Chap Alg Banach - 2
Chap Alg Banach - 2
Chap Alg Banach - 2
Algèbres de Banach
6.1 Introduction
Définition 6.1.1 Soit A une algèbre sur C équipée d’une norme k · k. On dit que
A est une algèbre de Banach si les deux conditions suivantes sont satisfaites :
xe = ex = x (x ∈ A) et kek = 1,
alors, on dit que A est une algèbre de Banach unitaire. L’élément e s’appelle
l’élément unité de l’algèbre A.
Enfin, nous dirons qu’une algèbre A est commutative si xy = yx pour tous
x, y ∈ A.
• Concernant l’existence d’un élément unité, notons qu’on peut toujours “plon-
ger” isométriquement une algèbre de Banach quelconque dans une algèbre
de Banach unitaire. En effet, si A est une algèbre de Banach (sans unité),
51
52 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
Alors on vérifie (exercice 6.8.5) que A♯ est une algèbre de Banach unitaire
et A se plonge isométriquement dans A♯ .
xn y → xy et xyn → xy (6.1)
si xn → x et yn → y.
Comme on le verra dans l’exercice 6.8.1, la condition (ii) peut être remplacée
par la condition (6.1) (apparemment plus faible) et la condition de normalisation
de l’élément unité peut être omise sans élargir la classe des algèbres considérées.
Donnons maintenant quelques premiers exemples classiques d’algèbres de Ba-
nach.
Exemple 6.1.1 (a) Soit X un ensemple quelconque ; l’ensemble B(X) des fonc-
tions bornées de X dans C, équipé des opérations usuelles et de la norme
du “sup”
kf k∞ := sup |f (x)|,
x∈X
est une algèbre de Banach unitaire, commutative. (Notons que cette algèbre
est, pour X = N, l’algèbre ℓ∞ des suites bornées de nombres complexes).
6.1. INTRODUCTION 53
(d) Toute sous-algèbre fermée de L(E) et contenant l’opérateur identité est une
algèbre de Banach unitaire. En fait, on peut montrer que toute algèbre de
Banach unitaire est isomorphe à une sous-algèbre fermée de L(E), conte-
nant l’identité (voir exercice 6.8.1).
(e) Soit Ω un domaine (i.e. un ouvert connexe) borné du plan complexe. L’algèbre
H ∞ (Ω), constituée des fonctions holomorphes et bornées sur Ω, est une
algèbre de Banach unitaire et commutative pour la norme du sup.
Nous allons donner un lemme élémentaire sur les éléments inversibles qui sera
crucial dans toute la suite. Ce lemme montre comment cette notion algébrique se
mélange avec la topologie.
Lemme 6.2.1 Soit A une algèbre de Banach unitaire et x ∈ A tel que kxk < 1.
Alors
(a) e − x ∈ Inv(A),
6.2. INVERSIBILITÉ ET SPECTRE. 55
kxk2
(b) k(e − x)−1 − e − xk ≤ 1−kxk
.
Preuve : Comme kxn k ≤ kxkn et kxk < 1, la suite (sn )n≥0 , définie par
sn := e + x + x2 + · · · + xn ,
forme une suite de Cauchy dans A. Puisque A est complète, il existe s ∈ A tel
que sn → s. Un calcul immédiat montre que
sn (e − x) = e − xn+1 = (e − x)sn ,
s(e − x) = e = (e − x)s.
ce qui démontre (a). Pour prouver (b), on écrit, d’après (6.2), que
∞
X
(e − x)−1 − e − x = xn
n=2
et donc
∞
X
−1 kxk2
k(e − x) − e − xk ≤ kxkn = .
n=2
1 − kxk
1
Preuve : Ecrivons x + h = x(e + x−1 h). Or kx−1 hk ≤ kx−1 kkhk ≤ 2
< 1 et
donc le lemme 6.2.1 implique que e + x−1 h ∈ Inv(A). Comme Inv(A) est un
groupe, on en déduit que x + h ∈ Inv(A). De plus,
(x + h)−1 − x−1 + x−1 hx−1 =(e + x−1 h)−1 x−1 − x−1 + x−1 hx−1
= (e + x−1 h)−1 − e + x−1 h x−1 ,
56 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
k(x + h)−1 − x−1 + x−1 hx−1 k ≤k(e + x−1 h)−1 − e + x−1 hkkx−1 k
kx−1 hk2
≤ −1
kx−1 k.
1 − kx hk
Corollaire 6.2.2 Soit A une algèbre de Banach unitaire. Alors Inv(A) est un
sous-ensemble ouvert de A et l’application ϕ : x 7−→ x−1 est un C ∞ -difféormorphisme
de Inv(A) sur lui-même. De plus, sa différentielle au point x ∈ Inv(A) est
donnée par
dx ϕ(h) = −x−1 hx−1 .
avec Lx (h) = −x−1 hx−1 . Il est clair que Lx est une forme linéaire, continue sur
A, avec kLx k ≤ kx−1 k2 . Par conséquent, ϕ est différentiable et sa différentielle
est dx ϕ = Lx .
Définissons maintenant Θ : A × A −→ L(A) par
Il est évident que Θ est une application bilinéaire et continue, de norme plus
petite que 1. Par conséquent, Θ est de classe C ∞ sur A × A. Or
et donc on en déduit que x 7−→ dx ϕ est continue. Autrement dit, ϕ est de classe
C 1 sur Inv(A). Par récurrence, en utilisant (6.4), on obtient que ϕ est de classe
C ∞ sur Inv(A).
Finalement, remarquons que ϕ est une bijection de Inv(A) sur Inv(A) et
son inverse est elle-même, i.e. que ϕ−1 = ϕ. Donc on en déduit que ϕ est un
C ∞ -difféomorphisme de Inv(A) sur lui-même.
Nous introduisons maintenant les principaux outils spectraux qui vont être
utilisés dans tout ce cours.
σ(x) := {λ ∈ C : λe − x 6∈ Inv(A)}.
(a) L’ensemble résolvant R(x) est ouvert et l’application résolvante R(·, x) est
holomorphe dans R(x). De plus, pour tout (λ, µ) ∈ R(x) × R(x), on a
Preuve :
(a) considérons f : C −→ A définie par
f (λ) := λe − x.
et donc
R(µ, x) − R(λ, x)
lim = −R(λ, x)2 .
µ→λ µ−λ
Ainsi, R(·, x) est une fonction holomorphe de R(x) dans A. Pour démontrer
l’équation (6.5) vérifiée par la résolvante, il suffit de remarquer que µe − x et
λe − x commutent et donc on a
(c) On sait d’après (a) que σ(x), qui est le complémentaire de R(x), est
fermé. De plus, d’après (b), σ(x) est borné. Ainsi, le spectre σ(x) de x est un
sous-ensemble fermé et borné de C, c’est donc un compact. Il reste à vérifier que
σ(x) est non vide. Pour cela, nous allons raisonner par l’absurde, en supposant
que R(x) = C. Alors R(·, x) est une fonction entière (i.e. holomorphe dans C), à
valeurs dans A. De plus, pour |λ| > kxk, on a avec l’égalité (6.2)
X∞
xn
R(λ, x) = ,
n=0
λn+1
et donc
1
kR(λ, x)k ≤ . (6.6)
|λ| − kxk
En particulier, on en déduit que
lim R(λ, x) = 0,
|λ|→+∞
et donc R(·, x) est une fonction bornée. Le théorème B.3.6 (de Liouville) implique
alors que R(·, x) est constante et donc R(λ, x) = 0, ∀λ ∈ C, ce qui est absurde.
(d) Soit λ ∈ σ(x−1 ). Cela signifie que λe − x−1 n’est pas inversible. Comme
nécessairement λ 6= 0, on peut écrire
et on en déduit que λ−1 e − x n’est pas inversible. Autrement dit, λ−1 ∈ σ(x),
c’est à dire λ = (λ−1 )−1 ∈ (σ(x))−1 . Par conséquent, on a prouvé que
σ(x−1 ) ⊂ (σ(x))−1 .
soit
(σ(x))−1 ⊂ σ(x−1 ),
Remarque 6.2.1 Le fait que le spectre d’un élément est toujours non vide est
une généralisation du résultat qui dit qu’une matrice A ∈ Mn (C) a toujours au
moins une valeur propre (complexe).
Preuve : Soit λ ∈ σ(x). Cela signifie que λe − x n’est pas inversible. D’autre
part, il existe un unique polynôme q ∈ C[X] tel que
D’où
p(λ)e − p(x) = (λe − x)q(x) = q(x)(λe − x),
et donc λe−x serait inversible, ce qui est absurde. Par conséquent, p(λ) ∈ σ(p(x)).
On a donc prouvé que
p(σ(x)) ⊂ σ(p(x)).
p(X) − λ :
p(X) − λ = α(X − α1 )(X − α2 ) . . . (X − αn ),
αi étant les racines du polynôme p(X) − λ. Comme p est supposé non nul, α 6= 0
et on a
λe − p(x) = (−1)n α(α1 e − x)(α2 e − x) . . . (αn e − x).
λ = p(αi ) ∈ p(σ(x)).
Remarque 6.2.3 Nous allons voir au second chapitre qu’on peut définir un cal-
cul fonctionnel holomorphe qui permet de donner un sens à f (x), pour f holo-
morphe sur un ouvert Ω contenant le spectre de x. De plus, nous démontrerons
une propriété spectrale importante, à savoir la relation suivante :
Dans le théorème 6.2.1 et dans le lemme 6.2.2, nous avons déjà vu que la rela-
tion (6.7) est vraie si f est un polynôme et si x est inversible et f (z) = z −1 .
1 1
r(x) = lim kxn k n = inf kxn k n .
n→+∞ n≥1
62 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
1
Preuve : Notons α = inf n≥1 kxn k n . Soit λ ∈ σ(x). Le lemme 6.2.2 implique
que λn ∈ σ(xn ) et donc avec le théorème 6.2.1, on obtient que |λn | ≤ kxn k, soit
|λ| ≤ kxn k1/n pour tout n ≥ 1. Par conséquent, on en déduit que
De plus, on a évidemment
1 1
α ≤ lim inf kxn k n ≤ lim sup kxn k n .
n→+∞ n→+∞
Pour cela, nous allons utiliser la théorie des fonctions holomorphes et des séries
entières. Notons Ω = D(0, r(x)−1) (si r(x) = 0, alors Ω = C) et considérons
f : Ω −→ A définie par f (0) = 0 et
Si λ ∈ Ω\ {0}, alors |λ−1 | > r(x) et donc λ−1 ∈ R(x). Le théorème 6.2.1 implique
alors que f est holomorphe dans Ω \ {0}. D’autre part, on sait aussi, toujours
d’après le théorème 6.2.1 (voir la preuve), que
lim R(1/λ, x) = 0.
λ→0
Donc f est continue sur Ω. La proposition B.3.1 implique alors que f est ho-
1
lomorphe dans Ω. D’un autre coté, si 0 < |λ| < , le lemme 6.2.1 implique
kxk
que −1
1
f (λ) = e−x = λ(e − λx)−1
λ
+∞
X
= λn+1 xn ,
n=0
et cette relation est évidemment valable aussi pour λ = 0. Notons R le rayon
+∞
X
de convergence de la série entière λn+1 xn . Comme f est holomorphe sur Ω,
n=0
6.2. INVERSIBILITÉ ET SPECTRE. 63
et donc finalement
1
lim sup kxn k n ≤ r(x),
n→+∞
Remarque 6.2.4 Qu’un élément d’une algèbre A soit inversible ou non est une
propriété purement algébrique ; ainsi le spectre de x et le rayon spectral de x ne
dépendent que de la structure algébrique de A, et d’aucune considération métrique
(ou topologique). Par contre, la limite dans l’énoncé du théorème 6.2.2 dépend
des propriétés métriques de A. C’est un des aspects remarquables de ce théorème :
il affirme l’égalité des deux quantités qui interviennent de manière entièrement
différente.
Remarque 6.2.5 Notre algèbre A peut être une sous-algèbre d’une algèbre de
Banach B plus grande. Alors il peut très bien arriver qu’un élément x ∈ A ne
soit pas inversible dans A mais le soit dans B. Le spectre de x dépend donc de
l’algèbre. Si on note par σA (x) (resp. σB (x)) le spectre de x relativement à A (resp.
B), alors on a σA (x) ⊂ σB (x). De plus, l’inclusion peut être stricte. Cependant, le
rayon spectral est le même dans A ou dans B, puisque le théorème 6.2.2 montre
qu’il peut être exprimé en fonction des propriétés métriques des puissances de x,
qui sont indépendantes de tout ce qui se passe à l’extérieur de A.
De ces résultats établis par des techniques élémentaires, nous pouvons déjà
dégager une conséquence fondamentale.
Comme nous allons le voir dans la suite du cours, la théorie des algèbres
de Banach dépend crucialement des homomorphismes d’algèbres à valeurs com-
plexes.
ϕ(xy) = ϕ(x)ϕ(y)
pour tout x ∈ A et y ∈ A.
On notera Car(A) l’ensemble des caractères de A.
Preuve : Comme ϕ est non identiquement nul, il existe y ∈ A tel que ϕ(y) 6= 0.
Donc puisque
ϕ(y) = ϕ(ye) = ϕ(y)ϕ(e),
et par conséquent ϕ(x) 6= 0. Finalement, la seule chose qu’il reste à prouver est
que, pour tout x ∈ A, on a
|ϕ(x)| ≤ kxk.
Soit x ∈ A et notons λ = ϕ(x). Supposons que |λ| > kxk. Le lemme 6.2.1
implique alors que λe − x est inversible et donc d’après ce qui précède, on obtient
que ϕ(λe − x) 6= 0, ce qui est absurde car
Par conséquent, |ϕ(x)| ≤ kxk, ce qui prouve que ϕ est une forme linéaire continue
de norme au plus 1. Mais comme ϕ(e) = 1, on obtient que la norme est exactement
1.
Nous réinjectons maintenant un peu d’algèbre dans notre étude avec la notion
d’idéal.
Preuve :
• Il est bien connu (et évident !) que si J est un sous-espace vectoriel d’un
espace vectoriel normé, alors J reste un sous-espace vectoriel. D’autre part,
si x ∈ A, y ∈ J , alors il existe une suite (yn )n ⊂ J telle que yn → y, lorsque
n → +∞. La continuité de la multiplication dans A implique alors que
xyn → xy, n → +∞. Comme J est un idéal, xyn ∈ J et donc xy ∈ J. Ceci
achève de prouver que J est un idéal.
• Il reste à montrer que J est un idéal propre si J est un idéal propre. Rai-
sonnons encore par l’absurde en supposant que J = A. En particulier, on a
e ∈ J et donc il existe x0 ∈ J tel que ke − x0 k < 1. Le lemme 6.2.1 implique
alors que x0 = e + (x0 − e) est inversible, ce qui est en contraction avec le
point précédent.
6.3. IDÉAUX ET CARACTÈRES D’UNE ALGÈBRE DE BANACH 67
La première partie du résultat suivant est en fait valable dans tout anneau
commutatif unitaire et est donc un résultat purement algébrique.
Preuve : (a) Nous allons utiliser le lemme de Zorn. Soit J un idéal propre
de A et soit P la famille de tous les idéaux propres de A contenant J. Tout
d’abord, bien évidemment P =
6 ∅ car J ∈ P. Maintenant soit Q une sous-famille
totalement ordonnée de P. Considérons
[
M := Q.
Q∈Q
(a) L’espace quotient A/J est une algèbre commutative qui possède une unité.
(c) A/J est un corps (i.e. tout élément non nul est inversible) si et seulement
si J est un idéal maximal.
Remarquons que cette définition a bien un sens car si π(x) = π(y), cela implique
que x − y ∈ J et donc dist(x, J) = dist(y, J).
Nous allons montrer que k · kA/J définit une norme sur l’espace quotient A/J.
Cette norme s’appelle la norme quotient.
(b) L’algèbre A/J, muni de la norme quotient, est une algèbre de Banach uni-
taire.
Preuve :
(a) Vérifions que k · kA/J est une norme sur l’espace vectoriel A/J :
• Pour tous x, y ∈ A, on a
=kπ(x)kA/J + kπ(y)kA/J .
• Vérifions que A/J est un espace de Banach : soit (π(xn ))n≥1 une suite de
Cauchy dans A/J. Alors, pour chaque entier k ≥ 1, il existe un entier N(k)
tel que
1
kπ(xm ) − π(xn )kA/J < , m, n ≥ N(k).
2k
De plus, la suite (N(k))k≥1 peut-être choisie strictement croissante. Posons
uk := xN (k) , k ≥ 1. Nous allons montrer que (π(uk ))k≥1 , qui est une sous-
suite de (π(xk ))k≥1 , est convergente. Comme
1
kπ(uk+1−uk )kA/J = kπ(uk+1)−π(uk )kA/J = kπ(xN (k+1) )−π(xN (k) )kA/J < ,
2k
on en déduit qu’il existe zk ∈ J tel que
1
kuk+1 − uk + zk k < .
2k
Définissons alors vk = uk+1 − uk + zk et
n
X n
X
wn = vk = un+1 − u1 + zk .
k=1 k=1
kx + zk ≤ kπ(x)kA/J + ǫ et ky + wk ≤ kπ(y)kA/J + ǫ.
• Vérifions que π(e), l’élément neutre de l’algèbre A/J, est de norme 1 : soit
x 6∈ J. Comme π(x) = π(x)π(e), en appliquant l’inégalité (6.8), on obtient
algèbres de Banach commutatives et unitaires sera alors, dans une grande me-
sure, réduite à l’étude d’objets plus familiers (et plus particuliers), notamment les
algèbres de fonctions continues sur un compact. Cependant, comme nous le ver-
rons dans la section suivante, le théoréme 6.5.1 a déjà des conséquences concrêtes
intéressantes, même sans l’introduction de cette topologie.
Ix = {ax : a ∈ A}.
Comme Ix est un idéal qui contient x, nécessairement, il n’est pas propre ! Donc
Ix = A. En particulier, e ∈ Ix et donc il existe x′ ∈ A tel que x′ x = e, ce qui
prouve que x est inversible.
(d) Il suffit d’appliquer (b) à λe − x.
74 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
Remarque 6.5.1 Comme un idéal maximal est nécessairement fermé (théorème 6.3.2),
une conséquence du théorème 6.5.1 est que si ϕ est un caractère d’une algèbre
de Banach unitaire et commutative, alors son noyau est fermé, ce qui implique
que ϕ est continue. Ainsi, dans le cadre des algèbres de Banach commutatives et
unitaires, on obtient une autre démonstration du fait qu’un caractère est automa-
tiquement continue (voir théorème 6.3.1).
6.6 Applications
Nous donnons maintenant deux exemples d’algèbres de Banach unitaires et
commutatives pour lesquelles nous allons déterminer les idéaux maximaux et
les caractères. Pour le premier exemple (l’algèbre des fonctions continues sur
un compact), on cherchera d’abord les idéaux maximaux pour en déduire les
caractères. Pour le second exemple (l’algèbre de Wiener), on fera le contraire, on
cherchera d’abord les caractères pour en déduire les idéaux maximaux.
kf k∞ := sup |f (x)|.
x∈X
Ex (f ) := f (x), f ∈ C(X).
6.6. APPLICATIONS 75
• k(O) est un idéal de C(X) et que k(O) = k(O), où O est la fermeture de
O.
\
h(J) := {x ∈ X : f (x) = 0, ∀f ∈ J} = f −1 (0).
f ∈J
[
X= Ωa ,
a∈X
Corollaire 6.6.1 Les caractères de C(X) sont exactement les évaluations aux
points de X. Autrement dit, ϕ est un caractère de C(X) si et seulement s’il
existe x ∈ X tel que ϕ = Ex .
idéal maximal. D’après le théorème 6.6.1, cela implique qu’il existe x ∈ X tel que
ker ϕ = k({x}) = ker Ex . Donc comme Ex et ϕ sont deux morphismes d’algèbres
de A sur C, on en déduit que nécessairement ϕ = Ex .
Notre deuxième application concerne les séries de Fourier absolument conver-
gentes.
où Z 2π
1
fˆ(n) = f (eiθ )e−inθ dθ.
2π 0
Proposition 6.6.1 W (T) est une sous-algèbre de l’algèbre C(T) des fonctions
continues sur T.
Preuve : Le seul point délicat est la stabilité pour le produit. Nous devons
montrer que si f, g ∈ W (T), alors f g ∈ W (T). Bien évidemment, on a f g ∈ C(T)
et donc la seule chose à montrer est que
X
|fcg(n)| < +∞.
n∈Z
78 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
Or
X X
g(t) = ĝ(p)ǫp (t) = ĝ(p)ǫ−p (t).
p∈Z p∈Z
D’où
X X
g(t)ǫn (t) = ĝ(p)ǫn−p (t) = ĝ(n − j)ǫj (t),
p∈Z j∈Z
i.e. f g ∈ W (T) et on a
! !
X X X
|fcg(n)| ≤ ˆ
|f(k)| |ĝ(k)| , (6.11)
n∈Z k∈Z k∈Z
On notera que C(T) est pour la norme du sup une algèbre de Banach. Ceci
dit, l’énoncé précédent est à prendre dans un sens purement algèbrique : W (T)
n’est pas fermée pour la norme k · k∞ et ce n’est pas une sous-algèbre de Banach
de C(T). En revanche, on a :
ˆ
F (f ) = (f(n)) n∈Z .
Il est clair que F est une isométrie. Vérifions que F est surjective. Soit
(an )n∈Z ∈ ℓ1 (Z) et considérons l’application g, définie sur T, par
X
g(z) = an ǫn (z).
n∈Z
kf gkW ≤ kf kW kgkW .
80 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
D’après (6.11), on a
! !
X X X
kf gkW = |fcg(n)| ≤ |fˆ(k)| |ĝ(k)| = kf kW kgkW ,
n∈Z k∈Z k∈Z
• Montrons que W (T) est unitaire. L’élément neutre e de W (T) est clairement
ǫ0 (la fonction identiquement égale à 1). Donc kekW = kǫ0 kW = 1.
Alors, pour n, p ≥ N, on a
X p
X
+∞ +∞
X
ˆ
ˆ ˆ
f − f(k)ǫk
=
f(−k)ǫ−k + f(k)ǫk
k=−n W k=n+1 k=p+1 W
+∞
X +∞
X
= |fˆ(−k)| + ˆ
|f(k)|
k=n+1 k=p+1
ε ε
≤ + = ε.
2 2
Eλ (f ) := f (λ), f ∈ W (T).
Théorème 6.6.3 (Wiener) Soit f une fonction continue sur T dont la série de
Fourier est absolument convergente. Si f ne s’annule pas sur T, alors la série de
Fourier de 1/f est aussi absolument convergente.
Preuve : Il est clair d’après les hypothèses que f ∈ W (T). De plus, d’après
le théorème 6.6.2, pour tout caractère ϕ de W (T), on a ϕ(f ) 6= 0. Ainsi, le
théorème 6.5.1 implique que f est inversible dans W (T). Autrement dit, il existe
g ∈ W (T) telle que f g = ǫ0 , ǫ0 étant l’élément neutre de W (T). Comme ǫ0 est
la fonction identiquement égale à 1, il est clair que g = 1/f . Par conséquent,
on en déduit que 1/f ∈ W (T), ce qui signifie que la série de Fourier de 1/f est
absolument convergente.
On a vu (voir théorème 6.3.1) que tout caractère est une forme linéaire continue
de norme 1 et donc en particulier un élément du dual (topologique) A∗ de A. On
peut donc munir l’espace Car(A) de la topologie induite par la topologie faible∗
de A∗ et on appelle cette topologie la topologie de Gelfand. Par définition de la
6.7. LA TRANSFORMATION DE GELFAND 83
Remarquons que la terminologie “espace idéal maximal” est justifié par le théorème 6.5.1
qui donne une correspondance bijective entre l’ensemble des idéaux maximaux
de A et les éléments de Car(A).
Si on note ∆ l’espace idéal maximal d’une algèbre de Banach commutative,
unitaire, on a (par définition de la topologie de Gelfand) Â ⊂ C(∆), l’algèbre de
toutes les fonctions complexes continues sur ∆.
Théorème 6.7.1 Soit ∆ l’espace idéal maximal d’une algèbre de Banach com-
mutative, unitaire A. Alors
(i) x ∈ rad A.
Preuve : (a) : d’après le théorème 6.3.1, on sait que ∆ est contenu dans
BA∗ , la boule unité fermée de A∗ . Or le théorème de Banach-Alaoglu (voir
théorème A.3.2) affirme que BA∗ , munie de la topologie faible∗ , est compacte.
Par conséquent, pour montrer que ∆ est compact, il suffit de montrer que ∆ est
w∗
fermé dans BA∗ , pour la topologie faible∗ . Soit donc f ∈ ∆ (la fermeture de ∆
pour la topologie faible∗ ). Il s’agit de montrer que f ∈ ∆, c’est à dire que f est
un homomorphisme d’algèbres non trivial de A dans C. Comme f ∈ A∗ , les deux
seules choses à montrer sont :
(ii) f (e) = 1.
z1 = e, z2 = a, z3 = b, z4 = ab
et définissons
Ceci étant vraie pour tout ε > 0, on en déduit que f (e) = 1, ce qui donne (ii).
Pour démontrer (i), remarquons que
f (ab) − f (a)f (b) =f (ab) − g(ab) + g(ab) − f (a)f (b)
≤ε (1 + kak + kbk) ,
ceci étant valable pour tout ε > 0, on en déduit que f (ab) = f (a)f (b), ce qui
achève la preuve de a).
(b) : soient α ∈ C, x ∈ A, y ∈ A et h ∈ ∆. On a
et
(G(x)G(y))(h) = x̂(h)ŷ(h) = h(x)h(y) = h(xy) = G(xy)(h).
Comme les égalités précédentes sont vraies pour tout h ∈ ∆, on en déduit que G
est un homomorphisme d’algèbre de A dans C(∆). Par conséquent, son image,
qui est Â, est bien sûr une sous-algèbre de C(∆). De plus, on a
x ∈ ker(G) ⇐⇒x̂(h) = 0, ∀h ∈ ∆.
⇐⇒h(x) = 0, ∀h ∈ ∆.
\
⇐⇒x ∈ ker h.
h∈∆
86 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
Pour l’équivalence entre (i) et (ii), remarquons que d’après (b) et (c) on a
x ∈ rad A ⇐⇒G(x) = 0,
⇐⇒x̂(h) = 0, ∀h ∈ ∆,
⇐⇒Im x̂ = {0},
⇐⇒σ(x) = {0}.
Les algèbres semi-simples possèdent une propriété importante que nous avons
déjà démontrée dans le cas où B = C (voir théorème 6.3.1).
xn −−−−→ x dans A
n→+∞
et
ϕ(xn ) −−−−→ y dans B.
n→+∞
=ϕ(x) = (h ◦ ϕ)(x).
En particulier, ceci est vrai pour tout automorphisme d’une algèbre de Banach
commutative, unitaire, semi-simple. La topologie d’une telle algèbre est alors dans
un certain sens complètement déterminée par sa structure algébrique.
Dans le théorème 6.7.1, l’algèbre  peut-être ou ne pas être fermée dans C(∆),
muni de la norme du sup. Pour décider de quel cas il s’agit, nous allons voir
qu’il suffit de comparer kx2 k et kxk2 , pour tout x ∈ A. Evidemment l’inégalité
kx2 k ≤ kxk2 est toujours vraie !
88 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
kx2 k kx̂k∞
r= inf , s= inf
x∈A, x6=0 kxk2 x∈A, x6=0 kxk
alors on a s2 ≤ r ≤ s.
En effet, la formule (6.12) est vraie pour n = 1. Supposons qu’elle soit vraie au
rang n. Alors
2n+1
2n 2
n
2
x
=
x
≥ r
x2
n 2 n+1
≥r r 2 −1 kxk2
n+1 −1 n+1
=r 2 kxk2 ,
ce qui prouve la formule au rang n + 1. Ainsi, par récurrence, on en déduit que
(6.12) est vraie pour tout n ≥ 1. En prenant la racine 2n -ième, on obtient
2n
1/2n 2n −1 1
x
≥ r 2n kxk = r 1− 2n kxk.
r(x) ≥ rkxk.
(b) L’algèbre A est semi-simple et  est fermée dans C(∆) si et seulement s’il
existe une constante K telle que, pour tout x ∈ A, on ait kxk2 ≤ Kkx2 k.
kx2 k
r := inf =1
x∈A, x6=0 kxk2
r = 1 ⇐⇒kxk2 ≤ kx2 k, ∀x ∈ A
⇐⇒kxk2 = kx2 k, ∀x ∈ A,
Cette dernière condition est elle même équivalente à l’existence de K > 0 telle
que kx2 k ≥ Kkxk2 , ∀x ∈ A.
On peut alors donner le corollaire suivant :
6.8 Exercices
Exercice 6.8.1 Soit (A, k · k) un espace de Banach (complexe) et supposons que
A est aussi une algèbre ayant un élément unité e 6= 0 et telle que la multiplication
est continue à gauche et à droite. Le but de l’exercice est de montrer qu’il existe
une norme équivalente sur A qui en fait une algèbre de Banach unitaire.
6.8. EXERCICES 91
2) Pour x ∈ A, on pose
kxk′ = kMx kL(A) .
ϕ(x) = Mx .
1) Montrer que A(K) et P (K) sont des algèbres de Banach unitaires (pour la
norme sup).
Soit
n
X
iθ
sn (e ) = ˆ
f(k)eikθ
,
k=−n
et posons
1
σn (f ) := (s0 + s1 + · · · + sn ) .
n+1
Le théorème de Fejer affirme que si f ∈ C(T), alors
lim kσn (f ) − f k∞ = 0.
n→+∞
(i) f ∈ P (T) ;
(iii) fˆ(−k) = 0, k ∈ N∗ .
3) Montrer que
4) Soit f0 (z) := z, z ∈ T. Calculer σP (T) (f0 ), σC(T) (f0 ), puis le rayon spectral
de f0 .
Exercice 6.8.3 Soit Cn [X] l’espace vectoriel des polynômes à coefficients com-
plexes de degré inférieur ou égal à n. On définit une multiplication (interne) ⋆
par ! ! !
n
X n
X n
X X
k k
ak X ⋆ bk X = ap bq Xk,
k=0 k=0 k=0 p+q=k
(c) {e − x : x ∈ B} G.
Xn
5) Soit f (X) = ck X k . Déterminer σ(f ).
k=0
Exercice 6.8.4 Soit X = Cn muni des opérations usuelles qui en font une
algèbre complexe. On considère sur X la norme k · k∞ définie par
J = {(z1 , z2 , . . . , zn ) ∈ A : z1 = z2 = z3 = 0}.
Exercice 6.8.9 Soit (X, d) un espace métrique compact et soit C(X) l’algèbre
de Banach unitaire des fonctions continues sur X. L’objet de cet exercice est
de caractériser tous les idéaux fermés de C(X). On reprend les notations du
paragraphe 6.6.1 :
1) Vérifier que pour O ⊂ X, k(O) est un idéal fermé de C(X) et que k(O) =
k(O).
2) Soit J un idéal fermé de C(X). Montrer que si h(J) contient plus d’un
point, alors J n’est pas maximal.
(ii) Montrer qu’il existe une fonction appartenant à J qui est strictement
positive sur X \ Ωn . En déduire que si g ∈ C(X) et g ≡ 0 sur Ωn , alors
g ∈ J.
(iv) Montrer que k(h(J)) = J (on pourra utiliser (ii) et le lemme d’Ury-
sohn).
4) Conclure que tout idéal fermé de C(X) est de la forme k(O), avec O un
ensemble fermé de X.
1) Vérifier que W + (T) est une sous-algèbre fermée et unitaire de W (T) et que
W + (T) est engendrée par ǫ1 (z) = z, z ∈ T (autrement dit, la plus petite
sous-algèbre fermée de W (T) qui contient ǫ1 est W + (T)).
96 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
2) Vérifier que ǫ1 est inversible dans W (T) mais pas dans W + (T).
1) Montrer que, si (xn )n≥1 est une suite d’éléments de X, alors (xn )n≥1 converge
vers un point a ∈ X si et seulement si, pour toute fonction f ∈ C(X), la
suite (f (xn ))n≥1 converge vers f (a).
ϕ(h)(y) = h(g(y)), (y ∈ Y ).
Exercice 6.8.14 Soit L1 [0, 1] l’espace de Banach composé des fonctions intégrables
sur l’intervalle [0, 1]. On définit une multiplication sur L1 [0, 1] par
Z x
(f ⋆ g)(x) := f (x − t)g(t) dt, (x ∈ [0, 1]).
0
98 CHAPITRE 6. ALGÈBRES DE BANACH
1) Montrer que L1 [0, 1] est une algèbre de Banach. Est-elle unitaire ? Par la
suite, on note A l’algèbre de Banach unitaire construite à partir de L1 [0, 1]
par le procédé décrit dans l’exercice 6.8.5. Pour f ∈ L1 [0, 1], on identifie f
et son image dans A.
3) Soit f ∈ L1 [0, 1]. Montrer que s’il existe ε > 0 telle que f ≡ 0 sur [0, ε],
alors f ∈ rad A.