Donzeau 1983

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Tectonique des monts d’Ougarta - Michel DONZEAU (1983).

Introduction :

Les monts d’Ougarta, d allongement NW-SE, sont situés au SSW de Béchar (Sahara
sud-oranais), en bordure nord-orientale des ergs Iguidi et Chèche. Ils sont constitués
par deux faisceaux de plis dont la disposition leur confère une allure triangulaire.

Ces faisceaux, sépares par des étendues d’erg, sont, du NE vers le SW (fig. A): le
faisceau de la Saoura et le faisceau de la Daoura, formé par le Djebel Ben Tadjine et
le Kahal Tabelbala Morphologiquement, la série gréso-argileuse du Cambro-
Ordovicien forme l'ossature de la chaine. L'érosion y a découpé un relief de type
appalachien (CONRAD, 1969): les sommets des anticlinaux sont évidés et leurs
flancs forment des corniches dont les falaises regardent vers le cœur des structures.
Au NW, les monts d'Ougarta jouxtent, par-delà la formation crétacée des Kemkem ou
le Tertiaire de la Hamada du Guir, le domaine de l'Anti-Atlas. Au NE, la chaine se
raccorde au bassin carbonifère de Béchar-Abadla. Sur ses flancs NE et SW, l'Ougarta
est bordé par des aires recouvertes d'erg ou de dépôts post-paléozoïques : ce sont, au
SW, la dépression de l'erg Chèche, au NE celle de Timimoune.

Définition de l'aulacogène hercynien des monts d'Ougarta :

La chaine d'Ougarta est une structure plissée hercynienne de plate-forme, qui


présente tous les caractères d'un aulacogène (SHATSKY, 1955; DONZEAU, 1974;
COLLOMB et DONZEAU, 1974):

- structure subsidente, allongée, de type rift, contrôlée par des fractures de socle,
disposée radialement par rapport aux bordures de la plate-forme saharienne et
rencontrant obliquement la chaine hercynienne du Maghreb. Le terme plate-forme est
utilisé ici dans son sens large: superplate-forme des auteurs soviétiques, pouvant
indure plusieurs noyaux, ou cratons, d'âge diffèrent.

- au SW, le craton ouest-africain figé á 2 000 Ma et au NE le prolongement présumé


du bouclier targui, figé á 550-600 Ma (FERRARA et GRAVELLE, 1966;
BOISSONNAS et ai, 1969; ALLÉGR E et CABY, 1972; Rocci, 1972).

Comme dans la fosse de Patchelma (SHATSKY, 1955), on note l'existence d'une


polarité longitudinale: la subsidence, l'activité sédimentologique et tectonique sont
plus importantes vers le NW, au débouché d’Aulacogène sur la chaine du Maghreb
(donc sur les bords de la plate-forme) que vers l'intérieur de la plate-forme (vers le
SE) où elles finissent par disparaitre, (FABRE, 1969, 1971; DONZEAU, 1971a). Les
dykes doléritiques du Bet Touaris et du Kahal Tabelbala ne paraissent pas lies á
l'aulacogène, mais plutôt á un épisode de distension plus tardif du craton ouest-
africain qui en forme le soubassement (DARS, 1961; VILLEMUR, 1967; BLACK et
GIROD, 1970; LAY et REICHELT, 1971; LEBLANC, 1973).

Age du plissement :
La tectogenèse de l'Ougarta parait contemporaine de celle (post autunienne) du bassin
de Béchar, (FABRE, 1971). Cet âge, qui correspond sensiblement á celui de la
brannérite de Bou-Azzer dans l'Anti-Atlas (LEDENT, 1960) est tardif par rapport á
l'orogenèse hercynienne du Maroc, dont les paroxysmes sont anté-Viséen supérieur et
ante-Westphalien supérieur (ALLARY, L A VEN U et RIBEYROLLES, 1972):
l'Anti-Atlas et l'Ougarta ne se seraient donc plissés qu'une fois l'orogenèse
maghrébine achevée.

Métamorphisme

La paragenèse á pyrophyllite et allevardite du Silurien supérieur et du Dévonien du


Grand Erg occidental et du bassin de Tindouf traduit un climat d'anchimétamorphisme
qui augmente d'Est en Ouest, et dont Taire coïncide avec les déformations
hercyniennes au Sahara (CHENNAU X et al, 1970). Dans l'Anti-Atlas, l'intensité du
métamorphisme hercynien parait comparable (LEBLANC, 1972). La surcharge
lithostatique, quoiqu'importante (10 000 m de Paléozoïque dans l'Anti-Atlas, 6 000 m
dans l'Ougarta) ne parait pas suffisante pour engendrer á elle-seule l'effet thermique.

Signification de l’Ougarta en termes de tectonique des plaques :

La naissance de la théorie des plaques a donné un renouveau au concept d aulacogène:


selon BURK E et DEWE Y (1973), les aulacogènes correspondraient á un stade
rapidement avorté d’une evolution tectonomagmatique complexe liée á l’existence
d'un panache thermique dans le manteau supérieur. Un tel processus débuterait par un
bombement de grande amplitude suivi par la mise en place de trois structures de type
rift disposées á 120° les unes des autres.

Une très bonne analyse d'une structure de ce type (dôme afro-arabique) est donnée par
GASS (1970). Les rifts, dans ce cas, peuvent être guides par des zones de faiblesse
préexistantes dans la plate-forme, par exemple le bord des différents cratons
constituant la plate-forme. Ces structures peuvent s'arrêter au stade aulacogène, ou
bien évoluer en rifts ou en dorsales, par activité tectonique et magmatique croissante,
ou en failles transformantes. A la fin du cycle, la fermeture de l'océan crée par la
dorsale aboutirait á la formation d'une chaine de collision continentale, que
l'aulacogène rencontrerait obliquement. On rejoint ici, du moins géométriquement, la
définition de SCHATSKY. L'aulacogène, au « sortir » de sa plate-forme, pourrait
donc s'ouvrir, soit sur un océan soit sur une chaine de type géosynclinal (cf. SALOP
et SCHEINMANN, 1969).

Les jonctions triples ainsi définies peuvent s'observer grossièrement á deux Stades de
leur histoire: ou bien au stade précoce de distension : c'est le cas de structures
actuelles de séparation continentale, comme le dôme afro-arabique (GASS, 1970), ou
bien au stade final de collision continentale. Dans ce deuxième cas, les jonctions
triples s'observent comme des structures fossiles dans des zones maintenant
cratonisées. La jonction triple de l'Ougarta, telle qu'on peut I ‘observer actuellement
correspond au deuxième type: l'association de l'aulacogène Anti-Atlas-Ougarta avec
la chaine hercynienne du Maghreb traduit une paléo-jonction triple, dont les deux
branches majeures correspondent actuellement á la chaine maghrébine, la troisième
branche étant constituée par l'aulacogène Anti-Atlas-Ougarta.

Analyse structurale d’aulacogène d'Ougarta :

I) Les grands plis et le réseau de diaclases :

La différence de compétence des séries déformées entraine une dualité dans le style
tectonique : aux grands plis réguliers du Cambro-Ordovicien quartzitique s'oppose la
prolifération des petits plis du Siluro-Dévonien gréso-argilo-calcaire. De grands plis
de direction NW-SE forment l'ossature de la chaine. Ce sont des voûtes á large
sommet plat et á flancs courts et raides. Dans le centre du faisceau de la Saoura les
plis sont disposés en « domes et bassins ». Dans cette region, l'interprétation
cinématique d'un réseau de diaclases longitudinales et transversales associées á ces
plis fait apparaitre deux résultats (DONZEAU, 1971b):

a) existence de deux directions de plissement, l'une ougartienne, 130°-140°, l'autre


atlasique, 90°-100°. L'interférence de ces deux directions de déformation, de longueur
d'onde et d'amplitude comparables (cf. CARTE R et DIETERICH, 1969) crée un
motif en domes et bassins observable tant á l'échelle cartographique que localement
décamétrique;

b) existence d'un raccourcissement orienté au 60°-65°, c'est-á-dire sensiblement


perpendiculaire á la direction de l'aulacogène.

2) Les flexures et les « kink-bands » associées :

Les flexures sont des structures étroites d'extension myriamétrique et montrent un


style de plis en genoux. On observe en profondeur leur passage á de grandes fractures
du socle. Ces structures sont postérieures aux grands plis qu'elles limitent ou
accentuent et dont elles déforment le réseau de diaclases. Elles correspondent á
l'adaptation de la couverture au dénivelé provoqué par le jeu des failles du bâti.
Associées aux flexures, on observe de grandes kink-bands décamétriques, également
de style plis en genoux, dont les axes se suivent parfois sur plusieurs kilomètres.

Elles présentent morphologiquement l'aspect suivant: á l'intérieur d'une kink-band, la


couche est pivotée. A l'extérieur, de part et d'autre de la kink-band, la couche á la
même orientation, c'est-á-dire celle du pendage général. La section pivotée, ou flanc
court, se relie á chaque extrémité par un pli en genou á la section non pivotée, ou
flanc long. La kink-band présente donc deux plis en genoux, á sens de rotation
opposes, un á l'entrée, l'autre á la sortie de la kink-band. L'étude détaillée de ces
structures (DONZEAU, 1971a; COLLOM B et DONZEAU, 1974) a notamment
permis de montrer que les grandes fractures du bâti ougartien ont rejoué en failles
inverses en fin de tectogenèse. A l'échelle de l'Ougarta, la direction de
raccourcissement est perpendiculaire á l'allongement de l'aulacogène. Les accidents
de socle découpant la fosse de l'Ougarta en losanges grossiers, d'une centaine de
kilomètres de côté, analogues notamment á ceux du Dniepr-Donetz (GALITZKY et
PISTRAK, 1969).

3) Les joints cisaillants ;

On observe, sur le flanc NE du faisceau de la Saoura, des joints conjugues á fentes


de tension en échelons, dont l'intersection subhorizontale est approximativement
parallèle á l'allongement de l'aulacogène. Ils sont postérieurs aux kink-bands et
flexures qu'ils recoupent. Le style cisaillant de ces structures traduit une élévation du
niveau structural, vraisemblablement par allégement de la charge lithostatique sous
l‘effet de l'érosion.

Modèles d'évolution proposes pour aulacogène Anti-Atlas-Ougarta :

L'aulacogène Anti-Atlas Ougarta présente les caractères suivants: plis entrecroisés,


blocs de socle remontes de plusieurs milliers de mètres, décrochements,
métamorphisme faible, charge lithostatique importante, taux de raccourcissement final
très faible (LEBLANC, 1972, 1973; DONZEAU, 1972). On peut envisager deux
modèles pour rendre compte de ces particularités: dans le premier on considère que la
tectonique est polyphasée, dans le second, on suppose que la déformation évolue de
façon continue le long de la bordure nord-orientale du craton ouest-africain.

Modèle 1 : Les structures d'interférence du type « domes et bassins » sont interprétées


classiquement comme le résultat de deux phases de déformation successives
(DE SITTER, 1952, I960; RAMSAY, 1967). Dans le cadre de cette hypothèse la
direction ougartienne NW-SE, engendrée par un serrage NE-SW, apparait comme la
plus ancienne, la phase E-W, due á un serrage N-S, s'individualisant plus tard. Au
cours de ces deux phases, l’évolution structurale est identique. En fin de tectogenèse,
un serrage WNW-ESE, responsable de décrochements dextres le long de fractures
orientées au NE, décale l’Anti-Atlas vers le NE par rapport á l’Ougarta-bassin de
Béchar, donnant á l’arc sa configuration actuelle (DONZEAU et ZELLOUF, 1973).
Dans ce modèle l’enchaînement des évènements tectoniques s’explique par un
blocage successif du plissement dans les chainons d'orientation différente, entraînant
une déviation progressive de la direction de raccourcissement. Cependant il est dans
la pratique difficile de prouver la succession des deux premières phases (DONZEAU,
1971 b); de plus, la notion de blocage du plissement est difficilement vérifiable.

Modèle 2 : On suppose que le raccourcissement perpendiculaire á l’arc Anti-Atlas-


Ougarta est du á la présence d’un décrochement sénestre, analogue (et homologue ?)
aux grands décrochements du Précambrien de l’Ahaggar Occidental (CABY, 1970).
Les régions «polydéformées » en «domes et bassins» ne correspondent alors pas á
deux phases de déformations, mais reflètent le jeu des losanges de socle limites par
les grandes failles du bâti. Au cours de l’évolution de l’aulacogène la direction de
raccourcissement, dans l’Ougarta, passe de 50° (en début de tectogenèse) á 90° au
tardi-hercynien : les décrochements dextres tardi-hercyniens de la « zone de jonction»
(DONZEAU et ZELLOUF, 1973), représentent le conjugué géométrique du jeu
sénestre en bordure du craton ouest-africain. Ils seraient contemporains du jeu dextre
tardi-hercynien de l’accident de Tizi n' Test (MATTAUER et al, 1972) (cf. supra).

Conclusions :

Les accidents qui ont joué au cours des différents épisodes de déformation constituent
un « caractère héréditaire » du sillon subsident Anti-Atlas-Ougarta, et découpent
l’aulacogène en losanges. Des deux modèles de déformations proposes, le modèle 2
rend mieux compte du caractère essentiel de l’aulacogène, où la déformation parait
plutôt continue que polyphasée, ce que semble confirmer l’évolution structurale
identique des chainons plissés de directions différentes. Le craton ouest-africain joue,
au point de vue tectonique, un rôle statique, en guidant par sa forme et son
comportement rigide la courbure du plissement á l’échelle de l’arc et dynamique, dans
la mesure où le plissement de l’aulacogène Anti-Atlas Ougarta traduit des
mouvements d’ensemble du craton.
DONZEAU M. (1971a) - Etude structurale dans le Paléozoïque des Monts d’Ougarta. Th. Doct. 3ème Cycle, Fac. Sci. Orsay, Univ. Paris – Sud.

DONZEAU M. (1971b) - Signification tectonique des diaclases du Paléozoïque des Monts d‘Ougarta. Bull. Soc. Hist. Nat. Afr. Nord, Alger, 62, 3-
4, p. 97-115.

DONZEAU M. (1972) - Les déformations hercyniennes dans le Paléozoïque des Monts d’Ougarta (Sahara occidental algérien). C. R. Acad. Sci.,
Paris, Ser. D, 274 : 3519- 3522.

DONZEAU M. & ZELLOUF K. (1973) - La jonction Ougarta-Anti-Atlas : Structure de la région de Tadaout El Berhil (Sahara occidental algérien).
Bull. Soc. Hist. Nat. Afr. Nord, Alger, 64, 3-4, 171-184.

DONZEAU M. (1974) - L'Arc de l'Anti-Atlas-Ougarta (Sahara nord-occidental, Algérie Maroc). C. R. Acad. Sci. Paris 278, pp. 417-420.

COLLOMB P. & DONZEAU M. (1974) - Relations entre kink-bands décamétriques et fractures de socle dans l'Hercynien des Monts d'Ougarta
(Sahara occidental, Algérie). Tectonophysics, 24 (3), pp. 213-242.

DONZEAU M. (1983) - Tectonique des monts d'Ougarta. In Fabre, J. (Ed.), Afrique de l'Ouest. Introduction Géologique et termes stratigraphiques.
Lex. Strat. Inter. Pergamon Press, Oxford, pp. 118-120

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