Principes de La Philosophie
Principes de La Philosophie
Principes de La Philosophie
PKHMIÈIIB PARTIE
DU MKMK AUTKUH
PRINCIPES DE U PlilLOllI
A.PRKMlftnB PARTIE
OUBLIÉE
.PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C,e
19, BOULEVAIU) SAINT-GERMAIN, 19
1904
INTRODUCTION
:
i. Dant> Vie de Monsieur Descartet, 1691, i vol. tn-K
Je continuais de m'exercer la méthodo jom':i3
c en gup
tais prescrite; car, outre que j'avais soin do cohduTreVgétt^
ralcmcnt toutes mes pensées selon ses règles, je\ mo^cS
servais de temps en temps quelques heures,quo j'cmpj|i^a!8
particulièrement à la pratiquer en des difficultés dp Malli|g
maliques,oumémo aussi en quelques autres, que je ppuyjujlj
rendre quasi semblables à celles des Mathématiques, cft léfi
détachant de tous les principes des autres sciences que jfjj
ne trouvais pas assez fermes, comme vous verrez: qj|Q
j'ai fait en plusieurs qui sont expliquées en ce volumo.:ffi
ainsi, sans vivre d'autre façon, en apparence, quecepqijjp
n'ayant aucun emploi qu'à passer une vie douce et irt»|rf
cente, s'étudient à séparer- les plaisirs des vices, et qu]||s
pour jouir de leur loisir sans s'ennuyer, usent de tôi}3sl|p
divertissements qui sont honnêtes, je ne laissais^ pasjJM
poursuivre en mon dessein, et do profiter en là corma^||
sance de la vérité, peut-être plus que si je n'eusse fait quj||
lire des livres ou fréquenter des gens de lettres. - {"J|
--
c Toutefois ces neuf années s'écoulèrent avant quej'eUsi|tj
encore pris aucun parti touchant les difficultés TJUJII^JÂ
coutume d'être disputées entre les doctes, ni cômmenèéf^
chercher les fondements d'aucune Philosophie plus cerïaluô^
que la vulgaire. Et l'exemple do plusieurs excellents;esprits^!
qui en ayant eu ci-devant le dessein me semblaient;^
avoir pas réussi, m'y faisait imaginer tant de difficultés quèS^
je n'eusse peut»ôlre pas encore sitôt osé l'entreprendre," sr
je n'eusse vu que quelques-uns faisaient déjà courre." le
bruit que j'en étais venu à bout Je pensai qu'il faÏÏaif'
que je lâchasse par tous moyens à me rendre digne delà"
réputation qu'on me donnait ; et il y a justement huit aïiC
que ce désir mo fit résoudre à m'éloigner de lous les lieux
où je pouvais avoir des connaissances, et à me retirer lcf,r
en un pays où la longue durée de la guerre a fait établir dé
ÏO ÏNTfiODOGTlÔNé
était fort grosse, son front largo et avancé, ses cheveux noirs
et rabattus jusqu'aux sourcils. A quarante-trois ans, il.les
remplaça par une perruque, modelée sur la forme de ses
cheveux, et, regardant celte substitution comme favorable
à sa santé, il pressa son ami Picot de suivre son exemple.
Ses yeux étaient très écartés ; son nez saillant et large,
mais allongé; sa bouche grande, sa lèvre inférieure dépas-
sant un peu celle du dessus; la coupe du visage était assez
ovale; son teint avait été pâle dans l'enfance, un peu cra-
moisi dans, la jeunesse, et devint olivâtre dans l'âge mûr. Il
avait à la joue un petit bulbe qui s'écorchait de temps
en temps et renaissait toujours. La figure exprimait la mé-
ditation et la sévérité. Ceux qui ne se contenteraient pas de
ces détails peuvent aller voir au Louvre les deux portraits
qui nous restent de lui. Le premier est de Sébastien Bour- i
don, de grandeur naturelle, Descartes est vu presquo de
' ' -'v *V~ rKTRofiuÔTiôK; ---r:r"^!^H
face, la lélo nue; il est enveloppé d'un manteau nof^^M
main droite posée sur une ospèce d'appui en
piérrè,,etl^^8
nant do la gauche son chapeau. Ce portrait ost assurémprtj|3
intéressant à étudier; mais il est un peu académlquô^'ê^M
semble manquer de naïveté. Le second portrait est dp ^f^Sj
supérieur. Il est do Frans Hais, aussi do grnndfillj||
coup
naturelle. La tôle ost découverte, vue do trois quarts,, çj|||
tournée vers la droite. Descartes porto un col raballQHlflM
manteau noirci tient un chapeau à la main. C'est P°Ç-1>^^H
ce
qui a été gravé par Edelinck. La gravure est très ]jel|^^
Descartes avait une voix faible à cause d'uno légère alJtp^J
ration du poumon qu'il avait apportée en naissant, ÇendJÛI^S
son enfance il était tourmenté d'une toux sèche qu'il 43lffs|
héritée de sa mère. Depuis l'âge do dix-neuf ans il ~pritfl|||
gouvernement do sa santé, et so passa du secours M^^
médecins : son hygiène était do mener un train de vie M|i^S
forme, d'éviter tout changement brusque; sa médecine nl!l
diète, un exercice modéré et la confiance dans les foi ces *1
de la nature. *$
Ses vêtements annonçaient des soins, mais non du faste. a
Il ne courait pas après les modes, mais il ne les bravait pas ,^
non plus: le noir était la couleur qu'il préférait; en vojage,
il portail une casaque de gris brun. Les revenus donl il
eut la jouissance après la mort de son père et celle de son
oncle maternel, paraissent s'être élevés à six ou sept mille
livres. Dans les dix dernières années de sa vie il faut y
ajouter la pension de 3000 livres qui lui fut payée par h
France. Il n'était ni avare ni cupide, mais cependant il
savait défendre ses intérêts.
H était sobre, et, par un singulier effet do son tempéra-
ment, la tristesse et la crainte augmentaient son appétit.
Vers la fin de sa vie, il diminua la quantité des aliments
qu'il prenait le soir, el dont il était gêné pendant la nuit.
X4 " ' lflfROt>POTÏOHf "L *' " ' ~~~:~r
Il buvait très peu do vin, s'en abstenait souvent des mois
entiers, évitait les viandes trop nourrissantes, et préférait
les fruits et les racines, qu'il croyait plus favorables à la
vie de l'homme quo la chair des nnimaux. Picot prétendait
que, par ce régime, Dcscarles espérait faire vivre les hom- '
mes quatre ou cinq siècles, et quo le philosophe aurait
fourni cette longue carrière, sans la cause violente qui vint
troubler son tempérament et borner sa vie à un demi-siècle ;
mais Descartes était fort éloigné de ces prétentions; car,
dans une lcltre à Chanut, du 15 juin 1648, il écrivit qu'au
lieu de chercher les moyens de prolonger la vie, il avait
trouvé une recette bien plus facile et bien plus sûre, qui
était de ne pas craindre la mort,
11 dormait dix à douze heures. Il travaillait
au lit le ma-
tin, il dînait à midi, et donnait quelques heures à la con-
versation, à la culture de son jardin, à des promenades
qu'il faisait le plus souvent à cheval. H reprenait son tra-
vail à quatre heures, et le poussait jusque fort avant dans
là soirée. Dans les deux ou trois dernières années de sa vie,
il se dégoûta de la plume.
H était doux et affable pour ses domestiques, et paya
jusqu'à sa mort une pension à sa nourrice. Quant aux se-
crétaires ou copistes qu'il employa successivement pour
l'aider dans ses recherches cl dans ses expériences, il les
traitait comme ses égaux et s'occupait de leur avancement;
la plupart devinrent gens de mérite, et ont fini par acquérir
une honorable position Ï Villebressieux, jeune médecin de
Grenoble, so rendit célèbre par ses inventions on méca-
nique; Gaspard Guschavcn devint professeur de mathéma-
tiques à l'université deLouvain; Gillot enseigna la méca-
nique, la fortification et la navigation aux officiers de
l'année du prince d'Orange; Schluter fut nommé auditeur
en Suède,
^ * - î- "lBtWUOTIÔN.
relations mondaines do
™M
DfscavlW^ffl
Pour ce qui est des
été EJM^^B
est certain qu'elles, n'ont jamais nombreuses,
été rares, parce qu'elles ont été choisies. H osnropojlffl
nous
siblo d'entrer ici dans des détails qui seraiètït infTiîlirl^^^Bg
citer 2uitlichp$/|||
ne pouvons toutefois négliger de M. de
AllllfJ
pèro de lluygcns, f Klectrice palatine, et surtout sa
la princesse Elisabeth, qui, jusqu'à la mort do
Descarjo^H
entretint avec lui le commerce le plus suivi et le plus;^îte^S
tueux. C'est à la princesse Elisabeth que Descartes dédia s
JS
Principes; il la considéra toujours, non seulement cojiin^S
la plus dévouée, mais aussi jifrafS
son amie comme son
iB
ciple le plus fidèle et le plus éclairé *. J~
- iSm
Revenons à ses travaux.
Jusqu'alors il s'était occupé de mathématiques et; ^gll
physique. Sa physique d'ailleurs, verrons/^pl^H
nous le
lard, était toute géométrique. A partir du moment où^§§|f|
l'objet de études change. Il néglig^H
sommes parvenus, ses
sensiblement la physique et même les malhémailqîf^^B
C'est l'étude de la naturo vivante qui l'occupo tourenljpj^S
11 devient en peu d'années grand analomiste, grand physjÔ^S
logiste et habile médecin. Sur co point, le DUcoMrs dfljfm
méthode nous apporte un témoignage indiscutable. AûYejlefll
les seuls travaux que nous ayons ici en vue sont des" IrW^S
vaux de recherche. Nous devions donner ces
indicMiêns/J
avant quo de nous occuper de travaux d'un autre ordre,'»g
ceux qui se rapportent à la composition et à la publication* *
des ouvrages dans lesquels la philosophie cartésienne7 3d~^
trouve exposée. .
VrJ
Doscartes, ayant pour objet do fonder une philosophie ~-
nouvello, devait naturellement penser tout d'abord à pré-" ~
RÉSUME DE LA PHILOSOPHIE
DE DESCARTES
MÉTAPHYSIQUE
i. Voyei.PWnefpM, 2» partie, »
V|T' ÎNTRODUCTIONr ' ' ' €
égaux et se mouvaient d'égalo vltosso en ligne droite l'un
vers l'autre, lorsqu'ils viendraient à so roucontror, ils
rejailliraient tous deux également et retourneraient cha-
cun vers le côté d'où il serait venu, sans perdre rien de
leur vitesse,
Deuxième règle, Si l'un des deux corps était tant soit
pou plus grand que l'autre et qu'ils se rencontrassent avec
mémo vitesse, il n'y aurait quo le plus petit qui rejaillirait
vers le côté d'où il serait venu, et ils continueraient par
après leur mouvement tous deux ensemble vers ce môme
côté,
Troisième règle. Si ces deux corps étaient de même
grandeur, mais que B eût tant soit plus de vitesse que C,
non seulement, après s'êlro rencontrés, G seul rejaillirait
et ils iraient tous deux ensemble, comme devant, vers le
côté d'où C serait venu, mais aussi il serait nécessaire que
B lui transférât la moitié do co qu'il aurait déplus de
.
vitesse.
; Quatrième règle. Si le corps C était tant soit pou
plus grand que B ot qu'il fût entièrement en repos, dp*
quelque vitesse quo B pût venir vers lui, jamais il n'aurait
la force do le mouvoir, mais il serait contraint de rejaillir
vers le môme côté d'où il serait venu,
Cinquième règle. Si, au contraire, le corps G était tant
soit peu moindre quo B, celui-ci ne saurait aller si lente-
ment vers l'autre, lequel je suppose encore parfaitement
en repos, qu'il n'eût la force do lo pousser et do lui trans-
férer la partie de son mouvement qui serait requise pour
faire qu'ils allassent par après do môme vitesse.
Sixième règle. Si lo corps G était oh repos et parfaj-
>
lement égal en grandeur au corps B, qui se meut vers lui,
.
il faudrait nécessairement qu'il fût en partie poussé par B,s
..
et qu'en partie il Je fil rejaillir; en sorte quo, si B était
: i INTRODUCTION* :~ " -"iTSgJ
G avec quatre dogrés do vitesse, il faudrait qu'il
venu vers
lui en transférât qu'avec los trois autres il rotournui
un, ot
vers le côté d'où il serait venu.
Septième règle. Si B et C vont vers un moine côté cl
que C précède mais aille plus lontomont que B en sorto
qu'il soit onfin atteint par lui, il pout arriver que B trans-
férera uno partio de sa vitesse à G pour le pousser dovant
soi, et il pout arriver aussi qu'il no lui en transférera rleu
du tout, mais rejaillira avec tout son mouvement vers HT
côté d'où il serait venu; à savoir, non seulement lorsque G
est plus petit quo B, mais aussi lorsqu'il ost plus grand,
pourvu quo ce en quoi la grandeur de C surpasse celle de ~
B soit moindre quo co en quoi la vitesse de B surpasse.1
celle do C, jamais il ne doit rejaillir, mais il doit pousser
C en lui transférant uno partio do sa vitesse; et, au çoh-
traire, lorsque ce en quoi la grandeur de G surpasse pelle.,
de B est plus grand que co en quoi la vilosse do B surpassé
celle de C, il faut quo B rejaillisse, sans rien communiquer 1
à C do son mouvement; et enfin lorsque l'excès do gran-
deur qui e'st on G est parfaitement égal à l'excès de Yitessp -
qui est en B, celui-ci doit transférer une partie do son
-
mouvement à l'autre, et rejaillir avec le resto '.
Lo point auquel nous sommes parvenus est à la fois lo'
plus important et le plus délicat de la physique carte-
_
sienne, et c'est précisément sur ce point que les opinions
de Descaries deviennent contrairos à la vérité », -~{
Rechercher en détail, pour les rectifier ensuite, les errèùrl -
MUKCIM» DE LA NIILOSOI'IIIE. 3
et les plus sérieuses objections. Pourtant elle n'est pas
sans analogie avec certaines doctrines modernes, que des
savants très prudents acceptent encore aujourd'hui sans
scrupule. L'organiciemo, qui no veut voir dans la fonction
qu'une suite de la formo, de la structure de l'organe, esl
bien une sorte de mécanismo physiologique. La méthode
de Gl. Bernard, qui réduit la physiologie à la simple
recherche des conditions physiques et chimiques des phé-
nomènes vitaux, tend à faire considérer la vie commo mie
simple combinaison de forces physico-chimiques. II est
vrai que lo système de Descartes est plus radical encore},
mais on est on droit de lp considérer comme un progrès,.
quand on songe aux superstitions médicales qui régnaient
sans conteste au commencement du dix-soptième siècle II
est certain que, grâce à Descaries, la médecine a pris rang
parmi les sciences positives. L'esprit qui anime les méde-
cins modernes de l'école de Cl. Bernard est le pur esprit
cartésien. "•.'.....
Après avoir fait connaître le principe, le caractère gé-
néral du système, il est indispensable d'en indiquer au
moins quelques applications. 11 faut convenir d'abord qUo
la physiologie cartésienne contient une multitude d'erreurs
de détail, Si l'organisme est un mécanisme, c'est un mé;
canisme infiniment plus compliqué que celui que Descartes
imagine. Les nerfs, assurément, ne sont pas dès Vaisseaux,
et tes phénomènes nerveux ne s'expliquent pas par les
mouvements des esprits animaux circulant dans los nerfs.
Mais il existe au moins uno grande fonction qu'on oxpllquo
encoro aujourd'hui comme lo faisait Doscartes. Il est Vrai
qu'IIarvey a tout lo mérite de l'invention. Mais il s'agit
uniquement ici d'une question do méthode, et Descariés
a eu raison de soutenir que la méthode d'Harvey est pré-
cisément la sienne.
-;" ' '' " ïMofitJCTÎON? ^ ^-V^>flfe
.
Si tout organisme est un mécanisme, il ne faut pas hé-^
•
siter à reconnaître que l'homme, en tant que corps, estf
une machine. C'est une conséquence que Descartes accepte ~.
DE LA PHILOSOPHIE
fondement
^
Mémoires ;
c M. Pascal parlait peu de sciences; cependant, quand/
l'occasion s'en présentait, il disait son sentiment sur les
choses dont on lui parlait. Par exemple sur la philosophie
de M. Descartes, il disait ce qu'il pensait. Il 'était do son
sentiment sur l'automate et n'en était point sur la matière
subtile, dont il se moquait fort. Mais il no pouvait souffrir
sa manière d'expliquer la formation do toutes choses, et
il disait très souvent : Je ne puis pardonner à Descartes;
il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se
passer de Dieu, mais il n'a pu s'empêcher do lui faire don-
ner une chiquonau.de, pour mettre le monde en mouve-
ment : après cela il n'a plus que faire do Dieu 9. >
i,T.lV,p. 408.
9. Fayo, De l'Origine du Monde, Paris, I&H,
,
INTRODUCTION, w*«fî?
'autorité, ni môme la compétence nécessaires pour Juger r
feurs conclusions; mais ce qui ost certain, c'est qu'ils VonT 7
chercher leurs Inspirations dans lo Cartésianisme Aprôs
-
avoir décrit lo système solaire, M, Fayo s'écrie :
No dirait-on pas qu'un vasto mouvemout giratoire
< -
anime tous ces corps, et que les systèmes secondaires de
la Terre, do Mars, do Jupiter, etc., sont do petits tourbil-
lons nageant dans lo premier? Telle n été la ponsée de *
Il s'est trompé, soit; mais, si le systômo t
Descartes. so*_
laire ne constitue pas actuellement un tourbillon, il a élé
constitué, à l'origino, par un mouvement de co genre dans ^
-
la nébuleuse qui lui a donné naissance *. > -
.
La qualriômo partie des Principes a pour titro s Delà ~
Terre, Elle contient la physique terrestre do Doscartes*- i
Nous n'insisterons pas longuement sur co point. Cette par- __«
tie du livre de Descaries contient avec beaucoup d'erreurs -_
une multitude de vues ingénieuses et intéressantes. ^
Malheureusement nous no saurions insister sans entrer J*
dans des détails infinis qui nous éloigneraient beaucoup ^
de notre objet.
- ~J
Nous devons en terminant insister sur une remarqua y
qui nous parait être de grande importanco. Nous avons dit y
que Descartes est le véritable inspirateur de la science IOWIT
derno. C'est un fait qu'il no faut pas oublier ; mais il ïLpjl
faut pas oublier non plus qu'entre le Cartésianisme çt la>_3
scienco moderne il existe une différence profonde. DansJlfj
scionco moderne lestvérités générales no sont que des~g4f~5i
' néralisations de l'expérience ou bien des hypothèses Wâ
empruntent toute leur valeur aux vérifications expérifWp|9j
taies qu'on en a faites ou qu'on en peut faire, L'expériehiâ
est donc, en définitive, In seulo garantie, lo seul crifpl'lîjgjj
MONSIEUR,
II. «Ceux qui ne marchent quo | jours le droit chemin que ne" foftjl-
lentement peuvent avancer beau- I
ceux qui courent et qiit_s'cVéloJ|v
coup davantage, s'ils suivent teu- I gnent, » Disc, de la mêth, ' ri
~. ~
^a-' ; -*•; *- PRÉFACE "v~ ;-^-r^#-
notro corps, mats ce que nous appelons notre ame ou
notre pensée, j'ai pris l'être ou l'existence de colle pensée
pour le premier principe, duquel j'ai déduit très claire-
ment los suivons, à savoir qu'il'y a un Dieu qui est nutour
do tout ce qui est au monde, et qui, étant la source do
toute vérité, n'a point: créé notre entendement do telle
nature qu'il so puisse tromper au jugement qu'il fait des
choses dont il a uno perception fort claire et fort distincte,
Go sont là tous los principes dont je me sers touchant les
choses immatérielles ou métaphysiques, desquels je dé-
duis très clairement ceux des choses corporelles ou phy-
siques, à savoir qu'il y a des corps étendus en longueur,
largeur et profondeur, qui ont diverses figures et se meu-
vent en diverses façons. Voilà, en somme, tous les principes
dont jo déduis la vérité des autres choses 1. L'autre raison
qui prouvo la clarté de ces principes est qu'ils ont été
connus do tout temps, et même reçus pour vrais et indu-
bitables par tous les hommes, excepté seulement l'exis-
tence- de Dieu, qui a été mise en doute par quelques-uns à
cause qu'ils ont trop attribué aux perceptions des sens; et
que Dieu ne peut être vu ni touché 8.
Mais encore que toutes les vérités que je mets entre mes
principes aient été connues de tout temps de tout le
monde, il n'y a toutefois eu personne jusques à présent, que
jo sache, qui les ait reconnues pour les principes de la.
philosophie, c'est-rVdire pour telles qu'on en peut déduire
la connaissance de toutes les autros choses qui sont au
monde t c'est pourquoi il mo reste ici à prouver qu'elles
sont telles; et il me semble ne le pouvoir mieux prouver
comprendre
En suite do quoi, pour faire bien concevoir quel des-
sein j'ai eu en les publiant, je voudrais ici expliquer
l'ordre qu'il me semble qu'on doit tenir pour s'instruire.f
Premièrement, un homme qui n'a encore que la connais-
sance vulgaire et imparfaite que l'on peut acquérir par los
quatre moyens ci-dessus expliqués doit, avant toutes
choses, tâcher de se former une morale qui puisse suffire,-
pour régler les actions de sa vie, à cause que cela noT
souffre point de délai, et que nous devons surtout tâcher
de bien vivreVAprès cela, il doit aussi étudier la logique,.
non pas celle de l'école, ctur elle n'est, à proprement par-
ler, qu'une dialectique qui enseigné les moyens de faire
entendre à autrui les choses qu'on sait, ou mômo"aussi
do dire sans jugement plusieurs paroles touchant celles
qu'on no sait pas 3, et ain?i clip corrompt lo bon sens
plutôt qu'elle ne l'augmente; mais celle qui apprend à
bien conduire sa raison pour découvrir les vérités qu'on
ignore; et, parce qu'elle dépend beaucoup de l'usage, il
est bon qu'il s'exerce longtemps, à en pratiquer les règles
touchant des questions faciles et simples, comme sont
celles des mathématiquesV Puis, lorsqu'il s'est acquis
quoique habitude à trouver la vérité en ces questions, il
t ""
1, Passage souvent cité, qui montre i, Mats II est bien entendu que
nullement que, pour Doscartes, Il toutes ces dernières parties ne
n'y a ni philosophie ni science par- sauraient exister sans la métaphy-
ticulière sans, métaphysique. sique.
presquo toutes, le zèle quo j'ai toujours eu pour tàchcruV
rendre service au public est cause quo je fis imprimer^iïr
ya dix ou douze ans 1, quelques.essais des choses qu'ilL
I. Henri Leroy.
èY ' ' PRÉFACE "
Je sais bien aussi qu'il pourra so passer plusieurs siècles
avant qu'on ait ainsi déduit do ces principes toutes les
vérités qu'on en peut déduire, tant parce quo la plupart
dp pelles qui restent à trouver dépendent de quelques ex-
périences particulières qui ne se rencontreront jamais par
hasard, mais qui doivent être cherchées avec soin et dé-
pense par des hommes fort intclligens, quo parce qu'il
arrivera difficilement que les mémos qui auront l'adresse
do s'en bien servir aient le pouvoir de les faire, et aussi
parce quo la plupart dos meilleurs esprits ont conçu une
si mauvaise opinion do toute la philosophie, à cause des
défauts qu'ils ont remarqués en celle qui a été jusqu'à
présent en usago, qu'ils ne pourront pas s'appliquer à en
chercher uno meilleure.
Mais, enfin, si la différence qu'ils verront entre ces
principes et tous ceux dos autres, et la grande suite des
vérités qu'on en peut déduire, leur fait connaître combien
il est important do continuer en la recherche do ces véri-
tés, et jusques à quel degré de sagesse, à quelle perfection
de vie et à quelle félicité elles peuvent conduire, j'ose
croire qu'il n'y en aura pas un qui ne tâcho do s'employer
à une élude si profitable, ou du moins qui ne favorise et
no veuille aider do tout son pouvoir ceux qui s'y emploie-
ront avec fruit. Jo souhaite quo nos neveux ^n voient lo
succès, etc.
A LA SÉRÉN1SS1MB PniNCESSE
ELISABETH
pltEMIÈnE FILLE DE Pllt'iDÉMC, nOl DE BOHÈME, COMTE
PALATIN ET PMNCE-ÊLECTEUn DE L'EMPtnB*
MADAME,
PREMIÈRE PARTIE
SECONDE PARTIE
i,
Quelles raisons me font savoir certainement qu'il y a
des corps.
2. Comment nous savons aussi que notre ame est jointe
à un corps.
•
3. Que nos sens ne nous enseignent pas la nature des
choses, mais seulement ce en quoi elles nous sont utiles ou
nuisibles.
4. Que ce n'est pas la pesanteur, ni Indurée, ni la cou-
leur, etc., qui constituent la nature du corps, mats l'exten-
sion seule.
5. Quo cette vérité est obscurcie par los opinions dont
on est préoccupé touchant la raréfaction et le vide.
6. Comment se fait la raréfaction.
,
7. Qu'elle no peut être intelligiblement expliquée qu'en
.
ïa façon ici proposée.
8. Quo la grandeur ne diffère de ce qui est grand, ni le
nombre des choses nombréos, que par notre pensée.
0. Quo la substance corporelle ne peut être clairement
conçue sans son extension.
10. Ce quo c'est que l'espaco pu le lieu intérieur.
il. En quel sens on peut dire qu'il n'est point différent
du corps qu'il contient.
12, Et eu quel sens il en est différent.
13, Ce que c'est quo le lieu extérieur,
DES PRINCIPES DÉ LA PUILÔSOPlItB, :£M
14. Quello différence il y a entre lo lieu et l'espace.
15. Comment la superficie qui environne un corps peut
7
être prise pour son lieu extérieur. :~-
16. Qu'il ncpeul y avoir aucun vide, au sens quo les phi- - ~[
Insophes prennent ce mot.
17. Quo lo mot de vido, pris selon l'usago ordinaire, -
n'exclut point toute sorte de corps.
18. Comment on peut corriger la fausso opinion dont on .;
est préoccupé touchant lo vide.
19. Que cela confirme ce qui a été dit de la raréfaction.
20. Qu'il ne peut y avoir aucuns atomes ou petits corps
indivisibles.
2t. Que l'étendue du monde est indéfinie.
22. Quo la terre et les cieux no sont faits quo d'une,
môme matière, et qu'il ne peut y avoir plusieurs mondes,
_
23. Que (eûtes les variétés qui sont on la matière dépen-
dent du mouvement de ses parties.
24. Ce que c'est que te mouvement pris selon l'usago
commun.
25. Co quo c'est que le mouvement proprement dit.
26. Qu'il n'est pas requis plus d'action pour lo mou-
vement que pour le repos.
27. Quo le mouvement et le repos ne sont rien quo deux
diverses façons dans le corps où ils so trouvent.
23, Que le mouvement en sa propre signification ne se
rapporte qu'aux corps qui touchent celui qu'on dit se mou-
voir,
.
29. Et même qu'il ne se rapporte qu'à ceux de ces corps
quo nous considérons commo en repos.
30. D'où Vient que lo mouvomont qui sépare deux corps
qui se louchent est plutôt attribué à l'un qu'à l'autre.
31. Comment II pout y avoir plusieurs divers mouvé-
mens en un môme corps.
t'hiKûirES bts LA ritHôsortiiB. ô
32. Commont le mouvement unique proprement dit, qui
est unique en chaque corps, peut aussi être pris pour plu.
sieurs.
33. Comment en chaque mouvement il doit y avoir tout
un cercle ou anneau de corps qui se meuvent ensemble.
34. Qu'il suit do là quo la matière se divise en dos par-
lies indéfinies et innombrables.
35. Quo nous ne devons point douter que cette division
no so fasse, encore que nous ne la puissions comprendre.
36. Que Dieu est la première cause du mouvement, et
qu'il en conserve toujours uno égalo quantité en l'univers.
37. La première loi de la nature t quo chaque chose de-
meuro en l'étal qu'elle est pondant que rien ne le change,
38. Pourquoi los corps poussés delà main continuent do
so mouvoir après qu'elle les a quittés.
39. La seconde loi de la nature : que tout corps qui se
meut tend à continuer son mouvement en ligne droite.
40. La troisième s que si un corps qui se moul en ren-
conlro un autre plus fort quo soi, il ne perd rien do son
mouvement; et s'il en rencontre un plus faible qu'il puisse
mouvoir, il en pord autant qu'il lut en donne.
41. La preuve de la première partie de cette règle.
42. La prouve do la seconde partie.
43. En quoi consiste la force de chaque corps pour agir
ou pour résister.
44. Que lo mpuvoment n'est pas contraire à un autre
mouvement, mais au repos ; et la détermination d'un mou-
vement vers un côté à sa détermination vers un autre.
45. Commont on pout déterminer combien les corps qu
se rencontrent changent les mouvemons les uns des autres
par les règles qui suivent,
46. La première,
47. La second*
"DES PRINCIPES DE LA phiLosopiim. fèiç
48. La troisième.
19. La quatrième,
50. La cinquième,
51. La sixième.
52. La septième
53. règles est difficile, à cause,
Que l'explication dé cos
que chaque corps est touché par plusieurs autres en, même,
temps.
51. En quoi consiste la nature des corps durs et dos li-
quides,
55. Qu'il n'y arien qui joigne les parties des corps durs,
sinon qu'elles sont en repos au regard l'une do l'nutro.
,
56. Que los parties des corps fluides ont des mouve-
mens qui tendent également do tous côtés, et quo la moin-
dre force suffit pour mouvoir les corps durs qu'elles envi-
ronnent.
57. La preuve do l'article précédent.
58. Qu'un corps no doit pas Ôtro estimé, entièrement
fluide au regard d'un corps dur qu'il environne, quand
queiques-unos do ses parties sp meuvent moins vile quo no
fait CP corps dur.
59. Qu'un corps dur étant poussé par un autre no reçoit
pas de lui seul tout le mouvement qu'il acquiert, mais en
emprunte aussi uno partio du corps fluide qui l'envi-
ronne.
60. Qu'il ne peut toutefois avoir plus de vitesse quo co
corps dur no lui en donne.(
61. Qu'un corps fluide qui se meut tout entier vers quel-
que côté emporte nécessairement avec soi tous les corps,
durs qu'il contient ou environne.
62. Qu'on no peut pas dire proprernent qu'un corps dur,
se meut lorsqu'il est ainsi cmpprlé par. un corps fluide.
63. D'où vient qu'il y à des corps si durs qu'ils no pou-,
,84. TABLE
vent élre divisés par nos mains, bien qu'ils soient plus pe->
lits qu'elles.
64. Que je ne reçois point de principes en physique qui
ne soiont aussi reçus en mathématiques, afin de pouvoir
prouver par démonstration tout co que j'en déduirai, et que
ces principes suffisent, d'autant que tous les phénomènes
delà nature peuvent êlro expliqués parleur moyen.
TROISIÈME PARTIE
DU MONDE VISIBLE
QUATRIÈME PARTIE
DE LA TERRE
204. Que louchant les choses que nos sens n'aperçoivent '
.
FIN DE LA TA RLE
LES PRINCIPES
DE LA PHILOSOPHIE
PREMIÈRE PARTIE
4. Pourquoi on '^
peut douter de !a vérité des choses sensibles.
Mais, d'autant que nous n'avons point maintenant
d'aulre dessein quo do vaquer à la recherche do là-
vérité, nous douterons en premier lieu si do toutes les
choses qui sont tombées sous nos sens, ou que nous
avons jamais imaginées, il y en a quelques-unes qui
soient véritablement dans le monde, tant à cause que
nous savons par expérience que nos sens nous ont;:
trompés en plusieurs rencontres, et qu'il y aurait dol_
l'imprudence de nous trop fier à ceux qui nous ont,
trompés, quand môme ce n'aurait été qu'une" fojs,;
comme aussi à cause que nous songeons presque IOVL-
jours en dormant, cl que pour lors il nous semble que.
nous sentons \iveinent et que nous imaginons claire-
ment une infinité de choses qui ne sont point ailleurs,'
et que, lorsqu'on est ainsi résolu à douter de tout, il
ne reste plus de marque par où l'on puisse savoir si
les pensées qui viennent en songe sont plutôt fausses 4 _„
I
nous ont semblé autrefois très certaines, mômo des
démonstrations do mathématiques et do leurs principes,
encore que d'eux-mùmes ils soient assez manifestes, à
cause qu'il y a des hommes qui so sont mépris en rai-
sonnant sur do telles matières; mais principalement
parce que nous avons ouï dire que Dieu, qui nous a
créés, peut faire tout co qu'il lui platt, et que nous ne
savons pas encore si peut-être il n'a point voulu nous
faire tels que nous soyons toujours (rompes, mômo
dans les choses que nous pensons le mieux connaître:
car, puisqu'il a bien permis que nous nous soyons
trompés quelquefois, ainsi qu'il a été déjà remarqué,
pourquoi ne pourrait-il pas permettre que nous nous
trompions toujours? Et si nous voulons feindre qu'un
Dieu tout-puissant n'est point l'autour do notre ôlre,
et que nous subsistons par nous-mêmes ou par quelque
autre moyen ; de co que nous supposerons cet auteur
moins puissant, nous aurons toujours d'autant plus de
sujet de croire que nous ne sommes pas si parfaits quo
nous ne puissions être continuellement abusés 1.
6. Que nous avons un libre arbitre qui fait quo nous pouvons
nous abstenir de croire les choses doutcusos, et ainsi
nous empocher d'être trompés.
Mais quand celui qui nous a créés serait tout-puis-
sant, et quand mômo il prendrait plaisir à nous trom-
per, nous ne laissons pas d'éprouver en nous une liberté
qui est telle que, toutes les fois qu'il rtous platt, nous
1. Voy. !» Méditation.
*
' DE LA' PHtLOSÔPIHE. ' -- "'T~^'STf®
abstenir do recevoir croyTiftlotz
pouvons nous en noire
les choses que nous ne connaissons pas bien, et ainsi
nous empocher d'être jamais trompés*.
7. Que nous ne saurions doutor sans ôlro, et quo cela esl la,
première connaissance ccrlaîno qu'on peut acquérir.
Lorsquo par après ello fait une revue sur les diverses
idées ou notions qui sont on soi *, et qu'elle y trouvo
çoîlo d'un Être * tout connaissant, tout-puissant et
extrêmement parfait, elle juge facilement, parce qu'ello
aperçoit en celle idôo, quo Dieu, qui est cot Être tout
parfait, est ou existo : car encore qu'elle ait des idées
distinctes do plusieurs autres choses, elle n'y romarque
rien qui l'assure do l'existence de leur objet ; au liou
qu'elle aperçoit en colle-ci, non pas seulemont une
existence possiblo comme dans les autres, mais une
existence absolument nécessaire et éternelle, Et commo,
do ce qu'ello voit qu'il est nécessairement compris
dans l'idée qu'ello a du triangle quo ses trois angles
soient égaux à deux droits, ello so persuade absolument
qUe le triangle a les trois angles égaux à deux droits ;
de même, de cela seul qu'elle aperçoit que l'existence
nécessaire et éternelle est comprise dans l'idée qu'elle
a d'un Être tout parfait, elle doit conclure que cet Être
tout parfait est ou existé 3.
ses déductions. Oh a voulu voir dans ccllo do Leibniz, qui soutient que
lo changement quo nous signalons tout co qui n'est pas contradictoire'
ici une prouve que l'esprit géomé- ost possible,
ISO LES PRINCIPES
Texislonco, ot quo nous pouvons feindra â plaisir plu-
sieurs idées de choses qui peut-être n'ont jamais été ot
qui no seront pout-ôtro jamais; lorsque nous n'élevons
pas comme il faut 4 notro esprit à la contemplation de
cet Êtro tout parfait, il se peut faire quo nous doutions
si l'idée quo nous avons do lui n'est pas l'une do celles
quo nous feignons quand bon nous semble, ou qui sont
possiblos encore quo l'existenco ne soit pas nécessaire-
mont comprise en leur nature.
21. Que la seulo durée de notre vio suffit pour démontrer quo
Dieu est.
24, Qu'après avoir connu quo Diou est, pour passer à la con-
naissant des créatures, il so faut souvonlr quo notre
entendement est fini, et la puissance do Dieu infinie
25. Et qu'il faut crolro tout co quo Dieu a révélé, encore qu'il
soit au-dessus de In portée do notro esprit.
1. Tout cela est commo uno cri- tique, n'est malheureusement point
tique nnltcipdo do Pascal ot do sa passéo dans la langue philoso-
théorie. ' phique. Co passago serait accepté
9. Cette distinction do l'infini sans difficulté par tous los mathé-
cl do l'Indéfini, ou Infini mathéma- maticiens contemporains.
DE LA PHILOSOPHIE. ;129'
sont pas ainsi absolument parfaites, parco qu'encore
que nous y remarquions quelquefois des propriétés qui
nous semblent n'avoir point de limites nous notlais-
sons pas de connaître que cola procède du défaut do
notre entendement, et non point de leur nature.
28. Qu'il no faut point examiner pour quelle fin Dieu a fait
chaque chose, mais seulement par quel moyen il a
voulu qu'elle fût produite.
Nous ne nous arrêterons pas aussi à examiner les
fins que Dieu s'ost proposées en créant te monde, et
nous rejetterons entièrement de notre philosophie la
recherche des causes finales ; car nous ne devons pas
tant présumer de nous-mêmes, que do croiro que Dieu
nous ait voulu faire part de ses conseils t mais, le
considérant comme l'auteur de toutes choses, nous
tâcherons seulement do trouver par la faculté de raw
sonner qu'il a mise en nous, comment celles que nous
apercevons pur- l'entremise de nos sens ont pu être
produites; et nous serons assurés, par ceux de ses
attributs dont il a voulu que nous ayons quelque con-
naissance, que co que nous aurons une fois aperçu
clairement et distinctement appartenir à la nature do
ces choses a la perfection d'être vrai,
80. Et que par conséquent tout cela est vrai quo nous connais-
sons clairement ôtro vrai, ce qui nous délivre des doutes
ci-dessus proposés.
31. Quo nos erreurs au regard do Dieu no sont quo des néga-
tions, mais au rogard do nous sont dos privations ou des
défauts.
3t. Que la volonté aussi bien quo l'entendement est requise pour
juger.
J'avoue que nous ne saurions juger de rien si notre
entendement n'y intervient, parce qu'il n'y a pas d'ap»
parence que notre volonté se détermine sur ce que
notre entendement n'aperçoit en aucune façon; mais
comme la volonté est absolument nécessaire* afin que
nous donnions noire consentement à ce que nous avons
aucunement aperçu, et qu'il n'est pas nécessaire pour
faire un jugement tel quel que nous ayons une connais-
sance entière et parfaite, de là vient que bien souvent
nous donnons notre consentement à des choses dont
nous n'avons jamais eu qu'une connaissance fort con-
fuse.
38. Quo nos erreurs sont des défauts do notre façon d'agir, nuis
non point de notre nature; et que les fautes des sujets
peuvent souvent ôtro attribuées aux autres maîtres, mais
non point à Dieu.
Il est bien vrai que toutes les fois que nous faiilons
il y a du défaut en notre façon d'agir ou en l'usage de
noire liberté ; mais il n'y a point pour cela do défaut
en notre nature, à cause qu'elle est toujours la môme
quoique nos jugemens soient vrais ou faux. Et quand
Dieu aurait pu nous donner une connaissance si grande
que nous n'eussions jamais été sujets à faillir, nous
n'avons aucun droit pour cela do nous plaindre do
lui ; car encore que parmi nous celui qui a pu ompé-
cher un mal et ne l'a pas empêché en soit blâmé
et jugé comme coupable, il n'en est pas de même à
l'égard de Dieu, d'autant que le pouvoir que les
hommes ont les uns sur les autres est institué afin
qu'ils empêchent de mal faire ceux qui leur sont
inférieurs, et que la toute-puissance que Dieu a sur
l'univers est très absolue et très libre, C'est pourquoi
nous devons le remercier des biens qu'il nous a
faits, et non point nous plaindre de ce qu'il ne nous
a pas avantagés de ceux que nous connaissons
40. Quo nous savons aussi très certainement que Dieu a préor-
donné toutes choses.
44. Quo nous no saurions quo mal juger do ce quo nous n'aper-
cevons pas clairement, bien que notre jugement puisse
ôtro vrai, et que c'est souvent notre mémoire qui nous
trompe.
Il est aussi très certain que toutes les fois que nous
approuvons quelque raison dont nous n'avons pos une
connaissance bien exacte, ou que nous nous trompons,
ou si nous trouvons la vérité, comme co n'est que par
hasard, que nous no saurions être assurés de l'avoir
lonconlrée, et ne saurions savoir certainement quo
nous ne nous trompons point, J'avoue qu'il arrivé
rarement que nous jugions.d'uno chose on môme temps
que nous remarquons quo nous ne la connaissons pas
assez distinctement ; à cause que la raison naturelle-
,140' J " LÈS PRINCIPES .""
-
' '
-'" "?T:
ment nous dicte que nous no devons jamais juger de
rien que de ce que nous connaissons distinctement
ayant que de juger. Mais nous nous trompons souvent
parce que nous présumons avoir autrefois connu plu-
sieurs choses, et que tout aussitôt qu'il nous en souvient
nous y donnons notre consentement, de même que si
nous les avions suffisamment oxaminées, bien qu'on
effet nous n'en ayons jamais eu une connaissance bien
exacte*.
1. Nous avons insisté déjà sur sentéo.., une notion distincte res-
l'importance du rôle quo jouo la semble a cello que les éprouvoitrs
mémoire dans la connaissance. ont do l'or, a l'aide do signes dis-
S. « Uno connaissance est llnclifs et do moyens do compa-
claire lorsqu'elle suffit pour me raison suffisants pour distinguer
fatro connaître ta chose repré» l'objet de tous les autres corps
DÉ LA PHILOSOPHIE. mm
40. Qu'elle peut être claire sans ôtro distincte, mats non au
-contraire...
Par exemple lorsque quelqu'un sent une douleur
cuisante, la connaissance qu'il a do cette douleur est
claire à son égard, et n'est pas pour cela toujours
distincte, parce qu'il la confond ordinairement avec
lo faux jugement qu'il fait sur la nature de ce qu'il
pense être en la partie blessée, qu'il croit être sem-
blable à l'idée ou au sentiment de la douleur qui est
en sa pensée*, encore qu'il n'aperçoive rien claire-
ment quo le sentiment ou la pensée confuse qui est en
lui. Ainsi la connaissance peut quelquefois être claire
sans être distincte, mais ello ne peut jamais être dis-
tincte qu'ello ne soit claire par môme moyen.
47, Quo pour ôter les préjugés do notre enfance il faut consi-
dérer ce qu'il y a de clair en chacune de nos premières
notions.
48. Quo tout co dont nous avons quclquo notion est considéré
comme uno choso ou comme une vérité t et le dénombre-
ment des choses,
Jo distinguo tout co qui tombe sous notre connais-
sance on deux genres : le premier contient toutes les
choses qui ont quelque existence; et l'autre, toutes
les vérités qui ne sont rion hors de notre pensée.
Touchant les choses, nous avons premièrement cer-
taines notions générales * qui se peuvent rapporter à
toutes, à savoir celles que nous avons de la Substance,
de la durée 2, de l'ordre, e.t du nombre, et peut-être
aussi quelques autres ; puis nous en avons aussi do
plus particulières, qui servent à les distinguer. Et la
principale distinction que je remarque entité toutes les
49. Que les vérités ne pouvent ainsi être dénombrées, et qu'il n'en
est pas besoin.
f, Elle a"son slego dans notre pcri- cette doctrine que Locke a dirigé
' sée et pourtant ello est indépendante contre les Idées Innées de Dosccrtcs
de notre pensée puisqu'elle est éter- la polémique contenue dans I), pre-
nelleètqùë noire pensée ne l'est pas. mier livre de l'Essai stir l'js$>*-
Ï/Cést fauté d/aVôfr blétï saisi demeni humain,-
: DB LA PHÎLOSOPHJK, 146:
i. Co termo qui reviens Ici plu- I! 2. C'est lo premier mot quo nous
sieurs fols est une traduction du trouvions dans le DYscours de ih
grec i Kéival iwiat. II
méthode.
PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE. 10 -/
ïjft LE^>mNClt>BS *
^
notion que nous avons do chacune. Lorsque nous con-
cevons la substance, nous concevons seulement une
chose qui existe en telle façon qu'elle n'a besoin quo
do soi-mômo pour exister. En quoi il peut y avoir do
l'obscurité touchant l'explication do co mot Î JV'a-
voir besoin que de soi-même; car, à proprement
parler, il n'y a que Dieu qui soit tel, et il n'y a aucune
chose créée qui puisse exister un seul moment sans
être soutenue et conservée par sa puissance, C'est
pourquoi on a raison dans l'école de dire que le nom
de substance n'est pas mivoque au regard de Dieu
et des créatures, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune signi-
fication do ce mot que nous concevions distinctement,
laquelle convienne en même sens à lui et à elles;
mais parce qu'entre les choses créées quelques-unes
sont do telle nature qu'elles ne peuvent exister
sans quelques autres, nous les distinguons d'avec
colles qui n'ont besoin que du concours ordinaire
do Dieu, en nommant colles-ci des substances,
et celles-là des qualités ou dos attributs de ces sub-
stances',
t,
Descartes no maintient pas « La force dont un corps o0lt
nettement la différence du mode et conlre un autre corps, ou ré-
AtiVûtlribUt.. sista à son action, consisto on cela
8. t A proprement parler, Il n'y seul que chaque choso pcritsto au*
a de force ou do cause de mou- tant qu'elle peut a demeurer ou
vement quo Dieu seul. • Prlnc, mémo état ou ello so trouve. »
8* part,, n» 30. »ttt.»u»43.
" - : ,- bBLA>miôso1nii|r"" -v:-(f t?K
,66 Que nous avons aussi des notions distinctes de nos senti-
mens, do nos affections et de nos appétits, bien que
.-
-
souvent nous nous trompions aux jugemens que nous on
faisons.
Il ne reste plus que lès sentlmens, les affections et
los appétits, desquels nous pouvons avoir aussi une
connaissance claire et distincte pourvu que nous pre-
nions garde à no comprendre dans les jugemens que
nous en ferons que ce que .nous" connaîtrons précisé-
ment par la clarté de notre perception, et dont nous
serons assurés par la raison 1, Mais il est malaisé
d'user continuellement d'une telle brêcaution, au,
moins à l'égard de nos sens, à cause que nous avons
cru dos le commencement de notre vio que toutes les
choses, que nous sentions avaient une existence hors
de notre pensée, et qu'elles étaient entièrement sem-
blables aux senlimens ou aux idées que nous avions à
leur occasion. Ainsi, lorsque nous avons vu, par
exemple, une certaine couleur, nous avons cru voir
une chose qui subsistait hors de nous, et qui était
semblable à l'idée que nous avions. Or nous avons
ainsi jugé en tant de rencontres, et il nous a semblé
voir cela si clairement et si distinctement, à cause quo
nous étions accoutumés à juger de la sorte, qu'on ne
doit pas trouver étrange que quelques-uns demeurent
ensuite tellement persuadés do co faux préjugé qu'ils
ne puissent pas mémo so résoudre à on douter*.
i,
ftomarque» cette seconde con- i. G'cil lo principe lo plus im-
dition, portant do toute la physique de
MMNCIMU t»B LA MIILOS0M1IB. 11
<teï .'r -r *~ LES PHI^W^ -!-* '***£#-
p*p_
07. Que souvent môme nous nous trompons on jugeant que nous'
sentons de la douleur en quelque partie de notre corps.
La même prévention a ou lieu en tous nos autres
senlimens, même en ce qui est du chatouillement et
de la douleur. Car encore que nous n'ayons pas cru
qu'il y eût hors de nous dans les objets extérieurs des
choses qui fussent semblables au chatouillement ou à
la douleur qu'ils nous faisaient sentir, nous n'ayons
pourtant pas considéré ces sentimens comme des idées
qui étaient seulement en notre ame; mais aussi nous
avons cru qu'ils étaient dans nos mains, dans nos
pieds, et dans les autres parties de notre corps : sans
toutefois qu'il y ait aucune raison qui nous oblige à
croire que la douleur que nous sentons, par exemple,
au pied soit quelque chose hors de notro pensée qui
soit dans notro pied, ni que la lumière quo nous pen-
sons voir dans lo soleil soit dans le soleil ainsi qu'elle
est en nous 1. Et si quelques-uns se laissent encore
Dcscarlos. « ... 11 n'est pas besoin i. » .,, On sait déjà aises que
do supposer qu'il passo quelquo c'est l'amo qui sent et non lo corps..,
choso de matériel depuis les objets On sait que co n'osl pas propre-
jusqu'à nos yeux pour nous faire ment en tant qu'elle est dans les
voir la couleur et la lumière, ni membres qui servent d'organes aux
mémo qu'il y oit rien en cos ob- sens extérieurs qu'ello sent, mais
jets qui soit scmblablo aux Idées on tant qu'ello est dans lo cerveau,
ou aux sentiments quo nous en où elle exerce cctlo faculté qu'on
avons.,, la lumière n'est autre nommo le sens commun t car oit
choso dans los corps qu'on nomme voit des blessures et dos,maladies
lumineux, qu'une action fort qui, n'offensant quo lo cerveau seul,
prompto et fort vivo qui passo vois empochent généralement tous les
nos yeux par Pontromtso de l'air sens, encore quo lo reslo du cor[><
et des autres corps transparents, » no laisso point, pour cela d'être
Dloplrlque, t" Dise. animé. Enfin on sait quo c'est par
>;**,• - r>> * -WLA-PliiLÔSÔwftE.-' 5 ; ^IBfJ
persuader à une si fausse* opinion, ce n'est qu'à caûs"e-
qu'ils font si grand cas dos jugemens qu'ils ont faits
lorsqu'ils étaient enfans, qu'ils ne sauraient los oublier
pour en faire d'autres plus solides, comme il paraîtra
encore plus manifestement par ce qui suit.
Pcntremlso dos nerfs que los Im- sant à rien qu'à quelque nerf, oient
pressions quo font loi objets dans lo sem'ment do toutes les partiel
ics membres extérieurs parviennent du corps ou co nerf envole ses bran*'
Jusqu'à l'Ame dans lo cerveau | car ches sans rien diminuer do celui
on voit divers accidents qui, no nui- des autres, t Dioplriqué, 4< Dtio.
foi LES PMNdPÉS'
naissance distincte de co qu'il voit et do ce qu'il sent t?
car encore que, lorsqu'il n'cxomino pas ses pensées
avec attention, il se persuade pout-êtro qu'il èh à
quelque connaissance, à cause qu'il suppose que la
couleur qu'il croit voir dans un objet a de la ressem-
blance avec le sentiment qu'il éprouve en soi, néan-
moins, s'il fait réflexion sur ce qui lui est représenté
par la couleur ou par la douleur en tant qu'elles
existent dans un corps coloré ou bien dans une partie
blessée, il trouvera sans doute qu'il n'en a pas do
connaissance'.,.
00. Qu'on connaît tout autrement les grandeurs, los ligures, etc.,
quo les couleurs, les douleurs, etc.
70. Que nous pouvons juger on deux façons des choses sensibles,!
par l'uno desquelles nous tombons on .l'erreur, et pa|=
l'autre nous l'évitons. »
%
v
74, La quatrième, quo nous attachons nos pensdos & dos paroles
qui no los expriment pas exactement,
FIN
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION, ....'...,, 1
Introduction ..,,, i
Yio de Descartes 4
Résumé do la philosophie de Dcscurtos,, 20
Les principes do la philosophie 37