9 Assertivite
9 Assertivite
9 Assertivite
Philippe Corten
Clinique du Stress
CHU-Brugmann
Bruxelles
[email protected]
Etape 9 : Savoir s’affirmer
Une fois que vous êtes au clair avec ce que vous voulez et avec la demande de l’autre, vous
devrez négocier : je me respecte, je vous respecte, respectez-moi. Vous avez peut-être modifié
votre planification en fonction de l’autre, mais maintenant vous voulez vous faire entendre pour
agir, si possible de commun accord avec lui. Vous faire entendre sans vous écraser et sans perdre
le contrôle de vous-même. C’est ce que l’on appelle être assertif.
Analyse
de la
situation
Anticipation
Feed Back
S’affirmer Planification
Altérité
ACTION
Fuir ou
attaquer
Dans ce chapitre, nous allons supposer que vous avez en face de vous quelqu’un qui n’est ni un
dictateur ni un pervers et qui, comme vous, peut tenir compte de l’altérité et donc de votre point
de vue.
L’affirmation de soi : théorie
Quelle que soit la situation de stress, il arrive des opportunités où l’on va pouvoir s’affirmer. Etre
assertif est : « un comportement qui permet à une personne
- D’agir au mieux de ses intérêts,
- De défendre son point de vue sans anxiété exagérée,
- D’exprimer avec sincérité et aisance ses sentiments,
- D’exercer ses droits sans dénier ceux des autres » (Alberti & Emmons, 1974).
La majorité d’entre nous souffre d’une plus ou moins mauvaise image de soi et fort
heureusement ! Imaginez un monde peuplé de gens qui se croient parfaits ! Nous nous
sommes construits de bric et de broc, en nous adaptant aux obstacles. Nous en gardons tous
des séquelles : nos failles, nos défauts, nos incompétences, nos incomplétudes. Et, pour
beaucoup, nous aspirons à être mieux que ce que nous sommes aujourd’hui.
Cette image de soi peut être influencée négativement par les croyances et des distorsions
cognitives.
a) Les croyances sont des constructions mentales résultant généralement d’une démarche
qui privilégie les stratégies de confirmation aux stratégies d’infirmation (de mise à
l’épreuve). Les peuplades primitives croyaient que danser et chanter autour du feu
faisaient venir la pluie. Dans un certain nombre de cas l’orage éclatait en effet et, si ce
n’était pas le cas, alors cela voulait dire que les esprits étaient fâchés. Dans nos
civilisations le racisme est une forme de croyance : les étrangers sont des voleurs,
paresseux et menteurs. Cela arrive parfois et chaque fois que cela arrive cela nous
conforte dans notre croyance. Quand ce n’est pas le cas, nous trouvons une excuse en
vertu du fait que toute règle a ses exceptions.
b) Les distorsions cognitives consistent à se focaliser sur un détail, tirer des conclusions
générales à partir d’une expérience, exagérer sa propre responsabilité, exagérer ou
minimiser l’impact d’un fait, émettre un jugement à partir d’informations erronées,
anticiper des catastrophes plutôt que des réussites, réduire les choses à une position
dichotomique, etc…
Avoir une bonne image de soi, c’est en quelque sorte remettre sa mauvaise image de soi à sa
bonne place !
L’agressivité peut se montrer violente. Dans notre société, la violence vis-à-vis de personnes
est transgressive. Néanmoins, la position assertive n’est pas pour autant exempte de fermeté
et de persévérance.
Etre assertif c’est pouvoir faire respecter ses limites tout en admettant les limites de l’autre et les
contraintes.
Toutes les formes de limites doivent s’articuler avec les différentes formes du respect (je te
respecte, je me respecte, respecte-moi).
Dans les tableaux qui vont suivre, nous avons repris un exemple : un rapport, non encore corrigé,
non traduit, non imprimé, non photocopié, doit partir dans un délai bref
Il est vrai que maintenir ses positions est d’autant plus facile que pour l’un et l’autre partenaires
on estime que l’on est quelqu’un de bien (je suis OK) et qu’il est quelqu’un de bien (vous êtes
OK), ou du moins que, généralement, c’est ainsi. En processus de stress, il arrive souvent que
l’on soit au-delà, particulièrement dans le harcèlement moral. On a laissé l’autre se positionner
(ou il a pris cette position sur un mode pervers) en parent persécuteur (vous n’êtes pas OK) et
l’on se vit comme un enfant impuissant (je ne suis pas OK). On est au bout du rouleau ! Si je me
positionne en tant qu’enfant non OK, je peux avoir deux types de réactions :
- J’explose comme un(e) sale petit(e) gamin(e), mon patron se met en colère et vraiment il me
considère comme un(e) collaborateur(trice) inadéquat(e).
- Je me présente comme le pauvre petit canard. « C’est trop injuste ! » Au mieux, j’éveille sa
pitié. Et mon patron se dit : vraiment c’est un(e) minable, je ne peux pas compter sur lui
(elle) en cas de coup dur !
Cela nécessite aussi d’être prêt à faire des concessions, voire de pardonner. Pardonner ne
signifie pas oublier, ni même renier ses valeurs. Le pardon est toujours un pari sur l’autre. Nul
n’est jamais figé et définitif. « Je ne suis pas aujourd’hui tout à fait celui que j’étais hier, ni celui
que je serai demain. Je suis en devenir et je voudrais que les autres me considèrent comme tel. »
Pardonner, c’est reconnaître que nous ne sommes pas toujours honnêtes avec nous-même et que
nous sommes tous fragiles dans nos convictions, dans nos promesses, dans nos comportements.
Mais pas de pardon sans la reconnaissance qu’il y a quelque chose à changer ou à remettre en
question. Le pardon ne se pose que lorsqu’une limite a été franchie et que de part et d’autre il y a
désir de ne plus se faire de mal, même si les limites en sont modifiées. Pardonner n’est aussi
possible que si les partenaires s’entendent sur le futur parce que d’autres valeurs restent et que ces
valeurs là sont plus importantes. Je peux pardonner un mensonge, voire que mon partenaire m’ait
trompé, si nos valeurs sont partagées et que notre futur est plus important. La confiance sera
peut-être longue à rétablir. La blessure sera toujours là. Mais elle peut ne pas rester béante.
Entreprendre une négociation, signifie donc toujours envisager au préalable quelles concessions
sont possibles, voire même si je peux pardonner, sinon ce ne sera qu’un règlement de comptes.
Envisager les concessions ne veut pas dire pour autant que d’emblée nous devions abattre nos
atouts !
Entreprendre une négociation signifie, tout au cours du débat et même avant la rencontre, de ne
pas se mettre en position passive ni en position agressive.
Vous êtes au clair, ici et maintenant, avec vos désirs et vos besoins ? Vous avez déterminé de
quelles limites il s’agit et vous savez si c’est un « il faut » ou un « ce serait bien si » ? Vous avez
pu relativiser les conséquences d’un refus et vous savez jusqu’où vous êtes prêt à aller dans vos
concessions ? Vous pouvez comprendre les désirs et les besoins de l’autre ? Vous vous sentez
prêt(e) à n’être ni passif(ve) ni agressif(ve) ? Vous avez en tête la méthode JEEEP ? Alors vous
pouvez entamer la négociation.
Issues de la négociation :
1. L’autre est rentré(e) en négociation
a. Concluez avec les points d’accords
b. Si des points de désaccords importants persistent :
i. Pointez-les
1
Fanget F. 2002 « Affirmez-vous » Odile Jacob Paris
ii. Dites que vous reviendrez sur le sujet (et faites-le)
iii. Exprimez vos sentiments négatifs « Je suis déçu(e) que nous ne soyons
pas parvenus à un accord sur tel sujet qui est important pour moi »
c. Terminez par les sentiments positifs en impliquant l’autre « Je suis heureux(se)
que tu aies accepté de discuter avec moi, et j’espère que dans l’avenir nous ne
tarderons plus si longtemps avant d’exprimer nos problèmes. »
Le principe de la méthode :
1. Convenir ensemble d’un moment, d’un lieu, du temps nécessaire, du sujet de la
négociation et prévenir si cela risque d’impliquer votre interlocuteur
2. Etre au clair avec ses mises de limites et les concessions possibles
3. La méthode JEEEP
- Je
- Exprimer le problème objectivement et de la façon la plus concise possible
- Exprimer mes sentiments
- être Empathique avec l’autre
- être Persévérant
4. Savoir conclure la discussion (dans les temps)
Quand ?
Où ? Mes limites ?
Combien de temps ?
Sujet ? Mes concessions ?
Qui est en cause ?
JEEEP
Savoir
conclure
Assertivité : Exercices
Voici une série de situations où il y a lieu de pouvoir s’affirmer. Exprimez dans le tableau si vous
trouvez ces situations très faciles ou au contraire très difficiles en utilisant le différentiel qui va de
1 à 10. Si la situation ne vous concerne jamais, sautez la ligne
Très facile
Très difficile
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Sortir d’une salle de conférence parce que l’on a un
besoin pressant
Demander dans un groupe de pouvoir fermer une
fenêtre
Demander à son partenaire d’aider aux tâches
ménagères
Exprimer son besoin de faire l’amour
Demander d’aider à décharger la voiture alors que
son partenaire se repose dans le divan
Demander au voisin de faire moins de bruit
Dire à un collègue qu’il sent fort et de façon répétée
la transpiration
Très facile
Très difficile
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Proposer à quelqu’un de faire du sport avec moi
Proposer à son compagnon d’aller à la fête de la
musique
Demander à son patron si mon contrat va être
renouvelé
Demander à quelqu’un de ne pas fumer devant moi
quand je mange
Demander à quelqu’un de rouler moins vite
Demander à mon voisin ou ma voisine de
déplacement d’attacher la ceinture de sécurité de ses
enfants
Demander à mes collègues si je peux me joindre à
eux pour aller manger
Exprimer à mon partenaire qu’il sera seul un soir de
la semaine prochaine parce qu’on a prévu d’aller
manger avec des collègues (ou des copin(e)s)
Téléphoner à quelqu’un pour lui demander de
participer à un groupe
Exprimer à son partenaire que l’on aurait besoin de
plus de câlins
Proposer un week-end en amoureux
Exprimer à quelqu’un qu’on ne partira pas en
vacances avec lui
Exprimer à quelqu’un qu’on l’aime bien
Recevoir un cadeau ou des fleurs alors qu’on ne fête
aucun événement spécial
Féliciter quelqu’un
Très facile
Très difficile
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Exprimer à son supérieur que vu l’heure à laquelle il
demande une tâche à réaliser ce sera pour demain
Dire à quelqu’un que sa braguette est ouverte
Demander un congé impromptu
Parmi les exemples ci-dessus, regardez les situations qui vous semblent les plus difficiles à
affronter et demandez-vous ce qu’elles ont en commun.
Me suis-je autorisé(e) à me dire que mes besoins et mes envies sont aussi respectables que celles
de l’autre ? (Que je peux dire NON)
2. Négocier
Phase 1 : Mettre des limites (si vous avez choisi le même exemple qu’au chapitre précédent
passez directement à la phase 2)
Etape 1 :
Si je me remets dans la situation, à ce moment là quels étaient mes envies et mes besoins ?
Ai-je exprimé à l’autre quelles étaient mes envies ? (Il n’est pas devin et ne peut pas lire dans
votre tête)
Etape 2 :
Etait-ce un il faut ou un ce serait bien si ?
1. De quel genre de limites s’agissait-il?
a. Me demandait-on de transgresser une loi naturelle ou de faire quelque chose qui
n’était pas possible pour moi ?
b. S’agissait-il d’une règle convenue ?
c. Ou avais-je envie qu’on me respecte dans mes désirs et mes besoins ?
2. Parfois, à force de ne pas exprimer ses désirs, les choses deviennent une règle
implicite. Etait-ce le cas ici ?
Etape 4 :
Quels sont les désirs, les besoins de l’autre ?
1. Vous a-t-il exprimé ses envies, ses désirs, ses besoins ? Si non, lui avez-vous
demandé ?
Etape 1 :
Où, quand, comment ?
1. Comment formuler clairement ce dont vous voulez discuter ? (Utilisez le « je »)
2. Quand serait-ce un moment opportun et combien de temps serait nécessaire ?
3. Quel serait le lieu le plus opportun pour discuter ? (Parfois ce lieu est tout à fait égal,
mais souvent vous avez avantage à prendre un lieu neutre. Si la discussion se passe avec
votre partenaire, il est évident que le contexte sera tout à fait différent si vous allez au
resto, si vous discutez dans son bureau, dans la cuisine ou au lit. Si la discussion se passe
avec votre chef, il en va de même : son bureau, votre bureau, la salle de réunion ou le
resto ?)
4. Quel est pour vous, le lieu qui vous rendrait le plus mal à l’aise pour discuter (et que
vous devez donc refuser absolument)
5. Est-il nécessaire de se munir de documents pour discuter ? (ne fut-ce que son agenda)
Faut-il qu’un tiers soit présent ? (Comment être d’accord tous les deux sur ce tiers ?)
Etape 2
Mes concessions possibles ?
Les concessions faciles à faire :
Etape 3
Envisager la négociation
Eviter une POSITION PASSIVE:
1. Mettre vos besoins et vos envies en-dessous de l’autre
2. Croire que l’autre devrait savoir
3. S’excuser ou enrober votre discours de périphrases inutiles
4. Utiliser le « on » qui ne désigne personne
5. Rentrer dans des explications sans qu’on ne vous en demande et/ou sans qu’elles ne
soient utiles
6. Abattre dès le départ vos concessions ultimes
Utilisez plutôt la POSITION ASSERTIVE : par exemple par la méthode JEEEP. (les trois E
peuvent se faire dans n’importe quel ordre)
1. J comme « je » ou à la limite comme « nous »
2. E comme « Exprimer le problème brièvement»
3. E comme « être Empathique »
4. E comme « Exprimer ses émotions »
5. P comme « Persévérez dans votre demande »
Comment allez-vous exprimer vos émotions pour qu’il l’entende ? (utilisez le je)
Persévérer (Pouvez-vous imaginer une contre pensée automatique qui vous fasse tenir bon ou
un ancrage que vous pouvez utiliser)
Etape 4
Sortir de la négociation
L’autre est rentré en négociation mais vous n’êtes pas satisfait
Il s s’emporte
Il refuse de discuter
Phase 1 : Mettre des limites (si vous avez choisi le même exemple qu’au chapitre précédent
passez directement à la phase 2)
ii. A-t-on heurté de front une de vos valeurs fondamentales ? (Auriez-vous pu être
plus tolérant(e) ?)
1. A bien y réfléchir, jusqu’où est-ce un il faut impératif ou un ce serait bien si ? Quelle est
ma marge de manœuvre ?
Etape 3 : Relativiser les conséquences d’un refus
Avantages de dire non Inconvénients de dire non
Etape 1 :
Où, quand, comment ?
1. Comment formuler clairement ce dont vous voulez discuter ? (Utilisez le « je »)
5. Est-il nécessaire de se munir de documents pour discuter ? Faut-il qu’un tiers soit
présent ?
Etape 2
Mes concessions possibles ?
Les concessions faciles à faire :
Comment allez-vous exprimer vos émotions pour qu’il l’entende ? (utilisez le je)
Persévérer (Pouvez-vous imaginer une contre pensée automatique qui vous fasse tenir bon ou
un ancrage que vous pouvez utiliser)
Etape 4
Sortir de la négociation
L’autre est rentré en négociation mais vous n’êtes pas satisfait
Il s’emporte
Il refuse de discuter