrêmement loin leur action.
80. Commont le soleil envoie sa lumière vers les pôles,
81. Qu'il n'a peut-être pas du tout tant do force vers les
pôles q|ue vers l'écliptique.
82. Quelle diversité il y a en la grandeur et aux mouve-
mens des parties du second élément qui composent les
eieux.
83. Pourquoi les plus éloignées du soleil dans le premier
ciel se meuvent plus vite quo celles qui on sont un peu
plus loin,
84. Pourquoi aussi celles qui sont les plus proches du
soleil se meuvent plus vite que celles qui en sont un peu
plus loin.
85. Pourquoi ces plus proches du soleil sont plus polites
que celles qui en sont plus éloignées.
86. Que ces parties du second élément ont divers mou-
vemens qui les rendent rondes en tous sens.
87. Qu'il y a divers degrés d'agitalion dans les petites
parties du premier élément.
88. Que celles de ces parties qui ont le moins do vitesse
en perdent aisément une partie, et s'attachent les unes aux
autres.
89. Que c'est principalement en la matière qui coule des
pôles vers le centre de chaque tourbillon qu'il se trouve,
de telles parties.
90. Quelle est la figure de ces parties que nous nomme-
rons cannelées.
90 TABLE
01. Qu'entre ces parties cannelées celles qui viennent
d'un pôle sont tout autrement tournées que celles qui
viennent de l'autre.
02. Qu'il n'y a que trois canaux en la superficio do cha-
cune.
93. Qu'entre los parties cannelées et les plus petites du
premier élément il y on a d'une infinité do diverses gran-
deurs.
94. Comment elles produisent des taches sur le soleil ou
sur les étoiles.
95. Quelle ost la cause des principales propriétés do ces
tacites.
96. Comment elles sont détruites, et comment il s'en
produit de nouvelles.
97. D'où vient quo leurs extrémités paraissent quelque-
fois peintes des mêmes couleurs que l'arc-en-ciel.
98. Comment ces taches se changent en ftammes,,ou au
contraire les flammes en taches.
99. Quelles sont les parties en quoi elles se divi-
sent.
100. Comment il so forme une espèce d'air autour des
astres.
101. Que les causes qui produisent ou dissipent ces ta-
ches sont fort incertaines.
102. Comment quelquefois une seule tache couvre toute
la superficie d'un astre.
103. Pourquoi le soleil a paru quelquefois plus obscur
que de coutume, et pourquoi les étoiles ne paraissent pas
toujours de même grandeur.
104. Pourquoi il y en a qui disparaissent ou qui parais-
sent de nouveau.
105. Qu'il y a <? s pores dans les taches par où les par-
ties cannelées ont libre passage.
DES
PIUNCÎPESVE LA^ PlîIf.ÔSOPliIE.~r '~ TH-i;^
106. Pourquoi elles no peuvent retourner par lès mômes *
pores par où elles entrent,
107. Pourquoi celles qui viennent d'un polo doivent
avoir d'autres pores quo celles qui viennent do l'outre
108. Comment la malièro du premier élémont prend
son cours par ces porcs.
109. Qu'il y a encore d'autres porcs en ces taches qui
croisent los précédons.
110. Que ces taches empêchent la lumière dos astres
qu'elles couvrent.
Mi. Comment il peut arriver qu'une nouvello étoile
paraisse tout à coup dans lo ciel.
112. Comment uno étoilo peut disparaître peu à
peu.
113. Que les parties cannelées se font plusieurs passages
en toutes les taches.
114. Qu'une même étoile peut paraître et disparaître
plusieurs fois.
115. Que quelquefois tout un tourbillon peut être dé-
truit.
116. Comment cela peut arriver avant quo les taches
qui couvrent son astre soient fort épaisses.
117. Comment ces lâches peuvent aussi quelquefois
devenir fort épaisses avant que le tourbillon qui les con- -^
lient soit détruit.
118. En quelle façon elles sont produites.
119. Comment une étoilo fixe peut devenir comète ou ^
planète. ' -~ï
120. Comment se meut cette étoile lorsqu'elle com- "J
mence à n'être plus fixe. -C4
121. Ce que j'entends par la solidité des coips et par-:;1
leur agitation. \tjf
122. Que la solidité d'un corps ne dépend pas seulement
_ i3
01 TABLE " - " *

do la matière dont il ost composé, mais aussi de la quan-


tité do celte matière et do sa figure,
123. Gomment les petites boutes du second élément
peuvent avoir plus do solidité quo tout lo corps d'un
astre
J24. Comment elles peuvent aussi en avoir moins.
125. Gomment quelques-unes en peuvent avoir plus el
quelques autres en avoir inoins.
126. Comment une comète peut commencer k se
mouvoir.
127. Gomment les comètes continuent leur mouve-
ment.
128. Quels sont leurs principaux phénomènes.
129. Quelles sont les causes de ces phénomènes,
130. Comment la lumière des étoiles fixes peut parvenir
jusquos à la terre.
131. Que les étoiles ne sont peut-être pas aux mêmes
lieux où elles paraissent ; et co que c'est quo lo firma-
ment.
132. Pourquoi nous ne voyons point les comètes quand
elles sont hors de notre ciel.
133. De la queue des comètes et des diverses choses
qu'on y a observées.
131. En quoi consiste la réfraction qui fait paraître la
queue des comètes.
135. Explication de cette réfraction.
136. Explication des causes qui font paraître les queues
des comètes.
137. Explication de l'apparition dos chevrons do feu.
138. Pourquoi la queue des comètes n'est pas toujours
exactement droite ni directement opposée au soleil.
139. Pourquoi les éloiles fixes ot les planètes ne parais-
sent point avec de telles queues.
t
DES PIIINCIPES DE LA PHILOSOPHIE.
------ 93
110. Comment les planètes ont pu commencer à so
pouvoir.
141. Quollessont les diverses causes qui détournent lo
mouvement des planètes. La première
142. La seconde
143. La troisième.
144. La quatrième.
115. La cinquième
116. Comment toutes les planètes peuvent avoir été
formées.
i 17. Pourquoi toutes les planètes ne sont pas également
distantes du soleil.
148. Pourquoi les plus proches du soleil se meuvent
plus vite que les plus éloignées, et toutefois ses taches qui
en sont fort proches se meuvent moins vito qu'aucune
planète.
149. Pourquoi la lune tourne autour do la terre.
150. Pourquoi la terre tourne autour do son centre.
151. Pourquoi la lune se meut plus vite que la terre.
152. Pourquoi c'est toujours un mémo côté de la luno
qui est tourné vers la terre.
153. Pourquoi la lune va plus vite et s'écarte moins de
sa route, étant pleine ou nouvelle, que pendant son crois-
sant ou son décours.
151. Pourquoi les planètes qui sont autour de Jupiter y
tournent fort vite, et qu'il n'en est pas de môme de celles
qu'on dit être autour de Saturne.
155. Pourquoi les pôles de l'équaleur sont forl éloignés
de ceux de l'écliptique.
156. Pourquoi ils s'en approchent peu à peu.
157. La cause générale de toutes les variétés qu'on re-
marque aux moiïvemens des astres.
94 TABLE

QUATRIÈME PARTIE

DE LA TERRE

1. Quo pour trouver les vraies causes de co qui est sur


la terro il faut retenir l'hypothôso déjà prise, nonobstant
qu'elle soit fausse.
2. Quelle a été la génération do la terro suivant cette
hypothèse.
3. Sa division en trois diverses régions, et la descrip-
tion de la première
4. Description de la seconde.
5. Description de la troisième
6. Quo los parties du troisième élément qui sont en celte
troisième région doivent être assez grandes.
7. Qu'elles peuvent être changées par l'action des deux
autres élémens.
8. Qu'elles sont plus grandes que celles du second,
mais non pas si solides ni tant agitées.
9. Comment elles se sont au commencement assemblées.
10. Qu'il est demeuré plusieurs intervalles autour d'elles,
quo les deux autres élémens ont remplis.
11. Quo les parties du second élément étaient alors plus
petites, proches de la terre, qu'un peu plus haut.
12. Que les espaces par où elles passaient entre les par-
lies de la troisième région étaient plus étroites.
13. Que les plus grosses parties de celte troisième ré-
gion n'étaient pas toujours les plus basses.
14. Qu'il s'est par après formé en elle divers corps.
15. Quelles sont les principales actions par lesquelles
ces corps ont été produits. Et l'explication de la première.
DBS IMUNCIPËS DE U PHILOSOPHIE. $3=;-
premier effet de celle première action, qui ost do
16. Lo
rendro les corps transparons
17. Comment les corps durs ot solides peuvent être
transparens.
18. Le second effet de la premièro action, qui est do
purifier los liqueurs et les diviser en divers corps.
19. Le troisième effet, qui est d'arrondir les gouttes do
ces liqueurs.
20. L'explication de la seconde action, en laquelle con-
siste la pesanteur.
21. Que chaque partio do la terre, étant considérée touto
seule, ost plutôt légère quo pesante.
22. En quoi consislo la légèreté de la matiôro du
ciel.
23. Quo c'est la légèreté de cette matièro du ciel qui
rond les corps terrestres posans.
24. Do combien les corps sont plus posans les uns que
les autres.
25. Que leur pesanteur n'a pas toujours mémo rapport
avec leur matière.
26. Pourquoi les corps posans n'agissont point lorsqu'ils
ne sont qu'entre leurs semblables.
27. Pourquoi c'est vers le centre de la terre qu'ils ten-
dent.
28. De la troisième action, qui est la lumière; comment
elle agite les parties de l'air.
29. Explication de la quatrième action, qui est la cha-
leur ; et pourquoi elle demeure après la lumièro qui l'a
produite.
30. Comment elle pénètre dans les corps qui no sont
-
point transparens. y
31. Pourquoi elle a coutume de dilater les corps où ellô.._
est, et pourquoi elle en condense aussi quelques-uns.
& "j.
% TABLE
32, Comment la troisième région de In terro a commencé
ô so diviser en deux divers corps.
33. Qu'il y a trois divers genres do parties torroslres.
31. Comment il s'est formé un (roisièmo corps entre los
deux précédons.
35. Que ce corps no s'est composé quo d'un seul genre
do parties.
36. Que toutes les parties de ce genro se sont réduites à
deux espèces.
37. Commont le corps marqué C s'est divisé en plusieurs
autres.
38. Commont il s'est formé un quatrième corps au-
dessus du troisième.
39. Comment co quatrième corps s'est accru, et le troi-
sième s'est purifié.
40. Comment l'épaisseur de co troisième corps s'est di-
minuée, en sorte qu'il est demeuré do l'espace entre lui
et le quatrième corps, lequel espace s'est rempli do la ma-
tière du premier.
41. Comment il s'est fait plusieurs fentes dans le qua-
trième corps.
42. Comment ce quatrième corps s'est rompu en plu-
sieurs pièces.
43. Comment une partie du troisième est montée au-
dessus du quatrième.
44. Comment ont été produites les montagnes, les
plaines, les mers, etc.
45. Quelle est la naturo de l'air.
46. Pourquoi il peut être facilement dilaté et condensé.
47. D'où vient qu'il a beaucoup de force à se dilater
étant pressé en certaines machines.
48. De la nature de l'eau, et pourquoi elle se change
aisément en air et en glace.
DES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE. ' W
49. Du flux et reflux de la mer.
50. Pourquoi l'eau de la mer emploie douze heures et
environ vingt-quatre minutes à monter et descendre on
chaquemarée
51. Pourquoi les marées sont plus grandes lorsque la
lune est pleine ou nouvello qu'aux autres temps.
52. Pourquoi elles sont aussi plus grandes aux équi-
noxes qu'aux solstices,
53. Pourquoi l'eau et l'air coulent sans cesse des parties
orientales de la terro vers les occidentales.
51. Pourquoi les pays qui ont la mer à l'orient sont
ordinairement moins chauds que ceux qui l'ont au cou-
chant.
55. Pourquoi il n'y a point de flux et reflux dans les lacs,
et pourquoi vers les bords de la mer il ne se fait pas aux
mômes heures qu'au milieu.
56. Comment on peut rendre raison de toutes les diffé-
rences particulières des flux et reflux,
57. De la nature de la terre intérieure qui est au-dessous
des plus basses eaux.
58. Do la nature de l'argent vif.
59. Des inégalités de la chaleur qui est entre cotte terre
intérieure.
60. Quel est l'effet de cette chaleur.
61. Gomment s'engendrent les sucs aigres ou corrosifs
qui entrent en la composition du vitriol, de l'alun et autres
tels minéraux.
62. Comment s'engendre la matière huileuse qui entre
en la composition du soufre, du bitume, etc.
63. Des principes de la chimie et de quelle façon les
métaux viennent dans les minés.
6t. De la nature de la terre extérieure.et de l'origine
des fontaines. -'"'
. 1<*C\
PRINCIPES D2 LA
PHILOSOPHI^,;
.
:.;îi| 7
,-
~*
98 TABLE ' " "''
65. Pourquoi l'eau do la mer no croit point de ce que
los rivières y entrent.
66. Pourquoi l'eau do la plupart dos fontaines est douce,
el la mer demeuro salée
67. Pourquoi il y a aussi quolquos fontaines dont l'eau
est salée.
68. Pourquoi il y a dos minos do sol on quelques mon-
tagnes.
69. Pourquoi, oulro lo sel commun, on on trouvo aussi
de quelques autres espèces.
70. Quelle différence il y a ici entre les vapeurs, les es-
prits et les exhalaisons,
71. Comment leur mélange compose diverses espèces de
pierres, dont quelques-unes sont transparentes et les autres
no le sont pas.
72. Comment les métaux viennent dans les mines, et
comment s'y fait le vermillon.
73. Pourquoi les métaux no so trouvent qu'en certains
endroits do la terre.
74. Pourquoi c'est principalement au pied des monta-
gnes, du côté qui regarde le midi ou l'orient, qu'ils se
trouvent.
75. Que toutes les mines sont en la terre extérieure, et
qu'on ne saurait creuser jusques à l'intérieur.
76. Comment se composent le soufre, lo bitume, l'huile
minérale et l'argile.
77. Quelle est la cause des Iremblemens de terre.
78. D'où vient qu'il y a des montagnes dont il sort quel-
quefois de grandes flammes.
79. D'où vient que les Iremblemens de terre so font
.
souvent à plusieurs secousses.
80. Quelle esl la nature du feu.
81. Comment il peut être produit.
DES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE. 99,1?:
82. Comment il ost conservé.
83. Pourquoi il doit avoir quclquo corps à consumer afin
ilo se pouvoir entretenir.
81. Comment on peut allumer du fou avec un
fini).
85. Comment on en allume aussi en frottant un bois
sec.
80. Comment avec un miroir creux ou un verro con-
.vexe
87. Comment la seule agitation d'un corps lo peut em-
braser.
88. Comment le mélange do doux corps peut aussi faire
qu'ils s'embrasent.
89. Comment s'allume lo feu de la foudre, des éclairs cl
des éloiles qui traversent.
90. Comment s'allument les éloiles qui tombent, ot
quelle est la cause de tous les autres tels feux qui luisent
et ne brûlent point.
91. Quelle est la lumière de l'eau do mer, des bois
pourris, etc.
92. Quelle est la cause des feux qui brûlent ou échauf-
fent cl no luisent point; comme lorsque le foin s'échauffe
de soi-même
93. Pourquoi lorsqu'on jette de l'eau sur de la chaux
vivo, et généralement lorsque deux corps de diverses
natures sont mêlés ensemblo, cela excite en eux de la
chaleur.
91. Comment le feu est allumé dans les concavités do la
terre
95. De la façon que brûle un flambeau.
96. Ce que c'est qui conserve la flamme.
97. Pourquoi elle monte en pointe, et d'où vient la ;
fumée.
_:> =
W ' " TABLE ~
.
98. Commont l'air et los autres corps nourrissent la
flamme.
99. Que l'air revient cirçulairement vers le feu en la
place delà fumée.
100. Commont los liqueurs éteignent le fou, et d'où vient
qu'il y a des corps qui brûlent dans l'eau.
101. Quelles matières sont propres à le nourrir.
102. Pourquoi la flamme de l'eau-dc-vie ne brûle point
un linge mouillé de cette môme eau,
103. D'où vient que l'eau-de-vie brûle facilemont.
104. D'où vient quo l'eau commune éteint le feu.
105. D'où vient qu'elle peut aussi quelquefois l'augmen-
ter, et que tous les sels font le semblable.
106. Quels corps sonl les plus propres à entretenir
le feu,
107. Pourquoi il y a des corps qui s'enflamment et
d'autres quo le feu consume sans les enflammer.
108. Comment le feu se conserve dans lo charbon.
109. De la poudro à canon qui so fait de soufre, de sal-
pêtre et do charbon ; et premièrement du soufre.
110. Du salpêtre
111. Du mélange de ces deux ensemble.
112. Quel est le mouvement des parties du salpêtre.
113. Pourquoi la flammo de la poudre so dilate beau-
coup, et pourquoi son action tend en haut.
114. Quelle est la nature du charbon.
115. Pourquoi on graine la poudre, et en quoi princi-
palement consiste sa force.
116. Ce qu'on peut juger des lampes qu'on dit avoir
conservé leur flamme durant plusieurs siècles.
117. Quels sont les autres effets du feu.
118. Quels sont les corps qu'il fait fondre et bouillir.
119. Quels sont ceux qu'il rend secs et durs,
JDËrpRINCÏP^DE^L*L ^flllOâWlïïfr-/\%ÎC^P
* ""
-
120. Comment on liro diverses eaux par dislillaliôni }PY*~
121. Comment on tire aussi des sublimés et des hjiîlé|.>~ ;
122. Qu'on augmentant ou diminuant la force du féu.ôh. ";;
change souvent son effet.
123. Gomment on calcine plusieurs corps.
124. Comment so fait lo verro. V
125. Comment ses parties so joignent ensemble. -"
126. Pourquoi il est liquide et gluant lorsqu'il est -^
embrasé. i
127. Pourquoi il est fort dur étanl froid. V
128. Pourquoi il est aussi fort cassant. --
129. Pourquoi il devient moins cassant lorsqu'on le laisse r-
refroidir lentement.
130. Pourquoi il est transparent,
131. Comment on le teint do diverses couleurs. ~;
132. Coque c'est qu'être raide ou faire ressort, et pour- "
quoi cette qualité se irouve aussi dans lo verre.
133. Explication de la nature de l'aimant.
134. Qu'il n'y a point de pores dans l'air ni dans l'eau' 1
qui soient propres à recevoir les parties cannelées. T'
135. Qu'il n'y en a point aussi en aucun autre corps sur *
celte terre, excepté dans le fer.
136. Pourquoi il y a de tels pores dans le fer.
137. Comment peuvent être ces pores en chacune de ses,
parties.
133. Comment ils y sont disposés à recevoir les parties
cannelées des deux côtés. •
139. Quelle différence il y a entre l'aimant et le fer.
140. Comment on fait du for ou du l'acier en fondant
la mine.
141. Pourquoi l'acier est fort dur et raide et cassant.
142. Quelle différence il y a entre le simple fer et
l'acier.
10a - ÏABLE " " *
"-*"" ' v"~ I

143. Quelle ost la raison des divorses trompes qu'on


donne à l'acier.
144. Quelle différence il y a entre les pores do l'aimant,
de l'acier et du fer,
145. Le dénombromont do toutes les propriétés do l'ai-
mant.
146. Comment les parties cannelées prennent loUrs
cours au travers et autour de la terre
147. Qu'elles passent plus difficilement par l'air et par
lo reste do la terre extérieure que par l'intérieure.
148. Qu'elles n'ont pas la même difficulté à passer par
l'aimant»
149. Quels sont ses pôles.
150. Pourquoi ils so tournent vers les pôles de la
terre.
161. Pourquoi ils se penchent aussi diversement vers
son centre, à raison des divers lieux où ils sont.
152. Pourquoi deux pierres d'aimant so tournent l'une
vers l'autre, ainsi que chacune se tourne vers la terre, la-
quelle est aussi un aimant.
163. Pourquoi deux aimans s'approchent l'un do l'autre,
et quelle est la sphère de leur vertu.
154. Pourquoi aussi quelquefois ils so fuient.
155. Pourquoi, lorsqu'un aimant est divisé, les parties
qui ont été jointes se fuient.
156. Comment il arrive quo deux parties d'un aimant
qui se louchent deviennent deux pôles de vertu contraire
lorsqu'on le divise.
157. Comment la vertu qui est en chaque petite pièce
d'un aimant est semblable à celle qui est dans le tout.
158. Comment cetlo vertu est communiquéo au fer par
l'aimant.
159. Comment elle est communiquéo au ferdiversement,
a raison dos diverses façons que l'aimant"est Tourné vérs-J
lui. ~ \-
160. Pourquoi néanmoins un for qui ost plus long que- _
large ni épais la reçoit toujours suivant la longueur. - *
161. Pourquoi l'aimant no perd rien do sa vertu enjb
communiquant au fer.
102. Pourquoi elle se communique au fer fort prompt
tement, et comment elle y est affermie par lo temps.
163. Pourquoi l'acier la reçoit mieux que lo shnplo
-
fer.
164. Pourquoi il la reçoit plus grande d'un fort bon ai- z
niant que d'un moindre.
165. Comment la terre seule peut communiquer celte-
vertu au fer,
166. D'où vient que de fort petites pierres d'aimant pa_k
raissent souvent avoir plus do force que toute la terre, -r
167. Pourquoi les aiguilles aimantées onl toujours los-
pôles de leur vertu en leur extrémité. ' _
168. Pourquoi les pôles de l'aimant ne se tournent p{ts_ ~
toujours exactement vers los pôles do la terre. -
169. Comment cette variation peut changer avec lo temps, 4
en un même endroit de la terre.
170. Comment elle peut aussi être changée par la diverse-., -
situation de l'aimant.
171. Pourquoi l'aimant attire le fer.
172. Pourquoi il soutient plus de fer lorsqu'il est armé
que lorsqu'il ne l'est pas..
173. Comment les deux pôles de l'aimant s'aident l'un
l'autre à soutenir le fer.
174. Pourquoi une girouette do fer n'csl point empo-
chée de tourner par l'aimant auquel ollo est suspendue
175. Comment deux aimans doivent être situés pour
s'aider ou s'empêcher l'un l'aulro à soutenir le fer.
fôV - * —-"iPJfiLl' ~ -' - - ~

176. Pourquoi un aimant bien fort no peut attirer le fer


qui pend à un aimant plus faible
177. Pourquoi quelquefois au contraire le plus faible
..aimant attire lo fer d'un autre plus.fort.
178. Pourquoi en les pays septentrionaux le polo aus-
tral do l'aimant peut tirer plus do fer quo l'autre.
170, Comment s'arrangent les grains do la limure d'a-
cier autour d'un aimant.
180. Comment une lame de fer jointe à l'un dos pôles
de l'aimant empêche sa vertu.
181. Que cette même vertu no peut être empêchée par
l'interposition d'aucun autre corps.
182. Quo la situation de l'aimant, qui est contraire à
celle qu'il prend naturellement quand rien ne l'empêche,
lui ôte peu à peu sa vertu.
183. Que cette vertu peut aussi lui êlro ôtéc par le feu
el diminuée par la rouille.
184. Quelle est l'attraction do l'ambre, du jayet, do la
ciro, du verre, etc.
.
185. Quelle est la cause de cette attraction dans le
verre.
186. Que la même cause semble aussi avoir lieu en
toutes les autres attractions.
187. Qu'à l'exemplo des choses qui ont été expliquées
on peut rendre raison de tous les plus admirables effets
qui sont sur la terre.
188. Quelles choses doivent encore être expliquées, afin
que co traité soit complet.
189. Ce que c'est que lo sens, et en quelle façon nous
sentons.
190. Combien il y a de divers sons, et quels sont les
intérieurs, c'est-à-dire tes appétits naturels et les pas-
sions.
.
''"-- DBs'PRlWôIPESDÈ VA PfilLOSOPUIEr ' 1$HI
191. Dos sens oxlérieurs; et oii premier Hou dé ï'àllÔ&M
chôment, i
192. Du goût, Z--
193. Do l'odorat, i;
194. De l'ouïe
195. Do la vue.
196. Commont On prouvo quo l'amo ne sent qu'en tant
-,
qu'elle est dans le cerveau.
197. Comment on prouve qu'elle est do telle naturo que
le seul mouvement de quelque corps suffit pour lui donner -
,
toute sorte de sentiment.
198. Qu'il n'y a rien dans les corps qui puisse exciter en

nous quelque sentiment* excepté le mouvement, la figure "%-


ou situation et grandeur de leurs parties.
199. Qu'il n'y a aucun phênpmèno en la nature qui fie
~
soit compris en ce qui a été expliqué en ce traité. -
200. Que ce traité no contient aussi aucuns principes "
qui n'aient été reçus de tout temps do tout lo monde; en ~j
sorte que cette philosophie n'est pas nouvelle, mais la plus -- '->

ancienne et la plus commune qui puisso être.


201. Qu'il est certain que les corps sensibles sont corn- J-
posés de parties insensibles. f
202. Que ces principes ne s'accordent pas mieux avec. -
ceux de Dêmocrite qu'avec ceux d'Arislote ou des autres.
203. Comment on peut parvenir à la connaissanco
des figures; grandeurs et mouvemens des corps insen-
sibles. *
" '

204. Que louchant les choses que nos sens n'aperçoivent '
.

point, il suffit d'expliquer comme elles peuvent être : et


que c'est tout co qu'Àristote a tâché de faire.
205. Quo néanmoins on a une certitude moralo que =
toutes los choses do ce monde sont tollés qu'il a été Ici
démontré qu'elles peuvent être.
- Ï06 TABLE DES PRINCIPES DE LA PHILOSÔ^MB" ~^~'
JiE' mÔm° qU'°n °n
a Un 0 Cor,ltudo Pl«S que
207 Mais que je soumets
toutes mes opinions au jugo
mont des plus sages et à l'auloriiô de
l'Eglise

FIN DE LA TA RLE
LES PRINCIPES

DE LA PHILOSOPHIE

PREMIÈRE PARTIE

DES PRINCIPE DE LA CONNAISSANCE HUMAINE

I. Quo pour oxamincr la vérité il est besoin, uno fols en sa„,


vie, de mcltro toutes choses en doute autant qu'il se peut,

Comme nous avons été enfans avant que d'être


hommes, et que nous avons jugé tantôt bien el lanlôï^
mal des choses qui se sont présentées à nos sens lors*
que nous n'avions pas encore l'usagé entier de nolfô
raison, plusieurs jugemens ainsi précipités nous em-
pochent de parvenir à la. connaissance do la vérité, ôt
nous préviennent do'telle' sorte qu'il n'y a point d'ap-
parence que nous puissions nous en délivrer, si nous
n'entreprenons de douter une fois en notre vio de toutes
les choses où nous trouverons le moindre soupçon
d'incertitude *.
I. On volt Ici érigée en msxlftio prdsento MlleuM d'uno façon touto
gcndralc une méthode que Descavlcs diifôrento. tl dit, en effet, dtn» lo
"«»« * LÈS PRINCIPES' -r -^.Vvf-^
S, Qu'il est utile aussi do considérer comme fausses toutes les
choses dont on peut douter.
II sera môme fort utile que nous rejetions comme
fausses toutes celles où nous pourrons imaginer lo
moindre doute, afin que si nous en découvrons quel-
ques-unes qui, nonobstant celte précaution, nous
semblent manifestement être vraies, nous fassions
état qu'elles sont aussi très certaines et les plus aisées
qu'il est possible de connaître.

3. Que nous no devons point user do co doute pour la conduite


de nos actions.
Cependant il est à remarquer que je n'entends point
que nous nous servions d'une façon de douter si géné-
rale, sinon lorsque nous commençons à nous appli-
quer à la contemplation de la vérité. Car il est certain
qu'en ce qui regarde la conduite de notre vie, nous
sommes obligés de suivre bien souvent des opinions
qui no sont que vraisemblables, à cause que les occa*
sions d'agir en nos affaires se passeraient presque
toujours avant que nous puissions nous délivrer de tous
nos doutes; et lorsqu'il s'en rencontre plusieurs de
telles sur un môme sujet, encore que nous n'aperce-
vions peut-être pas davantage de vraisemblance aux
unes qu'aux autres, si l'action ne souffre aucun délai,
la raison veut que nous en choisissions une, et qu'après

Discours de la méthode 1t La seulo ravant en sa créance n'est pas


résolution do so dcïaifo de tontes un exempte quo chacun doive
tes opinions qu'on a reçues aupa- suivre. }
~ " z OETJA pBiLosôpiïiÈr ": "*--z> -5HB
l'avoir choisie nous la suivions constamment, de môme
que si nous l'avions jugée très certaine 1. '- ^

4. Pourquoi on '^
peut douter de !a vérité des choses sensibles.
Mais, d'autant que nous n'avons point maintenant
d'aulre dessein quo do vaquer à la recherche do là-
vérité, nous douterons en premier lieu si do toutes les
choses qui sont tombées sous nos sens, ou que nous
avons jamais imaginées, il y en a quelques-unes qui
soient véritablement dans le monde, tant à cause que
nous savons par expérience que nos sens nous ont;:
trompés en plusieurs rencontres, et qu'il y aurait dol_
l'imprudence de nous trop fier à ceux qui nous ont,
trompés, quand môme ce n'aurait été qu'une" fojs,;
comme aussi à cause que nous songeons presque IOVL-
jours en dormant, cl que pour lors il nous semble que.
nous sentons \iveinent et que nous imaginons claire-
ment une infinité de choses qui ne sont point ailleurs,'
et que, lorsqu'on est ainsi résolu à douter de tout, il
ne reste plus de marque par où l'on puisse savoir si
les pensées qui viennent en songe sont plutôt fausses 4 _„

que les autres 8.

5. Pourquoi on peut aussi douter des démonstrations de mathé-


matiques.
Nous douterons aussi de toutes les autres choses qui

1. C'est lo développement d'uno Idu Discourt de la héthode.


des règles* de la morale provi- i, Voy, le développement de
soire indiquée dans ta 3* partio ces Idées dans la 1e» Méditation.
,
HO ' LES PRINCIPES" " *

I
nous ont semblé autrefois très certaines, mômo des
démonstrations do mathématiques et do leurs principes,
encore que d'eux-mùmes ils soient assez manifestes, à
cause qu'il y a des hommes qui so sont mépris en rai-
sonnant sur do telles matières; mais principalement
parce que nous avons ouï dire que Dieu, qui nous a
créés, peut faire tout co qu'il lui platt, et que nous ne
savons pas encore si peut-être il n'a point voulu nous
faire tels que nous soyons toujours (rompes, mômo
dans les choses que nous pensons le mieux connaître:
car, puisqu'il a bien permis que nous nous soyons
trompés quelquefois, ainsi qu'il a été déjà remarqué,
pourquoi ne pourrait-il pas permettre que nous nous
trompions toujours? Et si nous voulons feindre qu'un
Dieu tout-puissant n'est point l'autour do notre ôlre,
et que nous subsistons par nous-mêmes ou par quelque
autre moyen ; de co que nous supposerons cet auteur
moins puissant, nous aurons toujours d'autant plus de
sujet de croire que nous ne sommes pas si parfaits quo
nous ne puissions être continuellement abusés 1.

6. Que nous avons un libre arbitre qui fait quo nous pouvons
nous abstenir de croire les choses doutcusos, et ainsi
nous empocher d'être trompés.
Mais quand celui qui nous a créés serait tout-puis-
sant, et quand mômo il prendrait plaisir à nous trom-
per, nous ne laissons pas d'éprouver en nous une liberté
qui est telle que, toutes les fois qu'il rtous platt, nous

1. Voy. !» Méditation.
*
' DE LA' PHtLOSÔPIHE. ' -- "'T~^'STf®
abstenir do recevoir croyTiftlotz
pouvons nous en noire
les choses que nous ne connaissons pas bien, et ainsi
nous empocher d'être jamais trompés*.

7. Que nous ne saurions doutor sans ôlro, et quo cela esl la,
première connaissance ccrlaîno qu'on peut acquérir.

Pendant que nous rejetons ainsi tout co dont nous


pouvons douter lo moins du monde, et que nous feignons,
môme qu'il est faux» nous supposons facilement qu'il
n'y a point de Dieu, ni de ciel, ni de terre, et que nous,
n'avons point do corps, mais nous ne saurions supposer
de môme que nous ne sommes point pendant que nous
doutons do la vérité do toutes ces choses ; car nous
avons tant de répugnance à concevoir quo ce qui pense
n'est pas véritablement au môme temps qu'il penso,
que, nonobstant toutes les plus extravagantes supposi-
tions, nous ne saurions nous empêcher de croire quo
cette conclusion: Je pense, donc je suis, no soil vraie,
et par conséquent la première et la plus certaino
qui se présente à celui qui conduit ses pensées par
ordre*.

1. Nous pouvons nous abstenir tond-il qu'il est sa penséo mémo, ou


do recevoir en nolro croyanco les bien uno substance, uno causo dif-
choses quo nous ne connaissons pas férente do sa penséo cl qui la pro-
Lient mais, à l'égard des choses duit. — Les auteurs des Objections
quo nous connaissons bien, nous no auxMéd, a\atonl longuement discuté
sommes pas libres. la question do savoir si lo Je pense,
i. Tout cela demanderait quel- donc je suis, est ou n'est pas un
quo développement. Quand Doscartes sjltoglsmo. Remarquer qu'ici Des*
dil t Je pense, donc je suis, en» caitcs l'appcllo une conclusion,
112 " LES PRINCIPES
-

8. Qu'on connaît aussi ensuite la distinction qui est entre l'àme


et lo corps.
Il me semble aussi que ce biais est tout le meilleur
que nous puissions choisir pour connaître la nature do
l'ame, et qu'elle est une substanceentièrement distincte
du corps : car, examinant ce que nous sommes, nous
qui sommes persuadés maintenant qu'il n'y a rien hors
de notre pensée qui soit véritablement ou qui existe,
nous connaissons manifestement que, pour être, nous
n'avons pas besoin d'extension, de figure, d'être en
aucun lieu, ni d'aucune autre semblable chose que l'or,
peut attribuer au corps, et que nous sommes par cela
seul que nous pensons; et par conséquent que la no-
tion que nous avons de notre ame ou do notre penséo
précède celle que nous avons du corps, et qu'elle est
plus certaine, vu que nous douions encore qu'il y ait
aucun corps au monde, et que nous savons certaine-
ment que nous pensons *.

9. Ce que c'est que penser '.

Par le mot de penser, j'entends tout ce qui se fait


en nous de telle sorte que nous l'apercevons immédia-

1. Cette démonstration no sem- pas le corps par celte seule raison


ble pas très rigoureuse Qu'est-ce .quo nous connaissons la pensée avant
quo l'Amef une chose qui pense. de connaître lo corps et d'uno façon
Quo savons-nous jusqu'ici doccito plus certaine ?
chose r rien, sinon qu'elle est 2. Remarquer cetto définition de la
pensante. Comment donc pouvons- pensée qu'il faut avoir présente M'es*
nous affirmer que cette choso n'est prit chaque fols qu'on lit Descartes.
-'" - -*'*Mt\ftitLôsopmE." "<1W
tcmentpar nous-mêmos; c'est pourquoi non soulômonï
entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir ost la
môme chose ici que penser. Car si je dis quo jo vois
ou que je marche, et quo j'infère de Li que jo suis i
si'
j'entends parler de l'action qui so fait avec mes yeux
ou avec mes jambes, cette conclusion n'ost pas telle-
ment infaillible quo jo n'aie quelquo sujet d'en douter,
à cause qu'il so pout faire quo je pense voir ou maiv
cher, encore que je n'ouvre point les yeux cl qtto je no,
bouge de ma place; car cela m'arrlve quelquefois on
dormant, et le mômo pourrait peut«ôlre în'arriver on*
coro que jo n'eusse point do corps : au Heu que si j'eu-.
tends parler seulement de l'action do ma penséo ou du
sentiment, c'est-à-dire de la connaissance qui est en
moi, qui fait qu'il me semble que je vois ou qtieje^
marche, cette mômo conclusion est si absolument vraie
que je n'en puis douter, à cause qu'elle se rapporte à
l'amo, qui seule a la faculté de sentir ou bien do penser
en quelque autre façon qua ce soit.

10. Qu'il y a des notions d'elles-mômes si claires qu'on les obs-


curcit en les voulant définir à la façon do l'école, ot
qu'elles ne s'acquièrent point par l'étude, mats naissent
avec nous.
Je n'explique pas ici. plusieurs autres termes dont
je me suis déjà servi et dont je fais état de me servir
ci-après; car je ne pense p.is que, parmi ceux qui liront
mes écrits, il s'en rencontre do si stupides qu'ils no
puissent enlendro d'eux-mêmes co que ces termes si-
gnifient. Outre quo j'ai remarqué que les philosophes,
r-niNCIPES DE LA PIltLOSOPIIIB, 8
iU *
LES PRINCIPES --^ '—
on tâchant d'expliquer par les règles do leur logique
dos choses qui sont manifestes d'elles-mômes, n'ont
rien fait que les obscurcir 1; et lorsquo j'ai dit que
cette proposition. : Je pen$e> donc je suis, est la pre-
mière et la plus cortaino qui se présente à celui qui
conduit sos pensôos par ordre, je n'ai pas pour cela
nié qu'il no fallût savoir auparavant ce que c'est que
pensée, certitude, existence, et quo pour penser il faut
ôtrof et autres choses semblables ; mais, à cause que
ce sont là des notions si simples que d'elles-mômes
elles ne nous font avoir la connaissance d'aucune chose
qui existe, je.n'ai pas jugé qu'on en dût fairo ici aucun
dénombrement.

il. Comment nous pouvons plus clairement connattro notre amo


que nôtre corps.

Or, afin do savoir comment la connaissance que nous


avons de notre pensée précède celle que nous avons
du corps, et qu'elle est incomparablement plus évi-
dente, et telle, qu'encore qu'il ne fût point, nous aurions
raison de conclure qu'elle ne laisserait pas d'être tout
ce qu'elle est, nous remarquerons qu'il est manifeste,
par une lumière qui est naturellement en nos ames,
que le néant n'a aucunes qualités ni propriétés qui lui
appartiennent, et qu'où nous en apercevons quolquès-
uites il se doit trouver nécessairement une chose ou

1. Il est donc tnutîlo de chercher cst-ello ou it'est-ello pas évidente :


si lo Je pense, donc je suis, est ou voilà quelle doit étro touto la que*
n'est pas un syllogisme, La chose | lion.
DE LA PHILOSOPHIE. m
substance dont ollos dépendent'*. Cottô mônio lumière
nous montre aussi que nous connaissons d'autant
mieux uno chose ou substance, quo nous remarquons
en elle davantage do propriétés* : or il est certain
quo nous en remarquons beaucoup plus on notre pen-
séo qu'en aitcuno àutro choso que co puisse ôtro 3;
d'autant qu'il n'y a rien qui nous fasse connaître quoi
que ce soit, qui ne nous fasso encore plus certaine-*
ment connaitro notre ponsée, Par exomple, si jo mo
persuade qu'il y a uno terro à cause que jo la touche
ou quo je la vois : de cela mômo, par une raison encoro
plus forte, jo dois être persuadé quo ma penséo ost ou
existo, à cause qu'il se peut faire que je penso tou-
cher la terro encoro qu'il n'y ait peut-élroaucuno terre
au monde; et qu'il n'est pas possible que moi, c'est-
à-dire mon amo, no soit rien pondant qu'ello a cette
penséo : nous pouvons conclure le môme do toutes los
autres choses qui nous viennent en la pensée, à savoir
que nous, qui les pensons, existons, oncoro qu'elles
soient peut-être fausses ou qu'elles n'aient aucune
existence,

1. Les deux termes qualités ou sons la pensée, mais qui nous


propriétés et substance étant cor- permet do décider quo ta penséo est
rélatifs, il est éviient quo, si nous uno qualité,
connaissons uno qualité ou une 8, Doscartes no va pas jusqu'à
propriété, nous pouvons affirmer dlro quo la substance n'est qu'une
l'existence d'uno substance i mais collection de propriétés.
quj .nous pormot d'affirmer à 3.' La pensée serait donc une
priori qu'une chose connue est uno substanco et non la qualité, ou
qualité, par exemple nous connais- prop; télé d'une chose pensante
"ÏJdT LES PRINCIPES "
12. D'où viçnl quo tout lo momlo no la connaît pas on cotte
façon,
Coux qui n'ont pas philosophé par ordre ont ou d'au-
tres opinions sur co sujet, parco qu'ils n'ont jamais
distingué assez soigneusement lo'ur ame, ou ce qui
penso, d'avec lo corps, ou co qui ost étendu on lon-
gueur, largeur et profondeur. Car oncoro qu'ils no
fissent point difficulté do croire qu'ils étaient dans
lo mondo, et qu'ils en eussent une assurance plus
grande quo d'aucune autre chose, néanmoins, comme
ils n'ont pas pris garde quo pour oux, lorsqu'il était
question d'uno certitude métaphysiquo, ils devaient
entondre seulement leur penséo, et qu'au contraire ils
ont mieux aimé croire quo c'était leur corps qu'ils
voyaient do leurs yeux, qu'ils touchaient do leurs
mains, et auquel ils attribuaient mal à propos la fa-

culté dp sentir, ils n'ont pas connu distinctement la


nature de lotir ame.

13. En quoi sens on peut dire quo, si on Ignore Dieu, on no peut


avoir do connaissance cortaino d'aucuno autre chose',
Mais lorsque la pensée, qui so connaît soi-môme en
cetlefaçon, nonobstant qu'elle persiste encoro à douter
des aùîres choses, use do circonspection pour lâcher
d'étendre sa connaissance plus avant, elle trouve on
soi premièrement les idées de plusieurs choses; et
pendant qu'elle les contemple simplement, et qù'ello
n'assure pas qu'il y ait rien hors do soi qui solt soin-
[ L Excepté lo Je pense, donc je suis. '•'.'''
DE LA PiiaOSQPIIIE. 117
blablo à ces idées, et qu'aussi ello no lo nio pas, elle
est hors de danger do so méprendre Ello roncontro
aussi quelques notions communes dont ollo composo
des démonstrations qui la persuadent si absohiinont
qu'elle no saurait douter do lour vérité pondant qu'ollo
s'y applique Par exomplo, ollo a en soi les idées dos
nombres et dos figuros; ello a aussi entre ses com-
munes notions, que, si on ajouto des quantités égales
à d'aulres quantités égalos, les tous soront égaux, et
beaucoup d'aulres aussi évidentes que çcllo-ci, par les-
quelles il est aisé de démontrer quo les trois angles
d'un triangle sont égaux à deux droits, etc. Or tant
qu'elle aperçoit ces notions et l'ordre dont elle a déduit
celte conclusion ou d'autres semblables, elle est très
assurée de leur vérité ; mais, comme ollo no saurait y
penser toujours avec tant d'attention, lorsqu'il arrive
qu'elle se souvient do quelque conclusion sans prondro
garde à l'ordre dont ello peut être démontréeâ, et quo
cependant ello penso que l'Auteur do son être 9 aurait
pu la créer do telle nature qu'elle se méprit on tout ce
qui lui semble très évident, ello voit bien qu'ello a un
juste sujet de se défier do la vérité de tout ce ffu'ello
n'aperçoit pas distinctement, et qu'elle ne saurait
avoir aucune science certaine jusques à co qu'ollo ait
connu celui qui l'a créée,

1. Cf. pascal t « La mémoire est ves. Il eu résulto quo pratique-


nécessaire pouy toutes los opéra- ment toute certitudo dépend do
tions do l'esprit! » Les conséquences la mémoiro. *:
do ccllo observation sont très gra- 9. Quel qu'il sojt,
il» LES PRINCIPES

11. Qu'on pout démontrer qu'il y a un Dieu do cola soûl quo la


nécessité d'étro ou d'oxislcr est comprise on la notion
quo nous avons do lui.

Lorsquo par après ello fait une revue sur les diverses
idées ou notions qui sont on soi *, et qu'elle y trouvo
çoîlo d'un Être * tout connaissant, tout-puissant et
extrêmement parfait, elle juge facilement, parce qu'ello
aperçoit en celle idôo, quo Dieu, qui est cot Être tout
parfait, est ou existo : car encore qu'elle ait des idées
distinctes do plusieurs autres choses, elle n'y romarque
rien qui l'assure do l'existence de leur objet ; au liou
qu'elle aperçoit en colle-ci, non pas seulemont une
existence possiblo comme dans les autres, mais une
existence absolument nécessaire et éternelle, Et commo,
do ce qu'ello voit qu'il est nécessairement compris
dans l'idée qu'ello a du triangle quo ses trois angles
soient égaux à deux droits, ello so persuade absolument
qUe le triangle a les trois angles égaux à deux droits ;
de même, de cela seul qu'elle aperçoit que l'existence
nécessaire et éternelle est comprise dans l'idée qu'elle
a d'un Être tout parfait, elle doit conclure que cet Être
tout parfait est ou existé 3.

if Nous dirions aujourd'hui i 3, Cctto preuvo toute malticma-


* qui sont en elle ». Il est dinlcllo llquo do l'existence do Dieu n'est
d'accuser Dcsçartos d'incorrection. quo la reproduction sous une autre
2. Nous conservons la manière forme do la preuvo connuo dans
dVçrtro du temps. Dans la première
=
l'dcolo sous lo nom do preuvo do
édition du Dise, de lamtlh., tous saint Anselme, Dans \o Disc, de
lès substantifs importants prennent la mithlf au lieu do tenir comme
lUnp iflàjtisçùie, Ici là première pUco, elle no vient
DE LA PHILOSOPHIE. 110

15. Quo la nécessité d'être n'est pas ainsi comprise en la notion


quo nous avons dos autres choses, mais seulement lo
pouvoir d'ôtro'
Elle pourra s'assurer encore mioux de la vérité do
cette conclusion, si elle prond garde qu'ello n'a point
en soi l'idée ou la notion d'aucune autre chose où elle
puisse reconnaître une existence qui soit ainsi absolu-
ment nécessaire} car de cela seul olle saura que l'idée
d'un Être tout parfait n'est point en ello par une fic-
tion, comme colle qui représente une chimère, mais
qu'au contraire elle y ost empreinte par une nature
immuable et vraie et qui doit nécessairement oxistor,
parce qu'elle ne peut être conçue qu'avec une existence
nécessaire.

10 Quo les préjugés empochent que plusieurs né connaissent


clairement cette nécessité d'être qui ost en Dieu.
Notro ame on notre pensée n'aurait pas de peine £
se persuader cette vérité, si elle était libre de ses pré?:
jugés ; mais, d'autant que nous sommes accouturhés£
distinguer en toutes ' es autres choses l'essence de

que la dernière. 11 en est de mémo trique était dovcnii dominant dans


dans les Méditations. La question do la pensdo do Descartes pendant fia-
l'cxlslcnco do Dieu est traltéo dans tcrvallo qui sépare la composition
li l'« Méditation,' la preuvo, quo des Méditations do ccllo des Prin-
nous avons Ici, n'est exposée que cipes, .Voyoi la thèse lalino do
dans la 5». On sait l'importance M. Émilo SAISSET,
quo Dcscarlcs attache a l'ordre do 1. Comparer celte doçtrlno à!,

ses déductions. Oh a voulu voir dans ccllo do Leibniz, qui soutient que
lo changement quo nous signalons tout co qui n'est pas contradictoire'
ici une prouve que l'esprit géomé- ost possible,
ISO LES PRINCIPES
Texislonco, ot quo nous pouvons feindra â plaisir plu-
sieurs idées de choses qui peut-être n'ont jamais été ot
qui no seront pout-ôtro jamais; lorsque nous n'élevons
pas comme il faut 4 notro esprit à la contemplation de
cet Êtro tout parfait, il se peut faire quo nous doutions
si l'idée quo nous avons do lui n'est pas l'une do celles
quo nous feignons quand bon nous semble, ou qui sont
possiblos encore quo l'existenco ne soit pas nécessaire-
mont comprise en leur nature.

17. Que d'autant quo nous concevons plus de perfection on uno


choso, d'autant devons-nous croire quo sa cause doit
aussi ôtro plus parfais.

Déplus, lorsque nous faisons réflexion sur les diverses


idées qui sont en nous, il est aisé d'apercevoir qu'il n'y
a pas beaucoup do différence ontro elles on tant quo
nous les considérons simplement comme les dépen-
dances de notro ameou do notre penséo, mais qu'il y
en a beaucoup en tant que l'une représente une choso,
et l'autre Uno autre'; et mémequeleur cause doit être
d'autant plus parfaite quo ce qu'elles représentent de
leur objet a plus de perfection. Car tout ainsi que, lors-
qu'on nous dit quo quelqu'un a l'idée d'une machino

1, Pour élever, comme il faut, naître en nous nos idées et dont


notro esprit a la contemplation de nos Idées sont la représentation en
Dieu, nous dovons nous efforcer do sont la cause formelle. Aujour-
loconcevoir par la penséo puro, d'hui l'usago est de parler la langue
sans aucuno Inlcrvcnlion de 1 ima- do Kant plutôt quo la langue
gination. do Doscartes, Kant oppcllo objectif
2. Dans la langue de Descartes, ce que Descartes nomma formel et
notre amo cstla causé objective do subjectif co quo Déscarlos nomme
nos Idées i lo* ohjots qui font objectif-
DE LA PHILOSOPHIE, " Ï81
où il y a beaucoup d'artifico, nous avons raison de nous
enquérir comment il a pu avoir cette idéo, a savoir
s'il a vu quelque part uno telle machine faito par un
autro, ou s'il a appris la scienco des mécaniques, ou
s'il est avantagé d'une (ello vivacité d'espritque do lui-
même il ait pu l'inventer sans avoir rien vu de sem-
blable ailleurs, à cause que tout l'artifice qui est repré-
senté dans l'idée qu'a cet homme, ainsi que dans un
tableau, doit être en sa première et principale cause,
non pas seulomont par imitation, mais en effet do la
mémo sorte ou d'une façon encoro plus émlnento '
qu'il n'est représenté...

18, Qu'on peut derechef démontrer par cela qu'il y a un Dieu.

Do môme, parce que nous trouvons on nous l'idée


d'un Dieu, ou d'un Èlro tout parfait, nous pouvons
rechercher la causo qui fait que celto idée est en
nous; mais, après avoir considéré avec altontion
combien sont immerises les perfections qu'ello nous
représente, nous sommes contraints d'avouer que
nous ne saurions la tenir que d'un Être très parfait 8,
c'est-à-dire d'un Dieu, qui est véritablement ou qui
exislo, parce qu'il est non seulement manifeste par la
lumièro naturelle que- lo riêant'ne peut être auteur de
quoi quo ce soit, et quo le plus parfait ne saurait ôtro

|. Terme do l'école, Uno chose en cO sens qu'étant plus parfaite


ai éminemment dans une autre elle renferme sa raison d'clrô,
quand ta secondo contient la pro- S. Tris Stghifio dans ce cas abso-J
micro, non piïfofmeUiïnént, mais Hïmihi,
1*2 LES PRINCIPES

uno suite et uno dépendance du moins parfait 1, mais


aussi parco que nous voyons par le moy'on do cette
même lumière qu'il est impossible quo nous ayons
l'idée pu l'image do quoi quo ce soit, s'il n'y a en nous
ou ailleurs un original qui comprenno en effet toutes
les perfections qui nous sont ainsi représentées; mais
commo nous savons que nous sommes sujets à beau-
coup de défauts, et que nous ne possédons pas ces
oxtrêmes perfections dont nous avons l'idée, nous
devons conclure qu'elles sont en quelque, nature qui
est différente do la nôtre, et en effet très parfaite,
c'est-à-dire qui ost Dieu, ou du moins qu'elles ont été
autrefois en cette chose, et il suit de ce qu'elles étaient
infinies qu'elles y sont encore,

19. Qu'cncoro quo nous no comprenions pas tout ce qui est en


Dieu, il n'y a rien toutefois que nous connaissions si
clairement commo ses perfections.
Je ne vois point en cela de difficulté pour ceux qui
ont accoutumé leur esprit à la contemplation de la

1. Co principe est lo fondement dans la penséo. C'est co raisonne-


de toute vraie mélsphyslquo et la ment que l'inipto voudrait faire dans
négation du matérialisme qui veut son coeur insensé, qui ne songb pas
expliquer lo plus par lo moins, quo le parfait est lo premier, et en
Voy, un magnifiquo développement sol ot dans nos idéos, et quo l'impar-
do cotto penséo dans IiOSSUEî, fait en toutes façons n'en est qu'uno
Élévations sur les mystères, dégradation. Dis, mon aine, com-
{'? somalno, 2e élévation! « On ment entends-tu lo néant sinon par
dit ; lo parfait n'est pas Î lo l'être? Comment cnlcnds-tu la pi!-;
jpàrfait n'est qu'uno Idée do notro vallon, si co n'est par la formé dont
esprit, qui va s'élôvant do l'im- elle prive? Hommont l'imperfection
iMfaitqu'on voit de ses yeux jusqu'il si ce n'est par la perfection'dont
pjift perfection qui n'a de réalité quo die déchoit, s *.-.;
' M PHILOSOPHIE.
DE W
Divinité, ot qui ont pris garde à ses perfections infi*
nios; car encore quo nous ne les comprenions pas,
parce que la nature do l'infini est telle que des penséos
finies no lo sauraient comprendre, nous les concevons
néanmoins plus clairement et plus distinctement que
les choses matérielles, à couso qu'élanl plus simples
et n'étant point limitées, co que nous en concovonsost
beaucoup moins confus, Aussi il n'y a point de spécu-
lation qui puisse plus aider à perfectionner notro
entondement et qui soit plus importante que celle-ci,
d'autant que la considération d'un objet qui n'a point
do bornes en ses perfections nous comble de satisfac-
tion et d'assurance.

20. Quo nous ne sommes pas la cause do nous-mômos, mais quo


c'est Dieu, et quo par conséquent il y a un Dieu.
Mais tout le monde n'y prend pas garde comme il
faut; et parce quo nous savons assez, lorsque nous
avons une idée de quelque machine où il y a beau-
coup d'artifice, la façon dont nous l'avons eue, et quo
nous ne saurions nous souvenir de même quand l'idée
que nous avons d'un Dieu nous a été communiquée
de Dieu, à cause qu'elle a toujours été en nous 1, il
faut que nous fassions encore celte revue, et que nous
recherchions quel est' dono l'auteur do notro amo ou.
do notre pensée qui a en soi l'idée dos porfections
infinies qui sont en Dieu : parce qu'il est évident quo

i; L'idée de Dieu est Innée qui précède ce que lo mot inné


en lioùè. -- Oh voit assoï par ce slpuîé.
\U LES PRINCIPES
' ce qui connaît quelque choso do plus pariait que soi
no s'ost point donné J'êtro, à causo quo par mémo
moyon il so sorait donné toutos los perfections dont
il aurait eu connaissance; ot par conséquent qu'il ne
saurait subsister par aucun autro quo par celui qui
possède on effet toutes ces perfections, c'ost-à-dirc
qui est Dieu,

21. Que la seulo durée de notre vio suffit pour démontrer quo
Dieu est.

Je no crois pas quo l'on puisse douter do la vérité


do celto démonstration, pourvu qu'on prenno garde à
la nature du temps ou do la durée do notro vie t car,
étant telle quo ces parties no dépendent point les unes
des autres et n'existent jamais ensemble, do co quo
nous sommes maintenant, il ne s'ensuit pas nécessai-
rement que nous soyons un moment après, si quoique
cause, à savoir la mémo qui nous a produits, no con-
tinuo à nous produire, c'est-à-dire no nous conserve :
et nous connaissons aisément qu'il n'y a point do force
cri nous par laquelle nous puissions subsister ou nous
conserver un seul moment, et que celui qui a tant de
puissance qu'il nous fait subsister hors de lui et qui
nous conserve doit se conserver soi-mêmo, ou plutôt
n'a besoin d'êlro conservé par qui quo co soit, ot onfin
qu'il ost Dieu 4,

{. G'ost là co qu'on nommo la Splnoztsme. Descartes scmblo avoir


doctrine do la création contl~ voulu écarter celto interprétation
nuée. Beaucoup d'historiens mil vu par les mots t « subsister hors
dans cette doclrino lo germo du de lui i,
«
DELÀ PHILOSOPHIE/ 1*5 "'

29, Qu'en connaissant qu'il y a un Diou, on la façon ici oxpllquéo,


on connaît aussi tous ses attributs, autant qu'ils peuvent
ôtro connus par la seule lumière naturelle

Nous recovons oncoro cet avnnlugo, on prouvant do


celte sorte l'oxistenco do Diou, que nous connaissons
par môme moyen co qu'il est, autant que lo pormot la
faiblesse do notre nature; car, faisant réfloxion sur
Pidéo quo nous avons naturellement do lui, nous
voyons qu'il est éternel, tout connaissant, tout-puis-
sant, source de toute bonté et vérité, créateur de toutes
choses, et qu'enfin il a en soi tout ce on quoi nous
pouvons reconnaître quelquo perfection infinio ou bien
qu'il n'est borné d'aucune imperfection.

23, Quo Dieu n'est point corporel, ot no connaît point par


l'aide dos sons comme nous, et n'est point auteur du
péché.

Car il y a des choses dans le mondo qui sont limitées,


.
et en quelque façon imparfaites, encore quo nous
remarquions en elles quelques perfections ; mais nous
concevons aisément qu'il n'est pas possible qu'aucune
de celles-là soient en Dieu : ainsi, parce que l'exten-
.
sion constitue la nature du corps, et que ce qui est
étendu peut être divisé en plusieurs parties, et que
cela marque du défaul, nous concluons que Dieu n'est
.
point un corps. Et bien que ce soit un avantage aux.
hommes d'avoir des sens, néanmoins à cause quo les ;
sentimehs* so font en nous par dos impressions qui
i. Noas dirions aujourd'hui : < sensations », >y
_
1*87 LES PRINCIPES
viennent d'ailleurs, et quo cola témoigne delà dépen-
dance, nous concluons aussi quo Dieu n'en a point;
mais qu'il ontend et veut, non pas encore commo nous
par des opérations aucunomont différentes, mais que
toujours par uno mémo et très simple action il entend,
veut et fait tout, c'ost-à-diro toutes les choses qui sont
on effet. Car il no veut point la malico du péché, parce
qu'ello n'est rien 1,

24, Qu'après avoir connu quo Diou est, pour passer à la con-
naissant des créatures, il so faut souvonlr quo notre
entendement est fini, et la puissance do Dieu infinie

Après avoir ainsi connu quo Diou existo et qu'il est


Vautour de tout co qui ost ou qui peut ôtro, nous sui-
vrons sans douto la meilleuro môthodo dont on se
puisse servir pour découvrir la vérité si, do la con-
naissance quo nous avons do sa naturo, nous passons
à l'explication des choses qu'il a créées, el si nous
essayons do la déduire en telle sorto des notions qui
sont naturellement en nos âmes, quo nous ayons uno
science parfaite, c'est-à-dire que nous connaissions
les effets par leurs causes *. Mais, afin quo nous puis-
sions l'entreprendre avec plus de sûreté, toutes les
fois quo nous voudrons examiner la nature de quelque
chose, nous nous souviendrons que Dieu, qui en est

i, C'est la doctrine do tout lo 2. Alns| ]a philosophie do Des-


Kyïi* siècle, Il est Inutile do cher- cartes est toute à priori. Elle
cher uno causo efficlcnto du péché, proscrit la rechercho des causes
puisque lo péché est uno privation. finales.
1
* DE LA PHILOSOPHIE, M
l'autour, ost infini, et que nous sommes entièrement
finis.

25. Et qu'il faut crolro tout co quo Dieu a révélé, encore qu'il
soit au-dessus de In portée do notro esprit.

Tellement quo s'il nous fait la gràco de nous révéler,


uu bien à quelques autres, des choses qui surpassont
la portée ordinaire de notre esprit, tels que sont les
mystères de l'Incarnation et do la Trinité, nous ne
ferons point difficulté do les croire, encore quo nous
no les entendions peut-être pas bien clairement. Car
nous ne devons point trouver étrange qu'il y ait on sa
nature, qui est immense, et en CQ qu'il a fait, beaucoup
de choses qui surpassent la capacité do notre esprit,

26. Qu'il ne faut point tâcher do comprondro l'infini, mais seule-


ment penser que tout co en quoi nous no trouvons
aucunes bornes est indéfini,

Ainsi nous no nous embarrasserons jamais dans les


disputes de l'infini; d'autant qu'il serait ridicule que
nous, qui sommes finis, entreprissions d'eu déterminer
quelque chose, et par ce moyen le supposer fini en
tâchant do le comprendre; c'est pourquoi nous ne
nous soucierons pas de répondro à ceux qui deman» "
dent si la moitié d'une ligne infinie est infinio, et si lo
nombre infini est pair ou non pair, et.autres choses
semblables, k causo qu'il n'y a quo ceux qui s'ima*
ginent que leur esprit ost infini qui semblent'dévoie
]î& ' LES PniNCÏPES * '*''**'
examiner telles difficultés 1. Et, pour nous, en
voyant des choses dans lesquelles, selon certain
sens, nous ne remarquons point de limites, nous
n'assurerons pas pour cela qu'elles soient infinies,
mais nous los estimerons seulement indéfinies. Ainsi,
parco que nous no saunons imaginer uno étonduc
si grande que nous ne concevions en même temps
qu'il y en peut avoir une plus grande, nous dirons
quo l'étendue des choses possibles est indéfinie; et
parce qu'on no saurait diviser un corps en des parties
si petites quo chacune de ces parties no puisse être
divisée en d'autres plus petites, nous penserons que
la quantité peut être divisée en des parties dont lo
nombre est indéfini; et parce que nous no saurions
imaginer tant d'étoiles que Dieu n'en puisse créer
davantage, nous supposerons que leur nombre est
indéfini, et ainsi du reste 9.

27. Quelle différence il y a ontro indéfini et infini,

Et nous appellerons ces choses indéfinies plutôt


qu'infinies, afin de réserver à Dieu seul le nom d'in-
fini; tant à causo que nous ne remarquons point de
bornes en ses perfections, commo aussi à causo que
nous sommes très assurés qu'il n'y en peut avoir, Pour
ce qui est des autres choses, nous savons qu'elles ne

1. Tout cela est commo uno cri- tique, n'est malheureusement point
tique nnltcipdo do Pascal ot do sa passéo dans la langue philoso-
théorie. ' phique. Co passago serait accepté
9. Cette distinction do l'infini sans difficulté par tous los mathé-
cl do l'Indéfini, ou Infini mathéma- maticiens contemporains.
DE LA PHILOSOPHIE. ;129'
sont pas ainsi absolument parfaites, parco qu'encore
que nous y remarquions quelquefois des propriétés qui
nous semblent n'avoir point de limites nous notlais-
sons pas de connaître que cola procède du défaut do
notre entendement, et non point de leur nature.

28. Qu'il no faut point examiner pour quelle fin Dieu a fait
chaque chose, mais seulement par quel moyen il a
voulu qu'elle fût produite.
Nous ne nous arrêterons pas aussi à examiner les
fins que Dieu s'ost proposées en créant te monde, et
nous rejetterons entièrement de notre philosophie la
recherche des causes finales ; car nous ne devons pas
tant présumer de nous-mêmes, que do croiro que Dieu
nous ait voulu faire part de ses conseils t mais, le
considérant comme l'auteur de toutes choses, nous
tâcherons seulement do trouver par la faculté de raw
sonner qu'il a mise en nous, comment celles que nous
apercevons pur- l'entremise de nos sens ont pu être
produites; et nous serons assurés, par ceux de ses
attributs dont il a voulu que nous ayons quelque con-
naissance, que co que nous aurons une fois aperçu
clairement et distinctement appartenir à la nature do
ces choses a la perfection d'être vrai,

29. Que Dieu n'est point la cause do nos erreurs.

Et le premier do ses attributs qui semble devoir ôtro


ici considéré, consiste en ce qu'il est très véritable
et la source de toute lumière, de sorte qu'il n'est pas
PRINCIPES DB LA. PHILOSOPHIE, " 0
130 LES PRINCIPES "
' "
' *

possible qu'il nous trompe, c'est-à-dire qu'il soit


directement la cause des erreurs auxquelles nous
sommes sujets, et que nous expérimentons en nous-
mêmes ; car encore que l'adresse à pouvoir tromper
semble être une marque de subtilité d'esprit entre les
hommes, néanmoins jamais la volonté do tromper ne
procède que de malice ou do crainte et de faiblesse,
ot par conséquent no peut être attribuée à Dieu.

80. Et que par conséquent tout cela est vrai quo nous connais-
sons clairement ôtro vrai, ce qui nous délivre des doutes
ci-dessus proposés.

D'où il suit que la faculté de connaître qu'il nous a


donnée, que nous appelons lumière naturelle, n'aper-
çoit jamais aucun objet qui ne soit vrai en ce qu'elle
en aperçoit, c'est-à-dire en ce qu'elle en connaît claire-
ment et distinctement ; parce que nous aurions sujet
do croire quo Dieu serait trompeur» s'il nous l'avait
donnée telle que nous prissions le faux pour le vrai
lorsque nous en usons bien. Et cette considération
soûle nous doit délivrer de ce doute hyperbolique où
nous avons été pendant que nous ne savions pas en-
core si celui qui nous a créés avait pris plaisir à nous
faire tels, que nous fussions trompés en toutes les
choses qui nous semblent très claires 1. Elle nous
doit servir aussi contre toutes les autres raisons que
nous avions de douter, et que j'ai alléguées ci-dessus;

i, Itéfutallon do l'argument connu dans l'écolo tous lo nom d'ar-


gument du Dieu trompeur.
DE LA PHILOSOPHIE. ' 131-"
.
même les vérités de mathématiques ne nous seront
plus suspectes, à cause qu'elles sont très évidentes ; et
si nous apercevons quelque chose par nos sens, soit
en veillant, soit en dormant, pourvu que nous sépa-
rions ce qu'il y aura de clair et de distinct en la notion
que nous aurons de cette chose de ce qui sera obscur
et confus, nous pourrons facilement nous assurer de
ce qui sera vrai '• Je ne m'étends pas ici davantage
sur ce sujet parce que j'en ai amplement traité dans
les Méditations de ma métaphysique, et ce qui suivra
tantôt servira encore à l'expliquer mieux,

31. Quo nos erreurs au regard do Dieu no sont quo des néga-
tions, mais au rogard do nous sont dos privations ou des
défauts.

Mais parce qu'il arrive que nous nous méprenons


souvent, quoique Dieu ne soit pas trompeur, si nous
désirons rechercher la cause do nos erreurs, et en dé-
couvrir la source, afin de les corriger, il faut quo nous
prenions garde qu'elles ne dépendent pas tant de notro
entendement comme de notre volonté, et qu'elles ne
sont pas des choses ou dos substances qui aient besoin
du concours actuel de Dieu pour être produites : en
sorte qu'elles ne sont à son égard que des négations,
c'ost-à dire qu'il no nous a pas donné tout ce qu'il
pouvait nous donner, et quo nous voyons par môme
moyen qu'il n'était point tenu do nous donner; au Heu

t.Nous sommes certains do co quo nous voyons tvee évldonc»


mémo en songo.
:132 LES PRINCIPES
qu'à notre égard elles sont dos défauts et des imper-
fections*.

32, Qu'il n'y a en nous quo deux sortes do pensées, a savoir la


perception de l'entendement et l'action de la volonté.

Car louteslesfaçons de penser'que nous remarquons


en nous peuvent être rapportées à deux générales,
dont l'une consiste à apercevoir par l'entendement, et
l'autre à se déterminer par la volonté. Ainsi sentir,
imaginer et même concevoir des choses purement in-
telligibles, ne sont que des façons différentes d'aper-
cevoir; mais désirer, avoir de l'aversion, assurer, nier,
douter, sont des façons différentes de vouloir 9.

33. Quo nous no nous trompons que lorsque nous jugeons do


quelque chose qui ne nous est pas assez connue.
,

Lorsque nous apercevons quelque chose, nous no


sommes pas en danger de nous méprendre si nous
n'en jugeons en aucune façon; et quand même nous en
jugerions, pourvu que nous ne donnions notre consen-
tement qu'à ce que nous connaissons clairement et
distinctement devoir être compris en co dont nous ju-
geons, nous ne saurions non plus faillir; mais ce qui
fait que nous nous trompons ordinairement est que

t, Étudier avec soin ectto cé- morale t ti VICTOR BnocHAno,


lèbre théorie do l'erreur, compsirrtr De PBmur.
la théorto do l'erreur avec celle du 9. Voy. uno aulro exposition do
péché. Consulter sur celto question t ces mômes idées dans le Traité des
Oué-LmuNB, De la Cerlitudt passions, i» partie, art. 17 et sulv,
» DE LA PHILOSOPHIE; S ^ - 7»
nous jugeons bien souvent encore que nous n'ayons
pas une connaissance bien oxacto do ce dont nous ju-
geons.

3t. Que la volonté aussi bien quo l'entendement est requise pour
juger.
J'avoue que nous ne saurions juger de rien si notre
entendement n'y intervient, parce qu'il n'y a pas d'ap»
parence que notre volonté se détermine sur ce que
notre entendement n'aperçoit en aucune façon; mais
comme la volonté est absolument nécessaire* afin que
nous donnions noire consentement à ce que nous avons
aucunement aperçu, et qu'il n'est pas nécessaire pour
faire un jugement tel quel que nous ayons une connais-
sance entière et parfaite, de là vient que bien souvent
nous donnons notre consentement à des choses dont
nous n'avons jamais eu qu'une connaissance fort con-
fuse.

35. Qu'elle a plus d'étendue que lui, et que de là viennent nos


erreurs.
De plus, l'entondement ne s'étend qu'à ce peu d'ob-
jets qui se présentent à lui ; et sa connaissance est tou-
jours fort limitée i au lieu que la volonté en quelque
sens peut sembler infinie, parce que nous n'apercevons
rien qui puisse être l'objet de quelque autre volonté,
même do cette immense qui est en Dieu, à quoi la
nôtre ne puisse aussi s'étendre; ce qui est causo que .

1. On voit quo sur co point la doctrine, de Descartel est absolue,


nous la portons ordinairement au delà de ce que nous
connaissons clairement et distinctement: et lorsque
nous en abusons de la sorte, ce n'est pas merveille s'il
nous arrive de nous méprendre.

36. Lesquelles ne peuvent être imputées à Dieu.

Or quoique Dieu ne nous ait pas donné un entende-


ment tout connaissant, nous no devons pas croire pour
cela qu'il soit l'auteur de nos erreurs, parce que tout
entendement créé est fini, et qu'il est de la nature de
l'entendement fini de n'être pas tout connaissant.

37, Que la principale perfection do l'homme est d'avoir un libres


arbitre, et que c'est ce qui lo rend digne do louange ou
de blâme.
Au contraire, la volonté étant de sa nature très éten-
due, ce nous est un avantage très grand de pouvoir
agir par son moyen, c'est-à-dire librement; on sorte
que nous soyons tellement les maîtres de nos actions,
que nous sommes dignes de louanges lorsque nous les
conduisons bien: car tout ainsi qu'on ne donne point
aux machines qu'on voit se mouvoir en plusieurs façons
diverses, aussi justement qu'on saurait désirer, des
louanges qui so rapportent véritablement à elles, parce
quo ces machines ne représentent aucune action qu'elles
ne doivent faire par le moyen de leurs ressorts, et qu'on
en donne à l'ouvrier qui les a faites, parce qu'il a eu
le pouvoir et la volonté de tes composer avec tant d'ar-
tificoi de même on doit nous attribuer quelque chose
* DE LÀ PHILOSOPHIE. "- m-" --
do plus de co que nous choisissons ce qui est vrai,
lorsque nous lo distinguons d'avec lo faux, par uno
détermination de notre volonté, quo si nous y étions
déterminés et contraints par un principe étranger 1.

38. Quo nos erreurs sont des défauts do notre façon d'agir, nuis
non point de notre nature; et que les fautes des sujets
peuvent souvent ôtro attribuées aux autres maîtres, mais
non point à Dieu.
Il est bien vrai que toutes les fois que nous faiilons
il y a du défaut en notre façon d'agir ou en l'usage de
noire liberté ; mais il n'y a point pour cela do défaut
en notre nature, à cause qu'elle est toujours la môme
quoique nos jugemens soient vrais ou faux. Et quand
Dieu aurait pu nous donner une connaissance si grande
que nous n'eussions jamais été sujets à faillir, nous
n'avons aucun droit pour cela do nous plaindre do
lui ; car encore que parmi nous celui qui a pu ompé-
cher un mal et ne l'a pas empêché en soit blâmé
et jugé comme coupable, il n'en est pas de même à
l'égard de Dieu, d'autant que le pouvoir que les
hommes ont les uns sur les autres est institué afin
qu'ils empêchent de mal faire ceux qui leur sont
inférieurs, et que la toute-puissance que Dieu a sur
l'univers est très absolue et très libre, C'est pourquoi
nous devons le remercier des biens qu'il nous a
faits, et non point nous plaindre de ce qu'il ne nous
a pas avantagés de ceux que nous connaissons

I. Nom avons donc du mérite à croire co qui est vrai.


136 "' LEY PMNCIPEY ' " ' "***" l "' " T;
-
qui, nous manquent et qu'il aurait peut-être pu nous
départir.

30, Que la liberté do notro volonté so connaît sans preuve, par


la seule expérience quo nous on avons.

Au reste il est si évident que nous avons une volonté


libre, qui peut donner son consentement ou no le pas
donner quand bon lui semble, que cela peut être
compté pour une de nos plus communes notions. Nous
en avons eu ci-devant une preuve bien claire ; car au
même temps que nous doutions de tout, et que nous
supposions même quo celui qui nous a créés employait
son pouvoir à nous tromper on toutes façons, nous
apercevions en nous une liberté si grande, que nous
pouvions nous empêcher de croire ce quo nous no
connaissons pas encore parfaitement bien. Or co quo
nous apercevions distinctement, et dont nous no.pou-
vions douter pendant une suspension si générale, est
aussi certain qu'aucune autre chose que nous puissions
jamais connaître*.

40. Quo nous savons aussi très certainement que Dieu a préor-
donné toutes choses.

Mais à cause que ce que nous avons depuis connu


de Dieu nous assure que sa puissance est si grande
que nous ferions un crime de penser que nous eussions

i,Ainsi lo Je pense, donc je suis, est en quoique sorlo uno dé*


monslration do noire liberté.
-"'""* * DE*LA PHILOSOPHA. ""' '*~; TâV"

jamais été capables do faire aucune chose qu'il ne l'eût


auparavant ordonnée, nous pourrions aisément nous
embarrasser en des difficultés très grandes si nous
entreprenions d'accorder la liberté de notre volonté
avec ses ordonnances, et si nous tâchions de com-
prendre, c'ost-à-diro d'embrasser et comme limiter
avec notre entendement, toute l'étendue de notre libre
arbitre et l'ordre de la Providence éternelle,

41. Comment on peut accorder notre libre arbitre avec la prêor-


dlnation divine.

Au lieu que nous n'aurons point du tout do peine à


nous en délivrer si nous remarquons quo noire penséo
est finie, et quo la toute-puissance de Dieu, par
laquelle il a non seulement connu de toute éternité ce
qui est ou qui peut être, mais il l'a aussi voulu, est
infinie. Ce qui fait que nous avons bien assez d'intelli-
gence pour connaître clairement et distinctement que
cette puissance est en Dieu, mais que nous n'en avons
pas assez pour comprendre tellement son étendue quo
nous puissions savoir comment elle laisse les actions
des hommes entièrement libres et indéterminées; et
que d'autre côté nous sommes aussi tellement assurés
de la liberté et de l'indifférence qui est en nous, qu'il
n'y a rien que nous connaissions plus clairement : de
façon que la touto-puissanco de' Dieu ne nous doit;
point empêcher delà croire. Car nous aurions tort do
douter de co quo nous apercevons intérieurement et
que nous savons par expérience être en nous, parce
m *
' ,r - LES
phiNpfPESr *
'- -
~~~

que nous ne comprenons pas une autre chose que nous


savons êfro incompréhensible de sa nature*.

42. Comment encore quo nous no voulions jamais faillir, c'est


néanmoins par notro volonté que nous faillons.

Maisf-parce quo nous savons que l'erreur dépend do


notre volonté, et quo personne n'a la volonté de se
tromper, on s'étonnera peut-être qu'il y ait do l'erreur
en nos jugemens. Mais il faut remarquer qu'il y a
bien de la différence entre vouloir être trompé et
vouloir donner son consentement à des opinions qui
sont causo que nous nous trompons quelquefois, Car
encore qu'il n'y ail personne qui veuille expressément
se méprendro, il no s'en trouve presque pas un qui ne
veuille donner son consentement à des choses qu'il ne
connaît pas distinctement; et mémo il arrive souvent
que c'est lo désir de connaître la vérité qui fait que
ceux qui ne savent pas l'ordre qu'il faut tenir pour la
rechercher manquent de la trouver et se trompent, à
cause qu'il les incite à précipiter leurs jugemens, et à
prendre des choses pour vraies, desquelles ils n'ont
pas assez de connaissance.

' i. t La premicro règle do notro pour ainsi parler, tenir toujours


logique, c'est qu'il ne faut jamais fortement commo les deux bouts
abandonner les vérités uno fols do la chaîne, quoiqu'on no voie pas
connues, quclquo difficulté qui sur- toujours le mtlloti, par où l'enchaî-
vienne, quand on veut les conci- nement se continue » DoSSUKT,
lier t mais qu'il faut au contraire, Traité du libre arbitre, eh. iv.
'-':;"'. * i ^ËfLÂTHI.LOS()PlllÊ, -^T'.-**> ^"Am

43. Que nous ne saurions faillir en no


jugeant que des choses
que nous apercevons clairement et distinctement.
Mais il est certain que nous ne prendrons jamais lo
faux pour le vrai tant quo nous ne jugerons que do co,
que nous apercovons clairement et distinctement ; parco
(jtto Dieu n'étant point trompeur, la faculté de connaître
qu'il, nous a donnée ne saurait faillir, ni mémo la
faculté de vouloir, lorsque nous ne retendons point
au delà de ce que nous connaissons. Et quand môme
cette vérité n'aurait pas été démontrée, nous sommes
naturellement si enclins h donner notre consentement
aux choses que nous apercevons manifestement) que
nous n'en saurions douter pendant que nous les aper-
cevons do la sorte.

44. Quo nous no saurions quo mal juger do ce quo nous n'aper-
cevons pas clairement, bien que notre jugement puisse
ôtro vrai, et que c'est souvent notre mémoire qui nous
trompe.
Il est aussi très certain que toutes les fois que nous
approuvons quelque raison dont nous n'avons pos une
connaissance bien exacte, ou que nous nous trompons,
ou si nous trouvons la vérité, comme co n'est que par
hasard, que nous no saurions être assurés de l'avoir
lonconlrée, et ne saurions savoir certainement quo
nous ne nous trompons point, J'avoue qu'il arrivé
rarement que nous jugions.d'uno chose on môme temps
que nous remarquons quo nous ne la connaissons pas
assez distinctement ; à cause que la raison naturelle-
,140' J " LÈS PRINCIPES .""
-
' '
-'" "?T:
ment nous dicte que nous no devons jamais juger de
rien que de ce que nous connaissons distinctement
ayant que de juger. Mais nous nous trompons souvent
parce que nous présumons avoir autrefois connu plu-
sieurs choses, et que tout aussitôt qu'il nous en souvient
nous y donnons notre consentement, de même que si
nous les avions suffisamment oxaminées, bien qu'on
effet nous n'en ayons jamais eu une connaissance bien
exacte*.

45. Co que c'est qu'une perception claire et distincte,

Il y a même des personnes qui en toute leur vie


n'aperçoivent rien comme il faut pour en bien juger;
car là connaissance sur laquelle on peut établir un
jugement indubitable doit être non seulement claire,
mais aussi distincte : j'appelle claire celle qui est pré-
sente et manifeste à un esprit attentif, de mémo quo
nous disons voir clairement les objets lorsqu'étanl
présens à nos yeux ils agissent assez fort sur eux et
qu'ils sont disposés à les regarder; et distincte celle
qui est tellement précise et différente de toutes les
autres, qu'elle no comprend en soi que ce qui parait
manifestement à celui qui la considère comme il
faut».

1. Nous avons insisté déjà sur sentéo.., une notion distincte res-
l'importance du rôle quo jouo la semble a cello que les éprouvoitrs
mémoire dans la connaissance. ont do l'or, a l'aide do signes dis-
S. « Uno connaissance est llnclifs et do moyens do compa-
claire lorsqu'elle suffit pour me raison suffisants pour distinguer
fatro connaître ta chose repré» l'objet de tous les autres corps
DÉ LA PHILOSOPHIE. mm

40. Qu'elle peut être claire sans ôtro distincte, mats non au
-contraire...
Par exemple lorsque quelqu'un sent une douleur
cuisante, la connaissance qu'il a do cette douleur est
claire à son égard, et n'est pas pour cela toujours
distincte, parce qu'il la confond ordinairement avec
lo faux jugement qu'il fait sur la nature de ce qu'il
pense être en la partie blessée, qu'il croit être sem-
blable à l'idée ou au sentiment de la douleur qui est
en sa pensée*, encore qu'il n'aperçoive rien claire-
ment quo le sentiment ou la pensée confuse qui est en
lui. Ainsi la connaissance peut quelquefois être claire
sans être distincte, mais ello ne peut jamais être dis-
tincte qu'ello ne soit claire par môme moyen.

47, Quo pour ôter les préjugés do notre enfance il faut consi-
dérer ce qu'il y a de clair en chacune de nos premières
notions.

Or, pendant nos premières années, notre ame ou


notre pensée était si fort offusquée du corps, qu'elle
no connaissait rien distinctement, bien qu'elle aperçût
plusieurs choses assez clairement; et parce qu'elle ne
laissait pas de faire cependant une réflexion telle quelle

scmolablcs... Lorsque tous les élé- 1, De mémo en physique, Des-


ments d'une notion distincto sont cartes regarde comme - une de
connus aussi eux-mêmes distincte- ses principales découvertes quo
ment ou quo l'analyse en est com- les causes qui provoquent en
plète, la notion est adéquate, » nous dos sensations. n'ont rien
LEIDNII, Méd, sur la. connais- do semblable avec les' sensations
tance, la vérité et les idées. mimes.
. -
141
'' "• ':-É:ipW^-"''J':;"-3;'i|
sur les choses qui se présentaient, et d'en juger témé>
rairement, nous avons rompit notre mémoire de beau-
coup do préjugés, dont nous n'entreprenons presque
jamais do nous délivror, encore qu'il soit très certain
que nous ne saurions autrement les bien examiner.
Mais afin que nous puissions maintenant nous en déli-
vror sans beaucoup de peine, je forai ici un dénom-
brement de toutes les notions simples qui composent
nos pensées, et séparerai co qu'il y a de clair en cha-
cune d'elles, et ce qu'il y a d'obscur ou en quoi nous
pouvons faillir,

48. Quo tout co dont nous avons quclquo notion est considéré
comme uno choso ou comme une vérité t et le dénombre-
ment des choses,
Jo distinguo tout co qui tombe sous notre connais-
sance on deux genres : le premier contient toutes les
choses qui ont quelque existence; et l'autre, toutes
les vérités qui ne sont rion hors de notre pensée.
Touchant les choses, nous avons premièrement cer-
taines notions générales * qui se peuvent rapporter à
toutes, à savoir celles que nous avons de la Substance,
de la durée 2, de l'ordre, e.t du nombre, et peut-être
aussi quelques autres ; puis nous en avons aussi do
plus particulières, qui servent à les distinguer. Et la
principale distinction que je remarque entité toutes les

' t, 'Malheureusement Descartes uno notion générale qui a'appliqi»


n'ifiststo pas asjfï sur la nature de à toufes choses, tandis que l'exten-
ces notions générales, sion ou l'espace est une'propriété
& ïtltnarqiie? que ta durée est des corps.
DB LA PHILOSOPHIE. 143
choses créées est quo los unes sont intellectuelles,
c'est-à-dire sont des substances intelligentes, ou bion
des propriétés qui appartiennent à ces substances ; et
les autres sont corporelles, c'est-à-diro sont des corps,
ou bien des propriétés qui appartiennent au corps.
Ainsi l'entendement, la volonté, et toutes les façons de
connaltro et de vouloir, appartiennent à la substance
qui pense; la grandeur, ou l'étendue en longueur,
largeur ot profondeur, la figuro, le mouvement, la situa*
tion des parties et la disposition qu'elles ont à être
divisées, et telles autres propriétés, se rapportent au
corps. 11 y a encore outre cela certaines choses que
nous expérimentons en nous-mêmes qui ne doivent
point être attribuées à l'amo seule, ni aussi au corps
seul, mais à l'étroite union qui est entre eux ', ainsi que
j'expliquerai ci-après : tels sont les appétits de boiro
et de manger, etc., comme aussi les émotions ou les
passions de l'ame qui ne dépendent pas de la pensée
seule, comme l'émotion à la colère, à la joie, à la tris-.
tesso, à l'amour, etc.; tels sont, enfin, tous les sonti-
mens, comme la douleur, le chatouillement, la lu-
mière, les couleurs, les sons, les odeurs, le goût,
là chaleur1, la dureté', et toutes les autres qua-
lités qui ne tombent que sous le sens de l'attou-
chement 3.

1. Voy.- un autre développe- corps. Cette remarque est do la


ment de ces mêmes idées dans la plus grande Importance.
t» part, du Traité des Passions 3, Ainsi podr Descartes toute
%. Ainsi pour Dcscarles la dureté réalité connaissabto se réduit à la;
n'est pas une des propriétés dos pensée et à l'étendue.
144 LES PRINCIPES

49. Que les vérités ne pouvent ainsi être dénombrées, et qu'il n'en
est pas besoin.

Jusques ici j'ai dénombré tout ce quo nous connais-


sons commo des choses, il reste à parler de ce que
nous connaissons commo des vérités. Par exemple
lorsque nous pensons qu'on ne saurait faire quelque
chose de rien, nous ne croyons point que cette propo-
sition soit une chose qui existe pu la propriété de
quelque chose, mais nous la prenons pour une certaine
vérité éternelle qui a son siège en notre pensée 1, et
quo l'on nomme une notion commune ou une maxime :
tout de même quand on dit qu'il est impossible qu'une
même chose soit et ne soit pas en même temps, que
ce qui a été fait ne peut n'être pas fait, que celui qui
pense ne peut manquer d'être ou d'exister pendant
qu'il pense, et quantité d'autres semblables, ce sont
seulement des vérités, et non pas des choses qui soient
hors de notre pensée, et il y en a un si grand nombre
do telles qu'il serait malaisé de les dénombrer; mais
aussi n'est-il pas nécessaire, parce que nous ne sau-
rions manquer de les savoir lorsque l'occasion se pré-
sente de penser à elles, et que nous n'avons point de
préjugés qui nous aveuglent 8.

f, Elle a"son slego dans notre pcri- cette doctrine que Locke a dirigé
' sée et pourtant ello est indépendante contre les Idées Innées de Dosccrtcs
de notre pensée puisqu'elle est éter- la polémique contenue dans I), pre-
nelleètqùë noire pensée ne l'est pas. mier livre de l'Essai stir l'js$>*-
Ï/Cést fauté d/aVôfr blétï saisi demeni humain,-
: DB LA PHÎLOSOPHJK, 146:

50. Que toutes cos vérités peuvent ôtro claircmont operçuos;


\
mais non pas do tous, causo des préjugés,

Pour ce qui est dos vérités qu'on nomme des notions


communes 1, il est certain qu'elles peuvent ôtro con-
nues do plusieurs, très clairement et très distincte*
mont, car autrement elles ne mériteraient pas d'avoii
ce nom; mais il est vrai aussi qu'il y on a qui le mé-
ritent au regard de quelques personnes, et qui no lo
méritent point au regard des autres à cause qu'elles
no leur sont pas assez évidentes ; non pas que je croie
que la faculté de connaître qui est en quelques hommes
s'étende plus loin que celle qui est communément en
tous'; mais c'est plutôt qu'il y a des personnes qui
ont imprimé do longue main des opinions en leur
créance, qui étant contraires à quolques-unos do cos
vérités empêchent qu'ils ne les puissent apercovbîr^
bien qu'olles soient fort manifestes à ceux qui ne soriT
point ainsi préoccupés,

51, Ce que c'est que la substance; et que c'est un nom qu'on Mi


peut attribuer a Dieu ot aux créatures on mémo sens.
Pour co qui est des choses que nous considérons
comme ayant quelque existence, il est besoin quo nous
les examinions ici l'une après l'autre, afin de dislln»
glior ce qui est obscur d'avec co qui est évident en la

i. Co termo qui reviens Ici plu- I! 2. C'est lo premier mot quo nous
sieurs fols est une traduction du trouvions dans le DYscours de ih
grec i Kéival iwiat. II
méthode.
PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE. 10 -/
ïjft LE^>mNClt>BS *
^
notion que nous avons do chacune. Lorsque nous con-
cevons la substance, nous concevons seulement une
chose qui existe en telle façon qu'elle n'a besoin quo
do soi-mômo pour exister. En quoi il peut y avoir do
l'obscurité touchant l'explication do co mot Î JV'a-
voir besoin que de soi-même; car, à proprement
parler, il n'y a que Dieu qui soit tel, et il n'y a aucune
chose créée qui puisse exister un seul moment sans
être soutenue et conservée par sa puissance, C'est
pourquoi on a raison dans l'école de dire que le nom
de substance n'est pas mivoque au regard de Dieu
et des créatures, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune signi-
fication do ce mot que nous concevions distinctement,
laquelle convienne en même sens à lui et à elles;
mais parce qu'entre les choses créées quelques-unes
sont do telle nature qu'elles ne peuvent exister
sans quelques autres, nous les distinguons d'avec
colles qui n'ont besoin que du concours ordinaire
do Dieu, en nommant colles-ci des substances,
et celles-là des qualités ou dos attributs de ces sub-
stances',

i, Dans les Prlneipla philoso- tia.i Pans l'Ethique 11 dit 11 Persub-


phie flenatl Descartes, Spinoza gtantlam intelllgo id quod in so est
dit t rOmnts res, cul Inest immé- ot per so concipitur, hoc est id, cujus
diate, ut in subjeçlo, slve per conceplus non indlget conceptu
quant cxWltl aliquld quod perclpi- alterlus rei, a quo formari debeat. »
mus, lip'e cst> aliqua propriotas slve Comparez ces définitions. Etûdjos
qualitas slvo attributum, cujusldea avec soin les réservés dé Des-
rcalis in nobis est, vocatur substan- cartes.
DR LA PHILOSOPHIE. m
53. Qu'il pout être attribué a l'ame et au corps en mémo sons, et
comment on connaît la substance.
Et la notion que nous avons ainsi de la substanco
crééo se rapporte on môme façon à toutes, c'ost-à-dire
à celles qui sont immatérielles comme à celles qui sont
matérielles ou corporelles; car pour entendro que ce
sont des substances il faut, seulement que nous aper-
cevions qu'elles peuvent exister sans l'aide d'aucune
chose créée, Mais lorsqu'il est question de savoir si'
quelqu'une de ces substances existe véritablement,
c'est-à-dire si ello est à présent dans le mondo, ce
n'est pas assez qu'elle existe en cette façon pour faire
quo nous l'aporcevions; car cela seul no nous découvre
rien qui oxcite quelque connaissance particulière en
notro pensée, il faut outre cela qu'ello ait quelques
attributs que nous puissions remarquer; et il n'y en a
aucun qui ne suffise pour cet effet, à cause que l'une
de nos notions communes est que le néant ne peut
avoir aucuns attributs, ni propriétés ou qualités: c'est
pourquoi, lorsqu'on en rencontre quelqu'un, on a rai-
son de conclure qu'il est l'attribut de quelque substance
et que cette substance existe*,

53, Que chaque substance a.un attribut principal,' et que celui


do l'anio est la penséo, comme l'extension est celui du corps.'.

Mais encore que tout attribut soit suffisant pour faire

ï, Ainsi nous ne connaissons les substances que par leurs attributs


llM LB$ PRINCIPES

connaître la substanco, il y en a toutefois un en cha-


çune qui constitue sa nature et son essonce, et do qui
.
tous les autros dépendent *. A savoir Î l'étendue en
longueur, largeur et profondeur, constitue la naluro
de la substanco corporelle ; ot la pensée constitue la
nature de la substance qui pense*, Car tout ce quo
d'ailleurs on peut attribuer au corps présuppose do
l'étendue, et n'est qu'uno dépendance do ce qui est
étendu; de môme, toutes les propriétés quo nous trou-
vons en la chose qui pense ne sont que des façons dif-
férentes dépenser. Ainsi nous ne saurions concevoir
par exemple, de figure, si ce n'est en une chose éten-
due, ni de mouvement qu'en un ospace qui est étendu;
ainsi l'imagination, le sentiment et la volonté dépon-
dent tellement d'une choso qui pense quo nous ne les
pouvons concevoir sans elle, Mais, au contraire, nous
pouvons concevoir l'étendue sans figure ou sans mou-
vement; et la chose qui pense sans imagination ou sans
sentiment, et ainsi du reste,

i. Il n'est pas démontré qu'il t Substanlia, cul inest Immedlato


n'y ait en chaque substance qu'un cogllatio, vocatur meus. » Id., ibid,,
attribut déco genro. — Rcmarquoi def, 6.
le sens du mot essence. i Per attributum Intelligo idquod
8, « Substanlia quae est subjcctum iiilellcctus de substanlia percipit
immediatum extension!* et accl- tanquam ejusdem essenttam consti-
dentiuro, qna? extcpjionem proesup- tuons. » 14., Etic., pars, I, def, 4,
'poijânt, ut figur», litus, motus iPermpdum intelligo subsUntto
iocalis, elc„ vocatur corpus.
-
SpmofcA, Prlne. phll, Car.,pars!,
affectloncs, slve quod in allô est,
per quod ctlam conclpltur. y Id,,
Ml, ibid;, def. 5.
DE LA PîitLOSbPHIB. 140

bt, Comment nous pouvons avoir dos pcnséos distinctes do la


substanco qui pense, do celle qui est corporolle, et dû
Dieu. •

Nous pouvons donc avoir deux notions ou idées


claires et distinctes, l'une d'une substance créée qui
pense, et l'autre d'une substance étendue, pourvu quo
nous séparions soigneusement tous les attributs de
la pensée d'avec les attributs de l'étendue. Nous pou-
vons avoir aussi une idée claire et distincte d'une sub-
stance incréée qui pense et qui est indépendante, c'est*
à-dire d'un Dieu, pourvu que nous ne pensions pas
que cetto idée nous représente tout ce qui est en lui,
et que nous n'y mêlions rien par uno fiction de notre
entendement ; mais quo nous prenions gardo seulement
à ce qui est compris véritablement en la notion dis-
tincte que nous avons de lui et que nous savons appar-
tenir à la nature d'un Être tout parfait. Car il n'y a
personne qui puisse nier qu'une telle idée doDîou
soit en nous, s'il ne veut croire sans raison que l'en-
tendement humain ne saurait avoir aucune connais-
sance de la Divinité*.

1, t Substanlia, quamper se absolule inûnitum, hoc est, sub*


suranio pcrfcclam esso Inlclllgtmus, stantfam constantom Inflnitls allrl-
et in qua nilill plane conclplmus, buils, quorum unumquodque oeter-,
quod aliquem defectum sivépérfec- riàm et infinltam essenllam ©?cprt-~
tionls liniitàttôném Involvat, Dcus mit. < SNNOZAJ Ethib., pars I,
vocatur. * SPINOZA, PHnclpta Phi- dèiînltio^. Rèmaîqilèr aveo s'otn'-

loïophl» Caïtetian», pars I, dèfl- la différence de ces dèrô débi-
nltîo 8. * Per Dèum Intelligo; ëns

tions;-"
Ï60 LES PRINCIPES

55. Comment nous en pouvons aussi avoir do la durée, do l'ordre


et du nombre.
Nous concevons aussi très distinctement co quo
c'est que la durée, l'ordre et lo nombre, si, au lieu de
mêler dans l'idée que nous en avons ce qui appartient
proprement à l'idée de la substance, nous pensons
seulement que la durée de chaque chose est un modo
ou une façon'dont nous considérons cette chose en
tant qu'elle continue d'ôlre 1; et que pareillement
l'ordre elle nombre ne diffèrent pas en effet des choses
ordonnées et nombrées, mais que ce sont seulement
des façons sous lesquelles nous considérons diverse-
mont ces choses,

56, Ce quo c'est quo qualité et attribut, et façon ou mode.

Lorsque je dis ici façon ou modo, je n'entends rien


que ce que je nomme ailleurs attribut ou qualité. Mais
lorsque je considère que la substance en est autrement
disposée ou diversifiée, je me sers particulièrement du
nom de mode ou façon ; et lorsque, de cette disposi-
tion ou changement, elle peut être appelée telle, je
nomme qualités les diverses façons qui font qu'elle est
ainsi nommée ; enfin, lorsque je pense plus générale-

i. Cf. Kant i « Le temps n'est toutes les conditions subjectives de


pas quelque chose qui subsiste par leur intuition.., Le temps n'est que
sol-même ou qui appartienne aux la condition subjective sous la-
choses commo détermination ob- quelle les intuitions sont possibles
jective, et qui, par conséquent, en nous. » Cr.de la Hais, pure,
reste quand on fait abstraction do Ësth. transe, g 6.
DE LA PHILOSOPHIE, |6J
ment que ces modes ou qualités sont on la substance,
sans les considérer autrement quo commo les dépen-
dances de cette substanco, je les nommo attributs, Et
parce que jo no dois concovoir en Dieu aucuno variété
ni changement, je ne dis pas qu'il y ait en lui des mo-
des ou des qualités, mais plutôt des attributs ; et même
dans les choses créées co qui se trouvo en elles tou-
jours do môme sorte, comme l'oxistonco et la durée en
la chose qui oxisteet qui dure, jo le nommo attribut,
et non pas mode ou qualité *.

57. Qu'il y a des attributs qui appartiennent aux choses aux-


quelles ils sont attribués, et d'autres qui dépondent do
notro penséo.

De ces qualités ou attributs il y en a quelques-uns


qui sont dans les choses mêmes, et d'autres qui ne sont
qu'en notre pensée; ainsi, par exemple, le temps, que
nous distinguons de la durée prise en général, et que
nous disons être la mesure du mouvement, n'est rien
qu'une certaine façon dont nous pensons à cette
durée 1, car nous ne concevons point que la durée des
choses qui sont mues soit autre que celle des choses
qui no le sont point : comme il est évident do ce que si
deux corps sont mus pendant une heure, l'un vito et
l'autre lentement, nous no comptons pas plus dojemps
en l'un qu'en l'autre, encore que nous supposions
plus do mouvement en l'un de ces deux corps. Mais

i, Comparer ces définitions avec S, Comparer celte doctrine avêo


celles do Spinoza données plus haut celto de Kant donnée plus haut.
15| W8 PMNCIPKS
afin do comprendre la durée de toutes les choses sous
uno même mesure, nous nous servons ordinairement de
la durée do certains mouvemens réguliers qui sont les
jours et los années, et la nommons temps, après l'avoir
ainsi comparée ; bien qu'on effet ce quo nous nommons
ainsi no soit rien, hors do la véritable durée des
choses, qu'une façon do penser *.

58. Que les nombres et les unlvorsaux dépondent de notro


penséo.

De môme le nombro que nous considérons en géné-


ral, sans faire réflexion sur aucune choso créée, n'est
point hors do notre pensée, non plus que toutes ces
autres idées générales quo dans l'écolo on comprend
sous lo nom d'universaux...

59. Quels sont les unlversaux.

Qui se font de cela seul que nous nous servons d'une


même idée pour penser à plusieurs choses particu-
lières qui ont entre elles un certain rapport. Et lors-
que nous comprenons sous Un môme nom lés choses
qui sont représentées par cette idée, ce nom est aussi
universel, Par exemple quand nous voyons deux plerfeS>
et qUb, sans penser autrement à ce qui est de leur na-
ture, nous remarquons seulement qu'ily en a dèulc,

1. Voy. te développement de ces 1. II, cb. xtv, et dans les passages


idées dans la philosophie do LOCKE, correspondants des Nouveaux Es-
Essai sur l'entendement humain, tais de LEIBNIZ,
*
DR LA PHILOSOPHIE, 153

nous formons en nous l'idée d'un certain nombre que


nous nommons ie nombre de deux. Si voyant onsuite
doux oiseaux ou doux arbres nous remarquons (sans
ponser aussi à co qui est de leur nature) qu'il y en a
deux, nous reprenons par ce même moyen la mémo
idéo que nous avions auparavant formée, et la rendons
universelle, et lo nombre aussi quo nous nommons
d'un nom universel le nombre de deux, Do môme, lors-
que nous considérons uno figure de trois côtés, nous
formons une certaine idée que nous nommons l'idée
du triangle, et nous nous en servons ensuite à nous
représenter généralement toutes les figures qui n'ont
quo trois côtés. Mais quand nous remarquons plus par-
ticulièrement que, des figures de trois côtés, les unes
ont un angle droit ot que les autres n'en ont point,
nous formons en nous uno idée Universelle du triangle
rectangle, qui, étant rapportée à la précédente qui
est générale et plus universelle, peut être nommée
espèce; et l'angle droit, la différence universelle par
où les triangles rectangles diffèrent de tous les
autres; de plus, si nous remarquons que le carré du
côté qui soutient l'angle droit est égal aux carrés
des deux autres côtés, et que cette propriété con-
vient seulement à cette.espèce de triangles, nous la
pourrons nommer.propriété Universelle des triangles
rectangles. Enfin si nous supposons qUo dé ces;
triangles les uns se meuvent et que lés autres ne
se meuvont point, nous prendrons' cela pour un-
accident universel en ces triangles ; et c'est ainsi:-
qu'on compte ordinairement cinq universaux* (t sa"*-'-
W LES PRINCIPES
voir le gonro, Pospôco, la différence, le propro, et
l'accidont*.

60. Dos dislinctions, ot premièrement do celle qui est réolle.


Pour ce qui est du nombre que nous remarquons
dans los choses mêmes, il vient de la distinction qui
est entre elles : or il y a des distinctions de trois sortes,
à savoir, une qui est réelle, une autre modale, et une
autre qu'on appelle distinction de raison, et qui se
fait par la pensée. La réelle se trouve proprement
entre doux ou plusieurs substances. Car nous pouvons
conclure que deux substances sont réellement dis-
tinctes l'une de l'autre de cela seul que nous en pou-
vous concevoir une clairement et distinctement sans
penser à l'autre; parce que, suivant ce que nous con-
naissons de Dieu, nous sommes assurés qu'il peut faire
tout co dont nous avons une idée claire et distincte.
C'est pourquoi, de ce que nous avons maintenant
l'idée, par exemple, d'une substance étendue ou cor-
porelle, bien que nous ne sachions pas encore certai-
nement si une telle chose est à présent dans le monde,
néanmoins, parce que nous en avons l'idée, nous
pouvons conclure qu'elle peut être; et qu'en cas qu'elle
existe, quelque partie que nous puissions déterminer
par la pensée doit être distincte réellemont de ses
' autres parties. De môme parce qu'un chacun de nous

i. Cotte doctrine des universaux intitulét Introduction aux caté-


so trouve pour la première fols gories, Etwywpî Cf. PORT-ROYAti,
dans un petit traité de PORPHYRE Logique, part, i, cli, xn.
DE LA PHILOSOPHIE, m
aperçoit en soi qu'il pense, et qu'il peut en ponsant
exclure de soi ou do son ame toute autre substance ou
qui pense ou qui est étendue, nous pouvons conclure
aussi qu'un chacun de nous ainsi considéré est réelle*
ment distinct de toute autre substanco qui pense, et
de toute substance corporelle Et quand Diou mémo
joindrait si étroitement un corps à une ame qu'il fût
impossible de les unir davantage, et ferait un composé
do ces deux substances ainsi unies, nous concevons
aussi qu'elles demeureraient toutes deux rôellomont
distinctes, nonobstant cette union; parce que quelque
liaison que Dieu ait mise entre elles, il n'a pu so
défaire de la puissance qu'il avait de les séparer, ou
bien de les conserver l'une sans l'autre, et quo los
choses que Diou peut séparer ou conserver séparé-
mont les unes des autres sont réellement distinctes 1.

61. De la distinction modalo.

Il y a doux sortes de distinction modalo, à savoir,


l'une entre le mode que nous avons appelé façon et la
substance dont il dépend et qu'il diversifie; et l'autre
entre deux différentes façons d'une môme substance,
La premîèro est remarquable en ce que nous pouvons

i, Cette doctrine mérite d'être c'est l'universalité môme do l'objet i


rapprochée de la célèbre contro- pari unlversale a parte ret, r-r
verse scOlastlquo sur l'universel'' Les Thomistes soutenaient la thèse
a parte.»•<(. — Les Sco Ils les (par- contraire i Non datur mitas na*.
tisans de Duns Scot) soutenaient quo iur» communls sin unlversale a
ce qui fait l'universalité de l'idée parte rtl,sed tantumper meMemn.
:m '* r ~*-~ ^LM;P'RTNCIPW^ K*T^ ~&?•*•*-
apercevoir clairement la substance sans la façon qui
diffère d'elle en cette sorte; mais que réciproquement
nous ne pouvons avoir une idée distincte d'une telle
façon sans penser aune telle substanco. Il y à, par
exemple, une distinction modale entre ta figure ou le
mouvement et la substance corporelle dont ils dépend-
dent tous deux; il y en a aussi entre assurer ou se
ressouvenir et la chose qui pense, Pour l'autre sorte
de distinction, qui est entre deux différentes façons
d'une même substance, ello est remarquable en ce que
nous pouvons connaître Tune de ces façons sans
l'autre, commo la figure sans le mouvement, et le
mouvement sans la figure; mais que nous ne pouvons
penser distinctement ni à l'une ni à l'autre que nous
ne sachions qu'elles dépondent toutes deux d'une
mémo substance. Par exomple si uno pierre est mue,
et avec cela carrée, nous pouvons connaître sa figure
carrée sans savoir qu'elle soit muo, et réciproquement
nous pouvons savoir qu'elle est mue sans savoir si elle
est carrée; mais nous ne pouvons avoir une connais-
sance distincte de ce mouvement et de cette figure si
nous ne connaissons qu'ils sont tous deux en une
même chose, & savoir en la substance de cette pierre.
Pour ce qui est do la distinction dont la façon d'une
substance est différente d'une autre substance ou bien
do la façon d'une autre substanco, commo lo mouve-
ment d'un corps est différent d'un autre corps ou
d'une chose qui pense, ou bien comme le mouvement
est différent du doute, il me semblé qu'on la doit
nommer réolle plutôt que modaloj à cause quo nous ne
saurions connaître les modes sans los substancos dont
ils dépendent, et que les substancos sont réellement
distinctes les unes des autres *.

62. Do la distinction qui se fait par la pensée,

Enfin, la distinction qui so fait par la pensée con-


siste en ce que nous distinguons quelquefois une
substanco de quelqu'un de ses attributs sans lequel
néanmoins il n'est pas possible que nous en ayons
une connaissance distincte; ou bien en ce que nous.'
tâchons do séparer d'une môme substance doux tels
attributs, en pensant à l'un sans penser à l'autre Cotte,
distinction est remarquable en ce quo nous no sau-
rions avoir une idée claire et distincte d'uno tello
substance si nous lui ôtons un tel attribut ; ou bien
en co que nous ne saurions avoir une Idée claire et
distincte do l'un de deux ou plusleura tels attributs
si nous le séparons des autros. Par cxomplo, à cause
qu'il n'y a point do substance qui ne cesse d'exister
lorsqu'elle cesse de durer, la durée n'est distincte dp
la substance que par la pensée*; et généralement'
tous los attributs qui font'que nous avons des pen-
sées diverses d'une même chose, tels que sont par
exemple l'étendue du corps et sa propriété tl'âtrô
divisible en plusieurs parties, ne diffèrent du corps

i. Toutes ces définitions éclai- 9, Cola n'est pas très facile t\


rent singulièrement la doctrine do accorder avee ce qui précède
Doscarles. Voy, Mponit tus pre-
mières Objections,
qi}i>nous sert d'objet, et réciproquement l'un de
l'autre, qu'à cause que nous pensons quelquefois
confusément à l'un sans penser à l'autre. Il me sou-
vient d'avoir mêlé la distinction qui se fait par la
pensée avec la modalo, sur la fin des réponses, que
j'ai faites aux premières objections qui m'ont été,
envoyées sur tes Méditations ÙQ ma métaphysique;
mais cela ne répugne point à ce que j'écris ici, parce
que, n'ayant pas dessein de traiter pour lors fort
amplement de cette matière, il me suffisait de les
distinguer toutes deux de la réelle.

63. Comment on peut avoir des notions distinctes de i'oxtcnslon


ot do la pensée, on tant que l'une conslltuo la nature du
corps, et l'autro colle do l'amo.

Nous pouvons aussi considérer la pensée et l'éten-


due comme les choses principales qui constituent la
nature de la substance intelligonte et corporelle; et
alors nous ne devons point les concevoir autrement
que comme la substance même qui pense et qui est
s
étendue, c'est-à-dire commo, l'amo et le corps : car
nous les connaissons en cette, sorte très clairement
et très distinctement, 11 est même plus aisé de con-
naître une substance qui pense ou une substance éten*
due que la substance toute seule, laissant à part si
elle pense ou si elle est étendue; parce qu'il y a
quelque difficulté à séparer la notion que nous ayons
do la substance de celle que nous avons de la pensée
et de l'étendue : car elles ne diffèrent de la substance
^L -t" \» DE *lÂVpinLOSOÏ>HIB. I50p
que par cela seul que nous considérons quelquefois là;
pensée ou l'étendue sans faire réflexion sur la chose
mémo qui pense ou qui est étendue. Et notre concep-
tion n'est pas plus distincte parco qu'elle comprend
peu do choses, mais parce quo nous discernons soi-
gneusement ce qu'elle comprend, et que nous prenons
garde à ne le point confondre avec d'autres notions
qui la rendraient plus obscure,

61. Comment on peut aussi les concevoir distinctement en les


prenant pour des modes ou attributs de ces substances.
Nous pouvons considérer aussi la pensée et l'éten-
due comme des modes ou des façons différentes qui se .

trouvent en la substance : c'est-à-dire que lorsque


nous considérons qu'une mémo ame peut avoir plu-
sieurs diverses pensées et qu'un mémo corps avec sa
même grandeur peut être étendu en plusieurs façons,
tantôt plus en longueur et moins en largeur ou en
profondeur, et quelquefois au contrairo plus on lar-
geur et moins en longueur; et que nous ne distin-
guons ta pensée et l'étendue de ce qui pense et de ce,
qui est étendu que comme les dépendances d'une
chose,de la chose même dont elles dépendent; nous
les connaissons aussi clairement et aussi distinctement
que leurs substances, pourvu que nous ne pensions
point qu'elles subsistent d'elles-mêmes, mais qu'elles
sont seulement des façons ou des dépendances de
quelques substances 1. Car quand nous les considé-
1. On volt tel clairement que Descartes est un réallsls et non
\i\\ iiiallslt,
rons comme les propriétés des substances dont elles
dépendent, nous los distinguons aisément do ces sub-
stances, et les prenons pour telles qu'elles sont véri-
tablement : au lieu que si nous voulions les considérer
sans substance, cela pourrait être cause que nous les
prendrions pour des choses qui subsistent d'elles-
mêmes; en sorte que nous confondrions l'idéo que
nous devons avoir do la substance avec celle que nous
devons avoir do ses propriétés.

65, Comment on conçoit aussi leurs diverses propriétés


ou attributs.
Nous pouvons aussi concevoir fort 'distinctement,
plusieurs diverses façons do penser *, commo en-
tendre, vouloir, imaginer, etc. ; et plusieurs diverses
façons d'étendue, ou qui appartiennent à l'étendue,
commo généralement toutes les figures, la situation
des parties et leurs mouvemens, pourvu que nous les
considérions simplement comme les dépendances des
substances où elles sont; et quant à ce qui est du
mouvement, pourvu que nous pensions seulement à
celui qui se fait d'un lieu en un autre, sans rechercher
la force qui le produit, laquelle toutefois j'essaierai
de faire connaître lorsqu'il en sera tomps ',

t,
Descartes no maintient pas « La force dont un corps o0lt
nettement la différence du mode et conlre un autre corps, ou ré-
AtiVûtlribUt.. sista à son action, consisto on cela
8. t A proprement parler, Il n'y seul que chaque choso pcritsto au*
a de force ou do cause de mou- tant qu'elle peut a demeurer ou
vement quo Dieu seul. • Prlnc, mémo état ou ello so trouve. »
8* part,, n» 30. »ttt.»u»43.
" - : ,- bBLA>miôso1nii|r"" -v:-(f t?K
,66 Que nous avons aussi des notions distinctes de nos senti-
mens, do nos affections et de nos appétits, bien que
.-
-
souvent nous nous trompions aux jugemens que nous on
faisons.
Il ne reste plus que lès sentlmens, les affections et
los appétits, desquels nous pouvons avoir aussi une
connaissance claire et distincte pourvu que nous pre-
nions garde à no comprendre dans les jugemens que
nous en ferons que ce que .nous" connaîtrons précisé-
ment par la clarté de notre perception, et dont nous
serons assurés par la raison 1, Mais il est malaisé
d'user continuellement d'une telle brêcaution, au,
moins à l'égard de nos sens, à cause que nous avons
cru dos le commencement de notre vio que toutes les
choses, que nous sentions avaient une existence hors
de notre pensée, et qu'elles étaient entièrement sem-
blables aux senlimens ou aux idées que nous avions à
leur occasion. Ainsi, lorsque nous avons vu, par
exemple, une certaine couleur, nous avons cru voir
une chose qui subsistait hors de nous, et qui était
semblable à l'idée que nous avions. Or nous avons
ainsi jugé en tant de rencontres, et il nous a semblé
voir cela si clairement et si distinctement, à cause quo
nous étions accoutumés à juger de la sorte, qu'on ne
doit pas trouver étrange que quelques-uns demeurent
ensuite tellement persuadés do co faux préjugé qu'ils
ne puissent pas mémo so résoudre à on douter*.

i,
ftomarque» cette seconde con- i. G'cil lo principe lo plus im-
dition, portant do toute la physique de
MMNCIMU t»B LA MIILOS0M1IB. 11
<teï .'r -r *~ LES PHI^W^ -!-* '***£#-
p*p_

07. Que souvent môme nous nous trompons on jugeant que nous'
sentons de la douleur en quelque partie de notre corps.
La même prévention a ou lieu en tous nos autres
senlimens, même en ce qui est du chatouillement et
de la douleur. Car encore que nous n'ayons pas cru
qu'il y eût hors de nous dans les objets extérieurs des
choses qui fussent semblables au chatouillement ou à
la douleur qu'ils nous faisaient sentir, nous n'ayons
pourtant pas considéré ces sentimens comme des idées
qui étaient seulement en notre ame; mais aussi nous
avons cru qu'ils étaient dans nos mains, dans nos
pieds, et dans les autres parties de notre corps : sans
toutefois qu'il y ait aucune raison qui nous oblige à
croire que la douleur que nous sentons, par exemple,
au pied soit quelque chose hors de notro pensée qui
soit dans notro pied, ni que la lumière quo nous pen-
sons voir dans lo soleil soit dans le soleil ainsi qu'elle
est en nous 1. Et si quelques-uns se laissent encore

Dcscarlos. « ... 11 n'est pas besoin i. » .,, On sait déjà aises que
do supposer qu'il passo quelquo c'est l'amo qui sent et non lo corps..,
choso de matériel depuis les objets On sait que co n'osl pas propre-
jusqu'à nos yeux pour nous faire ment en tant qu'elle est dans les
voir la couleur et la lumière, ni membres qui servent d'organes aux
mémo qu'il y oit rien en cos ob- sens extérieurs qu'ello sent, mais
jets qui soit scmblablo aux Idées on tant qu'ello est dans lo cerveau,
ou aux sentiments quo nous en où elle exerce cctlo faculté qu'on
avons.,, la lumière n'est autre nommo le sens commun t car oit
choso dans los corps qu'on nomme voit des blessures et dos,maladies
lumineux, qu'une action fort qui, n'offensant quo lo cerveau seul,
prompto et fort vivo qui passo vois empochent généralement tous les
nos yeux par Pontromtso de l'air sens, encore quo lo reslo du cor[><
et des autres corps transparents, » no laisso point, pour cela d'être
Dloplrlque, t" Dise. animé. Enfin on sait quo c'est par
>;**,• - r>> * -WLA-PliiLÔSÔwftE.-' 5 ; ^IBfJ
persuader à une si fausse* opinion, ce n'est qu'à caûs"e-
qu'ils font si grand cas dos jugemens qu'ils ont faits
lorsqu'ils étaient enfans, qu'ils ne sauraient los oublier
pour en faire d'autres plus solides, comme il paraîtra
encore plus manifestement par ce qui suit.

68. Comment on doit distinguer en telles choses ce en quoi on


peut se tromper d'avec ce qu'on conçoit clairement.

Mais alin.que nous puissions distinguer ici ce qu'il


y a de clair en nos sentimens d'avec ce qui est obscur,
nous remarquerons en premier lieu que nous connais-
sons clairement et distinctement la douleur, la cou*
leur, et les autres sentimens, lorsque nous les consi-
dérons simplement comme des pensées ; mais que
quand nous voulons juger quo la couleur, la dou»
leur, etc., sont dos choses qui subsistent hors de notre
pensée, nous ne concevons en aucune façon quelle
chose c'est que cette couleur, ou cotte douleur, etc. Il
en est de même lorsque quelqu'un nous dit qu'il Voit
do la couleur dans un corps, ou qu'il sont de la douleur
on quelqu'un de ses membres; car c'est do mémo,
quo s'il nous disait qu'il voit ou qu'il sont quelque
chose, mais qu'il ignore entièrement quelle est la
nature de cotte choso, ou bien qu'il n'a pas'une con-

Pcntremlso dos nerfs que los Im- sant à rien qu'à quelque nerf, oient
pressions quo font loi objets dans lo sem'ment do toutes les partiel
ics membres extérieurs parviennent du corps ou co nerf envole ses bran*'
Jusqu'à l'Ame dans lo cerveau | car ches sans rien diminuer do celui
on voit divers accidents qui, no nui- des autres, t Dioplriqué, 4< Dtio.
foi LES PMNdPÉS'
naissance distincte de co qu'il voit et do ce qu'il sent t?
car encore que, lorsqu'il n'cxomino pas ses pensées
avec attention, il se persuade pout-êtro qu'il èh à
quelque connaissance, à cause qu'il suppose que la
couleur qu'il croit voir dans un objet a de la ressem-
blance avec le sentiment qu'il éprouve en soi, néan-
moins, s'il fait réflexion sur ce qui lui est représenté
par la couleur ou par la douleur en tant qu'elles
existent dans un corps coloré ou bien dans une partie
blessée, il trouvera sans doute qu'il n'en a pas do
connaissance'.,.

00. Qu'on connaît tout autrement les grandeurs, los ligures, etc.,
quo les couleurs, les douleurs, etc.

Principalement s'il considère qu'il connaît bien


d'uno autre façon co quo c'est que la grandeur dans
lo corps qu'il aperçoit, ou la figure, ou le mouvement,
au moins celui qui se fait d'un lieu en un autre (car
les philosophes, en feignant d'autres mouvemens quo
celui-ci, ont fait voir qu'ih ne connaissaient pas bien
sa vraie nature) 1, ou la situation des parties, ou la
durée, ou lo nombro, et les autres propriétés que nous
apercovons clairoment en tous les corps, comme il a
été déjà remarqué 3, quo non pas ce quo c'est quo

1. « C'est une chose manifeste il. Dahi la langue do la philoso-


que tes corps mômes no sont pas phie grecque, *N»t*i{, quo nous tra-
proprement connus par los sens ou duisons par mouvement, stgulllo un
par la faculté d'imaginer, mais par lo changement quelconque,
seul entendement, t S« tléd.t ad (in, 3. Voy. plus haut, n* OS.
DE LA PHILOSOPHA. ^ "- \0
la couleur dans co môme corps, ou la. douleur» l'odeur,"
lo goût, la savour, et tout ce que j'ai dit devoir ôtro
attribué aux sens. Car encore que voyant un corps
nous no soyons pas moins assurés do son existence par
la couleur que nous apercevons à son occasion quo
par la figure qui le termine 1, toutefois il est certain
que nous connaissons tout autrement en lui cette
propriété qui est causo quo nous disons qu'il est figuré
que celle qui fait qu'il nous semble qu'il est coloré,

70. Que nous pouvons juger on deux façons des choses sensibles,!
par l'uno desquelles nous tombons on .l'erreur, et pa|=
l'autre nous l'évitons. »
%
v

Il est donc évident, lorsque nous disons àquelqu'un


que nous apercevons des couleurs dans les objets,
qu'il on est de mémo que st nous lui disions quo nous
apercevons on ces objets je ne sais quoi dont nous
ignorons la nature, mais qui cause pourtant en nous
un certain sentiment fort clair et fort manifeste qu'on
nomme le sentiment des couleurs. Mats il y a bien de
la différence ou nos jugemens ; car tant que nous nous
contentons de croire qu'il y a je no sais quoi dans les
objets (c'esUà-djre dans les choses telles qu'elles
soient) qui causo on nous ces pensées confuses qu'on
nomme sentimens*, tant s'en faut que nous nous

i. Romarquo importante. Nous nous font connaître leur nature.


no connaissons pas l'existence des 4. Nous dirions aujourd'hui t
choses par les mêmes moyens qui t sensations ».
Î6ê ' LÉS PRirtClPÈè
méprenions, qu'au contraire nous évitons la surprise
qui.nous pourrait faire méprendre, à cause que nous
iïo nous emportons pas sitôt à juger témérairement
d'une chose que nous remarquons ne pas bien con-
naître. Mais lorsque nous croyons apercevoir une
Certaine couleur dans un objet, bien que nous n'ayons
aucune connaissance distincte de ce que nous appelons
d'un tel nom, et que notro raison ne nous fasso aper-
cevoir aucune ressemblance entre la couleur que nous
supposons être en cet objet et celle qui est en notre
sens ; néanmoins parce quo nous ne prenons pas garde
à cola, et que nous remarquons en ces mêmes objets
plusieurs propriétés, comme la grandeur, la figure, le
nombre, etc., qui existent en eux do la mémo sorte que
nos sens ou plutôt notre entendement nous les fait
apercevoir, nous nous laissons persuader aisément quo
co qu'on nommo couleur dans un objet est quelque
choso qui oxisto en cet objet et qui ressemble entière-
ment à la couleur qui est en notre pensée, et ensuite
nous pensons apercevoir clairement en celte chose co
quo nous n'apercovons en aucune façon appartenir à
sa nature.

71, Que la première et prlncipato cause do nos errours sont les


préjugés do notro enfance.

C'est ainsi que nous avons reçu la plupart de nos


errours. À savoir pondant les premières années de
notre vie, quo notre ame était si étroitement liée au
DE LA PHILOSOPHIE/ "" *-/ M
corps, qu'elle' no s'appliquait à autre chose qu'à co qui-
causait on lui quelques impressions, elle ne considérait
pas encore si ces impressions étaient causées par des -
.choses qui existassent hors do soi, mais souloment ello
sentait de la douleur lorsque le corps en était offensé,
ou du plaisir lorsqu'il en recevait de l'utilité, ou bien,
si elles étaient si légères que le corps n'en reçût point
de commodité, ni aussi d'incommodité qui fût impor-
tante à sa conservation, ello avait des sentimens tels
que sont ceux qu'on nomme goût, odeur, son, chaleur,
froid, lumière, couleur, et autres semblables; qui
véritablement ne nous représentent rien qui existe
hors do notre pensée, mais qui sont divers selon les
diversités qui se rencontrent dans les mouvomens qui
passent de tous les endroits de notre corps jusques à
l'endroit du cerveau auquel elle est étroitement jointe
et unie 1. Elle apercevait aussi des grandeurs, des
figures et des mouvemens qu'elle ne prenait pas pour

I, i II est besoin aussi do sa- suspendue au-dessus du conduit


voir quo, bien que l'&mo soit jointe par lequel les esprits do ses cavi-
à tout io corps, Il y a néanmoins tés antérieures ont communication
en lut quelquo partie en laquelle avec ceux de la postérieure, que
ollo exerce ses fonctions plus par- les moindres mouvements qui se
ticulièrement qu'en toutes les ou- font en elle peuvent beaucoup pour
tres.,. En examinant la choso avec changer les mouvements de celto
soin, Il me semble 'évidemment giando. » Traité de» Pùlslon»t
avoir reconnu que la parité du part. I, n» 31. — On trouvera la
corps en laquellel'àmo exerce immé*. description du cerveau et l'cxpltea-
dtatement ses fonctions n'est nul- llon des mouvements qui so pro-
lement lo coeur, al aussi tout lo cer- duisent en lui dans le traité irtll»
veau, mats seulement la plus in- lulé l'Homme, éd. COUSIN, t. IV,
térieure de ses parties, qui est p. 300 et sulv. Nous no pouvons
une certaine glande; fort peltto donner Ici ce passa go qui est fort
(giando plnéalo) située dans le long et qui n'a d'autre valeur quo
milieu de sa substance cl tellement cette d'une curiosité historique.
\if'~ ~~L&S WJNCÏPES ' 'Vf
des sentimens, mais pour des choses ou des propriétés
dq certaines choses qui lui semblaient exister ou du
moins pouvoir exister hors de soi, bien qu'elle n'y
remarquât pas encore cette différence. Mais lorsque,
nous avons été quelque peu plus avancés en âge, et
que notre corps, so tournant fortuitement de part et
d'autre par ta disposition do ses organes, a rencontré
des choses utiles ou en a évité de nuisibles, rame, qui
lui était étroitement unie S faisant réflexion sur les
choses qu'il rencontrait ou évitait, a remarqué pre-
mièrement qu'elles existaient au dehors, et ne leur
a pas attribué seulement les grandeurs, les figures,
jos mouvemens, et les autres propriétés qui appar*
tiennent véritablement au corps, et qu'elle concevait
fort bien ou comme des choses ou comme les dépen-
dances de quelques choses, mais oncore les couleurs,
les odeurs, et toutes les autres idées de ce genre
qu'elle aporcovait aussi à leur occasion ; et comme
elle était si fort offusquée du corps qu'elle ne considé-
rait les autres choses qu'autant qu'elles servaient à
son usage, elle jugeait qu'il y avait plus ou moins de
réalité en chaque objet, selon que les Impressions

I. Doseurtes a fort souvent Insisté tentent et tellement confondue» môle


sur co point. Le passage lo plus quo jo compose comme un seul tout
Important ot lo plus souvent cité avec lut. Cor, si cola n'était, lorsque
est lo passage suivant do la 6* Méd, i 'mon corps est blessé, jo no sentirais
i La naturo m'ensolgno aussifaltn, par pas pour cela de la douleur, niot qui
le sentiments de douleur, do ne suis qu'une chose qui penso, mais
de soif, etc., quo jo no suis pas seu- j'apercevrais celto blessuro par le
lement logé dans mon corps ainsi seul entendement, commo un pilote
qu'un pilote en son navire, mais oulre aperçoit par la vue il quelquechoso
cela que Je tu 1 suis conjoint 1res étrol* te rompt dans ion vaisseau, »
qu'il causait lui semblaient plus ou moins fortes. Do
là vient qu'elle a cru qu'il y ayait beaucoup plus de-
substance ou do corps dans les pierres et dans lés
métaux quo dans l'air ou dans l'eau, parce qu'ello y sen-
tait plus do dureté et de pesanteur 1; et qu'elle n'a
considéré l'air non plus que rien lorsqu'il n'était agité
d'aucun vent, et qu'il ne lui semblait'ni chaud ni
froid, Et parce que les étoiles ne lui faisaient guère
plus sentir do lumière que des chandelles allumées,
elle n'imaginait pas que chaque étoile fût plus grande
-que la flamme qui parait au bout d'une chandelle qui
brûle. Et parce qu'elle ne considérait pas encore si
la terre pouvait tourner sur son essieu, et si sa super-
ficie est courbée commo celle d'une boule, elle a jugé
d'abord qu'elle était immobile, et que sa superficie
était plate, Et nous avons été par co moyen si fort pré-
venus de mille autres préjugés, que, lors même que
nous étions capables de bien user do notro raison,
nous les avons reçus en notro créance; et au lieu de
penser que nous avions fait ces jugemens en un temps
que nous n'étions pas capables de bien juger, et par
conséquent qu'ils pouvaient être plutôt faux que vrais,
nous lés avons reçus pour aussi certains que si nous
en avions eu une connaissance distincte par l'entremise
de nos sens, et n'en avons non plus douté (pie s'ils
eussent été des notions communes.

4, Pour Descaries la pesanteur de la matière La seule qualité ir<


n'est pas une qualité irréductible réductible est l'étendue.
:i7ô~ XËS'pMbfpES

V; 72, Que la seconde est que nous ne pouvons oublier '


'
,v ces préjugés.
Enfin lorsque nous avons atteint l'usage entier de
notre raison, et que notre ame n'étant plus si sujette
au corps tâche à bien juger des choses, et à connaître
leur nature; bien que nous remarquions quo les juge-
mens que nous avons faits lorsque nous étions encoro
enfàns sont pleins d'erreur, nous avons toutefois assez
de peine à nous en délivrer entièrement J et néanmoins
il est certain que si nous ne nous en délivrons et no
les considérons comme faux ou incertains, nous serons
toujours en danger de retomber en quelque fausso pré*
vention, Cela est tellement vrai, qu'à causo quo dès
notre enfance nous avons imaginé 1, par exemple, les
étoiles fort petites, nous ne saurions nous défaire
encore de cette imagination, bien que nous connais-
sions par les raisons do l'astronomio qu'elles sont fort
grandes: tant a de pouvoir sur nous une opinion déjà
reçuel

73. La troisième, que notre esprit se fatigue quand 11 se rend


attentif à toutes les choses dent nous jugeons.
De plus, comme notro ame ne saurait s'arrêter à
considérer longtemps une même chose avec attention
sans se peiner ot même sans se fatiguer, et qu'ello ne
s'applique à rien avec tant de peine qu'aux choses

4. On peut se demander si c'est gtno, la grandeur réelle des étoiles,


IN un phénomène d'Imagination. Il est probable quo nous les verrions
Quand nous aurions Connu, dès Port* comme nous les voyons.
1 DE U PHILOSOPHIli. 7 ' il\y
purement intelligibles, qui no sont présentes ni auxj
sens ni à l'imagination, soit que naturellement ellë-
ait été faite ainsi à cause qu'elle est unie au corps, ou_.
que pendant les premières années de notre vie nous
nous soyons si fort accoutumés à sentir et à imaginer,
que nous ayons acquis une facilité plus grande à ponser
de cette sorte, de là vient que beaucoup de personnes
ne sauraient croire qu'il y ait de substance si elle n'est
imaginable et corporelle, et même sensiblo ; car on ne
prend pas garde ordinairement qu'il n'y a que les
choses t)ui consistent en étendue, en mouvement et en
figure, qui soient imaginables, et qu'il y en a quantité
d'autres que celles-là qui sont intelligibles: de là vient
aussi quo la plupart du monde se persuade qu'il n'y a
rien qui puisse subsister sans corps, et môme qu'il n'y
a point do corps qui no soit sensible 1. Et d'autant
que ce ne sont point nos sens qui nous font découvrir
la nature do quoi que ce soit, mais seulement noire
raison lorsqu'elle y intervient, on no doit pas trouver
étrange que la plupart dos hommes n'aperçoivent les
choses quo fort confusément, vu qu'il n'y en a que très
peu qui s'étudient à la bien conduire.

74, La quatrième, quo nous attachons nos pensdos & dos paroles
qui no los expriment pas exactement,

Au reste, parce que nous attachons nos concoptions


h certaines paroles afin do les exprimer de bouche, et

I. Toulo la physîquo de Des- matière, ta matière subtile, qui né


ctrlei suppose l'exlitenco d'uno tombe pas sous les sens.
lîf " |,j?S pmHCÎPBS *'-''-
qùo nous nous souvenons plutôt des paroles que des
choses, à poine saurions-nous concevoir aucune chose
si distinctement quo nous séparions entièrement ce quo
nous concevons d'avec les paroles qui avaient été choi-
sies pour l'exprimer, Ainsi la plupart des hommes
donnent leur attention aux paroles plutôt qu'aux choses;
ce qui est cause qu'ils donnent bien souvent leur con-
sentement à des termes qu'ils n'entendent point, et
qu'ils ne se soucient pas beaucoup d'entendre, soit'
parce qu'ils croient les avoir autrefois entendus, soit
parce qu'il leur a semblé que ceux qui les leur ont
enseignés en connaissaient la signification, et qu'ils
l'ont apprise par mémo moyen j. Et bien quo co
ne soit pas ici lo lieu de traiter de celte matière, à
cause quo jo n'ai pas enseigné quelle est la naturo du
corps humain et que jo n'ai pas mémo encore prouvé
qu'il y ait au monde aucun corps, il me somblo néan-
moins quo co que j'on ai dit nous pourra servir à dis-
cerner celles de nos conceptions qui sont claires et
distinctes d'avec celles où il y a de ta confusion et qui
nous sont inconnues.

75. Abrégé do tout co qu'on doit observer pour bien


philosopher.
C'est pourquoi si nous désirons vaquer sérieusement
à l'étude de la philosophie et à la recherche do toutes
les vérités que nous sommes capables do connaître,

1, Il y a dans ces indications pourrait déduire toute uno phlloso*


rapides quelques principes dont en phlô du langage.
.
" * :~ "
.
or LA lMïiLÔsMtnL* -s -"-"T> ifjg
nous nous délivrerons en premier lieu do nos préjugés,
et ferons.état de rejeter toutes les opinions que nous
avons autrefois reçues en notre créance, jusques à ce
que nous les ayons derechef examinées; nous ferons
ensuite une revue sur les notions qui sont en nous, et
no recevrons pour vraies quo celles qui se présenteront
clairement et distinctement à notre entendement. Par
co moyen nous connaîtrons premièrement que nous
sommes, en tant que notre nature est de penser, et
qu'il y a un Dieu duquel nous dépendons; et après
avoir considéré ses attributs nous pourrons rechercher
la vérité dé toutes les autres choses, parce qu'il en est
la cause, Outre les notions que nous avons de Dieu et
de notre pensée, nous trouverons aussi on nous la
connaissance do beaucoup de propositions qui sont
perpétuellement vraies, comme, par exemple, que le
néant ne peut être l'auteur de quoi que ce soit, etc.
Nous y trouverons aussi l'idée d'une nature corporelle .

ou étendue, qui peut èlro mue, divisée, etc., et des


sentimens qui causent en nous certaines dispositions,
comme la douleur, les couleurs, etc. ; et, comparant
ce que nous venons d'apprendre en examinant ces
choses par ordre, avec ce que nous en pensions avant .

que do les avoir ainsi examinées, nous nous accoutu-


merons à former'dos conceptions claires et distinctes
sur tout co quo nous sommes capables do connaître,
C'est on ce peu de préceptes quo jo penso avoir com-
pris tous les principes les plus généraux ot les plus
importons do la connaissance humaine.
ffî — -; ILES^PKI^CÏPÉS: bELÏ PHÎÛIÔpllîlf

76. Quo nous devons préférer l'autorité divine à nos raisonno-


mens, et no rien croire do co qui n'est pas révélé que
nous ne lo connaissions fort clairement. '""
Surtout, nous tiendrons pour règle infaillible quo co
que Dieu a révélé,est incomparablement plus certain
que tout le reste; afin que, si quelque étincelle de
raison semblait nous suggérer quelquo chose au con-
traire, nous soyons toujours prêts à soumettre notre
jugement à ce qui vient de sa part; mais, pour ce qui
est des vérités dont la théologie ne se mêle point, il
n'y aurait pas d'apparence qu'un homme qui veut être
philosophe reçût pour vrai ce qu'il n'a point connu être
tel, et qu'il aimât mieux se fier à ses sens, c'est-à-dire
aux jugemens inconsidérés de son enfance, qu'à sa
raison, lorsqu'il est en état deja-bjoneonduire.

FIN
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION, ....'...,, 1
Introduction ..,,, i
Yio de Descartes 4
Résumé do la philosophie de Dcscurtos,, 20
Les principes do la philosophie 37

LETTRE DE L'AUTEUR à celui qui a traduit le livre, laquelle


peut Ici servir de PRÉFACE '49
LETTRE A LA PRINCESSE ELISABETH.. 69
ÎADLE DES PRINCIPES DE LA. PHILOSOPHIE PAR DESCARTËS. 74
.
I. Dos principes do la connaissance humatno 74
II. Dos principes des choses matérielles », •
80
III, Du monde visible, .,..., 84
IV. De la terro 94
,.
LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE 107
Pfcml&ro parllo : Des principes do la connaissance
humaine...........,, »., «». »,,,,....., «.... .1. 107

ftCi-Ol. - Coutouiiulcri. Inip. tut». BIlODARD. ~ Wî.


L1DRA1R1E HACHETTE ET C", À PARIS- : ~- -

Cctlo nouvelle Histoire de la Littérature française, sans


diminuer la place duo aux seizième, dix-septième et dix-
huitième siècles, contient uno étudo approfondie dos oeuvres
littéraires du moyen ûgo et présente, pour la première l'ois,
un tableau complet du dix-neuvième siècle. On y suivra lo
développement de la littérature française depuis les origines
jusqu'à la présente actualité. Les principaux tempéraments,
d'écrivains sont définis en leur individualité en môme temps
que l'enchaînement des oeuvres est marqué dans révolution'
continue des genres : des tableaux chronologiques rendent
sensibles tous les accidents de cette évolution. Ce livre sera
d'un bon secours pour les élèves des lycées et les ôludialits,
des Facultés qui ont des examens à préparer; mais Û est
destiné aussi à faire de l'élude de la Littérature français^
un instrument de culture intellectuelle et morale. L'autetf
a voulu donner le goût de lire et non les moyens de ne pal"
lire les chefs-d'oeuvre de notre littérature. Une bibliographie'*
succincte et substantielle, faisant connaître les principale]^
éditions et les principaux ouvrages à consulter pour-'charôj||j
auteur» aidera le lecteur à pousser ses - leclures5_ejt^|ç^
étude aussi loin que sa curiosité l'y portera, "V "" -_-r~53Ë

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