Bruch, Jean-Louis. La Philosophie Religieuse de Kant.
Bruch, Jean-Louis. La Philosophie Religieuse de Kant.
Bruch, Jean-Louis. La Philosophie Religieuse de Kant.
Nédoncelle Maurice. Jean-Louis Bruch, La philosophie religieuse de Kant, (Collection Analyse et Raisons) 1968 ;; Id., Lettres
de Kant sur la morale et la religion. Introduction, traduction et commentaires, (Bibliothèque philosophique bilingue) 1969. In:
Revue des Sciences Religieuses, tome 45, fascicule 2, 1971. pp. 186-189;
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1971_num_45_2_2612_t1_0186_0000_2
Faudrait-il alors penser que le destin moral lui-même de l'espèce est radieux
et qu'il profite des antagonismes individuels grâce à une ruse de la nature ?
La chose est insinuée parfois et M. Bruch aurait pu citer peut-être plus
abondamment les textes déconcertants dans lesquels le philosophe se révèle
prussien au pire sens du mot, se faisant l'apologiste d'un ordre « patholo-
giquement extorqué » (cette dernière expression est citée p. 163). J'ai
éprouvé, d'autre part, une sorte de malaise devant l'indécision où Kant nous laisse
sur la nature de la société à laquelle il applique ses schémas : où sont les
frontières de l'Eglise, de l'Etat, de l'humanité ?
Nous avons coutume d'enfermer toute la religion de Kant dans les limites
de la raison, conformément au titre de son livre. Mais M. Brueh repère très
finement les parerga de cette religion ; à la différence de Fichte, Kant admet
que la révélation puisse être d'une certaine manière la monitrice de la raison.
De certains dogmes suprarationnels, tel celui de la grâce, il attend une réponse
aa besoin de l'homme. Tout se passe comme s'il y avait deux régions de la
croyance raisonnable : l'une qui correspond aux postulats de la Critique de
ta. raison pratique, l'autre qui irait jusqu'à ce que j'apellerais des dogmes
libres, non-déraisonnables, ou des pressentiments rationnels, si ces expressions
pouvaient être kantiennes.
Quelle conclusion retenir ? Kant est plus nuancé et plus ouvert au
christianisme qu'on ne le dit généralement (ainsi, il ne dissout pas tout miracle
dans un pur symbolisme). Mais il est ambigu et divers, plus encore qu'on ne le
dit généralement. Au demeurant, c'est un penseur chrétien qui s'est à peu
près complètement affranchi de toute orthodoxie. Nous le savions peut-être
avant d'avoir lu ce livre ; mais la preuve en est donnée maintenant de façon
sûre et circonstanciée.
La thèse secondaire de M. Bruch est une édition bilingue et commentée
de 25 lettres de Kant sur la morale et la religion. Ecrite sans apprêts, et par
là même difficile à traduire, la correspondance du philosophe n'avait jamais
été présentée en notre langue. Ces textes devancent ou confirment certains
passages des œuvres proprement dites ; ils renseignent aussi sur la pédagogie
de Kant, sur le milieu où il vécut et, bien entendu, sur certains traits de son
caractère plus ou moins conformes à sa légende.
M. Nédoncellb