Le Langage - Cours de Philosophie - Ma Philo
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Si nous voulions définir communément ce qu’est le langage, probablement
Divers dirions‐nous qu’il est un véhicule des pensées, des émotions. Ainsi, nous insisterions sur sa
Contact dimension de moyen (en vue d’une fin), d’instrument, ou encore d’outil de communication.
Partenaires Quelle que soit la fonction qu’on assigne au langage, on assume qu’il est postérieur aux
Partenariat
MaPhilo recrute pensées et émotions dont il est l’expression. Une telle conception n’est pas simplement une
opinion ; elle a été très largement partagée par les philosophes et savants de tout temps.
Mais ceux‐ci n’en reconnaissent pas moins les pouvoirs du langage (et pour certains de
l’écriture) : le langage est ce qui permet d’organiser les pensées, d’avoir des idées
générales, de procéder à l’abstraction, de classer les choses ou encore de persuader, d’agir
► Langage sur les autres, etc. Certes, on est dans le droit de penser que le langage est imparfait, qu’il
ne permet pas à la pensée de parfaitement se déployer, ou pire encore, qu’il la fige. Mais
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ce que l’on espère alors ce n’est non pas de trouver un substitut au langage mais de pouvoir
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réformer celui‐ci, le transformer ; par là même devrait pouvoir être déduit ceci que le
MaPhilo…langage est une condition de la pensée. Mais ne peut‐on pas être alors conduit à dire que la
pensée s’identifie au langage voire que le langage précède la pensée et la détermine, que
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celle‐ci n’est que l’expression des possibilités du langage ? Et n’en va‐t‐il pas de même pour
les autres dimensions de l’existence humaine et notamment la culture ? Les auteurs que
nous allons à présent étudier nous donneront des éléments de réponse.
Le langage et les choses
"Et de même que l'écriture n'est pas la même chez tous les hommes,
les mots parlés ne sont pas non plus les mêmes, bien que les états de
l'âme dont ces expressions sont les signes immédiats soient identiques
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chez tous, comme sont identiques aussi les choses dont ces états sont les
images." Aristote, De l’interprétation.
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materialis. N’allons pas plus dans cette très riche théorie et contentons‐nous de souligner
que la distinction présentée ci‐dessus a été « retrouvée » dans la philosophe moderne pour
distinguer entre langage et métalangage, le premier portant sur les choses, le second
portant sur le langage lui‐même.
Le langage comme manifestation de la
pensée
Ainsi que nous le signalions en introduction, le langage a souvent été considéré
comme un pur véhicule de la pensée, etc. Cela est particulièrement évident dans la
philosophie classique. Prenons par exemple la conception Descartes. Celui‐ci procède d’une
certaine manière à une définition « négative » du langage (il emploie le mot « parole ») en
ce sens qu’il retranche de celui‐ci tout ce qui pourrait être attribué aux animaux, tout ce
qui relève de la passion (ex : joie et tristesse) ou encore ce qui pourrait être l’objet d’un
apprentissage par un animal (cf. l’exemple typique du perroquet). Il affirme que le langage
défini ainsi est le propre de l’homme. Notons que selon lui les sourds comme les fous ont un
langage puisque les premiers inventent des signes pour communiquer tandis que les seconds
usent bien du langage même si c’est sans s’appuyer sur la raison. Mais Descartes fait‐il ici
autre chose d’autre que rabattre le langage sur la pensée, en adaptant sa définition à celle‐
ci ? Le langage n’est rien d’autre que la manifestation ou l’extériorisation de la pensée.
Traiter du langage n’a donc pas d’autres fonctions que d’être un fait empirique qui rend
évident la supériorité de l’homme sur l’animal. Une telle relégation au second plan du
langage se retrouvera chez de nombreux philosophes, de Spinoza à Kant.
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Évoquons enfin Rousseau. Celui‐ci cherche à montrer que l’origine du langage
humain réside dans les passions. Rousseau affirme que l’homme ne commence pas par
raisonner mais par sentir. Il critique ensuite la conception selon laquelle le langage serait
né de la nécessité pour l’homme d’exprimer ses besoins, car, dit‐il, les besoins écartent les
hommes plutôt qu’ils ne les rapproche. Il en vient alors à poser que la source du langage est
la vie passionnelle. L’amour, la haine, la pitié, la colère, etc. appellent le langage, celui se
manifestant primitivement sous la forme de cris, de plaintes, etc.
Le langage comme condition de la pensée et
de la culture
vue la chose à connaître, ceci ne manifeste rien d’autre qu’une pensée encore imparfaite et
aucunement un « vice » inhérent au langage. La vraie pensée est le mot même. Nietzsche,
qui de formation n’est pas philosophe mais philologue, affirme la « toute‐puissance » du
langage. Selon lui, le langage suit originellement la tendance de l’homme à ramener
l’inconnu, le différent, au connu, au Même (cette tendance reposant sur des passions
dominantes ; notamment la crainte du danger potentiel que représente tout ce qui est
nouveau). Le moi ou sujet est ainsi un exemple d’une de ces (pseudo)‐entités simples qui
masquent une diversité inquiétante (ici, la lutte entre les multiples instincts qui habitent
l’homme). Ce qui nous importe ici, c’est que le langage qui se forme en même temps que la
psychologie primitive en vient à exercer sa domination sur la pensée, à diriger celle‐ci, à
l’enfermer dans ses catégories. C’est ce que Nietzsche appelle la métaphysique de la
grammaire. C’est pourquoi il peut affirmer : « Je crains que nous ne puissions nous
débarrasser de Dieu, parce que nous croyons encore à la grammaire. »
On a ainsi pu voir qu’il était possible de considérer le langage comme une condition
de la pensée et même d’identifier pensée et langage. Mais n’en va‐t‐il pas de même des
rapports entre le langage et la culture en général ? Von Humboldt défend ainsi la thèse que
le langage est ce qui rend possible la formation par l’homme d’un monde conceptuellement
articulé dans lequel viennent prendre place toutes ses activités. Le monde des sons du
langage est ainsi une certaine manière d’assimiler le monde des objets, de se l’approprier,
de le « maîtriser ». Cassirer va prolonger cette idée en affirmant que c’est par la médiation
de formes symboliques, au premier rang desquels le langage, que l’homme développe un
monde proprement humain, un monde de la culture qui produit l’art, le mythe, la science,
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etc. Cette idée d’un rapport essentiel de la langue et de la culture est notamment reprise
par des linguistes tel que Benvéniste. Il rappelle, d’une part, que le langage se réalise
toujours dans une langue, autrement dit dans une société singulière et, d’autre part, que la
société ou culture, en tant que système organisé de représentations régi par des codes
(religion, lois, etc.) nécessite pour fonctionner le langage. Il y a donc coextensivité de la
culture et du langage. C’est autour de la notion essentielle du symbolique que se noue « ce
lien vivant entre l’homme, la langue et la culture ». Certains auteurs ont désiré pousser
cette thèse jusqu’à ses limites extrêmes en posant que chaque langue déterminerait une
vision du monde singulière chez ses locuteurs. On pourrait ainsi prendre l’exemple de la
langue espagnole qui possède trois mots distincts, « lena », « madera », « bosque », pour
désigner ce que nous français désignons à l’aide du seul mot « bois », et en inférer que c’est
la conception ou la perception même de cette (ces) chose(s) qui est différente. Cette
hypothèse contestée a été dénommée « hypothèse Sapir‐Whorf » du nom de ses auteurs.
Le langage comme fondement – linguistique,
structuralisme et philosophie analytique
« Le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept
et une image acoustique. Cette dernière n’est pas le son matériel, chose
purement physique, mais l’empreinte psychique de ce son, la
représentation que nous en donne le témoignage de nos sens ; elle est
sensorielle, et s’il nous arrive de l’appeler « matérielle », c’est
seulement dans ce sens et par opposition à l’autre terme de l’association,
le concept, généralement plus abstrait. » Saussure, Cours de linguistique
générale
Tant que l’on considérait le langage comme simple instrument ou véhicule de
la pensée, et plus encore comme véhicule imparfait, ne pouvait naître le désir d’une étude
de la structure des langues, de leur fonctionnement, de leurs propriétés, etc. De ce point de
vue, la linguistique effectue des avancées considérables. Notons que la linguistique
différencie nettement langue et langage. La langue est une réalisation particulière de la
faculté du langage ; c’est un produit social, un ensemble de conventions. L’une des thèses
majeures du fondateur de la linguistique moderne, Saussure est que le signe linguistique
est arbitraire. Par exemple l’idée « sœur » n’a aucun rapport intérieur avec la suite de sons
qui composent le mot. Autrement dit le signifiant (le signe linguistique) est immotivé à
l’égard du signifié (l’idée). Il ne faut cependant pas se méprendre sur le sens de cette
thèse. Elle ne dit pas qu’un locuteur d’une langue peut choisir librement les signifiants. Une
fois que ceux‐ci sont établis dans la langue, il n’est plus au pouvoir des individus de décider
arbitrairement de faire usage de tel ou tel mot. Une autre thèse essentielle, qui suit de la
précédente, est que le langage n’est pas une copie de la réalité. Nous avons vu que le signe
linguistique réunissait deux entités, le signifiant et le signifié (comme les deux faces d’une
même pièce de monnaie). Mais il faut bien comprendre que le signifié, ce n’est pas la chose
extérieure, le référent, mais une idée ou un concept. Le lien du mot à la chose ne présente
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pas la simplicité qu’on aimerait lui reconnaître. A partir de là, on comprend que Saussure
affirme qu’il faille étudier la langue en elle‐même, dans son fonctionnement interne, c’est‐
à‐dire comme système ou structure sans faire intervenir d’objets extérieurs, choses du
monde, psychologie du locuteur, etc. C’est en demeurant fidèle à cette exigence que
Saussure développe ce qu’on appelle la thèse structuraliste. Elle pose qu’il est impossible
de définir un signe linguistique par une quelconque propriété interne, une essence. Au
contraire, chaque signe ne se définit que par différence avec les autres signes. La langue est
un système de différences suivant des lois de transformations.
On ne saurait clore cette brève recension des théories du langage sans évoquer
la philosophie analytique, principalement anglo‐saxonne. Il est impossible ici de proposer
une présentation adéquate de cette philosophie dans laquelle le langage (et notamment le
langage ordinaire) joue un rôle essentiel. Nous contenterons donc de nous référer à deux
auteurs majeurs, Wittgenstein et Austin. Dans un premier temps, Wittgenstein s’intéresse à
déceler sous les langages ordinaires la présence d’une structure logiquement idéale. Mais il
va changer radicalement de perspective en affirmant que ce langage idéal n’est qu’une
illusion. Il n’y a pas de structure essentielle du langage. Celui‐ci n’est rien d’autre que la
réunion de multiples pratiques langagières, appelés jeux de langage possédant chacun ses
propres règles, ses propres possibilités, ses « coups » permis ou interdits à l’instar par
exemple du jeu d’échec. Le fait de nommer quelque chose pour en donner une définition
ostensive (ex : « ceci est un âne ») n’est aucunement, contrairement à ce qu’ont pensé de
nombreux philosophes, la forme première du langage. C’est un jeu de langage parmi les
autres, jeu de langage qui se différencie par exemple de celui consistant à donner un ordre,
ou encore à exprimer à souhait. Venons‐en à Austin qui a développé (avec son élève Searle)
la théorie des actes de langage. Selon lui, parler ce n’est pas (du moins la plupart du temps)
simplement dire quelque chose mais agir sur son environnement, sur les autres. On parle
ainsi pour inciter, persuader, demander, exiger, etc. Dans ces cas, on pourrait dire que
l’acte n’est pas encore entièrement dans la parole puisque l’effet désiré peut ne pas se
produire. Mais qu’en est‐il lorsque l’on dit « Je te promets » ? Certes, la promesse peut ne
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pas être tenue, mais tout l’engagement repose pourtant dans l’énonciation. Plus
évidemment encore, une phrase telle que « Je vous marie » est en elle‐même l’acte qu’elle
désigne. La langue n’est donc pas uniquement faite d’énoncés constatatifs mais également
d’énoncés performatifs.
Ce qu’il faut retenir
Le langage, condition de la pensée et de la culture : On peut penser qu’il n’y pas
de pensée sans langage, si la pensée n’est que l’extériorisation de quelque chose
qui, tant qu’il reste purement intérieur, demeure indéterminé (Hegel). On peut
également affirmer que les catégories du langage, la « métaphysique de la
grammaire », dominent la pensée, et que l’homme est condamné à répéter les
mêmes erreurs, à propager les mêmes illusions tant qu’il croira au langage
(Nietzsche). Il est aussi possible de remettre en cause le statut instrumental du
langage métaphysique (et usuel), sa fonction de représentation objective des
choses, et se confier dès lors au langage poétique qui n’est pas un langage dont
dispose l’homme mais qui au contraire, dispose de l’homme (Heidegger). Cette
reconnaissance des pouvoirs du langage sur la pensée s’étend à la culture dans son
intégralité. Le langage permet à l’homme de construire un monde
conceptuellement structuré à l’intérieur duquel prennent place ses activités (Von
Humboldt). Plus généralement, si le langage se réalise toujours dans une langue
singulière et si toute culture en tant que système régi par des codes, nécessite le
langage, il est alors possible d’identifier langage et culture (Benvéniste).
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Indications bibliographiques
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