Coutumes Masa2
Coutumes Masa2
Coutumes Masa2
TOME 2
1. Il semble bien qu'il n'existe pas de rituel masa du mariage auquel tous devraient se
soumettre immuablement. A l'enquête il apparaît plutôt que chaque famille - une famille
étant selon l'informateur,"l'ensemble de ceux qui mangent le même sacrifice" - a retenu
dans l'ensemble des coutumes relatives au mariage, celle qui, à l'expérience, se sont
révélées favorables à sa survie: à la fécondité de ses filles et de ses femmes.
2. "Ga'n mi sli su? - Les fiançailles ne sont pas encore le mariage" dit un proverbe masa...
"Ga'na" - Les fiançailles, devant faire l'objet d'une autre communication, on ne trouvera ici
que les coutumes relatives à "slina" le mariage. Elles seront présentées selon leur
déroulement chronologique probable.
B- Chez le mari
1. Va xama cata vo'o
2. Gi vunna - Hu ma busuwna
3. Ga cat vudo* vi sumiya'a
4. Hat cat giyo
5. Tun mulla et première nuit dans la case du mari.
Mok cata
Souvent mais pas toujours, c'est le jour même où on amène le "hu ma mok*a" qu'on
"saisit" la fille: (mok cata). Voici comment: au moment propice 1 un des jeunes gens, ami
ou parent du futur (époux), qui ont amené le "hu ma mok*a" saisit la fille au poignet en
criant: "nan mok cata vanawa !" puis il s'enfuit, poursuivi par les femmes et les enfants du
saré qui cherchent à le frapper... Arrivé hors de leur portée, il attendra avec ses
compagnons qu'arrive le marié avec sa suite, car après le cri "nan mok cata vanawa" la
mariée ne peut pas passer une nuit de plus chez son père, ce serait Yowo.
On couvre alors la jeune mariée d'un pagne: "na' vat ca m(a) gorra va'a hi' namu ". Après
quoi c'est le départ: la jeune mariée avec sa ou ses filles d'honneur, et peut être aussi avec
les sum sa dabina, va rejoindre les amis de l'époux qui l'attendent pour la conduire chez son
mari.
i.e. soit le matin, soit à midi, soit le plus souvent en fin d'après midi. Ce qui est
1
déterminant ici c'est la distance qui sépare le saré du père de la mariée, de celui du marié;
on calcule pour que l'arrivée chez le mari ait lieu de nuit.
Si plus tard le mari disait à sa femme: "Slak gomorgona vaku!", il s'agirait d'une
véritable répudiation... Personne n'essayait -car on ne voit plus guère de gomorgona- de
retenir une femme qui emportait son gomorgona: on savait que c'était le mari qui la
renvoyait.
Les sum sa dabina ne peuvent pas manger dans le saré du mari; le lendemain matin,
on leur préparera à manger avant qu'ils ne repartent, mais c'est à l'extérieur du saré qu'ils
mangeront. Quand à la cata gomorgota, elle, elle ne mangera pas du tout; pendant que les
autres dabina prennent leur repas à l'extérieur du saré, elle rejoint la jeune mariée dans la
case de la grande femme du saré pour lui donner des conseils:
«numa' marakawa mi jufaku; vak jufak hiqa vuna-dikak kep, luma law ma
zulo qi. Nan maraka hay ziyna vak yow ! kul va vi sa qi ! Li law loot ma
haya-boyn xulak ka tak qi! Buk vulakawa jufu, nan maraka cawakawa vo
vaku, buk hiwelek delekiya, luma law ma zulo lo qi, musak hay ziyn *aa'a.
Nan kalawa vo'o! » (Subak*a dec. 1972).
Et elle repart avec un mouton, ou le plus souvent de nos jours avec de l'argent: 1.000, 1.500
ou 2.000 CFA, cadeau du mari, qui se doit d'offrir quelque chose à chacun des dabina:
poulet, monnaie, colliers pour les fillettes.
A1 Autres situations
1 - 2 Pir cata
Certaines familles n'acceptent pas "mok cata" ni non plus la bénédiction du père à sa
fille.... Parce qu'autrefois, une de leur fille s'est enfuie (pir) et a eu de nombreux enfants,
ces familles jugent que l'enlèvement (pir) est plus favorable à la fécondité. A titre
d'illustration, ce dialogue:
Père de la fiancée:
Il ne reste plus qu'à se séparer... et au père du fiancé, qu'à aller chercher ailleurs une épouse
pour son fils.
3 - xulowta
"Sara ti xulow qi", d'autres familles n'acceptent pas de filles d'honneur. Ainsi la famille de
Marie Hayta (Oursi):
une de leurs ancêtres, partie chez son mari avec une xulowta, n'a pas eu d'enfants;
une autre, partie sans xulowta, en a eu. Depuis les filles de cette famille n'acceptent
plus de xulowta pour les accompagner.
Zulda, femme de Mr. Maurice Lapiya, avait choisi Thérèse Makka comme xulowta ,
mais la famille de Lapiya a refusé...parce que autrefois, à l'occasion d'un mariage, les
deux xulowna venues accompagner la mariée sont mortes chez eux.
Et Marie Hayta disait à peu près ceci: "Certaines familles n'acceptent pas de filles
d'honneur à cause de la descendance (jafna) et de la mort". (5 dec. 1972)
Gomorgona
Il est possible aussi que dans ce cas le père ait maudit sa fille parce qu'"elle ne l'a pas
attendu". cf. la bolla du père sur sa fille. Il effacera la malédiction soit en prenant du
Gawna, soit s'il y a été vraiment fort, en répandant le sang d'une chevrette.
Là la mariée se tient debout, et une fillette vient lui prendre le petit doigt de la main
droite et lui faire franchir le seuil du saré en disant: "nan va xam cata vanawa vo'o...".
De nouveau la mariée refuse d'avancer et c'est en la portant qu'on la conduit dans la case de
la grande femme: cat *olta vudo*ka .
Entrée dans la case de la grande femme, elle refuse de s'asseoir, elle reste debout
jusqu'à ce qu'on lui présente sa vache (sli vunta vi cat gota: les caprices de la jeune
mariée); "tunak xak ka ta'a" lui dit-on et désormais c'est sa vache, celle dont elle boira le
lait, qu'elle attachera dans sa case, quand elle en aura une (mais pour l'instant, ça peut très
bien n'être qu'un veau).
Entre temps la case s'est remplie de monde venu fêter la jeune mariée: la' nul de, la'
nul de, firiya'a... Le lendemain et les jours suivants, elle aura encore beaucoup de visites et
chacun, en la caressant, dira les "gilena" traditionnels pour une jeune mariée: "Cat gota!
Cat gota! Dolyomta ! Kumkumta ! Kumkum ma ku' ziyna!" (Kumkum-na désigne cet
endroit sombre de la case là où précisément se blottissent les jeunes mariées, dans leur
"honte").
2- Gi vunna - Hu ma busuwna
Il y a quelque chose d'irréversible dans gi vunna: ainsi on peut choisir une petite
fille pour femme, la faire venir chez soi pour lui faire gi vunna, puis la renvoyer à
son père pour qu'il l'élève... si plus tard cette fille prenait un autre mari, elle
serait considérée comme "dali".
C'est le soir (fuladita), semble-t-il, que le mari tue le $u ma busuwna pour faire
passer sa femme sous l'obédience de ses fuleyna ("dugus ou dugun cat hi namu"); aussi,
celle-ci s'y refuse-t-elle, et il faut agir par ruse pour la mettre en contact avec le sang de
l'animal (soit en mêlant une goutte à l'eau, à la sauce... soit en en mettant sur sa natte...)
C'est que depuis le départ de leur aînée, depuis "mok cata" les parents ne peuvent
rendre visite à leurs voisins (tu' qe' qi); on dit du père: il ne fume pas chez un autre, il ne
boit pas l'eau d'un autre ("nam vik vi niram qi, ci niyn vi niram qi").
Donc si elle est l'aînée de son père, le lendemain du hu ma busuwna, de bon matin (culum
culum) on renvoie la mariée chez son père, elle est accompagnée:
- d'une femme du saré ou du clan de son mari qui n'a pas perdu d'enfant (cata gorra
va' miti qi)
- d'un garçonnet (bay huqu)
- d'une fillette (bay po'o)
- de sa ou de ses filles d'honneur (xulowta)
Quand elle arrive chez son père, celui-ci fait piseta à sa fille comme suit:
Alors la fille entre dans le saré de son père et sa mère lui offre de la bouillie. Depuis chez
son mari elle n'a pas bu: ça lui est interdit.
Puis on lui tue un mouton dont elle ramènera la peau le soir même chez son mari, car elle
ne peut pas coucher chez son père, elle doit rentrer chez son mari le soir même.
Note: A la question: pourquoi cette importance des aînées? il m'a été répondu: Ce que Dieu t'a
donné le premier tu le gardes bien! (idée de prémices, peut-être?)
Note: Autrefois en arrivant sur la terre de son père, elle se dévêtait, elle ne mettait le pagne
qu'en foulant la terre de son mari.
a) Toilette de la mariée
De retour de chez son père, la jeune mariée pile le mil et pour la première fois va
puiser de l'eau et se lave: elle ne l'avait plus fait depuis " mok cata". Elle pose un anneau
("kulta") dans la calebasse où il y a l'eau de sa toilette, puis sa toilette finie, elle offre ce
"kulta" à la fillette qui lui a pris le doigt pour la faire entrer chez son mari (cf va xama cata
vo'o).
b) £u ma hatna
Pendant ce temps le mari tue le ;Hu ma hatna; c'est un mouton "$u dimiya man jufu". De
l'animal on prélève:
- "furra" pour le "sa ma ti furra" qui plus tard couvrira la case de la mariée
- "*orra" et "batta" pour une parente de la mariée qui plus tard devra lui fournir
calebasses et marmites: "sle ma cuk guwinna"
- enfin une partie de la viande est mise de côté pour le premier repas que la mariée
portera le lendemain à son mari.
Le reste est préparé immédiatement.. et cette fois, la mariée mange sans arrière pensée!
Avant le lever du jour, la jeune mariée écrase son mil... et prépare sa première boule
qu'avec beaucoup de honte, mais pour la joie de tous, elle ira porter à son mari.
Cette nuit-là on la conduira dans la case de son mari: "ga' kalaf kuqa jufa'a - *afa *afiya !"
La calebasse de "mul ma pisena" (mulla hiqa ciyna) a été préparée d'avance; la mariée en
fait une onction sur le pied droit de son mari, entre le pouce et le premier doigt de pied...
puis une autre sur son pied gauche à elle.
Après quoi ils se couchent; ils doivent passer toute la nuit face à face: "sa mu' iram giy qi,
sa bur danan qi, bur irsi kir tuwamu..." et le lendemain quand ils se lèveront, ça sera d'un
seul mouvement.
Le 7ème jour, on chasse la "gemellité" dehors. Les jours précédents on a préparé une
bière: la bière de la "gemellité" (doleyna vi *oneyta).
Le père prend un mouton et une brebis. Il "voue" la brebis à la gemellité: désormais, il y
aura dans son troupeau la $uta *oneyta , la brebis de la gemellité. Le mouton, lui, est appelé
"$u ma dik *oneyt hi' namna - mouton avec lequel on chasse la gemellité".
Il y a alors comme une présentation des jumeaux; la mère, les portant chacun sur un
bras, sort sur le seuil de la case; face à la case, à quelque distance, se sont rassemblés les
gurobiomna et leurs épouses (mais "sa ma bu* wal hay qi" ). Le père tue alors le $u ma
dik *oney hi' mamna : la viande sera distribuée et emportée...
Le père et la mère chassent alors la "gemellité": la mère met ses buka'na et le père
ceint la peau encore humide du mouton qu'il vient de dépecer (hu ma dik *oneyt hi'
namna); armés de palmes (bowo**a) ils frappent (wat) la case et la cour intérieure pour
chasser *oneyta dehors: "dika' ka fulu, ra' ka teya vo'o lo qi". Puis ils vont jeter les palmes
dans l'eau d'une mare et rentrent immédiatement chez eux.
Désormais, le père peut sortir de chez lui à condition de porter son couteau de jet.
Mais jusqu'à tun xamna, il est encore sujet à toute une série d'interdits:
et cela sous peine de devenir paralysé ou aveugle ou malade, (*oneyt kayn naa... na*a gi
pise qi... na' to* hurbuliya, tikina*u, duka* qira*u, basa* zoko*u, la* moyo -
ainsi est *oneyta...si tu ne la respectes pas...elle te paralyse, t'affaiblit, t'aveugle, te fait
mal aux os, te rend malade...
Par contre, si tu la respectes, elle est bonne: suluka' may qi... qifina' *aa, sleqe... wina'
tuwa' wini, qifina' *aa'a...
quand les enfants tiennent assis - autour du 5ème mois - leur père et leur mère font
tun xamna. Ils se rendent rapidement (hotey) chez un garbumna qui leur offre un repas (tun
xamna - poser la main dans le plat), de fête si possible (garbu* va kalamun la* rogoyo).
Reste encore à trouver des funérailles où pleurer: il faut que le défunt soit de la
famille (tiyim kayn mi sa ma nafara*u) mais à un degré éloigné (kulo sliw tuwa* gop
qi... na* saram mi vu'na: 'sumayon ("parenté") li va ma dooko yam giy nala, na* tiyimti
namu); alors, avec sa femme, il va pleurer, ils se font offrir de la viande tuée à l'occasion
du décès (na* ka sliw ma kay sana)... Désormais ils pourront participer aux tok*a, passer
la nuit hors de chez eux, manger chez les autres... "Kayn na* hefte*awa - alors tu es
devenu léger.
Chaque année jusqu'à leur mort, les parents de jumeaux ont à accomplir des rites qui
s'échelonnent tout au long du cycle annuel. "Va'n kayn na* lum vok qifinna vi ziyn jew
qam... na* lum bogol qi - les (rites) de *oneyta tu les fais avant les rites de la maison
toujours, tu ne les fais pas après; ainsi:
- "ziyta va' kow kaa - elle (*oneyta) a aussi sa case, "autel" une case miniature; c'est
seulement après avoir couvert cette case de paille nouvelle que le jumeau peut
entreprendre le travail de case: couper la paille, la tresser, préparer le potopoto.
1. Allaitement: Chacun des enfants a un sein réservé et jamais la mère ne lui donnera
l'autre sein.
2. Imposition du nom: Les noms des jumeaux sont prévus par la tradition:
garçon fille
le premier sorti du ventre maternel Mulla Mulu
le second Tuku µoney ou Gasa
3. Mariage: Jusqu'au mariage de l'un d'entre eux, les jumeaux vivent dans la même case.
Le premier sorti: Mulla, doit se marier le premier mais ils ne se séparent pas
immédiatement (hawsi giy visi qi); ils font "gi vunna" ensemble; sa "première boule", la
jeune femme la présente aux jumeaux ensemble et non à son mari; la nuit où on la fait
entrer dans la chambre nuptiale, elle les trouve encore tous les deux sur le lit (nisi kayn
gilik* ka dar naa tu ley - eux sur le lit ensemble-un encore de la même façon).
(Pour "gi vunna", "première boule", "nuit de noces", cf. Rites du mariage).
4- Mort: si l'un des deux meurt, l'autre ne doit pas voir son tombeau sinon il mourrait à
son tour; aussi envoie-t-on le survivant chez des voisins. Quand un jumeau va pleurer un
"jumeau" (ki na* *oney dam nala, na tiy sa ma *oniy-na) il doit s'attacher un brin de
bowo**a au cou ou au poignet, il ne peut manger de viande tuée à cette occasion (mut sliw
ma kalam qi); s'il agissait autrement, il ne s'étonnerait pas de tomber malade: maux de tête
en particulier, et déclarerait: "lan kayn mi tokorra vi vane" ("lan kayn mi tokorra vi Tu*-
tu*" dirait Muqanu - elle même jumeau comme Tu*-Tu* - si elle ne respectait pas les
règles ci-dessus, à la mort de Tu*-Tu*) (sens de tokorra?)
2- Jumeaux et "ir-vina" (conjonctivite): Les femmes qui ont accouché des jumeaux, ont
le pouvoir de prévenir la conjonctivite; à qui le leur demande, elles attachent autour du cou
un collier d'herbe (sumak*a) ou de palme (bowo**a) tressée qui arrête la conjonctivite.
3- "Guna vi Noneyta" = teyna, pi ka ta* zow " Le médicament de *oneyta est un oignon,
planté dans le saré. Chaque année quand renaissent les herbes à sauce: zulo'o, drek*a, les
jumeaux consomment une sauce nouvelle dans la composition de laquelle entre le teyna-
médicament.
4- Ursi et les jumeaux: Il faudrait voir quel(s) clan(s) recouvre ce terme de "Ursi".
Toujours est-il que seuls parmi les Masa, les Ursina ne se sentent pas obligés par les rites
de *oneyta. Le premier d'entre eux dont la femme accoucha des jumeaux, fut si étonné de
voir deux bébés qu'il appela ses voisins; c'était la nuit et il cria:
"lu lu lu, niki gurobiyonna, niki ka tan ti ge!... cata van vu' guron ma' kayn vu' ti ge!?" -
Nisi ma kayn: "Hi !.. Hen! vuqi kayn *oniyo !" may nisi sumun col mer kayn guro nisin
mita... nisi ra kayn: nisi sa min li qifina' lo qi.. "Niki ciki duhul kay *oneyt kayn piseki
*oneyt qi, sa la qifina' qi"
lu lu lu, vous les fils de mon père venez à moi, je vous prie!... comment se fait-il que ma femme ait accouché
de deux enfants?" - Quand ils arrivèrent, ils s'étonnèrent: "Hi!... Ah!, c'est une naissance *oniyo!"; mais
aussitôt après leur départ les enfants moururent... Depuis ils ne veulent plus faire les rites de *oneyta...
Quelque chose (peut-être la divination) leur a dit: "Vous avez crié les lu lu lu! sur *oneyta alors ne faites plus
les rites de *oneyta".
(D'après un enregistrement de Tu*-tu*, lui-même *oniyo. Magaw, mars 1972)
"Sumayta, qifinna va' tu' kuqu *oneyt naa ley may cala cale visia
Sumayta a aussi ses rites propres comme *oneyta"
2- L'animal qui est "voué", ça n'est pas une brebis mais une poule: ga qown ta slekka:
slekka sumayna. Cet animal quand il sera tué, ne pourra être mangé que par le père, la
mère, et l'enfant sumoyo, qui d'ailleurs est toujours nommé:
garçon fille
Sumay Sumayta
3- Tun xamna: Chaque année à Ceyta, la mère d'un sumoyo fait tun xamna chez un
garbumna de son mari.
4- "Na* jun bowo* ka se* ki *oneyt naa kow, jun zewn kele* kay *oneyt naa kow - Tu
attaches une palme à ton pied comme pour *oneyta, tu t'attaches une ficelle au cou comme
pour *oneyta aussi".
CONCLUSION:
"May tina vi sumayt ta haki ki *oneyt naa qi: Sumayt jowo, *oneyt vula", qu'on peut
peut-être traduire:
"Les repas de Sumayta sont moins fréquentés que ceux de *oneyta mais Sumayta est
égoïste tandis que *oneyta donne".
S'il y a des parents qui sont loin, on envoie les prévenir. Le vacarme est total. Si les
personnes qui sont loin arrivent, on décide l'enterrement.
ENTERREMENT
Les plus proches viennent toucher le mort qui est ensuite déposé dans la tombe. S'il
s'agit d'un homme il est couché sur le côté gauche, le visage tourné vers le nord. S'il s'agit
d'une femme, elle est couchée sur le côté droit, le visage tourné vers le sud.
Le cadavre est placé dans l'enfeu de la tombe, coincé avec des mottes de terre,
autrement quand il pourrit il risque de se renverser et tous les membres de la famille vont
alors mourir.
Les gens qui ont creusé, jettent la première terre en la poussant avec le coude, les
autres continuent. Les objets utilisés pour creuser sont aussi enterrés. A la fin on tasse la
terre.
Si le mort est un bum ziyna (chef de famille) il est enterré au centre de la cour, à côté
de son grenier. S'il s'agit d'une femme elle est enterrée vers sa cuisine. Si le mort est un fils,
Le responsable de la famille entre chez lui et amène une chèvre qu'il tient par les
pattes antérieures. Il se place devant le portail et un de ceux qui ont creusé prend la chèvre
et la tire dehors. Ils choisissent un endroit et l'abattent en lui coupant le cou. Celui qui a
tiré la chèvre dehors a droit à la tête et au cou. Le reste est partagé et chacun rentre chez lui.
Un bouc est tué et sa chair est cuite à côté de la case de la première femme. Cette
viande est mangée par les femmes du défunt. On tue aussi une chèvre à côté de la tombe,
la viande est cuite au même endroit et mangée par les filles du défunt mariées ailleurs.
Si le mort est riche, le matin on tue une ou plusieurs vaches. Cette vache permet au
mort d'être accueilli parmi les ancêtres. La viande est partagée. Si le mort n'a pas de bête il
ne cessera de la réclamer (rêves, maladies). La famille doit alors se décider. Généralement
on tue une vieille vache (put kala*ka). Si le mort est un homme les filles, quand elles
seront mariées, devront amener un veau qui sera tué sur la tombe du père.
MU' DIRRA
Le même jour pendant la nuit si le mort a des femmes elles vont faire le mu' dirra.
On attache à chaque femme son buka'na, on lui remet un couteau et une meule, sur laquelle
les femmes frappent avec le couteau. Le bruit produit chasse l'esprit du mort qui essaye de
s'accoupler avec ses femmes et entraîner ainsi leur mort. Pendant toute la nuit, à chaque
fois que les gens entonnent les pleurs les veuves se lèvent et vont danser, après elles
rentrent et vont frapper la meule avec le couteau.
Le matin les veuves sortent de la concession et vont s'asseoir sous un arbre (en
général un co'onna, Balanites aegiptiaca L.). Le soir elles rentrent faire le tour de la
concession en sens anti-horaire, le couteau à la main, précédées par une autre femme. Elles
font 2 ou 3 tours selon le *af de chacune. Après elles rentrent. Ceux qui sont venus de loin
repartent, restent les proches.
MUS SLENA
Ceux qui sont restés vont faire mus slena. Ils s'éloignent en groupe et entonnent un
chant (magana). Ensuite ils se dirigent vers la maison, ils en font le tour. Cela terminé, tous
ceux qui ont chanté le magana vont au bord se laver, vêtements compris. Rentrés à la
maison une chèvre est tuée à côté de la tombe. Un bouc est tué à côté de la case de la
première femme. Terminé de manger tous se rasent et les cheveux sont jetés sur la tombe.
Un-deux mois après la mort l'âme du mort est toujours près de la case, il faut la
séparer. On abat une chèvre, tout le monde en mange. La viande est cuite dans l'eau à côté
de la tombe, l'eau est utilisée pour faire la boule. Un bouc est égorgé pour les femmes.
On ne parle pas, on appelle les gens par des gestes. Tout ce qu'on a préparé doit être
mangé, rien ne doit sortir de la concession. Avant de se séparer les gens entonnent un pleur
spécial, difficile. n appelle pour ça des spécialistes.
LE DEUIL
Le deuil dure un an. Tous les proches sont en deuil. On s'attache un morceau de
pagne à la taille et on ne se rase pas. On ne se lave non plus. Les hommes doivent se priver
des activités liées au bétail, un jeune ne peut pas participer au guruna. Certains refusent
même de boire du lait, considéré un excitant.
Quand on déplace la concession les femmes du défunt sont partagées entre les
héritiers. On tue un bouc sur le foyer de la femme héritée. L'héritier doit passer la nuit avec
les gens de la maison s'il habite ailleurs.
Toute personne noyée est considérée tuée par Mununda, le génie de l'eau. Si une
personne disparaît dans l'eau (fleuve, marigot) on recourt au devin (greyna). Il peut dire si
la personne est morte ou encore en vie. Il dira alors de prendre des céréales blancs (sle' ma
ha'na). On les met dans un morceau de calebasse et on part mettre ça dans l'eau. On dit:
"Mununda, je t'ai amené les choses blanches pour que tu libères le corps".
On repart à la maison prendre un mouton qu'on tue et dont on verse le sang dans l'eau. Si
les gens n'ont pas pleuré la personne sortira de l'eau encore vivante. S'ils n'ont pas respecté
tous les rites ils sortiront un cadavre, car Mununda l'a tué.
NOTE:
Mununda ne peut pas attraper les gens sans l'aide de Bagawna, le génie de la brousse. C'est
lui qui envoie les victimes à Mununda.
Mununda se manifeste sous l'aspect d'une fille au teint clair, presque blanc (slaw), très
belle. On peut la rencontrer hors de l'eau, assise sur un pied de dumarra (Vettiveria
nigricana Stapf.) Elle a une petite taille.
Celui qui voit Mununda doit faire un sacrifice avec une chèvre chaque année ( tuwal
Mununda - le sacrifice annuel à Mununda). Seulement les plus proches peuvent manger à
cette viande.
Mununda peut t'attraper hors de l'eau. Si tu bois de l'eau sans te satisfaire c'est Mununda
qui veut te prendre et essaye de t'attirer vers le fleuve. Même dans les petits marigots il y a
Mununda.
Il y a un serpent très mince, tacheté dit sardeyna (Psammophis elegans Schaw.) qui se
trouve aux bords des marigots. Quand on le voit on dit que c'est Mununda qui passe. On
ne le tue pas. S'il te mord, aucun autre serpent ne te mordra.
- soit elle est causée par l'ennemi du défunt en lui jetant un mauvais sort;
- soit elle est survenue comme peine pour ses fautes;
- soit comme peine pour ses désobéissances (manque d'observation de coutumes tels que
les sacrifices aux Esprits).
Après la mort, le mort va au village des morts où il trouvera les membres de sa famille qui
étaient morts. Il y a dans ce lieu les mêmes structures de la vie qu'ici bas.
Le mort peut revenir, soit en songes, soit visiblement pour faire du mal, demander des
sacrifices, intervenir dans la vie de la famille en certaines circonstances.
1ère étape: le défunt regagne le village des morts où il mènera une vie normale;
2ème étape: ou 2ème mort où il prendra l'aspect d'un papillon (kibir-kibira), ou d'un autre
animal (cela selon le clan:les Miyogoy se transforment en éléphant par ex.).
Pour d'autres encore il n'y aurait rien après la mort. Certains parlent d'un jugement après la
mort où chacun doit répondre de ce qu'il a fait: les dettes seront remboursées, les injustices
pénalisées, etc...
N.B.: dans toutes ces vies après la mort, il s'agit de l'âme (*usta) du
défunt sauf dans le cas de la transformation en animal où le mort
sort de la tombe avec tout son corps jusqu'au moment où il périra
pour la 2ème fois et disparaîtra à jamais.
Les informateurs ne semblent pas connaître de façon précise l'origine du laxana. Certaines
opinions circulent cependant:
* selon d'autres viendrait de Musgum (Musuk)..(opinion corroborée par Philippe Alain qui
a entendu une légende à ce sujet)
* un homme (d'où?) a voulu trouver une façon de tromper les femmes: li yal ka tam cata
valamu . Il a pris ses enfants mâles, les a conduits en brousse, leur a appris la langue de
l'initiation, les a couverts de ciyna, a la tuwsi cita qutsi kayn sa boyn nala.
On ne dit pas aux femmes, aux non initiés, ce qui se passe à l'initiation sous peine de
mort.
* on raconte même qu'à un certain endroit les singes font aussi l'initiation...La démarche
des initiés rappellerait celle des singes...Lorsque des initiés rencontrent des singes,
certains les appelleraient payna.
Avant que soit même fixée la date du laxana, alors même qu'il n'y a aucune certitude
qu'il aura lieu, toute une ambiance est créée autour du laxana dans le but évident "de
préparer psychologiquement" les nogoceyna. Ce sont les payna qui créent cette ambiance
(nisi giyam laxana, laxan giyamu, firiyamu), terrifiante pour les nogoceyna.
Comment?
- par les nombreuses conversations sur le sujet; tout le monde en parle; les payna entre eux,
les nogoceyna entre eux, les femmes entre elles; et apparemment il n'y a pas de
communication entre ces trois groupes;
Les femmes surtout appréhendent ce temps; il fait l'objet de toutes leurs conversations;
elles ne se sont pas privées d'ailleurs de mettre en garde le personnel féminin (et même
masculin) de la mission;
les futurs initiés (nogoceyna, sida**a) sont l'objet de brimades de la part des payna; ils
leur doivent obéissance sous peine de représailles futures. Un chant d'ailleurs dit: sida**a
diyna (les non initiés sont obéissant comme des chiens).
Le prix du nom est un coq, ou simplement du tabac, de l'argent. Le payna à qui on a déjà
fait le coup dit lui-même qu'il se rattrape (jop yanu).
On a remarqué que c'est un ami vrai qui révèle au futur initié tout ou partie de ce qui se
passe à l'initiation, lui enlevant ainsi sa crainte.
PREPARATIFS IMMEDIATS
Ce qui suit s'échelonne sur un laps de temps de deux à trois semaines avant l'ouverture du
laxana.
1. Giyam laxana
Les payna armés de jafina, au bout desquels sont suspendus des morceaux de
ferraille (avant on y suspendait des togoceyna, gayna, slempetek*a ..), passent de saré en
saré en frappant le sol (dap) en cadence et se font remettre des menus cadeaux (ki sum sa
siqaw nala): tabac, arachides...qu'ils se partagent ensuite. (ici comme ailleurs l'argent a fait
son entrée et prend souvent la place des menus cadeaux: 100...200...300 frs).
2. Divination
Les pères des futurs initiés se rendent chez le sa ma greyna qui leur indique ce qu'il faut
faire pour que: gurona viki ba kalaf laxa qi . Il leur indique à qui faire le sacrifice: Matna,
Bagawna, Lowna, Mununda... et quelle victime offrir. Dans le bolla on demande toujours
Chaque futur initié a un parrain, sa ma col kalamna, sa ma *atamna, que lui choisit
son père ou qu'il choisit lui-même s'il en a l'âge:- col kan na*u
- awa, *ata* nanu
Sa ma nar ci gongor ma laxa qi: un poltron n'est pas capable de "tuer" un non initié dit-
on, ce qui signifie qu'on choisit un parrain en fonction de son courage. Dukam li nar qi...
Un autre critère semble être le douceur (sa ma *ali). Le rôle du parrain consiste à
accompagner et à protéger son filleul sur la muqak*a vi laxana; il peut aussi lui porter à
manger durant sa séquestration. Son filleul lui doit reconnaissance aussi nam kotom
tuwam *olo.
Ce sont les payna aidés des futurs initiés qui préparent muqak*a et guduk*a ; ce dernier est
monté à une certaine distance, jusqu'à un kilomètre de l'aire d'initiation. Chaque quartier
préparerait (tressage et montage) le guduk*a où logeront ses enfants. Une fois construit,
l'enclos ne peut rester sans habitants, bur valam qi (à cause des reyna); le tufna vi lakeyna
(adjoint du chef d'initiation) s'y installe dès cet instant pour en assurer la garde jusqu'à
l'arrivée des guro laxana et durant tout le temps de leur séjour. On prépare l'aire d'initiation
comme on prépare l'aire d'un tok*a, i.e. en nettoyant le terrain où on installera le tam-tam.
Quelques jours avant la nuit de l'initiation a lieu le tuwalla vi laxana . Il s'agit d'un
sacrifice. Il se fait en présence des anciens et d'un certain nombre de payna. Avant de faire
ce sacrifice le lakeyna appelle le devin chez lui. Ce dernier lui dira peut-être de faire des
sacrifices préparatoires: oeufs, poulets, ovins...Cela fait il appelle à nouveau le devin qui
revient terminer la divination. Ce n'est qu'ensuite qu'on ramasse l'argent en vue de trouver
la vache qui servira à faire le tuwalla. Cette vache est achetée avec la cotisation des payna .
Le sacrifice se fait avec une vache (put ma dota, putta gala*ka). Une fois la vache trouvée,
on l'amène à l'aire d'initiation. On joue le tam-tam (giyam neqa), sans jafina. Le lakeyna
prend la vache par les oreilles et l'amène au muqak*a; il prononce la bolla suivante:
Laxata, nan vak putta vakawa, tuwalak yow,
tuwalak nak Laxata,
sa ma kali hay muqak*a nak Laxata bam de,
ho' ma ma kay nagatna, ney ka' qi.
Guro laxana nak Laxata nak cukanti zoksi goy jiy sle' ca.
Laxat nan *atak putta vak qowni,
sa puk hay muqak* qi, sle' hulul 2
2
puk = tomber; en cas de chute, Laxata te tue.
6. Gayta vi laxana
La tradition relative à cette tige de mil (gayta vi laxana) est assez floue. Selon les uns
elle viendrait de Zomgey, de l'autre côté du Logone à la hauteur de Ham; elle parcourrait
tout le pays Masa en passant de lakeyna en lakeyna (un peu comme Diniyata, qui passe de
chef de terre en chef de terre). A la fin de l'initiation elle serait ramenée à Zomgey et gardée
en dépôt jusqu'à l'initiation suivante, en sorte que ce serait la même gayta depuis les
origines.
Selon d'autres, c'est chaque lakeyna qui a le dépôt de cette gayta; il ne la perd pas et la
ressortira à l'initiation suivante (ce qui en définitive revient à la version précédente); à
Kumi les lakeyna iraient chercher leur gayta à Gumay, pays de Rikasa, ancêtre des Gumay.
N.B. Pour l'initiation qui vient d'avoir lieu (1975) il semble bien que chaque lakeyna a
tout simplement pris une tige de mil dans sa terre. Pour ceux qui sont déplacés (p.e.
Midjiwey..) le lakeyna est venu chercher la tige dans sa terre d'origine (Kumi, Magaw...).
Les gens disent: lakey gaytiya sli kalam qow, laxan hepi ri* yo. Cela s'est fait quelques
jours avant l'entrée en initiation, avant le tuwalla.
7. Guna vi laxana
C'est un "médicament" (suxulla) qui sert à protéger le lakeyna et son adjoint lors de
l'initiation. Ils se l'attachent au front au moment de remplir leurs différentes fonctions: pour
le tuwalla, pour la nuit de l'initiation (ri* laxan kalafi), pour la sortie (laxan kus ka jiya). Si
un lakeyna s'est déplacé et qu'ils veulent le faire revenir, il semble qu'on n'a qu'à lui porter
un morceau de suxulla et il revient. Pour ceux qui sont hors du pays natal, ils viennent
chercher leur suxulla au pays.
1.Sacrifice au muqak*a
Le jour de l'entrée (ri* guros gureyna kalafi), l'après-midi vers 15 h, les nogoceyna
sont conduits au muqak*a par les payna . Le lakeyna égorge une brebis et il fait la bolla
suivante:
Laxata, Lowna, Matna, Bagawna, Yeyta tun diyak*a sumuna,
Laxat tuna' dira'i mi nan qi, may kay sumiyoni pa.
nan *at hut qowni, guro-laxana cukanti giy sle' ca;
sa ma garsina Laxat nak banti ba!
Cata gongor ka' vi kay ta, na mutumuna, Laxat nak banti ba!
Sa ma hayam ka tam gongorra a la la lin bam bana,
sa nam kal hay muqak*a van qi,
kali hay muqak*a naa, Laxat nak banti ba.
Après cela le lakeyna tue la bête. Tous les nogoceyna mettent le pied dans le sang (le pied
droit). On fait griller la viande et les payna la mangent sur place.
Après avoir mis le pied dans le sang du sacrifice, les nogoceyna sont accompagnés
chez eux ou dans les sarés des environs s'ils habitent loin. Et là on leur donne à manger. On
leur tue quelque chose, du moins on leur fait un bon repas, car les parents ne savent pas
s'ils reverront leurs enfants.
Il faut mentionner qu'à partir du moment où ils ont mis leur pied dans le sang du sacrifice
ils ne parlent plus aux femmes.
Les enfants sont ensuite rassemblés chez le lakeyna où on leur rase la tête (ceux qui
avaient déjà le crâne rasé on leur fait le geste symbolique avec un couteau). Ils attendent
ensuite le soir à l'intérieur des cases des hommes.
Le soleil couché, pendant que les guro-laxana se trouvent chez le chef d'initiation, les
payna se rassemblent au muqak*a. Ils sont nombreux et créent une très forte ambiance
(nisi giyam *olo). Quelques payna qui connaissent bien le laxana partent à l'écart (en
cachette); parmi eux certains ont une fonction précise:
le lakeyna, son suxulla attaché au front, de son vrai nom sa ma gi libitna (libitna: vrai nom
du zamak*a, costume de paille tressée, prolongé du côté de la tête par deux
bois attachés qui font office de cornes, et se terminant à l'autre extrémité par
une sorte de queue à laquelle est attaché un bouquet d'épines; le lakeyna se
couvre de ce costume);
le sotona: grince des dents dans une corne en terre, imitant le bruit du musaraigne;
Ensuite le sa ma difna s'en va parmi les payna et commence à souffler dans sa corne. Il
souffle un certain temps et pendant ce temps l'ambiance monte. Le sotona va le rejoindre et
se met à souffler à la place de l'autre. On sait alors que laxata est proche: Laxat mi sir
gobiyo . L'ambiance est à son comble.
Pendant ce temps le lakeyna a revêtu le zamak*a aidé des autres et s'est approché.
Les gens qui l'accompagnent font du bruit: ciriya, ci duhulla, gile' "kilew, kilew", "*uro*
kopiyo", "da*ina gisa", "sum guro sa jofna" (surnoms de Laxata). Lorsque Laxata
s'approche, le sotona se tait, quelques anciens vont au devant d'elle et tous se joignent à la
clameur générale: le tam-tam joue, les payna frappent les jafina par terre, les gens crient et
appellent les surnoms de Laxata. Laxata (le lakeyna sous son costume, assisté de deux
aides à ses côtés et d'un troisième qui soulève la queue) fait le tour des payna , pénètre dans
leurs rangs pour les effrayer. Ceux qui parmi les payna tombent par terre devront payer une
chèvre d'amende et le lakeyna leur fera une aspersion d'eau (le lendemain).
Selon l'informateur, les gens ont vraiment peur et beaucoup tombent. Le tam-tam
peut même être renversé dans la mêlée. Laxata s'ouvre un passage de force parmi les gens,
se servant de ses cornes; les gens s'ouvrent et fuient à son passage. Cela se fait assez
rapidement et Laxata repart là d'où elle vient.
Une fois revenu à l'arbre d'où il était parti, le lakeyna dépose le zamak*a et se repose un
peu. Il le revêt à nouveau pour aller voir les nogoceyna qui sont toujours rassemblés à son
saré. En allant il passe à l'aire d'initiation (distance d'environ 50 m) où il fait le tour du tam-
tam une fois, afin de montrer aux payna qu'il part voir les nogoceyna. Un certain nombre
se joignent à lui. Ils vont en faisant beaucoup de bruit, en criant et frappant le sol en
cadence de leurs jafina. (ceci il semble bien afin d'avertir les femmes qui seraient dehors de
se cacher à l'intérieur; une femme qui verrait Laxata serait abattue sur place).
Arrivés au saré du lakeyna, celui-ci (Laxata toujours) fait le tour du saré une fois. Ceux qui
l'accompagnent disent que Laxata vient voir ses enfants: Laxat ma quw gurona va'a . Ils
appellent aussi ses surnoms. Le gosona souffle dans sa hurra. Les guro-laxana sont à
l'intérieur des cases, la figure par terre. Les femmes crèvent de peur, n'osent pas bouger, Le
lakeyna repart ensuite à l'arbre d'où il était parti.
Les payna (et parmi eux les parrains qui ont des enfants en charge) vont en courant
chercher les nogoceyna et les amènent à l'aire d'initiation, en les tenant par la main (à partir
Une fois les guro-laxana en place, pendant que les payna continuent à frapper le sol
de leurs jafina et que les parrains se tiennent au-dessus de leurs filleuls, le lakeyna a revêtu
de nouveau le zamak*a. Il arrive accompagné de ses aides. C'est le sommet de l'ambiance.
Il fait le tour à l'intérieur du cercle, tout près des têtes des guro-laxana. Il fait ensuite un
autre tour mais cette fois en passant au-dessus des jambes des guro-laxana. Les parrains se
retournent alors et protègent les enfants avec leurs jafina, car les épines attachées à la queue
du zamak*a traînent sur les enfants (mais cette année le lakeyna n'était pas méchant; son
aide a toujours tenu les épines relevées). Ensuite le lakeyna repart.
Aussitôt arrive le sa ma kuna. Lui aussi fait un tour à l'intérieur du cercle et un autre
au-dessus des jambes des enfants. Il tient à la main une torche de pailles allumées et en fait
tomber des brandons sur le corps des enfants (s'il avait été méchant il aurait pu avoir un
bois enflammé duquel il aurait fait tomber des braises).
Ensuite les payna "giyam neqa" et s'arrêtent. Laxata va donner le nom à ses enfants.
Le sa ma gosona se tient un peu à l'écart de l'aire. A ce moment-là, le parrain demande le
nom pour son filleul: "vani" ley bo..."vani-be" su (où l'on voit qu'il s'agit du nom du filleul
auquel est ajouté un des suffixes de l'initiation: Be, Kero, Dandi; Sala; To*e).
Si le nom plait à Laxata, le sa ma gosona fait "hum, hum" avec sa hurra, et tous les payna
disent "kilew, kilew". S'il ne plait pas, le parrain renouvelle la demande avec un autre nom,
ainsi jusqu'à trois ou quatre fois.
Lorsque tous les noms des guro-laxana ont été imposés, les payna "giyama". Ensuite
les guro-laxana se mettent debout; on joue du tam-tam et ils font le tour du tam-tam trois
fois dans la position des initiés (cok dolla : la main gauche cachant la figure ils marchent en
dodelinant de la tête et des épaules; entre les doigts de cette main qui cache la figure ils ont
le morceau de tige de mil qu'on leur a remis au moment de les amener de chez le lakeyna à
l'aire d'initiation).
8. Entrée au guduk*a
On enlève le tam-tam; les payna conduisent les guro-laxana au guduk*a pour que
Laxata "remette ensemble leurs os" (jak zoksiya). Ils s'en vont gudo* gudo* (la figure
voilée de la main gauche, le corps penché en avant). Arrivés à l'enclos, on dresse le tam-
tam et on en joue. Les guro-laxana font le tour du tam-tam deux ou trois fois et rejoignent
leur guduk*a propre (si l'enclos est en brousse, le tam-tam, est dressé à l'extérieur de
l'enclos; s'il est près des cases, il est dressé à l'intérieur).
Après cette bolla, il fait le tour des payna et jette l'œuf par terre. Les payna s'en retournent
alors chez eux et les parrains restent auprès de leurs filleuls.
Au moment de quitter le saré familial pour être conduits à l'aire d'initiation, les payna
ont préparé et attaché une peau aux futurs initiés. C'est la peau traditionnelle attachée sur le
ventre et qui pend derrière. Les payna ont enlevé cette peau aux initiés soit le soir au
moment où ils les ont conduits à l'enclos pour la nuit, soit le lendemain matin.
Le matin à l'aurore les payna accrochent les peaux à leurs jafina afin de la ramener
aux parents des nogoceyna. Cela voudra dire que l'enfant est vivant et qu'il a passé la nuit
de l'initiation. Si la peau ne revient pas, l'enfant serait mort. On comprend l'anxiété des
femmes, des mères des enfants qui ont passé la nuit sans pouvoir dormir attendant ce retour
de la peau..
Les payna vont d'un saré à l'autre, les peaux accrochées à leurs jafina et toujours en
martelant le sol en cadence; ils commencent par les sarés importants: chef d'initiation, chef
de terre, anciens du clan...(les peaux des filleuls sont accrochées aux jafina de leurs
parrains respectifs). Quand les payna arrivent à un saré, les parents donnent des cadeaux
aux parrains: ceyna, suweyna, paana, dagalawna... et maintenant aussi de l'argent...Le père
de l'enfant (un autre s'il y a lieu, mais pas une femme) prend la peau et l'attache dans sa
case, ou dans la case d'un parent s'il n'est pas dans son saré. Les payna "giyama", la mère
explose de joie, on la porte sur les épaules, elle lance des arachides, du tabac, ce qu'elle a...:
na' giyam laxana, hal kulo ley, yak suwey goy ley...tuwa' firiya . Pour cette circonstance
elle est parée de perles, aux bras, au cou, à la poitrine.
....pendant que les payna passent ainsi de saré en saré, les femmes suivent de loin et se
mêlent à la joie générale.
(Les cadeaux ainsi reçus seront remis par les parrains au lakeyna, une partie cependant
restant au parrain).
La mère prépare de la bouillie que le parrain portera à son filleul. Le lakeyna se trouve près
de l'enclos et met dans la bouillie un morceau de suxulla (guwa sle'na). Le parrain donne la
bouillie à boire à son filleul et fait la bolla suivante:
En plus de cette bouillie (ou dans cette bouillie), on fait prendre aux guro-laxana du
suxulla: "Si tu livres le secret, tu mourras".. C'est évidemment cette peur du gunna, cette
peur de mourir qui fait que le secret est si bien gardé.
N.B.:Cette nuit n'est pas la seule. Elle est suivie de plusieurs autres, c'est par vagues
successives qu'on tue les guro-laxana. Durant ces autres nuits, les guro-laxana
sortent de l'enclos et participent avec les payna à giyam laxana. Les derniers "tués"
sont les tout jeunes enfants: la veille de Kus laxat ka jiya, on les envoie sur la
muqak*a vi laxana (simple passage) puis au guduk*a où ils passent une nuit et dès
le lendemain on les renvoie chez eux.
b) pendant un mois (à Buguda* cette année 35 jours) les guro-laxana vivront dans cet
enclos:
* nus,
* ils mangent abondamment; pour cette raison on choisit normalement une année
d'abondante récolte pour faire le laxana. On leur porte la boule le matin et le
soir et on fait de la bonne sauce: viande, poisson..., quitte à vendre du mil s'il le
faut pour la sauce. Cette nourriture est, dit-on, pour les payna car les guro-
laxana sont censés boire le lait de Laxata.
* ils ne se lavent pas, pas même les mains après les repas. On explique ici qu'il
s'agit d'une attitude de deuil: guro-laxana lakki lak ka jar mitna:
bay kali ka jiy pan, nisi may suqi qi...
(ils peuvent encore mourir, on peut les tuer).
bur ka budu ley, mus tuwsi qi ley.
* Ils gardent le regard à terre (sa sar kulo qi), du moins quand ils sont en
présence des payna .
diram tuni kayn kir sumay pa;
payna li kayn ki mulla vay nala:
sa saram kiram qi, tunum tuwamu.
- l'exercice des chants du laxana et de la danse dite dolla (marche dans la position
accroupie, main droite couvrant le visage, et en dodelinant de tête: le plus grand
marche en tête et le plus petit ferme la marche).
- les conseils à chacun des guro-laxana pour qu'il change sa manière d'être, de faire: s'il
était coléreux qu'il devienne doux, s'il était doux qu'il devienne coléreux, afin que:
boyn da ka* a la Laxat ka*iyawa hiya
ou Laxat muqa*awa *ali: sime' ma ja*a*u
(tu peux respirer, tu n'as plus peur de mourir)
A la limite ces gens risquent la mort: il faut au préalable l'accord des payna (nisi *ira
vunsiya) parmi lesquels se trouvent inévitablement "un père, un frère" du condamné.
Si la mort était décidée, c'est probablement parce que ces individus sont considérés
comme dangereux pour la société.
e) Guro-laxana ci pahna
Une quinzaine de jours environ après l'entrée en guduk*a, le matin de bonne heure, les
guro-laxana se rassemblent tous hay liy ma musna; ils s'assoient par terre, penchés du
côté gauche, la main gauche couvrant le visage (koqi ga'a).
Le lakeyna arrive à la porte de l'enclos, il appelle Laxata: "laxata", ils répondent tous
ensemble "pah, pah" deux ou trois fois (le lakeyna leur a appris leur rôle auparavant).
Le but de ce rite: les guro-laxana qui étaient morts, dont les os n'étaient encore soudés
(zok bay jaka), sont maintenant bien vivants: ils crient, ils mangent...Les femmes
entendent ce cri puissant, le matin tôt alors qu'il n'y a aucun autre bruit. Ils sont bien
vivants, leurs os sont ressoudés, elles les entendront de nouveau. De fait, à partir de ce
jour on leur apprend le kus dolla, le pir sey seyna (danse de sortie).
f) Les surnoms des guro-laxana. Chaque fois qu'un payna approche de l'enclos, il dit:
*if ma dama kayna, ou dogon ma nuka**a (= gor laxan ma *aana), ou asoli sawna,
ou nigida* gar qawna....,
ce à quoi les guro-laxana répondent: a doo, payn duku.
SORTIE DE L'ENCLOS
A- Préparatifs.
1. consultation du devin
Quelques jours avant le jour de sortie fixée par le lakeyna, celui-ci va consulter le
devin, pour que la sortie (kus laxana ka jiya) se passe bien. En effet, l'aire d'initiation a été
abandonnée durant tout le temps de la séquestration et des maux s'y trouvent peut-être, il
faudrait alors l'exorciser (sle' muqak*a). Le devin va alors prescrire un sacrifice (même un
mouton ou une vache).
2. préparation de la bière
Deux jours avant le jour de sortie, le lakeyna prépare de la bière de mil. (les anciens
peuvent lui apporter du mil, ou encore préparer de la boisson qu'ils lui apportent ensuite).
La veille il la met dans les genna.
Les parrains préparent les deux peaux que portent les guro-laxana à la sortie:
- la peau qu'ils porteront sur le dos pour "cacher leurs plaies non encore cicatrisées":
bak ma ka vun milik*a, bak ma *orra; les poils sont à l'intérieur sur le corps.
- ils ramènent la peau qui avait été apportée aux parents des enfants le lendemain de
l'entrée; on fait de cette peau une sorte de caleçon: attachée autour des reins elle est
ramenée devant, passant entre les cuisses.
A la fin de la nuit qui précède la sortie, ou très tôt le matin, les parrains apportent de
l'eau pour faire la toilette des enfants (on peut aussi les conduire directement au fleuve s'il
n'est pas trop éloigné). On leur enduit ensuite tout le corps d'ocre (cor slawi) (ciyna).
Même la peau sur le dos est enduite d'ocre. Le ciyna sur le corps leur donne un visage
d'outre tombe qui fait dire aux femmes:
"ils n'ont pas les yeux comme nous,
oui vraiment ils étaient morts."
Il rend les enfants méconnaissables, les fait tous rassembler, de sorte que les mères ne
pourront pas reconnaître leurs enfants, savoir si leurs enfants sont encore vivants ou si
Laxata les a perdus. On leur attache ensuite les peaux, leur donne un bâton qui les
soutiendra dans leur marche penchée en avant (gudo* gudo*)
1. libation de bière
Une fois les enfants préparés, on les laisse sous la garde de quelques payna, et ceux qui
veulent se rendent au muqak*a pour boire la bière préparée par le lakeyna. Le lakeyna
prend une genda et fait une bolla:
Laxata, Laxata,
nan yak doliyna vakawa, yak doliyna vakawa,
muqak nan tokom zown giy nan van qi;
Nagata, sa ma kali hay muqak tanna,
a nam xulak muqak xulakina,
sa nam Laxat banti ba!
Bagawna, Matn ma ci Laxatna,
guro-laxan nan marsi qown kuloni,
cata gi cik*i kamati hetta,
a la gor laxan kay bulum kayn *aa qina,
Laxat nak banti ba.
Bagawna, Low ma vu' sumuna, Matna, Mununda,
nana musi dam kuqak nak Mununda,
nan hokki doliyna viki qow gani
Ensuite il verse la boisson par terre en trois fois. Il prend alors les oeufs et fait la bolla:
Mat ma ci Laxatna,
nan sliki zenawa, Bagawna,
nan lum zown lawna va bunu,
nan li muqak ma' qi, muqak nan lum kep,
nan ciki zenisawa.
2- Kus dolla
Après avoir bu la bière au muqak*a, les payna se rendent aux guduk*a chercher les
guro-laxana. Ils mettent la dernière main à la préparation des enfants: peaux, couronnes de
plumes (ka*kala**a: ces couronnes, qui atteignent un mètre de hauteur, ont été préparées
durant la séquestration par les payna; là où l'on peut on emploie des plumes
d'autruche....autrement ce qu'on a: ga*gara**a, hak*a...).
On les fait alors sortir de l'enclos (ils ne ressortent pas par la porte mais on casse le
séko). Ils sont alors conduits au muqak*a. Pendant ce temps on brûle le séko (zak
guduk*a) (à certains endroits on l'a brûlé seulement le lendemain). Les bois ne sont pas
brûlés mais ils restent sur place; personne ne peut les prendre. Les payna, toujours avec
leurs jafina, "giyam *olo".
Les payna sont toujours en grand nombre autour. on leur donne à boire. On laisse
regarder les femmes, mais de loin (cela dépend aussi si le lakeyna est gentil ou non). A ce
moment les mères dont les enfants sont morts au laxana ne le savent pas. Les enfants sont
ensuite séparés par groupes de quartier ou de famille. Le lakeyna les asperge d'eau en
disant:
(Déjà au muqak*a certains groupes ont pu se détacher et être conduits à leurs quartiers; le
lakeyna a fait "yam niyna" à ce moment-là pour eux).
On a expliqué aux guro-laxana qu'ils doivent ignorer leur mère, leurs sœurs....Elles
sont d'ailleurs cachées à l'intérieur des cases la plupart du temps et sortent après le départ
du groupe. La tournée achevée, ils sont conduits à l'écart, sous un arbre. Ils posent leurs
plumes et les payna les brûlent.
Commence alors la période de semi-séquestration qui, traditionnellement, pouvait durer un
mois; cette période à été écourtée cette année (15 jours).
3- Put ma futuna
Le lendemain, les chefs de saré qui ont des enfants au laxana leur égorgent quelque
chose, selon leurs moyens: bœuf, mouton... il ne s'agit pas d'un sacrifice, mais d'une bête de
fête. On l'appelle put ma futuna parce que la boule qui accompagne cette viande est
préparée avec la farine apportée (ou envoyée) par les filles de la famille qui sont mariées
ailleurs. En retour on leur donne un petit morceau de viande. Si elles ne donnaient pas cette
farine, les initiés n'iraient pas ensuite faire la danse chez elles, ni ne mangeraient jamais
chez elles.
a) tilek ma yowna
Le même jour (donc le lendemain de la sortie) les payna tressent une sorte de petite
chicote de la longueur de l'avant-bras, appelée tilek ma yowna; ils remettent cette chicotte
aux guro-laxana. Et tous ensemble, avec les payna, ils vont les brûler en brousse le jour
même: bur hi' nam qi. Ils reviennent sous l'arbre et les payna leurs tressent alors les
longues tilek*a, appelées tilek ma fiyok*a.
b) tilek ma fiyok*a
Tout de suite les payna apprennent aux guro-laxana le maniement de cette longue
chicote qu'ils doivent faire claquer: ci tilek*a . Pendant l'apprentissage, chaque fois que l'un
d'entre eux arrive à faire claquer correctement sa chicote, c'est un hurrah qui sort de toutes
les bouches.
Les jours suivants, ils se répandent dans le village, armés de ces longues cordes
(matin, soir, mais aussi dans la journée) au moyen desquelles ils effraient les femmes. Pour
se déplacer, ils gardent toujours la position courbée. Ils se cachent derrière les sarés et
attendent les femmes qui doivent sortir.
Pendant ce temps il arrive aux guro-laxana d'investir un saré et d'y expédier des
paquets d'excréments ou encore de s'emparer d'un bébé, de le couvrir de tiges de mil et de
s'apprêter à le rôtir...car ils sont stupides (tiginiya); mais pour cette raison ils se déplacent
toujours accompagnés au moins de quelques payna qui les arrêtent avant qu'ils ne
commettent un acte irréparable.
Lors de leur déplacement, ils font la chasse aux poulets au moyen de leur longue chicote.
dogon nulokom nulok: par ces mots les guro-laxana signalent les vols: kul tukum qi.
Tout ce temps est pour les femmes un temps de terreur; elles ne peuvent pas sortir du saré,
sinon accompagnées d'au moins un payna. A noter cependant que les guro-laxana ne
doivent pas frapper une femme enceinte, ou encore une femme portant une cruche d'eau.
Dans ce dernier cas, par exemple, si la cruche que la femme porte se cassait, ce serait le
malheur pour l'auteur (nam hoxa).
Pendant ce temps, les guro-laxana sont toujours vêtus de leurs deux peaux. A la fin
de cette période, ils jettent ou brûlent les longues chicotes, ainsi que la bak ma vun
milik*a (qu'on dit présenter des traces de pus et de sang!).
Ils se débarrassent de leurs longues chicotes et de leur bak ma *orra le matin; l'après-
midi même commence le pir sey seyna (sey seyna = chant, en langage d'initié; c'est donc la
période des chants de réjouissance). Ils se revêtent alors d'une belle peau; s'attachent des
togoceyna aux mollets, s'ornent de perles autour des reins, au front et sur la figure, autour
Il fait ensuite entrer ses propres enfants, ou des parents, au saré indiquant ainsi que les
enfants peuvent rentrer chez eux.
Commence alors la tournée des sarés des enfants. Ils sont groupés par farana. Devant
chaque saré ils exécutent les danses de l'initiation et chacun se fait un devoir de les bien
recevoir, de les bien nourrir. Ils vont même faire la danse chez les parents éloignés. Peu à
peu, selon la volonté de chacun, ils rentreront chez eux pour le retour à la vie quotidienne.
Lorsque le temps est arrivé pour les enfants de rentrer chez eux, le lakeyna coupe la
plante médicament (suxulla) pour laver les yeux des guro-laxana a nisi mu' wi slena. Au
moment de se disperser il peut laver symboliquement les yeux d'un enfant.
Les guro-laxana sont invités à regagner leurs sarés, armés d'une tilek gabareyna que
leur remettent les payna (ils chicoteront les femmes avec). Arrivés au saré, ils doivent
recevoir une rééducation qui porte sur les gestes les plus élémentaires car ils sont censés
tout ignorer: maniement d'une hache, de la houe...choses du sexe (déjà pendant le temps du
pir sey seyna, il y avait eu de multiples preuves de leur ignorance du sexe. Dans les sarés
visités, on fait étendre une jeune fille par terre...mais les guro-laxana se couchent auprès
d'elle à l'envers...).
"Quand tu reviens, tu fais semblant de ne connaître personne, ni ta femme, ni
rien; tu ne sais plus coucher avec ta femme".
Les Payna sont donc chargés de leur apprendre à travailler...etc...Ils ont tout oublié!
Ce temps de rééducation terminé, on dit guro-laxan muqi wi'e. Ceci vaut aussi pour la
langue: au début ils mêlent la langue de l'initiation et le masa. Ils sont devenus des payna. Il
ne leur reste plus qu'à offrir un coq à leur parrain pour se protéger d'une sorte d'interdit: a
por xalamu, sle' tuwamu.
Le métier de lakeyna est très dangereux. On dit même qu'il peut mourir dans l'année qui
suit l'initiation. Pour se protéger, il a donc consulté au préalable les devins, a fait des
sacrifices...etc. a pul tuwamu.
CHANT DU LAXANA
Ces chants sont composées dans la langue du laxana. Ils reprennent les mêmes thèmes,
exprimés comme suit par notre informateur:
Cat kow, nisi *ula' a la na' kayn looto; nogoceyn kow, nisi *ulum a la nam kayn
sisa, sis ka fukuney *ek* nala; payna, nisi a la kayn xasusina, nisi kotom
tuwamu, dum law ma *aana valamu.
Il existe un chant du laxana, celui-là qui est repris aux tok*a, qui porte le nom de "laxana"
("le" laxana comme il y a "le" magana, "le" he-hena, "le" dap galina..). Il est repris par
tous les groupes d'initiés à travers le pays masa alors que les autres chants de laxana sont
propres à chaque groupe qui les composent durant le temps de séquestration en guduk*a,
une fois que la langue secrète commence à être maîtrisée (maîtrise toute relative, semble-t-
il).
Transcription du chant dit laxana (à préciser)
Se se se ma to*e gone
kunoke, kunoke coleyna
gone soleyna
se se se ma to*e gone
kunoke siqaw qi
gone soleyna
se se se ma to*e gone
payna, payna ma dukuna
gone soleyna
se se se ma to*e gone
nugutu ma hebete*
gone soleyna
se se se ma to*e gone
ne*kere nogocey
gone soleyna
se se se ma to*e gone
nogocey namnamak cisala
gone soleyna
kunoke = guro-laxana
nugutta = femme
namnamak = tête
cisala = sisa (puer)
Le sorcier mâle
Au moins une fois par mois il se rend la nuit en brousse et il se couche dans un
endroit sans herbe, car il craint la rosée. Là il se transforme en monstre sans tête ni
membres. Ensuite il redevient normal et il court (vole) en brousse, nu, en faisant jaillir des
étincelles de feu par la bouche et les aisselles. S'il rencontre quelqu'un il lui fait peur. Il ne
veut pas que les gens le voient. S'il s'approche d'une personne il a le pouvoir de lui envoyer
des insectes (burumna, *evrek*a) pour l'aveugler. Il attaque l'homme, et s'il est plus fort il
le tue. On trouvera alors le cadavre la langue dehors.
Si le reyna vous attaque, vous prenez de la terre et la jetez contre lui. Il reprend alors
sa forme humaine et vous suit en vous suppliant de lui jeter encore de la terre ou un
cailloux. Si vous obéissez il va tout tenter pour vous tuer, parce que il croit que vous le
dénoncerez. Si vous ne lui obéissez pas, il vous suivra jusqu'à chez vous. Il se met alors
devant la porte et vous appelez des gens pour le voir. Ensuite vous lui jetez la terre et il
part avant qu'il soit jour. S'il arrive le jour il meurt.
Le sorcier femelle
La sorcière femelle possède dans son ventre un oiseau: cikcik*a. Quand elle veut
l'envoyer sur quelqu'un elle dit aux autres qu'elle est malade et rentre chez elle. Elle envoie
alors son cikcik*a. Quand celui ci arrive sur une personne endormie, couchée sur le dos, il
tombe sur son ventre et lui enlève le foie. La personne meurt dans l'année, car le reyna te
prend l'âme (va* *usa*u, pum ga'a).
Si quelqu'un rêve qu'un reyna lui a pris l'âme, toute maladie qui arrive est attribuée au
reyna. Il y a danger de mort seulement si le reyna mange la tête ou le cœur de sa victime.
Si quelqu'un rêve qu'un tel est en train de lui manger l'âme, il va chez lui le matin très tôt,
lui donne quelque chose (du tabac par ex.). Le reyna lui jette de l'eau pour le purifier (yam
niyna) et lui dit "ce n'est pas moi qui veut te faire du mal, c'est la chose qui est en moi".
Un reyna qui a pris l'âme d'une personne va l'enterrer. C'est alors l'homme qui
possède un fulla qui peut la déterrer. S'il la trouve le fulla la voit et parle, ce n'est pas son
propriétaire. Il prend une calebasse avec de l'eau, il creuse un trou à l'endroit où l'âme est
enterrée, prend l'âme et la met dans la calebasse. Il tresse une corde avec de la bolda
(chanvre) et la met dans l'eau. Si la corde bouge, l'âme est encore vivante, son propriétaire
peut être sauvé. Il doit alors s'attacher la corde au bras. Si la corde ne bouge pas, l'âme est
pourrie, son propriétaire va sûrement mourir.
On naît reyna quand les parents sont reyna. Il y a des gens qui deviennent reyna parce que
ils ont trop cherché des guna (médicaments), mais ils ne jettent pas du feu.
On peut attraper un cikcik*a avec un mortier. Son propriétaire viendra le chercher le matin
en disant qu'il doit piler du mil.
Si le reyna trouve qu'un homme est trop fort, il peut lui envoyer un serpent qui le morde. Sa
victime sera ainsi affaiblie et le reyna peut agir.
Mon informateur a commencé son récit de cette façon, un peu solennelle, parce que comme
on va le voir par la suite il a été accusé lui même d'être sorcier. Ainsi tout au long de son
récit il a revécu son drame.
Les reyna font du feu avec leur corps la nuit, c'est un feu qui clignote. Les gens discutent
beaucoup au sujet de ce feu: comment ce feu peut-il brûler sans brûler le corps du reyna?
Comment ce feu peut-il brûler s'il n'y a pas de combustible?
Ainsi cela veut dire que c'est Dieu qui a donné au reyna le pouvoir de faire du feu.
Si tu vois la nuit, un homme avec du feu ainsi, dés que tu t'approches de lui, le feu
disparaît. Si à ce moment, tu attrapes le reyna, il te dit:" ne dis rien, (pa* law nam haya*
kalafi) enterre cette parole dans ton ventre, je ne te ferai rien".
Luc me dit qu'il a souvent vu ainsi des feux la nuit, mais que jamais il ne s'est approché
pour voir s'il y avait un homme qui provoquait ce feu. Il y a beaucoup de feux semblables
en saison des pluies, surtout dans les plaines humides.
Cik-cik*a
Note
Le chef de canton Dapsia a fait alors une enquête très approfondie sur ses parents,
grands parents, paternels, maternels, dans leurs villages d'origine, en demandant à
tous les vieux. Il a fait aussi une enquête auprès de µoney, la femme chrétienne qui
l'avait accusé. Il s'est renseigné pour savoir si Luc avait voulu coucher avec elle et
qu'elle ait refusé. Il a demandé aussi s'il y avait des palabres entre leurs familles.
Comme toutes ces enquêtes n'ont eu que des résultats négatifs, le chef en a conclu
que Luc n'était pas reyna. Après que Dapsia eut rendu son jugement, la famille de
µoney, ainsi que celle d'Antoine Vu'su, le mari de µoney, dirent qu'il n'était pas
reyna.
Aussitôt accusée, Ja*karge yam busuwa'a, asperge de son sang la famille de Dersu;
et avec son mari, ils font l'ordalie, devant Liysu, le chef de terre de Buguda*. Et puis
tout le monde a attendu....4 ans!
Quelques mois après, en 1981, le 2ème enfant de Zillina, une fille de 9-10 ans tombe
malade à son tour et meurt. Les gens disent encore que c'est toujours la même
malédiction. En février 82, Zillina a mal à l'œil gauche et devient borgne.
Actuellement (nov. 82) le 3ème enfant de Zillina est malade à son tour. Le devin
consulté à plusieurs reprises, a demandé a Zillina de payer à Dersu 10 vaches et une
jeune fille. Mais comme Zillina n'a pas les moyens et qu'ils sont demi-frères, il va
payer: 3 vaches réelles, 7 vaches modelées en terre et 6 chèvres. Si cette affaire se
traitait entre ennemis il devrait payer 10 vraies vaches. Actuellement toutes les
vaches ne sont pas encore trouvées. Zillina vient de déménager une 2ème fois après
s'être séparé de Dersu, dès le début de cette histoire.
Le 3ème enfant de Zillina est guéri. Zillina et Dersu ont tué la vache de la
réconciliation, ce qui veut dire que l'amende a été payée et que tout est arrangé entre
Accusation et ordalie
Si tu es malade, tu penses à ces gens là (reyna), et le rêve te dit que tel homme ou
telle femme t'a mangé. Réflexion personnelle de Luc: le rêve t'est donné par les mauvais
esprits (Fuliyana).
Tu dis donc à cet homme: le rêve m'a dit comme cela. Si cet homme est vraiment
reyna il te dira: tu ne mourras pas, je ne te tuerai pas, la chose ne te fera pas. Si tu guéris,
tous les gens verront que cet homme est reyna et qu'il peut rendre malade et aussi guérir les
gens. Si tu meurs, les gens auront deux pensées: peut-être c'est cet homme qui l'a tué, peut-
être c'est la maladie qui l'a tué.
Si cet homme n'est pas reyna, il va inciser son bras pour faire couler son sang et il
asperge son sang (yam busuwamu) sur ceux qui l'accusent en disant: Ma da* lawna vanu,
mi busuwanu . C'est mon sang qui te dira ma parole. Si cet homme ne fait pas couler son
sang pour asperger ses ennemis, il fait une ordalie, à Barata (termitière), devant le sa ma
fulla (gardien d'un esprit), devant le Bum nagata (chef de terre).
Cet homme peut également faire les deux rites. Les deux rites terminés tout le monde
attend de voir ce qui va arriver.
Parfois on torture celui qui est accusé parce qu'il ne veut pas avouer qu'il est reyna et
donc il ne veut pas faire les rites qui guériront le malade.
Tortures: piment dans les yeux, supplice de la "baignoire", on serre la tête avec une corde
et un bâton qu'on tourne sur lui-même etc. Certains meurent sous la torture sans avoir
avoué.
De même que parfois on harcèle jusqu'à ce qu'il parle, le malade qui ne guérit pas et
qui ne veut pas dire si le rêve lui a dit le nom de celui qui l'a mangé. Certains reyna avouent
mais disent qu'ils ne l'ont pas fait seul et qu'ils ont donné la tête à manger à un autre reyna;
ce dernier est attrapé et on l'oblige à parler et si besoin est, par la torture.
Lorsqu'un reyna en accuse un autre il y a parfois des discussions de ce genre: "Je ne l'ai pas
mangé seul, je t'ai donné la tête". "Ce n'est pas vrai; tu m'as donné la tête quand?" etc.
Le vrai reyna ne fait pas couler son sang et ne fait pas d'ordalie. Quand le reyna a avoué, on
le relâche après qu'il a aspergé d'eau le malade en lui disant qu'il ne lui ferait plus de mal et
qu'il allait guérir.
Entre alors en fonctionne le déterreur d'âmes qui va chercher l'âme avec une calebasse dans
laquelle il y a un peu d'eau parce que l'âme immergée dans l'eau semble moins volatile.
Luc et beaucoup de gens pensent que le reyna ne cherche pas ce travail, mais que
c'est Dieu qui lui impose ce travail. Le reyna fait ce travail (le feu la nuit et manger les
hommes) en état second, comme s'il était possédé. S'il était conscient (yalam de*ka) il ne
le ferait pas. C'est comme un homme qui s'est saoulé, qui fait des bêtises et qui par la suite
le regrette.
Ce n'est pas le cikcik*a, mais le sorcier qui "mange les hommes" (mut sumu); pour
cela, il lui faut "s'emparer des âmes", "les prendre" (vi *usna); cette prise des âmes est le
fait soit du sorcier, soit de son cikcik*a qu'il envoie (gi) à cet effet; le sorcier peut aussi
envoyer son cikcik*a porter de la "viande" à un autre sorcier, parfois à 20 km de là. Une
fois sa mission accomplie, le cikcik*a réintègre le ventre du sorcier.
Malgré la maxime, sur laquelle nous aurons à revenir, qui assure que l'anti-sorcier "le
déterreur d'âmes, est lui-même sorcier" (sa ma pat kayn, rey ley) il ne semble pas que la
sorcellerie chez les Masa, ait un caractère ambivalent, tantôt maléfique, tantôt bénéfique.
La sorcellerie est toujours mauvaise parce que malfaisante, mais il semble y avoir des
degrés dans cette malfaisance; que l'on en juge par ce passage d'une bolla de Diniya, chef
de terre de Magaw, prononcée en octobre 1973:
Terre, Nagata,
le sorcier qui va jeter du feu rey ma foki qow, na ka jaka
derrière l'enclos d'un autre vi niramna, tikeqa
ne le laisse pas (=tue-le) nak ram qi!
Le sorcier qui va jeter du feu en brousse rey ma fok qow, tike' ka fulu,
puis rentre chez lui hotiya vo valamu:
qu'il reste en paix, hiqa sleqe,
rien ne lui arrive! va lum qi.
La question se pose donc de savoir si le sorcier garde ou non une certaine maîtrise sur
la sorcellerie qui l'habite, s'il peut ou non la canaliser, l'endiguer, s'il peut choisir de jeter du
2. Origine de la sorcellerie
L'opinion la plus répandue et, sans doute, la plus traditionnelle est que " la sorcellerie est
chose qui vient de Lowna" (reyt va vi Lowna). C'est lui qui "pose" (tun) en quelqu'un la
sorcellerie. On naît sorcier, on ne le devient pas.
Selon une autre version, la sorcellerie serait héréditaire. Mais cette hérédité n'est pas
inéluctable: ce n'est pas parce qu'on naît de père sorcier ou de mère sorcière, qu'on est
automatiquement soi-même sorcier. Cette opinion ne semble donc pas incompatible avec la
précédente, mais elle se juxtapose à elle en tant qu'elle semble poursuivre une ligne
d'explication physiologique. Selon cette opinion, en effet, "le sorcier, son sperme est
également sorcier" (sa ma reyna, vatuwam rey ley). Ce sperme sorcier une fois pénétré
dans une femme peut être la cause qu'elle engendre un sorcier même si cet enfant, lui, naît
d'une union avec un non sorcier; on dit alors: "sa mère a dû coucher avec un sorcier" (ma
fum sulum buri hi' sa ma reyna)
Une troisième opinion, récente, dans la mesure où elle semble le fait de certains
adeptes des religions chrétiennes, n'en vaut pas moins d'être rapportée. Selon cette opinion,
"la sorcellerie est chose qui vient de Matna" (reyt va va Mati). C'est Matna qui donne la
sorcellerie en "posant sa main sur l'abdomen de l'enfant" (tun xalam ka vun dik gorra) dès
sa sortie du sein maternel.
Les sorciers (rey) constituent un monde secret qui opère la nuit. Cependant ils
s'extériorisent de diverses manières qui sont, pour les non-sorciers (mayenna), autant de
manifestations de la présence et de preuves de la réalité de la sorcellerie.
a) le cri du cikcik*a
Nous avons déjà parlé du cikcik*a que le sorcier abrite dans son ventre et qu'il peut
"envoyer". C'est de nuit que le sorcier envoie son cikcik*a et ce n'est
qu'exceptionnellement qu'un non-sorcier le voit; par contre, il entend son cri auquel il
répond par des hurlements pour l'éloigner, car la présence du cikcik*a est perçue comme un
mauvais présage.
La brousse est le lieu des sorciers qui s'y rendent, la nuit, pour illuminer et pour "manger
les âmes" qu'ils ont prises. Mais le non-sorcier est bien obligé parfois, lui aussi, de
traverser la brousse de nuit. Il peut alors rencontrer des sorciers, les reconnaître. C'est
précisément pour éviter d'être reconnus ou même aperçus d'eux que les sorciers "envoient
des insectes" (gi puppurina) au visage des non-sorciers, dans le but de les aveugler et de
les égarer.
C'est dans sa littéralité qu'il faut entendre ici l'adjectif "perçant". Le sorcier a la propriété
"par son simple regard d'ébrécher des objets" (nam ka slena zi' iram hawaa), de trouer des
vêtements. Selon que son "chiffre" (*af) est mâle ou femelle, le sorcier d'un simple regard
ébrèche une calebasse, par exemple, en deux ou trois endroits, perce un vêtement, peau
traditionnelle ou tissu moderne, en deux ou trois endroits. Cette propriété est présentée, elle
aussi, comme une force incontrôlable: "cela m'a échappé", dit le sorcier.
e) Le dehele**a du sorcier
Le sorcier ne semble pas exempt de sentiments: non seulement il connaît la honte mais
aussi la douleur. Ainsi il peut prendre auprès des autres sorciers la défense d'un frère ou
d'un ami: "c'est mon frère, c'est un ami, qu'on ne lui fasse rien" (mi xasunna, mi bananna,
sa lum qi); si ses interventions restent vaines, il "pleure la mort" (tiya) de l'être cher. Ces
pleurs peuvent être entendus des non-sorciers et l'on sait alors à quoi s'en tenir: "un homme
a pleuré cette nuit, il s'est passé quelque chose" (sa tiy henjeni, law ka liya).
C'est le rêve (duweyna) qui permet de découvrir les sorciers. Se voir, en rêve, poursuivi par
quelqu'un, menacé par lui d'une arme de fer ou précipité par lui dans un puits est un motif
suffisant pour porter contre lui une accusation (yak) de sorcellerie: "le rêve m'a parlé; ton
ventre est contre moi" (duweyn danu; nak hayak ka tanu).
Que celui qui a rêvé tombe malade et l'accusation se vérifie. Si le rêve est le fait d'un
malade, l'accusation ne laisse pas de doute, Et, à tout malade, son entourage demande:
"est-ce que le rêve t'a parle?" Le rêve peut aussi parler à quelqu'un de l'entourage du
malade. Cependant le rêve lui-même, peut être faux accusateur, car le sorcier a le moyen de
dévier le rêve, de le dérouter pour qu'un autre soit accusé à sa place; en rentrant de brousse,
après son festin nocturne, le sorcier pénètre dans un enclos autre que le sien et là "se lave
les mains" à la porte d'un non-sorcier; grâce à ce procédé le rêve accusera ce non-sorcier à
la place du sorcier. L'expression "le sorcier se lave les mains à la porte d'un non sorcier"
(reyn musa xalam ka vun mayenna) est devenu un proverbe qu'on emploie lorsqu'on est
victime d'une fausse accusation.
Il importe donc de garder vis-à-vis du rêve une certaine circonspection et c'est à quoi
invite aussi le proverbe suivant, sur lequel nous aurons à revenir: "le rêve (accusateur de
sorcellerie), qu'on n'en parle pas devant la tombe" (duweyn, da ka vun zulti qi).
Le rêve ne constitue pas une preuve et de là, découle une "manière" bonne ou
mauvaise, tant de porter l'accusation que de la recevoir. De part et d'autre, l'arrogance
semble particulièrement à éviter, car elle provoquerait immédiatement la violence.
« La sorcellerie, je ne l'ai pas achetée au marché, je ne l'ai point trouvée de jour, c'est
Lowna, mon père, qui l'a posée en mon ventre. Mais si c'est moi qui mange un tel, il se
rétablira, je vous assure ».
Il s'agit d'une confession et en même temps, d'un exorcisme qui a pour but d'annuler
les effets de la sorcellerie. Après une telle confession, l'accusé ne sera pas davantage
inquiété. Si le malade guérit, il sera même plus ou moins réhabilité: "même s'il est sorcier,
sa sorcellerie n'est pas mangeuse d'hommes" (la li rey kowna, reyna valam mi rey ma
mut sa qi).
Même si le malade mourait, le sorcier qui s'est amendé (ham), ne serait guère inquiété, tout
au plus serait-il insulté et frappé par les femmes, parents du défunt, qui viendront le
pleurer.
On a vu plus haut que le rêve ne constituait pas une preuve, mais une forte présomption de
culpabilité. C'est à l'accusé de faire la preuve de son innocence et le seul moyen en est le
recours, par l'ordalie, à un jugement supra-naturel. Il y a plusieurs formes de gunna, chez
les Masa. et seule la parole (bolla) qui l'accompagne permet de savoir quand ce mot gun est
susceptible d'être traduit par ordalie. Quand il s'agit d'une ordalie, le gunna s'accompagne
du serment suivant:
L'accusé jette alors le gunna qu'il tient en main sur ou en direction de son accusateur. Ce
gunna peut être soit de la terre: "il jette de la terre sur lui" (cuk nagan ni*amu), soit du
sang: "il asperge son sang sur lui" (yam busuwam ka talamu) après s'être ouvert un
vaisseau de la jambe; ce peut être aussi de ses excréments que l'accusé jette sur son
accusateur ou à l'intérieur de son enclos...Quel que soit l'élément matériel du gunna, ce
n'est pas lui qui manifeste l'ordalie, mais bien le bolla dont nous venons de parler et qui
nécessairement doit contenir une sentence (c'est sans doute le mot à employer, car l'ordalie
est efficace) de mort pour l'accusé s'il est coupable, pour son accusateur s'il est innocent; le
juge supra-naturel auquel on s'adresse est aussi le bourreau, exécuteur de la sentence.
Par l'ordalie, celui qui est accusé de sorcellerie s'en remet à une justice supérieure et
infaillible. Cela signifie aussi que l'accusateur ne peut se faire justice à lui-même. Des
proverbes, que l'on peut considérer comme de véritables articles de code, semblent bien
eux aussi, avoir pour but d'arracher ce domaine de la sorcellerie à la terrible loi du talion:
Ce proverbe, que nous avons déjà rencontré, signifie qu'une accusation de sorcellerie
n'est recevable que durant le temps de la maladie; après la mort, il est trop tard. Le
proverbe suivant est encore plus clair et réduit encore un peu plus ce temps où une
accusation de sorcellerie est recevable.
A s'en tenir à ces proverbes et à leurs commentaires, la poursuite pour sorcellerie n'est
acceptable que tant qu'il existe un espoir d'arracher le malade à la griffe du sorcier.
"Le déterreur d'âmes est lui même sorcier" (sa ma pat kayn rey ley): à s'en tenir à cette
maxime, que nous avons déjà citée, il faudrait distinguer une sorcellerie "mangeuse
d'âmes" qui se saisit des âmes et les enterre pour les manger, et un sorcellerie "déterreuse
d'âmes" dont la spécialité est de rechercher les âmes enterrées pour les restituer à leur
propriétaire. Cependant, il nous semble préférable de parler de sorcellerie et d'anti-
sorcellerie.
Nous avons vu plus haut qu'on ne devient pas sorcier, on naît sorcier. Par contre, on ne naît
pas déterreur d'âmes, on le devient grâce à ce contact avec le monde invisible que constitue
l'état de folie (guru'). Selon la conception masa, le fou (sa ma guruqiya) est un possédé; il
est "agité par les esprits" (fuliyan lumu) ou par un esprit particulier. Quand la tranquillité
lui est rendue (lobom cuki ca), l'ex-fou conserve de ce contact avec le monde invisible, la
"clairvoyante" (villa) qui le qualifie pour la divination et parfois aussi un lien particulier
avec l'esprit qui l'a agi et qui fait de lui comme le "cheval" de cet esprit. Les déterreurs
d'âmes, hommes ou femmes, sont d'ex-fous; parce qu'ils ont la clairvoyante, ils exercent la
fonction de devin (sa ma yow greyna) et peuvent discerner dans leurs figures
géomantiques que l'âme d'un tel est enterrée; parce qu'ils sont les chevaux des esprits qui
les ont agités, ils exercent en outre, la fonction de déterreur d'âmes (sa ma pat *usna); ce
sont les esprits qui les chevauchent qui les conduisent là où les sorciers ont enterré les
âmes qu'ils s'apprêtent à manger.
Pour s'adresser au déterreur, il faut d'abord que le devin ait diagnostiqué que l'âme d'un tel
est enterrée. Quand ce diagnostic est le fait d'un devin qui n'est que devin, les consultants
doivent alors aller chercher un déterreur d'âmes.
La troupe revient alors à son point de départ, près du malade. Reste alors au déterreur
d'âmes à restituer au malade son âme et à nommer les autres âmes qu'il a déterrées. Il prend
dans la calebasse l'âme du malade, la lui place dans la bouche et la lui fait avaler au moyen
d'une gorgée d'eau; puis il lui verse un peu de cette eau sur le front et sur le ventre. Suit un
minutieux examen des âmes que contient encore la calebasse. Ce n'est pas toujours le
déterreur qui en nomme les propriétaires, car parfois "il ne voit pas bien", d'autant que, le
plus souvent, les âmes qu'il a déterrées, ne sont pas complètes, il n'en reste que la "tête" ou
un "bras", une "jambe"...Le déterreur progresse alors par hypothèses successives: "ce doit
être un homme..., grand..., rouge...et c'est souvent l'auditoire qui avance des noms. Les
âmes ou ce qu'il en reste, sont restituées à leur propriétaire de la façon décrite ci-dessus. Si
le propriétaire d'une âme déterrée était absent, en voyage par exemple, le déterreur irait
verser l'eau de la calebasse et l'âme qu'elle contient dans la case de son propriétaire.
Les Masa n'ont qu'une expression:"enlever le miel" (pat yumna) pour désigner le
ramassage du miel qu'il s'agisse de cueillette de mil en brousse ou de récolte de miel dans
des pièges à abeilles posés à cet effet. Le ramassage du miel est un travail réservé aux
hommes.
Les Masa posent dans les arbres des pièges à abeilles. Ces pièges sont de trois types:
On enduit l'intérieur de ces pièges de cire (diyak*a) pour appâter les abeilles. La pose des
pièges à abeilles est un travail d'homme.
Aux pièges est accroché un "sortilège" (gunna) contre les voleurs. Ce gunna de pois de
terre (suweyda) est un avertissement au voleur car chacun sait que la transgression de ce
gunna entraîne la mort du transgresseur.
La pose d'un piège à abeilles donne lieu à un rite: celui qui pose un piège à abeilles, doit
faire un rite ( sa li kolo**, li qifini) qui consiste en une offrande de mil grossièrement
moulu (branja**a ou *ubu*ubuna); cette offrande s'accompagne des paroles (bolla)
suivantes:
La récolte du miel de ces pièges est un travail d'homme. Elle se fait de nuit et selon la
technique utilisée pour la cueillette du miel de brousse i.e. en enfumant l'essaim. Elle est
l'occasion d'un rite d'offrande des prémices de ce miel à l'esprit de l'arbre où est posé le
piège. En jetant sur le tronc de cet arbre un peu de miel, le propriétaire dit la bolla suivante:
2. Sa consommation
interdit de consommation
3. Offrandes
D'offrande avec du miel, nous n'en connaissons d'autre que celle décrite ci dessus (§ 1.).
Par contre, la cire (diyak*a) entre dans des offrandes, à Yeyta en particulier, à Matna
également.
4. Proverbes
- C'est l'abeille qui fait son miel et c'est elle qui le boit
(yum si mul mulla valamu, kowna nam kot cumu).
sens: celui qui se donne de la peine, c'est à lui qu'elle profite. D'où le surnom: "yum ma ci
mulamna": abeille qui boit son miel.
sens: Par ta faute (gourmandise, démesure), ce qu'il y a de meilleur: le miel, peut mal
passer (slaxa*u) et te rendre malade. A plus forte raison, méfie-toi que ton
comportement n'excède les plus patients, les plus doux.
P. Jean Goulard
Introduction
1. C'est volontairement que nous ne parlons pas de "clans gumay" mettant ainsi en question
l'existence d'un groupe gumay mais nous réservons à un autre lieu cette discussion.
2. Ces notes se réduisent à une nomenclature de clans (la liste n'est peut-être pas complète)
que nous regroupons en Gurfey, Rikasa et non-Rikasa. Cette nomenclature peut servir de
cadre à une enquête plus approfondie. En particulier, il faudrait rechercher à propos de
chaque clan:
c) les gilena du clan (on les trouve dans les chants, en particulier dans les paroles du
magana).
les injures ou moqueries qu'on lui adresse;
les sumalla vi guroboyna: les filles d'un clan ont une litanie qui leur est propre et
qu'elles emploient en certaines circonstances: surprise, déception...
n.b. La langue de ces gilena, injures et sumalla est très complexe (vieux masa?) et les
informateurs eux-même ne semblent en comprendre le sens que globalement sans
pouvoir rendre compte de chaque mot.
I. GURFEYNA
- Ancêtre: Gurfey
- Implantation: Gurfey (près de Baha).
Selon la tradition, les Gurfey sont les premiers occupants du pays Gumay; ils étaient là
avant l'arrivée de Rikasa.
La bêtise des Gurfey est légendaire; ils ne voient pas plus loin que leur bout du nez; après
s'en être servis, ils jettent la meule à l'eau...Bien sûr, le lendemain ils ont faim; pour aller
récupérer la meule au fond de l'eau, ils se font des cothurnes de terre cuite et, les uns après
les autres, périssent noyés. De là l'injure: tikini ki Gurfey nala.
L'histoire de Rikasa suit en gros le schéma qu'I. de Garine donne en p. 20 pour les mythes
de l'ancêtre fondateur (1).
1) Les Tuyor-ra
2) Les Berwe-na
3) Les Slariyaw-na
4) Les Kumi-na
5) Les Gurmu-na
- ancêtre: Rikasa
- implantation: Gurmu (près de Malam)
- propriétés magico-religieuses: ils ont Dapka**a
- ancêtre: Rikasa
- implantation: Keqete (près de Ursi)
- propriétés magico-religieuses: ils ont Dapka**a.
7) Les Baha-na
- ancêtre: Rikasa
- implantation: Baha (près de Ursi)
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla: Vandeyna, dont le gunna se fait avec cinna
(tamarinier). Le sa ma da fulla actuel est un nommé Ramdu du village de Durkusu, près
de Mulku. Ramdu est "domona" des Bahana qui ont cédé leur fulla à un de ses ancêtres.
On retrouve la même chose pour le fulla des Huwa**a, autrefois propriété des Dokeyna.
8) Les Goh-na
- ancêtre: Rikasa
- implantation: on en signale à Slumarey, près de Magaw
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla:....?, dont le gunna se fait avec cinna.
L'actuel sa ma da fulla est un nommé Jutu du village de Goliho (près de Magaw)
9) Les Tufura-na
- ancêtre: Rikasa
- implantation: Tufura
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla qui rend fou (gurqa*u). Il a sa case,
comme Duniyata...
- sumalla: Tufura! giya jusu! bato*e kurti firi! toy qi gaya vun dakali !
(............................................................patte de buffle énorme!)
10 Les Durfa*-*a
- ancêtre: Rikasa
- implantation: Durfa*
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla: ful biwna, du nom même de la plante
(biwna: Pseudocedrela kotschyi) avec laquelle on fait le gunna; il provoque une éruption
de boutons (tuwa* cuk ki narmey naa)
- ancêtre: Rikasa
- implantation: Bakimalaram, Hirim, Mulku, Gam-masa
13 Les Marbala-na
- ancêtre: inconnu; ils seraient arrivés à quatre: les deux frères Golo et Yaku et les frères
Widaka et Sumay
- implantation: Gulmun
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla: Bere; sa ma da fulla: Fa*arge, chef de terre
de Gulmun.
- sumalla vi guros boyna: Gulmun, Marmat ! dapa put buseyt bur ka budu'u (...la peau de
la vieille vache est couchée à terre)
19)Les Kuma-na
- ancêtre: ...?
- implantation: Kayam (entre Kuma et Durfa*)
- propriétés magico-religieuses: ils peuvent parler au lion (slon hum ka vunsiya)
Notes
b) le gunna prend (vi) b) le devin voit que c'est tel fulla qui a pris
e) il fait yam niyna avec une bolla e) il fait yam niyna avec une bolla
1. Histoire.
Autrefois, ça n'était pas un marigot. Voici comment naquit Kitim: un taureau, propriété
d'un Hua* (mulam mi sa ma hua*i), attira l'attention de son propriétaire: en pleine saison
sèche, alors qu'il n'y a plus de points d'eau, le taureau refusait de boire au puits avec le reste
du troupeau...
Le propriétaire décida donc d'épier le taureau; perché sur un arbre, il s'aperçut que
chaque jour le taureau s'éloignait du troupeau et, en le suivant, se rendit compte qu'en un
lieu donné, le taureau écartait des nénuphars et, sous ces nénuphars, il y avait de l'eau à
laquelle se désaltérait le taureau... L'homme revint le lendemain et trouva cet endroit
recouvert d'eau: Kitim était né, et le propriétaire du taureau en devenait le "maître".
Mais un jour de danse (bolla), le Hua* "maître" du marigot échangea Kitim avec un
Gala**a contre une peau (bak*a):
- Chaque année, au mois où le taureau découvrit Kitim, les Gala**a consultent le devin,
pour connaître celui d'entre eux qui présidera à la pêche; selon la conception qu'ils en ont,
c'est Kitim lui-même qui, à travers la divination, désigne celui qui fera son "sacrifice":
- Celui qui en a reçu la charge, doit d'abord "ramasser (tar) le tabac de Kitim. Il passe dans
tous les sarés de Tufura, de Hua*, de Magaw et reçoit du tabac. A Magaw, on lui donne
aussi un mouton: $u dimina qu'il amène à Tufura, chez lui; là il le tue (*at) avec la bolla
suivante:
Kitim ! nak ki golo*ka vanu
nan gusak baki, nan gusak ki Hua**a;
nak, qifinak vayt kanu;
- Le lendemain de ce jour, a lieu la pêche de Kitim: le responsable de Kitim et les siens (les
Gala**a) ne se rendent jamais directement au marigot, ils font toujours un crochet par
Hua*, "comme s'ils disaient: c'est vous qui nous avez donné la chose, nous ne passons pas
par dessus vous". Les Hua**a leur offrent un repas. Après quoi, ils se rendent à Kitim
pour "gi vunna". Le responsable et les siens font plusieurs fois le tour de Kitim (*uy ta ta
ta...). Puis s'immobilisant, le responsable lance une sagaie dans l'eau: "Yagan kalamu,
nam kusum golo*o". Alors seulement la foule qui attend la pêche peut descendre dans
l'eau à sa suite.
N.B. Avant ce rite, on peut boire et se baigner dans Kitim mais tout objet qui tombe à l'eau (bâton, caleçon...)
ne peut être ramené à la maison sinon, "niyn ma ga si qowna, naga na'ta la wa qi"; ces objets ne seront
pas volés, d'ailleurs, car la terre du voleur deviendrait stérile (de même si quelqu'un s'avisait de voler le
jour de la pêche - cf. bolla). Avant la pêche, on ne peut, toujours pour la même raison ("nakat busa
giyo"), amener du poisson de Kitim à la maison mais on peut le manger en brousse.
A cause de la sécheresse, Kitim était à sec "à la lune où le taureau le découvrit"; aussi le
"responsable" désigné par la divination à fait un "gi vunna" symbolique: c'est dans un
récipient (*arak*a) plein d'eau, amené sur place, qu'il a fiché sa lance (yagana)
"Bien que le responsable de Kitim n'ait pas encore fait "gi vunna", depuis huit jours déjà,
on pêche à Kitim ou plus exactement on y "tue" du poisson... car il n'y a pas le droit de
pêcher ni d'amener le poisson de Kitim à la maison... Mais assommer le poisson à coup de
bâton n'est pas pêcher et on ne s'en prive pas! En cette période de galak*a, c'est une
bénédiction! Depuis huit jours, à Kitim, c'est la fête, la kermesse; on amène avec soi la
boule de mil et on consomme le poisson sur place... On n'oublie pas ceux qui ne peuvent se
déplacer (par ex. la vieille mère de Barka, fils de Sakawsu et Mayenta, sa sœur qui vient
d'accoucher); on leur amené du poisson le plus près possible des cases, mais en prenant
bien soin de le "laisser" en brousse. Chaque soir vers 20h, je vois passer les gens de
Huwna: ils vont manger du poisson derrière la digue (jiy bogol damna) juste à la limite de
la nagata et de la brousse"
. P. Jean Goulard
Autrefois, Guqufa** n'appartenait pas aux Hua**a mais aux Dokeyna. (nam kampa kayn
vi Hua** qi, va Dokeyna). Les Dokeyna (les gens de Ti*kekere, quartier Dokey à Magaw,
sont des Dokeyna) sont des gurobiyomna des Slariaw-Golona.
Aujourd'hui encore un chant rappelle: "fulla va Dokeyna fumi Jefere" - "C'est à Jefere que
les Dokeyna ont trouvé leur fulla"; Jefere est un marigot, situé entre Brem et Marmay. Un
ancêtre des Ti*kekere s'est rendu à Jefere et là, il a trouvé le "fulla": "nam fi fuli tane; tapi
kuqum hay Jefere", et l'a ramené. Comment cela s'est-il passé? Dans quelles
circonstances? Epiphanie: va nam mu' kram kow... ou autre? Tu*tu* l'ignore et explique
qu'on ne pose pas de telles questions: ...jopom qi, nari!
Avoir un fulla c'est une servitude (gijarra): finie la tranquillité (...rey ga *al qi ley), à toute
heure du jour et de la nuit on peut vous appeler auprès d'un malade... Aussi les Dokey-na se
fatiguèrent-ils de leur fulla ("Dokey mak kalamu"); une telle servitude ne convenait pas à
des hommes libres (...vum mi sa vuqi qi, vum mi sa ma gorvo gorvo'o) et ils se
déchargèrent de leur fulla sur un "esclave", un Hua* précisement... C'est ainsi que Gudufa*
devint le fulla des Hua**a.
A présent que Guqufa* est "devenu (source de) richesses" (le "prix du fulla" en effet,
semble d'autant plus élevé que le fulla est redoutable (joo'o), aussi rapporte-t-il beaucoup
de vaches) les Dokeyna regrettent leur geste et aimeraient récupérer leur fulla: "full ney
koteyta voo'o", mais Guqufa* "a appris les Hua* et ne s'en détache plus": hat Hua*awa...
ra Hua* lo qi".
Cependant les Dokeyna restent dans une relation privilégiée à Guqufa* car le fulla n'agit
pas contre ses anciens "maîtres": "full lisi qi... a la: Tan mi sumanu, vanis sa nisia". Ainsi
par ex., les Hua**a ne peuvent faire le "gunna" de Guqufa* contre un Dokey; et les
Dokeyna n'hésitent pas à l'occasion à s'emparer de force du "prix du fulla"... parce qu'ils
sont sûrs de l'impunité, le fulla n'ayant pas prise sur eux.
* Ne se déplace que rarement lui-même, il envoie des représentants na gy dum qi, gum mi
sunu (Vane, na*u, na* dan qifinna; sa tan moyo, yowo* sle ma qifinna lak, yowo*ki
ka*u, na*u!; na* *a* qifin kayne, san suqa - Un tel, vas, tu diras le sacrifice à ma
place; là-bas, un homme est malade, prends le prix du fulla amène-le ici, vas!; Vas,
"comptes" le/tel sacrifice, que l'homme guérisse!).
* Partie du "prix du fulla" est tuée par Bura**a sous l'arbre de Guqufa*: gilarra (gilar ka
zow, xi qifin ga kuqumu) et le reste va augmenter son troupeau. On dit Bura**a très
riche.
* Comme "maître" de leur fulla, Bura**a a aussi une fonction judiciaire parmi le Hua**a;
on lui amène les palabres et les récalcitrants reculent devant la menace de "gunna": "je
vais poser mon couteau de jet (billa) devant chez toi".
* Mais cette fonction a aussi le revers de la médaille. S'il est vrai que le clan n'est pas à
l'abri de son fulla - ne dit-on pas et l'expression est proverbiale: "Full vay jew vudo*,
may su! / n'est-il pas vrai que le fulla prend d'abord chez nous!" - c'est encore plus vrai
du sa ma da fulla, du "maître" du fulla: "Guqufa*, jaf sum sa dumna, nam hinsia biya
*ol qi - Guqufa*, la famille de ses maîtres, il ne la laisse pas s'agrandir beaucoup".
* Proverbe: "Fulla vi Hua* mi xasusi ma'na visiya - Le fulla des Hua**a est leur deuxième
frère"; en effet, si dans une bagarre, ils se sentent en infériorité, ils ont toujours le recours
du gunna de Guqufa*: il leur suffit de couper de branches de gilarra pour que leurs
adversaires fuient.
* "Nosiyom-Hua**a gum hiqa gilarrana, Guqufa** vi ley - Si les fils des filles de Hua*
mariées à l'extérieur font le gunna du gilarra, Guqufa* 'prend' aussi".
Par contre, les épouses des Hua**a semblent trop craindre Guqufa** pour en faire le
"gunna"; elles le font cependant pour protéger leur bétail des voleurs (gilarra au cou des
moutons et des chèvres) mais ni pour protéger leurs cultures ni pour récupérer une dette...
P. Jean Goulard
1. doley ma Ceyna
cf. document: doley ma ceyna vol. 1, p. 19
2. doley ma *oneyna
cf. document: Jumeaux et sièges vol 2, p. 9
3. doley ma Lowna
cf. document: Put ma Lowna vol. 1, p. 6
4. doley ma Low-yina
A la différence des précédentes, cette bière ne pourrait pas être bue par n'importe qui
mais seulement par "Ceux qui mangent ensemble le même tuwalla" (sum sa tey tuwal
ka darra).
5. doley ma Bagawna
(d'après un enregistrement de Tu*-Tu* et de Soko, femme de Jopsu, elle même chargée
de la préparation d'une bière à Bagawna, fait à Magaw en mars 1972).
Cette bière peut être aussi appelée doley ma gufultina, à cause de la saison à laquelle on
la fait: gulfulta, début de la saison des pluies. (cf. bolla d'entrée).
Elle accompagne ou plutôt est un des éléments du tuwalla à Bagawna. (cf. 2ème bolla)
Bagawna se manifeste à travers la foudre (bayna). Font tuwalla à Bagawna ceux à qui il
s'est manifesté:
"Kayn na* lum naa zow a ni na qifinam li ka ta* baya bay kla...
he-he nam bayam mi sa'a cum qi kla, he-he bayam mi sa'a cum kla".
- préparation de la bière.
Bolla d'entrée:
Bakawna, (Bakawna,
liyn ma bari, na* kow ma qown miya le vent est de retour, toi aussi tu es arrivé
kayn nan ya* doleyna va* na* lownawa aussi je te cuis ta bière à toi Lowna
kayn va* na* Low-Bagawna, nan ya*awa. elle est pour toi Low-Bakawna, je te (la) "cuis".
Na* ma ga kow, mar simeqe* ka tana lo qi Quand tu viendras, n'amène plus ton "vent" sur moi
na* rana vo'o hiqa sleqe laisse-moi en paix chez moi
na* kow si ma* hiqa sle' ma*ka, toi aussi de ton côté "pleus" en paix,
doleyna va* nan ya*awa. ta bière je te (la) cuis)
-Le tuwalla
On prend un mouton (ou bouc ?) qu'on tue et dont on prépare un repas. Un morceau de
viande est "jeté" (na* cuk vun sliw giyo) en prononçant la bolla suivante:
Ceux qui partagent ce repas, le prennent dans la cour intérieure du saré (ka da*i). Puis
les mêmes consomment la bière. Enfin chacun des assistants (hommes-femmes-
enfants) prend du tabac, le jette à terre et, se prosternant, met le front en terre (yow
paana, cukum ga ma Lown, girifimu, dap foko* ga'a) en disant:
- doleyna vi bunu: la bière de mon père; c'est le devin qui prescrit une telle bière
- doleyna vi jufanu: la bière de mon mari; une veuve qui a de jeunes enfants fera une
telle bière
- doleyna vi kunma'ta : la bière de notre belle-mère; le femmes d'un saré feront une telle
bière pour la mère défunte de leur époux.
P. Jean Goulard