Livre Blanc Web2 PDF
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Octobre 2011
Le CEFRIO est le centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide
des technologies de l’information et de la communication (TIC). Il regroupe plus de
150 membres universitaires, industriels et gouvernementaux ainsi que 60 chercheurs
associés et invités. Sa mission : contribuer à faire du Québec une société numérique, grâce
à l’usage des technologies comme levier de l’innovation sociale et organisationnelle. Le
CEFRIO, en tant que centre de liaison et de transfert, réalise, en partenariat, des projets de
recherche-expérimentation, d’enquêtes et de veille stratégique sur l’appropriation des TIC à
l’échelle québécoise et canadienne. Ces projets touchent l’ensemble des secteurs de
l’économie, tant privé que public. Les activités du CEFRIO sont financées à près de 64 % par
ses propres projets et à 36 % par le ministère du Développement économique, de
l’Innovation et de l’Exportation, son principal partenaire financier.
Livre blanc sur les nouveaux usages du Web 2.0 pour les organisations!
Le CEFRIO, à travers ce projet d’expérimentation, vise à regrouper des organisations avant-gardistes
qui ont un intérêt commun : comprendre, utiliser et tirer profit des nouvelles approches des médias
sociaux. L’objectif principal du projet est de susciter l’innovation vers de nouvelles pratiques par
l’usage des outils du Web 2.0 et d’en partager les résultats entre les organisations. Pour plus
d'information et pour consulter les nouvelles du projet : http://www.cefrio.qc.ca/projet/web_2_0.html
Photo de la couverture :
© Alex Slobodkin|Istockphoto.com
Pour tout renseignement concernant le projet, veuillez communiquer avec le CEFRIO aux
coordonnées ci-dessous :
À Québec À Montréal
888, rue Saint-Jean 550, rue Sherbrooke Ouest
Bureau 575 Bureau 471, Tour Ouest
Québec (Québec) G1R 5H6 Montréal (Québec) H3A 1B9
Canada Canada
Téléphone : 418 523-3746 Téléphone : 514 840-1245
Télécopieur : 418 523-2329 Télécopieur : 514 840-1275
L’objectif de ce document est d’abord d’informer et d’outiller le lecteur pour comprendre les
changements fondamentaux occasionnés par l’intégration progressive des technologies Web 2.0
au sein de la chaîne de valeur des organisations publiques et privées. Loin d’être uniquement
technologiques, les défis liés à ces changements sont d’ordre culturel, organisationnel,
managérial et, bien sûr, ils sont liés également au développement de nouveaux usages
collaboratifs qui font appel à l’organisation même du travail.
Ces transformations, jumelées aux nouvelles possibilités du Web 2.0, font émerger de nouveaux
usages collaboratifs qui doivent être intégrés aux processus de l’organisation afin d’en tirer tout
le potentiel. Des réflexions autour de scénarios de mise en œuvre doivent faire émerger de
nouvelles sources de valeur. On doit dépasser les réflexions technologiques ou limitées aux ROI
pour considérer l’Entreprise 2.0 dans sa globalité et ainsi saisir les opportunités à tous les
niveaux de l’organisation. Ce livre blanc se veut un outil d’aide à la réflexion pour y parvenir.
Introduction
Contexte et objectifs du projet
En 2011, 73 % des internautes québécois ont réalisé au moins une activité par mois sur les
médias sociaux et près du tiers de ceux-ci y ont déjà suivi une marque, une entreprise, un
organisme ou un ministère (31 %). Dans la moitié des cas, ces derniers ont interagi avec l’une ou
l’autre de ces organisations sur les médias sociaux1.
Dans ce contexte, où une réelle attente de la population est présente, il est difficile pour les
organisations québécoises d’ignorer ce moyen de communication privilégié auprès de leur
clientèle. Plus encore, le Web 2.0 au sens plus large recèle de réelles opportunités de création de
valeur pour l’entreprise de demain, tant à l’interne qu’à l’externe. Plusieurs organisations ont
compris l’importance d’explorer ce que représente pour chacune d’elles ce nouveau paradigme,
dont celles qui ont choisi de prendre part au projet de recherche-expérimentation du CEFRIO sur
les nouveaux usages du Web 2.0.
Constatant l’évolution fulgurante de l’usage du Web 2.0 par la population et, progressivement,
des organisations, le CEFRIO a lancé à l’automne de 2009 un vaste chantier sur les nouveaux
usages du Web 2.0 pour les organisations. Une douzaine d’organisations ont pris part au projet à
titre de partenaires d’expérimentation ou de partenaires financiers : la Banque nationale, la
Chaire en éco-conseil de l’UQAC, la Commission des normes du travail, Desjardins, Hydro-
Québec, Phéromone, la Régie des rentes du Québec, Revenu Québec, Services Québec, la Ville de
Montréal/Living Lab de Montréal et la Ville de Québec. Il s’agissait alors de susciter l’innovation
vers de nouvelles pratiques par l’usage des outils du Web 2.0 et d’en partager les résultats entre
les organisations.
Dans ce vaste projet, deux axes d’expérimentation et, incidemment de recherche, ont été
adoptés : d’une part, l’axe du processus marketing et de la relation client et, d’autre part, celui
des ressources humaines et de la collaboration interne. Un regard sur les enjeux juridiques des
initiatives Web 2.0 dans les organisations est également posé, ce qui donne lieu à un troisième
axe de recherche.
Afin de documenter les cas expérimentés dans chacune des organisations et selon son modèle de
collaboration avec des équipes de chercheurs universitaires, le CEFRIO a fait appel aux
chercheurs suivants :
1. CEFRIO (2011). « L’engouement pour les médias sociaux », NETendances 2011, 2(1).
Réal Jacob, professeur titulaire au service de l’enseignement du management à HEC Montréal,
directeur de la valorisation, du transfert aux entreprises et de la formation des cadres à HEC
Montréal et président du comité conseil innovation et transfert du CEFRIO.
Pierre Trudel, professeur titulaire au Centre de recherche en droit public (CRDP) de la Faculté
de droit de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire L. R. Wilson sur le droit des
technologies de l’information et du commerce électronique.
Un rapport-synthèse qui paraîtra à la fin du projet fera état des différentes observations et
constats de recherche issus des cas d’expérimentation des partenaires dans l’exploration des
nouveaux usages du Web 2.0.
C’est avec l’intention de faciliter ce processus de réflexion que le CEFRIO a collaboré avec la
société Conseils Atelya à la rédaction de ce livre blanc. Messieurs Frédéric Créplet et Patrice
Létourneau, respectivement président et vice-président de la société Conseils Atelya, ont été mis
à contribution régulièrement dans le chantier du CEFRIO sur les nouveaux usages du Web 2.0.
Ceux-ci ont un profil académique associé à l’Université de Strasbourg, et écrivent et interviennent
régulièrement au Canada et en France à titre d’experts sur les thématiques de l’Entreprise 2.0.
Depuis quelques années, le terme « 2.0 » s’est développé par allusion dans la sphère du Web2.
Mais pour bien comprendre le Web 2.0, il faut d’abord écarter certaines idées reçues :
le Web 2.0 n’est pas que technologie : bien que composé de nombreuses évolutions
technologiques telles que l’architecture participative, les logiciels libres, les interfaces
riches, etc., le Web 2.0 ne repose pas que sur des fondements technologiques ;
le Web 2.0 n’est pas une révolution : il ne s’agit pas d’un brutal passage de version 1.x à
2.0, mais plutôt d’un changement de paradigme et d’une évolution progressive vers de
nouveaux modèles d’affaires participatifs et collaboratifs ;
le Web 2.0 n’est pas que marketing : le terme « Web 2.0 » a souvent été utilisé pour faire
vendre. Cette exploitation a participé à le décrédibiliser. Dans les faits, le Web 2.0
correspond à une réalité sociale, celle d’un Web plus humain.
Le Web 2.0 est donc une transition de l’univers isolé des sites Web vers des flux de contenu libre
et des services ouverts. Se définissant comme interactif, social et collaboratif, il permet une
interaction totale entre l’internaute, le site en lui-même et les internautes entre eux.
En d’autres mots, le Web 2.0 est un socle d’échanges entre des utilisateurs et des applications en
ligne. Il fait référence à la fois aux usages sociaux, tels que les interactions entre internautes, et
aux technologies, telles que les plateformes sociales et collaboratives, permettant d’échanger et
de partager des connaissances.
Suivant la documentation et les conférences annuelles « Web 2.0 Expo3 », il est possible de
résumer les principes fondamentaux du Web 2.0 en trois grands points :
Cette nouvelle représentation de la toile sous-tend deux fondements. D’une part, le Web
désigne un lieu virtuel composé de services numériques, dont le centre est l’utilisateur et
2. Dans les faits, le concept « Web 2.0 » a commencé en 2004, lors d’une conférence de brainstorming entre Tim
O’Rilly et Dale Dougherty sur les mutations du Web post dot-com. À ce moment, le terme « Web 2.0 » a permis de
décrire le phénomène de mutation d’Internet vers une « plateforme sociale », de même qu’une tentative de
comprendre les règles de succès sur cette nouvelle plateforme.
3. John Battelle, Dale Dougherty et Tim O’Reilly (2005).
4. Le Web telle une plateforme est représenté comme un centre virtuel aux frontières perméables dont le centre est
l’usager et autour duquel gravitent un ensemble de services Web et de nouveaux principes de partage et de
collaboration (Tim O’Reilly, 2005).
dont les frontières sont extensibles. D’autre part, la plateforme représente une solution
de rechange aux canaux de communication bilatéraux traditionnels, où les contributions
des membres sont désormais visibles, persistantes et disponibles en permanence à ces
derniers5. Un exemple de « Web telle une plateforme » est la page personnelle Google
qui permet aux utilisateurs de contrôler leurs propres informations, notamment en
choisissant les services dont ils ont besoin.
L’architecture de participation :
L’intelligence collective :
La fin du cycle de vie des logiciels, soit le passage des versions logicielles vers l’utilisation
de services Web dans les nuages (infonuagique).
Pour l’une des premières fois, ce n’est pas en effet uniquement l’entreprise qui dicte les principes
et les façons de faire ; ce sont plutôt les travailleurs qui transposent les principes fondamentaux
du Web 2.0 et les usages associés vers le monde de l’entreprise.
L’usage de ces outils 2.0 donne aux entreprises le pouvoir de mettre en relation les
collaborateurs à travers les domaines professionnels, la distance et les langues. Une équipe unie
développe un sens aux objectifs partagés et aide à promouvoir la transparence et à consolider le
capital de l’entreprise. Les nouvelles technologies proposent de nouveaux modes de travail et
posent des défis à l’organisation fonctionnelle de l’entreprise et à sa culture. Selon Gary Hamel10,
l’entreprise capable d’exploiter les nouveaux potentiels des usages en termes de médias
sociaux sera en mesure de proposer les meilleurs produits et services et pourra bâtir de
réels partenariats avec ses fournisseurs et ses clients.
7. La génération C désigne les personnes nées entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990. Elle
est caractérisée par l’utilisation accrue des technologies de l’information et de la communication que font les jeunes
de cette génération comparativement à leurs aînés. Pour plus d’information sur cette génération qui a littéralement
grandi avec les technologies, voir les données de l’enquête du CEFRIO : www.cefrio.qc.ca/projet/generationc.html.
8. Andrew McAfee (2009). Enterprise 2.0.
9. Frédéric Creplet et Thomas Jacob (2009). Réussir un projet Intranet 2.0.
10. Gary Hamel est réputé « l’auteur le plus influent en management et stratégie d’affaires » selon le Wall Street
Journal et Fortune Magazine. Il s’intéresse particulièrement aux entreprises du futur et aux nouveaux modes
d’organisation. Gary Hamel (2007).The future of management, Harvard Business School Press.
© CEFRIO et Atelya expert conseil 2011 - Tous droits réservés 9
À cet effet, les objectifs stratégiques que l’Entreprise 2.0 vise sont multiples :
une capacité d’innovation accrue : cycles d’innovation plus courts, accent important sur la
créativité des collaborateurs, la communication plus spontanée et pertinente ;
une plus grande réactivité dans la résolution de problèmes non routiniers inhérents à la
complexité croissante de notre environnement ;
une meilleure satisfaction des clients par le biais de dialogues directs et une meilleure
compréhension de leurs besoins, problèmes, objectifs ;
un marketing plus ciblé à travers une meilleure compréhension des tendances du marché,
des activités des concurrents, des nouvelles stratégies de marketing ;
Enfin, au-delà des objectifs stratégiques et des bénéfices associés, l’Entreprise 2.0 se veut
d’abord et surtout une réponse à un écosystème en pleine mutation.
En utilisant les technologies du Web 2.0 (forums, blogues, Facebook, etc.), le consommateur
« entre » dans l’entreprise et devient un membre actif de son écosystème. Ce changement
fondamental de rapport entre l’entreprise et son client a un impact sur sa stratégie. Le
consommateur devient un émetteur d’opinions capable d’exprimer ses besoins de manière directe
et transparente. La formation rapide et spontanée des communautés de consommateurs
(protection des droits des consommateurs, groupe d’acheteurs, etc.) et des communautés
d’intérêts (développement durable, responsabilité sociale, etc.) exerce une réelle influence sur la
réputation de l’entreprise et sa position sur le marché.
Désormais, l’innovation ne se limite plus seulement au travail du département R&D. Elle est un
processus collectif et transversal qui réunit les expertises internes et externes d’un nouvel
écosystème. À l’intérieur de l’entreprise, tous les métiers – gestionnaires, employés et services
de soutien – doivent travailler et innover de façon simultanée et collaborative. À cet effet, même
les auteurs les plus influents du management contemporain, Mintzberg et Hamel, s’accordent sur
la nécessité des entreprises à transformer leurs modus operandi vers le management
d’innovation.
© Alex Slobodkin|Istockphoto.com
Progressivement, le modèle hiérarchique de l’entreprise s’aplatit et évolue vers une plus grande
transversalité11. L’ensemble des silos fonctionnels et hiérarchiques est amené à échanger et
partager librement les connaissances afin d’accroître l’agilité de l’entreprise. L’intégration
d’expertises externes – celles des partenaires, fournisseurs, clients et anciens collaborateurs –
dans le processus ouvert d’innovation est également indispensable. La nécessité de transformer
le rapport à l’innovation en favorisant la cocréation oblige l’entreprise à s’investir dans la
construction d’une culture d’innovation collaborative.
La culture de partage émerge quand les collaborateurs sont encouragés à échanger des
informations, à contribuer à la cocréation de nouvelles connaissances et quand ils ont confiance
que le partage sera réciproque et valorisé. Cette approche permet d’améliorer la maîtrise de la
En élargissant le concept d’Entreprise 2.0 aux clients et fournisseurs, l’entreprise peut développer
un avantage compétitif et tirer un profit à long terme, car elle accède à des connaissances d’un
écosystème plus large. Le dialogue interactif avec les clients et les partenaires doit remplacer
l’interaction linéaire. La capacité de l’entreprise de répondre à des demandes émergentes de ces
dialogues permet de fidéliser les clients et renforcer les relations avec les partenaires.
Enfin, cette approche n’exige pas d’investissement lourd en systèmes d’information. C’est le mode
d’exploitation, la stratégie de gestion et de communication ainsi que la vitesse de réaction qui font
une différence significative. L’utilisation stratégique des outils collaboratifs permet de réduire les
coûts en trouvant rapidement une meilleure solution aux problèmes auxquels l’entreprise est
confrontée, et ce, grâce à l’émergence de l’intelligence collective de l’organisation 2.0.
La première dimension, le Web 2.0, et la deuxième, les communications unifiées, sont issues du
monde civil. Le Web 2.0 fait référence à l’utilisation d’outils 2.0 sur le portail de l’entreprise, tels
que l’annuaire et l’organigramme dynamique, les réseaux et espaces métier, les blogues, wikis et
forum, etc. Les communications unifiées font référence aux outils de communication en temps
L’importance de ces usages et leur constante évolution nous ramènent à une nécessité d’avoir
des outils souples et (hyper) réactifs favorisant la communication multicanal. Les blogues et les
wikis, par exemple, sont des outils accessibles et faciles à exploiter pour l’entreprise. Les portails
2.0 (intra, inter et extranet) créent des espaces de travail collaboratif et forment les employés à
de nouveaux modes d’interactions et de travail. Ces nouvelles compétences servent par la suite
pour la gestion des relations avec les partenaires externes et les consommateurs. Pour
accompagner ces changements de comportements et d’usages, la fonction SI doit
également se transformer. Cette dernière doit garantir une offre de service à la fois rapide et
sécurisée. Elle devient également responsable de la mise en place des stratégies d’optimisation
d’infrastructures pour augmenter la réactivité et diminuer les coûts. Ces transformations
favorisent l’interactivité entre la fonction SI et les collaborateurs de l’entreprise.
Dans l’Entreprise 2.0, la pierre angulaire des systèmes d’information n’est plus l’accumulation des
données, mais leur mise à disposition collective et leur organisation pour faciliter l’usage de
l’information et la récupération des connaissances pertinentes. L’implantation des usages
collaboratifs permet à une entreprise de prendre conscience de ses propres connaissances, de ses
poches de savoir, de sa réelle productivité et de découvrir son potentiel. Enfin, la mise en
commun et le partage des connaissances permettent à tous les employés de maîtriser davantage
les domaines d’expertise de leurs collègues et de solliciter ou proposer de l’aide dans l’atteinte
d’objectifs communs.
La valeur retirée de ces usages est importante puisqu’elle s’inscrit dans le développement du
capital social. Cette dernière représente l’utilité d’un bien évaluée selon l’usage qui en est fait par
le consommateur final. C’est dans leur « valeur d’usage » que les systèmes d’information,
dont les plateformes collaboratives du Web 2.0, libèrent leur véritable potentiel .
À titre d’illustration, la langue est un outil de communication. Toutefois, son usage révèle sa
valeur uniquement dans la transmission des informations et la création de connaissances. C’est le
processus d’usage de la langue qui libère son potentiel de créativité et de génération de nouvelles
idées. L’usage de la langue commune réunit les gens et favorise le sentiment d’appartenance et
d’identité. Plus la langue est utilisée, plus elle devient indispensable. L’usage limité de la langue
va rendre sa valeur d’usage minime, voire la faire disparaitre. Dans le cas extrême, la langue
morte ne présente aucune valeur d’usage. La valeur d’usage est donc dépendante du contexte, et
Ce dernier point constitue un élément majeur dans la gestion des systèmes d’information.
L’élaboration d’un écosystème d’information évolutif à son contexte permet d’assurer
une valorisation maximale de la valeur d’usage.
Au contraire, des systèmes figés et statiques ont tendance, en plus d’autres désavantages, à
réduire les usages possibles et être contre-performants. Dans une Entreprise 2.0, ce ne sont
pas les données qui comptent, mais la façon dont les collaborateurs les utilisent et les
transforment. Ce changement de point de vue bouleverse les indicateurs de valeurs et les
modes de conception : désormais, le gestionnaire devra évaluer ou modéliser des comportements
et non seulement les données qui s’y rattachent.
À titre d’exemple, la Ville d’Ottawa utilise les outils collaboratifs à l’interne : les blogues, les Wikis
et les séminaires en format Web 2.0 sont destinés à améliorer la collaboration interne et favoriser
la transformation de la culture organisationnelle. Au niveau gouvernemental, l’expérience du
ministère de l’Environnement du Canada présente une stratégie de sensibilisation de la
population. Ce dernier utilise les médias sociaux, tels que Facebook, et des outils de partage, tels
que YouTube et Flickr, pour promouvoir l’engagement environnemental des citoyens et diffuser
des informations sur les changements climatiques.
Les entreprises du secteur privé trouvent également des stratégies innovantes d’usages
collaboratifs pour promouvoir leur marque et fidéliser les clients. Par exemple, la Banque HSBC
développe un réseau interactif en ligne pour mettre en contact les entrepreneurs à travers les
blogues, vidéos et forums. Dans l’industrie de l’hôtellerie, Marriott est un exemple intéressant.
Son PDG publie en effet régulièrement des chroniques sur ses voyages et ses visites d’hôtels
partout à travers le monde. Cette stratégie vise à créer des liens avec ses employés, les divertir,
communiquer avec eux sur une base « informelle » et répondre à leurs commentaires et
recommandations.
Il s’agit de partager du contenu, en version dématérialisée, d’une personne à une autre ou d’une
personne à un groupe de personnes. Au-delà du partage, il s’agit d’intégrer la contribution de
chacun à un même média, de façon synchrone (au même moment) ou asynchrone (en différé). Il
existe donc une seule copie du document auquel plusieurs individus collaborent. Cet usage diffère
de celui des courriels qui sont plutôt des outils de communication et où chaque individu possède
une copie unique du document.
2.1.2 – Converser
Il s’agit de créer un contact bidirectionnel avec des collègues, clients, usagers, partenaires ou
membres de communauté. Cette prise de contact favorise un lien de confiance et permet à
d’autres usages d’émerger. La conversation favorise la fidélisation du client ou de l’usager quand
utilisée vers l’externe et encourage une mobilisation de l’employé à l’interne.
2.1.4 – Diffuser
Il s’agit d’assurer une veille stratégique, c’est-à-dire de se tenir au courant des derniers
développements concernant une organisation. À l’interne, une organisation peut vouloir tâter le
pouls de ses employés pour s’assurer de leur motivation et de leur engagement. À l’externe, une
organisation peut vouloir suivre l’évolution des tendances d’achat de ses clients ou des tendances
sur le marché de l’emploi dans son domaine.
L’utilisation des technologies 2.0 représente un réel levier dans la gestion des connaissances pour
deux principales raisons. Premièrement, elle assure de ne pas réinventer la roue et de ne pas
Deuxièmement, l’utilisation des technologies 2.0 permet de capitaliser sur les connaissances
tacites et explicites. Les connaissances tacites, contrairement aux connaissances explicites, ne
sont pas codifiées, elles sont donc difficiles à capturer et à transmettre puisqu’elles restent
souvent « dans la tête des gens », et ce, même après leur départ. Dans une organisation, ces
connaissances comptent pour près de 70 % des savoirs, d’où l’importance de mettre en place des
outils et des processus permettant de capturer les bonnes connaissances et de les partager vers
les bonnes personnes au bon moment.
Les plateformes sociales et collaboratives issues du Web 2.0 représentent à cet effet un réel
levier de capture et de transmission des savoirs. Ces dernières, une fois institutionnalisées dans
les façons de faire de l’organisation, permettent en effet la socialisation, l’articulation, la
combinaison et l’intériorisation des connaissances, soit les processus par lesquels les
connaissances tacites deviennent des connaissances explicites et les connaissances individuelles
deviennent collectives13. Le graphique suivant illustre l’interrelation de ces processus.
La mise en commun des connaissances collectives et leur libre circulation au sein de l’entreprise
sont vues comme une prémisse à l’émergence de l’intelligence collective. Cette dernière,
favorisée par les outils et les usages 2.0, est étendue à l’échelle de la chaîne de valeur de
l’organisation. Elle favorise la créativité, la productivité, la réactivité et l’innovation.
Pour mobiliser l’intelligence collective, la principale qualité du leader est la créativité. Le leader
créatif est en effet capable d’affranchir ses équipes des frontières géographiques, fonctionnelles
et générationnelles. Il permet ainsi à ces dernières d’être plus agiles et de mieux faire face à la
complexité évoluant de l’environnement. C’est la volonté et l’application des approches de
management collaboratif par les leaders qui permettent de faire évoluer la culture de travail et de
Enfin, cette nouvelle relation à l’innovation mène à une transformation des organisations vers
une meilleure capacité à gérer les connaissances.
À cet égard, de plus en plus d’organisations disposent d’une nouvelle fonction, tant à l’interne
qu’à l’externe : celle de gestionnaire de communautés.
Dans son livre sur le capital social14, Tara Hunt relate l’une des premières offres d’emploi
affichées sur le Web et portant sur la gestion des communautés : « Recherché : coordonnateur
personnel de réseaux sociaux15 ». L’objectif de cette offre, écrite de façon humoristique en début
d’année 2004, était de mettre en lumière le nombre croissant de réseaux sociaux sur le Web et la
difficulté de s’y retrouver ! Quelques années plus tard, le terme community manager s’est précisé
par allusion au descriptif de cette offre et il est devenu réalité ; aujourd’hui, il représente même
un rôle central dans la gestion des communautés 2.0.
selon la politique choisie, il modère les contenus mis en ligne par les collaborateurs ;
La conception générale des processus d’innovation s’est beaucoup élargie depuis l’arrivée des
plateformes Web de partage et d’échanges. Les dirigeants d’organisation réalisent aujourd’hui
que les idées et le potentiel d’innovation ont intérêt à provenir d’un ensemble beaucoup plus
large de sources potentielles à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise, y compris les
employés, les clients et les partenaires d’affaires. Le concept derrière cette évolution des façons
de créer repose sur le fait que les innovations ne surviennent pas de quelques génies isolés, mais
plutôt d’une coconstruction collective à travers la combinaison de connaissances tacites et
codifiées. L’implication d’acteurs possédant un bagage cognitif et expérientiel ainsi que des points
de vue différents tend donc à générer davantage d’idées créatives et d’innovation.
De grandes entreprises comme Procter and Gamble ou IBM ont été parmi les premières à
changer en profondeur leur mode d’organisation pour expérimenter le modèle d’innovation
ouverte. Les pratiques d’innovation intègrent aujourd’hui des modèles plus ouverts dit open
source qui consistent à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d’une multitude
d’agents à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation. Celle-ci revoit son modèle d’affaires
pour coordonner les ressources et valoriser le capital créatif de son environnement ; elle n’est
plus seule à créer des produits ou services pour un marché donné.
Cette idée avance que le partage de l’innovation Open Innovation Paradigm est devenu un
impératif car celui-ci renforce la performance économique des organisations pratiquant ces
politiques. À l’inverse, la rétention des innovations Closed Innovation Paradigm a un effet néfaste
Évidemment, les outils et plateformes 2.0 ont un rôle à jouer dans cette mise en relation. Ils
permettent plusieurs typologies d’usages :
Plusieurs plateformes existent déjà pour faciliter la gestion de l’innovation ouverte. Même si les
plus connues sont plutôt orientées vers l’externe, de plus en plus d’organisations implantent ce
type de projets et l’on voit surgir des initiatives porteuses. Le tableau de la page suivante
présente quatre initiatives connues de gestion de l’innovation. Les deux premières, Innocentive et
Yet2, sont des communautés d’innovation ouverte : toute entreprise est invitée à s’adresser à
toute personne. Feedback 2.0 est un logiciel offert en SaaS qui permet un dialogue transversal
dans les organisations. Imaginatik est un logiciel où les compagnies clientes décident des
personnes qui pourront partager des idées ; il s’adresse plutôt à un public interne.
2.4.2 – Mobilité
Les impacts des usages 2.0 et de la mobilité sont nombreux. On saisit rapidement la capacité
d’ubiquité qu’offre la combinaison de ces deux éléments : le fameux anytime–anywhere. L’accès
aux outils 2.0 par les téléphones intelligents et les tablettes numériques est porteur d’une
révolution, tant pour les organisations privées que publiques. Que l’on imagine un ingénieur des
ponts sur le terrain se connecter à son réseau social d’entreprises pour trouver, contacter et
envoyer des images à une experte en matériaux composites pour réparer une traverse de pont,
ou bien l’application iPhone de la Ville de Boston qui, une fois activée, envoie à la Ville des
données sur l’état de la chaussée lorsqu’un citoyen se balade dans la ville. Les possibilités sont
infinies.
Il n’y a pas que les firmes privées qui ont pénétré dans une économie de la créativité et de
l’innovation ouverte, mais aussi les organisations publiques. Il importe plus que jamais de puiser
dans ce que l’on appelle l’intelligence collective présente au sein d’un territoire donné. Pour
une municipalité, par exemple, ou un organisme public, la créativité citoyenne est envisagée
comme une source de croissance, mais aussi d’inclusion sociale, de diversité culturelle et de
développement durable. Le passage à l’économie de la créativité implique notamment que les
sources de création de valeur résident de façon croissante dans les flux de connaissances, et non
plus dans les stocks de connaissances. La capacité à innover et le potentiel créatif des individus
présents sur un territoire sont donc intensément liés au flux de capital intellectuel. Les
connaissances détenues par les acteurs sont certes un élément clé, mais la capacité des acteurs à
activer des réseaux et diffuser ces connaissances est tout aussi essentielle comme roue motrice
des processus d’innovation. Le fait que la performance des organisations passe par le capital
intellectuel est reconnu depuis plus de deux décennies, mais les connaissances détenues par les
individus eux-mêmes, le capital humain, ainsi que leur capacité à échanger sont également à
prendre en compte.
Cependant, mettre en relation n’est pas suffisant, le citoyen créatif doit également avoir accès
à des plateformes non seulement pour favoriser les maillages avec d’autres acteurs, mais
également des espaces pour collaborer et faire émerger la créativité citoyenne et économique.
Ces espaces se basent sur la prémisse que les connaissances et la capacité créative ne peuvent
être extraites de leur contexte. Ce concept met ainsi en exergue l’importance d’un lieu d’échange
et de création. Cet espace, a shared context in cognition and action, n’est pas seulement
physique, il peut être virtuel (plateforme Web, forums, etc.) ou mental (conception partagée
d’une même réalité).
La créativité citoyenne est ainsi stimulée par une mise en relation que permettent les usages 2.0,
mais aussi par les flux de connaissances et l’ouverture que rendent possibles ces nouveaux mode
de collaboration. Stimulée de la sorte, la créativité citoyenne peut faciliter une cohésion sociale,
C’est aujourd’hui un lieu commun que d’affirmer que les citoyens éduqués et connectés
souhaitent avoir à leurs côtés une administration efficace, rapide, disponible et flexible. Plus
encore, ils souhaitent apporter des éléments de solutions aux problématiques publiques.
L’approche gagnant-gagnant sera d’offrir un meilleur service à l’usager et faire en sorte que
l’organisation publique maîtrise ses coûts et ses charges. Les impacts sont ici importants et
différents enjeux doivent être pris en compte. Des enjeux économiques, certes, en favorisant la
mise en relation des acteurs et en favorisant des systèmes ouverts qui créent de la valeur par le
truchement de l’innovation. Mais des enjeux non économiques tout aussi importants tels que la
relation avec le citoyen, la démocratie participative et la sécurité des informations. Comme on l’a
vu précédemment, les infrastructures technologiques, notamment le volet software as a service,
sont également à considérer.
L’administration publique doit s’aligner sur des modèles qui ont prouvé leur efficacité. À l’image
des entreprises qui utilisent les applications Web 2.0 pour être en relation permanente avec leurs
clients et les parties prenantes, l’administration publique reposera en grande partie, dans sa
transformation à venir, sur les enjeux d’Internet 2.0 :
la connectivité,
les nouvelles relations citoyennes,
les nouveaux partenariats,
les nouvelles responsabilités : transparence, dialogue bilatéral…
l’individualisation des services.
Ces concepts se retrouvent aujourd’hui dans les approches dénommées E-administration, gestion
de la relation citoyenne, carte de vie quotidienne…
L’Administration publique passe donc progressivement à l’Administration publique 2.0 mais reste
encore autocentrée, c'est-à-dire trop centrée sur ses besoins internes. Il lui faut également
concevoir le plan local d’urbanisme de l’espace public numérique. Ce plan local d’urbanisme aura
notamment trois composantes : la mobilité, le haut débit pour les zones grises et le très haut
débit résidentiel/professionnel.
2.0
Une collectivité doit être plus qu’un échelon centré sur ses compétences obligatoires et son
efficacité. Il faut maintenant penser interconnexion, interconnexion entre les hommes et avec les
objets au travers de systèmes intelligents, précis, rapides, mesurables…
Cette approche nécessite une stratégie systémique, flexible, qui intègre la gestion de la
complexité et la rétroaction.
Administration Administration
publique actuelle publique 2.0
Relation à l’usager Uniforme Différenciée et individualisée
monocanal Multicanal et transcanal
Fonctionnement interne Hiérarchique Collaboratif
Cloisonné Perméable
Partenariat Méfiance Collaboration
Concurrence Complémentarité
Redondances et vacances Efficience
Efficacité Logique de dépenses Logique de résultats
Opaque Transparente
Ces éléments représentent de grandes transformations dans un environnement public déjà sous
pression. Des obstacles peuvent être anticipés dans une stratégie de transformation.
L’attente d’une prochaine version fait référence à la perception de plusieurs gestionnaires que le
Web 2.0 n’est qu’une nouvelle tendance parmi tant d’autres et qu’il y aura quelque chose de
mieux dans quelques années. Plutôt que de reconnaître aujourd’hui les opportunités inhérentes
aux mutations de l’économie et des organisations, de l’évolution du Web, de ses usages,
principes et des nouveaux modèles d’affaires qui en découlent, ces derniers préfèrent attendre et
observer, à distance, ce que font les autres.
Cette attitude s’explique généralement par une mauvaise compréhension du phénomène, de ses
impacts et de ses avantages réels pour l’organisation. Elle se décline sous deux angles
perceptuels. Le premier angle est managérial, soit le manque de ressources humaines,
techniques et financières et le manque de temps. Le second est d’ordre technologique, soit le
sentiment qu’il existe déjà beaucoup d’outils informatiques et que la mise en place de
plateformes sociales et collaboratives du Web 2.0 ne fera qu’alourdir l’architecture TI actuelle.
Enfin, bien que les retours d’expériences démontrent que diverses organisations présentes au
sein de secteurs pluriels bénéficient d’une approche 2.0, les plateformes sociales et collaboratives
16. Dion Hinchcliff (2009) ; Annie Flaugnatti, Luc Lespérance et Galadriele Ulmer (2011).
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ont leurs impacts les plus forts lorsqu’il est question de travailleurs de la connaissance. En
d’autres mots, tant la culture interne que la nature du travail peuvent influencer la compatibilité
d’une approche 2.0 dans les organisations.
Tout changement, peu importe sa nature, qu’il soit petit ou grand, amène une situation
d’instabilité, de perte de repères qui peut provoquer un attrait du nouveau, mais également une
résistance, voire parfois un niveau de stress important. Le phénomène de résistance au
changement, en soi tout à fait naturel, peut avoir plusieurs origines.
En entreprise, par exemple, les collaborateurs peuvent appréhender de voir leurs fonctions, leurs
tâches se modifier, leur emploi, disparaître, etc. L’accès facilité à l’information et le partage de
connaissances peuvent être perçus comme une source de remise en cause de positionnements
dans l’organisation, la détention de l’information étant classiquement considérée comme un
attribut du pouvoir, tout comme la détention de connaissances critiques est associée à
l’indispensabilité. Que la menace soit réelle ou ressentie ne change rien au phénomène de
résistance.
analyse d’impact ;
Une entreprise qui fait bon usage des outils collaboratifs permet d’identifier et réunir ses
collaborateurs de manière appropriée pour faire face aux défis émergents et saisir des nouvelles
opportunités d’affaires. Pourtant, selon une étude de Gartner17, 70 % des usages sociaux
implantés d’ici 2012 seront un échec. Les éléments explicatifs de ces statistiques sont le manque
de méthodologie au moment de l’intégration des outils et le pilotage de leur dynamique. En
conséquence, lancer de nouveaux modes d’interactions sans définir les objectifs en amont serait
la cause d’un échec.
Par ailleurs, une approche systématique et réfléchie quant à l’intégration des usages collaboratifs
permet de tirer un profit non négligeable. Selon une étude récente de Watson Wyatt
Communication, « l’amélioration significative en termes d’efficacité de la communication interne
est associée à une augmentation de valeur du marché du 15,7 %18 ». Une autre étude visant à
17. C. Pettey et B. Tudor (2010). Predicts 2010: Social Software is and Entreprise Reality, Gartner Inc.
http://www.gartner.com/it/page.jsp?id=1293114.
18. Watson Wyatt. Communication ROI Study, 2007/2008
http://www.watsonwyatt.com/research/resrender.asp?id=2007-us-0214&page=1.
mesurer la valeur des réseaux sociaux internes à l’entreprise indique que 52 % des
organisations.
qui font usage des outils collaboratifs atteignent une meilleure performance dans leur secteur.
Cette même étude observe également le renforcement de l’engagement des employées de 18 %
dans ces entreprises19.
Les bénéfices de l’Entreprise 2.0 sont bien réels, même s’ils peuvent être difficiles à mesurer avec
précision. L’enjeu réside donc dans l’utilisation des bonnes méthodes d’analyse de la valeur et
des bons indicateurs.
Le retour sur investissement (ROI) est une méthode d’analyse de la valeur qui évalue
l’actualisation du rendement espéré d’un investissement, soit sa capacité à générer des bénéfices
en regard des coûts qu’il engendre. Il s’agit d’une méthode assez répandue dans les entreprises
en raison de sa simplicité d’utilisation et d’interprétation.
Malgré sa popularité, le ROI présente deux limites importantes dans le cas d’un projet 2.0.
Premièrement, il est une mesure de productivité, c’est-à-dire qu’il ne permet pas d’apprécier
l’ensemble des coûts et des bénéfices intangibles d’un investissement, lesquels font davantage
référence à la performance organisationnelle.
Le ROI est en effet un calcul financier mesurant l’écart entre des profits espérés et des coûts
engendrés, souvent des données tangibles et objectives. Il est donc idéal pour mesurer des
retours financiers lorsqu’ils sont rattachés à des actifs tangibles. Par exemple, l’investissement
d’une nouvelle chaîne de montage deux fois plus rapide que celle qu’elle remplace générera, a
priori, deux fois plus de produits. Le résultat, avec une hypothèse de constance sur la production
et la demande, est assez simple à calculer : les ventes vont doubler.
En contrepartie, ce calcul ne permet pas d’évaluer les retours en valeur financière lorsqu’ils sont
rattachés à des actifs intangibles. Ainsi, il est très difficile de quantifier les retours d’une nouvelle
plateforme de collaboration… quel sera son impact sur les ventes ? Sur la marge de profit ? Les
bénéfices d’un tel investissement sont bien réels : stimulation de l’intelligence collective,
augmentation de la cohésion entre les collaborateurs, amélioration de la créativité, meilleure
capacité d’innovation, etc. Toutefois, ces derniers, bien qu’apparents, sont très difficiles à
transposer dans un bilan financier.
L’enjeu du ROI ne repose donc pas sur sa capacité à reconnaître les bénéfices intangibles, mais
sa capacité à les mesurer et les transposer en valeur financière.
19. K. Martin. Achieving Real Business Value with Learning and Development. Aberdeen Group report, 2008
http://www.aberdeen.com/aberdeen-library/5301/RA-achieving-business-value.aspx.
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Dans les grands projets de transformation organisationnelle, tels que le passage vers l’Enterprise
2.0, les impacts sont souvent transverses à l’échelle de l’organisation. Ce type de projet est donc
plus risqué – puisqu’il modifie à la fois l’organisation et les humains – et ses retours, souvent
intangibles, n’ont pas d’effets directs facilement mesurables dans les finances de l’entreprise.
Il s’agit d’ailleurs de la deuxième limite du ROI : la difficulté à considérer l’ensemble des coûts et
des bénéfices réellement engendrés en regard des investissements « 2.0 ».
Dans les projets davantage « techniques », il est facile de calculer le ROI car les investissements
ont des effets directs sur les retours. Par exemple, l’augmentation des ventes est fonction directe
de la vitesse de la nouvelle chaîne de montage, toutes choses étant égales par ailleurs.
Toutefois, la mise en place d’une nouvelle plateforme de collaboration n’a pas nécessairement
d’effets directs sur la productivité ou la performance financière de l’organisation puisque aucun
actif intangible ne présente une valeur mesurable indépendamment du système dans lequel il
évolue20. Sa valeur se calcule à travers un ensemble de relations de causes à effets. D’ailleurs,
les projets 2.0 ne sont pas liés à un indicateur de performance direct, mais permettent la
réalisation des stratégies et l’organisation des processus qui, eux, ont un effet sur la
performance. En d’autres mots, ils génèrent de la valeur à travers une chaîne de causes à effets,
et plus précisément à travers l’adoption et l’utilisation des plateformes 2.0 et
l’institutionnalisation de nouveaux comportements participatifs et collaboratifs à l’intérieur des
organisations.
Enfin, les limites du calcul ROI sont importantes à considérer dans les projets 2.0 puisque ces
derniers possèdent une proportion importante d’actifs intangibles – connaissances, capital social,
technologie – et que ces actifs, pris séparément, ne génèrent pas d’effets directs sur le bilan
financier des entreprises. En outre, il convient de mesurer ou du moins d’estimer les
investissements « 2.0 » avec des mesures appropriées afin d’obtenir une meilleure appréciation
de l’ensemble des coûts et des bénéfices engendrés, à la fois tangibles et intangibles.
Les limites du ROI dans les investissements en actifs intangibles suscitent un intérêt croissant
dans le développement de méthodes d’analyse de la valeur différentes des méthodes financières.
C’est dans cette optique que les sociétés CISCO et Verizon ont tenté de définir une nouvelle
mesure : le Return on Collaboration (ROC). Cette dernière mesure l’incidence de la collaboration
sur des domaines fonctionnels ou métiers clés. Elle peut être utilisée pour mesurer la
collaboration à l’échelle du développement, des ressources humaines, des ventes, des relations
publiques, etc. Alors que le ROI mesure les ressources financières dépensées sur un projet
donné, le ROC suit quant à lui la quantité d’améliorations provenant d’un investissement financier
dans le domaine collaboratif. Le premier est une mesure objective (une mesure de résultat) alors
Le ROC est également différent en fonction du nombre d’employés d’une organisation. Tout
comme l’utilisation de technologies plus traditionnelles (i.e. téléphone), il évolue selon le nombre
d’utilisateurs ou de collaborateurs dans l’entreprise. Dans le contexte de technologies 2.0 dont
l’atteinte d’une masse critique permet de justifier l’adoption « naturelle » par les pairs, le ROC
devient de plus en plus élevé à l’arrivée d’un nouveau membre, lequel apporte de la valeur à
l’utilisation et au maintien de la communauté.
Les dirigeants marketing sont impliqués de façon opérationnelle selon la fréquence des
campagnes. Ils s’intéressent surtout à l’impact externe du Web 2.0, notamment aux indicateurs
de marque et aux actions à valeur ajoutée pour l’organisation.
Enfin, la haute direction est impliquée sur une base trimestrielle ou annuelle. Elle s’intéresse
évidemment à la satisfaction des parties prenantes, mais surtout aux indicateurs de productivité,
d’innovation et, dans la mesure du possible, aux indicateurs financiers.
Le tableau suivant regroupe, pour chaque famille d’usages et groupes d’intervenants, les
indicateurs à privilégier.
21. Augie Ray, Nate Elliott, Emily Riley et Jennifer Wise (juillet 2010). The ROI of Social Media Marketing - A
Balanced Marketing Scorecard Thoroughly Validates Social Media Value.
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TABLEAU 5 : INDICATEURS SELON LE GROUPES D’INTERVENANTS ET LA FAMILLE D’USAGES
Niveau de
sentiment22
Taux
d’engagement23
Taux de
roulement des
embauches
22. Le « niveau de sentiment » fait référence à l’impact personnel des propos se disant à l’égard d’une personne.
23. Le « taux d’engagement » fait référence à la récurrence des visiteurs.
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Diffuser Nombre de Nombre de Niveau de
communiqués communiqués satisfaction des
(Formation,
parties prenantes
mémoire de Nombre et pertinence Nombre et
l’organisation, des commentaires pertinence des Valeur monétaire
communication, internes commentaires des leads (CRM)
gestion de externes
« Buzz » généré par ROC
contenu)
les communiqués « Buzz » généré
ROI
internes par les
communiqués
Nombre de
externes
formations
Notoriété
Nombre de membres
par formation Reconnaissance
Nombre et pertinence
des commentaires
Taux ROC
d’engagement25
ROI
24. Le « niveau de sentiment » fait référence à l’impact personnel des propos se disant à l’égard d’une personne.
25. Le « taux d’engagement » fait référence à la récurrence des visiteurs.
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5 – Exemple de grille méthodologique
L’Entreprise 2.0 ne se limite pas seulement à l’utilisation des outils du Web 2.0 dans l’entreprise.
Le concept englobe la capacité de l’entreprise à valoriser l’utilisation des outils et, donc, de
posséder les ingrédients nécessaires à la « recette 2.0 ». Afin de valider la présence de ces
éléments, le management peut faire réaliser un audit par un expert externe qui précise le niveau
de maturité vers l’Entreprise 2.0. L’objectif de ce type d’audit est de guider le gestionnaire pour
savoir où en est son organisation et où il veut aller. Le modèle développé par la firme Atelya
comporte trois axes : humain, organisationnel et technique. Pour chacune des phases, des
critères permettent de situer l’organisation à un niveau particulier. L’axe humain représente la
culture de l’organisation, le type de management qui y est pratiqué et la façon dont travaillent les
gens ensemble. À titre d’exemple, une organisation où l’atmosphère est difficile et tendue ou qui
a une culture de rétention d’information pour assurer une forme de pouvoir risque de tirer peu de
valeur de la mise en place d’outils de collaboration transversaux. Le niveau organisationnel,
quant à lui, représente les structures et l’architecture internes. Une organisation avec peu de
silos, des mécanismes de gouvernance transversaux et une forme hiérarchique aplatie peut
bénéficier plus rapidement d’une transformation vers le 2.0. Finalement, le volet technologique
n’est pas à négliger. Il représente à la fois les éléments technologiques en place, mais également
la capacité interne d’entreprendre des projets fédérateurs et la réactivité aux besoins d’affaires.
Axes
Éléments critiques Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase 4 Phase 5 Phase 6
vers le collaboratif Traditionnel Expérimentation Prolifération Standardization Connaissances Entreprise 2.0
Il est essentiel de comprendre ces trois axes afin d’anticiper le passage vers l’Entreprise 2.0. En
fonction des résultats obtenus, il est possible que des chantiers internes doivent être lancés avant
la transition vers le 2.0. Ces chantiers auront nécessairement une incidence sur les scénarios de
mise en œuvre choisis.
La transformation vers l’Entreprise 2.0 est un concept systémique. Les impacts de la prolifération
des outils de collaboration et du développement des usages associés sont majeurs et touchent,
comme on l’a vu au chapitre précédent, de multiples facettes de l’organisation. En conséquence,
les scénarios de mise en œuvre doivent être réfléchis en amont, prendre en compte les différents
éléments organisationnels, mais également leurs liens entre eux. L’approche ci-après est une
proposition d’étapes pour la transformation vers l’Entreprise 2.0. Chaque contexte est
évidemment différent et il n’existe pas une seule façon de réaliser ces chantiers. Nous proposons
donc ici quelques étapes qui semblent essentielles et qui devront être adaptées au niveau de
maturité de l’organisation ainsi qu’à ses spécificités.
Audit / analyse
préliminaire
Scénario Scénario
Scénario humain
organisationnel technologique
Communication
Définition de
la vision et
l’arrimage
avec la
stratégie
Politiques – Compréhension des principes directeurs, des points de contrôle et des agents
influents permettant d’encadrer les parties prenantes.
Processus – Adéquation entre les façons de faire actuelles et les façons de faire émergentes de
l’Entreprise 2.0.
Technologie – Compréhension des usages, fonctionnalités et des outils pour répondre aux
objectifs d’affaires.
Enfin, un bon cadre de gouvernance met en avant, pour chacun des quatre piliers de la
gouvernance (humain, politiques, processus et technologie), les éléments liés à la valeur, aux
risques et aux actions. Un exemple de cadre est présenté à la section 7.4.
7.2 – La gouvernance d’affaires et TI
La documentation distingue deux grands types de gouvernance : d’affaires et TI. Le premier type
fait référence à la capacité d’une organisation à contrôler et réguler son propre fonctionnement
sur les aspects humain, politique et processus. Le second type fait référence aux mécanismes de
gestion mis en place spécifiquement pour l’atteinte d’objectifs d’affaires liés aux systèmes
d’information. La gouvernance TI concerne donc à la fois les aspects humain, politique et
processus, mais également l’aspect technologie. De par la nature des objectifs auxquels elle
répond, cette dernière est intrinsèquement comprise dans la gouvernance d’affaires.
Dans une approche « 2.0 », les deux gouvernances – d’affaires et TI – sont implicitement liées
puisqu’elles traitent à la fois des comportements à adopter, des règles d’utilisation et des enjeux
technologiques liés aux systèmes d’information.
Idéalement, les commanditaires sont des gestionnaires internes qui ont une certaine
visibilité dans l’entreprise. Ils sont des dirigeants qui peuvent influencer les parties
prenantes dans le développement des usages collaboratifs.
Il est important d’établir, par ordre de priorités, les résultats désirés afin de tirer les
meilleurs bénéfices de l’approche « 2.0 ». Ces résultats sont fortement liés aux
indicateurs clés de performance et de succès de l’organisation sur le plan stratégique,
managérial et opérationnel.
Ces indicateurs permettront également de définir les modalités de succès des projets de
collaboration et des métriques ROI/ROC (« retour sur investissement » et « retour sur
collaboration ») à privilégier au cours des analyses. Par exemple, une entreprise qui met
en avant une approche « 2.0 » afin d’augmenter sa capacité d’innovation va certainement
privilégier les résultats de stimulation de l’intelligence collective, avec des indicateurs de
collaboration et des retours sur l’augmentation et la pertinence des idées nouvellement
générées.
Les politiques sont l’ensemble de règles inhérentes aux comportements et aux façons de
faire dans l’entreprise. Ces règles définissent généralement les normes de confidentialité
de l’information et d’utilisation du matériel de l’entreprise à des fins personnelles. Dans
toute approche « 2.0 », il est important de mettre en place des politiques partagées sur la
propriété des informations et la perméabilité de la frontière entre la vie professionnelle et
personnelle des membres, surtout lorsque les processus participatifs et collaboratifs de
l’entreprise incluent les fournisseurs et les clients.
Les lignes d’affaires, leurs gestionnaires et les employés qui les composent doivent être
soutenus par des structures claires, flexibles et évolutives. D’un point de vue TI, par
exemple, les plateformes proposées doivent être en adéquation avec les besoins réels sur
le terrain. Pour ce faire, les services offerts doivent s’adapter au contexte changeant de
l’organisation.
La fonction de communication, quant à elle, doit offrir une expertise sur les contenus et
les supports utilisés dans des projets de collaboration. En faisant évoluer son rôle, la
communication assure une cohérence des messages, informe sur les règles d’utilisation
des médias sociaux internes et externes et fournit les règles, procédures et outils de suivi
nécessaires au bon déroulement des projets 2.0.
Finalement, les Ressources humaines s’occupent de l’ensemble des aspects inhérents aux
formations nécessaires au bon déroulement des projets de collaboration, des modes de
valorisation du partage de l’information ainsi que des autres questions touchant le
personnel.
Le passage à l’organisation 2.0, qu’il s’agisse d’une entreprise privée ou d’une organisation
publique, apparaît ici comme un virage à entreprendre pour ouvrir l’entreprise au potentiel de
l’intelligence collective en intégrant à la chaîne de valeur des modes de fonctionnement
participatifs, collaboratifs et transparents. Plus que pour simplement saisir les possibilités des
nouveaux modes de travail à l’ère du 2.0, les organisations devront impérativement lancer ces
projets de transformation afin d’être en phase avec leurs employés, clients, usagers et
fournisseurs.
Bien au-delà du seul aspect technologique, le Web 2.0 représente un virage progressif – et non
une cassure définitive avec l’ancien modèle – vers de nouveaux paradigmes, de nouveaux
modèles d’affaires et de nouveaux modes de relations entre l’entreprise et ses clients, que ceux-
ci soient consommateurs ou citoyens. Les usages du Web 2.0 ne sont pas qu’externes, à
l’interne ils peuvent se révéler de véritables catalyseurs de la collaboration entre employés et de
l’enrichissement du savoir organisationnel.
Mais si ce passage s’avère bénéfique, voire même incontournable pour l’entreprise de demain, il
n’est pas toujours aisé d’en saisir et d’en faire valoir toute la valeur face aux résistances internes
à l’organisation. L’intangibilité des bénéfices apparaît en soi comme l’un des défis de ce passage,
bien que des méthodes d’analyse (ROI) permettent de circonscrire les aspects plus tangibles de
l’Entreprise 2.0 (réduction de coûts, efficacité du marketing, processus de développement de
produits plus rapide, etc.).
Afin de bien vivre le changement occasionné par l’arrivée de ces usages collaboratifs et nouveaux
modes de travail et d’assurer le sujet des projets, l’organisation doit bien se préparer. En
anticipant les impacts, en gérant le changement et en choisissant les bonnes stratégies de
déploiement, l’organisation pourra, une fois les éléments techniques pris en compte, assurer le
succès de ses projets 2.0. Finalement, le défi culturel étant réel, c’est également en favorisant
l’implication des employés dans la gestion même des projets qu’une transformation des usages
internes pourra survenir.