Note Lean

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 38

NOTE DE POSITIONNEMENT

LES METHODES
D’ORGANISATION DU
TRAVAIL : LE LEAN EN
QUESTION

Découvrez toutes nos actualités sur le site www.anact.fr


LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION 01

AVANT-PROPOS
Le réseau Anact-Aract travaille depuis plusieurs années sur les processus de changements
techniques et organisationnels au sein des entreprises.
Dans le cadre du projet PAPT (accompagnement des projets de transformation), des chargés de
mission de l’Anact (Départements Changements Technologiques et Organisationnels, Santé et
Travail, Veille et Management de l’Information) et de 7 Aract (Rhône-Alpes, Basse-Normandie,
Aquitaine, Poitou-Charentes, Bretagne, Lorraine et Bourgogne) se sont réunis régulièrement depuis
janvier 2012 pour capitaliser (rassembler des données, partager des retours d’expériences) et co-
produire un point de vue permettant de comprendre et d’agir sur la diffusion des pratiques de type
dans les entreprises.
Cette note de positionnement est le fruit de ce travail. Elle est organisée de la façon suivante :

. Une première partie présente le contexte et les enjeux de la diffusion du Lean.


. Une seconde partie méthodologique donne les clefs de lecture des parties 3 et 4.
. Une troisième partie couvre les questions posées au réseau Anact-Aract sur le Lean. Elle est
illustrée de sept études de cas.

. Une quatrième partie expose nos propositions aux entreprises.


Cette note sensibilise et propose des perspectives d’action. Différentes présentations dans le réseau
Anact-Aract ont permis de la mettre en débat et de l’enrichir. Il s’agit maintenant de transférer son
contenu aux différents acteurs institutionnels concernés, aux partenaires sociaux et aux entreprises.
SOMMAIRE

1. LES ENJEUX DE LA DIFFUSION DES PRATIQUES DE TYPE LEAN.............................. 3

2. LA POSTURE MÉTHODOLOGIQUE.................................................................................. 8

3. LE RÉSEAU ANACT-ARACT INTERROGÉ


SUR LES PRATIQUES DE TYPE LEAN............................................................................... 11

4. NOS RECOMMANDATIONS : VERS UNE MEILLEURE ARTICULATION


ENTRE ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX................................................................. 27

5. ANNNEXES ....................................................................................................................... 32
1.1 Notes ................................................................................................................ 33
1.1 Bibliographie . ................................................................................................... 34
1.1 Lexique du vocabulaire Lean ........................................................................... 36
01
Les enjeux de la diffusion
des pratiques de type lean

Le modèle du Lean sera présenté de façon synthétique afin d’exposer les enjeux qui sous-tendent sa
diffusion. Nous insisterons sur la diversité des formes qu’il prend lors de son application dans les organi-
sations, ce qui incite à un positionnement nuancé.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
04

1. L E LEAN : UNE . Le « jidoka » (autonomation), impliquant la


réorganisation des équipements en flux et la création

APPROCHE GLOBALE ET
de cellules de production autonomes et polyvalentes
s’appuyant sur des standards de travail.

UNIVERSELLE Cette proposition est déclinée en une série d’outils


opérationnels qui apporte des solutions pragmatiques aux
problèmes que rencontrent les entreprises. Ils sont
Lean signifie « maigre », « agile », « affûté » selon les
véhiculés par un langage nouveau et abondant dont il
usages. Ce terme est la traduction occidentale proposée
faut faire l’apprentissage : le kanban, le takt-time, le SMED
par JP. Womack et DT Jones, chercheurs américains au
(changement rapide d´outillage), la réorganisation des flux,
MIT, à la fin des années 1980, pour qualifier le « Toyota
les 5 S (propreté de l´atelier), le kaizen (améliorations par
Production System », quand bien même celui-ci rencontrait
petits pas), le poka-yoké (systèmes anti-erreurs), etc.
ses premières difficultés1. Appliqué à l’organisation de sa
production, le Lean signifie « produire au plus juste » en Le Lean offre une réponse appréciée dans un contexte
éliminant tout ce qui n’apporte pas directement de la valeur d’incertitude croissante dans la mesure où ces outils
ajoutée au produit du point de vue des clients. constituent des savoirs pratiques (Boussard, 2011) qui
orientent la construction du problème, sa cause et
Ce mode de gestion et d’organisation prétend proposer
sa solution. Même s’ils font l’objet d’une sélection et d’une
une solution universelle qui s’émancipe du Fordisme,
interprétation par les entreprises au fil du temps, ces outils
efficace dans tous les secteurs et tailles d’entreprise.
constituent les éléments stables du modèle (Ughetto,
De nombreux chercheurs (Bourgeois, Gonon, 2010,
2009). D’ailleurs, le Lean est une référence qui se maintient
Daniellou, 2011, Ughetto, 2012) s’accordent à dire que la
depuis plus de vingt ans et qui reste une stratégie d’avenir
nouveauté réside dans l’approche globale et philosophique
porteuse d’espoir et de nouveautés organisationnelles pour
du modèle.
de nombreuses entreprises.
Au service de la performance, il s’appuie, d’une
part, sur l’optimisation de l’ensemble des processus,
ressources et temps engagés par l’entreprise et, d’autre
part, sur l’implication du personnel en associant les acteurs
2. UNE LARGE DIFFUSION
au plus près de l’activité pour concevoir et réaliser les
changements nécessaires. De nombreuses propositions
SOUTENUE PAR LES
sont louables : « Allez sur le terrain pour bien comprendre
la situation », « Devenez une entreprise apprenante grâce POUVOIRS PUBLICS
à la réflexion systématique et à l’amélioration continue »,
« Formez des responsables qui connaissent parfaitement
le travail… » (Liker, 2006), mais il faut avoir à l’esprit les Depuis le milieu des années 2000, les pratiques de
ambitions et la dimension systémique du modèle pour en type Lean se diffusent en s’étendant à l’ensemble des
mesurer les enjeux. D’ailleurs, les fondateurs utilisent une entreprises : de la multinationale à la TPE et dans tous
représentation symbolique pour expliquer la cohérence et les secteurs d’activité. Bien que déjà controversées dans
l’harmonie du système Lean : la Maison (ou temple) Lean. le secteur automobile dans les années 1980, le recours à
ces pratiques s’observe aujourd’hui dans les services, les
Le système investit les différents niveaux de prescription : administrations, les hôpitaux et crèches, les activités de
stratégique, organisationnel et opérationnel. conception et de recherche, etc.

Le niveau stratégique renvoie à une conception de L’ampleur de la diffusion s’explique notamment par le soutien
la performance centrée sur l’amélioration continue et d’une politique économique qui, depuis 2009, promeut cette
l’élimination des gaspillages. démarche. Rebaptisée « excellence opérationnelle », elle
est présentée comme le vecteur de développement qui
Cette recherche de gains de productivité est déclinée en favorisera la compétitivité des PME. Cette politique est
deux principes organisationnels structurants: relayée par de nombreux programmes d’accompagnement

.
engagés par des institutions diverses telles que l’Etat, les
Le juste-à-temps, caractérisé par des flux tirés2 et régions, les branches professionnelles, les organismes
continus et une optimisation des temps. consulaires, etc. Ces programmes supposent un soutien
financier conséquent3. La DGCIS4 a alloué 11 millions
d’euros pour accompagner près de 1500 entreprises.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
05

Une cinquantaine d’actions ont été organisées par les


DIRECCTE5 et leurs partenaires locaux. Les entreprises
visées en priorité sont les entreprises industrielles, en
3. DES PRATIQUES QUI FONT
particulier les sous-traitants du secteur automobile, en lien
avec la création de la Plateforme automobile6. Néanmoins,
DÉBAT QUANT À LEURS
chaque DIRECCTE peut adapter la cible prioritaire en
fonction des spécificités du tissu industriel local. A titre EFFETS SUR LA SANTÉ DES
d’exemple, en Poitou-Charentes, entre
2005 et 2012, 219 entreprises ont été accompagnées en SALARIÉS
privilégiant les secteurs de la menuiserie industrielle, de la Les organisations syndicales et les préventeurs8 font le lien
fabrication de meubles, de la mécanique et du plastique. entre la diffusion de ce modèle et la montée de certains
En 2009, l’Union des industries textiles (UIT ) a lancé le phénomènes comme l’augmentation des accidents du
programme pilote « UIT-Lean », cofinancé par la DGCIS, travail et maladies professionnelles et le sentiment d’une
visant à promouvoir le Lean auprès des PME du secteur dégradation des conditions de travail. Par exemple, la
du textile et de l’habillement. Au total, 30 PME volontaires Fédération Générale des Mines et de la Métallurgie de la
issues des régions Midi-Pyrénées, Rhône- Alpes et Alsace- CFDT9 a récemment publié un livret dont une partie du
Lorraine ont participé au programme. développement est consacrée aux effets du Lean pour
inciter à recentrer les pratiques syndicales sur les enjeux
de l’organisation du travail. La CGT le met en cause dans
Déployé sur trois ans, le programme s’est achevé fin 2012 plusieurs publications : « Le LEAN management : vers un
et a coûté 652 000 €. Aujourd’hui, la DGCIS vise le secteur amaigrissement du travail ? »10, « Les effets du Lean sur
de l’agro-alimentaire en développant un partenariat avec la santé »11 ou « Faut-il craindre la Lean production ? » au
l’ACTIA (Association de Coordination Technique pour sein de laquelle F. Gache, délégué syndical central CGT,
l’Industrie Agro-alimentaire). dénonce les risques d’une rationalisation permanente du
travail et rend responsable le Lean de l’augmentation des
TMS.
Cette diffusion est accompagnée par une association,
l’Institut Lean France, créé en 2007 et membre du
Lean Global Network. Sa mission principale « réside dans De nombreux témoignages des Institutions Représentatives
la promotion, la défense et la diffusion des principes et de la du Personnel (IRP) rapportent néanmoins qu’elles se
pratique de la pensée Lean auprès des entreprises . L’Institut sentent contournées ou démunies lorsqu’il s’agit d’en
propose des formations, des outils, des conférences et des discuter avec la direction12. Depuis, la décision du Tribunal
séminaires organisés tel que le « Lean Summit ». Ce de Grande Instance de Nanterre en janvier 2012 a ouvert
congrès européen se donne pour objectif de présenter la voie à la multiplication des expertises en reconnaissant
les meilleures pratiques de développement du Lean sur au CHSCT de Cap Gemini Technology Services un droit de
la base de témoignages d’entreprises et d’interventions recours pour évaluer les effets de la mise en place d’une
d’experts internationaux. L’institut anime également un démarche Lean sur les conditions de travail, considérée
réseau d’entreprises qui souhaitent échanger et partager comme un changement majeur d’organisation du travail13.
leurs pratiques au cours de séances de travail animées
par des consultants. Un autre réseau de relais régionaux
propose un appui aux entreprises qui souhaitent déployer D’une manière générale, le débat public se développe. Il
le Lean. En somme, au service de sa diffusion, on trouve est alimenté, d’une part, par la presse professionnelle et
des réseaux très structurés et dynamiques auxquels de très généraliste qui, quel que soit le positionnement éditorial,
nombreuses grandes entreprises adhèrent. relaie de plus en plus les questions que pose la diffusion
Néanmoins, se pose la question d’un soutien aussi large. de ces pratiques D’autre part, la communauté scientifique
L’ensemble des pouvoirs publics (ministères, services s’empare de nouveau de ce sujet historiquement
déconcentrés et collectivités) s’allie avec les consulaires controversé dans plusieurs disciplines s’intéressant
et les organisations professionnelles pour favoriser son au travail, comme en témoignent l’augmentation des
développement. Pourquoi cette relance tout azimut depuis publications et les récents colloques organisés sur l’objet :
quatre ou cinq ans d’un modèle qui s’est plutôt cantonné, la SELF en2009, l’AFS en 2010, les Journées de Bordeaux
depuis maintenant deux décennies, dans l’industrie et en 2011, la Revue Activités en 2011, etc.
particulièrement l’industrie automobile ?
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
06

4. LE RÉSEAU ANACT- 5. DES USAGES DU MODÈLE


ARACT EST SOLLICITÉ DIVERS
En pratique, le réseau Anact-Aract constate que le
DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES modèle évolue vers une boîte à outils dans laquelle
De son côté, le Réseau Anact-Aract constate une piochent les entreprises en fonction de leurs besoins
évolution de la demande sociale. Les Aract sont de plus en pour satisfaire leurs clients (moindre coût, amélioration du
plus sollicitées par leurs partenaires régionaux pour porter niveau de qualité, réduction des délais). Le déploiement
un point de vue. Alors que le réseau Anact- Aract rencontrait est souvent externalisé en le confiant à des cabinets
traditionnellement le Lean dans le cadre d’interventions de conseil qui se multiplient car le Lean « fait recette
relatives au développement des TMS ou RPS, il peut ».Paradoxalement, beaucoup de consultants développent
aujourd’hui être directement appelé pour se prononcer, aussi des prestations globalement équivalentes,
accompagner ou évaluer les effets d’une démarche Lean. mais sans utiliser le terme « Lean ». Les motivations sont
Il contribue directement à favoriser les débats, à l’image diverses : du développement d’une démarche alternative,
de la journée organisée par l’Aract en Poitou-Charentes plus riche, jusqu’au refus de faire référence à un modèle
en septembre 2012. A guichet fermé, elle a réuni 120 qui fait débat, voire qui effraie. Beaucoup de témoignages
personnes d’horizons divers : direction, IRP, acteurs de la provenant des IRP évoquent un « Lean déguisé » qu’il
Région, consultants, etc. L’introduction croisée entre un n’est pas facile d’identifier et a fortiori de discuter dans
représentant du MEDEF et un représentant de la CGT les entreprises.Par conséquent, nous constatons une
et la qualité du débat tout au long de la journée témoignent diversité des raisons pour lesquelles les entreprises font
des attentes en matière de dialogue social sur ce sujet. le choix du Lean et une diversité des contextes et des
formes d’application du Lean s’écartant plus ou moins du
Alors que nous observions traditionnellement des positions modèle canonique. Cette réalité, partagée par l’Institut
tranchées, l’heure apparaît plus propice aux échanges Lean France et son réseau de consultants, serait d’ailleurs
et aux propositions constructives, y compris du côté l’explication principale des dysfonctionnements et
des tenants du Lean qui cherchent à reconsidérer leurs des effets dommageables rencontrés dans les entreprises.
discours ou leurs pratiques en accordant plus d’attention Ils considèrent que le modèle est parfois mal compris,
aux conditions de travail. Dans cette perspective, le réseau partiellement mis en œuvre ou utilisé à mauvais escient.
Anact-Aract peut aussi être sollicité dans le cadre d’actions Des explications culturalistes peuvent renforcer leur
collectives innovantes. Par exemple, en 2013, l’Aract diagnostic. Les entreprises occidentales seraient peu
Lorraine participera à des actions d’accompagnement enclines à mettre un terme à un mode de fonctionnement
portées par la CCIR. Parmi les 36 entreprises concernées (20 historiquement centralisé ou les salariés latins, soutenus
dans l’automobile et 16 TPE), 6 à 8 entreprises vont être par leurs syndicats, ne seraient traditionnellement pas
sélectionnées pour travailler sur la prise en charge des disposés à accepter les changements. Pour obtenir les
questions relatives aux conditions de travail avec l’aide résultats attendus, il faudrait garantir une mise en œuvre
de consultants en ergonomie. L’Aract sera au centre du complète, sans compromis. En tout état de cause, nous
processus de capitalisation des enseignements en vue pensons que l’interprétation inverse est plus juste et ouvre
de la production d’un document de transfert. D’une manière des perspectives. La réalité du fonctionnement d’une
générale, l’émergence de partenariats divers illustre une entreprise est une somme de compromis opératoires,
certaine maturité du débat que le réseau Anact-Aract, dans sociaux, locaux à l’occasion desquels le travail est redéfini
sa position d’équidistance, se propose d’encourager et en réponse aux exigences de la production de biens et
d’accompagner afin de favoriser la qualité des échanges. de services. Dès lors, nous pensons que c’est lorsque le
modèle du Lean est partiellement réinventé, reconstruit
localement, adapté qu’il peut potentiellement fonctionner.
Cette grande diversité n’empêche toutefois pas d’identifier
empiriquement certaines tendances structurantes.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
07

Clefs de lecture et perspectives :


Un ensemble d’acteurs gravitent autour de la création et de la diffusion du Lean. C’est une
construction progressive qui fait aujourd’hui de ce modèle le régime par lequel les entre-
prises devraient passer pour participer activement à la reconversion du tissu productif. Les
termes de ces enjeux sont controversés et nuancés selon les cara- ctéristiques
des secteurs, les modes diversifiés d’appropriation du Lean et la tonicité
des débats, notamment entre les partenaires sociaux. C’est au niveau de ces
interactions que le réseau Anact-Aract peut mettre son expertise à disposition d’autant
que le sujet confirme le caractère déterminant de l’organisation du tra-vail dans l’efficacité
des processus de production et l’amélioration des conditions de travail.
02
La posture méthodologique

Nous exposerons les fondements méthodologiques de notre propos. D’une part, il se penche d’abord
sur des configurations locales - c’est-à-dire sur des pratiques développées dans des contextes spé-
cifiques pour repérer, ensuite, les propriétés typiques d’un modèle. D’autre part, il s’appuie sur une
approche inductive14, ce qui signifie qu’il est élaboré à partir des expériences accumulées du réseau
Anact-Aract depuis plusieurs années.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
09

1. L E LEAN : UNE nombreux paramètres qu’il n’est pas possible d’isoler ou


de maîtriser pour garantir l’issue heureuse de sa
mise en œuvre. Néanmoins, sans tomber dans le
APPROCHE GLOBALE ET déterminisme organisationnel, nous prenons aussi le
parti de porter un point de vue sur le sens des changements
entrepris en repérant des caractéristiques et effets
UNIVERSELLE typiques du Lean.

Lean signifie « maigre », « agile », « affûté » selon Tous les modèles ne se valent pas, leurs propriétés
les «Notre parti-pris méthodologique consiste, d’abord, à intrinsèques ne déterminent pas mais définissent un champ
éviter le déterminisme organisationnel. Cela signifie que des possibles (Crozier, Friedberg, 1977). L’organisation est
les modèles organisationnels - quels qu’ils soient - ne sont un système de contraintes et d’opportunités qui encadre
pas incontournables et ne s’imposent pas aux entreprises les actions selon des principes d’autorité, des modes
au regard d’un contexte économique ou institutionnel. de gestion, de coordination, des obligations et moyens
Le recours à un modèle organisationnel résulte d’un spécifiques. Leurs caractéristiques orientent une division
choix contingent, en lien avec la définition d’une stratégie du travail, des formes de coopération et d’engagement
et l’influence de facteurs environnementaux et sociaux. dans le travail. En d’autres termes, certaines organisations
Il n’existe pas de rationalité pure et parfaite qui exigerait auront tendance à favoriser certains types de risques.
un cadre organisationnel plutôt qu’un autre. En d‘autres
termes, il n’est pas recevable d’entendre qu’« on n’a pas le En outre, les organisations ne sont pas complètement
choix » en matière d’organisation ou que « ça doit marcher ou perpétuellement redéfinies ou renégociées. Elles
parce que le modèle a fait ses preuves ailleurs.» constituent des espaces d’action relativement stabilisés
(Thoenig, 1998) car des compromis s’établissent et des
L’absence de déterminisme organisationnel signifie aussi formes de régulation informelle récurrentes s’érigent en
qu’un modèle organisationnel ne peut pas être qualifié ou norme. Finalement, des mécanismes de fonctionnement
jugé dans l’absolu. L’organisation est un processus d’actions s’institutionnalisent et deviennent structurants (Davis,
et de décisions qui la modifie et régule son fonctionnement Marquis, 2005).
(Maggi, 2003, Reynaud, 1997, Crozier et Friedberg, 1977).
La réalité du fonctionnement d’une entreprise s’écarte Dans un second temps, il est donc possible
de fait de l’organisation formelle. Un travail d’organisation de repérer les types d’organisations qui se stabilisent
(Terssac de., 2003) est même essentiel et constitue lorsqu’un modèle est pris en référence et d’identifier
une opportunité de rendre réel et commun un changement leurs enjeux pour le travail. De façon empirique, certaines
en produisant des solutions singulières, locales, adaptées organisations et modes de fonctionnement ont
à des situations de travail insérées dans des tendance à favoriser certains types d’effets sur les
contextes d’action. Il correspond à une activité conditions de travail.
quotidienne de mise en forme du travail, constituées
de normes collectives et de microdécisions. Cette approche
est indissociable d’une représentation du travail dont la Ces exigences méthodologiques permettront
valeur ajoutée réside principalement dans l’anticipation de produire des connaissances solides pour donner
et la gestion des événements quotidiens. Travailler, c’est aux intervenants du réseau Anact-Aract les moyens
précisément prendre en charge ce que l’organisation n’a de conseiller les politiques nationales et régionales
pas pu prévoir, résoudre des problèmes quotidiens, faire en amont des changements chaque fois que cela est
face à des aléas, contourner une procédure pour s’adapter possible et, dans les entreprises, de jouer un rôle
aux situations singulières (Daniellou et al., 2006, Davezies, actif dans les processus de décisions pour infléchir
2009, Zarifian, 1995). Par conséquent, l’important les arrangements organisationnels dans un sens
est, dans un premier temps, de tenir compte de la favorable à l’amélioration des conditions de travail.
trajectoire d’appropriation d’un modèle et de la configuration
qu’il prend dans un contexte spécifique (Ughetto, 2009). Il
n’y a donc pas a priori de bons ou de mauvais modèles.
Cela dépend des enjeux auxquels il répond, du construit
social qui l’accueille, du système qu’il forme avec d’autres
dispositifs et dimensions structurelles, des arrangements
dont il fait l’objet. En l’occurrence, le Lean n’existe pas en
tant que tel. Il s’intègre dans une histoire organisationnelle.
Dès lors, la mise en place d’un modèle est tributaire de
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
10

2. CAPITALISER SUR LES


régionaux, DIRECCTE, fédérations syndicales, CCI, etc.
En 2012, il a été décidé de redimensionner le projet afin
que l’objet « Lean » soit problématisé plus largement en
INTERVENTIONS DU RÉSEAU considérant que sa diffusion suscite des changements
organisationnels de grande ampleur avec des enjeux
sur la santé au travail et le développement des
ANACT-ARACT DANS UNE compétences.

APPROCHE INDUCTIVE
Pour s’intéresser aux formes concrètes du Lean,
le réseau Anact-Aract s’est astreint à un travail de
capitalisation des connaissances acquises au cours Clefs de lecture et
de diverses expériences accumulées depuis plusieurs
années. Celles-ci représentent une dizaine d’interventions perspectives :
pour lesquelles la demande portait :

. Majoritairement sur des questions de santé au travail, Notre approche repose sur deux piliers
en lien avec un développement de TMS. Le
méthodologiques :
contexte caractérisé par des pratiques de type Lean
invitait à réfléchir à l’organisation du travail comme levier . un premier qui prend le parti de tenir compte de la
d’une articulation entre des logiques de performance et diversité des configurations organisationnelles dans
d’amélioration des conditions de travail. laquelle se diffuse le Lean pour s’interroger sur le
. Plus récemment, sur l’accompagnement à la mise en modèle ;
place du Lean ou pour un diagnostic sur ses conséquences, . un second qui, sur la base de cette diversité, s’attache
notamment dans le cadre de programmes à repérer les caractéristiques et effets récurrents pour
soutenus par les pouvoirs publics (environ 1/4 avancer des propositions.
des interventions).

. Dans l’ensemble, il s’agit surtout de PME ou d’entreprises


Fort d’un travail de capitalisation des enseignements
tirés de plusieurs années d’expérience,nous proposons
de taille intermédiaire dans le secteur industriel (automobile, de porter un point de vue nuancé sur les pratiques
agro-alimentaire, pharmaceutique) mais, dernièrement, le de type Lean tout en formulant des alertes quant aux
secteur des services (centre d’appels, coiffure, CHU) et les propriétés structurelles du modèle. Sinon, le risque
TPE font leur apparition. serait de se contenter de « faire avec » dans une logique
de moindre mal.
Néanmoins, à ce stade, nous manquons de données sur
le secteur des services pour s’engager dans une analyse Entre la dénonciation et l’accompagnement simple qui
comparative qui pourrait pourtant être instructive. consisterait à perfectionner le modèle, nous choisissons
de contribuer à stimuler, enrichir et équilibrer le débat :
En tout état de cause, chaque fois, il s’est agi de partir des
constructions spécifiques rencontrées, des pratiques réelles . en transférant des ressources aux différentes parties
pour s’interroger sur leurs effets sur les conditions de travail prenantes, notamment auprès des financeurs et
des salariés. L’essentiel a été d’analyser systématiquement prescripteurs de son déploiement.
la réalité du projet nommé pour ne pas s’engager dans
un combat de doctrine stérile. . en formulant des points de vigilance spécifiques sur la
mise en œuvre de ces démarches,
Le réseau Anact-Aract bénéficie également d’une
réflexion collective de plusieurs années sur le sujet15. En . et en incitant les entreprises à mieux prendre en
2007, le département Changements Technologiques et compte les enjeux du travail et de ses conditions
Organisationnels avait publié une fiche d’information sur d’exercice dans le cadre d’un projet de transformation.
le flux tendu, comme dispositif technico- organisationnel
qui tendait à se développer. En 2009, un projet spécifique
impliquant plusieurs entreprises a porté sur le lien entre le
développement des TMS et les démarches d’amélioration
continue. En plus des interventions, les Aract ont été
sollicitées en région par leurs partenaires : conseils
03
Le réseau Anact-
Aract interrogé sur les
pratiques de type lean
méthodologique

Entreprises, conseils régionaux ou encore consultants sollicitent le point de vue du réseau Anact-
Aract sur les propositions prometteuses du Lean en matière d’amélioration des conditions de travail.
Voici une sélection de 6 questions fréquemment rencontrées. Pour chacune, nous pointerons les
éléments du débat actuel en nous appuyant sur les acquis des travaux académiques et nos propres
observations.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
12

QUESTION 1 : LES PRATIQUES DE TYPE


LEAN ONT-ELLES BIEN DES EFFETS
SUR LA SANTÉ AU TRAVAIL ?
Cette question s’est fortement invitée depuis deux ans dans le débat public, en parcourant les articles de presse généraliste
(Le Monde, Les Echos, etc.) et professionnelle (Usine nouvelle, Liaisons sociales, Entreprises et Carrières, etc.). En
2006, les résultats de l’étude quantitative de A. Valeyre ont ouvert la voie en stipulant, à partir d’une comparaison entre
quatre formes d’organisation du travail, que la « Lean production » ne se distingue pas des organisations tayloriennes
du point de vue des facteurs de pénibilité et du développement des TMS. Elle serait même plus inquiétante du point
de vue des risques psycho- sociaux. Même si ces résultats issus d’une exploitation statistique secondaire de l’enquête
européenne sur les conditions de travail (réalisée en 2000 par la fondation européenne pour l’Amélioration des Conditions
de vie et de travail) comportent des limites, ils ont introduit de sérieux doutes sur la capacité des pratiques de type
Lean à favoriser la sécurité et la santé au travail. Des travaux complémentaires (Daniellou, 2008, DARES,2011) pointent
une relation causale ambiguë entre la mise en place du Lean et les effets sur la santé des salariés, notamment parce
que la mise en place du Lean accompagne souvent un ensemble de mutations.»
Néanmoins, ces travaux s’accordent sur l’intensification du travail en lien avec la « chasse systématisée aux gaspillages
(‘mudas’) », l’une des caractéristiques majeures du modèle. Cet objectif d’optimisation repose sur la mise en tension du
système (Ughetto, 2009) pour mieux repérer les dysfonctionnements, les gâchis et coûts inutiles. La superposition de
nombreux outils (Kanban,SMED, Takt-time…)16 a tendance à diminuer les temps de réalisation des tâches et réduire
les marges de manœuvre des salariés, pourtant utiles à la réalisation de leur activité de travail et à leur récupération
(Bourgeois, Gonon, 2010). Par exemple, le modèle incite à réduire au maximum les « en-cours » alors que les opérateurs
tendent à garder une marge de sécurité dans l’objectif de pallier plus facilement aux aléas irréductibles de la production,
de mieux gérer leur temps, de pouvoir anticiper, de gérer leur état de fatigue. Dans le même sens, le fait de devoir se
déplacer pour aller chercher des pièces peut être perçu comme une contrainte et une perte de temps (« temps mort »)
alors que c’est un moment où les opérateurs peuvent s’extraire du rythme de la machine, relâcher leurs muscles, repenser
leur activité et, in fine, tenir leur poste dans la durée.»
L’objectif doit-il être alors de trouver le « juste nécessaire » ? Comment peut-on élaborer des compromis soutenables ?
Telles sont les questions essentielles auxquelles les chargés de mission cherchent à apporter des réponses lorsqu’ils
interviennent dans une entreprise qui a fait le choix du Lean. Travailler sur ces questions implique d’inciter la direction à
dépasser les réflexes strictement productivistes lorsqu’elle agit sur l’organisation. Les chargés de mission
insistent notamment sur l’importance des marges de manœuvre qui permettent aux salariés de redéfinir individuellement
et collectivement la prescription de leur travail. Elles constituent une ressource indispensable pour apporter
une réponse opératoire à des événements qu’il faut gérer ou anticiper dans une recherche d’efficacité du travail et de
préservation de leur santé.

Clefs de lecture et perspectives :


Le principe fondateur du Lean consistant à mettre sous tension les processus pour régler
les dysfonctionnements pose question. L’application de ce principe percute un principe
majeur de prévention : donner aux salariés des marges de manœuvre dans l’exécution de
leur travail. Dans les faits, il se traduit souvent par une intensification du travail qui a des
incidences sur la santé des salariés. Une approche plus prospective doit permettre de poser
la question de l’impact des logiques d’optimisation sur la préservation des ressources à
moyen et long terme. Quelle est la limite des gains atteignables ? Que se joue-t-il dans la
durée ? Il s’agirait de regarder les effets du Lean au prisme de la diversité des populations
au travail ( jeunes, anciens, homme, femme, etc.) pour se poser les bonnes questions sur la
santé et le développement de l’employabilité des salariés.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
13

. 250 salariés
. Aract Aquitaine
. Industrie, fabrication de matériel médical»

L’entreprise, dont l’existence remonte à plus d’un siècle, est un site de production qui fabrique des dispositifs médicaux
pour l’urologie. Ce travail, principalement manuel, très précis et difficilement automatisable, est réalisé en salle blanche sur
des petites séries d’environs 200 pièces, mais sur plus de 3 000 références.
En 2006, cette entreprise de 250 personnes est rachetée par un groupe international qui lui impose de mettre en œuvre
une démarche Lean. Deux ans plus tard, suite à une restructuration, le service Lean du groupe est supprimé mais les
usines peuvent continuer à mettre en œuvre cette démarche. C’est ce que fait l’entreprise qui se tourne vers un acteur
local d’appui à la compétitivité des entreprises pour bénéficier de conseils et de lieux d’échanges sur ses pratiques. Afin de
favoriser l’adhésion du personnel à la démarche Lean, cet acteur propose à l’entreprise de travailler sur l’ergonomie des
postes de travail et de prendre contact avec l’Aract Aquitaine.
Malgré le peu de maladies professionnelles déclarées (4 maladies professionnelles déclarées dont 3 reconnues), l’état
des lieux révèle que 26 personnes souffrent de troubles musculosquelettiques (TMS). Les TMS touchent principalement
les « ouvriers » (92%) et les femmes (81%) dont la plupart travaillent dans les ateliers. La moitié des personnes ayant
des symptômes de TMS ont des restrictions d’aptitude et/ou la moitié ont subi une intervention chirurgicale. Par ailleurs,
l’évolution des symptômes montre que ce sont les salariés les plus âgés et les plus anciens qui sont concernés, ce qui pose
avec plus d’acuité la question du maintien dans l’emploi au regard de la pyramide des âges de l’entreprise et du bassin
d’emploi. La démarche Lean, mise en œuvre par l’entreprise, s’est concrètement traduite par la réduction des
déplacements ou par la diminution des temps alloués à la réalisation des tâches, sans attendre l’évaluation des gains réels
et sans intégrer les effets sur la santé. En ce qui concerne le risque d’intensification du travail, les ressentis divergent dans
l’entreprise, y compris parmi les opérateurs. Certains y voient effectivement une réduction de leurs marges de manœuvre.
Mais, d’autres y trouvent la possibilité de remonter les difficultés liées à la réalisation de leur travail et de trouver des
solutions pour les aider à atteindre plus facilement leurs objectifs. Par exemple, les déplacements peuvent à la fois être
compris comme des temps de récupération nécessaires pour éviter la survenue des TMS, mais également comme des
sources de stress, d’accélération gestuelle et de postures contraignantes lorsqu’ils sont liés à des dysfonctionnements.
En animant une formation-action sur la conduite des démarches de prévention, l’Aract a permis à l’entreprise de travailler
sur la question du « juste nécessaire », en les outillant pour co-élaborer un compromis entre le besoin de standardiser et
celui de laisser des marges de manœuvre aux opérateurs.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
14

QUESTION 2 : LES PRATIQUES DE


TYPE LEAN FAVORISENT-ELLES ‘UN
MANAGEMENT AU PLUS PRÈS DU
TERRAIN ?
L’une des caractéristiques principales qui distingue le Lean du taylorisme est la place qu’il accorde au terrain, considéré
comme le lieu où se crée la valeur. Ce faisant, il encourage les équipes de direction à se pencher sur les questions
opérationnelles et met l’accent sur le rôle que la ligne hiérarchique doit jouer dans l’organisation du travail. Cela peut
être bénéfique notamment lorsque le message s’adresse à des petites structures. Le Lean apporte alors des repères
organisationnels et managériaux simples et structurants. Dans l’intervention présentée ci-après, les caractéristiques
spécifiques du contexte et la réalité du travail sont prises en considération grâce à un accompagnement financé par un
FACT19. En l’espèce, la mise en place du Lean s’écarte de l’objectif de rationalisation et il est accompagné par d’autres
dispositifs organisationnels qui contribuent à l’infléchir dans le sens de l’amélioration des conditions de travail.En tout état
de cause, le rôle des encadrants de proximité est transformé car la mise en place du Lean se traduit souvent par
la création de cellules plus petites et autonomes. Ils sont invités à délaisser l’expertise technique au profit de l’animation
d’équipe en organisant les échanges, favorisant la confiance et en apportant des réponses aux salariés (trouver une
solution aux « andons »20), tout en renouvelant leurs méthodes de travail (réunions quotidiennes, proximité avec le terrain,
« management visuel »21). Néanmoins, en faisant la promotion d’un management au plus près du terrain à qui il confie un
rôle central dans l’amélioration continue, le Lean a tendance à stigmatiser les encadrants de proximité. On glisse de
l’ « ouvrier fautif » (vision taylorienne) au « management fautif ». Peu présente jusqu’à maintenant, cette question a fait
récemment son apparition dans différents travaux, mais reste insuffisamment explorée. Des chercheurs-consultants,
s’inscrivant dans la tradition des fondateurs du Lean, s’interrogent sur les difficultés que rencontrent les entreprises à
atteindre les niveaux de productivité et de qualité espérés. Ils accordent souvent une place déterminante au rôle (mal) joué
par les encadrants et les services fonctionnels soit en pointant des interprétations erronées, des incompréhensions, soit
en dénonçant des pratiques et attitudes problématiques (Ballé, 2004). Ils feraient preuve d’une résistance au changement
et d’une implication insuffisante.Or, une forme de consensus apparaît sur le constat que, en pratique, ils seraient souvent
chargés de relayer le déploiement d’outils auxquels les opérateurs n’adhèrent pas et auraient de grandes difficultés à faire
remonter ou à gérer les problèmes identifiés (Beauvallet et Houy, 2009). En conformité avec le Lean, ils s’appuient sur un «
management visuel » qui vise à s’assurer que toute l’information en lien avec le travail des salariés, comme les anomalies,
indicateurs, alertes, soit visible en temps réel. Dès lors, ils deviendraient à la fois le pivot d’une activité de « reporting » qui
développe un sentiment de contrôle dans les équipes et le réceptacle de l’insatisfaction des opérateurs quant à l’évolution
de leurs conditions de travail (Colin, Grasser, Oiry, 2011). Pourtant, ils ne disposent pas nécessairement des latitudes et
d’une légitimité leur permettant un travail de régulation (Bertrand, Stimec, 2011), plus largement un travail d’organisation
qui soutienne l’activité de travail de leurs collaborateurs (Detchessahar, 2011). Dans les cas les plus problématiques, ils
subissent eux-mêmes une mise en place descendante du Lean»à laquelle ils sont peu associés et qui les tire vers une
standardisation de leurs propres pratiques.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
15

Clefs de lecture et perspectives :


Les pratiques de type Lean peinent à favoriser un management du travail qui apporte
un soutien à la réalisation du travail au quotidien (par des actions de régulation et de
reconnaissance) et qui accompagne les changements en traduisant et articulant les choix
des directions au contexte réel. Pourquoi les encadrants de proximité rencontrent-ils ces
difficultés ? Comment évoluent leurs propres ressources et conditions de travail ? Quelle
reconnaissance accorde-t-on à cette nécessaire activité de réinvention des dispositifs pour
répondre à un problème productif identifié ? Autant de questions encore insuffisamment
traitées, pour lesquelles on manque de descriptions empiriques et qui pourraient s’avérer
déterminantes dans un processus visant une construction locale appropriée du Lean.

ww Services, coiffure,
ww 70 salariés
ww Anact

Une holding familiale, spécialisée dans la coiffure haut de gamme, possède 12 salons de coiffure de deux enseignes
nationales. C’est une entreprise en développement qui continue à investir dans le réaménagement des salons. La direction
souhaite être à la pointe des techniques en matière de coiffure et de service. Elle décide de mettre en place le Lean dans
six salons, comptant 70 salariés. Les objectifs portent sur la fiabilisation des processus d’accueil et la fidélisation des
clients. Dans la mesure où la direction s’engageait à mettre en place un « Lean à visage humain » en visant l’amélioration
des conditions de travail le projet a bénéficié d’une aide financière du Fonds pour l’Amélioration des Conditions de Travail
(FACT).
Le consultant, bien qu’habitué à des environnements de type industriel, constate rapidement qu’il n’y a pas de « gras »
dans cette organisation. Le niveau de rationalisation est déjà élevé. Il propose d’orienter son action sur le management et
la responsabilisation des acteurs.
Les résultats du travail sont mesurés par l’évolution du chiffre d’affaires rendant compte d’une sollicitation par une
clientèle plus nombreuse et fidèle. L’évolution professionnelle proposée est celle de managers de salon. Ce faisant,
elle récompense des experts et des artistes, peu sensibilisés aux questions d’encadrement. L’intervention a permis
d’encourager la délégation et de nouvelles formes de responsabilisation via l’objectif commun de l’amélioration continue.
Un travail important a été conduit avec les managers de salon : groupes de travail, formations, séminaire de partage.
Une dynamique semble avoir été enclenchée avec une prise de conscience des managers sur la nécessaire évolution de
leur rôle, provoquant une rupture forte pour un certain nombre d’entre eux. La démarche d’amélioration élève fortement
le niveau d’exigence vis-à-vis de l’encadrement intermédiaire. Les groupes de travail entre managers et collaborateurs
réalisés au sein même du salon (logique du gemba, au plus près des situations de travail) a permis aussi de révéler les
besoins d’aménagements des espaces pour les locaux réservés au personnel (vestiaire, coin repas et repos), sujets qui
n’étaient pas portés jusqu’à présent. D’autres effets concrets ont accompagné cette évolution dans un sens favorable
à l’amélioration des conditions de travail : une remise en question du régime des astreintes et horaires de travail, des
apports sur les risques professionnels qui se traduisent par la mise en place d’indicateurs de santé au travail aux côtés
des indicateurs de productivité, de nouveaux espaces de discussion comme les échanges sur les pratiques de travail d’un
salon de coiffure à l’autre.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
16

QUESTION 3 : LES PRATIQUES DE


TYPE LEAN FAVORISENT-ELLES
L’EXPRESSION DES SALARIÉS ?
L’amélioration continue repose sur la parole et l’engagement des opérateurs, sollicités quotidiennement dans le cadre de
démarches participatives. Les débats soulevés par les nombreuses conférences et journées de travail organisées ces
deux dernières années sur le Lean pointent systématiquement l’enjeu majeur de la participation, des conditions favorables
et moyens nécessaires à l’expression directe et pérenne des salariés. C’est un des points privilégiés sur lesquels la
discussion parvient à s’ouvrir de part et d’autre.
Dans les faits, cette question est étroitement liée à celle de la standardisation. Le Lean préconise la mise en place de
réunions courtes (la norme est de cinq minutes), centrées sur les difficultés rencontrées par les salariés. L’objectif est
d’identifier rapidement les problèmes opérationnels pour la révision des standards. D’autres outils, comme les chantiers «
kaisen »23, s’inscrivent dans cette intention de favoriser la participation des salariés et on pour particularité de favoriser
des changements rapides. Alors que les promoteurs de la démarche font part de leurs difficultés à impliquer les salariés,
d’autres dénoncent une hypocrisie24.
Sur la base d’une comparaison entre trois entreprises ayant des pratiques très différenciées, des travaux académiques
gestionnaires plus nuancés (Bertrand, Stimec, 2011) mettent l’accent sur l’importance des espaces de discussion dans
la relation qui s’établit entre le Lean, les indicateurs de performance et la santé au travail. La relation serait positive
lorsque les espaces de discussion se distinguent de simples espaces d’échanges d’information et ne se résument pas
à des réunions formelles car « la participation n’a pas toujours lieu là où on l’attend et dans les formes attendues » (p.
140). L’articulation entre espaces de discussion formels et informels - quand elle est pensée - favoriserait des formes de
régulations conjointes, légitimant à la fois la participation des opérateurs et l’autorité du management intermédiaire. P.
Davezies (2012) insiste sur le contenu de ce qui est échangé, renvoyant à l’importance de prendre en charge les conflits
de valeurs émergents autour du travail lorsque le Lean est mis en place tandis que ses observations rendent plutôt compte
de discussions centrées sur les dimensions instrumentales de l’activité à court-terme.
Dans le cadre de ses expériences, le réseau Anact-Aract fait le constat de pratiques différentes et représentations parfois
divergentes sur le terme « participation », entre une approche limitée qui la réduit à une activité de résolution de problème
et une approche plus ambitieuse qui soutient des espaces de discussion sur le travail.
La préconisation du Lean est de centrer les échanges sur la satisfaction du client dans une démarche pragmatique
cherchant à définir rapidement des solutions concrètes et normatives. Ce ne sont a priori pas des conditions favorables
à une prise de parole libérée des salariés. Une approche limitée peut même être potentiellement contre-productive,
notamment parce que les salariés peuvent avoir intérêt à taire leurs difficultés et conserver les marges de manœuvre
imparfaites que ça leur offre. L’enjeu de la participation est de pouvoir parler du travail, de mettre des mots sur son
expérience pour que l’appropriation soit possible. Cela suppose de reconnaître les salariés comme des professionnels et
comme des sujets agissants.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
17

Ces représentations rendent difficile une discussion constructive entre les tenants du Lean et les professionnels de la santé
du travail :

Espaces de résolution de problèmes Espaces de discussion sur le travail


Approche limitée : Approche approfondie :

Certaines entreprises parlent de participatif dès qu’un Les démarches participatives visent à mettre en débat
opérateur participe à une réunion ou qu’un « organisateur le regard des salariés sur les enjeux (dont leurs propres
» (manager, concepteur, référent Lean…) vient visiter un enjeux) et à partager les phases d’analyse.
opérateur à son poste.
L’enjeu est de réunir les conditions permettant aux opérateurs
de réellement exprimer leurs points de vue, d’en approfondir
la complexité, l’éventuelle diversité…
Un objet de discussion orienté « solution » : Un objet de discussion orienté « travail » :

L’animateur est porteur d’un enjeu et d’un diagnostic L’enjeu est de permettre des échanges ouverts sur le travail,
préalable. susceptibles de faire émerger d’autres questions, des
différences de points de vue, des problèmes sans solutions
Les temps participatifs concernent des questions bien
simples…
délimitées et visent avant tout à définir de manière
pragmatique des solutions factuelles.
Un cadre contraint : Un cadre souple :

L’animation des temps participatifs est perturbée par des L’issue des temps participatifs reste ouverte quitte à ne pas
objectifs à atteindre prédéfinis par ailleurs. atteindre les gains escomptés ou à partir dans une direction
différente de celle envisagée par l’animateur.
Un objectif d’adhésion : Un objectif de co-élaboration :

L’objectif est de recueillir l’accord des salariés. Les orientations retenues peuvent être re-questionnées par
les salariés qui peuvent changer d’avis à l’usage ou à travers
A l’extrême, les pratiques participatives sont parfois une
des échanges entre collègues. Les pratiques participatives
forme subtile de communication visant à faire accepter aux
reposent véritablement sur une relation de confiance entre
salariés des changements décidés par ailleurs.
encadrants et salariés.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
18

Clefs de lecture et perspectives :


Les pratiques de type Lean butent sur l’expression et la participation des salariés.
D’une part, des démarches participatives efficaces reposent sur la rencontre d’en-
jeux différents (productivité, conditions de travail, sécurité, différentes visions de la
qualité, etc.). Il s’agit de mettre en débat l’organisation au niveau pertinent pour of-
frir la possibilité aux encadrants de prendre des décisions adéquates avec la réal-
ité des contraintes d’exercice du travail et aux salariés de donner du sens à leur tra-
vail. En l’occurrence, les principes constitutifs du Lean ne sont généralement pas
mis en discussion, de même que les contradictions générées par sa mise en place.
D’autre part, des démarches participatives pérennes reposent sur la prise en compte
de l’expression des salariés lorsque celle-ci est rendue possible. Les salariés doivent
avoir le sentiment d’être entendus pour s’exprimer librement et dans la durée. Un
climat bienveillant ne suffit pas. Il s’agit de reconnaître la valeur du travail, celui
d’une expérience pratique qui se joue dans l’écart entre le prescrit et le réel au cours
de laquelle chacun peut mettre en œuvre ses savoir-faire individuels et collectifs.
Enfin, une expression favorisée des salariés n’est pas dissociable d’une qual-
ité du dialogue social. Tandis qu’à l’occasion de nombreux témoignages, des
IRP déplorent son inexistence, on peut se demander dans quelle mesure les
démarches participatives proposées par le Lean ne le court-circuitent pas.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
19

QUESTION 4 : LES PRATIQUES DE


TYPE LEAN FAVORISENT-ELLES
L’ÉPANOUISSEMENT PROFESSIONNEL
ET LA MOTIVATION DES SALARIÉS ?
Polyvalence, autonomie et implication des salariés sont autant de leviers promus par le Lean et susceptibles de favoriser
l’engagement et la réalisation de soi dans le travail. Pourtant, les désillusions sont nombreuses. Les promoteurs
des pratiques de type Lean disent rencontrer des résistances fortes et les représentants du personnel alertent sur la
démotivation des salariés qui tendent à se résigner. La mise en place de lignes en U reposant sur un « opérateur tournant
»25 censé accomplir des tâches diversifiées ne serait finalement pas la panacée. Ces évolutions pourraient même
produire l’effet inverse recherché « en mettant l’opérateur devant une répétition de (ré)apprentissages coûteux » ou même
en spécialisant finalement l’activité (Bourgeois, Gonon, 2010, p. 139). Quant aux cellules de production autonomes, elles
auraient tendance à renforcer la pression sociale entre pairs. Les derniers témoignages des constructeurs automobiles qui
disposent du plus grand recul sur les pratiques de type Lean incitent à s’intéresser « à la signification du travail » et aux
ressorts de la mobilisation dans le travail.
La possibilité de donner du sens à son travail est un élément déterminant dans le caractère soutenable des conditions
de travail (Grimault, Pernot, Ughetto, 2005) et constitue un levier décisif de la construction de la santé au travail. Cette
possibilité repose sur un sentiment d’autonomie dans le travail qui ne peut se résumer à une autonomie professionnelle
(« être compétent »). Il s’agit d’avoir les capacités d’organiser librement son travail et de prendre des décisions sans en
référer systématiquement à autrui. Les règles sont produites dans le cours de l’action au lieu que les individus négocient
au quotidien leurs marges de manœuvre dans un système prescriptif. En modifiant les méthodes et outils de travail,
les pratiques de type Lean transforment de fait les métiers, notamment parce qu’elles redéfinissent les moyens et les
critères d’un travail de qualité. L’exemple des métiers de relation de service est à cet égard instructif. L’intensification et la
standardisation du travail contrarient la production de service, toujours singulière et complexe. Elles altèrent notamment
la dimension relationnelle entre un salarié et un usager, client ou adhérent. Or, c’est précisément cette dimension qui est
généralement investie par les salariés. En l’occurrence, les salariés se construisent une représentation de la satisfaction
des clients mais ils ont rarement l’occasion de la discuter collectivement en lien avec les façons dont ils conçoivent et
exercent leur métier. Cette question est pourtant indissociable du point de départ du Lean qui consiste à formaliser la
chaîne de valeur26 définissant les activités avec ou sans valeur ajoutée. Dans un contexte de pratiques de type Lean, il y
a un enjeu à porter le débat sur la qualité (Davezies, 2012) et à faire discuter entre elles les différentes représentations du
travail bien fait dans tous les types d’activités de travail.

Clefs de lecture et perspectives :


Cette question est certainement la plus décisive et pourtant la moins débattue publiquement.
Il est fort à parier que c’est parce que la réponse est complexe et peu investiguée à ce jour. Elle
suppose de prendre en compte la transformation des métiers, l’évolution des collectifs de travail
et des identités professionnelles. La mise en place du Lean chahute le rapport au travail et celui-
ci ne trouve pas nécessairement des formes de recomposition.
D’autres questions relatives à l’engagement dans le travail apparaissent peu prises en
considération : les conditions d’emploi, le développement des compétences, les parcours
professionnels. Elles apparaissent pourtant déterminantes dans la construction sociale des
compromis productifs dans les fameuses usines Toyota27. Elles fondent concrètement une
relation de réciprocité et donnent des bonnes raisons de maintenir un investissement dans le
travail en dessinant des perspectives, en créant les conditions qui permettent d’interpréter les
changements comme des opportunités et en fournissant formation, évolution et rémunération
croissante.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
20

ww Industrie, fabrication automobile


ww 400 salariés
ww Aract des Pays de la Loire

L’intervention a été réalisée sur un site de fabrication de véhicules d’un groupe industriel. 400 salariés y assemblent 50
véhicules par jour. Depuis l’origine de ce site industriel, plusieurs actions d’amélioration des conditions de travail ont été
conduites : choix des outillages, conception des postes, formations internes, etc. Pourtant, les représentants des salariés
au C.H.S.C.T estiment que malgré toutes les actions déjà conduites, les conditions de travail se dégradent. Sont pointés en
priorité l’organisation du travail, la charge et l’intérêt du travail. Compte tenu de la stabilité du personnel dans l’entreprise, la
direction concède que des actions de prévention pourraient être nécessaires pour maîtriser les conséquences potentielles
du vieillissement des effectifs. Fin 2003, l’Aract est sollicitée pour une intervention visant une meilleure prise en compte
des conditions de travail dans un contexte de pratiques de type Lean.
L’Aract met en évidence que le risque d’usure professionnelle qui peut se caractériser par l’apparition de pathologies telles
que les TMS n’est pas uniquement lié à la pénibilité physique du travail d’assemblage mais réside également dans la
difficulté pour certains à trouver leur place dans un cadre devenu plus précis (précision accrue des standards, exigences
en termes de charge de travail, etc.). Ce constat a été établi via une approche historique du travail en resituant son analyse
au carrefour de plusieurs histoires : celle de l’organisation et celles des salariés de manière à mieux saisir comment
s’est construit le rapport subjectif au travail au fil du temps. D’un côté, c’est l’histoire d’une entreprise caractérisée par
un développement très rapide (passage de 2 camions par jour à une production stabilisée de 44 camions par jour en 10
ans) et la mise en place d’une organisation de plus en plus structurée s’inspirant du Lean. De l’autre, c’est l’histoire d’une
population qui s’est peu à peu diversifiée au gré des vagues de recrutement et des parcours internes. Il était possible
de caractériser cette population suivant deux catégories. Les « pionniers » sont arrivés au démarrage du site. Leur
engagement était guidé par le sentiment de contribuer au développement de l’entreprise phare de la région. « Tout était à
construire » dans un contexte laissant de la place à l’initiative et à la créativité des salariés. Toutefois, ce qui était considéré
comme du développement s’est transformé en une rationalisation progressive des systèmes de travail laissant moins
d’autonomie aux salariés. Les « promoteurs » ont intégré l’entreprise dans une phase de stabilisation. Ils découvrent une
nouvelle forme d’organisation industrielle et contribuent activement à une logique d’amélioration continue. Dans les deux
cas, la mise en place du Lean agit comme une rupture se traduisant par une perte de sens pour les uns et par de nouvelles
perspectives professionnelles pour les autres. Cette différence d’appréciation a des conséquences sur le fonctionnement
des collectifs de travail et questionne la manière dont se recompose les identités professionnelles. En effet, les dissonances
se renforcent lorsque les salariés sont interrogés sur la notion de « travail bien fait » du monteur assembleur. Le travail bien
fait est alors pour certains fortement lié au respect de règles et pour d’autres à leur contournement.

« On est parfois amené à faire des contrôles rapides, à courir pour que ça passe. Certains ne veulent pas courir pour faire
face, mais si on fait un arrêt de ligne, il faut tellement se justifier... Au final, on a pris des risques mais s’il y avait eu un
problème qualité ou sécurité, qu’est ce qu’on nous aurait dit ? ».

L’absence de débat ne fait qu’alimenter l’opposition des points de vue, la stigmatisation des uns au bénéfice de la
reconnaissance des autres. Dans le cas présent, l’organisation d’une discussion sur l’application des standards a démontré
que la frontière n’est pas si claire. Ainsi, l’ensemble des membres du groupe de travail (opérateurs, méthode, encadrement)
ont partagé l’idée suivante. Une des compétences clé du monteur-assembleur pour agir de manière autonome consisterait
à discerner, en fonction des situations, le caractère obligatoire ou facultatif voire parfois nuisible (risque d’arrêt de ligne par
exemple) des règles et à en faire varier l’application en fonction du contexte. C’est une alternative qui ouvre la voie à la
définition de nouveaux repères collectifs pour une recomposition progressive des gestes professionnels. Pour l’entreprise,
l’intervention a permis d’éclairer le fait que pour construire sur le moyen terme un compromis productivité / conditions de
travail, il s’agit avant tout de rendre discutables les choix de conception, d’organisation, de gestion en intégrant davantage
la réalité du travail et la diversité des populations.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
21

QUESTION 5 : LES PRATIQUES DE


TYPE LEAN AMÉLIORENT-ELLES « LA
PERFORMANCE » ?
En référence au succès de Toyota dans les années 1980, la notoriété du Lean repose sur les gains de productivité qu’il
permettrait d’atteindre à court terme dans un contexte de financiarisation de l’économie. Les fondateurs (Womack, Jones
et Roos, 1990) ont affirmé que le modèle productif était transposable sur la base d’une étude exposant que les usines
japonaises aux Etats-Unis (composées d’ouvriers américains) étaient aussi productives que les usines japonaises au
Japon et, d’une manière plus générale, plus productives que les usines américaines et européennes.
Ces dernières années, le Lean a été largement présenté dans la presse généraliste et professionnelle comme le remède
de la dernière chance en assurant « des principes de performance immédiate pour une économie durable ». (« Le Lean
management ou l’art japonais de l’efficacité », La Tribune, 25/01/10). Dans le même sens, l’hebdomadaire « L’Usine
Nouvelle » affiche un soutien indéfectible au Lean et décerne des prix aux entreprises qui ont amélioré leur compétitivité
(« Le Lean, c’est la compétitivité », Trophées des usines 2012, organisé par l’Usine Nouvelle, 01/2012). Pourtant, le
rapport d’évaluation28 des actions d’amélioration de la performance initiées par la DGIS dans le cadre du Plan Qualité
et Performance 2010 peine à en faire la démonstration. Il évoque des « résultats positifs mais difficilement chiffrables en
matière de performance économique ».
Gilbert Liégeois, co-fondateur et Président de l’Institut Lean France jusqu’en 2011, donne la définition suivante de la
performance : « Délivrer le produit requis par le client, à la quantité demandée, à la qualité requise, au moment requis,
au coût complet de production le plus bas »29. Le point de départ de la mise en place d’une démarche Lean est celui de
la cartographie et de l’analyse de la chaîne de valeur30. Elle vise à étudier les flux du processus (matière, information)
nécessaires à la production d’une pièce, à mesurer les coûts et à répertorier la « valeur ajoutée » au sens de ce que le
client est disposé à payer pour obtenir la satisfaction de son besoin.
Par conséquent, cette première étape détermine les activités et méthodes de travail utiles et pointe celles générant du
gaspillage.
C’est sur la base de ces données que les deux processus au service de la performance caractéristiques du Lean vont être
organisés :

. l’élimination des gaspillages par le biais de nombreux outils


. les chantiers d’amélioration continue, par l’intermédiaire de la standardisation du travail pour combler les écarts entre la
représentation idéale du flux et la version observée.

Par conséquent, la performance est, avant tout, de nature productive et centrée sur la valeur apportée aux clients. A titre
d’exemple, le bilan tiré d’une action collective pilotée par l’AFNOR et la DIRECCTE engageant 27 PME et PMI industrielles
en région Centre met l’accent sur la maîtrise des délais de production, l’amélioration de la satisfaction client et la réduction
des coûts. Concrètement, l’une d’entre elles, évoluant dans le secteur de la métallurgie et employant 123 personnes,
fait état d’une réduction du recours à l’intérim, de la réduction de la superficie de fabrication, de l’augmentation de 50%
des volumes de production, de la création de 6 nouveaux produits crées et du passage de 4 à 1 livraison incomplète par
mois31.
A partir de nos expériences, cette vision de la performance peut néanmoins être questionnée au moins d’un double point
de vue :

. des résultats réels du travail, en terme de réactivité notamment.


. de la représentation de la performance :
. entre performance productive et performance globale, entre court-terme et long terme.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
22

ww Industrie, fabrication des compteurs électriques


ww 260 salariés
ww Aract Poitou-Charentes

Le site concerné, appartenant à un groupe mondial dont les activités sont centrées sur l’accompagnement des distributeurs
d’énergies et d’eau, accueille la production des compteurs électriques. Fort de son expérience chez Valeo, le directeur de
production, aujourd’hui devenu chef d’établissement initie une démarche Lean.
Après avoir, d’une part, convaincu le siège anglais que le site est en capacité de produire de grandes quantités et, d’autre
part, remporté les marchés des nouveaux compteurs électriques qui équiperont demain nos foyers, la direction a décidé
de mettre en place une ligne à « opérateurs tournants »32, couplés à un robot pour produire avec la flexibilité souhaitée.
Comme le site souhaite reproduire 6 fois ce type de ligne, la demande adressée à l’Aract est celle d’évaluer la capacité
de cette production à atteindre les résultats de production souhaités sans risquer des effets sur la santé des opérateurs. Il
s’agit ainsi d’explorer les liens entre le Lean, la performance et la santé des salariés.

La ligne a été conçue pour passer les produits en grande série mais, dans les faits, les besoins de production sont
plus aléatoires, entraînant des difficultés d’approvisionnement qui limitent les capacités d’anticipation des opérateurs et
bloquent la chaîne. De nombreuses régulations sont à l’initiative des opérateurs. Par exemple, au niveau des postes de
finition et d’emballage, le plus long est la mise en place des plombs, supposant beaucoup de dextérité pour passer le fil
d’autant qu’il est parfois nécessaire de repositionner les vis. Pour gagner du temps, les opératrices tirent souvent plusieurs
compteurs en même temps : elles ne prennent ainsi qu’une fois la pince à plomber et régulent le temps d’impression
des étiquettes. Cela permet de gagner du temps en prenant de l’avance sur la préparation des cartons car les temps
moyens de montage ne sont pas cohérents avec la réalité des activités de travail. C’est finalement les lignes adjacentes
traditionnelles qui permettent de réguler les dysfonctionnements sur la ligne à « opérateurs tournants ». Néanmoins, au
passage, les représentations du métier des opérateurs sont bouleversées. En outre, cette organisation rend difficile le
travail collectif car elle amplifie les effets de l’hétérogénéité des modes opératoires en les concentrant sur une même ligne.
Au final, les résultats ne sont pas atteints et le seraient encore moins si les opérateurs respectaient les modes opératoires.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
23

Du point de vue des résultats réels du travail


Nos observations révèlent que le flux continu qui permet de créer des lignes de produits sans stock intermédiaire
(entre le découpage, l’emboutissage, l’assemblage, etc.) induit souvent des effets pervers. D’une manière générale, de
nombreuses interventions du réseau Anact-Aract ont eu notamment pour effet de réintroduire des stocks-tampons afin
de redonner des marges de manœuvre leur permettant d’anticiper et de gérer plus sereinement les événements dans le
travail (urgences, retards, compétences limitées, incidents, défaut, etc.). Dans une industrie agro-alimentaire, la politique
du 0 stock dans l’objectif d’éliminer les gaspillages allait jusqu’à induire de la sous-charge de travail. Ne disposant pas
des stocks nécessaires pour faire preuve de réactivité à la demande d’un client, des opérateurs perdaient du temps
à aller acheter eux-mêmes du matériel à la grande surface de bricolage voisine. Parfois, la direction avait recours à
la sous-traitance pour pallier les dysfonctionnements. Toutes les situations qui posaient problème aux opérateurs de
conditionnement renvoyaient au flux tiré33 et à la gestion resserrée des stocks.

Les effets de la standardisation du travail peuvent également comporter des résultats contre-productifs. Celle-ci impose
des modes opératoires (liste et enchaînement des tâches, outils, moyens, temps alloués, etc.) et arrête des critères
de qualité, ce qui laisse peu de place à la diversité des pratiques et des représentations d’un travail bien fait. Cela est
particulièrement visible dans les activités de service car le principe de standardiser revient à sous-estimer les logiques
de coopération et l’importance des ressources immatérielles pour la bonne réalisation de l’activité (Du tertre, 2012). Par
exemple, dans quelle mesure la standardisation peut-elle prendre en compte les configurations toujours spécifiques dans
lesquelles les dimensions relationnelles et émotionnelles de l’activité de soin des infirmières ? Il peut y avoir des chances
réelles pour que le professionnel et le bénéficiaire se mettent d’accord sur un niveau de qualité des soins, mais sera-t-il
toujours compatible avec les critères du mode opératoire formalisé ? Or, d’une manière générale dans les activités de
service, « de la qualité de la coopération, de la qualité de la relation qui va s’instaurer entre ces deux types d’acteurs,
vont dépendre la qualité du service et l’importance des gains (ou des pertes) de productivité » (du Tertre, 2012). Enfin,
on peut aussi se demander si la valeur produite - et donc la qualité du travail - doit toujours être évaluée au prisme de la
représentation que l’on se fait des exigences des clients ou de ce qu’il est prêt à acheter, sans laisser aussi une place à
l’expérience et aux savoir-faire des professionnels.
Cela irait également dans le sens d’une gestion efficace du risque, point sur lequel les pratiques de types Lean semblent
limitées (Lot, Moreau, Magnin, Valot, 2011). Des travaux académiques (Weick, 2003)34 menés dans des « organisations
hautement fiables », notamment dans le secteur du nucléaire, ont montré que, premièrement, les incidents sont inéluctables
et que, deuxièmement, en cas d’incident, la capacité d’action des salariés, les « intelligences locales » (Daniellou, 2011)
et l’agilité de l’organisation sont déterminantes pour y faire face. Ces résultats sont en lien avec une conception du travail
dont la valeur ajoutée réside dans la prise en charge des situations spécifiques, la résolution de problèmes, l’anticipation
et la gestion des événements, la prise d’initiative, etc.

Pour gérer la complexité des environnements et processus de production, a-t-on intérêt à se concentrer sur la recherche
de leur maîtrise en perfectionnant et en actualisant sans cesse la standardisation ? Pour y répondre, on pourrait convoquer
les arguments du Lean : quel est le temps passé à cette formalisation et cette recherche de maîtrise ? Quel est le véritable
retour sur investissement ? Est-ce un temps productif réellement utile à la performance ? N’a-t-on pas plutôt intérêt à
compter sur les compétences individuelles et collectives pour prendre en charge et réguler cette complexité en favorisant
les multiples formes de l’apprentissage ? Cela suppose néanmoins de reconnaître qu’il existe différentes manières de
travailler et qu’elles constituent des ressources pour atteindre efficacement les résultats escomptés. Ces questions ne sont
pas anecdotiques dans la mesure où, dans de nombreuses interventions, nous avons observé une tendance à confondre
moyens et objectifs. Les propositions du Lean ne sont alors plus un moyen au service d’objectifs mais, dans les faits,
leur application devient une finalité. Dans des entreprises, nous avons pu observer des tableaux affichés, complexes,
composés de multiples graphiques, parfois en anglais, censés informer tous les salariés en temps réel. Dans les faits, ils
servent essentiellement à donner la preuve d’une conformité au Lean lors des visites de la direction ou des représentants
de la maison mère.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
24

Du point de vue de la représentation de la performance


Sous certaines conditions (productive, sociale et institutionnelle), le système s’est avéré efficace, mais il ne résout ni le
problème des fluctuations de marché, ni celui de l’implication et de la satisfaction ouvrière au travail (Pardi, 2005). Les
pratiques de type Lean restent fondées sur l’économie de temps et d’engagement même si la participation des salariés
est sollicitée.

Dans le Système Productif Toyota, la rentabilité est une résultante. C’est la qualité qui est visée et prime sur la productivité.
Avec la diffusion du Lean dans un contexte économique dominé par les marchés financiers, la rentabilité devient
progressivement prioritaire35, donnant l’ascendant à la productivité et aux impératifs gestionnaires dans l’organisation de
la production et les arbitrages quotidiens. Il y aurait une inversion des effets produits par les pratiques de type Lean entre
les années 1980 et les années 1990 (Du Tertre, 2012). Or, la performance productive réside également sur la capacité à
développer des innovations, de produits, de services et d’organisation. Peut-on parler de performance durable alors que
les pratiques de type Lean ne sont pas de nature à intégrer l’innovation de grande envergure, impliquant des ruptures ?
Peut-on faire des essais-erreurs, condition d’une innovation, dans un contexte marqué par les pratiques de type Lean ?
Personne ne peut être contre l’élimination des gaspillages ou l’amélioration continue, mais il y a certainement de la place
pour un débat sur les façons d’y parvenir.
Enfin, cette représentation ne vise pas l’amélioration des conditions de travail. Pourtant, les tenants du Lean disent y
être attentifs. Dernièrement, le relais de l’institut Lean France en région Centre récompensait les meilleures démarches
dans tous types d’entreprises (privées, publiques, industrielles ou de service) selon les critères suivants : la satisfaction
complète du client, le respect des employés, l’accélération des flux et la suppression des gaspillages par la résolution
permanente des problèmes. Qu’entend-on par « respect des salariés » ? Car la confusion l’emporte souvent dans les
débats entre les tenants du Lean et les professionnels de la santé au travail. Les référentiels sont sensiblement différents.
Les mêmes mots renvoient à des réalités hétérogènes. Il est alors fréquemment possible de dire la même chose sans aller
dans le même sens.mêmes mots renvoient à des réalités hétérogènes. Il est alors fréquemment possible de dire la même
chose sans aller dans le même sens. même sens.

Clefs de lecture et perspectives :


Bien qu’il cherche à dépasser les modèles traditionnels, le Lean ne remet pas en cause la
conception d’une performance productive soutenue par des principes de rationalisation du
travail.
Loin de faire systématiquement ses preuves, y compris du point de vue des résultats réels du
travail, cette conception mérite d’être placée au centre des réflexions. Une définition plus globale,
hissant notamment l’amélioration des conditions de travail au rang des objectifs stratégiques,
serait une voie pertinente à explorer collectivement au sein des entreprises.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
25

QUESTION 6 : LE RECOURS AU LEAN


EST-IL ADAPTÉ À TOUS LES CONTEXTES
PRODUCTIFS ?
La diffusion du Lean repose sur l’idée selon laquelle il serait applicable dans tous les contextes productifs. C’est un point
de controverse majeur. Des travaux ont mis en évidence que le Système Productif Toyota a été efficace dans une période
donnée parce qu’il reposait sur un « compromis de gouvernement d’entreprise » et de stratégie pertinente au regard du
mode de croissance (Freyssenet, 2001). Le Lean aurait construit sa notoriété sur le succès de constructeurs automobiles
qui aurait surtout été sauvés par un changement de la structure du marché. D’ailleurs, certains constructeurs (General
motors et Ford) dégageaient à la même époque des bénéfices records mais « n’avaient pas changé de stratégie de profit
ni mis en œuvre le Lean » (Freyssenet, 2001). En revanche, selon T. Pardi (2011), Toyota n’a jamais dégagé de profits
en Europe (France, Royaume-Uni) et a connu plus de 100 millions d’euros de pertes sur 20 ans d’investissement car la
diffusion du Lean a détaché la dimension technique et organisationnelle du modèle de ses racines historiques, culturelles,
politiques et sociales. Pourtant, dans un interview collectif publié en 2011 par le magazine de l’AFNOR, M. Ballé, G.
Beauvallet, T. Houy, trois experts de l’institut Lean confirment que le Lean a vocation à s’étendre à toutes les entreprises
indépendamment de leur volume de production et de leur secteur d’activité.
Au regard des échecs et des effets contrastés du Lean, ils concèdent toutefois quelques conditions restrictives. Ils insistent
notamment sur les conditions de stabilité (c’est le socle de la maison Lean) et sur la nécessité d’une stratégie à long terme.
La mise en place du Lean ne devrait pas répondre à des objectifs de performance à court terme et doit chercher à préserver
l’emploi. Dans le cas contraire, le Lean a tendance à s’enfermer dans des réponses qui ne prennent pas en compte les
externalités et les effets en matière d’environnement et de conditions de travail. Il devient du taylorisme déguisé construit
sur un paradoxe qui consiste à susciter la contribution des salariés dans un processus d’optimisation qui les pénalise.
En effet, le réseau Anact-Aract a pu observer des effets ambivalents du Lean : par exemple entre, d’une part, une
application dans une filiale consécutive à la décision de la direction d’un groupe, avec un objectif d’augmenter rapidement
la productivité de 30% et, d’autre part, la mise en œuvre d’un Lean sur des périmètres restreints pour répondre à des
enjeux locaux. P. Davezies (2012) nous rapporte également des histoires de Lean qui ont marché dans des entreprises
où il n’y avait aucun objectif de progrès chiffré ou qui évoluaient dans une période porteuse d’un point de vue économique
et dont les gains se sont traduits en augmentation des volumes de production et des effectifs. A quels enjeux cherche
à répondre le Lean ? Le Lean n’est pas une solution incontournable. Il n’y a pas de solution universelle et unique pour
assurer la profitabilité d’une entreprise (Freyssenet, 2001). Les raisons pour lesquelles les entreprises font le choix du
Lean déterminent déjà en partie les effets de sa mise en œuvre. Au regard de ses expériences, le réseau Anact-Aract
formulerait au moins deux points de vigilance complémentaires36.
Le premier porte sur les caractéristiques de sa mise en œuvre qui peuvent renforcer les risques ou, au contraire, infléchir
la demande dans un sens favorable aux conditions de travail. La façon dont sont instruites et portées les questions de
santé dans l’entreprise indépendamment du Lean est décisive. Par exemple, dans certains cas, la mise en oeuvre est
externalisée à un cabinet de consultant renommé qui utilise une méthode descendante et standardisée très éloignée de
la réalité des activités de travail. Dans les cas observés plutôt positifs, la démarche avait été portée en interne par un
expert connaissant bien les métiers et sur certaines activités seulement. Mieux, la démarche Lean avait rencontré une
dynamique de prévention mature qui a pu influencer le niveau d’implantation, de mobilisation, les possibilités d’ajustements,
l’intégration des usages dans le choix et l’utilisation des outils, etc.
Le deuxième point de vigilance attire l’attention sur les types d’activité concernés. L’ampleur de l’extension du Lean dans
les activités de service et conception pose question. Est-ce que toutes les activités de travail sont réductibles à une activité
de flux, nécessitant d’identifier des tâches et de les évaluer au regard de la création de valeur pour le client ? Que nous
apprend plus généralement la standardisation des modes opératoires dans les activités de service ? La notion de temps
morts est un non-sens dangereux à manipuler. Il s’agirait d’évaluer les effets du Lean sans nier tout ce qui se passe en
clandestinité, notamment les espaces de production qui se développent en parallèle. Jusqu’où peut-on porter la logique
de rationalisation ? Où est la limite au risque de devenir contre-productif ? Peut-on recourir à des modèles alternatifs ?
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
26

ww Industrie, équipementier automobile


ww 480 salariés
ww Aract Poitou-Charentes

La demande initiale de l’entreprise en 2006 a été portée par le DRH qui s’inquiétait sur les effets à long terme de la mise
en place du Lean imposée par le groupe. La première proposition de l’Aract fut de former un groupe pluridisciplinaire (28
personnes) à la compréhension des effets du travail sur l’homme en s’appuyant sur l’ergonomie et l’analyse du travail, la
prévention des TMS et au recours au maquettage et à la simulation lors de la conception ou la modification de postes.
Cette formation a eu plusieurs répercussions dans l’entreprise. A court terme, cela a permis de parler du travail, de ses
conditions de réalisation et de ses effets dans des lieux où auparavant la dimension technique et économique prédominait.
La Direction s’est engagée à prévenir les TMS et, progressivement, à passer d’une culture sécurité à une culture prévention.
Ensuite, l’Aract a accompagné l’entreprise sur 3 ans dans le cadre d’une convention avec la DIRECCTE sur la
construction d’une prévention durable des TMS. Trois acteurs de l’entreprise (l’infirmière, l’adjoint du responsable sécurité,
un responsable du bureau industrialisation) ont également participé avec cinq autres entreprises au voyage d’étude à
Montréal organisé par le réseau Anact-Aract sur les effets du Lean et la prévention des TMS. Ce voyage a permis d’enrichir
encore la réflexion au sein de l’entreprise et aux trois acteurs d’être des ressources dans la démarche de prévention
développée. L’accompagnement a permis également d’aider le chef de projet TMS à se positionner, à développer des
outils, à construire de un argumentaire pour accompagner l’évolution du travail et son organisation.
Depuis, régulièrement dans les médias, l’entreprise, représentée de façon paritaire, témoigne de son histoire du Lean. Elle
raconte d’abord une première mauvaise expérience, très descendante, imposée par le groupe. Puis, en 2009, l’entreprise
évolue : le comité de direction du site devient le comité de direction de la division auquel il appartenait. Il est désormais
seul à décider avec les nouveaux actionnaires. La direction décide de s’approprier la méthode tout en renforçant les
démarches de prévention. Un plan est construit pour faire de la santé au travail un axe stratégique au même titre que
l’innovation et l’amélioration continue. Concrètement, la direction décide de mettre l’accent sur le dialogue sur le travail
avec les opérateurs et la préservation des marges de manœuvre face aux standards de travail, notamment en sollicitant
l’intervention des opérateurs dès la conception des postes de travail pour les nouveaux produits. Depuis 2011, l’Aract
continue de suivre l’entreprise de manière trimestrielle. Les indicateurs de l’entreprise tant en terme de performance que
de conditions de travail sont en amélioration très significative.

Clefs de lecture et perspectives :


La prétention universelle du Lean est sa caractéristique la plus contestable.
Du point du vue du réseau Anact-Aract, c’est au contraire un travail d’organisation
quotidien permettant de produire des solutions locales, singulières, discutables au plus
près des situations de travail qui s’avère efficace du point de vue des résultats et des
conditions d’exercice du travail. Plutôt que de chercher à perfectionner le modèle, nous
proposons de le dépasser, voire de s’affranchir de l’idée même de modèle.
04
Nos recommandations:
vers une meilleure
articulation entre enjeux
économiques et sociaux
Beaucoup des questions soulevées par le Lean ne lui sont pas spécifiques. Elles s’inscrivent
dans une problématique plus générale : celle de la confrontation traditionnelle entre
différents enjeux qui constituent les entreprises, en particulier, les intérêts économiques
(productivité, réactivité, satisfaction des clients, satisfaction des actionnaires, etc.) et les enjeux so-
ciaux (conditions d’emplois, préservation de la santé, satisfaction des salariés, etc.)37. Chaque
entreprise est également tiraillée entre des impératifs à court terme et des objectifs dont les
temporalités sont beaucoup plus longues. Ces articulations ne vont jamais de soi. C’est pourquoi l’ob-
jectif n’est pas de dessiner ou d’idéaliser une organisation productive ou managériale capable de
s’affranchir de toute tension. Il est plutôt de penser des entreprises capables de les gérer, c’est
à dire capables de les anticiper, de les analyser et de les réguler par la recherche de nouveaux
compromis en laissant toute sa place au travail dans la durée.L’engouement pour le Lean
informe sur la volonté de la direction de reprendre la main sur le travail. La réponse qu’il
propose a eu le mérite d’asseoir le caractère stratégique de la prise en charge de ces tensions par
l’organisation du travail. Elle apparaît néanmoins impar faite à la lumière de ses usages dans les en-
treprises et montre ce faisant l’irréductible complexité de ces questions, rendant impossible toute
maîtrise par un modèle formel. Alors que le modèle continue de s’imposer comme une évidence, sur
quels enseignements mettent spécifiquement l’accent les pratiques de type Lean ? Bien que cer
taines propositions soient louables, pourquoi n’est-ce pas suffisant ? Nos propositions vont au-delà du
registre préventif. Certains attributs et effets typiques du modèle incitent à un déplacement, voire
à un renversement de perspectives.»
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
28

1. D EVENIR UN ACTEUR DU du diagnostic, il s’agit de tendre ensuite vers l’anticipation


concertée et l’articulation entre les différents niveaux de
régulation (national, territoires, entreprises). Participer à
DÉVELOPPEMENT LOCAL une démarche prospective contribue à élargir le spectre
des alternatives et à renouer avec le caractère contingent
des choix stratégiques des transformations dans les
DU TERRITOIRE entreprises.

2.REPENSER
Le recours au Lean n’est pas uniquement le résultat d’un
choix spontané de la part d’entreprises à la recherche de LA
recettes pour chasser le gaspillage dans tous ses recoins
et optimiser intrinsèquement la productivité et la qualité.
Les récits d’entreprise rencontrés par le réseau Anact-Aract PERFORMANCE ET LA PLACE
confirment que les dynamiques internes d’appropriation du
Lean sont sous l’effet de contextes nationaux et locaux. DUTRAVAIL
La diffusion du Lean pointe le rôle décisif joué par les
réseaux d’entreprise, les relations entre fournisseurs et Les pratiques de type Lean mettent l’accent sur une
donneurs d’ordres, les espaces de concertation locaux performance tirée principalement par la satisfaction du client
et les dispositifs institutionnels de soutien. Les territoires et soutenue par des formes de rationalisation du travail.
productifs sont marqués par des histoires et des spécificités Les considérations juridiques, sociales, écologiques
locales qui constituent un terreau plus ou moins favorable à s’expriment sous forme de contraintes ou de moyens
la diffusion du Lean. mais ne constituent pas une finalité de l’entreprise. L’une
des pistes de progrès pourrait être celle d’une définition
« Parmi les facteurs qui concourent à la diversité des modes plus globale et durable de la performance. Elle permettrait,
d’application du modèle, on identifie aisément la santé d’une part, d’inclure une approche immatérielle de la
économique et le devenir à court et moyen terme du créneau valeur créée par le travail au lieu de se concentrer sur ce
d’activité de l’entreprise, les niveaux de dépendance à l’égard qui est mesurable et, d’autre part, d’engager une réflexion
d’un donneur d’ordres ou encore le potentiel d’évolution et un suivi des coûts indirects, cachés, notamment ceux
technologique de l’outil de production. Plus largement, sur la santé des salariés. Cela suppose une définition des
ces paramètres se conjuguent à d’autres caractéristiques conditions de travail qui ne se résume pas à un instrument
territoriales comme le marché local du travail, la densité au service d’une performance productive. Un des défis
démographique, la qualité des infrastructures, le potentiel pour le réseau Anact-Aract consiste à promouvoir des
d’attractivité, etc. Cet environnement pénètre donc les organisations du travail qui puissent faire référence en
entreprises particulièrement via l’articulation entre gestion soutenant l’activité et l’engagement des salariés dans leur
de la main-d’œuvre (recrutement, formation, parcours, travail. Il s’agirait de construire progressivement une vision
reconnaissance, santé...) et options organisationnelles (type partagée de la valeur ajoutée du travail et de la performance
de management, modes de coordination et de coopération, de l’entreprise, partant du principe que tous les employeurs
participation aux processus de décision, organisation des n’ont pas la même définition et que chaque salarié a une
temps de travail...). conception économique de la performance.

Néanmoins, s’ils ne sont jamais vierges, l’activité Dans cette perspective, il est nécessaire que le débat
entrepreneuriale contribue également à façonner les soit réellement porté au plus haut niveau de l’entreprise.
territoires. Cette porosité constitue donc une opportunité Les questions de la santé au travail et des conditions
pour les entrepreneurs de s’inscrire stratégiquement dans de travail doivent être portées politiquement et débattues
le développement local du territoire dans lequel leur site est en comité de direction. Il ne suffit pas de les définir comme
implanté. C’est ici que jouent des espaces de mobilisation stratégiques et de les déléguer à un service fonctionnel.
comme les réseaux (pôles de compétitivité, consulaires, Il s’agirait de discuter à la fois de la représentation de
circuits d’attribution d’aides publiques...) et les groupements la performance (entre les impératifs « financiers » et
locaux d’employeurs. Les jeux d’acteurs, les zones les principes de type « responsabilité sociétale » ou «
d’influences ou bien les propriétés socio-politiques d’un développement durable ») et les liens entre santé et travail
territoire sont à intégrer dans un diagnostic préalable à un en dépassant une vision qui renvoie la santé (physique et
changement organisationnel. Les entreprises, notamment psychique) à sa seule dimension individuelle. Il s’agirait de
les plus petites, amenés à se faire accompagner pour porter convenir qu’une part importante des problèmes de santé au
ce changement ont tout intérêt à ne pas sous-estimer ces travail est liée aux choix organisationnels et techniques de
dynamiques actives en dehors de leur enceinte. Au delà l’entreprise.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
29

Des pratiques bien concrètes peuvent être reconsidérées Les usages variés du Lean renvoient à des pratiques très
: quelle place est donnée dans les outils de gestion différentes de ce point de vue : les entreprises ayant une
(indicateurs, tableau de bord…) aux questions sociales culture RH ou santé-sécurité très forte semblent le plus
(conditions de travail, conditions d’emploi, santé au souvent retrouver des équilibres permettant l’articulation
travail…) ? Est-ce que les indicateurs sont pertinents ? entre le Lean et cette culture antérieure. Dans d’autres
Les indicateurs économiques et sociaux sont-ils examinés cas, les fonctions santé-sécurité ou RH restant minimales
conjointement ou de manière indépendante ? Quelles ou isolées ne questionnent que très faiblement les
informations laissent-ils dans l’ombre ? Au delà des seuls changements, pourtant importants, suscités par la mise en
indicateurs, la question se pose aussi en termes d’acteurs place du Lean.
: Qui porte au sein du comité de direction l’enjeu propre
Dès que l’entreprise grossit en taille, les différentes
des conditions de travail et d’emploi ? Quelle légitimité
fonctions transversales sont de plus en plus différenciées,
est donnée à ces fonctions pour souligner d’éventuelles
portées par des personnes ou des services distincts.
tensions avec d’autres enjeux jugés prioritaires ? Quelles
D’ailleurs, la mise en place du Lean s’accompagne souvent
sont les marges d’action laissées aux différents acteurs
de la création d’une fonction nouvelle d’animation de la
leur permettant d’agir à leur propre niveau ? C’est une
démarche d’amélioration continue, tenue séparément
première étape indispensable pour replacer le travail et
ou partagée avec une autre fonction (souvent la qualité).
ses conditions d’exercice, en tant que coût et source
Une difficulté majeure devient alors l’articulation entre ces
de valeur, au centre des décisions organisationnelles et
différentes fonctions porteuses d’enjeux distincts. D’une
techniques.
manière générale, de nombreux dysfonctionnements

3.PRENDRE EN CHARGE LES


peuvent être vus comme résultant de pratiques trop
cloisonnées. Cette difficulté concerne tout particulièrement
l’articulation entre acteurs en charge de questions sociales
(RH, santé-sécurité, médecine du travail…) et acteurs en
QUESTIONS D’ORGANISATION charge de questions liées à la performance économique
(méthodes, qualité, amélioration continue…). La maturité
DU TRAVAIL EN INTERNE de l’entreprise sur les questions de prévention des
risques professionnels et d’amélioration des conditions de
La diffusion des pratiques de type Lean montre que sa mise travail s’avère souvent déterminante. Les questions pour
en place s’effectue par l’intermédiaire d’une chaîne d’acteurs progresser sont multiples. Quel niveau de compétence et
(universitaires, consultants, gestionnaires) qui conduit quel temps disponible pour chacun sur son propre champ
pour partie à externaliser le processus d’organisation du ? Quel bagage minimal de connaissance sur les champs
travail, tout au moins à l’éloigner de l’espace de production. des autres ? Quelles occasions et quelles formes de
Ce constat est renforcé par le fait que le Lean est envisagé rencontres et de coopérations entre différentes fonctions
comme une démarche d’amélioration globale capable ? Quel équilibre entre les différentes fonctions en termes
d’intégrer a priori des objectifs multiples : réduction des de moyens et de légitimité vis a vis de la direction ?
gaspillages, qualité, ergonomie, prévention, etc. Une politique interne et des processus adaptés doivent
encourager les interactions et controverses entre ces
Cette tendance à l’externalisation supprime les possibilités
différentes fonctions, en particulier à l’occasion des
d’un réel débat contradictoire entre des enjeux et points de
projets de transformation, pour rechercher des compromis
vue divergents et, d’autre part,éloigne les décisions de
soutenables et adaptés aux spécificités de l’entreprise.
la réalité des situations de travail. Elle diminue d’entrée
de jeu les capacités de l’entreprise à repérer les tensions
pour mieux les prendre en charge. Or, de tels processus de
2. des projets de transformation
régulation reposent sur une conduite de projet maîtrisée en participatifs :
interne s’appuyant sur la prise en compte des usages et des
pratiques dans le processus de conception des situations Le Lean n’aborde que très indirectement cette question
de travail. Pour qu’elle soit opérante, cette prise en charge de la conduite des projets de transformation. Il se définit
internalisée suppose d’encourager : en effet avant tout comme un processus d’amélioration
continue, sous-entendu progressif. Il tend cependant à
1. Des coopérations entre déployer massivement certains canons organisationnels
(postes en U, position debout…) supposés avoir fait leurs
fonctions transversales porteuses preuves par ailleurs : le risque est alors de voir la conduite
d’enjeux distincts : du changement comme un simple processus d’explication
et non comme un processus d’analyse des spécificités
locales. Le risque majeur est de limiter l’instruction
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
30

du projet à ses seuls aspects techniques, en minimisant et abondant, etc.) mais également parce que les CE ou
l’instruction parallèle et anticipée des risques associés sur CHSCT ne sont que très rarement le lieu de véritables
les aspects conditions de travail (dont santé- sécurité) et débats sur les aspects stratégiques ou organisationnels
conditions d’emploi (dont compétences ou mobilités)39. d’un changement dans l’entreprise, voire sur le travail lui-
Cette instruction anticipée des risques demande des même, sa valeur et ses conditions d’exercice.»
compétences spécifiques (connaissances sur les risques,
La culture et les pratiques de dialogue social au sein
simulation des situations de travail futures, gestion
des CE et CHSCT ou entre direction et syndicats seront
prévisionnelle des compétences…). Une conduite de projet
pourtant décisives pour confronter les enjeux portés par la
participative doit permettre d’intégrer dans les prises de
direction et ceux des salariés et permettre l’élaboration d’un
décisions les usages et pratiques différenciés de travail :
compromis acceptable. Cela reste un canal indispensable
. d’une part, en associant dès l’amont les salariés concernés d’expression libre des salariés. Des marges importantes de
pour mobiliser leurs connaissances sur leur travail et,» progrès sont possibles sur ces questions.

5.ADAPTER LES
. d’autre part, en s’appuyant sur des compétences d’analyse
des situations de travail qui dépassent le périmètre du poste
de travail»
L’objectif est de concevoir un cadre de travail qui puisse
soutenir les activités de travail des salariés en mettant
RESSOURCES
l’accent sur les dimensions qui favorisent l’engagement et
la recomposition du sens au travail. ORGANISATIONNELLES
D’une manière générale, il s’agit de s’appuyer sur la
plasticité de l’organisation en équipant les différentes
(ENCADREMENT, MOYENS,
parties prenantes afin qu’ils puissent aller au bout de
la controverse sur le sujet. C’est la confrontation organisée OUTILS) AUX SITUATIONS DE
entre les différents savoirs qui traversent l’entreprise qui
donnera au compromis élaboré toute sa pertinence et sa
force dans l’action.»
TRAVAIL
Nos observations montrent que beaucoup entreprises ayant

4.S’APPUYER SUR UN
eu recours au Lean peinent à favoriser un management au
plus près du terrain et à favoriser l’expression des salariés.
Des encadrants qui disposent de faibles marges de
DIALOGUE SOCIAL LÉGITIMÉ manœuvre, les réunions quotidiennes de cinq minutes,
les outils à disposition tels que le suivi et l’affichage
ET CONSTRUCTIF permanent des écarts au théorique, les exigences de «
reporting » ne jouent pas le rôle déterminant de soutien
Les principes du Lean ne parlent pas en tant que tel du et de valorisation des activités de travail41. La possibilité
dialogue social. De fait, son déploiement vient souvent de développer des pratiques participatives quotidiennes
buter sur celui-ci. Longtemps, la mise en place du Lean, proposée par le Lean est un levier intéressant à condition
orchestrée par des cabinets de consultants externes, qu’elles ne soient pas au seul service de la résolution de
n’était pas considérée comme un objet de dialogue social. problème. Au delà de la simple existence d’espaces de
Parfois, le recours au Lean s’inscrit même dans un projet discussion, c’est surtout la qualité des échanges qui est en
de direction visant à « se disputer le terrain » avec les jeu. De quoi discute-t-on ? Avec qui ? A quelles conditions
syndicats. Les dispositifs participatifs ont alors tendance à les personnes seront disposées à exprimer leurs points
contourner les instances représentatives en se légitimant de vue ? A quelles conditions les échanges permettront
sur une parole recueillie directement auprès des salariés. d’identifier et de mettre en place de nouveaux compromis ?
Pourtant, comme l’a rappelé une récente jurisprudence à Des démarches participatives pérennes et efficaces
propos des CHSCT40, la mise en place du Lean relève de doivent viser la rencontre d’enjeux différents en acceptant
l’organisation du travail et se situe dans leurs attributions leur hétérogénéité, sans chercher à lisser les divergences
réglementaires. Toutefois, lorsqu’elles sont sollicitées, les a priori. Surtout, le travail, ses critères de qualité et
différentes instances se sentent démunies sur ce sujet, non ses finalités, son organisation locale et ses conditions
seulement parce que le Lean est un modèle qui requiert d’exercice doivent être au cœur des échanges pour
un apprentissage et suppose un temps d’appropriation favoriser une véritable implication du personnel, des
pour pouvoir émettre un point de vue (langage nouveau collectifs de travail et pour, in fine, reconnaître et s’appuyer
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
31

réellement sur la valeur créée par le travail. Ce sont des


conditions indispensables à la recomposition du sens au
travail, fondement de l’engagement au travail. Aussi, ces
espaces locaux de débat et de négociation permettront de
favoriser les ajustements, enrichir les décisions et renforcer
les capacités d’action collectives de l’entreprise en partant
du principe que chacun de ses membres est préoccupé par
sa pérennité.
05
Annexes

1- Notes
2- Bibliographie
3- Lexique du vocabulaire Lean
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
33

1. NOTES Tribunal de Grande Instance de Nanterre.


Page 9
Page 6 14- L’approche inductive consiste à s’appuyer sur la
1- Les chercheurs du MIT ont formalisé le modèle productif répétition d’observation et/ou d’expérimentation de
de la Lean production dans l’objectif de développer la cas singuliers pour accéder à des énoncés plus universels.
capacité du Système Productif Toyota à être adopté partout Page 11
au moment même où Toyota a rencontré des difficultés
au début des années 1990 (Freyssenet, 2001). Dès cette 15- http://www.anact.fr/web/actualite/essentiel?p_
période, le SPT a évolué : les chaînes furent retronçonnées, thingIdToShow=27175599
des stocks tampons intermédiaires réintroduits, un sous- Page 14
ensemble attribué» à chaque équipe, pour redonner sens
au travail, etc. » (Freyssenet, 2001). 16- cf. lexique en annexe.

2- Cf. lexique en annexe. Page 16

3- Cf. rapport final d’évaluation des actions d’amélioration 17- cf. lexique en annexe.
de la performance initiées par la DGCIS de juillet 2012 Page 17
:http://www.dgcis.redressement- productif.gouv.fr/etudes-
et-statistiques/evaluation- des-ac tions- damelioration-la- 18- cf. lexique en annexe.
per for mance - dans- cadre-plan-qualite-e Page 18
4- Direction Générale de la Compétitivité des Industries et 19- Le Fonds pour l’Amélioration des Conditions de
Services. Travail (FACT ) est un dispositif qui a pour objet d’apporter
5- Direction Générale des Entreprises, de la Concurrence, une aide financière versée sous forme de subvention
de la Consommation, du Travail et de l’Emploi. publique, aux entreprises et branches professionnelles
concevant et mettant en œuvre des mesures d’amélioration
6- Après des travaux préparatoires conduits par des des conditions de travail et contribuant à une meilleure
représentants des constructeurs, des fournisseurs, des prévention des risques professionnels.
organisations professionnelles et des pouvoirs publics,
la Plateforme de la Filière Automobile (PFA) a été mise Page 18
en place en 2009. Il s’agit d’une plateforme permanente 20- cf. lexique en annexe.
de concertation et d’échanges entre donneurs d’ordre
et fournisseurs de la filière industrielle de la construction 21- cf. lexique en annexe.
automobile” pour préparer et réussir la mutation de cette Page 20
filière dans un contexte économique difficile.
22- cf. lexique en annexe.
Page 7
Page 22
7- www.institut-Lean-france.fr»
23- cf. lexique en annexe.
8- A titre d’exemple, cf. les travaux de la CARSAT
Rhône-Alpes : « 10 bonnes pratiques : santé au travail et 24- « Lean management : l’écran de fumée du participatif
performance globale des PME » (février 2012). », Miroir Social, 29/11/2011 : « Sous couverts de participatif
et d’observation des salariés en activités, il s’agit de traquer
9- FGMM –CFDT, Transformations du travail et dialogue les temps improductifs ».
social, améliorer la qualité de vie au travail avec les salariés,
livret, mai 2012. Page 24
10-http://www.fnte.cgt.fr/IMG/pdf/Dossier_LEAN_mis_en_ 25- cf. lexique en annexe.
page_pour_collectif_CHSCT_FD.pdf 26- cf.lexique en annexe.
11- M. Petit, « Les effets du Lean sur la santé », la revue de 27- Pardi, 2011.environnementaux pour retrouver les
la CFDT, n°103, 2011, pp. 28 à 32. trois piliers classiques du développement durable.
12- Sur ce point, cf. Philippe Rouzaud (Secafi), Le Lean Page 26
tisse sa toile et vous entoure, L’harmattan, 2011.
28- Euréval, Id-act, « Evaluation des actions d’amélioration
13- Référé du 06 janvier 2012, n° R.G. : 11/03192, de la performance initiées par la DGCIS dans le cadre du
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
34

Plan Qualité et Performance 2010 et de leur impact sur les Page 35


entreprises », Rapport final, 2012.
39- On peut ici se reporter aux acquis du projet réseau
29- Extrait d’une formation sur le Lean dispensée par PAPT (pronostic et accompagnement des projets de
l’Institut Lean France. transformation) qui traite ces sujets depuis de nombreuses
années : Bossard, 2007 ou « Les projets d’investissement
30- Cf. lexique en annexe.
en PME », Editions de l’Anact, 2008.
Page 27
Page 36
31- cf. lexique en annexe.
40- Référé du 06 janvier 2012, n° R.G. : 11/03192, Tribunal
Page 28 de Grande Instance de Nanterre.
32- « Le Lean management : plus qu’une méthode, un état 41- On peut ici se reporter aux travaux du projet
d’esprit », Afnor Editions, Enjeux n° 318, Octobre, 2011. réseau « management du travail » qui aborde des
sujets proches sur la mise en débat du travail (Conjard,
33- Cf. lexique en annexe
Journoud, 2012), (Conjard, ouvrage à paraître en 2014).
34- Chez K. Weick (2003), la fiabilité organisationnelle
ne réside pas dans des modèles scientifiques élaborés
mais dans les pratiques des acteurs. A l’inverse de la 2. BIBLIOGRAPHIE
gestion de risques, la fiabilité est invisible. Partant
du même constat que C. Perrow (1984), selon lequel les BALLE (Michael), « Jidoka, le deuxième pilier du Lean
erreurs sont inévitables, K. Weick insiste sur l’idée selon »,Lean Working Paper n°2, Projet Lean Entreprises, ENST,
laquelle l’important n’est pas tant de chercher à les éviter. juin 2004.
L’important est de créer les conditions et capacités BEAUVALLET (Godefroy) et HOUY (Thomas), « L’adoption
pour qu’elles soient bien gérées et ne s’amplifient pas des pratiques de gestion Lean. Cas des entreprises
notamment lorsqu’elles apparaissent dans des contextes industrielles françaises », Revue Française de gestion,
complexes et interdépendants. Les situations d’incertitude N°197, 07/2009.
sont intéressantes car elles permettent de soutenir la
vigilance des individus et de construire un registre varié de BERNON (Jack), ESCRIVA (Evelyne), SCHWEITZER
comportements disponibles. (Jean Michel), Agir sur la prévention des TMS, Anact, 2011.

Page 29 BERTRAND (Thierry) et STIMEC (Arnaud), « Santé au


travail. Voyage en pays de Lean management », Revue
35- Ex : Le Lean « permet de pérenniser les pratiques Française de Gestion, N°214, 2011.
qui dégagent de la rentabilité tout en préservant la
satisfaction des clients et la maîtrise des fournisseurs, BESREST (Virginie) et ZAEH (Franck), Evaluation des
AFNOR, p. 13. actions d’amélioration de la performance initiées par la
DGCIS dans le cadre du Plan Qualité et Performance 2010
Page 30 et de leur impact sur les entreprises, DGCIS, 07/2012.
36- Des chercheurs attirent également l’attention sur BOSSARD (Pascale), Réussir un projet industriel en PME :
d’autres variables contextuelles importantes telles que l’enjeu conditions de travail, Editions de l’Anact, 2007.
les caractéristiques du territoire (les spécificités du tissu
local, du réseau de sous-traitants), le contexte institutionnel BOURGEOIS (Fabrice) et GONON (Olivier). « Le Lean
et le système de relations sociales en France qui se et l’activité humaine. Quel positionnement de l’ergonomie,
distingue fortement des syndicats d’entreprise japonais. convoquée par cette nouvelle doctrine de l’efficacité ? »,
Revue Activités, N°7, 04/2010.
Page 33
«BOUSSARD (Valérie), Le rôle des consultants dans la
37- Nous pourrions également parler des enjeux» diffusion des transformations organisationnelles, Actes des
Page 35 Journées de Bordeaux, 2011.»

38- Différents projets du réseau Anact-Aract sur les CHASSAING (Karine), « Former pour faire de la qualité :
questions de santé au travail ont abordé ce type de quelle reconnaissance pour les gestes prof. ? un exemple
problématique. On peut notamment penser aux projets dans le secteur de l’industrie automobile », Actes du
AOP (approche organisationnelle de la prévention), TMS 3ème congrès francophone sur TMS, 2011, p. 125-134
(Bernon et al., 2011) ou RPS (Douillet, 2013). COLIN (Thierry), GRASSER (Benoît) et OIRY (Ewan),« Le
manager de proximité dans une logique de Lean production
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
35

: une position soutenable ? », XXII ème Congrès de l’AGRH. FREYSSENET, M., « Le modèle productif japonais n’a
10/2011. jamais existé », in Boyer, R. Souyri, P-F, Mondialisations
et régulations. Europe et Japon face à la singularité
CONJARD (Patrick), JOURNOUD (Ségolène), « Ouvrir
américaine, La Découverte, Paris, 2011, pp. 97-115.
des espaces de discussion pour manager le travail »,
12ème rencontre sur la prospective des métiers, avril 2012. GIRAUD (Claude), Bureaucratie et changement, le cas de
l’administration des Télécommunications: du 22 à Asnières
CROZIER (Michel), FRIEDBERG (Erhard), L’acteur et le
à la télématique, L’harmattan, 1987.
système, Editions du Seuil, 1977.
GRIMAULT (Solveig), PERNOT (Jean-Marie), UGHETTO
DANIELLOU (sous la direction de François), L’ergonomie
(Pascal), « Travailler dans le changement, travailler
en quête de ses principes, Débats épistémologiques,
au changement. Trois direction du ministère de l’Economie,
Octares, 1996.
des Finances et de l’Industrie », Revue de l’IRES, n° 2, p.
DANIELLOU (François), GUERIN (François), LAVILLE 129-195, 2005.
(Antoine), DURAFFOURG (Jacques), KERGUELEN (Alain),
INRS, « Lean Manufacturing, quelle place pour la santé au
Comprendre le travail pour le transformer, la pratique de
travail ? », mars 2013.
l’ergonomie, Editions de l’Anact, 2006.
JONES (Daniel), WOMACK (James), Système Lean,
DANIELLOU (François) (coord.), CAROLY (Sandrine),
penser l’entreprise au plus juste, Pearson, 2009, 2ème
COUTAREL (Fabien), ESCRIVA (Evelyne), ROQUELAURE
édition.
(Yves), SCHWEITZER (Jean-Michel), La prévention
durable des TMS. Quels freins ? Quels leviers d’action ?, MAGGI (Bruno), De l’agir organisationnel. Un point de vue
Etudes gratuites de Direction Générale du Travail, 2008. sur le travail, le bien-être, l’apprentissage, Octarès, 2003.
DANIELLOU (François), Développement des LIKER (Jeffrey), The Toyota Way: 14 Management
TMS : désordre dans les organisations et fictions Principles from the World’s Greatest Manufacturer, CWL
managériales, 2ème congrès francophone sur les troubles Publishing Enterprises, 2006.
musculosquelettiques : de la recherche à l’action, IRSST
LOT (Nicolas), MOREAU (Antoine), MAGNIN (Florence) et
Montréal, 18-19 juin, 2008.
VALOT (Claude), « Intégration des risques : limites du Lean
DANIELLOU (François), « L’intervention de l’ergonome sur management et apport d’une démarche ORM »,46ème
les nouvelles organisations du travail : enjeux de santé congrès international SELF, 2011.
et de performance », Actes de Journées de Bordeaux, 2011.
PARDI (Tommaso), « Crise, effets de trajectoire et
DAVEZIES (Philippe), « Pouvoir d’agir, travail, santé » , dynamiques sociales dans l’évolution de Toyota Motor
Congrès de l’Association Française de Sociologie, Session Manufacturing UK », Sociologie du travail, n°2, 06/2005,
Violence et travail, 2009, Paris. pp. 188-204.
DAVEZIES (Philippe), « Porter le débat sur la qualité », Les Pardi (Tommaso), La révolution qui n’a pas eu lieu : les
fausses promesses de la méthode Toyota, Santé et Travail, constructeurs japonais en Europe (1970-2010), Thèse de
Rubrique Dossiers, avril 2012. Doctorat, EHESS, 2011.
DAVIS (Gerald F.), MARQUIS (Christopher), Prospects REYNAUD (Jean-Daniel), Les règles du jeu, l’action
for Organization Theory in the Early Twenty-First Century: collective et la régulation sociale, A. Colin, 1997. de
Institutional Fields and Mechanisms, Organization Science, TERSSAC (Gilbert), “Travail d’organisation et travail
Vol. 16, No. 4, July–August 2005, pp. 332–343. de régulation”, in De Terssac, G. (dir.), La théorie de la
régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud. Débats et
DETCHESSAHAR (Mathieu), “Santé au travail: quand le
prolongements, Paris, La découverte, p.121-135, 2003.
management n’est pas le problème.... mais la solution”,
du TERTRE (Christian), « Lean production et modèles» de
Revue française de gestion, mars, n°214, p. 89-105,
valeur. Une approche régulationniste par le travail », Revue
2011.
Activités, N°9, 2012.
DOUILLET (Philippe), Prévenir les risques psychosociaux :
Thoenig (Jean-Claude), « Essai: How Far is a Sociology of
outils et méthodes pour réguler le travail, Coll “Agir sur...”,
Organizations Stiii Needed? », Organization studies, 1998,
les Editions de l’Anact, 2013.
19/2, pp. 307-320.
EUZENAT (Damien), MORTEZAPOURAGHDAM (Meradj),
UGHETTO (Pascal), « Une réorganisation au concret
Roux (Sébastien), Les changements d’organisation du
: l’implantation du Lean manufacturing comme travail
travail dans les entreprises, conséquences sur les accidents
managérial », XII èmes Journées Internationales de
du travail des salariés, DARES, septembre 2011.
LES METHODES D’ORGANISATIONS DU TRAVAIL : LE LEAN EN QUESTION
36

sociologie du travail, Nancy, 2009. KANBAN : Le terme Kanban signifie « étiquette


en japonais. Un système Kanban est un système de
Ughetto, (Pascal), Le Lean : pensée et impensé d’une
management de la production par reconstitution d’un
activité sans relâchement. Activités,9(2), 2012, pp. 148-
stock dans lequel le client est venu prélever son besoin. Par
167.
un système de carte de prélèvement ou de fabrication, on
VALEYRE (Antoine), « Conditions de travail et santé au s’assure de ne produire que ce dont le client a besoin dans
travail des salariés de l’Union Européenne : des situations une logique de flux tiré (INRS, 2013, p. 50).
contrastées selon les formes d’organisation, Rapport CEE,
MANAGEMENT VISUEL : Le management visuel consiste
2006.»
à mettre en place des moyens physiques (rangement des
WEICK (Karl), « L’effondrement du sens dans les stocks, tableaux, panneaux lumineux, codes couleurs…)
organisations, L’accident de Mannn Gulch », in Vidaillet pour s’assurer au premier coup d’œil que les opérations
(B.), Le sens de l’action, Weick (K.E.), sociopsychologie de de production se déroulent normalement, ou pour repérer
l’organisation, Vuibert, 2003. rapidement les anomalies (INRS, 2013, p. 50).
WOMACK J.P., JONES, D.T., ROOS, D., 1990, The OPERATEURS TOURNANTS : Cela désigne une
Machine«That Changed the World, The Free Press, New organisation type au sein d’une cellule en U. Les opérateurs
York,2007.» n’assurent plus un seul poste de travail, mais « suivent le
produit » : ils réalisent successivement toutes les étapes
ZARIFIAN (Philippe). Le travail et l’événement. L’harmattan,
de fabrication du produit, en se déplaçant d’un poste à
1995.
l’autre. Cette configuration permet notamment d’adapter

3. LEXIQUE DE VOCABULAIRE
les ressources en fonction du takt time (un seul opérateur
polyvalent pouvant faire tourner la ligne complète), (INRS,
2013, p. 50).

LEAN 5 S : Cela correspond aux initiales de cinq termes japonais


qui désignent les étapes d’une méthode d’organisation, de
WANDON : Le tableau andon est un « système de contrôle rangement et de nettoyage des postes de travail et de leur
visuel installé dans un atelier, composé d’un tableau environnement : Seiri, Seiton, Seiso, Seiketsu, SHitsuke
électronique suspendu visualisant la situation des opérations (INRS, 2013, p. 51)
de production et signalant les problèmes dès leur apparition SMED : Le Single Minute Exchange of Die est une démarche
» (Womack, Jones, 2009, p. 408.). En cherchant à étendre pour le changement rapide de série ou d’outillage, en
la méthode à tous les secteurs, cela s’est traduit par le moins de 10 minutes. Un chantier SMED consiste à
principe d’un déclenchement systématique des alertes. réorganiser l’activité des régleurs afin de réduire le temps
CHAINE DE VALEUR : L’analyse VSM (Value Stream d’immobilisation des installations et permettre ainsi une
Mapping ou cartographie de la chaîne de valeur) a pour réduction des tailles de lots de production (INRS, 2013, p.
objectif d’identifier les principales étapes du flux de 50).
production où l’on peut réaliser des gains de productivité en STANDARDS DE TRAVAIL : Cela correspond à la
supprimant les actions sans valeur ajoutée (gaspillages). formalisation d’un mode opératoire afin de réaliser une
(INRS, 2013, p. 51). tâche répétitive avec le moins de variabilité possible. Il
FLUX TIRE : Le flux tiré est un flux de production dans correspond à la manière optimale de travailler et doit être
lequel la fabrication n’est déclenchée qu’à réception de la appliqué par tous les opérateurs (INRS, 2013, p. 51).
commande du client. Il se caractérise par un faible niveau TAKT-TIME : Il s’agit du temps nécessaire pour produire
(voire une absence) de stocks. On l’oppose au flux poussé, une pièce selon le rythme de la demande moyenne du
dans lequel les pièces sont fabriquées puis stockées en client. Il est calculé en divisant le temps total disponible
attendant d’être livrées dès qu’une commande sera reçue pour la production par le nombre de pièces demandées par
(INRS ? 2013, p. 49).
KAISEN : Un chantier « kaisen » désigne une action le client sur la même période (INRS, 2013, p. 51).»
participative dans laquelle une équipe, constituée
des différents acteurs de l’entreprise (de la direction aux
ouvriers), cherche à optimiser un processus ou à
résoudre un problème en partant d’une étude de terrain.
La durée de ces chantiers est généralement courte, de
quelques jours à une semaine’ (INRS, 2013).»
Avril 2013

Vous aimerez peut-être aussi