Coutumes Masa2

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RECUEIL DE NOTES SUR LES MASA

TOME 2

Beaucoup de matériel sur les coutumes des Masa a été


collecté dans le passé par les missionnaires, matériel resté
pour la plupart inédit ou utilisé en des thèses non publiées.
Nous avons donc pensé de saisir à l’ordinateur toutes ces
notes pour les rendre disponibles aux amis des Masa. Ces
notes ont été corrigées en septembre 1993 à Kumi avec l’aide
de Lawan.

P. Jean Goulard O.M.I. - P. Tonino Melis S.X.


Table des matières

Notes sur le mariage chez les Masa p. 3


Jumeaux 11
Sièges 15
La mort 16
L'initiation : Laxana 21
La sorcellerie : Reyna 37
Sa ma reyna 39
La sorcellerie chez les Masa 42
L’anti-sorcier 48
Sur le miel 50
Les clans du pays Gumay 52
Le marigot « kitim » 58
« Guqufa* » 60
Bières rituelles 62

recueil de notes sur les Masa -2


NOTES SUR LE MARIAGE CHEZ LES
MASA
Remarques préliminaires

1. Il semble bien qu'il n'existe pas de rituel masa du mariage auquel tous devraient se
soumettre immuablement. A l'enquête il apparaît plutôt que chaque famille - une famille
étant selon l'informateur,"l'ensemble de ceux qui mangent le même sacrifice" - a retenu
dans l'ensemble des coutumes relatives au mariage, celle qui, à l'expérience, se sont
révélées favorables à sa survie: à la fécondité de ses filles et de ses femmes.

2. "Ga'n mi sli su? - Les fiançailles ne sont pas encore le mariage" dit un proverbe masa...
"Ga'na" - Les fiançailles, devant faire l'objet d'une autre communication, on ne trouvera ici
que les coutumes relatives à "slina" le mariage. Elles seront présentées selon leur
déroulement chronologique probable.

3. D'où le plan suivant:

A- Chez le père de la mariée


1. Hu ma mok*a - mok cata
2. Hiwel paana ou bénédiction du père sur sa fille
3. xulowta; sum sa dabina et cata gomorgota

A1- Autres situations


1. et 2. Pir cata
3. Sara ti xulow qi...

B- Chez le mari
1. Va xama cata vo'o
2. Gi vunna - Hu ma busuwna
3. Ga cat vudo* vi sumiya'a
4. Hat cat giyo
5. Tun mulla et première nuit dans la case du mari.

CHEZ LE PERE DE LA MARIEE

1. Hu ma mok*a - Mok cata


Ce Hu ma mok*a, un bouc ($u *ek*a), est partie intégrante de la dot; il semble
même que ce soit un moment décisif: "Si c'est mal parlé, tout est rompu" (but).

recueil de notes sur les Masa -3


Selon les uns ce bouc serait "qifini ", selon d'autres "rogoy hawa'a "; toujours est-il que c'est
le père de la mariée qui l'égorgera, dans la cour du saré, sans prononcer de " bolla", semble-
t-il.

Mok cata

Souvent mais pas toujours, c'est le jour même où on amène le "hu ma mok*a" qu'on
"saisit" la fille: (mok cata). Voici comment: au moment propice 1 un des jeunes gens, ami
ou parent du futur (époux), qui ont amené le "hu ma mok*a" saisit la fille au poignet en
criant: "nan mok cata vanawa !" puis il s'enfuit, poursuivi par les femmes et les enfants du
saré qui cherchent à le frapper... Arrivé hors de leur portée, il attendra avec ses
compagnons qu'arrive le marié avec sa suite, car après le cri "nan mok cata vanawa" la
mariée ne peut pas passer une nuit de plus chez son père, ce serait Yowo.

2. hiwel paana ou bénédiction du père à sa fille


Quand le calme est revenu dans le saré, le père demande qu'on lui amène sa fille;
celle-ci pleure beaucoup. A la porte du saré le père fait une libation de tabac autour de la
tête de sa fille (bu' hiwel paan kela'a ou dela'a) avec une bolla de ce genre:

(A) Lowna Lowna


nana vi gorgortawa, Je prend la fillette et vais
vula' qown mi nira jufna la donner à son égal mâle
Paa manti yowne! (libation) Voici mon tabac!
(A) Bunu! Mon père!
Lin sime'na van kow Qu'il advienne que mon "vent" (mes esprits)
ja*ka vuna' hiqa sleqe. coure sur sa bouche avec fraîcheur

(A) Lowna! Lowna!


Gorgota, na* vula' fin La fillette donne lui d'être enceinte
de de de: continuellement:
hifa' giy zow; que son nombril soit toujours sorti
zlan sla' vuna' qi que rien ne se mette en travers
musa' voo kuqa jufa'a hiqa sleqe Qu'elle demeure chez son mari en paix

Nak cupana xan cup-na, Puisque tu m' as attendu


Lown gak hagata Que Lowna te donne la route.

(Subak*a - Magaw dec. 72)

On couvre alors la jeune mariée d'un pagne: "na' vat ca m(a) gorra va'a hi' namu ". Après
quoi c'est le départ: la jeune mariée avec sa ou ses filles d'honneur, et peut être aussi avec
les sum sa dabina, va rejoindre les amis de l'époux qui l'attendent pour la conduire chez son
mari.

i.e. soit le matin, soit à midi, soit le plus souvent en fin d'après midi. Ce qui est
1

déterminant ici c'est la distance qui sépare le saré du père de la mariée, de celui du marié;
on calcule pour que l'arrivée chez le mari ait lieu de nuit.

recueil de notes sur les Masa -4


3. xulowta (xulowna), sum sa dabina et cata gomorgota
xulowta, xulowna: il semble bien que ce soit la mariée elle même qui choisisse sa ou
ses filles d'honneur, parmi ses meilleures amies... Elles seront ses "oreilles" durant les
premiers jours passés chez son mari: "On nous insulte... on dit que nous n'écrasons pas bien
le mil... etc"
Sum sa dabina; cata gomorgota . D'autres personnes, femmes et enfants (une dizaine
parfois), accompagnent la mariée jusqu'au saré de son mari. Parmi elles, une a un rôle
important: la cata gomorgota ainsi désignée parce qu'elle porte le "gomorgona ", panier en
xo**a tressé où la jeune mariée met ses colliers "kermena" et sa parure de mariée
"bagasina" qu'elle a elle-même confectionnée ou qu'elle a héritée d'une sœur. (A titre
indicatif une telle parure, cauris, perles, coûte 1.000 frs et plus).

Si plus tard le mari disait à sa femme: "Slak gomorgona vaku!", il s'agirait d'une
véritable répudiation... Personne n'essayait -car on ne voit plus guère de gomorgona- de
retenir une femme qui emportait son gomorgona: on savait que c'était le mari qui la
renvoyait.

Les sum sa dabina ne peuvent pas manger dans le saré du mari; le lendemain matin,
on leur préparera à manger avant qu'ils ne repartent, mais c'est à l'extérieur du saré qu'ils
mangeront. Quand à la cata gomorgota, elle, elle ne mangera pas du tout; pendant que les
autres dabina prennent leur repas à l'extérieur du saré, elle rejoint la jeune mariée dans la
case de la grande femme du saré pour lui donner des conseils:

«numa' marakawa mi jufaku; vak jufak hiqa vuna-dikak kep, luma law ma
zulo qi. Nan maraka hay ziyna vak yow ! kul va vi sa qi ! Li law loot ma
haya-boyn xulak ka tak qi! Buk vulakawa jufu, nan maraka cawakawa vo
vaku, buk hiwelek delekiya, luma law ma zulo lo qi, musak hay ziyn *aa'a.
Nan kalawa vo'o! » (Subak*a dec. 1972).

Et elle repart avec un mouton, ou le plus souvent de nos jours avec de l'argent: 1.000, 1.500
ou 2.000 CFA, cadeau du mari, qui se doit d'offrir quelque chose à chacun des dabina:
poulet, monnaie, colliers pour les fillettes.

A1 Autres situations

Note: Si l'on se rappelle la remarque préliminaire à ces notes sur le mariage on ne


s'étonnera pas de constater que ce paragraphe tout en suivant le même ordre que le
précédent, semble le contredire point par point.

1 - 2 Pir cata

Certaines familles n'acceptent pas "mok cata" ni non plus la bénédiction du père à sa
fille.... Parce qu'autrefois, une de leur fille s'est enfuie (pir) et a eu de nombreux enfants,
ces familles jugent que l'enlèvement (pir) est plus favorable à la fécondité. A titre
d'illustration, ce dialogue:

recueil de notes sur les Masa -5


Père du fiancé:

"Hay jafna vuma' yowne, fareyn as ta kowne,


gorma*k kayn pira' piriya."

Père de la fiancée:

"Hay jafna vuma' yowne, san pir gor ma ca qi;


guro sa boyna vuma' hiwelsi delsi hiweliya;
pirsi naane, nisi li jaf qi." (Wisu dec. 1972)

Il ne reste plus qu'à se séparer... et au père du fiancé, qu'à aller chercher ailleurs une épouse
pour son fils.

3 - xulowta

"Sara ti xulow qi", d'autres familles n'acceptent pas de filles d'honneur. Ainsi la famille de
Marie Hayta (Oursi):

une de leurs ancêtres, partie chez son mari avec une xulowta, n'a pas eu d'enfants;
une autre, partie sans xulowta, en a eu. Depuis les filles de cette famille n'acceptent
plus de xulowta pour les accompagner.

La famille de Lapiya (Tufura):

Zulda, femme de Mr. Maurice Lapiya, avait choisi Thérèse Makka comme xulowta ,
mais la famille de Lapiya a refusé...parce que autrefois, à l'occasion d'un mariage, les
deux xulowna venues accompagner la mariée sont mortes chez eux.

Et Marie Hayta disait à peu près ceci: "Certaines familles n'acceptent pas de filles
d'honneur à cause de la descendance (jafna) et de la mort". (5 dec. 1972)

Gomorgona

Dans le cas d'enlèvement (pir cata), la famille de la mariée tardera à envoyer le


gomorgona... mais quand elle le fera, au bout d'un an peut-être, ce sera le signe que tout est
arrangé: "Law namn tewe tew; sukol li *aa'a:"

Il est possible aussi que dans ce cas le père ait maudit sa fille parce qu'"elle ne l'a pas
attendu". cf. la bolla du père sur sa fille. Il effacera la malédiction soit en prenant du
Gawna, soit s'il y a été vraiment fort, en répandant le sang d'une chevrette.

Nan ka gawn qowne


vunan ma nan dum katak*a-na
sle' hulul-lu-lu va laka lo qi"

dira le père en coupant ce gu gawna avec les dents.

recueil de notes sur les Masa -6


CHEZ LE MARI

1- Va xama cata vo'o


Nous l'avons dit, c'est de nuit que les amis de l'époux conduisent la mariée et sa suite
chez le mari. Quand le groupe arrive à proximité du saré du mari, la mariée refuse
d'avancer, elle s'assoit par terre: "tu' hi' sa' qi, sla' sli'a vo'o...". On vient donc du saré, où
un des amis de l'époux a porté la nouvelle, la chercher et on la transporte jusqu'à la porte du
saré.

Là la mariée se tient debout, et une fillette vient lui prendre le petit doigt de la main
droite et lui faire franchir le seuil du saré en disant: "nan va xam cata vanawa vo'o...".
De nouveau la mariée refuse d'avancer et c'est en la portant qu'on la conduit dans la case de
la grande femme: cat *olta vudo*ka .

Entrée dans la case de la grande femme, elle refuse de s'asseoir, elle reste debout
jusqu'à ce qu'on lui présente sa vache (sli vunta vi cat gota: les caprices de la jeune
mariée); "tunak xak ka ta'a" lui dit-on et désormais c'est sa vache, celle dont elle boira le
lait, qu'elle attachera dans sa case, quand elle en aura une (mais pour l'instant, ça peut très
bien n'être qu'un veau).

Entre temps la case s'est remplie de monde venu fêter la jeune mariée: la' nul de, la'
nul de, firiya'a... Le lendemain et les jours suivants, elle aura encore beaucoup de visites et
chacun, en la caressant, dira les "gilena" traditionnels pour une jeune mariée: "Cat gota!
Cat gota! Dolyomta ! Kumkumta ! Kumkum ma ku' ziyna!" (Kumkum-na désigne cet
endroit sombre de la case là où précisément se blottissent les jeunes mariées, dans leur
"honte").

2- Gi vunna - Hu ma busuwna

a) Selon la plupart des informateurs, la séquence est la suivante:

* d'abord gi vunna: le matin qui suit l'arrivée de la mariée;


* puis $u ma busuwna : le soir de ce même jour.

Selon d'autres la séquence est inverse:

* d'abord $u ma busuwna: le soir du jour qui suit l'arrivée de la mariée


* puis gi vunna : le lendemain matin, avec le sang du hu ma busuwna.

b) Gi vunna (ga vuna cata)

Ceci a lieu le matin. Voici comment:

La grande femme du saré prépare un repas symbolique "*upu-*upu"; de quelques mottes


de terre on fait un foyer, sur lequel elle fait cuire, dans des tessons ("ze**a") de canari, un
peu de mil grossièrement écrasé ("har wana"): c'est la boule, et un peu de poisson ("kuluf
sleqe"): c'est la sauce.

recueil de notes sur les Masa -7


On fait alors sortir la jeune mariée sur la porte de la case de la grande femme; son mari se
place à coté d'elle; en face de lui un garçonnet; en face d'elle une fillette et entr'eux les
tessons de canari avec la boule et la sauce. La fillette ("bay po'o") met alors deux
bouchées dans la bouche de la mariée, et le garçonnet ("bay huqu") trois dans celle du
marié.

Note de vocabulaire: Gi vunna-pisena-wilina

Il semble y avoir sinon équivalence du moins correspondance entre ces trois


termes. Dans le cas qui nous intéresse ici, on entend: gi vunna vi cata, la' piseta
va'a, la' wilia'a... On approche peut être du sens en parlant de Célébration ou de
Consécration de la nouveauté des choses, des êtres...

Il y a quelque chose d'irréversible dans gi vunna: ainsi on peut choisir une petite
fille pour femme, la faire venir chez soi pour lui faire gi vunna, puis la renvoyer à
son père pour qu'il l'élève... si plus tard cette fille prenait un autre mari, elle
serait considérée comme "dali".

c) £u ma busuwna ($u *ek*a)

C'est le soir (fuladita), semble-t-il, que le mari tue le $u ma busuwna pour faire
passer sa femme sous l'obédience de ses fuleyna ("dugus ou dugun cat hi namu"); aussi,
celle-ci s'y refuse-t-elle, et il faut agir par ruse pour la mettre en contact avec le sang de
l'animal (soit en mêlant une goutte à l'eau, à la sauce... soit en en mettant sur sa natte...)

3- Ga cat vudo* vi sumiya'a


Ceci se fait uniquement si la mariée est l’aînée de son père. C'est le piseta du père
pour son aînée (piseta va bu'a) différent du piseta du mari (piseta va jufa'a ) et indépendant
de lui. Quand une mariée autre que l’aînée de son père, revient chez elle (on dit aussi: ga
vudo* vi sumiya'a) ce n'est pas piseta mais "rogoy hawa'a": simple visite à ses parents
(d'ailleurs dans ce cas on ne la renvoie chez son père que lorsque le piseta du mari est fini,
huit ou dix jours après qu'on l'a "saisie" (mok cata). Même dans le cas de rapt (pir) il
convient de renvoyer l’aînée chez son père au jour fixé, sinon la parenté se fera mal (sukol
la *aa qi); d'ailleurs ce jour là le père n'essaiera pas de garder sa fille, il la renverra chez
son mari.

C'est que depuis le départ de leur aînée, depuis "mok cata" les parents ne peuvent
rendre visite à leurs voisins (tu' qe' qi); on dit du père: il ne fume pas chez un autre, il ne
boit pas l'eau d'un autre ("nam vik vi niram qi, ci niyn vi niram qi").

Donc si elle est l'aînée de son père, le lendemain du hu ma busuwna, de bon matin (culum
culum) on renvoie la mariée chez son père, elle est accompagnée:

- d'une femme du saré ou du clan de son mari qui n'a pas perdu d'enfant (cata gorra
va' miti qi)
- d'un garçonnet (bay huqu)
- d'une fillette (bay po'o)
- de sa ou de ses filles d'honneur (xulowta)
Quand elle arrive chez son père, celui-ci fait piseta à sa fille comme suit:

recueil de notes sur les Masa -8


à la porte du saré (vun gerek*a), il répand (hiwel) du tabac sur la tête de sa fille en disant:
"nan cuk panis giy bogol gota vanu", ou il l'asperge d'eau (sle' gota valamu); c'est la mère
de la fille qui présente la calebasse d'eau à son mari.

Alors la fille entre dans le saré de son père et sa mère lui offre de la bouillie. Depuis chez
son mari elle n'a pas bu: ça lui est interdit.

Puis on lui tue un mouton dont elle ramènera la peau le soir même chez son mari, car elle
ne peut pas coucher chez son père, elle doit rentrer chez son mari le soir même.

Note: A la question: pourquoi cette importance des aînées? il m'a été répondu: Ce que Dieu t'a
donné le premier tu le gardes bien! (idée de prémices, peut-être?)
Note: Autrefois en arrivant sur la terre de son père, elle se dévêtait, elle ne mettait le pagne
qu'en foulant la terre de son mari.

4- Hat cat gyo

a) Toilette de la mariée

De retour de chez son père, la jeune mariée pile le mil et pour la première fois va
puiser de l'eau et se lave: elle ne l'avait plus fait depuis " mok cata". Elle pose un anneau
("kulta") dans la calebasse où il y a l'eau de sa toilette, puis sa toilette finie, elle offre ce
"kulta" à la fillette qui lui a pris le doigt pour la faire entrer chez son mari (cf va xama cata
vo'o).

b) £u ma hatna

Pendant ce temps le mari tue le ;Hu ma hatna; c'est un mouton "$u dimiya man jufu". De
l'animal on prélève:

- "furra" pour le "sa ma ti furra" qui plus tard couvrira la case de la mariée
- "*orra" et "batta" pour une parente de la mariée qui plus tard devra lui fournir
calebasses et marmites: "sle ma cuk guwinna"
- enfin une partie de la viande est mise de côté pour le premier repas que la mariée
portera le lendemain à son mari.

Le reste est préparé immédiatement.. et cette fois, la mariée mange sans arrière pensée!

c) Hat cat giyo

Avant le lever du jour, la jeune mariée écrase son mil... et prépare sa première boule
qu'avec beaucoup de honte, mais pour la joie de tous, elle ira porter à son mari.

recueil de notes sur les Masa -9


Tun mulla et première nuit dans la case du mari

Cette nuit-là on la conduira dans la case de son mari: "ga' kalaf kuqa jufa'a - *afa *afiya !"

La calebasse de "mul ma pisena" (mulla hiqa ciyna) a été préparée d'avance; la mariée en
fait une onction sur le pied droit de son mari, entre le pouce et le premier doigt de pied...
puis une autre sur son pied gauche à elle.

Après quoi ils se couchent; ils doivent passer toute la nuit face à face: "sa mu' iram giy qi,
sa bur danan qi, bur irsi kir tuwamu..." et le lendemain quand ils se lèveront, ça sera d'un
seul mouvement.

P.Jean Goulard, Magaw février 1973

recueil de notes sur les Masa -10


JUMEAUX
*oniyta

"Cat vu' guronawa ga ma', kayn *oniyo ya' a la *oneyta"


Quand une femme enfante deux enfants, c'est 'jumeaux', c'est appelé la 'gemellité'...

Nous traduirons "*oney-ta" par gemellité et "*oney-na" par jumeaux, en indiquant


d'emblée que ce mot ne désigne pas seulement les enfants nés du même accouchement,
mais aussi les parents (père et mère) de ces enfants et même, d'une certaine manière,
l'accoucheuse qui aura enterré le placenta (na' kale hay qifinna vi *onita).

I. Concernant les parents

1- Six jours de réclusion

A l'accouchement, on pose les nouveaux-nés sur une couche de "malla" (paille). La


matrone enterre le placenta, fait la toilette de la mère et des bébés avec de l'eau chaude
(puk cata; puk gurona). Le mari rejoint sa femme dans la case où celle-ci a accouché; on
introduit aussi un garçon impubère (bay cuk huqu) et une fillette.
Pendant six jours, ils ne sortiront pas (ney sa tu' giy valam qi: lak kalaf hay ziyt naa lak).
La nourriture qu'on leur portera ne comprendra jamais de sauce (ney sa do daf qi, doeyt
ma do*o).

2- Dik *oneyt giyo

Le 7ème jour, on chasse la "gemellité" dehors. Les jours précédents on a préparé une
bière: la bière de la "gemellité" (doleyna vi *oneyta).
Le père prend un mouton et une brebis. Il "voue" la brebis à la gemellité: désormais, il y
aura dans son troupeau la $uta *oneyta , la brebis de la gemellité. Le mouton, lui, est appelé
"$u ma dik *oneyt hi' namna - mouton avec lequel on chasse la gemellité".

Il y a alors comme une présentation des jumeaux; la mère, les portant chacun sur un
bras, sort sur le seuil de la case; face à la case, à quelque distance, se sont rassemblés les
gurobiomna et leurs épouses (mais "sa ma bu* wal hay qi" ). Le père tue alors le $u ma
dik *oney hi' mamna : la viande sera distribuée et emportée...

On mange et on boit le doleyna vi *oneyta; le père et la mère boivent dans une


calebasse qui leur est propre, comme ils fument la même pipe et mangent la sauce dans une
*alta dont personne d'autre ne peut se servir.

Le père et la mère chassent alors la "gemellité": la mère met ses buka'na et le père
ceint la peau encore humide du mouton qu'il vient de dépecer (hu ma dik *oneyt hi'
namna); armés de palmes (bowo**a) ils frappent (wat) la case et la cour intérieure pour
chasser *oneyta dehors: "dika' ka fulu, ra' ka teya vo'o lo qi". Puis ils vont jeter les palmes
dans l'eau d'une mare et rentrent immédiatement chez eux.

recueil de notes sur les Masa -11


Dès le lendemain, le père envoie un enfant mander au forgeron de lui faire un
couteau de jet: billa; toute autre affaire cessante car "slena vi *oneyt ta murey qi - Les
choses de la gemellité ne souffrent pas la lenteur". Le forgeron se met aussitôt au travail;
couteau de jet (billa), bracelet en torsade (perewetta), couteau (kewta), cauris (danata) sont
confectionnés au plus vite et amenés au père par l'enfant messager.

3- Jusqu'à tun xamna et ka sliwna

Désormais, le père peut sortir de chez lui à condition de porter son couteau de jet.
Mais jusqu'à tun xamna, il est encore sujet à toute une série d'interdits:

* il ne peut entrer dans un saré


(kal vo vi sa qi)
* il ne peut assister aux funérailles ni manger de viande tuée à cette occasion
(tiy sa qi; mut sliw ma ki sa qi)
* il ne peut prendre part à une tok*a
(ti tok* qi)
* il ne peut "voler" même un épi de mil...
(kul qi - sli va vi sa qi)
* il ne peut coucher avec la femme d'un autre
(una ca vi sa qi)
* il ne peut pas se mettre en colère
(li hiy qi)

et cela sous peine de devenir paralysé ou aveugle ou malade, (*oneyt kayn naa... na*a gi
pise qi... na' to* hurbuliya, tikina*u, duka* qira*u, basa* zoko*u, la* moyo -
ainsi est *oneyta...si tu ne la respectes pas...elle te paralyse, t'affaiblit, t'aveugle, te fait
mal aux os, te rend malade...
Par contre, si tu la respectes, elle est bonne: suluka' may qi... qifina' *aa, sleqe... wina'
tuwa' wini, qifina' *aa'a...

Tun xamna et ka sliwna:

quand les enfants tiennent assis - autour du 5ème mois - leur père et leur mère font
tun xamna. Ils se rendent rapidement (hotey) chez un garbumna qui leur offre un repas (tun
xamna - poser la main dans le plat), de fête si possible (garbu* va kalamun la* rogoyo).

Reste encore à trouver des funérailles où pleurer: il faut que le défunt soit de la
famille (tiyim kayn mi sa ma nafara*u) mais à un degré éloigné (kulo sliw tuwa* gop
qi... na* saram mi vu'na: 'sumayon ("parenté") li va ma dooko yam giy nala, na* tiyimti
namu); alors, avec sa femme, il va pleurer, ils se font offrir de la viande tuée à l'occasion
du décès (na* ka sliw ma kay sana)... Désormais ils pourront participer aux tok*a, passer
la nuit hors de chez eux, manger chez les autres... "Kayn na* hefte*awa - alors tu es
devenu léger.

recueil de notes sur les Masa -12


4- Rites annuels

Chaque année jusqu'à leur mort, les parents de jumeaux ont à accomplir des rites qui
s'échelonnent tout au long du cycle annuel. "Va'n kayn na* lum vok qifinna vi ziyn jew
qam... na* lum bogol qi - les (rites) de *oneyta tu les fais avant les rites de la maison
toujours, tu ne les fais pas après; ainsi:

- doleyna vi *oneyta se fait avant doley ma ceyna.


Particularité: cette bière n'est pas servie (telle genta pour tel groupe, comme à doley ma
ceyna ou à bir luweyna...); chacun se sert en puisant directement dans le récipient car, dit-
on, "*oneyt vi sum kaf, vi sa tu qi - la gemellité est pour tous et non pour un seul". (C'est
pour la même raison que chaque fois que l'on tuera quelque descendant de la brebis
"vouée" (huta *oneyta), on distribuera la viande aux premiers venus; "lum jowo a la va
ma *onyo, na* lum qi - lui (un passant) faire l'égoïsme en arguant que 'c'est la chose de
Noneyta', tu ne lui fais pas...);

- cuk jafna vi *oneyta jewe.


Au moment des semailles, on cultive (zum) d'abord le champ de *oneyta (sineta
*oneyta); on pile la semence, on la met dans la dutta *oneyta , et on l'enfouit en terre par
poquet... Après seulement, on s'occupe du grand champ (sine *olla).

- wan ma va vo'o kayn, na* vi fi *oneyt vo'o jewe.


"Quand est venu le temps d'entrer le mil (temps de la récolte), tu récoltes d'abord celui de
*oneyta et c'est aussi ce mil de *oneyta qui sera mangé en premier lieu.

- "ziyta va' kow kaa - elle (*oneyta) a aussi sa case, "autel" une case miniature; c'est
seulement après avoir couvert cette case de paille nouvelle que le jumeau peut
entreprendre le travail de case: couper la paille, la tresser, préparer le potopoto.

II. Concernant les enfants

1. Allaitement: Chacun des enfants a un sein réservé et jamais la mère ne lui donnera
l'autre sein.

2. Imposition du nom: Les noms des jumeaux sont prévus par la tradition:

garçon fille
le premier sorti du ventre maternel Mulla Mulu
le second Tuku µoney ou Gasa

3. Mariage: Jusqu'au mariage de l'un d'entre eux, les jumeaux vivent dans la même case.
Le premier sorti: Mulla, doit se marier le premier mais ils ne se séparent pas
immédiatement (hawsi giy visi qi); ils font "gi vunna" ensemble; sa "première boule", la
jeune femme la présente aux jumeaux ensemble et non à son mari; la nuit où on la fait
entrer dans la chambre nuptiale, elle les trouve encore tous les deux sur le lit (nisi kayn
gilik* ka dar naa tu ley - eux sur le lit ensemble-un encore de la même façon).

(Pour "gi vunna", "première boule", "nuit de noces", cf. Rites du mariage).

recueil de notes sur les Masa -13


S'agissant de deux filles, les éléments des dots devront toujours être donnés au père deux
par deux (hele* qi, dikimi vok tuwam ma'; slen lum vok tuwamu). Autrefois la dot d'une
jumelle était de 6 vaches et de 2 ou 4 moutons (vula me hay jar qi, mi dimi ca);
Aujourd'hui elle est de 8 ou 10 vaches, jamais plus de 10... On souhaiterait les donner à
leur mari respectif le même jour mais ça n'est pas toujours possible, en raison avant tout de
la dot... elles n'en quitteront pas moins la maison paternelle, le même jour: alors que la
première est conduite chez son mari, la seconde ira loger dans le voisinage, ou bien
accompagnera sa sœur comme fille d'honneur (xulowta).

4- Mort: si l'un des deux meurt, l'autre ne doit pas voir son tombeau sinon il mourrait à
son tour; aussi envoie-t-on le survivant chez des voisins. Quand un jumeau va pleurer un
"jumeau" (ki na* *oney dam nala, na tiy sa ma *oniy-na) il doit s'attacher un brin de
bowo**a au cou ou au poignet, il ne peut manger de viande tuée à cette occasion (mut sliw
ma kalam qi); s'il agissait autrement, il ne s'étonnerait pas de tomber malade: maux de tête
en particulier, et déclarerait: "lan kayn mi tokorra vi vane" ("lan kayn mi tokorra vi Tu*-
tu*" dirait Muqanu - elle même jumeau comme Tu*-Tu* - si elle ne respectait pas les
règles ci-dessus, à la mort de Tu*-Tu*) (sens de tokorra?)

III. Notes complémentaires

1- Jumeaux et pluie: A l'occasion de la naissance, de la mort, de la tok*a d'un jumeau il


pleut ou du moins le temps est couvert.
Ainsi les premières pluies de 1974 (du 18 avril au 3 mai: 3 pluies) ont été perçues non
comme le début de la saison des pluies mais comme des pluies de *oneyta.

2- Jumeaux et "ir-vina" (conjonctivite): Les femmes qui ont accouché des jumeaux, ont
le pouvoir de prévenir la conjonctivite; à qui le leur demande, elles attachent autour du cou
un collier d'herbe (sumak*a) ou de palme (bowo**a) tressée qui arrête la conjonctivite.

3- "Guna vi Noneyta" = teyna, pi ka ta* zow " Le médicament de *oneyta est un oignon,
planté dans le saré. Chaque année quand renaissent les herbes à sauce: zulo'o, drek*a, les
jumeaux consomment une sauce nouvelle dans la composition de laquelle entre le teyna-
médicament.

4- Ursi et les jumeaux: Il faudrait voir quel(s) clan(s) recouvre ce terme de "Ursi".
Toujours est-il que seuls parmi les Masa, les Ursina ne se sentent pas obligés par les rites
de *oneyta. Le premier d'entre eux dont la femme accoucha des jumeaux, fut si étonné de
voir deux bébés qu'il appela ses voisins; c'était la nuit et il cria:

"lu lu lu, niki gurobiyonna, niki ka tan ti ge!... cata van vu' guron ma' kayn vu' ti ge!?" -
Nisi ma kayn: "Hi !.. Hen! vuqi kayn *oniyo !" may nisi sumun col mer kayn guro nisin
mita... nisi ra kayn: nisi sa min li qifina' lo qi.. "Niki ciki duhul kay *oneyt kayn piseki
*oneyt qi, sa la qifina' qi"
lu lu lu, vous les fils de mon père venez à moi, je vous prie!... comment se fait-il que ma femme ait accouché
de deux enfants?" - Quand ils arrivèrent, ils s'étonnèrent: "Hi!... Ah!, c'est une naissance *oniyo!"; mais
aussitôt après leur départ les enfants moururent... Depuis ils ne veulent plus faire les rites de *oneyta...
Quelque chose (peut-être la divination) leur a dit: "Vous avez crié les lu lu lu! sur *oneyta alors ne faites plus
les rites de *oneyta".
(D'après un enregistrement de Tu*-tu*, lui-même *oniyo. Magaw, mars 1972)

recueil de notes sur les Masa -14


SUMAYTA
"sièges"

(D'après le même enregistrement... la conversation s'étant prolongée, Tu*-Tu* ne fait


qu'esquisser une comparaison entre Sumayta et *oneyta ... On ne s'étonnera donc pas de ne
trouver ici qu'un schéma.)

1- "Kale ga jew mi cawa* ga-na, ya* lopi kulo'o: kayn sumoyo


Si le derrière (le siège) sort d'abord et que la tête reste en haut: c'est sumoyo", et

"Sumayta, qifinna va' tu' kuqu *oneyt naa ley may cala cale visia
Sumayta a aussi ses rites propres comme *oneyta"

2- L'animal qui est "voué", ça n'est pas une brebis mais une poule: ga qown ta slekka:
slekka sumayna. Cet animal quand il sera tué, ne pourra être mangé que par le père, la
mère, et l'enfant sumoyo, qui d'ailleurs est toujours nommé:

garçon fille
Sumay Sumayta

3- Tun xamna: Chaque année à Ceyta, la mère d'un sumoyo fait tun xamna chez un
garbumna de son mari.

4- "Na* jun bowo* ka se* ki *oneyt naa kow, jun zewn kele* kay *oneyt naa kow - Tu
attaches une palme à ton pied comme pour *oneyta, tu t'attaches une ficelle au cou comme
pour *oneyta aussi".

CONCLUSION:

"May tina vi sumayt ta haki ki *oneyt naa qi: Sumayt jowo, *oneyt vula", qu'on peut
peut-être traduire:

"Les repas de Sumayta sont moins fréquentés que ceux de *oneyta mais Sumayta est
égoïste tandis que *oneyta donne".

On dit aussi: Sumayt suw *oneyta .

recueil de notes sur les Masa -15


LA MORT
Les Masa n'attendent pas que la personne soit morte pour commencer les pleurs
(tiyna), mais commencent dès que la personne entre en agonie. Les voisins accourent,
conseillent d'attendre, mais les pleurs continuent. Quand la personne rend l'âme il y a un
grand vacarme. Les femmes surtout crient (ci luluna) annonçant la mort. Tout le monde
arrive. Tous pleurent et font le tour de la concession. On envoie les gens chercher les
tambours (dareyta et tidi**a). Ils font le tour de la maison avec le dareyta, ils marchent
serrés pour que personne ne s'interpose entre les tambourins. Après ils déposent le tambour
à terre et les chants sont entonnés à son rythme. Les gens continuent à pleurer tout en
faisant le tour de la maison.

S'il y a des parents qui sont loin, on envoie les prévenir. Le vacarme est total. Si les
personnes qui sont loin arrivent, on décide l'enterrement.

ENTERREMENT

Si le mort est un père de famille c'est le benjamin qui commence le creusement de la


tombe (tun zulta) avec un morceau de bois pris dans le portail avec lequel il trace une
ligne. Le mort a été déjà mesuré avec une paille prise du toit de sa case. Ceux qui creusent
(sum sa zulta) commencent leur travail. Ils ôtent la terre avec un petit panier tressé ou une
calebasse neuve.

Si le mort est un homme la profondeur de la tombe est mesurée comme la distance


entre les pieds et les aisselles. Pour une femme on mesure des pieds aux seins. Arrivés à
cette profondeur on partage le fond de la tombe en deux (xet zulta) et on creuse une un
enfeu. Le mort est lavé et enveloppé dans un linge blanc (autrefois une natte), déposé à côté
de la tombe. Les membres de la famille demandent maintenant s'il y a quelqu'un qui a
prêté des choses ou de l'argent au défunt. Si la personne qui a prêté ne parle pas en ce
moment, il ne sera plus remboursé.

Les plus proches viennent toucher le mort qui est ensuite déposé dans la tombe. S'il
s'agit d'un homme il est couché sur le côté gauche, le visage tourné vers le nord. S'il s'agit
d'une femme, elle est couchée sur le côté droit, le visage tourné vers le sud.

Le cadavre est placé dans l'enfeu de la tombe, coincé avec des mottes de terre,
autrement quand il pourrit il risque de se renverser et tous les membres de la famille vont
alors mourir.

Les gens qui ont creusé, jettent la première terre en la poussant avec le coude, les
autres continuent. Les objets utilisés pour creuser sont aussi enterrés. A la fin on tasse la
terre.

Si le mort est un bum ziyna (chef de famille) il est enterré au centre de la cour, à côté
de son grenier. S'il s'agit d'une femme elle est enterrée vers sa cuisine. Si le mort est un fils,

recueil de notes sur les Masa -16


il est enterré à côté de sa case. Un bébé est enterré entre la cuisine et la case de sa mère. Un
nouveau né est enterré à côté de la case de la mère, presque devant.
L'enterrement terminé un membre de la famille amène de l'eau dans un morceau de
calebasse et les gens qui ont creusé la tombe se lavent les mains sur la tombe. En saison
des pluies ils se dirigent vers un marigot proche accompagnés par un membre de la famille.
Ils marchent en file serrée. Au marigot ils se lavent les mains et reviennent en inversant
l'ordre de marche (qui était devant marche derrière).

Le responsable de la famille entre chez lui et amène une chèvre qu'il tient par les
pattes antérieures. Il se place devant le portail et un de ceux qui ont creusé prend la chèvre
et la tire dehors. Ils choisissent un endroit et l'abattent en lui coupant le cou. Celui qui a
tiré la chèvre dehors a droit à la tête et au cou. Le reste est partagé et chacun rentre chez lui.

Un bouc est tué et sa chair est cuite à côté de la case de la première femme. Cette
viande est mangée par les femmes du défunt. On tue aussi une chèvre à côté de la tombe,
la viande est cuite au même endroit et mangée par les filles du défunt mariées ailleurs.

Si le mort est riche, le matin on tue une ou plusieurs vaches. Cette vache permet au
mort d'être accueilli parmi les ancêtres. La viande est partagée. Si le mort n'a pas de bête il
ne cessera de la réclamer (rêves, maladies). La famille doit alors se décider. Généralement
on tue une vieille vache (put kala*ka). Si le mort est un homme les filles, quand elles
seront mariées, devront amener un veau qui sera tué sur la tombe du père.

MU' DIRRA

Le même jour pendant la nuit si le mort a des femmes elles vont faire le mu' dirra.
On attache à chaque femme son buka'na, on lui remet un couteau et une meule, sur laquelle
les femmes frappent avec le couteau. Le bruit produit chasse l'esprit du mort qui essaye de
s'accoupler avec ses femmes et entraîner ainsi leur mort. Pendant toute la nuit, à chaque
fois que les gens entonnent les pleurs les veuves se lèvent et vont danser, après elles
rentrent et vont frapper la meule avec le couteau.

Le matin les veuves sortent de la concession et vont s'asseoir sous un arbre (en
général un co'onna, Balanites aegiptiaca L.). Le soir elles rentrent faire le tour de la
concession en sens anti-horaire, le couteau à la main, précédées par une autre femme. Elles
font 2 ou 3 tours selon le *af de chacune. Après elles rentrent. Ceux qui sont venus de loin
repartent, restent les proches.

MUS SLENA

Ceux qui sont restés vont faire mus slena. Ils s'éloignent en groupe et entonnent un
chant (magana). Ensuite ils se dirigent vers la maison, ils en font le tour. Cela terminé, tous
ceux qui ont chanté le magana vont au bord se laver, vêtements compris. Rentrés à la
maison une chèvre est tuée à côté de la tombe. Un bouc est tué à côté de la case de la
première femme. Terminé de manger tous se rasent et les cheveux sont jetés sur la tombe.

recueil de notes sur les Masa -17


KA IR USTA

Un-deux mois après la mort l'âme du mort est toujours près de la case, il faut la
séparer. On abat une chèvre, tout le monde en mange. La viande est cuite dans l'eau à côté
de la tombe, l'eau est utilisée pour faire la boule. Un bouc est égorgé pour les femmes.
On ne parle pas, on appelle les gens par des gestes. Tout ce qu'on a préparé doit être
mangé, rien ne doit sortir de la concession. Avant de se séparer les gens entonnent un pleur
spécial, difficile. n appelle pour ça des spécialistes.

Avant ka ir usta on ne fait de bruit à la maison. Les membres de la famille ne


peuvent pas passer la nuit ailleurs. Pendant toute cette période les gens ont peur de
rencontrer le mort qui s'en va avec ses bagages. Cette rencontre est dangereuse et peut
entraîner la mort.

LE DEUIL

Le deuil dure un an. Tous les proches sont en deuil. On s'attache un morceau de
pagne à la taille et on ne se rase pas. On ne se lave non plus. Les hommes doivent se priver
des activités liées au bétail, un jeune ne peut pas participer au guruna. Certains refusent
même de boire du lait, considéré un excitant.

Passé un an, si le mort était bum ziyna on déplace la concession. On consulte le


devin (sa ma yow greyna) qui va conseiller les rites nécessaires (qifinna). Les gens sortent
de la maison à l'aube guidés par la femme qui a conduit le mu' dirra. Ils entonnent un chant.
Ils vont habiter dans des abris de sekos jusqu'à la construction de la nouvelle concession.
Le nouveau mil ne doit pas entrer dans la vieille concession.

Quand on déplace la concession les femmes du défunt sont partagées entre les
héritiers. On tue un bouc sur le foyer de la femme héritée. L'héritier doit passer la nuit avec
les gens de la maison s'il habite ailleurs.

LA MORT PAR NOYADE

Toute personne noyée est considérée tuée par Mununda, le génie de l'eau. Si une
personne disparaît dans l'eau (fleuve, marigot) on recourt au devin (greyna). Il peut dire si
la personne est morte ou encore en vie. Il dira alors de prendre des céréales blancs (sle' ma
ha'na). On les met dans un morceau de calebasse et on part mettre ça dans l'eau. On dit:

"Mununda, je t'ai amené les choses blanches pour que tu libères le corps".

On repart à la maison prendre un mouton qu'on tue et dont on verse le sang dans l'eau. Si
les gens n'ont pas pleuré la personne sortira de l'eau encore vivante. S'ils n'ont pas respecté
tous les rites ils sortiront un cadavre, car Mununda l'a tué.

recueil de notes sur les Masa -18


Le devin peut aussi indiquer l'endroit où chercher. Une fois trouvé c'est un proche
parent qui doit le soulever après avoir fait encore des rites. Si l'eau n'est pas profonde et la
personne est immobilisée on blesse le cadavre avec un couteau ou les dents pour faire sortir
le sang. Le mort est ainsi libéré par Mununda. Si l'eau est profonde l'homme tué par
Mununda a une blessure sur le front et sur les fesses. Si le cadavre n'est pas blessé, cela
signifie que la mort est accidentelle.

On transporte le corps à la maison en pleurant. Arrivés, on le fait passer par une


ouverture dans la clôture et pas par la porte. Avant de le déposer on prend la paille de la
case du mort. Le corps est posé sur cette paille et couvert d'autre paille. Il est enterré avec
toute cette paille. Celui qui a enlevé le corps de l'eau, après l'enterrement va encore amener
des céréales sur l'eau. Il égorge un mouton, prend un morceau de chaque partie et le met
dans un morceau de canari, dépose le tout dans l'eau en disant:

"Mununda j'ai tout payé, laisse-moi libre".

NOTE:

Mununda ne peut pas attraper les gens sans l'aide de Bagawna, le génie de la brousse. C'est
lui qui envoie les victimes à Mununda.

Il y a Munun ga**a, mâle, le plus méchant, il tue.


Munun cata, femelle, protège l'homme.

Mununda se manifeste sous l'aspect d'une fille au teint clair, presque blanc (slaw), très
belle. On peut la rencontrer hors de l'eau, assise sur un pied de dumarra (Vettiveria
nigricana Stapf.) Elle a une petite taille.

Celui qui voit Mununda doit faire un sacrifice avec une chèvre chaque année ( tuwal
Mununda - le sacrifice annuel à Mununda). Seulement les plus proches peuvent manger à
cette viande.

Mununda peut t'attraper hors de l'eau. Si tu bois de l'eau sans te satisfaire c'est Mununda
qui veut te prendre et essaye de t'attirer vers le fleuve. Même dans les petits marigots il y a
Mununda.

Il y a un serpent très mince, tacheté dit sardeyna (Psammophis elegans Schaw.) qui se
trouve aux bords des marigots. Quand on le voit on dit que c'est Mununda qui passe. On
ne le tue pas. S'il te mord, aucun autre serpent ne te mordra.

Tonino Melis - D'après une conversation faite à Siyeke en Octobre 1987.

recueil de notes sur les Masa -19


CE QUE PENSENT LES MASA DE LA MORT

La mort a toujours une cause humaine:

- soit elle est causée par l'ennemi du défunt en lui jetant un mauvais sort;
- soit elle est survenue comme peine pour ses fautes;
- soit comme peine pour ses désobéissances (manque d'observation de coutumes tels que
les sacrifices aux Esprits).

Après la mort, le mort va au village des morts où il trouvera les membres de sa famille qui
étaient morts. Il y a dans ce lieu les mêmes structures de la vie qu'ici bas.

Le mort peut revenir, soit en songes, soit visiblement pour faire du mal, demander des
sacrifices, intervenir dans la vie de la famille en certaines circonstances.

Certains prétendent qu'il existe deux étapes de la mort:

1ère étape: le défunt regagne le village des morts où il mènera une vie normale;

2ème étape: ou 2ème mort où il prendra l'aspect d'un papillon (kibir-kibira), ou d'un autre
animal (cela selon le clan:les Miyogoy se transforment en éléphant par ex.).

Pour d'autres encore il n'y aurait rien après la mort. Certains parlent d'un jugement après la
mort où chacun doit répondre de ce qu'il a fait: les dettes seront remboursées, les injustices
pénalisées, etc...

N.B.: dans toutes ces vies après la mort, il s'agit de l'âme (*usta) du
défunt sauf dans le cas de la transformation en animal où le mort
sort de la tombe avec tout son corps jusqu'au moment où il périra
pour la 2ème fois et disparaîtra à jamais.

(enquête effectuée par François Ni*ayna - Siyeke 1987 )

recueil de notes sur les Masa -20


LAXANA
ORIGINE

Les informateurs ne semblent pas connaître de façon précise l'origine du laxana. Certaines
opinions circulent cependant:

* ce serait Matna qui serait à l'origine de l'initiation

* viendrait de kayam, plus précisément de Gisey..

* selon d'autres viendrait de Musgum (Musuk)..(opinion corroborée par Philippe Alain qui
a entendu une légende à ce sujet)

* un homme (d'où?) a voulu trouver une façon de tromper les femmes: li yal ka tam cata
valamu . Il a pris ses enfants mâles, les a conduits en brousse, leur a appris la langue de
l'initiation, les a couverts de ciyna, a la tuwsi cita qutsi kayn sa boyn nala.
On ne dit pas aux femmes, aux non initiés, ce qui se passe à l'initiation sous peine de
mort.

* on raconte même qu'à un certain endroit les singes font aussi l'initiation...La démarche
des initiés rappellerait celle des singes...Lorsque des initiés rencontrent des singes,
certains les appelleraient payna.

CREATION D'UNE AMBIANCE

Le laxana est certainement un événement très important de la vie des Masas, un


temps fort, même dangereux (kuwa). Ce qui est sûr c'est que tous: hommes, femmes et
enfants, sont mobilisés par cet événement. On ne parle que de cela avant, pendant et après,
c'est-à-dire pratiquement pendant cinq mois...

Avant que soit même fixée la date du laxana, alors même qu'il n'y a aucune certitude
qu'il aura lieu, toute une ambiance est créée autour du laxana dans le but évident "de
préparer psychologiquement" les nogoceyna. Ce sont les payna qui créent cette ambiance
(nisi giyam laxana, laxan giyamu, firiyamu), terrifiante pour les nogoceyna.
Comment?

- par les nombreuses conversations sur le sujet; tout le monde en parle; les payna entre eux,
les nogoceyna entre eux, les femmes entre elles; et apparemment il n'y a pas de
communication entre ces trois groupes;
Les femmes surtout appréhendent ce temps; il fait l'objet de toutes leurs conversations;
elles ne se sont pas privées d'ailleurs de mettre en garde le personnel féminin (et même
masculin) de la mission;
les futurs initiés (nogoceyna, sida**a) sont l'objet de brimades de la part des payna; ils
leur doivent obéissance sous peine de représailles futures. Un chant d'ailleurs dit: sida**a
diyna (les non initiés sont obéissant comme des chiens).

recueil de notes sur les Masa -21


- en donnant un relief particulier à la danse du laxana. Celle-ci est réservée aux payna. A
lieu à toutes les tok*a dont le timna n'est pas "chaud" (i.e. à toutes les tok*a qui sont des
tok*a joyeuses: tok*a de vieilles femmes, d'hommes vieux et mûrs...).
Mais avant le laxana elle prend un relief particulier. Celui qui ouvre la danse agite devant
lui un bouquet d'épines (weyna). Souvent c'est le lakeyna lui-même qui porte la branche
d'épines; il poursuit les femmes et les non-initiés.

- et grâce aussi au wurak-semna.


Les payna du dernier laxana se rendent parfois très loin (ainsi Puwna de Doge - Magaw -
ira jusqu'à Mulsu - Kumi -) chez les nogoceyna qui portent le même nom pour se faire
payer le nom (wurak senu) sous les menaces suivantes:

ya* kow, huma* kow, huqa* kow, nan ma cufumu, mutumu.

Le prix du nom est un coq, ou simplement du tabac, de l'argent. Le payna à qui on a déjà
fait le coup dit lui-même qu'il se rattrape (jop yanu).

- la loi du secret en même temps qu'elle assure la permanence de l'institution contribue


aussi très fortement à créer une ambiance. Face à ce secret (qui n'en est plus un par ex.
pour beaucoup de femmes qui ont vécu plusieurs initiations) tout le monde "joue le jeu":
les payna, les femmes, les nogoceyna...

Cependant à côté de toutes ces brimades et menaces, il se trouve quelques-uns pour


encourager les nogoceyna: soo* tuwa*u! Va li qi, *ata* hari qi, gujun kayn nala ! laxan
ma jak zoko* hotiyo (où il reste quand même une menace de mort).

On a remarqué que c'est un ami vrai qui révèle au futur initié tout ou partie de ce qui se
passe à l'initiation, lui enlevant ainsi sa crainte.

PREPARATIFS IMMEDIATS

Ce qui suit s'échelonne sur un laps de temps de deux à trois semaines avant l'ouverture du
laxana.

1. Giyam laxana

Les payna armés de jafina, au bout desquels sont suspendus des morceaux de
ferraille (avant on y suspendait des togoceyna, gayna, slempetek*a ..), passent de saré en
saré en frappant le sol (dap) en cadence et se font remettre des menus cadeaux (ki sum sa
siqaw nala): tabac, arachides...qu'ils se partagent ensuite. (ici comme ailleurs l'argent a fait
son entrée et prend souvent la place des menus cadeaux: 100...200...300 frs).

2. Divination

Les pères des futurs initiés se rendent chez le sa ma greyna qui leur indique ce qu'il faut
faire pour que: gurona viki ba kalaf laxa qi . Il leur indique à qui faire le sacrifice: Matna,
Bagawna, Lowna, Mununda... et quelle victime offrir. Dans le bolla on demande toujours

recueil de notes sur les Masa -22


que les enfants reviennent sains et saufs. La consultation du devin est toujours affaire
personnelle. Le devin peut aussi indiquer au père de l'enfant qu'un reyna cherche l'enfant; il
fait alors appel au sa ma patna chargé de ramasser l'âme de l'enfant. Cela se fait selon les
rites habituels dans une telle circonstance.

3. Choix d'un parrain

Chaque futur initié a un parrain, sa ma col kalamna, sa ma *atamna, que lui choisit
son père ou qu'il choisit lui-même s'il en a l'âge:- col kan na*u
- awa, *ata* nanu

Sa ma nar ci gongor ma laxa qi: un poltron n'est pas capable de "tuer" un non initié dit-
on, ce qui signifie qu'on choisit un parrain en fonction de son courage. Dukam li nar qi...
Un autre critère semble être le douceur (sa ma *ali). Le rôle du parrain consiste à
accompagner et à protéger son filleul sur la muqak*a vi laxana; il peut aussi lui porter à
manger durant sa séquestration. Son filleul lui doit reconnaissance aussi nam kotom
tuwam *olo.

4. Préparation de l'aire d'initiation (muqak*a vi laxana) et de l'enclos (guduk*a vi


laxana).

Ce sont les payna aidés des futurs initiés qui préparent muqak*a et guduk*a ; ce dernier est
monté à une certaine distance, jusqu'à un kilomètre de l'aire d'initiation. Chaque quartier
préparerait (tressage et montage) le guduk*a où logeront ses enfants. Une fois construit,
l'enclos ne peut rester sans habitants, bur valam qi (à cause des reyna); le tufna vi lakeyna
(adjoint du chef d'initiation) s'y installe dès cet instant pour en assurer la garde jusqu'à
l'arrivée des guro laxana et durant tout le temps de leur séjour. On prépare l'aire d'initiation
comme on prépare l'aire d'un tok*a, i.e. en nettoyant le terrain où on installera le tam-tam.

5. Tuwalla vi laxana (on dit aussi por muqak*a)

Quelques jours avant la nuit de l'initiation a lieu le tuwalla vi laxana . Il s'agit d'un
sacrifice. Il se fait en présence des anciens et d'un certain nombre de payna. Avant de faire
ce sacrifice le lakeyna appelle le devin chez lui. Ce dernier lui dira peut-être de faire des
sacrifices préparatoires: oeufs, poulets, ovins...Cela fait il appelle à nouveau le devin qui
revient terminer la divination. Ce n'est qu'ensuite qu'on ramasse l'argent en vue de trouver
la vache qui servira à faire le tuwalla. Cette vache est achetée avec la cotisation des payna .
Le sacrifice se fait avec une vache (put ma dota, putta gala*ka). Une fois la vache trouvée,
on l'amène à l'aire d'initiation. On joue le tam-tam (giyam neqa), sans jafina. Le lakeyna
prend la vache par les oreilles et l'amène au muqak*a; il prononce la bolla suivante:
Laxata, nan vak putta vakawa, tuwalak yow,
tuwalak nak Laxata,
sa ma kali hay muqak*a nak Laxata bam de,
ho' ma ma kay nagatna, ney ka' qi.
Guro laxana nak Laxata nak cukanti zoksi goy jiy sle' ca.
Laxat nan *atak putta vak qowni,
sa puk hay muqak* qi, sle' hulul 2

2
puk = tomber; en cas de chute, Laxata te tue.

recueil de notes sur les Masa -23


Ensuite il égorge la vache. Il partage la viande. Certains la mangeront chez eux, à la porte
du saré (cufumu, mutumu). Ceux qui sont proches mangent la viande sur place. Les
femmes ne mangent pas ce sacrifice. Ceux qui ont mangé sur place giyam neqa, jouent du
tam-tam. Ils rentrent ensuite chez-eux.

6. Gayta vi laxana

La tradition relative à cette tige de mil (gayta vi laxana) est assez floue. Selon les uns
elle viendrait de Zomgey, de l'autre côté du Logone à la hauteur de Ham; elle parcourrait
tout le pays Masa en passant de lakeyna en lakeyna (un peu comme Diniyata, qui passe de
chef de terre en chef de terre). A la fin de l'initiation elle serait ramenée à Zomgey et gardée
en dépôt jusqu'à l'initiation suivante, en sorte que ce serait la même gayta depuis les
origines.
Selon d'autres, c'est chaque lakeyna qui a le dépôt de cette gayta; il ne la perd pas et la
ressortira à l'initiation suivante (ce qui en définitive revient à la version précédente); à
Kumi les lakeyna iraient chercher leur gayta à Gumay, pays de Rikasa, ancêtre des Gumay.

N.B. Pour l'initiation qui vient d'avoir lieu (1975) il semble bien que chaque lakeyna a
tout simplement pris une tige de mil dans sa terre. Pour ceux qui sont déplacés (p.e.
Midjiwey..) le lakeyna est venu chercher la tige dans sa terre d'origine (Kumi, Magaw...).

Les gens disent: lakey gaytiya sli kalam qow, laxan hepi ri* yo. Cela s'est fait quelques
jours avant l'entrée en initiation, avant le tuwalla.

7. Guna vi laxana

C'est un "médicament" (suxulla) qui sert à protéger le lakeyna et son adjoint lors de
l'initiation. Ils se l'attachent au front au moment de remplir leurs différentes fonctions: pour
le tuwalla, pour la nuit de l'initiation (ri* laxan kalafi), pour la sortie (laxan kus ka jiya). Si
un lakeyna s'est déplacé et qu'ils veulent le faire revenir, il semble qu'on n'a qu'à lui porter
un morceau de suxulla et il revient. Pour ceux qui sont hors du pays natal, ils viennent
chercher leur suxulla au pays.

LE LAXANA PROPREMENT DIT


(tel qu'il s'est déroulé à Buguda* (Kumi) cette année)

1.Sacrifice au muqak*a

Le jour de l'entrée (ri* guros gureyna kalafi), l'après-midi vers 15 h, les nogoceyna
sont conduits au muqak*a par les payna . Le lakeyna égorge une brebis et il fait la bolla
suivante:
Laxata, Lowna, Matna, Bagawna, Yeyta tun diyak*a sumuna,
Laxat tuna' dira'i mi nan qi, may kay sumiyoni pa.
nan *at hut qowni, guro-laxana cukanti giy sle' ca;
sa ma garsina Laxat nak banti ba!
Cata gongor ka' vi kay ta, na mutumuna, Laxat nak banti ba!
Sa ma hayam ka tam gongorra a la la lin bam bana,
sa nam kal hay muqak*a van qi,
kali hay muqak*a naa, Laxat nak banti ba.

recueil de notes sur les Masa -24


Le chef de terre fait aussi une bolla:

Nagata, nan *ata $ut qowni,


sa ma hayam joona, min a la nam xulak muqak* naana,
Nagat nak ranti qi,
cala xalam ga hayak qi!
Cata haya' joota,
Nagat nak ranti qi,
cala xa' ga hayak qi!

Après cela le lakeyna tue la bête. Tous les nogoceyna mettent le pied dans le sang (le pied
droit). On fait griller la viande et les payna la mangent sur place.

2. Dernier repas des enfants

Après avoir mis le pied dans le sang du sacrifice, les nogoceyna sont accompagnés
chez eux ou dans les sarés des environs s'ils habitent loin. Et là on leur donne à manger. On
leur tue quelque chose, du moins on leur fait un bon repas, car les parents ne savent pas
s'ils reverront leurs enfants.
Il faut mentionner qu'à partir du moment où ils ont mis leur pied dans le sang du sacrifice
ils ne parlent plus aux femmes.

3. Rassemblement chez le chef de l'initiation (lakeyna)

Les enfants sont ensuite rassemblés chez le lakeyna où on leur rase la tête (ceux qui
avaient déjà le crâne rasé on leur fait le geste symbolique avec un couteau). Ils attendent
ensuite le soir à l'intérieur des cases des hommes.

4. Manifestation de Laxata aux payna

Le soleil couché, pendant que les guro-laxana se trouvent chez le chef d'initiation, les
payna se rassemblent au muqak*a. Ils sont nombreux et créent une très forte ambiance
(nisi giyam *olo). Quelques payna qui connaissent bien le laxana partent à l'écart (en
cachette); parmi eux certains ont une fonction précise:

le lakeyna, son suxulla attaché au front, de son vrai nom sa ma gi libitna (libitna: vrai nom
du zamak*a, costume de paille tressée, prolongé du côté de la tête par deux
bois attachés qui font office de cornes, et se terminant à l'autre extrémité par
une sorte de queue à laquelle est attaché un bouquet d'épines; le lakeyna se
couvre de ce costume);

sa ma gosona : il fait du bruit en soufflant dans une hurra (grosse gourde);

le sotona: grince des dents dans une corne en terre, imitant le bruit du musaraigne;

sa ma kuna: sera chargé de l'épreuve du feu;

sa ma difna : il souffle dans sa difta: tiwile, tiwile..., il appelle laxata;

recueil de notes sur les Masa -25


sa ma gut lakeyna : chargé d'aider le lakeyna à revêtir et à poser le zamak*a.
Etant à l'écart, ils prennent à deux ou trois le zamak*a, lui font toucher un arbre (dans ce
cas précis un cutna) et le retirent; l'opération est répétée trois fois. Le sens de ce geste: le
malheur qui éventuellement frapperait le lakeyna tombera sur l'arbre en question (on dit
même que parfois le cutna en crève). Cette opération accomplie, le lakeyna fait une bolla:

Laxata nan *a libitn nam qow ka zi*a cutni


nan ko ho'nawa goy tam cutna.

Ensuite le sa ma difna s'en va parmi les payna et commence à souffler dans sa corne. Il
souffle un certain temps et pendant ce temps l'ambiance monte. Le sotona va le rejoindre et
se met à souffler à la place de l'autre. On sait alors que laxata est proche: Laxat mi sir
gobiyo . L'ambiance est à son comble.

Pendant ce temps le lakeyna a revêtu le zamak*a aidé des autres et s'est approché.
Les gens qui l'accompagnent font du bruit: ciriya, ci duhulla, gile' "kilew, kilew", "*uro*
kopiyo", "da*ina gisa", "sum guro sa jofna" (surnoms de Laxata). Lorsque Laxata
s'approche, le sotona se tait, quelques anciens vont au devant d'elle et tous se joignent à la
clameur générale: le tam-tam joue, les payna frappent les jafina par terre, les gens crient et
appellent les surnoms de Laxata. Laxata (le lakeyna sous son costume, assisté de deux
aides à ses côtés et d'un troisième qui soulève la queue) fait le tour des payna , pénètre dans
leurs rangs pour les effrayer. Ceux qui parmi les payna tombent par terre devront payer une
chèvre d'amende et le lakeyna leur fera une aspersion d'eau (le lendemain).

Selon l'informateur, les gens ont vraiment peur et beaucoup tombent. Le tam-tam
peut même être renversé dans la mêlée. Laxata s'ouvre un passage de force parmi les gens,
se servant de ses cornes; les gens s'ouvrent et fuient à son passage. Cela se fait assez
rapidement et Laxata repart là d'où elle vient.

5. Laxata va voir ses enfants

Une fois revenu à l'arbre d'où il était parti, le lakeyna dépose le zamak*a et se repose un
peu. Il le revêt à nouveau pour aller voir les nogoceyna qui sont toujours rassemblés à son
saré. En allant il passe à l'aire d'initiation (distance d'environ 50 m) où il fait le tour du tam-
tam une fois, afin de montrer aux payna qu'il part voir les nogoceyna. Un certain nombre
se joignent à lui. Ils vont en faisant beaucoup de bruit, en criant et frappant le sol en
cadence de leurs jafina. (ceci il semble bien afin d'avertir les femmes qui seraient dehors de
se cacher à l'intérieur; une femme qui verrait Laxata serait abattue sur place).

Arrivés au saré du lakeyna, celui-ci (Laxata toujours) fait le tour du saré une fois. Ceux qui
l'accompagnent disent que Laxata vient voir ses enfants: Laxat ma quw gurona va'a . Ils
appellent aussi ses surnoms. Le gosona souffle dans sa hurra. Les guro-laxana sont à
l'intérieur des cases, la figure par terre. Les femmes crèvent de peur, n'osent pas bouger, Le
lakeyna repart ensuite à l'arbre d'où il était parti.

6. Manifestation de Laxata aux Guro-laxana

Les payna (et parmi eux les parrains qui ont des enfants en charge) vont en courant
chercher les nogoceyna et les amènent à l'aire d'initiation, en les tenant par la main (à partir

recueil de notes sur les Masa -26


de ce moment on ne les appelle plus nogoceyna, ils sont guro-laxana). Chaque parrain en
effet les a conseillés au moment d'aller les chercher: na* li nar qi, *at may qi, pir giy qi .
Ils les installent autour du tam-tam en cercles; ils sont couchés à plat ventre, la tête du côté
du tam-tam. Ils ont la face contre terre et les mains sur la figure. Le parrain se tient debout
au dessus de son filleul, une jambe de chaque côté du corps. Il tient sa jafina bien appuyée
par terre devant la tête de l'enfant. Ceci afin de protéger l'enfant lorsque Laxata passera et
au moment des épreuves des épines et du feu. L'enfant qui par crainte essayerait de se
retourner serait tué sur le champ. Chaque parrain a aussi recouvert son filleul de poussière
(contre l'épreuve du feu).

Une fois les guro-laxana en place, pendant que les payna continuent à frapper le sol
de leurs jafina et que les parrains se tiennent au-dessus de leurs filleuls, le lakeyna a revêtu
de nouveau le zamak*a. Il arrive accompagné de ses aides. C'est le sommet de l'ambiance.
Il fait le tour à l'intérieur du cercle, tout près des têtes des guro-laxana. Il fait ensuite un
autre tour mais cette fois en passant au-dessus des jambes des guro-laxana. Les parrains se
retournent alors et protègent les enfants avec leurs jafina, car les épines attachées à la queue
du zamak*a traînent sur les enfants (mais cette année le lakeyna n'était pas méchant; son
aide a toujours tenu les épines relevées). Ensuite le lakeyna repart.

Aussitôt arrive le sa ma kuna. Lui aussi fait un tour à l'intérieur du cercle et un autre
au-dessus des jambes des enfants. Il tient à la main une torche de pailles allumées et en fait
tomber des brandons sur le corps des enfants (s'il avait été méchant il aurait pu avoir un
bois enflammé duquel il aurait fait tomber des braises).

7. Imposition du nom par Laxata

Ensuite les payna "giyam neqa" et s'arrêtent. Laxata va donner le nom à ses enfants.
Le sa ma gosona se tient un peu à l'écart de l'aire. A ce moment-là, le parrain demande le
nom pour son filleul: "vani" ley bo..."vani-be" su (où l'on voit qu'il s'agit du nom du filleul
auquel est ajouté un des suffixes de l'initiation: Be, Kero, Dandi; Sala; To*e).
Si le nom plait à Laxata, le sa ma gosona fait "hum, hum" avec sa hurra, et tous les payna
disent "kilew, kilew". S'il ne plait pas, le parrain renouvelle la demande avec un autre nom,
ainsi jusqu'à trois ou quatre fois.

Lorsque tous les noms des guro-laxana ont été imposés, les payna "giyama". Ensuite
les guro-laxana se mettent debout; on joue du tam-tam et ils font le tour du tam-tam trois
fois dans la position des initiés (cok dolla : la main gauche cachant la figure ils marchent en
dodelinant de la tête et des épaules; entre les doigts de cette main qui cache la figure ils ont
le morceau de tige de mil qu'on leur a remis au moment de les amener de chez le lakeyna à
l'aire d'initiation).

8. Entrée au guduk*a

On enlève le tam-tam; les payna conduisent les guro-laxana au guduk*a pour que
Laxata "remette ensemble leurs os" (jak zoksiya). Ils s'en vont gudo* gudo* (la figure
voilée de la main gauche, le corps penché en avant). Arrivés à l'enclos, on dresse le tam-
tam et on en joue. Les guro-laxana font le tour du tam-tam deux ou trois fois et rejoignent
leur guduk*a propre (si l'enclos est en brousse, le tam-tam, est dressé à l'extérieur de
l'enclos; s'il est près des cases, il est dressé à l'intérieur).

recueil de notes sur les Masa -27


Ensuite les payna se tiennent à l'entrée de l'enclos (ils sont sortis après avoir conduit les
guro-laxana à l'intérieur); le lakeyna, debout à la porte de l'enclos, fait une offrande d'oeufs:
Sa ma gar guro-laxana, la li nam bam bana,
Matna, Bagawna,
nan sla* zenawa,
ga* zeniya qown ma* na* Bagawna,
sa nam puk ka vokon dam.
Laxata, sa ma ma gar guro-laxana a la nam bam bana,
laxata van ci *aa qina,
"bam ku' laxata vi vani",
sa nam Laxat nak banti ba!
Niya-Lown ma ga qown fum qi!

Après cette bolla, il fait le tour des payna et jette l'œuf par terre. Les payna s'en retournent
alors chez eux et les parrains restent auprès de leurs filleuls.

9. Retour des peaux au saré

Au moment de quitter le saré familial pour être conduits à l'aire d'initiation, les payna
ont préparé et attaché une peau aux futurs initiés. C'est la peau traditionnelle attachée sur le
ventre et qui pend derrière. Les payna ont enlevé cette peau aux initiés soit le soir au
moment où ils les ont conduits à l'enclos pour la nuit, soit le lendemain matin.

Le matin à l'aurore les payna accrochent les peaux à leurs jafina afin de la ramener
aux parents des nogoceyna. Cela voudra dire que l'enfant est vivant et qu'il a passé la nuit
de l'initiation. Si la peau ne revient pas, l'enfant serait mort. On comprend l'anxiété des
femmes, des mères des enfants qui ont passé la nuit sans pouvoir dormir attendant ce retour
de la peau..

Les payna vont d'un saré à l'autre, les peaux accrochées à leurs jafina et toujours en
martelant le sol en cadence; ils commencent par les sarés importants: chef d'initiation, chef
de terre, anciens du clan...(les peaux des filleuls sont accrochées aux jafina de leurs
parrains respectifs). Quand les payna arrivent à un saré, les parents donnent des cadeaux
aux parrains: ceyna, suweyna, paana, dagalawna... et maintenant aussi de l'argent...Le père
de l'enfant (un autre s'il y a lieu, mais pas une femme) prend la peau et l'attache dans sa
case, ou dans la case d'un parent s'il n'est pas dans son saré. Les payna "giyama", la mère
explose de joie, on la porte sur les épaules, elle lance des arachides, du tabac, ce qu'elle a...:
na' giyam laxana, hal kulo ley, yak suwey goy ley...tuwa' firiya . Pour cette circonstance
elle est parée de perles, aux bras, au cou, à la poitrine.

....pendant que les payna passent ainsi de saré en saré, les femmes suivent de loin et se
mêlent à la joie générale.
(Les cadeaux ainsi reçus seront remis par les parrains au lakeyna, une partie cependant
restant au parrain).
La mère prépare de la bouillie que le parrain portera à son filleul. Le lakeyna se trouve près
de l'enclos et met dans la bouillie un morceau de suxulla (guwa sle'na). Le parrain donne la
bouillie à boire à son filleul et fait la bolla suivante:

Vu' gurona ca ca,

recueil de notes sur les Masa -28


yisi bassi qi,
lawa ca* kayn nanuna,
jafa* qown na ka vok na qow
Le parrain donne à boire à son filleul deux ou trois goulées de bouillie selon le *af du père,
mâle ou femelle (ici il faudrait contrôler: selon l'informateur il s'agit du *af du parrain, et
non du père de l'enfant; on ne connaît pas toujours non plus le *af du parrain: s'il n'a pas
d'enfants..; dans ce cas il fait boire trois goulées (*af mâle)... de toute façon, toujours selon
le même informateur, il ne s'agit pas d'une chose de tellement d'importance).

En plus de cette bouillie (ou dans cette bouillie), on fait prendre aux guro-laxana du
suxulla: "Si tu livres le secret, tu mourras".. C'est évidemment cette peur du gunna, cette
peur de mourir qui fait que le secret est si bien gardé.

N.B.:Cette nuit n'est pas la seule. Elle est suivie de plusieurs autres, c'est par vagues
successives qu'on tue les guro-laxana. Durant ces autres nuits, les guro-laxana
sortent de l'enclos et participent avec les payna à giyam laxana. Les derniers "tués"
sont les tout jeunes enfants: la veille de Kus laxat ka jiya, on les envoie sur la
muqak*a vi laxana (simple passage) puis au guduk*a où ils passent une nuit et dès
le lendemain on les renvoie chez eux.

10. Séquestration en guduk*a

a) Le guduk*a a été décrit plus haut: voir schéma.

b) pendant un mois (à Buguda* cette année 35 jours) les guro-laxana vivront dans cet
enclos:
* nus,

* dormant à même le sol,

* ils mangent abondamment; pour cette raison on choisit normalement une année
d'abondante récolte pour faire le laxana. On leur porte la boule le matin et le
soir et on fait de la bonne sauce: viande, poisson..., quitte à vendre du mil s'il le
faut pour la sauce. Cette nourriture est, dit-on, pour les payna car les guro-
laxana sont censés boire le lait de Laxata.

* ils ne se lavent pas, pas même les mains après les repas. On explique ici qu'il
s'agit d'une attitude de deuil: guro-laxana lakki lak ka jar mitna:
bay kali ka jiy pan, nisi may suqi qi...
(ils peuvent encore mourir, on peut les tuer).
bur ka budu ley, mus tuwsi qi ley.

* Ils gardent le regard à terre (sa sar kulo qi), du moins quand ils sont en
présence des payna .
diram tuni kayn kir sumay pa;
payna li kayn ki mulla vay nala:
sa saram kiram qi, tunum tuwamu.

recueil de notes sur les Masa -29


c) Le lakeyna surveille l'enclos, mais d'assez loin. C'est à son adjoint (tufna vi lakeyna)
qu'est assignée la garde de l'enclos. Si les guro-laxana sont trop bruyants, il intervient
(nam baysiya). Mais son rôle est surtout de les protéger des reyna.

d) Un enseignement est fourni aux guro-laxana durant ce temps de séquestration. Ce sont


les payna qui donnent cet enseignement qui comprend:

- l'étude de la langue secrète (vun laxana)

- l'exercice des chants du laxana et de la danse dite dolla (marche dans la position
accroupie, main droite couvrant le visage, et en dodelinant de tête: le plus grand
marche en tête et le plus petit ferme la marche).

- les conseils à chacun des guro-laxana pour qu'il change sa manière d'être, de faire: s'il
était coléreux qu'il devienne doux, s'il était doux qu'il devienne coléreux, afin que:
boyn da ka* a la Laxat ka*iyawa hiya
ou Laxat muqa*awa *ali: sime' ma ja*a*u
(tu peux respirer, tu n'as plus peur de mourir)

ou boyn da ka* a la na*i muriya,


Laxat muqa*awa koliyo.

Quatre types de guro-laxana ont droit à des conseils particuliers:

sa ma kulla, sa ma unna, sa ma ci hiya, sa ma do jar sumuna.

A la limite ces gens risquent la mort: il faut au préalable l'accord des payna (nisi *ira
vunsiya) parmi lesquels se trouvent inévitablement "un père, un frère" du condamné.
Si la mort était décidée, c'est probablement parce que ces individus sont considérés
comme dangereux pour la société.

e) Guro-laxana ci pahna
Une quinzaine de jours environ après l'entrée en guduk*a, le matin de bonne heure, les
guro-laxana se rassemblent tous hay liy ma musna; ils s'assoient par terre, penchés du
côté gauche, la main gauche couvrant le visage (koqi ga'a).
Le lakeyna arrive à la porte de l'enclos, il appelle Laxata: "laxata", ils répondent tous
ensemble "pah, pah" deux ou trois fois (le lakeyna leur a appris leur rôle auparavant).

Le but de ce rite: les guro-laxana qui étaient morts, dont les os n'étaient encore soudés
(zok bay jaka), sont maintenant bien vivants: ils crient, ils mangent...Les femmes
entendent ce cri puissant, le matin tôt alors qu'il n'y a aucun autre bruit. Ils sont bien
vivants, leurs os sont ressoudés, elles les entendront de nouveau. De fait, à partir de ce
jour on leur apprend le kus dolla, le pir sey seyna (danse de sortie).

f) Les surnoms des guro-laxana. Chaque fois qu'un payna approche de l'enclos, il dit:

*if ma dama kayna, ou dogon ma nuka**a (= gor laxan ma *aana), ou asoli sawna,
ou nigida* gar qawna....,
ce à quoi les guro-laxana répondent: a doo, payn duku.

recueil de notes sur les Masa -30


NOTE Si un guro-laxana meurt la première nuit ou pendant la séquestration, il n'est pas pleuré. Et on l'enterre
de façon anonyme et en secret. Il n'y a pas de monticule, de sorte qu'on ne peut repérer le tombeau. On peut
aussi le jeter au fleuve...On ne pleure pas non plus les morts au village pendant cette période: pas de pleurs,
pas de tam-tam.

SORTIE DE L'ENCLOS

A- Préparatifs.

1. consultation du devin

Quelques jours avant le jour de sortie fixée par le lakeyna, celui-ci va consulter le
devin, pour que la sortie (kus laxana ka jiya) se passe bien. En effet, l'aire d'initiation a été
abandonnée durant tout le temps de la séquestration et des maux s'y trouvent peut-être, il
faudrait alors l'exorciser (sle' muqak*a). Le devin va alors prescrire un sacrifice (même un
mouton ou une vache).

2. préparation de la bière

Deux jours avant le jour de sortie, le lakeyna prépare de la bière de mil. (les anciens
peuvent lui apporter du mil, ou encore préparer de la boisson qu'ils lui apportent ensuite).
La veille il la met dans les genna.

3. préparation des peaux

Les parrains préparent les deux peaux que portent les guro-laxana à la sortie:

- la peau qu'ils porteront sur le dos pour "cacher leurs plaies non encore cicatrisées":
bak ma ka vun milik*a, bak ma *orra; les poils sont à l'intérieur sur le corps.

- ils ramènent la peau qui avait été apportée aux parents des enfants le lendemain de
l'entrée; on fait de cette peau une sorte de caleçon: attachée autour des reins elle est
ramenée devant, passant entre les cuisses.

4. Toilette des enfants

A la fin de la nuit qui précède la sortie, ou très tôt le matin, les parrains apportent de
l'eau pour faire la toilette des enfants (on peut aussi les conduire directement au fleuve s'il
n'est pas trop éloigné). On leur enduit ensuite tout le corps d'ocre (cor slawi) (ciyna).
Même la peau sur le dos est enduite d'ocre. Le ciyna sur le corps leur donne un visage
d'outre tombe qui fait dire aux femmes:
"ils n'ont pas les yeux comme nous,
oui vraiment ils étaient morts."
Il rend les enfants méconnaissables, les fait tous rassembler, de sorte que les mères ne
pourront pas reconnaître leurs enfants, savoir si leurs enfants sont encore vivants ou si
Laxata les a perdus. On leur attache ensuite les peaux, leur donne un bâton qui les
soutiendra dans leur marche penchée en avant (gudo* gudo*)

recueil de notes sur les Masa -31


B- Sortie de l'enclos: Kus Laxat ka jiya

1. libation de bière

Une fois les enfants préparés, on les laisse sous la garde de quelques payna, et ceux qui
veulent se rendent au muqak*a pour boire la bière préparée par le lakeyna. Le lakeyna
prend une genda et fait une bolla:

Laxata, Laxata,
nan yak doliyna vakawa, yak doliyna vakawa,
muqak nan tokom zown giy nan van qi;
Nagata, sa ma kali hay muqak tanna,
a nam xulak muqak xulakina,
sa nam Laxat banti ba!
Bagawna, Matn ma ci Laxatna,
guro-laxan nan marsi qown kuloni,
cata gi cik*i kamati hetta,
a la gor laxan kay bulum kayn *aa qina,
Laxat nak banti ba.
Bagawna, Low ma vu' sumuna, Matna, Mununda,
nana musi dam kuqak nak Mununda,
nan hokki doliyna viki qow gani

Ensuite il verse la boisson par terre en trois fois. Il prend alors les oeufs et fait la bolla:

Mat ma ci Laxatna,
nan sliki zenawa, Bagawna,
nan lum zown lawna va bunu,
nan li muqak ma' qi, muqak nan lum kep,
nan ciki zenisawa.

Il jette les oeufs.


Ensuite les présents boivent la bière en faisant circuler les genna.

2- Kus dolla

Après avoir bu la bière au muqak*a, les payna se rendent aux guduk*a chercher les
guro-laxana. Ils mettent la dernière main à la préparation des enfants: peaux, couronnes de
plumes (ka*kala**a: ces couronnes, qui atteignent un mètre de hauteur, ont été préparées
durant la séquestration par les payna; là où l'on peut on emploie des plumes
d'autruche....autrement ce qu'on a: ga*gara**a, hak*a...).

On les fait alors sortir de l'enclos (ils ne ressortent pas par la porte mais on casse le
séko). Ils sont alors conduits au muqak*a. Pendant ce temps on brûle le séko (zak
guduk*a) (à certains endroits on l'a brûlé seulement le lendemain). Les bois ne sont pas
brûlés mais ils restent sur place; personne ne peut les prendre. Les payna, toujours avec
leurs jafina, "giyam *olo".

recueil de notes sur les Masa -32


Arrivés au muqak*a, les guro-laxana font alors kus dolla en tournant autour du tam-
tam. Accompagnés des payna qui "giyama", ils se rendent chez le lakeyna. On a préparé
une place derrière le saré pour les recevoir. Les femmes sont rassemblées et cachées à
l'intérieur du saré. Elles viennent voir leurs enfants. On a dressé le tam-tam apporté en
vitesse du muqak*a, et les guro-laxana font kus dolla autour. On les fait ensuite asseoir par
terre, la figure toujours cachée par la main gauche afin que les mères ne puissent
reconnaître leurs propres enfants.

Les payna sont toujours en grand nombre autour. on leur donne à boire. On laisse
regarder les femmes, mais de loin (cela dépend aussi si le lakeyna est gentil ou non). A ce
moment les mères dont les enfants sont morts au laxana ne le savent pas. Les enfants sont
ensuite séparés par groupes de quartier ou de famille. Le lakeyna les asperge d'eau en
disant:

Yam niyn guro-laxan qowni,


guro-laxan na sle' hululul,
yam gor basam qi

(Déjà au muqak*a certains groupes ont pu se détacher et être conduits à leurs quartiers; le
lakeyna a fait "yam niyna" à ce moment-là pour eux).

Après l'aspersion, les guro-laxana font la tournée de leurs sarés respectifs,


commençant par le chef de terre, les anciens... Ils marchent gudo* gudo*, la figure toujours
cachée, accompagnés des payna qui portent toujours leurs jafina et martèlent le sol en
cadence. Arrivés au saré, ils n'entrent pas; le bum ziyna leur donne à boire dans une
calebasse neuve. Ils "mordent la calebasse" pour montrer qu'ils ne savent plus boire (les
femmes verront la calebasse mordue!). Mais avant qu'on leur donne à boire, ils font la
danse dolla à la porte du saré. Le chef de saré peut faire aussi yam niyna sur son fils qui se
trouve dans le groupe. Tous se relèvent alors pour continuer leur tournée.

On a expliqué aux guro-laxana qu'ils doivent ignorer leur mère, leurs sœurs....Elles
sont d'ailleurs cachées à l'intérieur des cases la plupart du temps et sortent après le départ
du groupe. La tournée achevée, ils sont conduits à l'écart, sous un arbre. Ils posent leurs
plumes et les payna les brûlent.
Commence alors la période de semi-séquestration qui, traditionnellement, pouvait durer un
mois; cette période à été écourtée cette année (15 jours).

3- Put ma futuna

Le lendemain, les chefs de saré qui ont des enfants au laxana leur égorgent quelque
chose, selon leurs moyens: bœuf, mouton... il ne s'agit pas d'un sacrifice, mais d'une bête de
fête. On l'appelle put ma futuna parce que la boule qui accompagne cette viande est
préparée avec la farine apportée (ou envoyée) par les filles de la famille qui sont mariées
ailleurs. En retour on leur donne un petit morceau de viande. Si elles ne donnaient pas cette
farine, les initiés n'iraient pas ensuite faire la danse chez elles, ni ne mangeraient jamais
chez elles.

recueil de notes sur les Masa -33


TEMPS DE SEMI-SEQUESTRATION

1- Temps des tilek*a

a) tilek ma yowna

Le même jour (donc le lendemain de la sortie) les payna tressent une sorte de petite
chicote de la longueur de l'avant-bras, appelée tilek ma yowna; ils remettent cette chicotte
aux guro-laxana. Et tous ensemble, avec les payna, ils vont les brûler en brousse le jour
même: bur hi' nam qi. Ils reviennent sous l'arbre et les payna leurs tressent alors les
longues tilek*a, appelées tilek ma fiyok*a.

b) tilek ma fiyok*a

Tout de suite les payna apprennent aux guro-laxana le maniement de cette longue
chicote qu'ils doivent faire claquer: ci tilek*a . Pendant l'apprentissage, chaque fois que l'un
d'entre eux arrive à faire claquer correctement sa chicote, c'est un hurrah qui sort de toutes
les bouches.

Les jours suivants, ils se répandent dans le village, armés de ces longues cordes
(matin, soir, mais aussi dans la journée) au moyen desquelles ils effraient les femmes. Pour
se déplacer, ils gardent toujours la position courbée. Ils se cachent derrière les sarés et
attendent les femmes qui doivent sortir.

Pendant ce temps il arrive aux guro-laxana d'investir un saré et d'y expédier des
paquets d'excréments ou encore de s'emparer d'un bébé, de le couvrir de tiges de mil et de
s'apprêter à le rôtir...car ils sont stupides (tiginiya); mais pour cette raison ils se déplacent
toujours accompagnés au moins de quelques payna qui les arrêtent avant qu'ils ne
commettent un acte irréparable.
Lors de leur déplacement, ils font la chasse aux poulets au moyen de leur longue chicote.
dogon nulokom nulok: par ces mots les guro-laxana signalent les vols: kul tukum qi.
Tout ce temps est pour les femmes un temps de terreur; elles ne peuvent pas sortir du saré,
sinon accompagnées d'au moins un payna. A noter cependant que les guro-laxana ne
doivent pas frapper une femme enceinte, ou encore une femme portant une cruche d'eau.
Dans ce dernier cas, par exemple, si la cruche que la femme porte se cassait, ce serait le
malheur pour l'auteur (nam hoxa).

Pendant ce temps, les guro-laxana sont toujours vêtus de leurs deux peaux. A la fin
de cette période, ils jettent ou brûlent les longues chicotes, ainsi que la bak ma vun
milik*a (qu'on dit présenter des traces de pus et de sang!).

2- temps de pir sey seyna

Ils se débarrassent de leurs longues chicotes et de leur bak ma *orra le matin; l'après-
midi même commence le pir sey seyna (sey seyna = chant, en langage d'initié; c'est donc la
période des chants de réjouissance). Ils se revêtent alors d'une belle peau; s'attachent des
togoceyna aux mollets, s'ornent de perles autour des reins, au front et sur la figure, autour

recueil de notes sur les Masa -34


des poignets et même sur la poitrine; ils portent dans la main droite le luksuruna (petit
bâton au bout duquel il y a des lanières de peau) qu'ils agitent devant eux en marchant.
A souligner ici le travail et la dépense que représente la préparation des perles. Ce
sont les mères qui préparent les perles pour leurs enfants, et elles veulent qu'ils soient bien
parés. Elles se sont mises au travail plusieurs jours à l'avance.

Pendant ce temps les guro-laxana se déplacent par groupes, accompagnés de


quelques payna, marchant à la file indienne en cadence, alignés selon la taille, le plus grand
devant le plus petit fermant la marche, agitant leur luksuruna d'un côté à l'autre, sifflant de
façon modulée. Ils ont retrouvé la position debout. Le pir sey seyna commence chez le
lakeyna. Ils se rendent chez lui, dansent à la porte du saré. Après cette danse, le lakeyna
égorge un mouton et ils mettent le pied dans le sang (pied droit). Il les asperge ensuite
d'eau disant:

Laxat nak cuksi sle' hulul

Il fait ensuite entrer ses propres enfants, ou des parents, au saré indiquant ainsi que les
enfants peuvent rentrer chez eux.

Commence alors la tournée des sarés des enfants. Ils sont groupés par farana. Devant
chaque saré ils exécutent les danses de l'initiation et chacun se fait un devoir de les bien
recevoir, de les bien nourrir. Ils vont même faire la danse chez les parents éloignés. Peu à
peu, selon la volonté de chacun, ils rentreront chez eux pour le retour à la vie quotidienne.

RETOUR A LA VIE QUOTIDIENNE

Lorsque le temps est arrivé pour les enfants de rentrer chez eux, le lakeyna coupe la
plante médicament (suxulla) pour laver les yeux des guro-laxana a nisi mu' wi slena. Au
moment de se disperser il peut laver symboliquement les yeux d'un enfant.

Les guro-laxana sont invités à regagner leurs sarés, armés d'une tilek gabareyna que
leur remettent les payna (ils chicoteront les femmes avec). Arrivés au saré, ils doivent
recevoir une rééducation qui porte sur les gestes les plus élémentaires car ils sont censés
tout ignorer: maniement d'une hache, de la houe...choses du sexe (déjà pendant le temps du
pir sey seyna, il y avait eu de multiples preuves de leur ignorance du sexe. Dans les sarés
visités, on fait étendre une jeune fille par terre...mais les guro-laxana se couchent auprès
d'elle à l'envers...).
"Quand tu reviens, tu fais semblant de ne connaître personne, ni ta femme, ni
rien; tu ne sais plus coucher avec ta femme".

Les Payna sont donc chargés de leur apprendre à travailler...etc...Ils ont tout oublié!
Ce temps de rééducation terminé, on dit guro-laxan muqi wi'e. Ceci vaut aussi pour la
langue: au début ils mêlent la langue de l'initiation et le masa. Ils sont devenus des payna. Il
ne leur reste plus qu'à offrir un coq à leur parrain pour se protéger d'une sorte d'interdit: a
por xalamu, sle' tuwamu.

recueil de notes sur les Masa -35


Appendice

Le métier de lakeyna est très dangereux. On dit même qu'il peut mourir dans l'année qui
suit l'initiation. Pour se protéger, il a donc consulté au préalable les devins, a fait des
sacrifices...etc. a pul tuwamu.

CHANT DU LAXANA

Ces chants sont composées dans la langue du laxana. Ils reprennent les mêmes thèmes,
exprimés comme suit par notre informateur:

Cat kow, nisi *ula' a la na' kayn looto; nogoceyn kow, nisi *ulum a la nam kayn
sisa, sis ka fukuney *ek* nala; payna, nisi a la kayn xasusina, nisi kotom
tuwamu, dum law ma *aana valamu.

Il existe un chant du laxana, celui-là qui est repris aux tok*a, qui porte le nom de "laxana"
("le" laxana comme il y a "le" magana, "le" he-hena, "le" dap galina..). Il est repris par
tous les groupes d'initiés à travers le pays masa alors que les autres chants de laxana sont
propres à chaque groupe qui les composent durant le temps de séquestration en guduk*a,
une fois que la langue secrète commence à être maîtrisée (maîtrise toute relative, semble-t-
il).
Transcription du chant dit laxana (à préciser)

Se se se ma to*e gone
kunoke, kunoke coleyna
gone soleyna
se se se ma to*e gone
kunoke siqaw qi
gone soleyna
se se se ma to*e gone
payna, payna ma dukuna
gone soleyna
se se se ma to*e gone
nugutu ma hebete*
gone soleyna
se se se ma to*e gone
ne*kere nogocey
gone soleyna
se se se ma to*e gone
nogocey namnamak cisala
gone soleyna
kunoke = guro-laxana
nugutta = femme
namnamak = tête
cisala = sisa (puer)

recueil de notes sur les Masa -36


REYNA
Le reyna (pluriel *oriyo), peut être un homme ou une femme.

Le sorcier mâle

Au moins une fois par mois il se rend la nuit en brousse et il se couche dans un
endroit sans herbe, car il craint la rosée. Là il se transforme en monstre sans tête ni
membres. Ensuite il redevient normal et il court (vole) en brousse, nu, en faisant jaillir des
étincelles de feu par la bouche et les aisselles. S'il rencontre quelqu'un il lui fait peur. Il ne
veut pas que les gens le voient. S'il s'approche d'une personne il a le pouvoir de lui envoyer
des insectes (burumna, *evrek*a) pour l'aveugler. Il attaque l'homme, et s'il est plus fort il
le tue. On trouvera alors le cadavre la langue dehors.

Si le reyna vous attaque, vous prenez de la terre et la jetez contre lui. Il reprend alors
sa forme humaine et vous suit en vous suppliant de lui jeter encore de la terre ou un
cailloux. Si vous obéissez il va tout tenter pour vous tuer, parce que il croit que vous le
dénoncerez. Si vous ne lui obéissez pas, il vous suivra jusqu'à chez vous. Il se met alors
devant la porte et vous appelez des gens pour le voir. Ensuite vous lui jetez la terre et il
part avant qu'il soit jour. S'il arrive le jour il meurt.

Le sorcier femelle

La sorcière femelle possède dans son ventre un oiseau: cikcik*a. Quand elle veut
l'envoyer sur quelqu'un elle dit aux autres qu'elle est malade et rentre chez elle. Elle envoie
alors son cikcik*a. Quand celui ci arrive sur une personne endormie, couchée sur le dos, il
tombe sur son ventre et lui enlève le foie. La personne meurt dans l'année, car le reyna te
prend l'âme (va* *usa*u, pum ga'a).

Si quelqu'un rêve qu'un reyna lui a pris l'âme, toute maladie qui arrive est attribuée au
reyna. Il y a danger de mort seulement si le reyna mange la tête ou le cœur de sa victime.
Si quelqu'un rêve qu'un tel est en train de lui manger l'âme, il va chez lui le matin très tôt,
lui donne quelque chose (du tabac par ex.). Le reyna lui jette de l'eau pour le purifier (yam
niyna) et lui dit "ce n'est pas moi qui veut te faire du mal, c'est la chose qui est en moi".

Un reyna qui a pris l'âme d'une personne va l'enterrer. C'est alors l'homme qui
possède un fulla qui peut la déterrer. S'il la trouve le fulla la voit et parle, ce n'est pas son
propriétaire. Il prend une calebasse avec de l'eau, il creuse un trou à l'endroit où l'âme est
enterrée, prend l'âme et la met dans la calebasse. Il tresse une corde avec de la bolda
(chanvre) et la met dans l'eau. Si la corde bouge, l'âme est encore vivante, son propriétaire
peut être sauvé. Il doit alors s'attacher la corde au bras. Si la corde ne bouge pas, l'âme est
pourrie, son propriétaire va sûrement mourir.

On naît reyna quand les parents sont reyna. Il y a des gens qui deviennent reyna parce que
ils ont trop cherché des guna (médicaments), mais ils ne jettent pas du feu.

recueil de notes sur les Masa -37


Si un reyna marie une fille qui ne l'est pas, dans la nuit il dépose quelque chose dans sa
main, ensuite il part en brousse. Au retour s'il trouve la chose telle qu'il l'a mise, il ne craint
pas d'être découvert et il aimera sa femme. Mais si la femme s'est réveillée et elle a eu peur
et s'enfuit, il va la poursuivre pour la tuer. Si elle réussit à s'échapper et à rentrer chez ses
parents elle peut dénoncer son mari. Si elle revient chez son mari, elle ne sera pas aimée.

On peut attraper un cikcik*a avec un mortier. Son propriétaire viendra le chercher le matin
en disant qu'il doit piler du mil.

Si le reyna trouve qu'un homme est trop fort, il peut lui envoyer un serpent qui le morde. Sa
victime sera ainsi affaiblie et le reyna peut agir.

P. Tonino Melis, d'après une conversation faite à Siyeke en septembre 1986

recueil de notes sur les Masa -38


sa ma reyna
Sa ma reyna : le sorcier, le mangeur d'hommes, d'âmes.
Sa ma reyna : hay cawa ta tunina, san wum cawam qi.
Va ma buri ka tam sumuna: quelque chose qui est placée près des hommes.
Vulum mi san mi Lowna, a la sum sara ka'a, hawa'a; sum sara ka', reya, rigasiya : une
chose donnée à l'homme par Dieu: certains sont sorciers, d'autres ne le sont pas.
Tuni hay jafi, jafi: c'est héréditaire.

Mon informateur a commencé son récit de cette façon, un peu solennelle, parce que comme
on va le voir par la suite il a été accusé lui même d'être sorcier. Ainsi tout au long de son
récit il a revécu son drame.

Ton père est reyna, tu l'es aussi.


Ta mère est reyna, ton père n'est rien: un enfant sera sorcier, l'autre ne le sera pas.
Ton père n'est rien, ta mère n'est rien, mais si ta mère a couché avec un reyna tu sera peut-
être reyna.
Tous les gens savent cela: dans cette famille il y a des reyna, dans cette famille il n'y en a
pas.
S'il y a un malade dans ta famille, tu ne vas pas dans une famille où il y a un reyna, pour ne
pas faire mourir le malade de ta famille.

Les reyna font du feu avec leur corps la nuit, c'est un feu qui clignote. Les gens discutent
beaucoup au sujet de ce feu: comment ce feu peut-il brûler sans brûler le corps du reyna?
Comment ce feu peut-il brûler s'il n'y a pas de combustible?
Ainsi cela veut dire que c'est Dieu qui a donné au reyna le pouvoir de faire du feu.
Si tu vois la nuit, un homme avec du feu ainsi, dés que tu t'approches de lui, le feu
disparaît. Si à ce moment, tu attrapes le reyna, il te dit:" ne dis rien, (pa* law nam haya*
kalafi) enterre cette parole dans ton ventre, je ne te ferai rien".
Luc me dit qu'il a souvent vu ainsi des feux la nuit, mais que jamais il ne s'est approché
pour voir s'il y avait un homme qui provoquait ce feu. Il y a beaucoup de feux semblables
en saison des pluies, surtout dans les plaines humides.

Cik-cik*a

« Li lop nam kayni, si boyna reyana, boyna tikeqa qi. »


Ce sont les femmes sorcières qui font ces cikcik*a, elles ne font pas du feu. Le soir on
entend parfois près des sarés un bruit semblable, "cik-cik, cik-cik", en l'air ou dans les
arbres comme le cri d'un oiseau. Cela veut dire qu'une femme reyna se promène par là.

Note

Mon informateur a été accusé injustement de ce "crime" le mardi de la semaine sainte


1976. Il est arrivé à 4 h. du matin ce jour là chez moi. Il était complètement effondré.
Il disait que c'était une accusation terrible, qu'à l'avenir tout le monde le montrerait du
doigt ainsi que ses enfants qu'il aime beaucoup. "Désormais les gens diraient: regarde
celui là, c'est le fils de Luc qui est reyna".

recueil de notes sur les Masa -39


Parce qu'il est Chrétien, il n'a pu se défendre ni par la malédiction, ni par l'ordalie, il
s'est remis complètement entre les mains de Dieu. Il dit qu'il avait deux pensées: faire
l'ordalie, faire confiance a Dieu. Il a pensé se suicider plusieurs fois.

Le chef de canton Dapsia a fait alors une enquête très approfondie sur ses parents,
grands parents, paternels, maternels, dans leurs villages d'origine, en demandant à
tous les vieux. Il a fait aussi une enquête auprès de µoney, la femme chrétienne qui
l'avait accusé. Il s'est renseigné pour savoir si Luc avait voulu coucher avec elle et
qu'elle ait refusé. Il a demandé aussi s'il y avait des palabres entre leurs familles.

Comme toutes ces enquêtes n'ont eu que des résultats négatifs, le chef en a conclu
que Luc n'était pas reyna. Après que Dapsia eut rendu son jugement, la famille de
µoney, ainsi que celle d'Antoine Vu'su, le mari de µoney, dirent qu'il n'était pas
reyna.

Lorsqu'elle a accusé Luc de l'avoir mangée, µoney Madeleine, a aussi accusé


quelques jours plus tard une femme, Ja*karge, qui a la réputation d'être reyna,
comme sa mère et sa sœur. Ja*karge est la 2ème femme de Zillina, lui même demi-
frère de Dersu, beau-père de µoney. Tout ce monde là, vit dans le même saré.

Aussitôt accusée, Ja*karge yam busuwa'a, asperge de son sang la famille de Dersu;
et avec son mari, ils font l'ordalie, devant Liysu, le chef de terre de Buguda*. Et puis
tout le monde a attendu....4 ans!

En 1980, le fils de Zillina et de sa Ière femme, tombe malade et il meurt. Tout le


monde dit alors que l'ordalie est retombée sur ceux qui l'avaient prononcée. Quelques
mois plus tard, Ja*karge a une crise de folie (guruqiya) elle va chez Dersu et lui dit
qu'elle a mangé Madeleine µoney, sa belle-fille à lui, ainsi que Rampata, le fils de sa
co-épouse, et elle le supplie de la libérer de la malédiction, conséquence de l'ordalie
qu'elle a prononcée avec son mari. Dersu la traite de reyna et la met à la porte. Peu de
temps après elle retrouve la raison.

Quelques mois après, en 1981, le 2ème enfant de Zillina, une fille de 9-10 ans tombe
malade à son tour et meurt. Les gens disent encore que c'est toujours la même
malédiction. En février 82, Zillina a mal à l'œil gauche et devient borgne.
Actuellement (nov. 82) le 3ème enfant de Zillina est malade à son tour. Le devin
consulté à plusieurs reprises, a demandé a Zillina de payer à Dersu 10 vaches et une
jeune fille. Mais comme Zillina n'a pas les moyens et qu'ils sont demi-frères, il va
payer: 3 vaches réelles, 7 vaches modelées en terre et 6 chèvres. Si cette affaire se
traitait entre ennemis il devrait payer 10 vraies vaches. Actuellement toutes les
vaches ne sont pas encore trouvées. Zillina vient de déménager une 2ème fois après
s'être séparé de Dersu, dès le début de cette histoire.

additif 2 février 1983.

Le 3ème enfant de Zillina est guéri. Zillina et Dersu ont tué la vache de la
réconciliation, ce qui veut dire que l'amende a été payée et que tout est arrangé entre

recueil de notes sur les Masa -40


eux. Zillina a également répudié Ja*karge, sa première femme. Mais il lui reste à
payer l'amende au chef de terre: deux vaches.

Accusation et ordalie

Si tu es malade, tu penses à ces gens là (reyna), et le rêve te dit que tel homme ou
telle femme t'a mangé. Réflexion personnelle de Luc: le rêve t'est donné par les mauvais
esprits (Fuliyana).

Tu dis donc à cet homme: le rêve m'a dit comme cela. Si cet homme est vraiment
reyna il te dira: tu ne mourras pas, je ne te tuerai pas, la chose ne te fera pas. Si tu guéris,
tous les gens verront que cet homme est reyna et qu'il peut rendre malade et aussi guérir les
gens. Si tu meurs, les gens auront deux pensées: peut-être c'est cet homme qui l'a tué, peut-
être c'est la maladie qui l'a tué.

Si cet homme n'est pas reyna, il va inciser son bras pour faire couler son sang et il
asperge son sang (yam busuwamu) sur ceux qui l'accusent en disant: Ma da* lawna vanu,
mi busuwanu . C'est mon sang qui te dira ma parole. Si cet homme ne fait pas couler son
sang pour asperger ses ennemis, il fait une ordalie, à Barata (termitière), devant le sa ma
fulla (gardien d'un esprit), devant le Bum nagata (chef de terre).
Cet homme peut également faire les deux rites. Les deux rites terminés tout le monde
attend de voir ce qui va arriver.

Parfois on torture celui qui est accusé parce qu'il ne veut pas avouer qu'il est reyna et
donc il ne veut pas faire les rites qui guériront le malade.
Tortures: piment dans les yeux, supplice de la "baignoire", on serre la tête avec une corde
et un bâton qu'on tourne sur lui-même etc. Certains meurent sous la torture sans avoir
avoué.

De même que parfois on harcèle jusqu'à ce qu'il parle, le malade qui ne guérit pas et
qui ne veut pas dire si le rêve lui a dit le nom de celui qui l'a mangé. Certains reyna avouent
mais disent qu'ils ne l'ont pas fait seul et qu'ils ont donné la tête à manger à un autre reyna;
ce dernier est attrapé et on l'oblige à parler et si besoin est, par la torture.
Lorsqu'un reyna en accuse un autre il y a parfois des discussions de ce genre: "Je ne l'ai pas
mangé seul, je t'ai donné la tête". "Ce n'est pas vrai; tu m'as donné la tête quand?" etc.
Le vrai reyna ne fait pas couler son sang et ne fait pas d'ordalie. Quand le reyna a avoué, on
le relâche après qu'il a aspergé d'eau le malade en lui disant qu'il ne lui ferait plus de mal et
qu'il allait guérir.
Entre alors en fonctionne le déterreur d'âmes qui va chercher l'âme avec une calebasse dans
laquelle il y a un peu d'eau parce que l'âme immergée dans l'eau semble moins volatile.

Luc et beaucoup de gens pensent que le reyna ne cherche pas ce travail, mais que
c'est Dieu qui lui impose ce travail. Le reyna fait ce travail (le feu la nuit et manger les
hommes) en état second, comme s'il était possédé. S'il était conscient (yalam de*ka) il ne
le ferait pas. C'est comme un homme qui s'est saoulé, qui fait des bêtises et qui par la suite
le regrette.

(Quelques coutumes masa, par J.Thévenet, Moulkou 82)

recueil de notes sur les Masa -41


La sorcellerie chez les Masa
1. Type de cette sorcellerie (reyna)

Si l'on reprend la terminologie et la typologie établies par le Docteur RETEL-


LAURENTIN on peut parler à propos de la reyta des Masa de "sorcellerie du ventre" et
même, sans doute, de "sorcellerie organique" puisque le sorcier masa, le reyna, abrite en
son ventre un oiseau (cik*a ou cikcik*a), qu'on assure ressembler à un pigeon si ce n'est
qu'il est muni de dents dans la bouche et sur la poitrine et de griffes.

Ce n'est pas le cikcik*a, mais le sorcier qui "mange les hommes" (mut sumu); pour
cela, il lui faut "s'emparer des âmes", "les prendre" (vi *usna); cette prise des âmes est le
fait soit du sorcier, soit de son cikcik*a qu'il envoie (gi) à cet effet; le sorcier peut aussi
envoyer son cikcik*a porter de la "viande" à un autre sorcier, parfois à 20 km de là. Une
fois sa mission accomplie, le cikcik*a réintègre le ventre du sorcier.

Malgré la maxime, sur laquelle nous aurons à revenir, qui assure que l'anti-sorcier "le
déterreur d'âmes, est lui-même sorcier" (sa ma pat kayn, rey ley) il ne semble pas que la
sorcellerie chez les Masa, ait un caractère ambivalent, tantôt maléfique, tantôt bénéfique.
La sorcellerie est toujours mauvaise parce que malfaisante, mais il semble y avoir des
degrés dans cette malfaisance; que l'on en juge par ce passage d'une bolla de Diniya, chef
de terre de Magaw, prononcée en octobre 1973:

Terre, Nagata,
le sorcier qui va jeter du feu rey ma foki qow, na ka jaka
derrière l'enclos d'un autre vi niramna, tikeqa
ne le laisse pas (=tue-le) nak ram qi!
Le sorcier qui va jeter du feu en brousse rey ma fok qow, tike' ka fulu,
puis rentre chez lui hotiya vo valamu:
qu'il reste en paix, hiqa sleqe,
rien ne lui arrive! va lum qi.

Il ressort de ce texte, que la sorcellerie "mangeuse d'hommes", celle qui apporte la


mort, le mal suprême, est seule intrinsèquement perverse. Par rapport à la mort, des
calamités naturelles comme une invasion de sauterelles, une sécheresse, la disparition ou la
diminution du poisson...apparaissent comme des demi-maux et, du sorcier qui se contente
d'apporter ces calamités sans manger d'homme, on dira:" sa sorcellerie est du côté de la
non-sorcellerie" (reyta valam ir mayen-mayene). Le dicton suivant semble faire preuve à
l'égard de la sorcellerie d'une plus grande tolérance encore, on dit, en effet: "d'un parent
crétin ou d'un parent sorcier, mieux vaut le sorcier" ( sugulo* tiginin, ma reyn *aana) et
l'on explique que le sorcier est vraiment un homme capable de fournir sa part de prestations
aux travaux, à la guerre...mais qu'on ne peut rien attendre d'un imbécile.

La question se pose donc de savoir si le sorcier garde ou non une certaine maîtrise sur
la sorcellerie qui l'habite, s'il peut ou non la canaliser, l'endiguer, s'il peut choisir de jeter du

recueil de notes sur les Masa -42


feu en brousse ou de jeter du feu derrière l'enclos voisin, pour reprendre les termes de la
bolla de Qiniya citée ci-dessus. Les personnes convaincues de sorcellerie affirment être
agies par une force qui leur échappe, dont elles n'ont même pas conscience (viya vi kanu);
le proverbe suivant va dans le même sens, qui dit:" le sorcier ne reconnaît pas son âme"
(reyn wa *usam qi) si bien qu'il peut se manger lui-même (mut tuwam valamu). La
sorcellerie apparaît alors comme une force non seulement malfaisante, mais aveugle et
incontrôlable.

2. Origine de la sorcellerie

L'opinion la plus répandue et, sans doute, la plus traditionnelle est que " la sorcellerie est
chose qui vient de Lowna" (reyt va vi Lowna). C'est lui qui "pose" (tun) en quelqu'un la
sorcellerie. On naît sorcier, on ne le devient pas.

Selon une autre version, la sorcellerie serait héréditaire. Mais cette hérédité n'est pas
inéluctable: ce n'est pas parce qu'on naît de père sorcier ou de mère sorcière, qu'on est
automatiquement soi-même sorcier. Cette opinion ne semble donc pas incompatible avec la
précédente, mais elle se juxtapose à elle en tant qu'elle semble poursuivre une ligne
d'explication physiologique. Selon cette opinion, en effet, "le sorcier, son sperme est
également sorcier" (sa ma reyna, vatuwam rey ley). Ce sperme sorcier une fois pénétré
dans une femme peut être la cause qu'elle engendre un sorcier même si cet enfant, lui, naît
d'une union avec un non sorcier; on dit alors: "sa mère a dû coucher avec un sorcier" (ma
fum sulum buri hi' sa ma reyna)

Une troisième opinion, récente, dans la mesure où elle semble le fait de certains
adeptes des religions chrétiennes, n'en vaut pas moins d'être rapportée. Selon cette opinion,
"la sorcellerie est chose qui vient de Matna" (reyt va va Mati). C'est Matna qui donne la
sorcellerie en "posant sa main sur l'abdomen de l'enfant" (tun xalam ka vun dik gorra) dès
sa sortie du sein maternel.

3.Manifestations extérieures de la sorcellerie

Les sorciers (rey) constituent un monde secret qui opère la nuit. Cependant ils
s'extériorisent de diverses manières qui sont, pour les non-sorciers (mayenna), autant de
manifestations de la présence et de preuves de la réalité de la sorcellerie.

a) le cri du cikcik*a

Nous avons déjà parlé du cikcik*a que le sorcier abrite dans son ventre et qu'il peut
"envoyer". C'est de nuit que le sorcier envoie son cikcik*a et ce n'est
qu'exceptionnellement qu'un non-sorcier le voit; par contre, il entend son cri auquel il
répond par des hurlements pour l'éloigner, car la présence du cikcik*a est perçue comme un
mauvais présage.

b) Le feu des sorciers

recueil de notes sur les Masa -43


Le sorcier a la propriété d'illuminer (tike'), de jeter du feu (gi kuwa). Quand il sort, la nuit,
pour cette opération, "tout son corps brûle" (tuwam zak no* pete). Seuls les hommes
cependant ont cette propriété, "la femme sorcière n'illumine pas" (cat reya tike' qi). Cette
propriété qui commence à se manifester à l'âge de la puberté, serait l'occasion pour les
hommes de prendre conscience de la sorcellerie qui les habite. Le lieu de cette
manifestation est la brousse, mais il peut arriver que le sorcier jette du feu à la maison, tant
il est vrai que la sorcellerie est une force incontrôlable: "cela m'a échappé" (viya viy
kanu), s'excuse alors le sorcier. Tous les non-sorciers ont vu ce feu des sorciers.

c) Les insectes envoyés par les sorciers

La brousse est le lieu des sorciers qui s'y rendent, la nuit, pour illuminer et pour "manger
les âmes" qu'ils ont prises. Mais le non-sorcier est bien obligé parfois, lui aussi, de
traverser la brousse de nuit. Il peut alors rencontrer des sorciers, les reconnaître. C'est
précisément pour éviter d'être reconnus ou même aperçus d'eux que les sorciers "envoient
des insectes" (gi puppurina) au visage des non-sorciers, dans le but de les aveugler et de
les égarer.

d) L'oeil "perçant" des sorciers

C'est dans sa littéralité qu'il faut entendre ici l'adjectif "perçant". Le sorcier a la propriété
"par son simple regard d'ébrécher des objets" (nam ka slena zi' iram hawaa), de trouer des
vêtements. Selon que son "chiffre" (*af) est mâle ou femelle, le sorcier d'un simple regard
ébrèche une calebasse, par exemple, en deux ou trois endroits, perce un vêtement, peau
traditionnelle ou tissu moderne, en deux ou trois endroits. Cette propriété est présentée, elle
aussi, comme une force incontrôlable: "cela m'a échappé", dit le sorcier.

e) Le dehele**a du sorcier

Une autre manifestation de la sorcellerie, de caractère plus privée celle-là puisqu'elle


s'adresse uniquement à la grande femme d'un sorcier, est le "morceau de poterie"
(dehele**a) vomi (loot) par le sorcier et placé, par lui, dans la main de sa femme, durant
leur nuit de noces. C'est une épreuve que le sorcier entend faire passer à sa femme, non-
sorcière. Un proverbe: "Même le sorcier, qui est être de la nuit, dit que la honte équivaut à
la mort" (reyn, van henje kow da a la zulon da* matna), fait allusion à l'issue de cette
épreuve et c'est l'explication de ce proverbe qui nous l'a fait connaître. Le sorcier donc
entend s'assurer s'il peut ou non compter sur la discrétion de son épouse; pour cela, dès leur
nuit de noces, il la met à l'épreuve. Avant de sortir pour agir en sorcellerie, il "vomit" ce
morceau de poterie, invisible mais pesant,, qu'il place dans la main de son épouse
endormie; c'est le poids de cet objet dans sa main qui va la réveiller; si elle a le courage de
supporter ce poids jusqu'au retour de son mari, elle a passé avec succès la première partie
de l'épreuve; si elle rejette l'objet, son mari à son retour saura à quoi s'en tenir au sujet de sa
femme. L'épreuve se poursuit au retour du mari: "il jettera du feu" en présence de sa
femme et lui demandera ensuite de lui porter du feu; si la femme va lui chercher du feu,
elle continue à passer l'épreuve avec succès. Mais si elle faisait allusion à cet autre feu de
son mari, elle aurait perdu et se serait perdue, car elle devrait payer de sa vie la non-
maitrise d'elle-même dont elle vient de faire preuve. Son mari aimerait la faire mourir, non
en la "mangeant" mais en lui "tordant le cou" (guluqa), mais comme le dit le proverbe, la
honte empêche le plus souvent le sorcier d'aller jusque là; en effet, la honte serait encore

recueil de notes sur les Masa -44


plus grande d'être accusé de sorcellerie à la suite du meurtre de sa femme, que de l'être à la
suite d'une indiscrétion de celle-ci.

f) Les pleurs ("tiyna") du sorcier

Le sorcier ne semble pas exempt de sentiments: non seulement il connaît la honte mais
aussi la douleur. Ainsi il peut prendre auprès des autres sorciers la défense d'un frère ou
d'un ami: "c'est mon frère, c'est un ami, qu'on ne lui fasse rien" (mi xasunna, mi bananna,
sa lum qi); si ses interventions restent vaines, il "pleure la mort" (tiya) de l'être cher. Ces
pleurs peuvent être entendus des non-sorciers et l'on sait alors à quoi s'en tenir: "un homme
a pleuré cette nuit, il s'est passé quelque chose" (sa tiy henjeni, law ka liya).

4. Découverte du sorcier: le rêve (duweyna)

C'est le rêve (duweyna) qui permet de découvrir les sorciers. Se voir, en rêve, poursuivi par
quelqu'un, menacé par lui d'une arme de fer ou précipité par lui dans un puits est un motif
suffisant pour porter contre lui une accusation (yak) de sorcellerie: "le rêve m'a parlé; ton
ventre est contre moi" (duweyn danu; nak hayak ka tanu).

Que celui qui a rêvé tombe malade et l'accusation se vérifie. Si le rêve est le fait d'un
malade, l'accusation ne laisse pas de doute, Et, à tout malade, son entourage demande:
"est-ce que le rêve t'a parle?" Le rêve peut aussi parler à quelqu'un de l'entourage du
malade. Cependant le rêve lui-même, peut être faux accusateur, car le sorcier a le moyen de
dévier le rêve, de le dérouter pour qu'un autre soit accusé à sa place; en rentrant de brousse,
après son festin nocturne, le sorcier pénètre dans un enclos autre que le sien et là "se lave
les mains" à la porte d'un non-sorcier; grâce à ce procédé le rêve accusera ce non-sorcier à
la place du sorcier. L'expression "le sorcier se lave les mains à la porte d'un non sorcier"
(reyn musa xalam ka vun mayenna) est devenu un proverbe qu'on emploie lorsqu'on est
victime d'une fausse accusation.

Il importe donc de garder vis-à-vis du rêve une certaine circonspection et c'est à quoi
invite aussi le proverbe suivant, sur lequel nous aurons à revenir: "le rêve (accusateur de
sorcellerie), qu'on n'en parle pas devant la tombe" (duweyn, da ka vun zulti qi).

Le rêve ne constitue pas une preuve et de là, découle une "manière" bonne ou
mauvaise, tant de porter l'accusation que de la recevoir. De part et d'autre, l'arrogance
semble particulièrement à éviter, car elle provoquerait immédiatement la violence.

5. Accusation de sorcellerie et confession du sorcier

Un bon moyen de désamorcer le conflit que risque de provoquer l'accusation de sorcellerie


semble être de plaider coupable comme cet accusé:

« La sorcellerie, je ne l'ai pas achetée au marché, je ne l'ai point trouvée de jour, c'est
Lowna, mon père, qui l'a posée en mon ventre. Mais si c'est moi qui mange un tel, il se
rétablira, je vous assure ».

recueil de notes sur les Masa -45


Reyt ley na gihawi lumu qi, nan fa'i faley qi, may tunanti hayan kayn mi Lown bun
may. Kayn mut vane mi nanune, nam ma ga* qi su.

Il s'agit d'une confession et en même temps, d'un exorcisme qui a pour but d'annuler
les effets de la sorcellerie. Après une telle confession, l'accusé ne sera pas davantage
inquiété. Si le malade guérit, il sera même plus ou moins réhabilité: "même s'il est sorcier,
sa sorcellerie n'est pas mangeuse d'hommes" (la li rey kowna, reyna valam mi rey ma
mut sa qi).
Même si le malade mourait, le sorcier qui s'est amendé (ham), ne serait guère inquiété, tout
au plus serait-il insulté et frappé par les femmes, parents du défunt, qui viendront le
pleurer.

Tout en plaidant coupable, l'accusé s'arrange parfois pour faire porter la


responsabilité par un collectif de sorcier qui, comme lui, sont connus comme tels. L'aveu
devient alors un système de défense quand l'accusé reconnaît par exemple: "c'est moi qui ai
la tête, mais le reste est entre les mains d'un tel"; le nouvel accusé pourra utiliser le même
système de défense...et, par ces accusations en chaîne, on peut arriver à une dizaine de
sorciers accusés de se partager la même victime....Chacun, quand il plaide coupable,
promet de rendre la partie de la victime en sa possession en prononçant un exorcisme
semblable à celui que nous venons de décrire ci-dessus.

6. Accusation de sorcellerie et ordalie (gunna)

On a vu plus haut que le rêve ne constituait pas une preuve, mais une forte présomption de
culpabilité. C'est à l'accusé de faire la preuve de son innocence et le seul moyen en est le
recours, par l'ordalie, à un jugement supra-naturel. Il y a plusieurs formes de gunna, chez
les Masa. et seule la parole (bolla) qui l'accompagne permet de savoir quand ce mot gun est
susceptible d'être traduit par ordalie. Quand il s'agit d'une ordalie, le gunna s'accompagne
du serment suivant:

Un tel, si c'est moi qui l'ai mangé, vane mutum nanuna,


toi Lowna tu le sais, Lown na* kow wi'e,
alors mon gunna que voici gunna van yowna
qu'il retourne sur moi, son maître, hot kan nan busamna,
qu'il n'aille pas sur l'homme. co'e kay san qi.
Mais si ma main n'est pas dedans May xan hayam qina
que l'enclos d'un tel disparaisse! ziyna vi vane ga co

L'accusé jette alors le gunna qu'il tient en main sur ou en direction de son accusateur. Ce
gunna peut être soit de la terre: "il jette de la terre sur lui" (cuk nagan ni*amu), soit du
sang: "il asperge son sang sur lui" (yam busuwam ka talamu) après s'être ouvert un
vaisseau de la jambe; ce peut être aussi de ses excréments que l'accusé jette sur son
accusateur ou à l'intérieur de son enclos...Quel que soit l'élément matériel du gunna, ce
n'est pas lui qui manifeste l'ordalie, mais bien le bolla dont nous venons de parler et qui
nécessairement doit contenir une sentence (c'est sans doute le mot à employer, car l'ordalie
est efficace) de mort pour l'accusé s'il est coupable, pour son accusateur s'il est innocent; le
juge supra-naturel auquel on s'adresse est aussi le bourreau, exécuteur de la sentence.

recueil de notes sur les Masa -46


7. limites à la vengeance

Par l'ordalie, celui qui est accusé de sorcellerie s'en remet à une justice supérieure et
infaillible. Cela signifie aussi que l'accusateur ne peut se faire justice à lui-même. Des
proverbes, que l'on peut considérer comme de véritables articles de code, semblent bien
eux aussi, avoir pour but d'arracher ce domaine de la sorcellerie à la terrible loi du talion:

- le rêve, qu'on n'en parle pas devant la tombe.

Ce proverbe, que nous avons déjà rencontré, signifie qu'une accusation de sorcellerie
n'est recevable que durant le temps de la maladie; après la mort, il est trop tard. Le
proverbe suivant est encore plus clair et réduit encore un peu plus ce temps où une
accusation de sorcellerie est recevable.

- on ne tue pas de sorcier pour quelqu'un qui en est à la dernière extrémité


(tikin tikin ca rey ka* qi)

Ce proverbe semble interdire très nettement la vendetta; les commentaires de ce


proverbe, comme du précédent, le confirme: "il faut éviter qu'il y ait deux morts au
lieu d'un seul".

A s'en tenir à ces proverbes et à leurs commentaires, la poursuite pour sorcellerie n'est
acceptable que tant qu'il existe un espoir d'arracher le malade à la griffe du sorcier.

in Rondot B., op. cit. pp. 240-255.

recueil de notes sur les Masa -47


L'anti-sorcier: le déterreur d'âmes

"Le déterreur d'âmes est lui même sorcier" (sa ma pat kayn rey ley): à s'en tenir à cette
maxime, que nous avons déjà citée, il faudrait distinguer une sorcellerie "mangeuse
d'âmes" qui se saisit des âmes et les enterre pour les manger, et un sorcellerie "déterreuse
d'âmes" dont la spécialité est de rechercher les âmes enterrées pour les restituer à leur
propriétaire. Cependant, il nous semble préférable de parler de sorcellerie et d'anti-
sorcellerie.

1. Origine et nature du pouvoir de l'anti-sorcier

Nous avons vu plus haut qu'on ne devient pas sorcier, on naît sorcier. Par contre, on ne naît
pas déterreur d'âmes, on le devient grâce à ce contact avec le monde invisible que constitue
l'état de folie (guru'). Selon la conception masa, le fou (sa ma guruqiya) est un possédé; il
est "agité par les esprits" (fuliyan lumu) ou par un esprit particulier. Quand la tranquillité
lui est rendue (lobom cuki ca), l'ex-fou conserve de ce contact avec le monde invisible, la
"clairvoyante" (villa) qui le qualifie pour la divination et parfois aussi un lien particulier
avec l'esprit qui l'a agi et qui fait de lui comme le "cheval" de cet esprit. Les déterreurs
d'âmes, hommes ou femmes, sont d'ex-fous; parce qu'ils ont la clairvoyante, ils exercent la
fonction de devin (sa ma yow greyna) et peuvent discerner dans leurs figures
géomantiques que l'âme d'un tel est enterrée; parce qu'ils sont les chevaux des esprits qui
les ont agités, ils exercent en outre, la fonction de déterreur d'âmes (sa ma pat *usna); ce
sont les esprits qui les chevauchent qui les conduisent là où les sorciers ont enterré les
âmes qu'ils s'apprêtent à manger.

2. Comment travaille le déterreur d'âmes

Pour s'adresser au déterreur, il faut d'abord que le devin ait diagnostiqué que l'âme d'un tel
est enterrée. Quand ce diagnostic est le fait d'un devin qui n'est que devin, les consultants
doivent alors aller chercher un déterreur d'âmes.

Lorsque le déterreur d'âmes se rend près du malade, il commence par "poser la


divination" (tun greyna) pour chercher confirmation du diagnostic; si à son tour il "voit"
que l'âme d'un tel est bien enterrée, il entre en transe. Chevauché par son esprit il se met à
courir, suivi par les membres de la famille du malade armés de bâtons. La quête de l'âme
commence alors; si elle nous paraît hésitante c'est parce que l'esprit ne conduit pas
directement sa monture au but, à l'endroit où l'âme est enterrée, mais lui fait emprunter le
chemin qu'a suivi cette âme. Ce chemin, on l'imagine, ne suit pas les routes, mais passe à
travers champs et brousse, traverse des enclos familiaux, enjambe des haies d'épines,
s'arrête au pied de grands arbres où l'âme a été enterrée un moment avant d'être déplacée et
enterrée ailleurs. La course, en général, prend fin au pied d'un grand arbre. Le déterreur fait
signe à la troupe qui l'accompagne de lui passer la barre à mines (be**a) dont ils ont pris
soin de se munir. Il se met alors à creuser et, au bout d'un moment, ayant trouvé ce qu'il
cherche, on le voit sortir du trou un, deux, trois, quatre et parfois plus, objets pesants mais

recueil de notes sur les Masa -48


invisibles: les âmes enterrées à cet endroit, qu'il s'empresse de déposer dans une calebasse
d'eau (sous l'eau, les âmes sont comme stabilisées et ne risquent pas de se volatiliser).

La troupe revient alors à son point de départ, près du malade. Reste alors au déterreur
d'âmes à restituer au malade son âme et à nommer les autres âmes qu'il a déterrées. Il prend
dans la calebasse l'âme du malade, la lui place dans la bouche et la lui fait avaler au moyen
d'une gorgée d'eau; puis il lui verse un peu de cette eau sur le front et sur le ventre. Suit un
minutieux examen des âmes que contient encore la calebasse. Ce n'est pas toujours le
déterreur qui en nomme les propriétaires, car parfois "il ne voit pas bien", d'autant que, le
plus souvent, les âmes qu'il a déterrées, ne sont pas complètes, il n'en reste que la "tête" ou
un "bras", une "jambe"...Le déterreur progresse alors par hypothèses successives: "ce doit
être un homme..., grand..., rouge...et c'est souvent l'auditoire qui avance des noms. Les
âmes ou ce qu'il en reste, sont restituées à leur propriétaire de la façon décrite ci-dessus. Si
le propriétaire d'une âme déterrée était absent, en voyage par exemple, le déterreur irait
verser l'eau de la calebasse et l'âme qu'elle contient dans la case de son propriétaire.

in Rondot B., op. cit., pp. 255-258.

recueil de notes sur les Masa -49


SUR LE MIEL
1. La récolte du miel

Les Masa n'ont qu'une expression:"enlever le miel" (pat yumna) pour désigner le
ramassage du miel qu'il s'agisse de cueillette de mil en brousse ou de récolte de miel dans
des pièges à abeilles posés à cet effet. Le ramassage du miel est un travail réservé aux
hommes.

La cueillette du miel de brousse ne semble donner lieu à aucun rite; il appartient au


premier qui le découvre et l'enlève; l'opération de ramassage peut se faire de jour, mais a
lieu le plus souvent la nuit parce que dans l'obscurité elle comporte moins de risques.
Technique utilisée: enfumer l'essaim.

Les Masa posent dans les arbres des pièges à abeilles. Ces pièges sont de trois types:

- tronc ou grosse branche évidée (kolo**a)


- vannerie en lamelles de palmier (koto**a) (cette vannerie de forme cylindrique mesure de
1 m à 1,5 m de long et peut avoir un diamètre de 30 à 40 cm.
Ce sont aussi les mesures du kolo**a).
- poterie à col (genna) posée sur le champ.

On enduit l'intérieur de ces pièges de cire (diyak*a) pour appâter les abeilles. La pose des
pièges à abeilles est un travail d'homme.
Aux pièges est accroché un "sortilège" (gunna) contre les voleurs. Ce gunna de pois de
terre (suweyda) est un avertissement au voleur car chacun sait que la transgression de ce
gunna entraîne la mort du transgresseur.
La pose d'un piège à abeilles donne lieu à un rite: celui qui pose un piège à abeilles, doit
faire un rite ( sa li kolo**, li qifini) qui consiste en une offrande de mil grossièrement
moulu (branja**a ou *ubu*ubuna); cette offrande s'accompagne des paroles (bolla)
suivantes:

Esprit des branches de cet arbre Fuley ma huma guna


je t'ai écrasé grossièrement ce mil nan hara* bra*ja*awa
que je dépose ici à terre tuna*ka ta ga ne
que les abeilles se prennent sur moi yum vi ka tanu
(à mon piège)

La récolte du miel de ces pièges est un travail d'homme. Elle se fait de nuit et selon la
technique utilisée pour la cueillette du miel de brousse i.e. en enfumant l'essaim. Elle est
l'occasion d'un rite d'offrande des prémices de ce miel à l'esprit de l'arbre où est posé le
piège. En jetant sur le tronc de cet arbre un peu de miel, le propriétaire dit la bolla suivante:

Esprit des branches de cet arbre Fuley ma huma guna


voici, je te jette la "bouche" du miel nan cuka* vuna yum ca giy ne
Que d'autres abeilles de partout yum henni hay liy ma ar ge kow

recueil de notes sur les Masa -50


viennent sans cesse dans ce piège ney hay kolo* nam de de

2. Sa consommation

Il ne semble pas y avoir de règle régissant la consommation du miel. Le miel de brousse


par exemple pourrait être consommé sur place par celui qui vient de le cueillir. A l'enclos,
peut-on éviter de partager? Ce serait grossier sauf dans le cas où le propriétaire décide de
le vendre.
Le miel est consommé brut avec la cire mais, plus souvent, séparé de la cire (kesl) et coupé
d'eau. Il peut être consommé seul ou accompagné de boule de mil (alors on trempe la
poignée de boule dans le miel exactement comme on le trempe dans la sauce).

interdit de consommation

C'est le seul, semble-t-il. En début de grossesse, les femmes ne peuvent consommer de


miel car miel et sang "ne s'accordent pas" (tap qi); "le miel agirait sur l'enfant qui en elle
n'est encore que sang" (yum kal ka tam gor tuni busuw-busuw). Le résultat serait un
avortement (suro').

3. Offrandes

D'offrande avec du miel, nous n'en connaissons d'autre que celle décrite ci dessus (§ 1.).
Par contre, la cire (diyak*a) entre dans des offrandes, à Yeyta en particulier, à Matna
également.

4. Proverbes

- C'est l'abeille qui fait son miel et c'est elle qui le boit
(yum si mul mulla valamu, kowna nam kot cumu).

sens: celui qui se donne de la peine, c'est à lui qu'elle profite. D'où le surnom: "yum ma ci
mulamna": abeille qui boit son miel.

- Le miel ne se consomme pas d'un trait (yum la' slu't qi)

sens: Par ta faute (gourmandise, démesure), ce qu'il y a de meilleur: le miel, peut mal
passer (slaxa*u) et te rendre malade. A plus forte raison, méfie-toi que ton
comportement n'excède les plus patients, les plus doux.
P. Jean Goulard

recueil de notes sur les Masa -51


Les clans (vu'na) du pays Gumay

Introduction

1. C'est volontairement que nous ne parlons pas de "clans gumay" mettant ainsi en question
l'existence d'un groupe gumay mais nous réservons à un autre lieu cette discussion.

2. Ces notes se réduisent à une nomenclature de clans (la liste n'est peut-être pas complète)
que nous regroupons en Gurfey, Rikasa et non-Rikasa. Cette nomenclature peut servir de
cadre à une enquête plus approfondie. En particulier, il faudrait rechercher à propos de
chaque clan:

a) ses caractéristiques magico-religieuses: fulla, rites...

b) les proverbes ou dictons courant sur le clan;

c) les gilena du clan (on les trouve dans les chants, en particulier dans les paroles du
magana).
les injures ou moqueries qu'on lui adresse;
les sumalla vi guroboyna: les filles d'un clan ont une litanie qui leur est propre et
qu'elles emploient en certaines circonstances: surprise, déception...

n.b. La langue de ces gilena, injures et sumalla est très complexe (vieux masa?) et les
informateurs eux-même ne semblent en comprendre le sens que globalement sans
pouvoir rendre compte de chaque mot.

I. GURFEYNA

- Ancêtre: Gurfey
- Implantation: Gurfey (près de Baha).

Selon la tradition, les Gurfey sont les premiers occupants du pays Gumay; ils étaient là
avant l'arrivée de Rikasa.

- proverbes: Gurfey, tikini, ga hiqit golo*o


Gurfey ga degelem ka sisiya

La bêtise des Gurfey est légendaire; ils ne voient pas plus loin que leur bout du nez; après
s'en être servis, ils jettent la meule à l'eau...Bien sûr, le lendemain ils ont faim; pour aller
récupérer la meule au fond de l'eau, ils se font des cothurnes de terre cuite et, les uns après
les autres, périssent noyés. De là l'injure: tikini ki Gurfey nala.

recueil de notes sur les Masa -52


II. SA VI RIKASA

L'histoire de Rikasa suit en gros le schéma qu'I. de Garine donne en p. 20 pour les mythes
de l'ancêtre fondateur (1).

1) Les Tuyor-ra

- ancêtre: Rikasa dont Tuyor serait le fils aîné.


- implantation: Tuyor.

2) Les Berwe-na

- ancêtre: Rikasa dont Berwe serait fils


- implantation: Ursi
- propriétés magico-religieuses: nisi gun kayn hi' luwina
- insulte: Berwe ma suqiyo* buwin zowna

3) Les Slariyaw-na

- ancêtre: Rikasa , dont Slariyaw serait fils


- implantation: Magaw-Marka-Mahay..
- propriétés magico-religieuses: ils ont un Fulla (Lowfulum), avec lequel (au nom duquel)
ils peuvent faire un gunna (2) qui entraîne une maladie.
L'actuel sa ma da fulla (encore appelé mulla va fulla, ou mulam ma dumna ou bum firina
va fulla ou simplement firina va fulla) est un nommé Barasu, du village de Mahay. C'est
toujours après consultation du devin qu'on a recours à lui; mais, il n'intervient lui-même
que dans des cas très importants, d'ordinaire il délègue des acolytes.
- injure: Slariyaw baki, tolikota molina, pat ira *akiyawa (allusion à leur poltronnerie:
Slariyaw...tu as arraché un oeil à la grue couronnée!).
- sumalla vi guroboyna: Slariyaw! dak ma texena ! Yum gisera! Mit muqeya, dey *ar
piri! Yam slen tok ka talamu! (allusion à leur grand nombre et à leur réussite:
"..nombreux comme l'essaim d'abeilles! tu meurs à onze heures et ressuscite avant le lever
du jour! tout vient à toi!")

4) Les Kumi-na

- ancêtre: Rikasa dont Kumi serait fils


- implantation: Kumi
- gilena au makana: Kumi! Nahayna ! xa xa dur domona wilin muqa boyn ge

5) Les Gurmu-na

- ancêtre: Rikasa
- implantation: Gurmu (près de Malam)
- propriétés magico-religieuses: ils ont Dapka**a

recueil de notes sur les Masa -53


6) Les Keqet-na

- ancêtre: Rikasa
- implantation: Keqete (près de Ursi)
- propriétés magico-religieuses: ils ont Dapka**a.

7) Les Baha-na

- ancêtre: Rikasa
- implantation: Baha (près de Ursi)
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla: Vandeyna, dont le gunna se fait avec cinna
(tamarinier). Le sa ma da fulla actuel est un nommé Ramdu du village de Durkusu, près
de Mulku. Ramdu est "domona" des Bahana qui ont cédé leur fulla à un de ses ancêtres.
On retrouve la même chose pour le fulla des Huwa**a, autrefois propriété des Dokeyna.

8) Les Goh-na

- ancêtre: Rikasa
- implantation: on en signale à Slumarey, près de Magaw
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla:....?, dont le gunna se fait avec cinna.
L'actuel sa ma da fulla est un nommé Jutu du village de Goliho (près de Magaw)

9) Les Tufura-na

- ancêtre: Rikasa
- implantation: Tufura
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla qui rend fou (gurqa*u). Il a sa case,
comme Duniyata...
- sumalla: Tufura! giya jusu! bato*e kurti firi! toy qi gaya vun dakali !
(............................................................patte de buffle énorme!)

10 Les Durfa*-*a

- ancêtre: Rikasa
- implantation: Durfa*
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla: ful biwna, du nom même de la plante
(biwna: Pseudocedrela kotschyi) avec laquelle on fait le gunna; il provoque une éruption
de boutons (tuwa* cuk ki narmey naa)

11) Les Giya*kolosu-na

- ancêtre: Rikasa
- implantation: Bakimalaram, Hirim, Mulku, Gam-masa

recueil de notes sur les Masa -54


(n.b. Les clans suivants 12-13-14 ne sont pas des Rikasa, mais des "esclaves" (domona) des
Rikasa)
12 Les *atiyak-*a

- ancêtre: *atiyak, esclave de Rikasa


- implantation: peu nombreux, dispersés
- insulte: *atiyak* bay darin zowna (allusion à leur petit nombre)

13 Les Marbala-na

- ancêtre: Marbala, esclave de Tufura


- implantation: à Tufura, où l'on dénombre 3 sarés de Marbalana.

14) Les Hudu*al-la

- ancêtre: Hudu*alla, esclave de Rikasa


- implantation: dispersés; on en signale un à Huwa*.

III. AUTRES CLANS

15) Les Salmey-na

- ancêtre: Salmey (il serait Wiya, selon certains????)


- implantation: Migu
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla....? Le sa ma da fulla s'appelle Wakana et
habite Migu.
- gilena au makana: Migu! luya ta dur domona (allusion à son courage d'antan où il
pourfendait les domona avec des épieux taillés dans le rônier).

16) Les Gulmun-na

- ancêtre: inconnu; ils seraient arrivés à quatre: les deux frères Golo et Yaku et les frères
Widaka et Sumay
- implantation: Gulmun
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla: Bere; sa ma da fulla: Fa*arge, chef de terre
de Gulmun.
- sumalla vi guros boyna: Gulmun, Marmat ! dapa put buseyt bur ka budu'u (...la peau de
la vieille vache est couchée à terre)

17) Les Hawarey-na

- ancêtre: Hawarey, il serait venu de Maraw (Cameroun)


- implantation: Sakwa
- propriétés magico-religieuses: ils ont pour fulla Mununna On fait le gunna avec dumarra
(Vettiveria nigritana); il provoque la diarrhée; sa ma da fulla: Diyona (à Sakwa) et Tafa*
(à Magaw)

recueil de notes sur les Masa -55


18 Les Kuruwa*-*a

- ancêtre: Dekerew, venu du Cameroun


- implantation: Kuruwa* (près de Malam)
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla: le "fulla cinna", du nom de la plante avec
laquelle on en fait le gunna; il provoque la folie (gurqa*a gurqiya); firina va fulla: le
nommé Baysukul de Kuma

19)Les Kuma-na

- ancêtre: Dekerew (Dekerew est père de Kuruwa* et Kuruwa* père de Kuma)


- implantation: Kuma
- propriétés magico-religieuses: comme les Kuruwa**a
- insulte: Kuma! Giya ma siya ! - Siya* slaw, nan gorra kuma su? (pourquoi me traiter de
"dents rouges"! suis-je un kuma?)

20) Les Kisadiy-na

- ancêtre: Dekerew (il est fils de Dekerew et garbulumna de Kuruwa**a)


- implantation: Gurfey, Kuma
- propriétés magico-religieuses: les mêmes que Kuruwa**a et Kumana

21) Les Gala*-*a

- ancêtre: ? (mais leur mère est connue comme fille de Kuma)


- implantation: près de Tufura
- propriétés magico-religieuses: ce sont eux qui "ouvrent" la pêche de Kitim depuis que son
propriétaire et découvreur, un Huwa*, l'a échangé à un de leurs ancêtres contre une peau
pour la danse

22) Les Vunak-*a

- ancêtre: Vunak, qui serait un wiya


- implantation: Tufura
- propriétés magico-religieuses: leurs devins sont nombreux et étaient réputés; ils faisaient
leur divination dans le grenier à mil.

23) Les Huwa*-*a

- ancêtre: Huwa*, qui serait un wiya


- implantation: Huwa*
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla très redouté: Guqufa**a. On en fait le
gunna avec gilarra; il s'attaque au nez qu'il ronge. Sa ma da fulla est actuellement
Bura**a du village de Huwa*.
- gilena: Huwa* ma ta fun pir pa (Huwa* mange bien avant le lever du jour); Huwa* ma
jara (allusion à leur rapidité); na* law huwa*-huwa* su
24) Les Witewite-na

recueil de notes sur les Masa -56


- ancêtre: Witewitena, qui serait un wiya venu de Gisey
- implantation: peu nombreux, ils sont dispersés

25) Les Utey-na

- ancêtre: Utey, qui serait un wiya venu de Gisey


- implantation: dispersés et peu nombreux

26) Les Go*iyo-na

- ancêtre: Tuku, qui serait un waliya du Cameroun


- implantation: peu nombreux, ils sont dispersés (on en signale un à Buguda*, un à Orey)
- propriétés magico-religieuses: ils ont un fulla très redouté: Go*iyona

27) Les Kisaboko-na

- ancêtre: ...?
- implantation: Kayam (entre Kuma et Durfa*)
- propriétés magico-religieuses: ils peuvent parler au lion (slon hum ka vunsiya)

28) Les Noley-na

- ancêtre: Noleyna (peut-être un waliya du Cameroun)


- implantation: Rotuwa* aurait été un domona de Kumi; à l'arrivée des blancs, les Kumi
méfiants les laissèrent traiter avec leur esclave qui avait par ailleurs l'avantage de
connaître le foulbé....C'est ainsi que les européens lui confièrent la chefferie; Rotuwa*-
Huwa*-Low sont les trois prédécesseurs de Dapsiya.

Notes

1) Les Masa du Cameroun, Igor de garine. PUF 1964, Paris

2) Pour la notion de gunna et pour comprendre le rôle du "sa ma da fulla", on se reportera


aux notes sur les Maladies.
On notera en particulier la similitude des schémas et du vocabulaire:

a) quelqu'un qui en a le pouvoir a) quelqu'un d'un clan à"fulla"


fait un gunna fait un gunna

b) le gunna prend (vi) b) le devin voit que c'est tel fulla qui a pris

c) intervention de sa ma da... c) intervention de sa ma da fulla

d) il reçoit "ses choses" d) il reçoit "ses choses"


(prix de la maladie)

e) il fait yam niyna avec une bolla e) il fait yam niyna avec une bolla

recueil de notes sur les Masa -57


LE MARIGOT "KITIM"
I. Histoire et "pêche" de Kitim
(d'après un enregistrement fait en mars 1972)

1. Histoire.

Autrefois, ça n'était pas un marigot. Voici comment naquit Kitim: un taureau, propriété
d'un Hua* (mulam mi sa ma hua*i), attira l'attention de son propriétaire: en pleine saison
sèche, alors qu'il n'y a plus de points d'eau, le taureau refusait de boire au puits avec le reste
du troupeau...

Le propriétaire décida donc d'épier le taureau; perché sur un arbre, il s'aperçut que
chaque jour le taureau s'éloignait du troupeau et, en le suivant, se rendit compte qu'en un
lieu donné, le taureau écartait des nénuphars et, sous ces nénuphars, il y avait de l'eau à
laquelle se désaltérait le taureau... L'homme revint le lendemain et trouva cet endroit
recouvert d'eau: Kitim était né, et le propriétaire du taureau en devenait le "maître".

Mais un jour de danse (bolla), le Hua* "maître" du marigot échangea Kitim avec un
Gala**a contre une peau (bak*a):

Sa ma Hua** jop sa ma Gala**a la: "nan gus bak*a va*u"


nam a la: "vulanti kalam mi ge?"
nam a la: "golo*ka van ká kä ful naa, fariya ma*u; may
na* vulan bak*a va*u, nan col la' qifina' lo qi"
nam vulum bak*a. Na', golo*ka, ra vi sa ma Gala**a.

Et c'est ainsi que les Gala**a devinrent "maîtres" de Kitim .

2. Pêche (ciwna va' maawa)

- Chaque année, au mois où le taureau découvrit Kitim, les Gala**a consultent le devin,
pour connaître celui d'entre eux qui présidera à la pêche; selon la conception qu'ils en ont,
c'est Kitim lui-même qui, à travers la divination, désigne celui qui fera son "sacrifice":

"vul san ti na'a, hay greyna"...


"Vane, qifina' vi ka*u".

- Celui qui en a reçu la charge, doit d'abord "ramasser (tar) le tabac de Kitim. Il passe dans
tous les sarés de Tufura, de Hua*, de Magaw et reçoit du tabac. A Magaw, on lui donne
aussi un mouton: $u dimina qu'il amène à Tufura, chez lui; là il le tue (*at) avec la bolla
suivante:
Kitim ! nak ki golo*ka vanu
nan gusak baki, nan gusak ki Hua**a;
nak, qifinak vayt kanu;

recueil de notes sur les Masa -58


nan kow taraka paakawa,
kay Magawn naa kow, vulan $u timinawa,
nan *atamawa!
May nan narakis golo* cukayn qowne,
nagata, cukayn, nak mara' low ga *aa'a:
(a) nagat zuma wa'a.
Nan deyek qifinakis qow rowta (...)
Naka cukayn bura nagat giy qi
May sa ma kul ka dikak*a, ma li suluk dikak*a,
nak busa nagata valam giy busa.

- Le lendemain de ce jour, a lieu la pêche de Kitim: le responsable de Kitim et les siens (les
Gala**a) ne se rendent jamais directement au marigot, ils font toujours un crochet par
Hua*, "comme s'ils disaient: c'est vous qui nous avez donné la chose, nous ne passons pas
par dessus vous". Les Hua**a leur offrent un repas. Après quoi, ils se rendent à Kitim
pour "gi vunna". Le responsable et les siens font plusieurs fois le tour de Kitim (*uy ta ta
ta...). Puis s'immobilisant, le responsable lance une sagaie dans l'eau: "Yagan kalamu,
nam kusum golo*o". Alors seulement la foule qui attend la pêche peut descendre dans
l'eau à sa suite.

N.B. Avant ce rite, on peut boire et se baigner dans Kitim mais tout objet qui tombe à l'eau (bâton, caleçon...)
ne peut être ramené à la maison sinon, "niyn ma ga si qowna, naga na'ta la wa qi"; ces objets ne seront
pas volés, d'ailleurs, car la terre du voleur deviendrait stérile (de même si quelqu'un s'avisait de voler le
jour de la pêche - cf. bolla). Avant la pêche, on ne peut, toujours pour la même raison ("nakat busa
giyo"), amener du poisson de Kitim à la maison mais on peut le manger en brousse.

II. Autres renseignements

1. La pêche de Kitim de 1973, s'est faite symboliquement de la façon suivante:

A cause de la sécheresse, Kitim était à sec "à la lune où le taureau le découvrit"; aussi le
"responsable" désigné par la divination à fait un "gi vunna" symbolique: c'est dans un
récipient (*arak*a) plein d'eau, amené sur place, qu'il a fiché sa lance (yagana)

2. La "Kermesse" de Kitim de 1974 (d'après des notes à la date du 5 avril 1974):

"Bien que le responsable de Kitim n'ait pas encore fait "gi vunna", depuis huit jours déjà,
on pêche à Kitim ou plus exactement on y "tue" du poisson... car il n'y a pas le droit de
pêcher ni d'amener le poisson de Kitim à la maison... Mais assommer le poisson à coup de
bâton n'est pas pêcher et on ne s'en prive pas! En cette période de galak*a, c'est une
bénédiction! Depuis huit jours, à Kitim, c'est la fête, la kermesse; on amène avec soi la
boule de mil et on consomme le poisson sur place... On n'oublie pas ceux qui ne peuvent se
déplacer (par ex. la vieille mère de Barka, fils de Sakawsu et Mayenta, sa sœur qui vient
d'accoucher); on leur amené du poisson le plus près possible des cases, mais en prenant
bien soin de le "laisser" en brousse. Chaque soir vers 20h, je vois passer les gens de
Huwna: ils vont manger du poisson derrière la digue (jiy bogol damna) juste à la limite de
la nagata et de la brousse"
. P. Jean Goulard

recueil de notes sur les Masa -59


"Fulla vi Hua* kayno, yum a la Guqufa*e"
1. Histoire de Guqufa**a
(d'après un enregistrement fait à Makaw en avril 1972 par Tu*tu*)

Autrefois, Guqufa** n'appartenait pas aux Hua**a mais aux Dokeyna. (nam kampa kayn
vi Hua** qi, va Dokeyna). Les Dokeyna (les gens de Ti*kekere, quartier Dokey à Magaw,
sont des Dokeyna) sont des gurobiyomna des Slariaw-Golona.

Aujourd'hui encore un chant rappelle: "fulla va Dokeyna fumi Jefere" - "C'est à Jefere que
les Dokeyna ont trouvé leur fulla"; Jefere est un marigot, situé entre Brem et Marmay. Un
ancêtre des Ti*kekere s'est rendu à Jefere et là, il a trouvé le "fulla": "nam fi fuli tane; tapi
kuqum hay Jefere", et l'a ramené. Comment cela s'est-il passé? Dans quelles
circonstances? Epiphanie: va nam mu' kram kow... ou autre? Tu*tu* l'ignore et explique
qu'on ne pose pas de telles questions: ...jopom qi, nari!

Avoir un fulla c'est une servitude (gijarra): finie la tranquillité (...rey ga *al qi ley), à toute
heure du jour et de la nuit on peut vous appeler auprès d'un malade... Aussi les Dokey-na se
fatiguèrent-ils de leur fulla ("Dokey mak kalamu"); une telle servitude ne convenait pas à
des hommes libres (...vum mi sa vuqi qi, vum mi sa ma gorvo gorvo'o) et ils se
déchargèrent de leur fulla sur un "esclave", un Hua* précisement... C'est ainsi que Gudufa*
devint le fulla des Hua**a.

A présent que Guqufa* est "devenu (source de) richesses" (le "prix du fulla" en effet,
semble d'autant plus élevé que le fulla est redoutable (joo'o), aussi rapporte-t-il beaucoup
de vaches) les Dokeyna regrettent leur geste et aimeraient récupérer leur fulla: "full ney
koteyta voo'o", mais Guqufa* "a appris les Hua* et ne s'en détache plus": hat Hua*awa...
ra Hua* lo qi".

Cependant les Dokeyna restent dans une relation privilégiée à Guqufa* car le fulla n'agit
pas contre ses anciens "maîtres": "full lisi qi... a la: Tan mi sumanu, vanis sa nisia". Ainsi
par ex., les Hua**a ne peuvent faire le "gunna" de Guqufa* contre un Dokey; et les
Dokeyna n'hésitent pas à l'occasion à s'emparer de force du "prix du fulla"... parce qu'ils
sont sûrs de l'impunité, le fulla n'ayant pas prise sur eux.

2. Autres renseignements sur Guqufa**a


(d'après des notes d'octobre 1974)

Bura**a, le "maître" de Guqufa* (sa ma da fulla),

* Ne se déplace que rarement lui-même, il envoie des représentants na gy dum qi, gum mi
sunu (Vane, na*u, na* dan qifinna; sa tan moyo, yowo* sle ma qifinna lak, yowo*ki
ka*u, na*u!; na* *a* qifin kayne, san suqa - Un tel, vas, tu diras le sacrifice à ma
place; là-bas, un homme est malade, prends le prix du fulla amène-le ici, vas!; Vas,
"comptes" le/tel sacrifice, que l'homme guérisse!).

recueil de notes sur les Masa -60


* Le(s) représentant(s) s'en va chez le malade, portant sur l'épaule le couteau de jet (billa)
de Bura**a... Il intervient sur le malade, de la façon suivante: "nam yow butuna, fatam
ka vun mil namna - il prend de la poussière dont il saupoudre la plaie (du nez)"... et
ramène à Bura**a, le prix du fulla.

* Partie du "prix du fulla" est tuée par Bura**a sous l'arbre de Guqufa*: gilarra (gilar ka
zow, xi qifin ga kuqumu) et le reste va augmenter son troupeau. On dit Bura**a très
riche.

* Comme "maître" de leur fulla, Bura**a a aussi une fonction judiciaire parmi le Hua**a;
on lui amène les palabres et les récalcitrants reculent devant la menace de "gunna": "je
vais poser mon couteau de jet (billa) devant chez toi".

* Mais cette fonction a aussi le revers de la médaille. S'il est vrai que le clan n'est pas à
l'abri de son fulla - ne dit-on pas et l'expression est proverbiale: "Full vay jew vudo*,
may su! / n'est-il pas vrai que le fulla prend d'abord chez nous!" - c'est encore plus vrai
du sa ma da fulla, du "maître" du fulla: "Guqufa*, jaf sum sa dumna, nam hinsia biya
*ol qi - Guqufa*, la famille de ses maîtres, il ne la laisse pas s'agrandir beaucoup".

* Proverbe: "Fulla vi Hua* mi xasusi ma'na visiya - Le fulla des Hua**a est leur deuxième
frère"; en effet, si dans une bagarre, ils se sentent en infériorité, ils ont toujours le recours
du gunna de Guqufa*: il leur suffit de couper de branches de gilarra pour que leurs
adversaires fuient.

* "Nosiyom-Hua**a gum hiqa gilarrana, Guqufa** vi ley - Si les fils des filles de Hua*
mariées à l'extérieur font le gunna du gilarra, Guqufa* 'prend' aussi".
Par contre, les épouses des Hua**a semblent trop craindre Guqufa** pour en faire le
"gunna"; elles le font cependant pour protéger leur bétail des voleurs (gilarra au cou des
moutons et des chèvres) mais ni pour protéger leurs cultures ni pour récupérer une dette...

P. Jean Goulard

recueil de notes sur les Masa -61


BIERES RITUELLES
A côté des bières de travaux (doley ma citana), en particulier pour le labour d'un nouveau
champ (dila'na: retourner un terrain en jachère, un terrain non encore cultivé) ou pour le
travail du mil d'appoint (cokona), les Masa connaissent de nombreuses bières rituelles dont
on trouvera énumérées ici un certain nombre.

1. doley ma Ceyna
cf. document: doley ma ceyna vol. 1, p. 19
2. doley ma *oneyna
cf. document: Jumeaux et sièges vol 2, p. 9
3. doley ma Lowna
cf. document: Put ma Lowna vol. 1, p. 6
4. doley ma Low-yina
A la différence des précédentes, cette bière ne pourrait pas être bue par n'importe qui
mais seulement par "Ceux qui mangent ensemble le même tuwalla" (sum sa tey tuwal
ka darra).

5. doley ma Bagawna
(d'après un enregistrement de Tu*-Tu* et de Soko, femme de Jopsu, elle même chargée
de la préparation d'une bière à Bagawna, fait à Magaw en mars 1972).

Cette bière peut être aussi appelée doley ma gufultina, à cause de la saison à laquelle on
la fait: gulfulta, début de la saison des pluies. (cf. bolla d'entrée).
Elle accompagne ou plutôt est un des éléments du tuwalla à Bagawna. (cf. 2ème bolla)
Bagawna se manifeste à travers la foudre (bayna). Font tuwalla à Bagawna ceux à qui il
s'est manifesté:

"Kayn na* lum naa zow a ni na qifinam li ka ta* baya bay kla...
he-he nam bayam mi sa'a cum qi kla, he-he bayam mi sa'a cum kla".

Ainsi Soko est responsable de la préparation de la bière à Bakawna depuis le jour où la


foudre est tombée sur la case de Jafta, sa co-épouse.
Le tuwalla à Bakawna se déroule comme suit:

- préparation de la bière.
Bolla d'entrée:

Bakawna, (Bakawna,
liyn ma bari, na* kow ma qown miya le vent est de retour, toi aussi tu es arrivé
kayn nan ya* doleyna va* na* lownawa aussi je te cuis ta bière à toi Lowna
kayn va* na* Low-Bagawna, nan ya*awa. elle est pour toi Low-Bakawna, je te (la) "cuis".
Na* ma ga kow, mar simeqe* ka tana lo qi Quand tu viendras, n'amène plus ton "vent" sur moi
na* rana vo'o hiqa sleqe laisse-moi en paix chez moi
na* kow si ma* hiqa sle' ma*ka, toi aussi de ton côté "pleus" en paix,
doleyna va* nan ya*awa. ta bière je te (la) cuis)

recueil de notes sur les Masa -62


La femme responsable prépare alors la bière. Quand la bière est cuite, on la laisse dans
les recipients de cuisson (duweyta) on ne la verse pas dans les récipients de fermentation
(genna), cette particularité -'selem qi'- est soulignée dans l'enregistrement.

-Le tuwalla

On prend un mouton (ou bouc ?) qu'on tue et dont on prépare un repas. Un morceau de
viande est "jeté" (na* cuk vun sliw giyo) en prononçant la bolla suivante:

"Bakawna, nan tuwala*awa: Bakawna, je te fais tuwalla:


*ata* huna va*i kow, je t'ai tué ton mouton
ya* doleyna va*i kow. je t'ai cuit ta bière.
Lapiya. Na* ran hiqa sle'ta". Salut. Laisse moi en paix.

Ceux qui partagent ce repas, le prennent dans la cour intérieure du saré (ka da*i). Puis
les mêmes consomment la bière. Enfin chacun des assistants (hommes-femmes-
enfants) prend du tabac, le jette à terre et, se prosternant, met le front en terre (yow
paana, cukum ga ma Lown, girifimu, dap foko* ga'a) en disant:

Hinma' sleqe Laisse-nous en paix


li zla na'ta lo qi ne fais plus cette chose-là

6. Les bières suivantes sont des bières à des défunts:

- doleyna vi bunu: la bière de mon père; c'est le devin qui prescrit une telle bière

- doleyna vi jufanu: la bière de mon mari; une veuve qui a de jeunes enfants fera une
telle bière

- doleyna vi kunma'ta : la bière de notre belle-mère; le femmes d'un saré feront une telle
bière pour la mère défunte de leur époux.

7. Les bières du chef de terre:

Les chefs de terre font chaque année plusieurs bières, ainsi:

- doley ma tuwalla : la bière du tuwalla à sa terre;


- doley ma cuka jafna: la bière des semailles;
- doley ma calla, la bière de la récolte.

P. Jean Goulard

recueil de notes sur les Masa -63

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