Paul Ricoeur - de L'interpretation (Essai Sur Freud) PDF
Paul Ricoeur - de L'interpretation (Essai Sur Freud) PDF
Paul Ricoeur - de L'interpretation (Essai Sur Freud) PDF
·1 •
1~ ;, 6S
1
1
. - P ~ rJ
,
PAUL RICŒUR -
1
,...
1 •
DE
,
1 L'INTERPRÉTATI ON
.
1 •
ESSAI SUR FREUD
1 •
• 1 , .'
1
• . ... . .
.... ,.. • • 1
1
- • .
•
•
.,. . .'
-· ' • • 0
. J •
.
'
• • • •
• • 1
~.
1
1
•
1
•
1
1
..
,. ,...'' "'" -- .. ; . ...~~ ,
~ ........
,·.::::·:~·~·l·
1
·- ' • "" •• - ·. t ... • • "
• -=-~-.~ 1 , . ~ · . rb
![. . -.<( ., , ,, . ~ . . ... 1
• ...., .. \) ' •..
-· - -··"' .-·J· ,._.,_,r ·1·---··
-. --· •' ....
,~ , ···
: ~
·
•
1
1. • -·.-·-. ··-.
r-:.
' ·-. 1 11. . f. 11 1 1-
···-· · · · --· ' 1 • • •
J- .
. • 1c::.:.~ ! ,,) i ·. J: .... -·~
~ .. r , '\ • • ... .. • • .
:-j .... ,. ~.: ,· '-!- J.. é::: ~-~ _:;.·. .-- ~ i
r . . '.J
- l 1 :
1
: .: ! 1 : 1:
:··.· ·~
•
•
1-·
"' '""" "" '
• ,· ,
'
:-1· .. r\ ..··.. . ·• • ,..... • ' ,. ' :-.. -
•'-t-
·.J .J 1 ,- -. ,.- • • , 1
l
1 5F ;:_.::.:;·:.~, f <:.:.~'1 ·
1 - · ~-- • . • --:·- • •
"':...
\J-.II'IIW'_.,.\.ft,:At)li'V' ::,la&!~
1
1
ÉDITIONS DU SEUIL
• 27, rlll Jaçob, Paris VIe
!
....-- -...•"L.l'l.",l::alb.,
..._ ....... -
.. •.
•
•
•
.. .1 '
• 1
• 1
• 1
1
1
l
•
.
•
1
•
\
!
•
1
•
,
1
)
1 c
1 l'
'Y
l'
•
•
l'
r n
SI
d
l'
él
C<
•
Ct
el
•
E
dl
sc
te
1
•
JU
pc
ré
ar
•
Tous droits de reproduction, d'adaptation tlc
et de traduction réservés pour tous les pays. d(
C ~ditions du Seuil, 1965. p(
•
cl.
-· .,.~··
.!'.....,__
•
) •
• •
•
t1 ' J
•
•
;
r
• 1 •
1
1 •
1
• •
•
.1 •
. •
1
l
'
1 AVANT-PROPOS
l
•
ce qu'il peut et ce qu'il ne peut pas attendre de ce livre.
D'abord ce livre porte sur Freud et non sur la psychanalyse;
cela signifie qu'il y manque deux choses : l'expérience analytique
elle-même et la prise en considération des écoles post-freudiennes.
•
En ce qui concerne le premier point, c'est sans doute une gageure
d'écrire sur Freud sans être ni analyste ni analysé et de traiter
son œuvre comme un monument de notre culture, comme un
texte dans lequel celle-ci s'exprime et se comprend; le lecteur
' jugera si cette gageure est un pari perdu. Quant à la littérature
post-freudienne, je l'ai délibérément écartée, soit parce qu'elle
résulte des corrections apportées au freudisme par l'expérience
analytique que je n'ai pas, soit parce qu'elle introduit des concep-
tions théoriques nouvelles dont la discussion m'aurait éloigné du
débat sévère avec le seul fondateur de la psychanalyse; c'est
pourquoi j'ai traité l'œuvre de Freud comme une œuvre désormais
close, et renoncé à discuter les conceptions, soit de dissidents
•
1
•
•
•
~
••
AVANT-PROPOS .. .'
8
'
~ •
••
-,• • AVANT-PROPOS
•
•
1
•.
11
• L'exécution de ce programme exigeait que je dissocie une Lec-
1
ture de Freud, aussi rigoureuse que possible, de l'Interprétation
• Philosophique que je propose. Le lecteur pourra donc traiter le
••
1
•••
Livre II comme un ouvrage séparé et se suffisant à lui-même;
l fai tenu à ·y rester au contact du texte freudien lui-même; à cet
.1 effet j'ai retraduit presque tous les textes que je cite 6• Quant à
l'interprétation philosophique, elle encadre ma Lecture de Freud
et se partage entre les questions qui constituent la Problématique
du Livre 1 et les essais de solution qui forment la Dialectique du
Livre III 8•
•
1 S· En dépit de Ja lourdeur du procédé, je me suis résolu à citer Io le texte
l allemand dans les Gesammelte Werke (sigle : G. W.), parce que c'est le texte origi-
1
1
f
nal; -2° la référence de la Stmzdard Edition de Londres (sigle : S. E.), parce
l que c'est la seule édition critique; 3° les traductions françaises disponibles,
1. afin que le lecteur puisse replacer les citations dans leur contexte et discuter les
•
traductions respectives.
6. Les quatre problèmes énoncés plus haut constituent les quatre niveaux •
de cette Dialectique•
• •
• •
•• •
'
•
--- ---•IIIIII&L::.~·~&I:C'&' M~..:._. - - ·-
'
.:o/:.;·r..J
0
- .,,1
~. 1 !•"-•
0 • 0
Jo1 ;
1• •
•
! .,
0 ' 0
' \ 0 1
_~:,o =r J. ,
~- ï'
• • 1 ' , 1
·--....-.~
~ _ 1 -
•
• 0
•
• ••
' • •
•
•
•
'
" \
'
1
••
~· w--
•
•
'·
.: •
•.
,,- •
••
• •
•
1 •
'
.
••
~~
•' •
LIVRE PREMIER
•
.
•
•
'
PROBLEMATIQUE ••
'
SITUATION DE FREUD ..
' 1
•••
.. \
:1.'
•
•
•
• .,1
\
•
.t
1
1
'
•
•
'•
1
'
••
•
1
•
\
• 1•
''
..• 1
-·-·--
0
l
1
• • • ••
•
1
'0 - l 0
• ' l
. . ••'
•
!•
3•
0 '1'
0 >
• ol
!
•o\•
•
• • 0
.-
••
c
0
0
0
0
p
la c
• •
0
0
just
nul
•
0
'• 0
con
1
illm
de (
0
0
• un 4
• deI
.• Il
•
d'hl
C'e
phil
de
0
bul1
les
por
• 0
lyse
l'•
sop.
du
lan~
eth
pOSt
ces
exél
pou
i 0
•
..... ..
•
l
1
•
'
f
• 1
•
~ 1
•
1
..• '
•
l•
CHAPITRE PREMIER
5
.•
1
, •• DU LANGAGE, DU SYMBOLE
1
; ET DE L'INTERPRÉTATION -
I. PSYCHANALYSB ET LANGAGE
1
confession. Le tenterait-on qu'on ne manquerait pas de se faire
illusion. Mais le philosophe, moins que quiconque, ne peut refuser
de donner ses raisons. Je le ferai en situant mon investigation dans
un champ plus vaste d'interrogation et en rattachant la singularité
de mon intérêt à une manière commune de poser les problèmes.
Il me paraît qu'il est un domaine sur lequel se recoupent aujour-
•
d'hui toutes les recherches philosophiques, celui du langage.
C'est là que se croisent les investigations de Wittgenstein, la
philosophie linguistique des Anglais, la phénoménologie issue
de Husserl, les recherches de Heidegger, les travaux de l'école
bultmannienne et des autres écoles d'exégèse néo-testamentaire,
les travaux d'histoire comparée des religions et d'anthropologie
portant sur le mythe, le rite et la croyance, - enfin la psychana-
lyse. .
Nous sommes aujourd'hui à la recherche d'une grande philo-
sophie du langage qui rendrait compte des multiples fonctions
du signifier humain et de leurs relations mutuelles. Comment le
langage est-il capable d'usages aussi divers que la mathématique
et le mythe, la physique et l'art? Ce n'est pas un hasard si nous nous
posons aujourd'hui cette question. Nous sommes précisément
ces hommes qui disposent d'une logique symbolique, dune science
exégétique, d'une anthropologie et d'une psychanalyse et qui,
pour la première fois peut-être, sont capables d'embrasser comme
•
IJ
• •
•
~
• ••
•
• !
. . • J
~
PROBLÉMATIQUE
.·i
1
que seule la pratique pourrait lever, elle a par contre l'avantage reve
de rendre attentif à tout un aspect de l'œuvre de Freud que la ,
•
c'est
pratique peut masquer et que risque d'omettre une science sou-
'
sera1'
cieuse seulement de rendre compte de ce qui se passe dans la •
vers
'
relation analytique. Une méditation sur l'œuvre de Freud a le •. ' corn
privilège d'en révéler le dessein le plus vaste; celui-ci fut non seu- lang
lement de rénover la psychiatrie, mais de réinterpréter la totalité s'art
des productions psychiques qui ressortissent à la culture, du rêve •' décl
à la religion, en passant par l'art et la morale. C'est à ce titre que nou:
la psychanalyse appartient à la culture moderne; c'est en interpré- débl
tant la culture qu'elle la modifie; c'est en lui donnant un instrument mê11
de réflexion qu'elle la marque durablement.
L'alternance dans l'œuvre même de Freud entre investigation 2.
médicale et théorie de la culture porte témoignage de l'amplitude et ex
du projet freudien. Certes, c'est dans la dernière partie de l'œuvre Je pc
d•enj
de Freud que se trouvent accumulés les grands textes sur la cul- 3.
•
ture 1 • Il ne faudrait pourtant pas se représenter la psychanalyse \
guen
de 1
1. L'a1Jenir d'une illusion est de 1927, Malaise dans la cioilisation de 1930, de 1 1
Moüe et k monotlliinne de 1937 et 1939.
•
•
•
J
z. u mot d•esprit et ses rapports avec Nnconscient est de 1905, Actes obsédants
et exercices religieux de 1907, Délire et rêves dans la Gradiva de jensen de 1907
le petit essai sur La création littéraire et le rêve éveillé de 1908, Un souveni;
d'enfance de Léottard de Vinci de 1910 et surtout Totem et tabou de 1913.
• J. Le MoFse de Michel-Ange est de 1914, les Consitlératious actuelles sur la
1
gtlcrre et la mort de 1915, Un souvenir d'enfance dans • Fiction et Vérité • de Goethe
de 1917, L'Inquiétante itrangetj de 1919, Psychologie collective et analyse du moi
de 19Zl,
•
IS
•
1
t•
•
PROBLÉMATIQUE
• ce livi
dans la culture, quels que soient le degré et le principe de cette Ava
parenté; avec le rêve est posée ce que j'appelais tout à l'heure la et d'e
sémantique du désir; or cette sémantique tourne autour ?'u.n les co
thème en quelque sorte nucléaire : comme homme du désir Je Re\
m'avance masqué - larvatus prodeo; du même coup le langage de ce
est, d'abord et le plus souvent, distordu : il ve~t dire autre chose raie·' .·
que .ce qu'il dit, il a un double sens, il est équivoque. Le rêve e~ à dess
ses analogues s'inscrivent ainsi dans une région du langage qut de Sel
s'annonce comme lieu des significations complexes où un autre expr~
16
!
• •
• 1
t•
•
17
'
•.•
• '· 1 . .
.j
PROBLÉMATIQUE 4
1 •
•
•
'
••
réciproquement toute intelligence du sens spécialement ordonnée tu:
aux expressions équivoques; .l'interprétation c'est l'intelligence .'
J
1
le~
du double sens. 1 ,
·j
'
ret
Ainsi, dans la vaste sphère du langage, le lieu de la psychana- >;
•• ret
lyse se précise : c'est à la fois le lieu des symboles ou du double 1
ret
sens et celui où s'affrontent les diverses manières d'interpréter. '
•1••
• ,. . ur
Cette circonscription plus vaste que la psychanalyse, mais plus j
• fo:
•
étroite que la théorie du langage total qui lui sert d'horizon, nous ' •
• • et
. l'appellero~s désormais le « champ herméneutique »; nous enten- qt
drons toujours par herméneutique la théorie des règles qui prési-
dent à une exégèse, c'est-à-dire à l'interprétation d'un texte singu-
lier ou d'un ensemble de signes susceptible d'être considéré •
.
1
comme un texte (nous nous expliquerons plus loin sur cette notion •
de texte et sur l'extension du concept d'exégèse à tous les signes ,,
'
analogues à un texte). . l•
Si donc les expressions à double sens constituent le thème privi- 1
'
légié de ce champ herméneutique, il apparaît aussitôt que c'est par rn·
l'intermédiaire de l'acte d'interpréter que le problème du symbole ..) . dé
.
•
••
s'inscrit dans une philosophie du langage. ' de
Mais cette décision initiale d'articuler l'un sur l'autre le problème i •
ne
•
du symbole et celui de l'interprétation soulève une série de ques- 1
•• re
1•
tions critiques que je veux poser à l'entrée de ce livre; ces questions ne
•
ne seront pas résolues dans ce chapitre, elles resteront ouvertes •' av
jusqu'à la fin. C'est en effet cette articulation qui fait du problème 1
• • d~
., 1
• •
.'
:
••• .• •
1
- . .• • •
1
•J • ..
~
1 • DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET ·DE L'INTERPRÉTATION
•• •
'
ture, oppos,e ~'une part Pinteiprétatio? psychanalytique :t to';ltes
• ;
:e •.
:e les interpretations conçues comme demasquage, démystificatiOn,
•
• réduction d'illusions, et d'autre part l'interprétation conçue comme
•
l- .
-•
recollection ou restauration du sens; il ne s'agit ici que de
Ie '1
1
reconnaître le contour du champ herméneutique; sans doute
•.
r. •
une discussion qui se tient en· deçà de ce conflit reste abstraite et
lS • formelle. Mais il importe de ne pas d'abord dramatiser le débat
lS \ ·. et de le tenir dans les limites strictes d'une analyse sémantique
l- qui ignore l'opposition entre distorsion et révélation.
' '•
l-
I-
·é
n •• 3· POUR UNE CRITIQUE DU SYMBOLE
:s •
•
• •
l- 1
1 Prenons la question du côté du symbole. Des usages absolu-
'
tr ment incompatibles du mot se sont répandus, qui appellent une
.e ••
• . · décision raisonnée. La définition que je propose se situe entre
••
•
. deux autres définitions, l'une trop large, l'autre trop étroite, que
.e '• nous allons discuter maintenant. En outre, elle se distingue entiè-
·-
•
• '•• rement de la conception du symbole en logique symbolique; nous
1
lS · ne pourrons rendre compte de cette troisième divergence qu'après
:s •
avoir élaboré le problème de l'herméneutique et situé ce problème
•
.e • • • dans une perspective philosophique plus ample 4•
n ..•
1
• •
•
' i•
•
• •'
1 PROBLÉMATIQUE
•
20
•
.
1
•
1•
•
1
•
•
.. •
' •
1
PROBLÉMATIQUE ' · 1
, •,
.
des significations identiques, d'autre part ces significations font mont
que les signes sensibles valent pour quelque chose qu'ils désignent; bilité
•
nous disons que les mots, par leur qualité sensible, expriment des tmag
· significations et que, grâce à leur signification, ils désignent quelque .
•
lion,
chose. Le mot signifier couvre ces deux couples de l'expression et celle
de la désignation. Ce
Ce n'est pas de cette dualité qu'il s'agit dans le symbole. Elle d'ém
est d'un degré supérieur; ce n'est ni celle du signe sensible et de et c<
la signification, ni celle de la signification et de la chose, laquelle arbit
d'ailleurs est inséparable de la précédente. Elle s'ajoute et se super- de re
pose à la précédente comme relation du sens au sens; elle présup- Péla~
pose des signes qui ont déjà un sens primaire, littéral, manifeste, et • phiq
qui par cc sens rf'nvoient à un autre sens. Je restreins donc déli- fécor
•
bérément la notiou de symbole aux expressions à double ou multiple qut :
sens dont la texture sémantique est corrélative du travail d'inter- du r
prétation qui en explicite le sens second ou les sens multiples. ~ Pc
Si cette délimitation paraît d'abord briser l'unité aperçue par de d
Cassirer entre toutes les fonctions signifiantes, elle aide à dégager syml
1 .
une sous-unité, à partir de laquelle le problème de Cassirer devra ·
1
• cern•
être repris à nouveau frais. •
•
savo
•
Tentons de donner une vue panoramique des zones d'émer- ·
•
tatlO
gence du symbole ainsi conçu. cons
' déjà
J'ai rencontré pour ma part ce problème du symbole dans l'étude
sémantique que j'ai consacrée à l'aveu du mal. Je remarquai une
qu'il n'existe pas de discours direct de l'aveu, mais que le mal- qu'il
1
•
•
à d~
•
trots
s'agisse du mal subi ou du mal commis - est toujours confessé .. diat<
par le moyen d'expressions indirectes empruntées à la sphère
quotidienne de l'expérience et qui ont ce caractère remarquable
1 N
1
de désigner analogiquement une autre expérience que nous appel-
•
1
phéi
lerons provisoirement expérience du sacré. Ainsi, dans la forme · '
•
Mat
•
archaïque de l'aveu, l'image de la tache - la tache qu'on enlève, ces 1
•• pha1
qu'on lave, qu'on efface, - désigne analogiquement la souillure '
comme situation du pécheur dans le sacré. Qu'il s'agisse d'une •
• tres
expression symbolique, les expressions et les conduites correspon- vera
dantes de la purification le confirment à l'envi; aucune de ces
' meu
conduites ne se réduit à un simple lavage physique; chacune bral
renvoie à l'autre sans épuiser son sens dans un geste matériel; de ~
•
CflVt
brûler, cracher, enfouir, laver, expulser : autant de conduites qui •
s'équivalent ou se substituent, tout en désignant chaque fois
1mn
• dan!
autre chose, à savoir la restauration de l'intégrité, de la pureté.
sym
Toutes 1~ ~évolut.ions du sentiment et de l'expérience du ~a! port
peuvent atnsl être Jalonnées par des révolutions sémantiques : J a1 •
22
•
1
•
•
•
1
1 DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION
1
• 1
·montré comment on passe ainsi au vécu du péché et de la culpa-
•
• 1 bilité par une série de promotions symboliques, jalonnées par les
.• images de la déviation, de la voie courbe, de l'errance, de la rébel-
•
' lion, puis par celle du poids, du fardeau, de la coulpe, enfin par
••
celle de l'esclavage qui les englobe toutes .
Ce cycle d'exemples ne concerne encore qu'une des zones
d'émergence du symbole, la plus proche de la réflexion éthique,
et constitue ce qu'on pourrait appeler la symbolique du serf- .
arbitre; sur cette symbolique se greffe sans peine tout un procès
de réflexion qui mène aussi bien à saint Augustin et Luther qu'à
Pélage ou Spinoza. J'en montrerai ailleurs la fécondité philoso-
•
phique. Ce qui m'importe dans le présent ouvrage, ce n'est pas la \
fécondité d'une symbolique particulière mais la texture du symbole
qui s'y révèle. Autrement dit, l'enjeu n'est pas ici le problème
du mal, mais l'épistémologie du symbole.
' Pour mener à bien cette épistémologie, il faut élargir notre base
•
de départ et énumérer quelques autres points d'affleurement du
1
symbole. Cette voie inductive est la seule accessible au commen-
1 .•
• cement de la recherche, puisque la question est précisément de
•
•
savoir quelle est la structure commune de ces diverses manifes-
• •
tations de la pensée symbolique. Les symboles que nous avons
, consultés sont déjà très élaborés à un niveau littéraire; ils sont
déjà sur le chemin de la réflexion; une vision morale ou tragique,
une sagesse ou une théologie y sont déjà amorcées. Remontant
1
l à des formes moins élaborées du symbole, nous en discernons
trois modalités différentes, dont l'unité n'est d'ailleurs pas immé-
diatement visible.
Nous avons déjà fait allusion à la conception du symbole en
•
1 phénoménologie de la religion, par exemple chez Van der Leeuw,
' Maurice Leenhardt, Mircea Eliade; liés au rites et aux mythes,
ces symboles constituent le langage du sacré, le verbe des « hiéro-
phanies »; qu'il s'agisse du symbolisme du ciel, comme figure du
très haut et de l'immense, du puissant et de l'immuable, du sou-
verain et du sage, ou du symbolisme de la végétation qui naît,
meurt et renaît, de l'eau qui menace, nettoie ou vivifie, ces innom-
• brables théophanies ou hiérophanies sont une source inépuisable
d~ symbolisation. Mais, prenons-y garde, ces symboles ne s'ins-
~nvent pas à côté du langage, comme des valeurs d'expression 1
' . Immédiate, des physionomies directement perceptibles; c'est
1
1
l
'• dans l'univers du discours que ces réalités prennent la dimension
symbolique. Lors même que ce sont des éléments de l'univers qui 1
!
PROBLÉMATIQUE
••
-parole de consécration, d'invocation, commentaire mythique- 1
•
Cette
'.
qui dit l'expressivité cosmique par la grâce du double sens des symh
mots terre, ciel, eau, vie, etc.. L'expressivité du monde vient au Par
langage par le symbole comme double sens. ..
mem<
Il n'en va pas autrement dans la deuxième zone d'émergence parle,
du symbole, celle de l'onirique, si l'on désigne de ce mot les rêves
de nos jours et ceux de nos nuits. Le rêve est, comme on sait, le
l'expr
vanet
.,
•
!,
prophète, ils parlent par l'hymne, ils parlent par la liturgie; il faut ' ,1
toujours une parole pour reprendre le monde et faire qu'il devienne ,~
.
• Bachelard 8, au lieu que le rite et le mythe le fixent dans sa stabilité ••
•
J 1
- -----.~e.:.a.,--·c-w..a:;•":IWwe...:.c.',..'&• · -·-----·--·-·--
•
• •
• •,•.
•
.
•
•
., •
•
PROBLÉMATIQUE ,
••
•
..
•••
• . .
•
1 .•
•
' PROBLÉMATIQUE 1
•
•
]
et
' du
1
•
Cite
et
vat
à1
du
de
l'c,
y,a•
ht
)
no1.
..
..
• ."
•
.. . ,
•
•
••
•
re •
•
te CHAPITRE II
r-
n 1
I. LE CONCEPT D'INTERPRÉTATION
•
•
.. .
•
. PROBLÉMATIQUE
'
•
30 •
•
1
•
'
•
--.,. •... - •
• • .. ' ..
• •
--
- · ts•••• ... •u~.ll.:l''~-
· -...,ew64.s~ ••~---·--
-- ---··"""··•.• 4IC ' ··-----
~ ' ji !\•
•f
••
'
-
• t PROBLÉMATIQUE •
.
1
1
fonde finalement dans l'essence une et identique à elle-même; c'est .1 mêtU
sur ce recours à l'essence que repose toute la réfutation des argu- 1
l •
••
n'es1
ments sophistiques : a ~e ~as signifier u?e ~hose une, c'est ne rien •
fic at
•
signifier du tout 6• » Ams1 la commumcat10n entre les hommes •
que
n'est possible que si les mots ont un sens, c'est-à-dire un s~ns un. •
de <
I;t pourtant une réflexion prolongeant l'analyse proprement . logi<
'
sémantique du a dire quelque chose de quelque chose >> nous OUVJ
ramène aux alentours de notre propre problème. Si l'homme inter- 1 •
1
• gtqu
prète la réalité en disant quelque chose de quelque chose, c'est J théo
•1
que les véritables significations sont indirectes; je n'atteins les ficat
choses qu'en attribuant un sens à un sens; la « prédication », au • du ·
• sens logique du mot, met en forme canonique une relation de 1 L
•
• . signification qui nous contraint à remettre sur le chantier la théorie neu1
de l'univocité; il apparaît alors que la sophistique ne posait pas ,
.'• etan
un problème mais deux : celui de runivocité des significations text·
sans quoi le dialogue n'est pas possible, celui de leur « communi- s'es1
cation » - pour reprendre l'expression du Sophiste de Platon - !•
•
1 ~rét
sans quoi l'attribution n'est pas possible. Sans cette contrepartie, 1
• es '
l'univocité condamne à un atomisme logique, selon lequel une • neu
signification est seulement ce qu'elle est : il ne suffit donc pas de 1
• phil
1
lutter contre l'équivocité sophistique; un second front doit être 1
l où
•
ouvert contre l'univocité éléatique. Or, cette seconde lutte n'est t là e:
pas sans écho dans la philosophie d'Aristote. Elle éclate même au •) gorJ•
cœur de la Métaphysique; la notion d'être, on le sait, n'est pas .sus- • Cet
ceptible d'une définition univoque : « L'être se dit en plusieurs - défi
• façons»; être veut dire: substance, qualité, quantité, temps, lieu, etc. pas
Cette distinction fameuse des significations multiples de l'être 1
• c
ne constitue pas une anomalie dans le discours, une exception t •
c'es
dans la théorie de la signification; ces sens multiples de l'être coll
•
sont les « catégories » même - ou les « figures l> - de la prédi- • bib:
cation; aussi cette multiplicité traverse-t-elle tout le discours. chr·
•
Or elle est invincible; sans doute ne constitue-t-elle pas un pur ran
désordre des mots, puisque les différents sens du mot être s'ordon- I
ne':lt tous e~ référence à un sens premier, originaire; mais ~et~e
umté de réference- pros en legomenon - ne fait pas une slgm-
à'mê1r.
•
fication une; la notion d'être, comme on l'a dit récemment, n'est ' an tt
•
que « l'unité problématique d'une pluralité irréductible de signi- nat
fications 7 ». .• de
•
Je n'entends pas tirer de la sémantique générale du Peri lier- dét
nat
•
r
6. Mit., 1006 h 7·
8
7· Aubenquc, op. cit., p. 204.
•
32
-••
• •
1
•
-- . ..._.,... , -
,
1
' .•
1 •
•
'
.1
• /
LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS
.
1
u '
•
là en particulier qu'ont été élaborées les notions d'analogie, d'allé-
go rie, de sens symbolique; nous aurons fréquemment à y recourir.
'•
·- Cette seconde tradition apparente donc l'herméneutique à la
·s définition du symbole par l'analogie, bien qu'elle ne l'y réduise
..... pas entièrement.
·e Ce qui limite cette définition de l'herméneutique par l'exégèse,
n t • c'est d'abord sa référence à une autorité, qu'elle soit monarchique,
·e c?llégiale ou ecclésiale, comme c'est le cas pour l'herméneutique
• •
1- • b1blique telle qu'elle est pratiquée à l'intérieur des communautés
'tr· c~rétiennes; mais c'est surtout son application à un texte litté-
ra1re; l'exégèse est une science scripturaire.
l-
La tradition de l'exégèse offre pourtant une bonne base de départ
.e à rnotre entreprise : la notion de texte en effet peut être prise elle-
•
1-
'• ~ême en un sens analogique; le Moyen Age a pu parler d'une
;t anterpretatio naturae, à la faveur de la métaphore du livre de la
•
1.- nature; cette métaphore fait apparaître une extension possible •
.• de la notion d'exégèse, dans la mesure où la notion de cr texte »
,_ •
déborde celle d' u écriture ». Dès la Renaissance cette interpretatio
naturae est si complètement affranchie de ses références propre-
33
•'•
•
•
•
•
r• .
• •
•
PROBLÉMATIQUE
•
à 1 heure, à savo1r 1usage de 1mterprétation comme tacuque du
soupçon et comme lutte contre les masques· cet usage exige une te
philosophie très particulière qui subordonn'e à l'expression de la
8
Volonté de Puissance le problème enlier de la vérité et de l'erreur. k
Ce qui nous importe ici c'est, au point de vue de la méthode, •
'
•
34
J
•
• \
.. 1. .
•
..
LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS
•
-=.z . , t . . • • •.,B'I'W:'' .........,.._ ..._...- --
-·~--
0 •
..
.,
j
•
PROBLÉMATIQUE
1
comme une réduction d'illusions. C'est de ce côté de. la lutte que se rn·
range la psychanalyse, du moins en première lecture. •
.•
la
II est nécessaire que nous soyons placés dès le début en face ' pl
de cette double possibilité : cette tension, cette traction extrême la
est l'expression la plus véridique de notre « modernité n; la situa- G
tion qui est faite aujourd'hui au langage comporte cette double fo
possibilité, cette d?uble sollicitation, c~tte doub~e ~rgence : d'un Pc
côté, purifier le d1scours de ses excroissances, hqutder les tdoles, ré
aller de l'ébriété à la sobriété, faire une bonne fois le bilan de notre • cc
pauvreté; de l'autre côté, user du mouvement le plus « nihiliste », le
le plus destructeur, le plus iconoclaste, pour laisser parler ce qui
une fois, ce qui chaque fois a été dit quand le sens parut à neuf, re
quand le sens était plein; l'herméneutique me paraît mue par cette E.
double motivation : volonté de soupçon, volonté d'écoute; vœu M
de rigueur, vœu d'obéissance; nous sommes aujourd'hui ces
hommes qui n'ont pas fini de faire mourir les idoles et qui com- • n:
mencent à peine d'entendre les symboles. Peut-être cette situation,
dans son apparente détresse, est-elle instructive: peut-être l'extrême
iconolasme appartient-il à la restauration du sens.
Rendre manifeste la crise du langage qui aujourd'hui fait que 1
1
nous oscillons entre la démystification et la restauration du sens,
telle est la raison profonde qui motive la position initiale de notre
•
problème; j'ai pensé qu'une introduction à la psychanalyse de la
gJ
0
~
C'est d'abord l'herméneutique comme restauration du sens que d
nous mettrons en place. Nous comprendrons mieux par contraste d
S:
renjeu de la psychanalyse de la culture et de l'école du soupçon
d
en disant d'a~ord cc qui y est foncièrement contesté. . c
Le co~tra1re du soupçon, dirai-je brutalement, c'est la 01• f n
•
Quelle fo1? Non plus sans doute la foi première du charbonmer•
36
•
b
- ~JUU -
•
'
•
~a- •
~
par la fonction (affective, idéologique, etc.). On décrit en dégageant
tee • la visée (noétique) et son corrélat ( noématique) : le quelque chose
'
visé, l'objet implicite dans le rite, dans le mythe et dans la croyance.
Ainsi, dans le cas du symbolisme du pur et de l'impur évoqué
' plus haut : la tâche est de comprendre ce qui est signifié, quelle
qualité de sacré est visée, quelle nuance de menace est impliquée
dans cette analogie entre tache et souillure, entre la contamina-
tion physique et la perte d'intégrité existentielle. Le souci de
robjct, ce fut pour nous la docilité au mouvement du sens qui,
partant de la signification littérale - la tache, la contamination - ,
•
pointe vers la saisie de quelque chose dans la région du sacré.
Nous dirons, en généralisant, que le thème de la phénoménologie
1ue de la religion, c,est le quelque chose visé dans l'action rituelle,
!Ste dans la parole mythique, dans la croyance ou le sentiment mystique;
~on
r
sa tâche est de désimpliquer cet « objet » des intentions diverses
de la conduite, du discours et de l'émotion. Appelons u sacré »
foi. cet objet visé, sans préjuger sa nature, que ce soit le tremendum
ier, numinosum selon Rudolf Otto, le puissant selon Van der Leeuw
37
>
"~··-- ..· - -.....\;.;....J.~ • •
4
," ii'. ......
.T
~
• '
•
PROBLÉMATIQUE
••
ou le Temps fondamental selon Eliade. En ce sens général, et en la '
vue de souligner ce souci de l'objet intentionnel, nous dirons que ty{
toute phénoménologie de la religion est une phénoménologie du de
« sacré 1>. Maintenant, une phénoménologie du « sacré » peut-elle po
rester dans les limites d'une attitude « neutre », réglée par l'epochè, hi~
par la mise entre parenthèses de la réalité absolue et de toute ffi(
question concernant l'absolu? L' epochè exige que je participe ve:
à la croyance dans la réalité de l'objet religieux, mais sur un mode • lo!•
•
neutralisé : que je croie avec le croyant, mais sans poser absolument gu
robjet de sa croyance. sel
Mais, si le savant comme tel peut et doit pratiquer cette méthode
•
de mise entre parenthèses, le philosophe comme tel ne peut pas se·
et ne doit pas éluder la question de la validité absolue de son objet; rn
•
•
car m'intéresserais-je à « l'objet li, pourrais-je privilégier le souci de Sll
l'objet, à travers même la considération de la cause, de la genèse ou er.
de la fonction, si je n'attendais que, du sein de la compréhension, er
ce '' quelque chose "s' «adresse,, à moi ? N'est-ce pas l'attente d'une pl
interpellation qui meut ce souci de l'objet? Finalement, ce qui est ar
•
implicite à cette attente, c'est une confiance dans le langage; c'est n
la croyance que le langage qui porte les symboles est moins parlé
par les hommes que parlé aux hommes, que les hommes sont nés aJ
au sein du langage, au milieu de la lumière du logos u qui éclaire St
tout homme venant au monde ». C'est cette attente, c'est cette rr
confiance, c'est cette croyance qui confèrent à l'étude des symboles fe
Cl
sa gravité particulière. Je dois à la vérité de dire que c'est elle qui
anime toute ma recherche. Or c'est elle qui est aujourd'hui contestée d
par tout le courant de l'herméneutique que nous placerons tout g
St
à l'heure sous le signe du u soupçon )) ; cette autre théorie de l'inter- •
br
..
• •
•
' •
, '
•'
••
:n la « vérification ,, au sens du positivisme logique, est seulement un
le type de remplissement parmi d'autr~s et non le mo?e .canonique
lu de rem plissement; ce type est reqms par le type d objet corrc:s-
.le pondant, à savoir l'objet physique et, en un autre sens, l'objet
r~, historique - et non par le concept de vérité en tant que tel, autre-
.te ment dit par l'exigence de remplissement en général. C'est en
pe vertu de cette multiplicité du « remplissement >> que le phénoméno-
de logue parle, sur un mode réduit, neutralisé, de l'expérience reli-
••
nt gieuse, non par analogie, mais selon le type spécifique d'objet et
selon le mode spécifique de remplissement dans ce champ.
de • Or comment avons-nous rencontré ce problème du remplis-
•
•as sement dans l'ordre des significations symboliques? Essentielle-
.. t.
• t
ment à l'occasion de notre investigation du lien analogique entre
de signifiant primaire ou littéral et signifié secondaire - disons :
ou entre tache et souillure, entre déviation (ou errance) et péché,
>n, entre poids (ou charge) et coulpe. Nous buttons ici sur une liaison
.ne primordiale, indéfectible, qui n'a jamais le caractère institué et
est arbitraire que comportent les signes « techniques » qui ne veulent
est rien dire d'autre que ce qui y est posé.
.rlé C'est dans cette liaison du sens au sens que réside ce que j'ai
,
:les appelé le plez'n du langage. Cette plénitude consiste en ceci que le
•
ure second sens habite en quelque sorte le sens premier. Mircea Eliade
!tte montre bien, dans son Traité d'Histoire ghzérale des re/z"gions, que la
,les force du symbolisme cosmique réside dans le lien non arbitraire
•
qut entre le Ciel visible et l'ordre qu'il manifeste : il parle du sage et
;tee
1
du juste, de l'immense et de l'ordonné, grâce au pouvoir analo-
out gique qui lie le sens au sens. Le symbole est lié, lié en un double
ter- • sens : lié à ... et lié par. D'un côté, le sacré est lié à ses significations
tel primaires, littérales, sensibles : c'est ce qui fait son opacité; de
•
tsee
1 ••
l'a~tre côté, la signification littérale est liée par le sens symbolique
•
ton. qUI réside en elle; c'est cc que j'ai appelé le pouvoir révélant du
:a•on symbole, lequel fait sa force en dépit de son opacité. C'est ce qui
•
aon l'oppose au signe technique qui ne signifie rien de plus que ce qui y
est posé ct qui, pour cette raison, peut être vidé, formalisé et
r~duit à un simple objet de calcul. Seul le symbole donne ce qu'il
.té 1 dtt. •
39
1
•
•
br
•
·1
:
1
1 .• '
ol'
• ' r
' •
..
•
1
. ( 1
• PROBLÉMATIQUE ••
r•
'
En ceci que le mouvement qui m'entraîne vers le sens second ••
m'assimile à ce qui est dit, me rend participant à ce qui m'est •
1
•
annoncé. La similitude en laquelle réside la force du symbole et
dont il tire son pouvoir révélant n'est pas en effet une ressemblance •
: 1
aussi la voie de la probité intellectuelle : la décision philosophique,
entièrement déclarée, qui anime l'analyse intentionnelle serait 1
1
une version moderne de l'antique réminiscence. Le souci moderne 1l'
•
pour les symboles exprime un nouveau désir d'être interpellé, par
delà le silence et l'oubli que font proliférer la manipulation des !.
•
1 signes vides et la construction des langages formalisés. •
•
•
Cette attente d'une nouvelle Parole, d'une nouvelle actualité
de la Parole, est la pensée implicite de toute phénoménologie des
symboles, qui met d'abord l'accent sur l'objet, puis souligne la •
3•
L'INTERPRÉTATION
COMME EXERCICE DU SOUPÇON
;
•
Nous achèverons de situer Freud en lui donnant, non seulement
•
un vi~-à-vis, mais une compagnie. A l'interprétation comme r~ '
• tauratton du sens, nous opposerons globalement l'interprétauon •
)
•
1
1
f . .
•
1• •
t
• LE CONFLIT DBS INTERPRÉTATIONS
r••
'
•• raître leur commune opposition à une phénoménologie du sacré,
econd
m'est comprise comme propédeutique à la « révélation » du sens, q~e
ole et 1
• leur articulation à l'intérieur d'une unique méthode de démysti-
Jlance fication. Il est relativement aisé de constater que ces trois entre-
11
:posée prises ont en commun de contester le primat de « l'objet » dans notre
. l'être représentation du sacré et le <c remplissement » de la visée du sacré
1 par une sorte d'analogia entis qui nous grefferait sur l'être par la
1
••
vertu d'une intention assimilatrice; il est encore facile de recon-
s per- •
1
naître que c'est un exercice chaque fois différent du soupçon; de
•
lUI est 1 la vérité comme mensonge, telle serait la formule négative sous
hique, laquelle on pourrait placer ces trois exercices du soupçon. Mais
•
seratt l'
1
nous sommes encore loin d'avoir assimilé le sens positif de ces
>derne 1 j•
trois entreprises; nous sommes encore trop attentifs à leurs diffé-
•
lé, par rences et aux limitations que les préjugés de leur époque infligent
1
m des ; à leurs épigones plus encore qu'à eux-mêmes. l\1arx est alors
•'
•• relégué dans l'économisme et dans l'absurde théorie de la cons-
tualité •
cience-reflet; Nietzsche est tiré du côté d'un biologisme et d'un
~ie des •• perspectivisme incapable de s'énoncer lui-même sans contra-
gne la .• diction; et Freud est cantonné dans la psychiatrie et affublé d'un
: de la pansexualisme simpliste.
Si l'on remonte à leur intention commune, on y trouve la décision
de considérer d'abord la conscience dans son ensemble comme
•
conscience cc fausse ». Par là ils reprennent, chacun dans un registre
1
différent, le problème du doute cartésien, pour le porter au cœur
même de la forteresse cartésienne. Le philosophe formé à 1'école
de Descartes sait que les choses sont douteuses, qu'elles ne sont
P~ telles qu'elles apparaissent; mais il ne doute pas que la cons-
ctence ne soit telle qu'elle s'apparaît à elle-même; en elle, sens et
lement conscience du sens coïncident; depuis Marx, Nietzsche et Freud,
ne res· 1
nous en doutons. Après le doute sur la chose, nous sommes entrés
étation dans le doute sur la conscience.
Mais ces trois maîtres du soupçon ne sont pas trois maîtres de
:ompte scepticisme; ce sont assurément trois grands u destructeurs n; et
l'inter- po~rtant cela même ne doit pas nous égarer; la destruction, dit
réduc· Headcgger dans Sein und Zeit, est un moment de toute nouvelle
encore fondation, y compris la destruction de la religion, en tant qu'elle
:s deux es!, selon le mot de Nietzsc~e, un « platonisme pour. le peuple ».
1) diffé- C est au~de.là de la « destruction » .q ue se pose la question de savoir
1 doute ce que stgmfient encore pensée, ratson et même foi.
a rémi· '•' . Or tous trois dégagent l'horizon pour une parole plus authen-
tutre la ~tque, p~ur un !l?uvcau règne d.e la Vér!té, non seulement par le
e nppa- moyen dune crtttque « destructrace », mats par l'invention d'un art
•
l
.
1.
• '•
'
lr
1
.
•
PROBLÉMATIQUE
•
•
,•1
• ' .
1
J
•
d'interpréter. Descartes triomphe du doute sur la chose par révi- 1
1
(
•
._.........,.w A
.., ...
''.,l••l:.it" ..._.. ' ' rr •
, :..
•••
•
l
1
• 1r •
'
!
• r• •
1
•
LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS
•
.t
•
:vt- '
1 Ce n'est peut-être pas encore ce qu'ils ont de plus fort en com-
1ce f mun· leur parenté souterraine va plus loin; tous trois commencent
est ! par 1~ soupçon concernant les illusions de la conscience et continuent
lus par la ruse du déchiffrage; tous trois, finalement, loin d'être des
nu. 1 détracteurs de la ccconscience>>, visent à une extension de celle-ci. Ce
pie 1 que veut Marx, c'est libérer la praxis par la connaissance de la
!!Ile 1 nécessité; mais cette libération est inséparable d'une cc prise de
~ et conscience ,, qui riposte victorieusement aux mystifications de la
1
ns- •
' conscience fausse. Ce que veut Nietzsche, c'est l'augmentation
Jse. •• de la puissance de l'homme, la restauration de sa force,· mais ce
'est •
que veut dire Volonté de Puissance doit être recouvré par la médi-
sté. • tation des chiffres du cc surhomme », du « retour éternel » et de
:tue. « Dionysos », sans lesquels cette puissance ne serait que la violence
1
te • 1
d'en deçà. Ce que veut Freud, c'est que l'analysé, en faisant sien
·e », •
• le sens qui lui était étranger, élargisse son champ de conscience,
.ans '
• vive mieux ct finalement soit un peu plus libre et, si possible, un
:!nt, peu plus heureux. Un des premiers hommages rendus à la psycha-
tgés nalyse parle de cc guérison par la conscience ». Le mot est juste. A
mee •
1 condition de dire que l'analyse veut substituer à une conscience
•
)les ,'.
j
immédiate et dissimulante une conscience médiate et instruite
es » par le principe de réalité. Ainsi, le même douteur qui dépeint le
l'ils moi comme un « pauvre hère », soumis à trois maîtres, le çà, le
,me •
sur~oi et la réalité ou nécessité, est aussi l'exégète qui retrouve la
l~g•que du royaume illogique et qui ose, avec une pudeur et une
•
dtscrétion sans pareilles, terminer son Essai sur l'Ave11ir d'une
• l!lusion par l'invocation du dieu Logos, à la voix faible mais infa-
)aJf,
tigable, du dieu non point tout-puissant, mais efficace seulement
. de à la longue.
JrO- Cette dernière référence au « principe de réalité » chez
: du Freud. et à ses équivalents selon Nietzsche et Marx - nécessité
les co..mpnsc chez celui-ci, retour éternel chez celui-là - fait appa-
n le • rattre 1~ bénéfice positif de l'ascèse exigée par une interprétation
Iarx ~~d~ct:tce ~t destructrice : l'affrontement avec la réalité nue, la
•
t10n ISClplme d Alla7lké, de la Nécessité.
che, En même temps que nos trois maîtres du soupçon trouvent leur '
ans- •
convergence positive, ils donnent à la phénoménologie du sacré
» de et à toute herméneutique conçue comme récollection du sens et
ues. comme réminiscence de l'être, son contraire le plus radical.
!, la Ce qui est en question dans cette contestation, c'est le destin
x et • ~e ce que fappcllerai, pour faire court, le noyau mythico-poétique
ures '
l'h l'Imagin~tion. Face à << l'illusion », à la fonction fabulatrice,
crméneuttque démystifiante dresse la rude discipline de la
\
·- ------.- -----·"*·---··----- ·- ...... 4..._,~,._ ........... '
• • • • 1
• •
•
• .
. •
. PROBLfMATIQUB
J
gati
de ,
• liqu
•
Je, 1
1 •
•
t
•
•
•
re,
ité r
)
•
)lt
~
1
CHAPITRE III
•
:se
tte IVIÉTHODE HERMÉNEUTIQUE
•n,
1
ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE
a- 1
.
n? 1
à •
1
:re •
•
r
-
• f Nous nous sommes donné pour tâche, dans ces chapitres ini-
1
• tiaux, de remettre Freud dans le mouvement de la pensée contem-
t poraine. Avant de nous enfoncer dans la technicité de son lan-
! gage et dans la spécificité de son problème, nous avons voulu
1
1
•
:
reconstituer le contexte dans lequel la psychanalyse s'inscrit.
•
':. C'est d'abord sur le fond de la problématique du langage que nous
••
avons campé son herméneutique de la culture; la psychanalyse
• nous est apparue dès le début comme un éclairage en dessous et
une contestation de notre parler; Freud appartient à notre temps
)
• au même titre que Wittgenstein et que Bultmann. C'est plus préci-
sément comme un épisode de la guerre des herméneutiques que
•
la psychanalyse prend place dans le grand débat du langage, sans
1
1 que nous sachions si elle n'est qu'une des sectes herméneutiques
parmi d'autres ou si, d'une façon que nous aurons à découvrir,
elle empiète sur toutes les autres. Nous voudrions, dans ce chapitre,
aller plus avant et discerner dans la psychanalyse, dans la guerre
herméneutique elle-même et dans la problématique du langage
tout entière, une crise de la réflexion, c'est-à-dire, au sens fort et
philosophique du terme, une aventure du Cogito et de la philo-
sophie réflexive qui en procède.
45
•
-
- -- ...... ...________-···----·
. ..
•
•
1
•• •
,. PROBLÉMATIQUE
1.
dt
comme nous l'avons dit dans le premier chapitre, mais véritable- 1 S)
-· ment à la réflexion philosophique. Si cela ne nous est pas apparu
plus tôt, c'est que nous nous sommes bornés jusqu'à présent à la sc
structure sémantique du symbole, à savoir à ce surcroît de sens qui d·
tient à sa (( surdétermination » • •
1 t<
Mais l'appel à la réflexion tient à un second trait du symbole d
que nous avons laissé dans l'ombre; l'aspect purement séma~ •
cc
•
• tique est seulement l'aspect le plus abstrait du symbole; en fa1t, b
les expressions linguistiques sont incorporées non seulement à des n
•
rites et à des émotions, comme on l'a suggéré plus haut en évoqu~nt cl
le symbolisme du pur et de l'impur, mais à des mythes, c'est-à-due lt
à de grands récits portant sur le commencement et la fin du ma!; d
j'ai étudié quatre cycles de ces mythes : les mythes du chaos ?n- l'
ginel, les mythes du dieu méchant, les mythes de l'âme ex1lée c
dans un corps mauvais, les mythes de la faute historiqu_e d'un s
ancêtre qui serait en même temps un prototype d'humamté. De r•
.. fi
nouveaux traits du symbole apparaissent ici et avec eux de nou· 1
1
d
velles suggestions pour une herméneutique : d'abord ces mythes
d
introduisent des personnages exemplaires - Prométhée, Anth!o- c
pos, Adam- qui commencent de généraliser l'expérience humame •1 c
au niveau d'un universel concret, d'un paradigme, sur lequel nous Il
lisons notre condition et notre destinée; en outre, grâce à la stl~c· t
ture du récit qui raconte des événements survenus u en ce temps· d~ 1
t
notre expérience reçoit une orientation temporelle, un élan ten •
••
1
•
• b
•
•
. .
•
1
figure du premier Adam répondent les figures successives du Roi,
ythcs • du Messie, du Juste souffrant, du Fils de l'Homme, du Seigneur,
thro· du Logos. Le philosoph~ n'a rien à dire, en tant que philosophe,
•
na me concernant la proclamatron, le kérygme apostolique, selon lequel
'
nous ' ces. figures sont accomplies dans l'événement du Christ-Jésus·
.truc· m~1s il peut et doit réfléchir sur ces symboles en tant que représen~
3-là », tat10ns de la fin du mal. Or que signifie cette correspondance
:en du • terme à terme entre deux symbolismes? Elle signifie, d'abord,
1
l
h
- ·- ...----- .·.:. -:- -----··=··· . - ·-" ·
..
•
PROBLÉMATIQUE
•
.
que le symbolisme du salut confère son sens vér_itable au symb0 .. re
lisme du mal; celui-ci est seulement une province particulière à pl
l'intérieur du symbolisme religieux; aussi bien le Credo chrétien p~
t
appelle le mythe? Ou, dans les termes du présent ouvrage, la 1
r
réflexion appelle-t-elle les symboles et l'interprétation des sym- I
boles? Cette question précède toute tentative pour passer des 1 I
symboles mythiques à des symboles spéculatifs, dans quelque 1
l
J
(
I. En
• donnant le pas au problème de la méthode• nous faisons régresser au•
rang d exemple toute la symbolique du mal. N ous n•aurons pus à le regretter • • 1
un d es résultats de la réflexion sera précisément que ln Symbolique du Mal n•est (
• pas un exemple parmi d'autres, mais un exemple priv ;/égié, peut-être mt!m.e la l
terre natale de toute symbolique, le lieu de naissance du problème herméncutaquc f
considéré dans toute ao~ étendue. Mnia cela, nous ne le comprendrons que par 1~
mouvement de la réf1exaoo - d•une réflexion qui, d 'abord. ne connnit .1~ syrn 1
bolea du mal que comme un exemple quelconque et arbitrairement choasa.
1
'
'
l
.... ,~
'
•
•
MtrHODE HERMÉNEUTIQUE ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE
49
•
i
--- - . ...
,
•
•
. . .•
•
1
PROBLJWATIQtJlt •
so 1•
•
1
•
'
-
••
•
•
·. MÉTHODE HERMÉNEUTIQUE BT PHILOSOPHIE RÉFLEXIV!
r la
uées
.J 1
est réflexion; Fichte appelait cette première vérité : le jugement
thétique. Tel est notre point de départ philosophique.
Mais cette première référence de la réflexion à la position du soi,
lent comme existant et pensant, ne suffit pas à caractériser la réflexion.
erre En particulier, nous ne comprenons pas encore pourquoi la réflexion
requiert un travail de déchiffrage, une exégèse et une science de
•
"ton 1 l'exégèse ou herméneutique, et encore moins pourquoi ce déchif-
pré- 1 frage doit être soit une psychanalyse, soit une phénoménologie
ians 1 du Sacré. Ce point ne peut être entendu aussi longtemps que la
)
ares, 1 réflexion apparaît comme un retour à la prétendue évidence de la
•
des 1 conscience immédiate; il nous faut introduire un second trait
1 de la réflexion qui s'énonce ainsi : réflexion n'est pas intuition,
e la 1 ou, en termes positifs : la réflexion est l'effort pour ressaisir l'Ego
à la l de l'Ego Cogito dans le miroir de ses objets, de ses œuvres et
;ent. finalement de ses actes. Or, pourquoi la position de l'Ego doit-
1
1 elle être ressaisie à travers ses actes? Précisément parce qu'elle
1
•• n'est donnée ni dans une évidence psychologique, ni dans une
i
intuition intellectuelle, ni dans une vision mystique. Une philo-
• '
1
sophie réflexive est le contraire d'une philosophie de l'immédiat.
.'
'
1 La première vérité -je suis, je petzse - reste aussi abstraite et
vide qu'elle est invincible; il lui faut être « médiatisée » par les
lons 1
•
•
1
représentations, les actions, les œuvres, les institutions, les monu-
Soi? • ments qui l'objectivent; c'est dans ces objets, au sens le plus large
1'
bole •
du mot, que l'Ego doit se perdre et se trouver. Nous pouvons •
•
:ra tt, dire, en un sens un peu paradoxal, qu'une philosophie de la réflexion
ude. n'est pas une philosophie de la conscience, si par conscience nous
mité entendons la conscience immédiate de soi-même. La conscience,
:ueil dirons-nous plus tard, est une tâche, mais elle est une tâche parce
ion? qu'elle n'est pas une donnée... Certes, j'ai une aperception de moi-
même et de mes actes, et cette aperception est une espèce d' évi-
Jr le dence; Descartes ne peut être délogé de cette proposition incontes-
phie table : je ne peux douter de moi-même sans apercevoir que je '
.chte do~te. Mais que signifie cette aperception ? une certitude, certes,
:ette ma1s une certitude privée de vérité; comme Malebranche l'a bien
•
ppo· compris contre Descartes, cette saisie immédiate est seulement
érité un sentiment et non une idée. Si l'idée est lumière et vision, il
•
mte; n'y a ni vision de l'Ego, ni lumière de l'aperception; je sens seule-
.'une ment que j'existe et que je pense; je sens que je suis éveillé, telle
ster, est l'aperception. En langage kantien, une aperception de l'Ego
cette peut. accompagner toutes mes représentations, mais cette aper-
une ception n'est pas connaissance de soi-même, elle ne peut être
ition transformée en une intuition portant sur une âme substantielle;
1
51
•
1 \ •
...
.'
PROBLÉMATIQUE
sa •
1
•
•
-
~tl ~tli·-i~~ . ~ ~~.JR~•z- - - --
•
. ;
'
• 1 '
PROBLÉMATIQUE
•
sition positive : la réflexion est l'appropriation de notre effort pour qut
exister et tk notre désir d'être, à travers les œuvres qui témaignent avo
tk cet effort et de ce désir; c'est pourquoi la réflexion est plus qu'une elle
•
simple critique de la connaissance et même plus qu'une simple gen
critique du jugement moral; antérieurement à toute critique du voq
jugement, elle réfléchit sur cet acte d'exister que nous déployons flue
dans l'effort et le désir. 1
Cette troisième démarche nous conduit au seuil de notre pro- les
blème de l'interprétation : la position de cet effort ou de ce désir pos
non seulement est privée de toute intuition, n1ais n'est attestée dan
• que par des œuvres dont la signification demeure douteuse et révo- sali
cable. C'est ici que la réflexion fait appel à une interprétation cult
et veut se muer en herméneutique. Telle est l'ultime racine de qu(
notre problème : elle réside dans cette connexion primitive entre ce
racte d'exister et les signes que nous déployons dans nos œuvres; con
•
la réflexion doit devenir interprétation, parce que je ne peux saisir ce
cet acte d'exister ailleurs que dans des signes épars dans le monde. ' 1 Pro
C'est pourquoi une philosophie réflexive doit inclure les résultats, l'in
les méthodes et les présuppositions de toutes les sciences qui 1
tentent de déchiffrer et d'interpréter les signes de l'homme 3• J
Telle est dans son principe et dans sa plus grande généralité dise
1 syn
la racine du problème herméneutique. Il est posé d'une part par •
l'existence de fait du langage symbolique qui fait appel à la réflexion, mru
1
• . mais aussi, en sens inverse, par l'indigence de la réflexion qui fait dan
appel à l'interprétation : en se posant elle-même, la réflexion corn- 1 qu~
.•
prend sa propre impuissance à dépasser l'abstraction vaine et vide j qut
du u je pense »et la nécessité de se recouvrer die-même en déchif- le c
'
frant ses propres signes perdus dans le monde de la culture. Ainsi 1
• 1
sa 1
• la ~.éfle~ion comprend el,le-même qu'elle n'est pas d'abord sci~nce,
1
C'e
qu tl lut faut, pour se deployer, reprendre en elle-même les stgnes not
1
CU}l
opaques, contingents et équivoques qui sont épars dans les cultures 1
1
l lan· 1
•
3· Cf. mon article • Acte et aigne dana la philosophie de Jean Nabert •, $tuda 1 COll
philosophifliUI, 1962/3. '
. .
54
b
•• • '
•
•
•
55 '
b
-------·- ----
•
PROBLÉMATIQUE
.,
t
les logiciens ont inventé la logique symbolique dans le dessein '
1
que
exprès d'éliminer l'équivocité de nos arguments; pour le logicien · t
1
neu
le mot symbole signifie très exactement le contraire de ce qu'il m01
signifie pour nous; l'importance prise par la logique symbolique en c
nous fait un devoir de nous expliquer sur cette rencontre qui cons.. lié J
ti tue à tout le moins une étrange homonymie; nous le devons etl
d'autant plus que nous avons sans cesse traité par allusion cette dor
• dualité des expressions univoques et équivoques, et admis impli.. not
citement que ces dernières pouvaient avoir· une fonction philoso- unt
•
phique irremplaçable. (
La justification de l'herméneutique ne peut être radicale que seu
si l'on cherche daris la nature même de la pensée réflexive le prin.. syr.
cipe d'une logique du double sens, complexe et non arbitraire, rigou- det
reuse dans ses articulations, mais irréductible à la linéarité de la l'hl
logique symbolique. Cette logique n'est plus alors une logique en
formelle, mais une logique transcendantale; elle s'établit en effet au véa
niveau des conditions de possibilité; non des conditions de l'objec- 1 de!
tivité d'une nature, mais des conditions de l'appropriation de notre en
désir d'être; c'est ainsi que la logique du double sens, propre à et
1
l'herméneutique, est d'ordre transcendantal. 1er
C'est ce lien entre logique du double sens et réflexion trans- J
ho
cendantale qu'il faut maintenant établir. lér
Si l'herméneute ne porte pas le débat à ce niveau, il sera vite t rat
l
acculé à une situation intenable. Il tentera vainement de maintenir }
•
le débat au niveau de la structure sémantique du symbole; il tirera ac·
avantage, comme nous l'avons fait nous-mêmes jusqu'à présent, de l
la surdétermination du sens de ces symboles pour défendre une lj qt
'•
théorie du double symbolisme et pour protéger contre tout empiè- es
tement leurs champs respectifs d'application. pl
Mais l'idée qu'il puisse exister deux logiques de même niveau • cc
•
.. .
•
1
neutique est plein; il rend manifeste le double sens de la réalité
l'il mondaine ou psychique; c'est ce que nous suggérions plus tôt
ue en disant que le symbole est lié : le signe sensible, disions-nous, est
lS· lié par le sens symbolique qui l'habite et qui lui donne transparence
IDS et légèreté; celui-ci en retour est lié à son véhicule sensible qui lui
tte donne poids et opacité; on pourrait ajouter que c'est ainsi qu'il
·li· ·1
nous lie nous-mêmes, en donnant à la pensée un contenu, une chair,
)0· •1 une densité.
.1
Il
Ces distinctions et ces oppositions ne sont pas fausses; elles sont
l'
tue
•
ln•
~ seulement non fondées. Une confrontation qui se limite à la texture
symbolique du symbole et n'en vient pas à la question de son fon-
>U· dement dans la réflexion, ne tarde pas à tourner à la confusion de
la l'herméneute. L'artifice et le vide du symbolisme logique ne sont
(Ue en effet que la contrepartie et la condition de ce qui est le dessein
au véritable de cette logique, à savoir de garantir la non-ambiguïté
ec· 1 des arguments; or ce que l'herméneute appelle double sens, c'est
tre en termes logiques ambiguïté, c'est-à-dire équivocitct des mots
eà 1 et amphibologie des énoncés. On ne peut donc juxtaposer tranquil-
lement l'herméneutique à la logique symbolique; la logique sym-
ns· 1 bolique rend vite intenable tout compromis paresseux. Son « into-
lérance » même contraint l'herméneutique à justifier de façon
•
11te
•
t radicale son propre langage.
:rur 1
} Il faut donc comprendre cette int?lérance e~le-même pour
·era accéder a contran'o au fondement de 1 herméneuttque.
de Si la rigueur de la logique symbolique paraît plus exclusive
Jne que celle de la logique formelle traditionnelle, c'est qu'elle n'en
>iè- est pas un simple prolongement; elle ne représente pas un degré
plus élevé de la formalisation; elle procède d'une décision globale
eau concernant le langage ordinaire pris dans son ensemble; elle
ne marque une rupture avec celui-ci et avec son ambiguïté incurable;
que ce qu'elle met en question, c'est le caractère équivoque et partant
f~lacieux des mots du langage ordinaire, le caractère amphibolo-
~ la gtque de ses constructions, la confusion du style métaphorique
•
t se et des expressions idiomatiques, la résonance émotionnelle du
te nt• !
1 langage le plus descriptif. La logique symbolique désespère du
•
qua !angage naturel, là même où l'herméneutique croit à sa u sagesse »
.on· tmplicite.
lC à Cette lutte commence avec l'expulsion hors de la sphère pro-
elli· prement cognitive de tout ce qui dans le langage n'informe pas
uïté ~ur l~s faits; le reste du discours est renvoyé sous la rubrique de la
;ore j
onctton expressive et de la fonction directive du langage; ce qui
•
57
- ------------ -~·
• 1 •
. •
•
•
• .•.
•
..
• •
•
.. PROBLÉMATIQUE •
n'informe pas sur les faits e~'Prime les émotions, les sentiments
. . ou les attitudes, ou sollicite d'autrui la production d'une conduite dé
particulière. . gu
Ainsi réduit à la fonction informative, le langage doit encore na
être dépouillé de l'équ.ivoque .des mots ct de l'amphib~logi~ ~es l'h
•
constructions grammaticales; 1l faut donc démasquer 1ambigUtté be
des mots afin de l'éliminer des arguments et d'employer de façon . pe
/
cohérente les mêmes mots dans le même sens au cours du même on
argument; c:es~ la f~n~tion ?e la. d~finition d'expliquer. la signi- qt
fication et ams1 d'éhrmner 1amb1gmté : seules y réusstssent les «,
définitions scientifiques qui ne se contentent pas de rendre compte qt
de la signification que les mots ont déjà dans l'usage, indépendam- rn
ment de la définition, mais qui caractérisent très étroitement un se
objet en fonction de la théorie scientifique (ainsi la définition de la th
force par le produit de la masse et de l'accélération dans le cadre l es
'
de la théorie newtonienne). be
Mais la logique symbolique va plus loin. Pour elle le prix de
l'univocité,- c'est la création d'un symbolisme sans attaches dans lo
le langage naturel. C'est cet usage du symbole qui exclut l'autre. lo
En effet, le recours à un symbolisme entièrement artificiel intro- su
duit dans la logique une différence non seulement de degré mais P'
•
1
ss
•
. .
.. -=----
't,!:MIDY•••--=-•
t~ ,.; "x·· l,f l~ .J;.;~J~! :•IL'.; ,;~••,:
~~t···r,._.."' •
•
•
•
•
•
MtfHODB JŒRMbmJTlQU& BT PHILOSOPHIB RBPLEXIVB
1
.ité
,re
Seule la problématique de la réflexion peut venir au secours
Ile r'
des expressions équivoques et fonder véritablement une logique
on du double sens. Ce qui seul peut justifier les expressions équivoques,
•
118 1
59
. .
• __ ..,_-_:.::._~~'!!' :"~• WSIB ..n
I ~ Qt''-• «•· ~ ~~:r..-tw_,,.....,.,·•••........aa· • ,,
.•
'
•. •
• •
1
•
PROBLbfATIQUB
•
si~le l'appropria.tion du Je pense, je suis, n'est ni énoncé empirique,
m énoncé émotionnel, mais autre que l'un et l'autre. '1•
.••
•
PROBLÉMATIQU.
,
vers un autre foyer qui n'est plus le sujet immédiat de la réflexion iln
- u la conscience » - , le moi vigile, attentif à sa présence, soucieux mot
de soi et attaché à soi. Ainsi l'herméneutique, abordée par ses pôles . d'a1
les plus opposés, représente d'abord une contestation et une à la...
épreuve pour la réflexion dont le premier mouvement est de s'iden- me1
tifier avec la conscience immédiate. Nous laisser déchirer par la ET
contradiction des herméneutiques extrêmes, c'est nous livrer à sen
l'étonnement qui met en mouvement la réflexion: sans doute nous •
F
•
faut-il être écartés de nous-mêmes, délogés du centre pour 'savoir trot
enfin ce que signifie : Je pense, je suis. pie:
•
Nous croyions avoir résolu l'antinomie du mythe et de la philo- nor
•
sophie en cherchant dans l'interprétation elle-même la médiation SlOl
entre le mythe et la philosophie ou, plus largement, entre le sym- des
. .
bole et la réflexion. Mais cette médiation n'est pas donnée, elle • de :
est à construire. enst
Elle n'est pas donnée comme une solution sous la main. Le plu
dessaisissement de l'ego auquel la psychanalyse plus qu'aucune qu'
autre herméneutique nous convoque est le premier fait de réflexion con
•
que la réflexion ne comprend pas. Mais l'interprétation phénomé- cipl
nologique du sacré à laquelle elle paraît s'opposer polairement n'est
• pas moins étrangère au style et à l'intention fondamentale de la
méthode réflexive; n'est-ce pas une méthode de transcendance
qu'elle oppose à la méthode d'immanence de la philosophie réflexive?
Le sacré, manifesté dans ses symboles, ne paraît-il pas ressortir
•
•
..
à la révélation plutôt qu'à la réflexion? Qu'on regarde en arrière
vers la volonté de puissance de l'homme nietzschéen, vers l'être 1
générique de l'homme marxiste, vers la libido de l'homme ~re~ 1
11
dien, ou qu'on regarde en avant vers le foyer transcendant de stgm- • '
fication que nous désignons ici du terme vague de sacré, le foyer •
du sens n'est pas la u conscience » mais autre que la conscience: '•
6a
·· -~ • 1
. • •
•
•
~-
~
cipline herméneutique.
st •
la •
:e
:?
•
U'
~e
•
• ..
~e •
1- 1
• •
l- 11
• •
!f •
•
•'
•n 1
.n 1
n,
1
la •
•
lC 1
te 1
1-
;e
~
,._ •
"•
JS
- ---·-· - -·- .
. .. ' .
-~'-i __..... .
~' ., . ·" ~MQ. .;oii•S. 1 •• ,....,~--elololt--..F..N!
" . ,. . .
.......... _._._~. .. ...... i~--
. ........ 't.t.O..-•·-
1'
' '
!
1
1
1
1
1
11
1•
•
•
•
•
'•
•
•
1
••
1
1
;• •
1
1 '
j.
l
1
r
;'
•
••
' ·r
•
1 •
••
• ••
..
LIVRE II •••
.•
ANALYTIQUE : ·''·•
'.
1 LECTURE DE FREUD ~;
•
•
•'•
•••1•
\ •
1
''
'\
·'
••
1'
...
. ;t
••
h~
~
1 ••
•
..
•,..,•
.. \'
,
••
'
•
•
1
•
11
•
• !
•
! ,•
'
J
j'
..
•1 : . •
'
• ~·
'
. •
' 1
1
1
•• •
•
,.
r
••
•.
l
l •
' l
Avant
voudrais
Ce n'4
propose,
ment co
• entre la
l'interpr
pourtan1
Je ve
Je di1
de cette
•
puts su:
I. C'l
écrite u
considé1
.,
J appelle
'
mecam< .
autres Î!
tout, s';
1 Le ra
centrale
m'est a
triee
• •
et
amst d'
donc le
apparu
tique, f
1
et à cô·
au sien.
rectificél
. panorar
•
'
'
1
.
1
.
•
.•
•
1 •
.. • •
1' e
. '~.
t
•
• 1
•1
•
(
1
INTRODUCTION : 1
.• .•,••
•
.•.
Avant d'entrer dans mon « Essai pour comprendre Freud »,je ••
.••
voudrais dire comment il a été écrit et comment il doit être lu. •
t
puts sur le mouvement de l'Analytique elle-même. •1
'•
' ..
) '
~· C'est en vue d'une dialectique des herméneutiques qu'a été ,•J
1
écnte une étude séparée, portant sur l'interprétation freudienne '••
~,onsidérée en elle-même. C'est cette interprétation séparée que
.~
.1 •
•
J appel.le « Analytique », en raison du caractère en quelque sorte ..••
••
• 1
.
mecam9ue et extérieur de son opposition à l'égard de toutes les • •••
'
•••
1
autres mterprétations. Comment cette Analytique, prise comme un ' <
•
.1c~ et démystifiante, aux côtés de Marx et de Nietzsche. C'est ••
~ansa d'ailleurs que je l'ai introduit et présenté plus haut; c'est ..•, 1
•
•
one le goût de l'extrême qui m'a d'abord guidé; Freud m'est •
1•
'
1
•
•'
•
'•••
1 ,.
- - ----= -;~-··,---·--~.. • ....··- ------ ··- - - - - - - -·- .....-~IGJl'·~···- - -
1
l
1
1
1
ANALYTIQUE •
1
pourra sembler que dans ce combat indécis Freud n'est plus nulle j exigeant
part, parce qu'il est partout. Cette impression est juste : les limites 1 c Métaf
de la psychanalyse devront finalement être conçues moins comme
une frontière en dehors de laquelle il y a d'autres points de vue 2. M:
rivaux ou alliés que comme la ligne imaginaire d'un front de recher- d'un sel
che qui sans cesse recule, tandis que les autres points de vue passent vers un
de l'extérieur vers l'intérieur de la ligne de partage. Au début vers le
Freud est un combattant parmi d'autres; à la fin, il sera devenu ici le rn
le témoin privilégié du combat total, parce que toutes les opposi- une idé
tions auront été transportées en lui. détaché
Ce sont d'abord ses alliés que nous retrouverons en lui et non au sens
plus à côté de lui. On verra progressivement la question de Nietzsche s'y ratt
et celle de Marx surgir au cœur de la question freudienne, comme des fait:
question du langage, de l'éthique et de la culture. Les trois inter- eux-me· "
prétations de la culture que nous avons coutume de juxtaposer, cr théori
empiéteront l'une sur l'autre, la question de chacun devenant ensemb
l
la question de l'autre. confirrn
Mais c'est surtout la situation de Freud par rapport à ce qui lui C'est
est le plus opposé, à savoir une herméneutique du Sacré, qui chan- abstrait
gera au cours de ces lectures successives. J'ai d'abord voulu m'exer- rend P'
•
cer dans l'opposition la plus vive, afin de me donner la plus grande tt tuent
distance de pensée. Au départ, dans une interprétation de la psycha- 1 parenta
nalyse entièrement réglée par sa propre systématique, toutes les les autt
oppositions sont extérieures; la psychanalyse a son autre hors entre c1
d'elle-même. Cette première lecture est nécessaire; elle a sa vertu dienne,
comme discipline de la réflexion; elle opère le dessaisissement de psychic.
•
la conscience et règle l'ascèse de ce narcissisme qui veut se faire neur d
prendre pour le vrai Cogito; c'est pourquoi cette lecture et son tique fr
rude écolage ne seront jamais reniés mais seront conservés dans ?on~ p.
la lecture finale. C'est seulement pour une seconde lecture, celle Jectives
de notre Dialectique, que l'opposition extérieure et toute mécanique lecture
des points de vue pourra s'inverser en opposition interne et que C'est 1
chaque point de vue deviendra en quelque sorte son autre et por· nécessa
tera en lui-même la raison du point de vue inverse. référen•
Pourquoi, nous dira-t-on, ne pas aller directement à cette vue à, peu ,
dialectique? Par discipline de pensée, essentiellement. Il faut s enricl
d'abord rendre justice à chaque point de vue séparément; pour c~la dira qu
il faut en adopter, si j'ose dire, les exclusives éducatrices. Ens~nte Voie
il faut rendre raison de leur opposition; pour cela il faut rumer Analyti
les éclectismes commodes et poser toutes les oppositions com,me 1 • ~ner
extérieures. On essaiera de tenir cette discipline de pensée : c fst 1
concep
de car
pourquoi on entrera dans la psychanalyse par ce qu'elle a de Pus
1
68 1
f
•
l
-
•
•
11 1
~
1 · f,~
1• COMMENT LIRE FREUD ~f.•
• •
'(
exigeant, par la systématique, que Freud lui-même a appelée sa · $.
1
1 Métapsychologie ».
,lt
••
1,
$
2• Mais notre Analytique ne constitue pas elle-même une lecture .~
d'un seul tenant et au même niveau; elle est orientée, dès le début, ~
' '·'
vers une vue plus dialectique par le mouvement du plus abstrait .,
vers le plus concret qui entraîne la suite des Iectm:es. J'emploie 'I
ici le mot abstrait, non pas au sens vague et impropre selon lequel
une idée est abstraite quand elle est sans base dans l'expérience,
~
•:
détachée des faits, « purement théorique » comme on dit, mais '
'
au sens précis et propre du mot. La topique et l'économique qui !~
.•
s'y rattachent ne sont pas abstraites au sens où elles seraient loin .1
1••
des faits. Dans les sciences humaines, la « théorie » fonde les faits 1'/
·1
eux-mêmes; les << faits » de la psychanalyse sont institués par la ·-:&>
u théorie >> : en langage freudien, par la « métapsychologie »; c'est '1
·~·
ensemble que la « théorie » et les « faits » peuvent être infirmés ou •':<.·~·
•
confirmés. ,.
·~
C'est donc en un sens spécifique que la << topique » freudienne est ;g
abstraite. En quel sens ? En ce sens que la topique freudienne ne ·~ )
i·
r~nd pas compte du caractère intersubjectif des drames qui cons-
1
~on~ parle l'analyse et qui parlent dans l'analyse sont inters~b ....'·•. • 1•
••
Jecttves. En cela réside le caractère « abstrait » de la première ,.~' •
le~ture que noU:s proposons dans la première partie de l'Anf!/y_liq.ue. •
••
,•
•
C est ~ourqu01 la topique, adoptée d'abord comme ~~s~1plme .,
•
J
néc.cssa1re, apparaîtra peu à peu comme un niveau prov1soue de
~
réfcrence qui sera non pas abandonné mais dépassé et retenu. Peu ...'•
à, pe~, ~ l'intérieur même de l'Analytique, la lecture de Freud • •
1 ~ j
l t i
•
•
1
•
'
•
.
• •
••
•1
ANALYTIQUE
1
····~
•
•
•
•
'
COMMENT LIRE FREUD : ,.
•
l Un troisième cycle sera enfin con.s acré au dernier remaniement '
• ••
1
...
1
• de la théorie des pulsions sous le signe de la mort. Cette nouvelle 1 •
•
1 théorie des pulsions a une signification considérable. D'une part,
1
elle nous permet seule d'achever une théorie de la culture, en la •1•
replaçant dans le champ de la lutte entre Éros et Thanatos. Du •
••
même coup, elle permet de mener à son terme l'interprétation
••
freudienne du principe de réalité qui aura servi de bout en bout de ••
1
1
contre-pôle au principe du plaisir. Mais, en achevant ainsi la théorie
1 de la culture et celle de la réalité, cette nouvelle théorie des pulsions
•
ne se borne pas à remettre en question le modèle initial du rêve :
elle bouscule le point de départ topique lui-même, plus exacte- .• ••
.•
ment la forme mécaniste dans laquelle la topique a d'abord été
énoncée; ce mécanisme, dont nous exposons au début de la première • ••
•
Ainsi notre Analytique s'achemine-t-elle, par dépassements 1
i' ~
su~cessifs, vers une Dialectique. C'est pourquoi ces chapitres !· !
d.otvent être lus comme des coupes successives où la compréhen- , .''
•
Sion, en s'avançant de l'abstrait au concret, change de sens. Pour
u~e première lecture, plus analytique, le freudisme laisse hors de
lu1 ce qu'il réduit; pour une seconde lecture, plus dialectique, il
comprend d'une certaine façon ce qu'il a paru exclure en le rédui-
sant. Je demande donc expressément que le lecteur suspende
son jugement et s'exerce à passer d'une première intelligence, qui
a ses critères propres, à une seconde intelligence, où la pensée
adverse est entendue dans le texte même du maître du soupçon.
' 1
• '' .•
• . ..
•
• : 1
1 1
•
1
~
. .
.•
•
.l
•
1
1
•
1
1
)
•
'
•
1
1
•
•
•''
~
•
j:
t
1
• l
'
• .. - ··- - -- -- .....
-.t..i
."
..
,.
•
• ••,
..•
\
•
l.
•
.."
l'
••
~
••
-·
....•
PREMIÈRE PARTIE
••
..
1
ÉNERGÉTIQUE •
r
••
!(
ET HERMÉNEUTIQUE r.1•
,•
.1'
.,'!
,.;
l'
"!<·
Il
••
1 ,.'•
~
••
1 ~
• ~\
1 (
! •
.
)
.;~
• '
1
• •• •
"•
,.
~
r: ••
'•• ..
•
1 ),
• ~
'• 1.
i.
•<•
••
t
•
• 1
..
' '
...
•
• l
1
~
. ".
•
-' .. i •
•
•
• •' •
!
t1 •
'
l' •
1
i
[
•
i• .••
•
•1 ••
•
•
• • 1
•
•
'
1
Notr1
du dise
tion du
cycle.
1
1
J'ai 1
1 la diffi
.11
1 écrits d
• •
vo1re a·
1
1
d'une (
'• hennén
l
1
rente e:
1 la psycl
1 Je rr.
• ment lê
' la tâcht
1
1 sera pr·
• 1
et d'at1
par ur.
•
1 énergét
dans e1
'
Or },
•
cat1on 1
Dans 1
bhénon
• ase à
substitl
'
placem
1
1
lntentu•
1
1
•'
natural
le poir
, une én
•
•
.i
• l ~
•
•
.'fi'
1
•
•• ••
'1
LE PROBLÈME ÉPISTÉMOLOGIQUE
DU FREUDISME •
!j
1
••
t
!!•
Notre premier cycle d'investigation est consacré à la structure î•
du discours psychanalytique. 11 prépare ainsi la voie à une inspec- •
,J
1
.t
tion du phénomène de culture, à quoi sera consacré le second 11
••
cycle. l~
1 •
' J'ai placé cette enquête sous un titre qui désigne tout de suite a
i la difficulté centrale de l'épistémologie psychanalytique. Les
•
j 1'
• écrits de Freud se présentent d'emblée comme un discours mixte, !;
1
1•
voire ambigu, qui tantôt énonce des conflits de force justiciables
d'une énergétique, tantôt des relations de sens justiciables d'une
•
•1
.'
j
l
1
.• • •)' 1•
hennéneutique. Je voudrais montrer que cette ambiguïté appa-
,1 rente est bien fondée, que ce discours mixte est la raison d'être de '' •
1
•
1'
1 •
la psychanalyse. -
•••
•
•
1
rlace~ent et de déplacement d'énergie :- à celles de con~cie~ce
1
! ntentJonnelle et d'objet visé semble 1mposer une exphcat10n
~atur~liste et exclure une compréhension du sens par le. sens. Bref,
j
• •
• . l
pomt de vue topique-économique peut, semble-t-11, soutentr
une énergétique, mais non point une herméneutique. Il n'est pas
.
1 •
1
'•
1
'
•
1
15 1
• ~
'
1
ANALYTIQUE
tl es~ vra1- d'~n état initial où cette topique est coupée du travaal .1
de lu~terprétat10n. Ce que nous appellerons par la suite l'hypothèse
1
.1
quantitative grève lourdement l'explication économique. Il .en
résulte que tous les exposés ultérieurs souffrent d'une dissociauon 1
.
...
',
\
~
f
•
LE PROBLÈME ÉPISTÉMOLOGIQUE DU FREUDISME •
••
••
•
résiduelle· nous chercherons la clé de ce divorce initial entre l
explicatio~ et interprétation dans l'Esquisse de 1895· Ce sera l'objet ~
de notre premier chapitre. Nous montrerons ensuite comment le
fameux chapitre vu de l'Interprétation des Rêves reprend l'exposé ~
i
de l'Esquisse, mais aussi le dépasse et en prépare plus nettement ~
l'intégration au travail de l'interprétation; ce sera l'objet de notre '
second chapitre. Nous chercherons enfin dans les Écrits Métapsy- 1\
chologiques de 1914-1917 l'expression la plus mûre de la théorie •
et nous nous arrêterons longuement au rapport de la pulsion et de •
la représentation où se justifient à la fois toutes les difficultés et '
1
tous les essais de résolution. 1
f
•
••'
1
'•
1
,1•
.
•
i•
t
j
f
•
1 .''
•'
1 ,••
1
1 •
•
,•.
1
1 j;
' •
1 .•• •
! ; 1
.
• :1
1 •• : 1
• • 1 i
1
1
1 ' 1
• •
l : 1
1
•. •1 ••
11 ''
1 • • •'
1
t•
•
.
•
1
.1 .:••
1 1t
1
'
1
.
1
• !
l
•
•
•
•. ••
' .
,.·.,+\in2t·"·
•• -
.... ;.....
' "'.•. ,...la
,.1"' '-' ..\1, .'·'1 .:.. ,.•":t·'ltli
:,l·\\· .!!"
·~tur<r.
'
· ~'
.:.\\~
0 ., . - s J' .~
• 0 - -- ....... · · · - - - . .. - .. . • - • - 0 •
• • - 0 • 0 • • • • • • •
, .. l
•
••
'
'
VEsq
état nor
•
c l'appa1
proque
- •
plus loi:
pas abs<
• •
' prmc1pe
et tend
•
au pnn1
l'aspect
basée st
•
rapporu
de 1895
Mé~ps~
• not10n ,
t. L'es
P<>ur la p
ainsi qu'u
der Psych
•
1
la Psycl~a1
Freud pa
no 2J d
(ib'ùJ.,, p.u
•
tt l'intcnt
tt Avant·
de Sigm 141
~sycholo~
l Esquisse
p. 25; ce •·
tante, C<
tt à Vien1
(G. W. r,
J
1 tt manu.,
1
••
•
•
1
1
l •
•
•
r
•
• ••
••
••
(
•• •
••
• ..
1
•1 CHAPITRE PREMIER 1
• 1
1
i:
UNE ÉNERGÉTIQUE •••
•
•
SANS HERMÉNEUTIQUE ..1
i1
.
J.
VEsquisse de 1895 1 représente ce qu'on pourrait appeler un l1
•
état non herméneutique du système. En effet, la conception de
• l'appareil psychique » qui la domine ne paraît aucunement réci- '
1
1
•
1• L'essai ~nnu comme une Esquisse d'une psycholog1'e scientifoltu .a ~té pu~tié
P.0 u~ la Prcmaère fois à Londres en 1950 à la suite des Lettres à Wilhelm Fltess,
:sa qu'une collection de Notes et de Plans, sous le titre général Aus den ~nfangen
ltz PPsycltoana/ysis (Imago Publishing, Londres 1950); tr. fr. =. La N_ausance .de
Fre sychanalyse (P. U.F. 1956, p. J07-J96). L'essai n'a pas en réahté de tttre pré~:
0 ud parle de sa c Psychologie à l'usage des neurologues • (Lettres à Fl•ess,
~bi~J, du 27 avril 1895, ~ Naissance... p. ~os), ou sim~lement du système ~~
1
et ,:• p. ~09) pour des ratsons que nous dtrons plus lom (no~e 16). Sur le titre
• 1
tt A~tentton de l'Esquisse, cf. E. Kris, Introduction à La Nausance.... (p., 22-4)
tk s· ant-propos de l' Esqrlisse (ibid., p. 309-11); Ernest Jones, La Vre el 1 O!UVrt
Ps c'gmun~ Freud, tr. fr., P. U.F., 195 8, t. 1, p. 381.- Sur le mot même de • m~ta
l'l h~logte •, voir Lettres à Fliess, noe 41 et 84. -Sur les premières ébauches do •• i·/
p. ~q~us~, on consultera ln lettre à Breuer, 29 juin 189~ (G .. W. X~ll, P· 5; ~· P. v, •
1
' tantS' cc texte sera repris duns la Sta11dard Ed. au t. 1 (tnédtt à ce Jour), et ltmpo.r-
1·1
1
•• ••
et à~·. Cornmunication préliminaire • datée de décembre 1892, publi~e à Berhn 1 •
(G, wenne nu début de J89J. et placée en tête des Btu,des sur tHystéri~ de J89S
..
• •
•
• 11
•
• l 1•
•
79 • •
/ .1
•
• .
•
1
·-· --- . ~- -·- -
•
-
!
ANALYTIQUE
l
la première est simp!eme~t calquée. sur un modèle physique, le
second est corrélatif d une mterprétatton du sens par le sens. Certes,
il faut bien avouer que cette concepti~n quasi physique ~c l'appareil
psychique n'a jamais été éliminée entièrement. du freu~1s?1e; tout~
•
1
• '•
I. LE PRINCIPE DE CONSTANCE 1
0
1
•
ET L'APPAREIL QUANTITATIF !'
0
0
les neurones 4 ». •
•
••
pu naître. C'est aussi contre ce milieu que la psychanalyse aura à
lutter; du moins Freud n'en reniera jamais les convictions fonda-
mentales : comme tous ses maîtres, viennois et berlinois, Freud l
voit et verra dans la science la seule discipline de la connaissance,
la règle unique de toute probité intellectuelle, une vision du monde •
e assume ln théorie i•
0
~Ollon de quantité une sorte d'économie des forces nerveuses et, deuxièmement, 0
•
ttrer de ln PS)•chopathologie quelque gain pour la psychologie nonnale. 11 (Ibid., 1
~ηb06 ·> Et quelques jours plus tard : c Les trois systèmes de ne~roncs, les états ••
! r~ • ou •lié • de la quantité les processus primaire et secondatre, la tendance • r"
1 ~~<:a~ale, ln tendance du ay~tème nerveux aux compromis, les deu:c règles !
p~~~:tques de l'attention ct de lu défense, les indices de qualit~, de réahté et de 1 1
d ·
nscacnt en tant que fonction de perception, tout cela concordrut
· et con tmue
. :j
e Concorder. Naturellement J·e ne mc sens plus de joie! 11 (ao oct. t895, lb,.d., • 1
1
•
P. Hs.) '
P~·lS. Bcrnfcld, • Freud's earlicst Theories and the School of Helmhotz '
11
;1
:1
81 :r
1
1
0
1
l1
•
(
\
ANALYTIQUE
déch:
1 •
Stnée.
ho~~ !~cked~e pfremier maitre de Freud, cat le chainon viennois entre Hclm· J
une 1
.
reu ' c.. 1ones, o. c., 1, 407·16.
Il
9· y a deux lignes · une r . H 1 h 1 F . ces n
s'
1
Freud q · d' li · .•une c m o z. rcud ct une ligne Herbart-Fechner•
Meyn~rt w clura BC croisent aussi bien chez Brücke CJUC chez Griesinger et un sc
The u,"~~io~; ~ mot • idée • chez Fr~u~, . au sens de Herbart, cf. Mnclntyre,
1
• que,
•
ment • cf la ' · 957 • p. 11 · -Sur 1 ongmc herbartiennc du mot • refoule- de la
JO Î.etires ~up~~use r~Srque de Jones, o. c., I, JIO.
qui ~ ~noncé la •eul, l'!d.~. 3 : • C'est le vieux Fechner dans aa noble simplicit~ Il.
aeu e 1 ce Sensée en d 18 · t 1 .. · ue
aur un terrain peychiq dtf<' an que c proccaaua onanquo 10 JO de lan
uo 1 crent. • (La Naüranu••• , p. 217.) •entati,
1
•
•
j
r p· • ?Te-« #A JWaSCr MO'BAW.tt«<IIN WZ~··t'd'Wit,-~'
~ .. ... .
•
'
\
UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE.
1 !1 '•
que, dans l'Esquisse, Freud ne s'avance pas plus loin dans la voie • ••
de la détermination de la « Q » 11 • Aucune mesure n'est énoncée : : 1
1 •
d lt. Moclntyre (o. c., p. 16-22) rapproche la notion freudienne de quantit6 '. '
1 •
1 • •
l ' '•
. .'
• •
'-.. ..
---
~
_.. ··;-----·~''~~ ..,. , ,. , ......,..u.... ·· - - - - - - --· - - · - -·- ---·----·-·-·····•-.r;•.:o..•.+wi.l~»~W
• •
ANALYTIQUE
r6.
la base anatomique est absolument inconnue : certes Freud postu- cripti•
12. E: K:"s (o. c..' p. 317-18, note 2) y voit l'esquisse de la future différenc~ cp, "'·
àF/ie
1
'
-t•
(328). « La tâche de ce système consiste à transformer une quantité ~·
"'
extérieure en qualité » (ibid.). Freud a essayé de les rattacher au t
k
système quantitatif en leur prêtant une propriété temporelle, la (
~
• •
,
<
14. Ce sera un des thèmes fondamentaux dans Le moi et le ça. Alors qu'il <- •
• ••
ex.iste un • bouclier perceptif •, le moi est livré sans protection aux incitations de • 1
ses pulsions. C'est une idée profonde que la perception est un système sélectif .. ,· 1
:
à l'égard d es incitations du monde, alors que le désir nous laisse démunis. On peut • •
comparer cette idée au concept nietzschéen de • danger 11, .'. •''
15. On peut se demander si la différence entre les neurones q> qui • se laissent .'
c·•
traverser • par le courant et reviennent à leur état antérieur et les neurones cV '
•• 1
1 •
qui sont • altérés durablement • par le courant (La Naissance... , p. 319) n'est 1
1 1
~a:' la transcription d'une distinction dans son fond qualitative, à savoir Poppo- 1
• 1
_I6: Freud d ésigne ces neurones par la lettre W (Wahrnellmung) ou (1) (trana- .1•
•
cnpt•on humoristique de W), qui permet d'appeler les trois sortes de neurones
.. •
ql, .,, (1). C'est ainsi que Freud dans ses lettres parle de son système q> cV (1). ùttru ..
1 '
•
à Flieu, p . lOC), 1 t 1. Les neurones cp. essentiellement perméables, qui n'opposent 11
• 1
aucune résistance et ne retiennent rien, servent à la perception; les neurones .,, •
1
essentiellement imperméables, sont rétentcurs do quantité : d'eux dépendent
1 la r:rtémoire et probablement auui les processua psychiques en général (LA .•• '
•
• Nausance..•, p . 320) . • 1
17. Cette introduction du temps est de la plus grande importance; on Y revien- 1 1
11
dr~ a~uvent : l'i,conscient ig11or6 le temps. Il est remnrqunble que le temps soit t
••
1
ss '1. •.
' 1
1 •
•
1
1 '•
)
ANALYTIQUE
.
• 1
!' .
• 1
vestissement des images mnémoniques de l'objet désiré et des 1
• 1•
1
• •
.
ANALYTIQUE 1
!
••
•
du désir produit une image qui simule l'indice de qualité de la • celle-(
perception. Nous aurons beaucoup à dire, le moment venu, sur f « c'est
cette hypothèse 23, Maintenant, comment la discrimination va-t-elle constit
se produire dans le processus secondaire ? ment
Pour la première fois, Freud établit une liaison entre la discri- en ces
mination du réel et de l'imaginaire et la fonction d'inhibition, elle- possibJ
même attribuée à ce qui a déjà été appelé « organisation du moi » entre ;
'
(340-2). C'est un point acquis pour toujours : investissement donne
constant du moi, fonction d'inhibition, épreuve de la réalité iront en d6
toujours ensemble 24 • « Si donc un moi existe, il doit entraver le piète ,
processus psychique primaire » (342). Pour harmoniser cette idée ' peut '
nouvelle avec le système, Freud postule un ensemble de neurones appele
à charge constante - « un réseau de neurones investis dont les possib
relations mutuelles sont faciles » (341 ). On trouve même dans ce proces
texte la première esquisse d'explication génétique du moi. Comme que p:
plus tard dans Le moi et le ça, cette réserve énergétique est dérivée, que S(
par emprunts cumulatifs, de la quantité endogène; cette énergie nos h••
1
liée forme un système de tensions à niveau constant. désir,
Mais qu'est-ce qu'inhiber? Freud l'énonce ainsi: le moi apprend reconr
à ne pas investir les images motrices, ni les représentations d'objets Ave
désirés. Cette « restriction )), cette u limitation », qui annoncent de mo.
déjà la fameuse Venzeinung de 1925, le passage par le Non, sont 1
dans ~
présentées ici comme un effet mécanique du risque de déplaisir, dont 1
sans que l'on voie comment « les motifs moraux >>et cc la compréhen- •
«JUger
sion mutuelle », évoqués plus haut, s'insèrent dans ce principe reconn
hédorùstique. Freud avoue d'ailleurs ne pas savoir comment, au •
1
indice
point de vue mécanique, la menace de déplaisir règle le non-investis- désiré
sement de quantités accumulées dans le moi (381); c'est à cette de lac
occasion qu'il déclare : « désormais je ne chercherai plus à trouve~ tation
une explication mécanique de ces lois biologiques et me déclarerai ncuror
satisfait si j'arrive à donner de ce développement une description psycho
claire et fidèle » {38 1 ). • Ont
Il est encore plus difficile de rendre compte, en termes mécam- cité en
ques, du lien entre inhibition et discrimination; Freud admet que déjà u
prépar;
aairement supposer que, dans les ~tata hallucinatoires, la qunntit~ (0) re~ue
encore
vers cp et en meme temps vers W (w); un neurone lié ne permet pas la productaon Plus
1
d'un tel reflux • (390). l
23 . Cf. ci-dessous la discussion du chap. vu de la Traumdculrmg et de l'inter· zs. J.
pr~tation du rêve comme quasi-ha/lucinaloire. Analytiqlle, 1ro partie, chap. Il, a6. 0
1 2. • le dcvcn
24. Kris voit dans cette analyse la première llllticipation de la théorie du moa rcviendr
•
dana Le moi et 14 ça en 1923. (La Naissance, p. 341, n. 1.) Pomt fo
88
~~~~
•. , , p...- ----~ -
•.......
.------ ·- - -·---- ............. _. _______....______
r
'
.1
UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE
•t
•1
• celle-ci s'appuie sur des« indices de réalités» venus du système (t);
1. a c'est, dit-il, cette annonce de décharge provenant de W ((t)), qui •
••
constitue pour ~ un indice de qualité ou de réalité » (343). Mais com-
ment l'inhibition permet-elle à ces indices de jouer? Freud cerne
en ces termes la difficulté : cc C'est une inhibition due au moi qui rend
possible la formation d'un critère permettant d'établir une distinction '
. entre une perception et un souvenir>> (344). Mais l'explication qu'il •
•t
i •
'• donne est plutôt la description du problème à résoudre : cc une charge l '
1
nos hypothèses, l'inhibition venue du moi tend, au moment du
désir, à atténuer l'investissement de l'objet, ce qui permet de Ji
1j
reconnaître l'irréalité de celui-ci >> (344-45). •
•• 1
' t.
Avec la discrimination entrent dans le système des fonctions 11
de moins en moins assignables à des énergies mesurables; l'Esquisse,
dans sa troisième partie, introduit même des thèmes descriptifs u
1•
:1 1
dont plusieurs ne seront exploités que beaucoup plus tard : le '
«jugement » - terme emprunté à Jérusalem 25 - est conçu comme
reconnaissance d'identité entre un investissement appétitif et un
indice perceptif de réalité : cette reconnaissance réelle d'un objet
désiré constitue la première étape de l'appréciation de la réalité,
de la croyance. Freud ne désespère pas d'en donner une interpré-
tation quantitative : mais il est clair que « l'investissement des
. neurones psychiques >> (35 1) est une simple transcription de la
psychologie dans un langage convenu. •1
•
•
ANALYTIQUE •
•
90
.."--••"'·• --ru•· ·--ut..WYI_,.,......,._._ _ __
- ------•u.,_,....,.._..........,.
,
•
• UNB ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE
1
prématurée des troubles psychiques 29• Mais surtout, la grande r
1 découverte de ces années, celle qui devait lui aliéner le milieu •'
;• !•
•
.• '
•
.... - - . . . ...... - ... ·- . ---- - -- - - - · - - - ··--- ··--- · -~· ··,...-·-·••••-..·•.,..c:.o.:k&~;c~-.""GOl.I.~JII.~'::P•.,_
ANALYTIQUE •
\
2. On peut peut-être aller plus loin : l'Esquisse n'est pas seule- COl
•
ment un système mécanique coupé de l'interprétation par son VIt•
]
•
rrur
JI. Jones, o. c., I, p . 257, et Ma vie et la psycltanalyse, p. I9.
32. Ma vie et la psychanalyse, p. 27. Jones, o. c., 1, p. 225. àp
33· Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, I9I4, G. W., X, •
p. 46; S. E., XIV, p. 9; tr. fr., in Ire éd. des Essais de Psychanalyse, Payot, 1927, 3
p. 266. c Pl
34- c Communicatitm prlliminaire •, Studa mr l'hystnw, G. W., 1, p. 86; S. E., que
•
u, p. 7, tr. fr., p. s. mtc
35· Sur le passage de la c tension sexuelle physique • à la c libido psychique •, Qua
Lettres à Fliess, o. c., p. 83. C'est principalement le fait de l'angoisse qui contraint d'or
à considérer •l'élaboration psychique • (ibid., p. 84) et plus précisément la 1 trans- des
formation en affecta • de la 1 tension sexuelle •. On trouvera dans les notes de mat:
1 lit
Kris au Manuscrit G. du 7 janvier 1895 un extrait important du premier dea deux
articles de Freud sur la névrose d'angoisse (1895); le rôle de lac représentation •, relie:
sur lequel nous insisterons dans le chap. 111 de cette 1ro partie de l'Analytique, .Y bien
est expressément mis en place : dès que l'excitation est devenue stimulus paycht· •exu
que • le groupe des représentation& sexuelles présentes dans le psychisme va se Jj
charger d 'énergie et c'est à ce moment que s'instaurera un ~tat psychologique do rem,
tension libidinale qui va susciter le besoin de décharge •. La Naissance .•. , p. 91·3 • d' un
note ~· C'est dana le même sena que le Manuscrit G parle du c groupe •?,uel ' F/i~s
psychaque • (p. 95). Toute la théorie de la névrose d'angoisse repose sur 1 Jdée la trl
d'une entrave de l'~laboration paycruque de l'excitation. jonce, o. c., 1, P· 266· Lac
76, 284-5. 1 Pro v:
l1
1
{
•
•
• UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE
• ,
36. C'est dnns la deuxi~me partie de l'Esquisse {p. 358-69), ins~rée entre le
• Plan général • etc L'Exposé d'un processus normal 1 (processus secondaire, etc.),
9ue cette idée est reprise : ln • compulsion émanant de représentations hyper-
mtcnses •, montrle par l'hystérie, est en même temps la dbnonstratio" de la
Quantité : • Le terme • intensité excessive •, note Freud, désigne un caractère •
d'ordre quantitatif • {361). C'est sur les m~canismes de la né\-Tose {conversion 1
des affects dans l'hystérie, déplacement de l'affect dans l'obsession, transfor-
m~tion de l'affect dans les névroses d'angoisse), que Freud, un nn avnnt l'Esquisse,
•lat •la quantité : • Le terme • affect sexuel •, écrit-il (Lettre 18, p. 77), est natu-
r~llement pris ici dnns son sens le plus l11rge, comme une excitation en quantité
bten déterminée. • Le Manuscrit D montre en clair la corrélation entre l'étiologie
•exuelle des névroses et la théorie de la constnnce (La Naissa11u ... , p. 79). 1
l
corrélation entre deuil et mélancolie est déjà faite : c La m61ancolie est un deuil
Provoqué par une perte de libido. • (Ibid.)
i,. •
93 ..1 •
•
•1 j
1 1
•
- ---- ---· - .-------- - - - -·--- - - ----- - - - - - -· ------ - - - -···-.ottt.lllll•" --
•
ANALYTIQUE
lui survivra 88• En fait, l'étiologie sexuelle des névroses avait conduit
bien plus loin que tout mécanisme et que tout système quantitatif.
Freud avait dès le début << la nette impression d'avoir abordé l'un •
•
.. des grands secrets de la nature ,, (Lettre 18 de 1894).
Il ne faudrait pourtant pas conclure de ce deuxième groupe de
remarques que le principe de constance et l'hypothèse quantita-
tive soient liquidés avec la transcription pseudo-anatomique.
•
L'affect continuera d'être traité comme une cc quantité n, déplaçable 1
ou liée, jointe à la représentation; et la notion d'investissement
restera étroitement solidaire de cette étrange quantité qui ne sera
jamais mesurée. On peut même penser que la découverte et la
pratique de la méthode des associations libres, substituée à la Lf
méthode cathartique, a plutôt renforcé l'idée que le psychisme deutz
présente un certain agencement bien défini. Cette conviction que Esqu
le psychisme n'est pas un chaos, mais présente un ordre caché, bien
1,
en même temps qu'elle a suscité la méthode d'interprétation, a j
Et p
•
renforcé l'explication déterministe; comme le dit Jones au début • rn1er
1
de son livre, «jamais Freud ne devait abandonner le déterminisme que
• •
pour la téléologie 89 n. Le principe de constance fut le moyen par •
•
1
m•qt
lequel une théorie du désir, avec ses idées de « but ,, et a d'inten- ' thérr.
tion », resta subordonnée à l'hypothèse déterministe (L, 401). du ri
1
Nous rendrons compte de cette coïncidence entre l'idée d'interpré- • seme
tation, comme rapport du sens au sens, et celle d'ordre et de sys- c'est·
tème, à la fin du chapitre IV. C'est pourquoi le principe de cons- l'Intt
tance, conçu comme auto-régulation d'un système psychique, ne ur•
•
survivra à son expression en terme de neurones : le principe de • mom
'
réalité sera longtemps considéré comme une complication et un épist•
détour; seule la pulsion de mort mettra sérieusement en ~uestion que<
ce principe; face à la mort, la Vie s'annoncera comme Éros. On de l'
pourra se demander si, à cette ultime phase de la métapsychologie, schér
le freudisme n'aura pas restauré la Naturplzilosophie qu'avait voulu
liquider l'École de Helmholz, et la Weltanschauung gœthéenne
qui avait enthousiasmé le jeune Freud. Alors Freud aura réalisé ! 1. J
la prophétie prononcée sur lui-même : revenir à la philosophie i pro po:
Le titJ
par la médecine et la psychologie co. 1
etrc tl
La trt
38. ùttrtl à Fliess, La NaiJSance... , p. 118, 119, 122 : c Peut-!tre devrai-je est cel
finalement me contenter d'une explication clinique dea n~vrosea. • •
Parent
39· Jones, o. c., J, p. so. 2. (
40. • Pour moi, je nourris dans le tréfonds de moi-même l'espoir d'atteindr~ de lat
par la même voie [la médecine], mon premier but : la philosophie. C'est la quoi Il est
j'espérais originellement avant d'avoir bien compris pourquoi j'étais au monde. • caractè
ùttres à Flie11, La Naissanu..., p. 125. Sur Freud et Gœthe, cf. jonea, o. e., 1, la thèa
p. 48. 6a, cf.
94
•
1
.. - ·1\'ll,f.- -
••
: CHAPITRE II
•
•
ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE
DANS «L'INTERPRÉTATION DES R2VES »
•
Le difficile chapitre vu de l'Interprétation des Rêves 1 (Tratlm-
deutung) est incontestablement l'héritier de l'Esquisse de 1895; cette
Esquisse n'ayant pas été publiée par Freud lui-même, on peut
bien dire que c'est dans l'Interprétation des Rêves qu'elle est sauvée 2•
1
•
1
Et pourtant deux changements au moins sont intervenus; le pre- •
. mier est trop considérable pour qu'il ait échappé: l'appareil psychi- '
1 ••
que de l'Interprétation des Rêves fonctionne sans référence anato- ••
•
•
• mique, c'est un appareil psychique,· désormais le rêve impose une 1
1
1
thématique qu'on peut bien dire herbartienne: il y a une« pensée» ·1
1
du rêve; ce que le rêve réalise, ou mieux ce dont il est l'accomplis-
• sement (Erfüllung}, est un désir (ou plutôt un vœu, Wrmsch),
f c'est-à-dire encore une u idée », une « pensée ». C'est pourquoi .j
1'lnterprétatio1l des Rêves parle d'idées investies et non plus de ;t
neurones investis. Ce premier changement en entraîne un autre, i 1'
•
•
moins visible, mais peut-être plus considérable pour une réflexion 1/
•
• 1•
épistémologique sur les<<modèles»: le schéma de l'appareil psychi- •
• •1.
que oscille entre une représentation réelle, comme l'était la machine
de l'Esquisse, et une représentation figurée, comme le seront les :f
1
. schémas ultérieurs de la topique : nous essaierons de comprendre ' 11
i
:t
11
1
• 1. Je multiplie à dessein les citations de l'Interprétation tks Rlv~s. afin de ..!'
••
•1
proposer aux lecteurs français une transcription plus exacte du texte original.
l Le titre lui-même, qui concerne directement la tMorie de l'herm~neutique, doit
être traduit exactement : Deutmrg ne peut signifier science mais interpr~tation.
La trnduction française à laquelle je renvoie - sous réserve de correction -
est celle de 1. Meyerson, P. U. F. (rrnd. sur la 78 éd. ali.); en outre j'indique entre
• Parenthèses la pagination de l'~dition du Club français du Livre, 1963 .
. 2. On peut suivre dans les Leures à Fliess, postérieures à l'Esquisse, l'~volution
de la théorie ; voir en particulier les Lettres 39 et sa, encore proches de J'Esquisse•
1• Il est important pour la discussion ultérieure de remarquer que la théorie du
jractère hallucinatoire du rêve, déjà introduite dans l'Esquisse (p. JSS), a précéd~
a thèse plus générale que le rêve est une rtalisation do désir : Lettres n 01 28, .45,
6a. cf. Didier Anzieu, o. o., p. 8a·1a9.
95 1·
j
•
1 1
•
ANALYTIQUE
être
cette ambiguïté et peut-être de la justifier jusqu'à un certain point. de 1
Ces deux changements expriment , une. tr~nsforll!-ation plus c
radicale qui affecte les rapports entre 1 explzcatwn topique-écono- reste
mique d'une part et l'interprétation d'autre part. Ce rapport restait certt
dissimulé dans l'Esquisse: l'interprétation des symptômes, empruntée notr
aux névroses de transfert, guidait la construction du système sans par •
être elle-même thématisée à l'intérieur du système. C'est pourquoi au c
l'explication semblait indépendante du travail concret de l'analyste coor
et du travail du malade lui-même sur sa névrose. Il n'en est pas
appt
de même de l'bzterprétation des Rêves : l'explication systématique IV
est reportée à la fin d'un travail effectif dont les règles elles-mêmes
où l
sont élaborées; et elle est expressément destinée à transcrire gra- •
phiquement ce qui se passe dans le « travail du rêve >> qui n'est • . tlon
lui-même accessible que dans et par le travail de l'interprétation. - autr-
L'explication est donc explicitement subordonnée à l'interpréta- 3·
tion; ce n'est pas un hasard si ce livre s'appelle Traumdeutung, •
mter]
Interprétation des Rêves. être i
théor
•
restlt
(sich.
de gr
p.96
I. LE TRAVAIL DU Rt\TE ET LE TRAVAIL •
tton <
DE L'EXÉGÈSE à cell
a'écri
stehet
IV., p
La thèse que le rêve a un sens est d'abord une thèse polémique alors
(VoiJ
que Freud défend sur deux fronts :elle s'oppose d'un côté à toute •
tnteq
conception qui le tiendrait pour un jeu fortuit de représentations, sont
pour un déchet de la vie mentale, dont seul le défaut de sens ferait l'a co:
p~oblème: ~e ce premier point de vue, parler du sens du rêve, c'est tr. fr.
langu
~eclarer qu'1l est une opération intelligible, voire intellectuelle de S. E.
1homme; comprendre, c'est faire l'expérience de l'intelligibilité. .... .
La th~se s'oppose d'autre part à toute explication prématurément 1 cornn
orgarugue du rêve; elle signifie qu'on peut toujours substituer est es:
1 comp
•
au ré,clt du rêve un autre récit, avec sémantique et syntaXe, et 1'
1 paych
que 1o~ peu~ comparer ces deux récits comme un texte à un autre l sans c
texte; 1l arnve à Freud d'assimiler - avec plus ou moins .de •
1 et retl
b?nhcur - ce r~pport de texte à texte à un rapport de traductwn S. E.,
1 et du
d une langue on~male dans une autre langue; nous reviendrons de co
plus t~rd sur ~a JUStesse de l'analogie. Prenons-la, pour l'instant, 1 S. E.
pour 1 af!irm~tlon . 11:on ambigu~ que l'interprétation se meut d'un 1'• t6me
sens molns mtelhg1ble vers un sens plus intelligible; il doit en cf. ci-
1
1
96
1
''
ÉNERGtfiQUB ET HERMÉNEUTIQUE
mterpolé ( eim:ureihen) dans la chaîne des actions psychiques de la veille qui nous
sont compréhensibles (uns fJerstànd/ichen); l'activité spirituelle (geistige) qui
l.
•
l'a construit est d'une extrême complexité. • G. W. n/m, p. 127; S. E. rv, p. 122; j.
1
1
tr. fr., p. 94 (69). Sur la comparaison de l'interprétation à la traduction d'une •t
1
langue dans une autre, ou à la solution d'un rébus, cf. G. W. ujm, p. a83-4;
S. E. IV, p. 277; tr. fr., p. 267-8 ( 1 53•4). .
l'
1
4- Au point de vue chronologique c'est certainement l'tdée de sympt~me,
1 commune à Breuer et à Freud, qui est première; mais le renversement de priorité 1
1
1 est essentiel au point de vue méthodologique : • Les points de vue nécessaires à la '.
•
i
l
compréhension du rêve m'avaient été donnés par mes travaux antérieurs sur la
Psychologie des névroses; je ne dois pas ~·y repof!er ici; et pourtant je suis
sans cesse obligé de m'y référer, alors que Je voudrws procéder en sens mvene
.r 1.
:• et retrouver, à partir du rêve, la psychologie des névroses. • G. W. n /m, p. 593; 1
1
s.E. v., p. s88; tr. fr., p. 480 (J:lO). L'identité st~cturale du ·~ptOme névro~que 1
et du rêve ne sera établie qu'au terme de la toptque, sous le ture de • formauona 1
•
~e compromis • (Traumbildurr.t~ und Symptombi/dung) G. W. u/ur, p. 611·13: 1
1 '
S. E. v., p. 6os-6o8; tr. fr., p. 493-5 (J29·JJO). Mais l'interprétation du symp-
'
1 t6me comme 1ymbou dans les Êtudu sur l 'Hystbù, est le c:hainon fondamental: 1
•
1
1
cf. ci-deaaous p. 104,' n. 15.
i
1
1 97
'1•
1 1
1• f
r
-- --- ::;:- ~·-..·~~!."&--
...- - - -· · - - · - - •u --
ANALYTIQUE
1
r
1
1
1
1 ÉNERGÉTIQUE BT HERMÉNEUTIQUE
1
•
1 '
aspects non seulement chronologiques, mais topiques et dynamiques.
1 Ce qui, dans cette régression, nous renvoie des concepts de sens
1 à des concepts de force, c'est ce rapport à l'aboli, à l'interdit, au
refoulé, c'est le court-circuit de l'archaïque et de l'onirique; car 1
ce fantastique est un fantastique du désir. Si le rêve est tiré vers 1 1
force. j
L'interprétation (Deutung), qui ne s'est pas encore identifiée . l
~
1 au travail de déchiffrage corrélatif du travail du rêve et qui s'est ~
attachée au contenu psychique plus qu'au mécanisme, a néanmoins
commencé de recevoir sa structure propre; et cette structure est
t
t
une structure mixte; d'une part, en termes de signification, l'inter- •
1
•
prétation est un mouvement du manifeste au latent; interpréter, .,t 1
•
vers un autre lieu du sens; mais, déjà à ce premier niveau, il n'est ' 1.
plus possible de tenir la Deutung pour un rapport simple entre f
1 discours chiffré et discours déchiffré; on ne peut plus se contenter
de dire que l'inconscient est un autre discours, un discours inintelli-
gible; la « transposition ,, ou « distorsion » (Verstel/ung) qu'opère :t
l'interprétation du contenu manifeste vers le contenu latent, 1
découvre une autre transposition, celle même du désir en images :1
et à laquelle Freud consacre le chapitre IV. Pour employer une 1
•
1
e~pression des Essais de Métapsychologie, le rêve est déjà une a vicis- l
1
Bltude de la pulsion ». l
Mais alors il n'est pas possible de thématiser avec plus de préci- 1
1
1
sion cette Verstellung, sans passer à la deuxième tâche, c'est-à-dire i
sans rendre compte des mécanismes du« travail du rêve » (Traum- 1
1
arbeit) qui fait l'objet du chapitre VI. Cette deuxième tâche, 1
plus ma!lifestement que la pr~mière, requiert la co~position de
deux umvers du discours, le dtscours du sens et le dtscours de la .1
force. Dire que le rêve est l'accomplissement d'un désir refoulé, 1
1.
c'est composer ensemble deux notions qui appartiennent à deux l
ordres différents l'accomplissement ( Erfiillwrg) qui appartient 1'
ANALYTIQUE
•
1
( Darstel/ung) désigne un autre aspect de la régression que Freud f
appelle régression formelle (pour la distinguer de la régression 1
chronologique dont nous avons déjà parlé et de la régression topique
•
,.'' .
l
•
'
lOI 1 1
'
1
1'
•
ANALYTIQUE
dont nous parlerons plus loin 9). <?r, c~tte «. fi~ration » se, prête à la f
à une description en termes de srgmficatron; ams1, on notera 1effon- par 1
drement syntactique, le remplacement de t~utes les relations peuv
logiques par des équivale~ts figurés, la figurat!on de la négation Ct
par la réunion des contrarres dans un seul objet, le caractère de figur
•
mime ou de rébus du contenu manifeste et, en général, le retour à VISCe
1
l'expression imagée et concrète; laissons de côté pour l'instant la appa
•
question de la symbolique sexuelle, sur laquelle on a trop concentré t1rer
la discussion et dont nous verrons tout à l'heure la place exacte, desc.
et posons dans toute son ampleur le problème que Freud lui-même · n'est
appelle a la considération de l'aptitude à la figuration 10 ». Ce qui souv
paraît à cet égard caractériser le rêve, c'est la régression au-delà la tr:
de l'image-souvenir jusqu'à la restauration hallucinatoire de la 1 est a
.
perception. Freud peut alors écrire : a La structure cohérente
1
j l'im;
(das Gefüge) des pensées du rêve se désagrège, lors de la régression, 1
proF
•
en sa matière première 11 • » Mais cette régression à l'image, que SIOn
nous venons de décrire en termes de signification comme restau- du 1
ration hallucinatoire de la perception, est en même temps un phéno- cone
mène économique qui ne peut être énoncé qu'en termes de « chan- 1
•
u tra
gements dans les investissements d'énergie des divers systèmes 12 ». ' 1 dire1
On objectera, avant d'aller plus loin, que la Traumdeutung est ' Dan
ici grevée par une illusion que Freud devait abandonner peu après .1 et fi
• •
la publication de son maître livre; il n'est pas malaisé de recon- •
• qm .
naître, à l'arrière-plan de cette théorie quasi hallucinatoire du rêve, i •
t1ser
comme dans l'Esquisse de x895, la croyance dans la réalité de la •
mer.
s~ène infantile de séduction; ce sont en effet les traces de percep- Q
tlo?, correspondant à cette scène, qui aspirent à reprendre vie et , sur
qm exercent une sorte d'attraction sur les pensées refoulées, elles- l'bzi
mê~es avides à s'exprimer : u d'après cette conception on pourrait Cet1
décr~re le rêve com1M le substitut ( Erzatz) de la scène infantile, et d
modifié par transfert à des éléments récents 13 )), Selon ce modèle de 1 c
la scène in..fantile, que Freud tient pour exemplaire, le noyau rés!- d'ur
duel du reve consisterait dans un « total investissement hallucl· sym
~atoire des systè~es per~eptifs, et ce que nous avons dé~rit .dans dam
1 analyse du travail du reve comme u considération de 1 aputude du l
mt•sr
9· Sur les troia formes de r~gression : formelle, topique, chronologique, cf. hui<
G. W. 11/111, _P· ~54; S. E. v, p . 548; tr. fr., p . 451 (299) (nddition de 1914)•. •
&Ion
1.o. Du Ruckstcht a'!~ Darstellbarkût, G. W. u/m, p. 344 et suiv.; Cons!â': •
•
ra,t•on! of represt·ntabll~ty, S. E. v. p. 399 et auiv.; tr. fr.• p. 31 3 (185) ct aUJV. • sym
L aptJtude è Ja figuratson. de v.
• 1 1 • ~.dw. u/m, p. H9; s. E. v, p. 543; tr. fr•• p. ~7 (296).
12. 1VJ •
1
3· G. W. JI/m. p. 552; S. E. v, p. 546; tr. fr., p • .U9 (297).
102 1
1
.
1
•
·1
:1
• •
1 1
1
ÉNERGÉTIQUE BT HERMÉNEUTIQUE if
à la figuration» pourrait être rapporté à rattraction sAlective exercée
par l'évocation visuelle des scènes auxquelles les pensées du rêve
peuvent toucher u ».
Ces textes ne laissent pas de doute : la préférence donnée à la 1
•
figuration dans le travail de rêve est tenue par Freud pour la revi- '
viscence hallucinatoire d'une scène primitive qui a réellement '1
appartenu à la perception. Néanmoins l'objection qu'on peut en 1•
tirer porte plus contre la topique du chapitre VII que contre la ' .l
description de la figuration dans le cadre du travail du rêve. Il
n'est pas douteux qu'en interprétant la scène infantile comme un
t1
souvenir réel, Freud se condamne à confondre le fantasme avec '
la trace mnémonique d'une perception réelle; la régression topique ' .
1 est alors une régression à la perception et la dimension propre de
. 1
1
J
l'imaginaire est manquée. Nous y reviendrons plus loin. Pour notre
' propos actuel, il nous importe seulement de constater que la régres- 1
sion formelle, qui caractérise la u figuration », c'est-à-dire le retour
•
du logique au figuratif, pose un problème analogue à celui de la .
condensation et du déplacement : la figuration est, elle aussi, une •1
ment energetique. :
'
t
Que l'interprétation soit un travail, c'est la clé d'une difficulté '
•
, sur laquelle je terminerai cette étude des concepts majeurs de
l'bzterprétation des Rêves, avant d'aborder la topique du chapitre VII.
Cette difficulté concerne l'usage par Freud de la notion de symbole
et d'interprétation symbolique. •
1
Cet usage est au premier abord assez déconcertant puisque,
d'une part, Freud oppose son interprétation à une interprétation
symbolique et que, d'autre part, il donne une place importante,
dans le cadre de la figuration précisément, à la symbolique sexueJle •
•
du rêve à laquelle on a tôt fait d'identifier le livre lui-même. Une
''
mise au point nous importe au premier chef puisque, dans le voca-
l b.ulaire de notre Problématique, le symbole couvre toutes les expres-
'
Sions à double sens et constitue le pivot de l'interprétation. Si le •
•
symbole est le sens du sens, toute l'herméneutique freudienne
, devrait être une herméneutique du symbole en tant que langage
' 1
'
14. G. W. 11/ur, p. 553; S. E. v, p. 546; tt. fr., p. 450 (a97).
'
1 IOJ
J
•
•
ANALYTIQUE
IO.f.
•
1
1• •
1
ÉNERGÉTIQUE BT HERMÉNEUTIQUE 1•
1
f
secret, dans lequel chaque signe est traduit dans un autre signe 1
'
de signification connue selon une clé fixe 17 ». Cette traduction 1
'1 •
mécanique terme à terme ignore absolument tout du déplacement '•
1
, et de la condensation; du moins ce déchiffrage est-il plus proche •
1;
••
que la méthode symbolique de la méthode analytique en ce qu'il l•
1
1 est déjà une analyse << en détail » et non « en masse » 18 ; comme lui, •
l
1
l'analyse avec celle de méthode symbolique? Une deuxième allu- •
1•
sion, encore négative, annonce néanmoins la mise en place du '
.' 1
1 •
• •
symbole que les éditions successives de l'Interprétation des Rêves •
105 •
,,.
.• •• ,.,.
\ )~\ .
·" ~' '
,, ,. _
• •
ANALYTIQUB
de
n'est pas nécessaire de postuler l'existence, dans le travail du rêve, 1 st(
d'une activité symbolisante spéciale de l'âme; le rêve se sert des liq
symbolisations qui sont déjà toutes prêtes dans la pensée incons- 1• les
ciente; en effet, leur ar, ti tude à la figuration ( Darstel/barkeit) et 1
les
••
surtout leur liberté à 1égard de la censure font qu'elles satisfont 1
co·
'
mieux aux exigences de formation du rêve 22 ». qu
21. Jusqu'Il l'~dition critique de la Standard Edition par Strachey, il ~tait su.
impossible de distinguer du texte de 1900 les additions successives. Il est ret
important de savoir que, pour l'essentiel, la sect. E du chap. VI, conaac~e l liq
• La figuration par symbole dans le rêve • a été ajout~e en 1909, 19 II, 1914, et
q.ue Freud Y a encore ajouté des paragraphes ou des notes dans les éditions ulté·
neu.rc:s (1919, 1921, 1922, 1930). Dans les 2° et 3o éditions, ces additions. ~nt eor
été JOmtes à la sect. D du chap. v (Rêves typiques). C'est seulement dans l'édition
tou
.'• de 1914 que le symbolisme a été traité à la suite de la théorie de la figuration,
déJ
d~placement qui lui donne aa véritable signification. Dans le premier paragraphe 1
' ~.
(1925) de cette nouvelle section, Freud déclare sa dette à l'égard de Steckel : di• 1 dé,
Spracl&e d~s Traurrus (1911); il l'avait déjà fait dans la préface Il la 3o édition. Une œt
ttude séneuse du développement de la pensée de Freud devrait tenir compte av~
~gaiement de l'influence de Silberer, de Havelock Ellis, de sa collaboration étroite,
efft
~cette époque, avec Otto Rank qui avait publi~ en 1909 Le Mythe de la NaissatrCI d'a
du Héros et .dont Freud incorpora, en appendice au chap. IV, deux essais sur
Rêve tt Poésre, et sur !léve e~ Mythe dana les 4•, s•, 60 et 7o éditions. L'influence ••
rer.
de. Karl Abr:~ham qu1 publia Rives el Mytl&es en 1909, et de Ferenczi, dont Ica •
llO
arttcles aur le ~êve •?nt nombreux entre les années 1910 et 1917, apparaîtrait ch,
aans doute ~uasJ co_nstdérable. Enfin c'est tout le d ossier des rapporta entre Freud cor
~ 1un~ qui devratt ê~~e ver~ à ce procès. Ce conflit est aussi imporumt pour p,.
1 mtelhgen~ des rééduaona de la Traumdeutung que pour l'intelligence do Totem dat
~
•t Tabou qua parut en 1913, l'année même de la rupture avec jung. • tati
aa. G. W. n/m, P· 354; S. E. v, p. 349; tr. fr., p. a6o (191). Cetto notauon, ••
106
L
ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE
•
• 1
• •
1 concernant le rapport entre figuration et symbolisation, est la plus ancienne de
toute la Traurndeutu11g (on la trouve dans la 1ro éd. de 1900) ; elle peut être consi-
••• dérée conune le noyau initial de tous les développements ultérieurs consacrés
••
à • La figuration par le moyen des symboles dWls le rêve •; le déplacement de co
'•
•
développement, à partir de la 4o édition (1914), llo suite de l'étude • Les pro-
œdés de figuration • (sect. E du chap. VI) est la con~quence logique de ce qui
-,• • avait été aperçu dès le début; la phrase que nous venons de citer tenninuit en
~
effet la section du cha p. VI sur la Figuration, aect. D; eUe a Binai servi de point
r d'appui pour la nouvelle sect. E du chap. VI l paMir de 191 ...
•
~
23. G. W. u/m, p. 356; S. E. v, p. 351; tr. fr., p. 261 (192). Lo texte do 1909
il r~oue avec les notations des études sur l'hystérie concernllllt le rôle des expres-
t llona idiomatiques dans la constitution du lien symbolique. Il faut sans doute
1 chercher de ce côté, comme nous le suggérons dans Ill note r s. la continuite! de la
r • ~nception freudienne du aymbole. L'étude du chap. x d'Introduction à la
'1 sychanaly11 (Le symbolisme dans le rhe) (1917), auquel nous reviencJroM
d~ lo chap. av do la demi~re partio do notre ouvraac. confinnera notro interp~ •
tataon.
·• a4. Jb;d,
IcYJ
··· ·· ..
.. - ·~··· ~ - . ----- ____._
---:":"'--·....
-••· •mu•·= n ................
~a• ... r - - ·-·
• ·- -· --·---·~- .. ... -~••;Jill..-
ANALYTIQUE
sous ces symboles, elle suivent à nouveau les voies qui furent
jadis celles de l'humanité entière, dans les périodes anciennes de
la culture, et dont témoignent encore, sous un léger enfouisse-
ment, notre langage ordinaire, nos superstitions et nos mœurs 25 ».
C'est pourquoi l'interprétation analytique doit ici être relayée
Con
par une interprétation génétique : le symbole a une surdétermina- 1·
tion spéciale qui n'est pas le produit du travail du rêve, mais qui 1 à son ·
•
est un fait préalable de culture : ainsi est-il souvent le vestige qutse
d'une identité conceptuelle et verbale aujourd'hui perdue. D'où Son
part l'
l'avertissement au lecteur, ou à l'utilisateur zélé de la psychanalyse,
de ne pas réduire la traduction du rêve à une traduction de sym- de ce<
•
bole et à reléguer la symbolique au rang d'auxiliaire: la voie propre
•
mats<, .
1
de l'interprétation, ce sont les associations du rêveur et non les
• 1 exterH
liaisons toutes faites dans le symbole lui-même. Finalement, 1
pourq·
1 •
interprétation symbolique et interprétation analytique restent 1
nomtq
deux techniques distinctes et la première est subordonnée à la
1 avons
1
Io8
1
1
1
1
.
ÉNERGÉTIQUE ET IQUE 1
1
••
•
••
~
2. LA « PSYCHOLOGIE » DU CHAPITRE VII {
•
•
l•
•
•
Comment la systématisation du chapitre VII s'articule-t-elle 1
1• 1
1 à son tour sur le jeu des concepts économiques et herméneutiques 1
Son rapport au reste de l'ouvrage est complexe : c'est pour une '
part l'explicitation, par le moyen d'une <<représentation auxiliaire», 1
de ce qui a déjà été élaboré et énoncé en termes implicites ou confus;
•
mais c'est aussi l'imposition d'une théorie qui reste quelque peu 1
~tnat en effet plus intéressé, dans le mythe œdapaen, par les • sources du rhe 1
(ce qui est le titre du chop. v), à savoir son enracinement duns les désirs infantiles,
'' qu.c par le rôle de la figuration ou de la symbolisntion dans le d~guisentcnt l~gen 1
•
dalrc.
.11• z8, G . W. u/ru, p. S..JI·SSS; S.E. v, p . 536-549: tr. fr., p. +Jo-.u:a (291·299)•
! :19, G . W. n/m, p . 570-78; S. E. v, p. s6..-7a; tr. fr., p. 463-..68 (307-311).
••
1 JO, G. W. 11/111, p . 6o4-6J4; S. E. v, p. 598-6o8; tr. fr., p. 48~-497 (J:tS·JJO). •
109
'
'
1
1
ANALYTIQUE
1 •
La situation topique du d~i.r de d?nnir, par ~pport au désir 1 aen1
assigné au rêve comme son ongme véntable, fera bten comprendre A
le problème. Comme on sait, Freud lui~mê,me assi~e au rêve ~ne figUJ
1
certaine fonction par ra~port au ~om.metl; 1. accomphssement q~t le Nou
caractérise est un substttut de 1actton qUI protège le sommetl 81. met;
1
•
Le. désir de dormir est si important qu'il faut lui rapporter la ct en
transformation des excitations externeS en images et toute la 1 déjà
déréalisation du corps, dont la transposition symbolique décrite le tt
par Scherner est la contrepartie. Certains textes donneraient même lV
à penser que ce désir.est le dési! domin~t, J?Uisque l.a ~ensure ne '
1
le p
laisse passer que les mterprétat10ns de 1 excttant qUI s accordent '
1
coru
avec le désir de dormir a2. Il semble donc que nous soyons ramenés de ~
à Aristote, selon qui u le rêve est la pensée de 1'homme endormi cette
en tant que telle 33 ». La solution de cette difficulté est une solution 1 mm •
•
topique : le désir de dormir est rapporté au système préconscient à la
et les désirs de la couche instinctuelle profonde qui engendrent 1 de :
le rêve appartiennent au système inconscient 84 • C'est pourquoi régr
le rapport exact entre le désir intermittent de donnir et les désirs 1 gen1
permanents qui cherchent une issue dans le rêve, reste en suspens 1
l'iss
jusqu'au fameux chapitre VII 85• 1 cep1
•
La thèse sous-jacente à cette discussion c'est que nul désir, 1
8100
même celui de dormir, n'est efficace s'il ne s'adjoint aux désirs 1 qut•
• indestructibles » et • pour ainsi dire immortels » de notre incons- r tion
seul
F
31. c En un sena, tous les rêves sont des rêves de commodité (Bequnnlichkeits· don
tl'aume); ila servent l'intention de prolonger le sommeil et non de l'interrompre. ' s'in
1
Le rh.Je est le gardien du sommeil tt non son destructeur. • G. W. n/m, p. :ZJ9i
S. E. IV, p. 233; tr. fr., p. 177 (130). mai
32. 'Quant au disir t:le dormir, sur ltqutls'est concentri le moi conscient et qui, est .
•'
en conjonction avec la censure du rêve et avec le c remaniement Jecondaire • (qui un
ltra t~ait~ plus loin), représenu la contribution de celui-ci [i.-e. le moi conscitnl] au 1
le Ji
rh.Je,~l ®rt être c~ptl ~chaque ccu au nombre t:les motifs qui contribuent àjonner l1
rive, tout rhlt qua rlumt est un cucomplinement de ce disir. • G. W. n/111, p. 240;
S. E. lV, p. 234; tr. fr., p. 177 (130). 3t
33· G . W. u/u.r, p. ~ss; S: ~· v, p. 551; tr. fr., p. 452 (299). . •Ce
34- ' Je ne pu1a mdtquer tCI quelles modifications exactes J'~tat de sommerl du 1
provo~ue dana le aya_tèm~ Pca; mais il n'est pas douteux que la caractéristique désir
P~.yctuq~e du aommeel do1ve ~tre cherchée essentiellement dans les changements (Jos
d mvcsusaementa ( Beutzungsverc'inderung) précisément de ce système, lequel p. 5!
C?mmande égaler:nent l'accès de la m otilité paralysée dana le sommeil. Par contre, Jj
nen, à ma con!'au;sanc~, dana la psychologie du rêve ne nous autorise à supposer 3f
~ue le som~erl produese dea modifications autres que secondaires dana les rda· (a91
tlona du ayateme Ica. • G . W. ujm, p. s6o; S. E. v, p. SSS; tr. fr., p. •U6 (3oa)•• Phys
35· Zur Wunscherfllllu.ng, G. W. 11/nt, p. 555 et auiv.; S. E. v, p. sso et aUJV,; bien
tr. fr., p. 543 (a99) et awv. p. 5·
1
llO
L
•
! ••
ÉNERG:kfiQUE ET HERMÉNEUTIQUE
1
1 cient et dont les névroses attestent le caractère infantile 88•
Ainsi la première fonction de la topique est de répartir de façon
1 figurée les degrés de profondeur du désir, jusqu'à l'indestructible.
f Nous pouvons peut-être dire déjà que la topique est la figure
1 métaphorique de l'indestructible en tant que tel : « Dans l'incons-
cient, rien ne finit, rien ne passe, rien n'est oublié 37 ». On songe
déjà aux formules de la Métapsyclzologie: l'inconscient est hors
le temps. La topique est le lieu qui figure le u hors le temps ».
Mais cette représentation figurée est en même temps un piège :
le piège de la chose. C'est pourquoi, dès la première séquence
•
1
consacrée à la topique, Freud s'emploie à atténuer l'aspect spatial
1 de son schéma et à en accentuer l'aspect orienté. L'occasion de
cette rectification est fournie par la reprise du problème bien déter-
miné de la régression. On se rappelle que la régression désigne
à la fois le retour de la pensée à la représentation figurée et le retour
de l'homme à l'enfance; à cette régression formelle et à cette
' régression chronologique, Freud ajoute une régression d'un autre
1 genre, la régression topique, à savoir le reflux d'une idée, dont
1
l'issue motrice se trouve barrée, du pôle moteur vers le pôle per-
1. ceptif sur le mode hallucinatoire. Cette troisième espèce de régres-
sion est donc inséparable des deux autres modes de régression
qui n'ont pu être dévoilés que par le déchiffrage du rêve. Laques-
• tion est de savoir si elle s'ajoute aux précédentes ou leur fournit
seulement une représentation graphique.
Freud est en train d'interpréter le rêve fameux de l'enfant mort
• dont le cadavre brûle et qui vient éveiller son père. C'est alors qu'il
1 s'interroge sur la nature du u lieu psychique 38 •, non anatomique
mais psychique, de la scène du rêve; cette idée de lieu psychique
est dès le début analogique : l'appareil psychique fonctionne comme
'• un microscope compliqué ou comme un appareil photographique;
1
le lieu psychique est comme le lieu de l'appareil où se forme l'image;
III '
...· ~ ' .. ..
' ·' ·' '' ~"\
ANALYTIQUE
li2
~GttiQUE ET HERMÉNEUTIQUE
.d yeux de Freud, n'est pas que la voie vers la motilité soit fermée,
lC mais que les pensées du rêve, ainsi repoussées de la conscience,
te soient attirées par des souvenirs d'enfance restés proches de la
lS perception en vertu de leur vivacité sensorielle : « D'après cette
!8 conception, on pourrait décrire le rêve comme le substitut de la
te scène infantile, modifié par transfert à des éléments récents. La
IS scène infantile ne peut se frayer la voie de sa propre rénovation;
el elle doit se contenter de revenir comme rêve 41 • » On comprend
~t que Freud, en découvrant finalement son erreur, ait cru un moment
:r que tout son système s'effondrait 42.
la On peut se demander en effet si cette confusion des deux scènes,
celle de la perception et celle du fantasme, n'empêche pas la topique
:e de l'Interprétation des Rêves de se dégager entièrement de la spa-
.n tialité naturelle et de tirer toutes les conséquences de l'idée de
.e « lieu psychique >>; c'est pourquoi cette topique flotte entre deux
n
:- ' eaux, entre la représentation d'une série de places homologues à
des lieux physiques et une << scène >> qui n'est plus du tout une
:t partie du monde mais la simple représentation graphique de ce
.e qui a été décrit comme« aptitude à la figuration» (Darste/lbarkeit) .
li' 1
Je ne crois pourtant pas que l'essentiel de cette topique succombe
J)
'
à l'objection; la théorie de la séduction réelle explique seulement
·-
•
•
.
:-
les équivoques de la topique, mais non point sa raison d'être
fondamentale. C'est celle-ci que j'ai commencé de porter au jour
:é en désignant le lieu de l'inconscient comme le symbole du a hors
i•
le temps ». C'est ce que les épisodes suivants de Ja topique vont
n nous permettre de dégager.
;t . C'est pour rendre compte de l'aspect chronologique de la régres-
:e Sion que Freud introduit le temps dans le système, sous la forme
) d'une histoire de son fonctionnement. « Le rêve, rappelle-t-il,
1),
-
•
-x
• t
••
r
aussi la résistance de i•hypothèse initiale: p. 67, 112, 113, 117, 145-6, 162-3, 165
(note 2), 170, 173, 174-5· Et pourtant, dès r895, Freud parlait de ces • choses
vues et à moitié comprises • (p. 67). Cf. aussi l'allusion à la sublimation, p. 173•
4~s. C'est par son auto-analyse que Freud a découvert le cnractère de pur fantasme
l•
•
de la scène infantile : Jones, o. c., tr. fr., r, p. 313: Anzieu, o.c., p. 6 r. En même
temps, le folklore et l'histoire des religions, en particulier l'étude des possessions
10 r f émoniaques, lui con fi nuaient l'irréalité de la scène infantile (p. 165, 166, 168). Sur
•
IIJ
tlli:.}\~J.üi~U"'
( j
•
•
1
1•
ANALYTIQUE •
1
est un fragment de la me psy~hique i~fantile, a~jourd'hui dépas_sée ~. )) 1
1 ch'
Pourquoi cette ~econ~tructlon t~p.tque-gene~tque ? ~our e!uctder reç
1
un caractère émgmauque du des1:, à s~vo!~ son :mpuls~on au 0
0
•
lm)
remplissement. Il faut supposer un etat pnm1t1f de 1appareil psy- et ,
chique - où l'on reconnaît le processus primaire de l'Esquisse - me
dans lequel la répétition des expériences de sat~sfaction crée une éta
•
liaison solide entre l'excitation et l'image mnémomque : (( Dès que le ete:
besoin se manifestera à nouveau, il y aura, grâce à la relation établie, '
1
liet
l
0
f con
B
4 5·. c La . théone qu1 embrasserait tous les symptômes psychonévrotiques
cu1ms ne. vrasment en cette un·sque proposstson
·· : 0 n doat. pouvoar
· 1es coruw~r
·.n d • 4E
eux au~s~ c~mme l'accomplissement de dêsirs appartenant à l'inconscient. • G. W. 11/lll. 47
P; 574 • · ·v, P· 569; tr. fr., p. 466 (309). - La référence à Hughlings Jackson ..a
~t P.aa 5 ~8 tnt~rêt f(*ïnd out ali about dreams. and you will hav e j ound ali 4~
." 1 '"~cz.mty)j. c est b1en le schéma jacksonien de la libération fonctionnelle la cl~
q~d est act gl~cué sur le aché a purement topique de l'appareil psychique (cf. lerthl
Cl• ChOUI• IV. 111. cbap. l). G. '\1
~i-~)~~J.uiJjiiJA~
·fNIOIIU... J!J!IWW:.4.1-----•••-•--·--···-·---
• _....,.-.
........... a ••• _...._._ .......,... . . . . . . . . .- - - - - - - -- -
•
,•
1• ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE
j
1 chantier la théorie de l'appareil psychique; maintenant l'appareil
' reçoit, outre l'espace et le temps, la force et le conflit; ce qui
1• impose ce remaniement, c'est la considération du travail du rêve
.
et principalement le refoulement auquel sont rapportés tous les
mécanismes du rêve. Le point de vue purement topique du début
était lié à la question de l'origine des pensées du rêve dans l'incons-
cient; il était donc naturel de représenter cette origine comme un
1' lieu et la régression vers la perception comme une régression vers
l. une extrémité de l'appareil. Maintenant ce sont les rapports aux
frontières du système qui importent; c'est pourquoi il faut rem-
1
placer les lieux par des processus et des espèces différents « d'écou-
1
1
lement de l'excitation » : « Ici de nouveau nous remplaçons un
1
mode de représentation topique par un mode de représentation
dynamique 40• »De ce point de vue, le processus primaire présente
l
un libre écoulement de quantités d'excitations et le processus
secondaire un arrêt de cet écoulement et une transformation en
investissement quiescent ( ruhende Besetzung) ,· ce langage nous est
familier depuis l'Esquisse,· ce qui est donc en question ce sont les
u conditions mécaniques » (mechanische Verhâ1tmsse) de l'écoule-
ment de l'excitation, selon que prédomine l'un ou l'autre système.
•
Que signifie ce problème? l'enjeu, c'est le destin de la régulation
par le déplaisir et, ultérieurement, le destin du principe de cons-
tance. Tout l'effort de Freud est de faire tenir le processus secon-
daire dans le cadre de la régulation par le déplaisir; à cet effet, il
reconstruit le refoulement sur le modèle de la fuite provoquée
par un danger extérieur et réglée par la représentation anticipée
de la douleur; le refoulement est une sorte d' a évitement ( Abwen-
dung) du souvenir, qui n'est que la répétition de la fuite initiale
devant la perception 47 »; c'est là, dit Freud, cc le modèle et le pre-
! mier exemple de refoulement psychique cs ». Cet abandon de
l'image souvenir se laisse interpréter économiquement comme une
r régulation par épargne de déplaisir; on appellera processus secon-
daire ce qui se produit sous ces conditions d'inhibition 48•
1
Rien de nouveau par conséquent par rapport à l'Esquisse. Au
contraire, un lecteur attentif sera surpris par l'avance de l'Esquisse
46. G. W . n/m, p. 615; S . E. v, p . 61o ; tr. fr., p. 497 (331).
47· G. W. u/m, p. 6o6; S. E. v, p. 6oo; tr. Cr., p. 490 (326).
48. Ibid.
49. Dans les tennes de Jo Traumdmtung : • Maintenons solidement- c'est
la clé de ln théorie du refo ulement - qu~ /~ u cond systèm~ n6 peut inv~stir une repr6-
sentation que s'il est en ~tal d'inlliber h déploiement du déplaisir qui peut et~ v~nir. •
G. W. u/m, p. 6o7; S. E. v, p. 6o1; tr. fr., p. 491 (Ja7).
us
-·....... ,_
ANALYTIQUE
'
sur l'Interprétation des Rêves e~ ce q~i concerne _la descrii:tion du pense•
processus secondaire; ce retrmt de 1I~terprétat~on des Reves . par se' men
•
rapport à l'Esquisse nous do~ nera peut-etre la cie de cette top1que tOUJOt
et de ce qui mérite d'en surv1vre. . A •
dép lai
Il est frappant en effet que r!tzterpr~tatton des R~ves SOlt .avare ment
d'expJication sur le processus secon~aire, '?~mze st !e fonctzomze- signal
ment de tappareil dans le sens progrédza:zt ne!
mtéressazt pa~. Certes! la « cc
•
on trouve quelques no~~ions ~parses sur. le role de la co!'lsc1ence q~1 tiSsern
confirment l'Esquisse · tCl auss1, la conscience est access1ble à la fms par l'.
•
aux excitations périphériques et au plaisir-déplaisir; elle est appelée cog1ta.
u l'organe du sens des qualité~ psy~hiques !'; ici ,aussi, c'est aux avec c
images verbales, !'loyau du. . preconscient, qu est .devolu le sor~ ~e Si l'
la prise de conscience; grace à elles, la regulat10n par le plaiSir- dans J
déplaisir se complique; le cours des investissements n'est plus tout ê
réglé automatiquement par le principe de déplaisir; la conscience l'usag·
est maintenant attirée par d'autres signes que ceux du plaisir- comp1
déplaisir; ce qui est possible, parce que le système des signes du travail
langage constitue ce que Freud appelle une seconde << surface le sen
de sens n ( Sinnesoberfliiclzen). La conscience n'est plus seulement ri1lter.
1
tournée vers la perception, mais vers les processus préconscients u pen~
116
'
---·--
l
•
l
l
•
ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE 1
sr. w.
G. s.
II/Ill, p. 6oS; E. v, p. 6o2; tr. fr., p. 491 (327).
. 52. Un peu plus hout, Freud ovoit écrit : • Le cours des pensées investies
:
d'un but ( Zielbesetze) peut, dons certaines conditions, attirer sur lui-mt!me
1 l'attention de Jo conscience; elles reçoivent, por l'intermédiaire de celle-ci, un
•
• • surinvestisscment • ( Ueberbesetzung). • G. W. n/m, p. 599; S. E. v, p. 594;
tr. fr., p. 485 (323).
53· G. W. u/m, p. 609; S.E. v, p. 6o3; tr. fr., p. 492 (327).
54. • Cette apparition tardive - verspt'itelm Eittlrt:ffms - des processus secon-
daires foit que le fond meme de notre être, constitué por des impulsions de d~sir
OVtmsr.ltrt·gtmgt:ll) inconscient, reste à l'abri des atteintes et des interdictions
du préconscient; le rôle de cc dernier est réduit une fois pour toutes à indiquer
nux impulsions dca désirs venus de l'inconscient lt:S voies qui ll'S m èneront Je
mieux à leur but. Ces désirs inconscients représentent pour tous nos clforU
•
;
)
psychiques ultérieurs une contrainte à laquelle ceux-ci devront sc plier et qu'ils
1
pourront tout nu plus tenter de détourner ct d'C.:Ievcr vers des buts d'un degré
plus éh!Vé. Une grnndc partie du matériel mnémonique demeure donc, à cause
de ce retord ( Verspiitu11g ), inucccsKible à l'investissement préconscient. • G. \V.
11/lll, p . 6o9; S. E. v, p. 6o3; tr. fr., p. 492 (328).
.. _
. . ......-.
~·.
.
llc'7,;,*1.\}_:.:.~~~:l~l!~\B'~:.tm~~!!!f. tü~!Lt.w ...•==··--··~·~·-------· ........
,"..,...ri.t~·--l&<lo•• -
' .
,
•
ANALYTIQUE
certe.~, qui produit ces effets, mais non par accès à ce que nous
appehons tout à l'heure la « pensée »; le système secondaire est
!ciré~uit ~ opérer à l'!ntérieur même du plaisir-déplaisir, par
mverstOn d accent affecttf. Alors, le préconscient se détourne de
ses p~n~ées deve~ues déplaisantes et le principe du plaisir-déplaisir
est amsi confirme. Et Freud peut conclure -et cette conclusion
es~ là pour confirmer l'~dée antéri~ure du retard du système secon- •
'
1
···--..-· .... ______________
ENERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE
'
•
•
•
.•
• •
•
•o
'
dan
ven
CHAPITRE III rep1
en •
PULSION ET REPRÉSENTATION sem
Le
DANS LES ÉCRITS DE MÉTAPSYCHOLOGIE et le
• de 1
•
chol
•
les c
,•, N
L'Interprétation de~ Rêves n'a, p~ rél!s.si à fond,re d~ manière rem
entièrement harmomeuse la theone hentée de 1 Esqmsse et la dus
conceptualité mise e.n œuvre _par le travail même de l'intel'l?r~ta fois
tion. C'est pourquoi le chapitre vn reste quelque peu exteneur ..
celu
au développement organique de l'ouvrage. Cette discordance dans reste
l'exécution est le signe que le langage du sens, impliqué par le M
•
travail de l'interprétation, et le langage quasi physique, impliqué e_ffet
par le langage de la topique, ne sont pas encore parfaitement corn
coordonnés. ' la re
puis
C'est dans les écrits de Métapsychologie t, presque tous T
composés dans le jaillissement des années de guerre, que cette discc
problématique atteint son point de maturité, en même temps que
les deux exigences du discours analytique atteignent leur point 2.
d'équilibre. D'un côté, ces écrits thématisent de façon cohérente 1
•
trndu
lung (
le po!,nt de yue topique-é~onomique dans ce que l'on appelle la of a11
premtere toptque : Inconscient-Préconscient-Conscient· de l'autre Les J
ils mo':ltr~nt comment l'inconscient peut être réintégré'dans la cir~ dépit
c,~nscnp~1on du sens par une nouvelle articulation - « dans » 1 les rn
Hum•
1mconsc1ent ~ême - .e ntre pulsion ( Trieb) et représentation di ffi ct
(Vorstellung) • une pulston ne peut être présentée (repriisetztiert} • de ln
pro po
1• Cin~ text~ écrits en 1915 - Lts Pulsions et leurs Destins Le Refou- , Repra
J.
0
Dt·uli ct Mélancol
. . . ae - sont ce QUI· su bs1ste · de douze
tt.
textes destinés à constituer' v emet
1es c P rél1mma1res pour un e M ctapsyc · h o1og1e
· •, S. E. XIV p 105-7 Ils se trou- sern t
l'illu~:
vent
. au { t. x.. d es Gesamm.t!lte ~erlu • et au t. XIV de ln Sta11dard
' · Editio"
' · ln trnduc-
est cc
tC100011 ranLesçatEse ~t rassc:m)h1ée sous le titre Métapsychologie (Paris, Gallimard, ) •
arnve
. ssats, 1952 . 0 n peut y • · d 1 Q · 1
Co11c•·Pt d'Inconscient rr~ Ps cha Jom re es uc:lques obsavatwm stlr e •
c1cnt
z66· Métapsycholo ie y r~a1ysr, G. W. VIl!, P· 431-9; S . E. Xli, p. 259- désir ·
19;") (G W x 'Il • P· 9-z4S,et surtout, l'easat Pour i11troduire le Narcissisme en •mt
( 'T • • p. IJ 8•170 . E XIV p 7 f d bl' .
non <:Onunercialc de laS ~ · .J: P. • • 3-10~; tr. r. ans une pu 1cnuon •
• •
mcorro
oc. r. '" 1ychan. Pans 1957).
120
• PULSION ET REPRÉSENTATION
121
•
ANALYTIQUE •
1
I. LA CONQUtfE DU POINT DB VUE •
•
c
TOPIQUE-ÉCONOMIQUE BT DU
.. 1
CONCEPT DB PULSION 1
!
1 J
On peut prendre pour guide, au début de cet, !tinérai.re, l'article 1
de 1912 Quelques observations sur le concept d tnconsczent en psy- •
(
•
t
••
•
•
.• PULSION ET REPRÉSENTATION
!
s. G. W. vm, p. 433; S. E. xn, p . a6a; t:r. fr., p. 1a. - G. W. x, p. a66;
S. E. XIV, p . 167; tr. fr., p. 94·
1 6. G. W . vm, p. 434-s; S. E. xn, p. 263; tr. fr., p. 17.
1· G. W. VUI, p. 434; S. E. Xli, p. 263; tr. fr., p. 15·16.
t 8. G. W. vm, p. 438; S. E. xu, p. a6s-6; tr. fr., p. aa-3•
•
r 123
l
•
'
•
ANALYTIQUE
•
1. ~ l'"dé d'appartenance à un même système >>, qui est le tlO!
" ,ormer I e « d l'" · t Ce point de top
véritable concept psychanalytique e .mconscien .
vue est entièrement non-phér~lOm.énologique!. ce. ne .so~t plus .des
des
éni es de la conscience qUI lUI servent d mdices, l mconsc1ent on
n'~plus du tout défini comme« latence» par rapport à une cc pré- sys
•
sence » à la conscience; a l'~pp~rten;nce à un système » permet tlql
ne
de poser l'inconscient pour lui-meme .
Le grand texte int~tulé ~'incons,ci~! (Das U1zhewusste) sup- rap
•
pose déjà atteint le ruveau mtermediaire, que nous avons appelé pot
tout à l'heure dynamique; l'inconscie~t, c'~t le mo.de d'être de ce plu
qui, ayant été refoulé, n'.e st pas ~upprtmé ~ anéanti. ~tr~ ~x~lu de
]
'
la conscience et devemr-consc1ent sont des lors deux VICISSitudes de'
•
corrélatives et inverses, qui s'inscrivent déjà dans une perspective
1
tan
qu'on peut dire topique, puisqu'une barre décide de l'exclusion qu<
de... ou de l'accès à... la conscience : c'est la barre qui fait la par
topique. C'est à ce niveau que la justification de l'inconscient 1
prend un caractère de nécessité scientifique : le texte de la cons- dyr
1 •
cience est un texte lacunaire, tronqué; admettre l'inconscient fiSC
équivaut à un travail d'interpolation qui introduit sens et cohé- est
rence dans le texte 10• Nécessaire, l'hypothèse est en outre légi- dar
•
time, puisqu'elle ne diffère pas foncièrement de la reconstruction tJOJ
que nous faisons de la conscience d'autrui à partir de son compor- dar
tement, quoique ce ne soit pas une seconde conscience que nous LoJ
d~duiso~. en psyc~analyse, mais ~ien un psychisme sans cons- mê·
CI~nce~4L 1dée sous-J.~cente à. cette discussion est que la conscience, avo
lom d .e~re la premiere certitude, est une perception, qui appelle le 1
une, ~nt1que semblable à celle que Kant applique à la perception ne
exteneure. En .appelant la conscience une perception, Freud la lisa
rend problématique, en même temps qu'il prépare son futur trai- mo
tement.comme. phénomène « superficiel ». A la limite, être conscient pas
et être l~consctent sont des car~ctères seco~daires : seules comptent me:
..
les relattons que les ac~es psychtques entretiennent avec les pulsions abs
et leurs buts, en fonction de leur connexité et de leur appartenance ana
., au syst~~ psychique auquel ils se subordonnent. • meJ
A vra1 d1re, Freud ne réalisera ce vœu de faire entièrement abstrac- dan
mu
9· • Faute d'un terme meilleu t · é · · sen
cient •le système ui ae rév . r e moma q~tv?q~e, !lous appel.ons • l'mcons-
qui le composentqsont inc!le a.nous par le tratt dastmctt~ que les dtvers processus
lettres • les • abré . . dnsctents. je prop?se de déstgncr cc système par les t 1
plus import~t du vtteartmtoen 1 u mot. • Inconsctcnt •. Tel est le troisième sens, le 1 ·~
nconacaent •. G ' W • VIII • p . 439,• S · E · Xli, p. 2 66 ·• auas
tr. fr., p. 24. • 1
· •~
1
••
10. G. W. x, p. a6s; S.E. Xlv, p. 166-7; tr. fr., p. 92·3· i• 14
1
••
1
•1
l•
,
•
PULSION ET REPRÉSENTATION
l•
1
•
•
ANALYTIQUE 1
dans
parce qu'il reste séparé de cette repr~entation par ses rési~tanc~,
qui d'ailleurs la lu! ~ont à no~veau reJeter. Ell~ est d?r:c mscnte systc:•
'•
à la fois dans la reg10n consciente des souvemrs ~ud1t1fs et dans 1
plus
l'inconscient où elle reste enfermée tant que les réststances ne sont
1
Cett1
pas dissout~. La u double inscription ,, est dor:c la mani,ère pr?vi- (défi:
soire de noter la différence de statut de la meme representation, hypc
à la surface du conscient et dans la profondeur du refoulé. On •
retro
verra plus loin comment et pourquoi cette théorie de la double 1
•
au tot
' laque
inscription pourra être dépassée.
Nous venons de motiver le renversement de point de vue qui déph
conduit d'un concept simplement descriptif de latence au concept sur 1:
systématique de système topique; il faut maintenant réaliser ce de la
renversement de point de vue. Alors que /'epoclzè husserlicnne l'Esqi
était une réduction à la conscience, l'epochè freudienne s'annonce Av
comme réduction de la conscience; c'est pourquoi nous parlons
1
nom1•
• •
ici d'epochè retournée 16• Or le retournement n'est achevé que pomt
lorsque nous posons la pulsion (Trieb) comme concept fondamental duc<
•
(Grundbegriff) dont tout le reste est compris comme le destin \ tOUJO
•
(Sclzicksal). J'essaierai de faire comprendre cette substitution Sion<
en c?ntinuant de dé~ager les, caractères anti-phénoménologiques l'obje
de 1approche fre~dtenne. L epoclzè retournée implique, d'une 1 « L'o
p~, q~e nous cessao.n s de prendre pour guide« l'objet n, au sens de la pu.
V1s-à-v1s d.e la cons~1ence, et que nous lui substituions les u buts »
•
factet
d~ la puls1o!l, - d autre part q~e nou~ cessions de prendre pour ne s''
pole le. « SUJ~t », a~ sens de celUl à qu1 ou pour qui les ex objets » satisf:
apparatssent, bre~ 1l f~ut renoncer à la problématique sujet-objet '
stand
en tant que problematique de conscience 10 ' bute·'
L'abandon de« Pobjet »comme guide p~ychologique est opéré Trois
rar Freud d~ns l'article intitulé Les Pulsions et leu~s Destins C'e
S equel ~héématJse les conquêtes antérieures des Trois Essais sur 1~
1
exua tt . 17. 1
de mét
En posant la pulsion comme concept fondamental, chargé comme rappon
psycho
15. C'est seulement en prem'è . . , nature ;
de la conscience caractéristi redap~roxnnatton qu on peut opposer l'epoclù
1
18, (
husserlienne; no~ pousseronqub e a psychan~lyse freudienne, ~ l'epoch~
Dialectique, chap. 1• Une diffé;e eaurups:lus lom la confrontation dans la • 19. 1
16. C'est à dessein que j'em 1~c~ Pus e scr~ alors découverte.
•
ac. j
qui rappellent le vocabulaire pdotel cs ~ots : • gutde de l'objet •, • pôle du sujet '• tT. fr., 1
21 . 1
qui est ainsi ruinée serait seuleme ta P noménol~gie. Mais ln phénoménologie
l'objet comme vis-à-vis de co e~ une psychologte de conscience; il faut perdre aa. 1
ZJ . 1
pour reconquértr 'd et le sui~c t 1ut-meme
. l'objet commnsctence · A •
comme consctcnce, sexuel l'
réflexif et méditant. Noua e gut~ transcendantal ct le sujet comme le • Je • •
1
Diakctique, chap. 11,' repren ona ayatématiquement c:e thème dana la tr. fr. ~
déviatio
•
•
126 l1
l
• 1
1
....
~.\_.-... -
1
• PULSION ET REPRÉSENTATION
1
127
!
l
1
1 •
1
••
.1••
.. ANALYTIQUB 1•
•
tout
C'est sous la réserve de cette limitation aux pulsions sexuelles !1
i
dé fil
que le tableau des destins de pulsion peut être considéré comme •
le n
•
systématique; en effet le refoulement, seul considéré dans l'Inter- non
prétation des Rêves, se trouve maintenant intercalé entre, d'une 1
et de
part, le renversement (Verkelzrung) des pulsions en leur contraire, 1
des
et le retournement (Wendung) contre la propre personne - et, actif
d'aut.re ~?art;, la sublimatio~. ,(De celle-ci il ne sera pas traité dans l'aut
cet Essax ou seuls sont trattes le retournement et le renversement·
un E~sai distinct est consacré au refoulement.) , écha
Or 11 est remarquable que ce ne soit pas en termes d'objet visé que il re
r~to~rne~~nt e! renv~rsc~cnt P.euvcnt être compris; au contraire
1
ru•mc
1 ~bjet vrse va e~re lu1-meme remterprété en termes économiques. narc
C ~t le b!lt qut ~hange, lorsque le renversement se fait du rôle 1
i•
c
a~f .au role passrf, dans la paire contrastée voyeurisme-exhibi- ter 1
ttonmsme! par contre c'est l'objet seul qui change mais par rapport suce
à un. but mchangé - faire souffrir - , lorsque ' le renversement la pt
•
se far~du contenu autre au contenu moi-même (inhaltliche Verkeh- ..' rieUl
rung ), dans le couple sadisme-masochisme. Mais on peut aussi '• de J',
l
der-
24. G. W. x, p. 219; S. E. XIV, p. 126; tr. fr., p. 42•
oCJ2i.~e~d ~~ :::~~;es;e:~ Xl~, fi··~~6;Jr.
economique du Masoch' 1
(on r)
fr., p. 43·Le texte date d'une époque
G eWe masochisme primitif; cf. le Prublèttu
17o; 1
aml4 1924 • • • xm, p. 371-a3: s. E. xrx, p. 159- loin, 1
•
a6.
•
1
128
•
'
__.....___
1
•
. ·---····- -
•••
.•
(
1 PULSION ET REPRÉSENTATION
1 •
1oan, hv.fr.,
1
~0 : t~. in Rev. fr. de Psychan. n, :a, 19a8, p. 212-a:a3. On y reviendra plus
Il, mo partie, chap. r.
•
•
a6. G. W. x, p. aa 4 : s. E. xrv, p. 13a; tr. fr., p. sa •
•
129
••
1
_....__ ~
1
ANALYTIQUE
0
--
1
1
1 Jam
•
hostile. Ce départage de l'intérieur et de 1ex~erteur, selo.n la hgne mn
de l'amour (si on entend par amour ~a relauon du mot avec les dés
sources du plaisir) est e~ outre comhp~tqué p,ar un autre pr~cessus obj.
de répartition selon la hgne de ,la . ~ne : 1 ~our ~ ~n e et un aux
, second contraire 28 »:outre le deplatstr, contratre de 1 atmable pour réal
le moi de plaisir, il y a tout ce qui est haïssable au ,reg~rd. des p~l libi
sions de conservation. Ce que nous appelons d ordmatre obJet tas1
-objet aimable objet haïssable - n'est rien moins que donné; les
•
c'est le résultat' d'une double série de scissions entre l'intérieur SUJf
et l'extérieur et nous pouvons parler, pour opposer ce résultat Da1
terminal au stade initial du narcissisme, de stade objectal 29• sen 0
130
•
r
1
• t
•
1 •
1
-- PULSION ET REPRÉSENTATION
l 131
.
r
1
t
-- --··---·- --
•
,.
····-
•
PULSION BT REPRÉSENTATION
'!
1
introduisant également le masochisme comme phénomène pri-
maire; la sublimation serait, par contre, une sorte de conversion
douce... Si nous le comprenions, nous comprendrions qu'elle est
'( bien un autre destin que le refoulement : « La sublimation repré-
sente l'issue qui permet de satisfaire à ces exigences du moi sans
•
! amener le refoulement 35• »
•
Mais tout cela ne prendra sens que dans le passage de la première
à la deuxième topique et par l'introduction, déjà proposée dans Pour
Introduire le Nardssisme, d' << une instance psychique particulière».
Ce sera le surmoi. Il faut même dire plus : avec la question du
•
surmoi, c'est la question du moi qui est posée et cette question ne
coïncide déjà plus exactement avec celle de la conscience, seule ..!
1
r thématisée dans une topique d'abord soucieuse d'affranchir la !
.1
'.
1.
position de l'inconscient par rapport aux évidences de la cons-
•
'1
Clence.
Nous pouvons pousser un peu plus loin l'investigation des
rapports entre narcissisme et libido d'objet, sans trop anticiper
•
1
sur la seconde topique et sur les problèmes nouveaux qu'elle sou-
lève, en évoquant un dernier exemple, le plus saisissant peut-être,
l'exemple du travail du deuil, auquel Freud a consacré un de ses
admirables petits Essais : Deuil et Mélancolie 38• Le deuil est
• '
1
un travail : « Le deuil est toujours la réaction à la perte d'une per-
sonne aimée, ou d'une abstraction qui a été poussée à sa place,
telle que patrie, liberté, idéal, etc. 37• >> Le travail absorbant du
deuil, l'abandon exclusif à ce travail, dont quelques signes sont
bien connus - la perte d'intérêt pour le monde extérieur, le recul
devant toute activité non en rapport avec Je souvenir de l'être
1 disparu - posent un énorme problème, qui n'est rien moins que
'' •
celui de l'économie de la souffrance (Sclzmerz) (laquelle, soit dit
en passant, est bien autre chose que le déplaisir du couple Lust-
Unlrut). C'est cette économie de la souffrance qui nous conduit au
' cœur des rapports entre narcissisme et libido d'objet. L'épreuve
de la réalité, en effet, a montré que J'objet aimé a cessé d'exister •
.1
•
et la libido a dû renoncer à tous les liens tissés entre elle et J'objet
disparu; la libido se révolte; et ce n'est que peu à peu et à grands
frais d'.énergie d'investissement qu'elle exécute, en détail et sur
chacun des souvenirs de l'objet perdu, l'ordre donné par la réalité.
•.'
35· G. W. x, p. r6z; S. E. xrv, p. 95; tr. fr., p. 35.
•
36. Trarur u11d M··lancllolie. G. W. x. p . ..p8-.uo; S. E. XlV, p. 3..p-as8; tr. &.,
Mltapsycl1o/ogie1 p . 189-U.
.1 W. 31· G. W. x, p. 438-9; S. E. XlV, p. 3•ll: tt. fr., p. 189•
•
XJJ
••
J
•
ANALYTIQUE
IJ4
..
.:~J·11U- I"a.-Pm1Uft
.ft..
-
_,.S _.ol..,.--.
' .
__________________ . ........ ,
.. ,} ·-,=·-··---.. .- ·
- ----·
·
•
•1
•1•
1
•
l'
1 PULSION ET REPRÉSENTATION
1
aimé puisse se réfugier dans i'identification narcissique et se tour- ••
t
ner ;n auto-reproche à la faveur de l'identification; il y a donc •
i
une seconde régression, un retour au stade sadique; cela aussi
' sera d'une grande importance pour le mécanisme de la conscience
morale, du remords et de l'auto-punition. ,.,.
Mais, dira-t-on, le deuil, précisément parce qu'il n'est pas la •
• 1
1•
IJS
. 4,., .....,1&'1
..... ...._.•• ..
-·~)i'iitoiltii~~~·····'J 1
QMrtï.e••·•• --·-f'- ---- . --·- ....._.___
ANALYTIQUE
.'
·-·.-
c PULSION ET RBP~BNTATION
2. PRÉSENTATION ET REPRÉSENTATION
'
Il nous faut maintenant refaire le trajet inverse; dès les premières
pages de l'Essai sur l'Inconscient, la question se pose : comment
accédons-nous à la connaissance de l'Inconscient? Et voici la réponse:
u Naturellement nous ne le connaissons qu'en tant que conscient,
une fois qu'il a été soumis à une transposition (Umset:.:ung) ou
une traduction ( Obersetzung) dans quelque chose de conscient''· »
Et Freud ajoute : « Le travail psychanalytique nous permet de
1 faire quotidiennement l'expérience que cette transposition est
possible 50• »
En quoi consiste une telle possibilité? C'est ici que nous accé-
45· G. W. X, p. 285, S. E. XIV, p. r86; tr. fr., p. 129.
46. G. w. x, p. 291i s.E. XIV, p. 192; tr. fr., p. 139·
47· Ibid.
1 48. Ibid.
c 49· G. W. X, p. 264; S. E. XIV, p. 166; tr. fr., p. 91-a,
so. Ibid. •
1
1
J37 1
1
ANALYTIQUE .•
quée, non seulement des la prerruère page, mais des la prem1è~e les I
ligne de l'Essai sur l'Inconsdent : cr La psychanalyse nous a appns en s•
que l'essentiel du processus du refoulement consiste non à sup- "
rnerr
primer, à détruire la représentation (Vorstellung) qui présente la réali-
pulsion (den Trieh repriisentierende Vorstellung) mais à la sous- d'act
traire au devenir-conscient 61, » pous
En quoi consiste cette fonction de présentation qui commande de c
'
non seulement la représentation mais, comme on le verra, également 1 non
l'affect?
des<
Si le pro~lème que nous abordons ici n'est pas nouveau quant de la
au fond 62, d l'est quant à la position. L'originalité de Freud est limit
de reporter dans l'inconscient même le point de coïncidence du (Rej.
se~ et de la f~rce. Il présuppose cette articulation même comme ce du Cl
qUI ~end poss1~le tout:s les a transpositions n et toutes les « tra- tère
du~t?ns » de 1mconsctent dans le conscient. En dépit de la barre où r
qUI separe les systèmes, il faut admettre entre eux une communauté co mi
de structur~ qui fait que le conscient et l'inconscient sont égale- l'exi~
ment psych1q~es. Cette ~?mmunaut~ de structure, c'est précisé- au p~
ment la fonctiOn ~e Repr.asentanz; c est elle qui permet « d'inter-
poler » les actes mconsc1ents dans le texte des actes conscients· 54-
c'est elle qui assure l'étroit u contact » (Berührung 68), . entre pro~ ss.
s6.
51. G.
2
W.· x,~· 264; S. E. XIV, p. 166; tr. fr., p. 92. 57·
min ole
ch5 • La discussion que nous ferons de ce concept freudien dana la Dialectiqu1, la mêr
~P· . n, r~v~lera •• paren~ avec dea concepta aemblablea chu Spinoza •t
Lelbntz. d'une
mes ur
53· G. w. x, p. 267; s. E. XIV• p . I68·• tr. ~-
u., p . .J..
~· •Par ,
~-~--
. . .'f. . . .;1 .. ....... - -------
•......... »...' ·••c T r..--=rr • ... . .:....... M + ' L I)
-· •#l
-·-··-----···--·~-----
...., .,__ - -
•
0 PULSION ET REPRÉSENTATION
• • • •
cessus psychiques consctents et mconsc1ents et permet, « au prlX
d'un certain travail, de transposer (umsetzen) ceux-ci et de les
remplacer (ersetzen 64) » par des processus conscients; c'est elle
enfin qui nous« autorise à les décrire à l'aide de toutes les catégories
que nous appliquons aux actes psychiques conscients, tels que
représentations, tendances, résolutions, etc. Oui, il faut le dire, un
grand nombre de ces états latents ne diffèrent des états conscients
que justement par le défaut de conscience (wegfall des Bewusst-
seins 65) ».
Cette fonction de Repriisentanz est certainement un postulat;
Freud n'en donne aucune preuve; il se la donne, comme ce qui
' permet de transcrire l'inconscient en conscient et de les tenir
ensemble pour des modalités psychiques comparables; c'est
pourquoi il inscrit cette fonction dans la définition même de la
pulsion. II dira un jour : u La doctrine de la pulsion est, pour 1
ainsi dire, notre mythologie 66• » Nous ne savons pas ce que sont 1
1
les pulsions dans leur dynamisme. Nous ne disons pas la pulsion •'
en soi; nous disons la pulsion dans sa présentation psychique; du
même coup, nous la disons comme réalité psychique et non comme
réalité biologique. Certes, nous avons pu l'appeler « une fraction
d'activité» : par là, nous l'avons désignée comme énergie, comme
1 poussée, comme tension, etc... Mais la qualification psychologique
de cette énergie fait partie de sa définition, en tant qu'elle est,
1 non pas même présentée par... , mais présentante de... à l'égard
des énergies organiques : « Si nous abandonnons le côté biologique
de la vie psychique, la « pulsion » nous apparaît comme un concept-
limite entre le psychique et le somatique : elle est la présentation
( Repriisentant) psychique des excitations émanées de l'intérieur
• du corps et parvenues au psychisme »; et, pour accentuer le carac-
tère mixte de ce concept, Freud lui applique la notion de travail,
où nous avons reconnu une expression privilégiée du langage
composite que requiert la psychanalyse : elle est << une mesure de •
l'exigence de travail (ein Mass der Arheitsanforderung) imposée
0
0
l
au psychique par suite de sa connexion avec le corporel 67 ». 11 ne 1
,
1
54- Ibid.
55· Ibid.
s6. Nouvtllet Con/bnrcet SUT la Ptychana/ys•. tr. fr.• p. fJO.
57· G. W. x, p. 214; S. Eoxrv, p. 121-2; tr. fr., p. 33. Dnns la discussion ter-
minologique qui suit, Freud reprend, à propos de chacun des termes connexes,
la meme réf~rence à la fonction indicative ou présentative. • Par po~e (Drang)
d'une pulsion on entend le facteur de motricit~. la somme énergétique ou la
mesure de l'exigence de travail que la pulsion pr~sente (reprdsentiert) •. ( Jbid.)
1
Par eoun:c (Quelle) de la pulsion, on entend le proccaaua aomatiquo dana un
IJ9
\
ANALYTIQUE
faut donc pas dire seulement que la pulsi?n s'exprime pa~ des repré- •
est e
sentations- c'est là un des aspects dénvés de la fonction présen- l'inc<
•
tative de la pulsion. Il fau.t dire plus radicalem~flt que la pulsion •
presc:
elle-même présente, expnme, le corps dans l ame, sur le plan non .
psychique (in die See/e). C'est un postulat, peut-être le plus fon- nom1
damental de la psychanalyse, celui qui la qualifie comme psycho- ultéri
analyse. On ne peut que le déployer dans toutes ses conséquences. M:
Tous les destins de pulsùm sont des destins des « présentations direc
psychiques » de pulsion; c'est évident dans les cas du a renverse- bien
ment » et du a retournement », seuls traités en détail dans l'Essai des e
consacré aux pulsions et à leurs destins : le renversement du à son
•
regarder au être-regardé, le retournement du faire-souffrir- gme;
l'autre au faire-souffrir-soi, s'expriment dans des représentations propr
et dans des affects qui présentent les déplacements purement secon
énergétiques dans un champ psychique où ils sont susceptibles gung),
d'être signifiés, reconnus, et ainsi, au prix d'un travail spécifique {repr(
de devenir conscients. ' 1
senta1l
. Le d~stin des u présentations psychiques ,, est beaucoup plus •1
mstru.c~af dans le .cas du refoul~ment ,qui constitue, on s'en souvient, s8. <
le tr01saèm~ desta~ de la p~ls10n. C est lui,. en effet, qui introduit •
du con
dans la prese.n~taon psych1que de la pulsion toute la complexité de Pett
observa.
que Fr~ud ~esagne par les mots « d'éloignement » (Entfernzmg) et les pré•
de cr dis~o!saon » (Entste/lung) (ce dernier terme ayant déjà servi le conc·
à ca~actens~r l'ensemble des procédés qui constituent le travail observa
du reye ). ~ est ~e ~efoule~ent, en effet, qui scinde la pulsion de la '. tations ,
conscaenc~, mais I!
ne s~mde pas pour autant la pulsion de sa
1
les struo
de cette
présentation psychique; tl ne saurait le faire, puisque la pulsion dans sc
' (Etudes
•
lllCOnSCJ
organe ou une partie du corps d t l' · · .
d · h' •. on excttatton est présentée (reprllsentrert) sie hystc
ans 1a VIe psyc lque par la pulston • G W x 1 S E dans l'i
p. 35-6). Ces textes refiè b' ·, : · • .P· 2 S; · . XIV, p. 122; tr. fr., ••
tantôt elle dési e ce . tent •en J ulttme équivoque du concept de pulsion : et refou
elle est elle-ml:e la .qur :St •
p~ésenté • (p~ l'affect et la représentation), tantôt
•
dire le r
mal connue L'éditeut~ setnta~lon • psychtque d'une énergie organique encore a d'autr·
us Pulsions. et leurs Des/ (s·EE. confronte, dans l'Introduction à l'Essai sur sion, la
paux sur ta question: Tr~"/s E;sa: XIV, p. 111 ·116), les textes freudiens princi- • laisse la
(1911}, Pour introduire le Narcissr~:~.. (Préface ~e 1914).; sect. nr du Cas Sclmber ment en
Au-deld du Principtt de Pl · . ( ') (l9!4), L 111conscarnt, Le Rtjoulemt•nt (1915), et cède t
Je suis bien d'accord av:~~~et
1920 Je rcfoul
• arttcle de I'Ifncyclopétlie Britattnique (1926). •
équivoque; l'essentiel pour no~~t:; pour consl~érer com~e négli~eoble cette "1
f aisnplem
dans Sa présentation psychique C' que ~~ pUISIO~ ne SOit COnnatssoble que . concept
Ouant à la solution de l'é ui. est ce qui détenmne &a teneur psychologique. ) di\'crs, n
dans Jo notion de refoulemer?t ;f1~:. elle-r:n~m~, sana doute faut-il Jo chercher
0 .,.
lemc:nt c
de la présentation psychique l ra ~ .CJUI InStitUe ~~ tOUte première c fixatio~ • f
•
donc COl
(o. 46). P 100• Noua d11cutons plus loin cc. pomt •
t.ubatitul
~ P ratiquCJ
•
PULSION ET REPRÉSENTATION
1
sentanz des Triebes) se voit refuser l'admission dans le conscient 58 ».
s8. G. w. x, p. zso; S.E. XIV, p. 148; tr. fr., p . 7I. Toute étude systématique
du concept freudien de refoulement doit aujourd'hui tenir compte du travail
•
de Peter Madison, Freud's concept of repression and defense, its theoretica/ a11d
observationallat1guage, Minnesota University Press, 1961. L'auteur y applique
t les préoccupations épistémologiques de l'école de Carnap et tente de clarifier
le concept freudien en distinguant et en articulant les deux niveaux du • langage
observationnel • et du • langage théorétique •. Du premier relèvent les manifes-
••1 tations observables du jeu entre la pulsion et le contre-investissement, du second,
•
les structures non observables de ce jeu de forces. La diversité des manifestations
de cette interaction hypothétique explique les variations apparentes de Freud
/ dans son vocabulaire même : dans la Communication Préliminaire, de 1892
1
• . (lttudes sur/' Hystérie, cha p. 1), le refoulement désigne l'oubli intentionnel, motivé
inconsciemment, qu'on peut observer dans les cas d 'hystérie; or, tandis qu'amné-
sie hystérique et refoulement se recouvrent, comme Freud lui-même le rappellera
•
• dans l'important chap. Xl d'Inhibition, Symptôme et Angoisse ( 1926), défense
•
et refoulement sont tenus également pour des synonymes : • ln défense, c'est-à-
' dire le refoulement des idées hors de la conscience •; seconde complication : il y
a d'autres mesures défensives que l'amnésie hystérique : par e.'Ccmple la conver• 1
1
.' sion, la projection, la substitution, l'isolement (qui, selon l'Homme atL~ Rats. '
ANALYTIQUE •
, . .. . l
c·est pourquoi ce que nous prenons pour 1.expresston ortgmatre j port 1'
de la pulsion est déjà le produit d'uAne. fixa.tzon ,· le rapport entre âelà c
expression et pulsion ne nous apparatt Jamats que comme un rap- 1
1 la ré~
1
1
•
du concept de défense dana Inhibition, Sympt6me et Angoisse, pou.r d~igner la les fon
totalité des procédés d~nt use le moi dans les conflits qui peuvent condutr~ à une contre
névrose, n'est donc pas inattendue: sont de nouveau évoqués, à côté de 1e.~clu la résis
aion de la conscience, parfaitement illustré~ p~r le ref~ulement hysténque, ,
1 vables
•l'isolement 1 et la c régression 1 à un stade hb!dmal.anténeur, o~servable .dana 1
1
tancee
la névrose obsessionnelle, et une procédure qu1 constat~ à c défatre 1 mag~quc analyti•
ment ce qui a été fait; toutes ~es mesures. sont défenst':es,,en ce sens qu eJles sert ex
protègent le moi contre des extgences pulstonnelles. Mats c est seulement dans usant c
le chapitre appelé c Additif 1 que le concept de refoulement est non seule~ent nel (r•
subordonné à celui de défense, mais restreint à nouveau à l'amnésie hysténquc; opère à
dans le corps de l'ouvrage, les autres mesures défensives sont quelquefois traitées 11 Jement
comme des formes de refoulement. Madison suggère que • défense et refoulement jeu dar
sont inextricablement liés à la conscience d'une manière qui ne permet pas de contre-
les s~parer par une simple convention de terminologie • (o. c., p. 27). La première par les•
tAche qu'une épistémologie peut se proposer est de mettre en ordre lu diversit~ plus pt
des faits observables, témoins du conflit intrapsychique non observable, et de comme
réserver le concept de défense pour le motif fondamental commun : à savoir porte n
1
la protection préventive du moi contre l'angoisse. C'est cette mise en ordre qui • systèm•
occupe la première partie du travail de Madison. La psychanalyse a, pour l'essen- '
' a lui-rn
tiel, à faire à des défenses qui échouent; les autres, dit-il en 1915, échappent à de la tl
1
notre examen. Parmi les mesures réussies de la défense, Freud cite la c démoli- 1 La forr.
tion du comple.xe d'Œdipe • qui est c plus qu'un refoulement •, en ce sens que lement
l'impulsion elle-même est détruite dans le Ça, la répudiation par le jugement, et dit •). 1
surtout la sublimation dont nous discutons par ailleurs la nature dans son rapport
avec la désexualisation. Dans Malaise dans la Civilisation, Freud pose que les
~ tiles rel
1 mau• on
pulsions elles-mêmes peuvent être modifiées par absorption, sublimation ou 1 mais dt
refoulement; la formation des traits de caractère est un exemple d'absorption. {191 1),
Quant aux défenses qui échouent, on peut les répartir en défenses répressives 1
'
1
le texte
et défenses non répressives : les premières obtiennent l'effet de protection en 1 propre
alté~t la représentation fixée à l'impulsion dangereuse; l'amnésie n'en est qu'une 1 se déco
mod~ltté à côté de,!a conversion, du déplacement, de la projection, de la formation 1
' d'attrac
réacttonnelle, de ltsolement, du • défaire •, de la dénégation. Le critère du degré 1 a été a
d~ refoulem~~lt est d~nné par le degré de • distorsion 1 et d' • éloignement 1 des l
1 Je carac
rejetons de 1 tncons.ctent, dans les rêves, les symptômes ct les divers signes et .• elle-me.
masques de la pulston refoulée. On peut parler de défense non répressive dana d'appar
le cas de la r~gression, qui procède par substitution de pulsion (par exemple 1' mentto
!e retour à un tntérêt pré-génttal) et non par altération de la représentation. Maia tout le
il Y a des mesures défensives qui ne paraissent pas tomber dans cette alternative
'
(libidin:
~es défenses répressives et non répressives : ainsi les inhibitions purement affec· 1
l'ungois
~~es, é":oquées par Freud comme exemples de destins séparés de l'affect : ici, 1 destins
1 tmpulston est empêchée d'aller jusqu'à la manifestation affective entière. Freud J rôle d'n
parle .encore dans ce cas ~e re~oulement (1915), bien que l'inhibition affective l'estima
ne sott pas ob!enue par dtstorston du contenu représentatif. Que dire enfin du •
.
pusse sc
concept de réststan~e? Commen~ vient-il se placer par rapport à celui de refou·
1
traumat
len:tent? On peut dtre, avec certatns textes, que la résistance est une des manifes· ' dans l'c
tattons du refoulement, celle que le travail thérapeutique rencontre comme un 1 ralt soli
obstacle à aon progrèe; cette manifestation est l mettre sur le même pied quo 1' Principe
142
.••
..
l.:~.gu.-:u--- ------------- -·--·---··•~·~·- *'-"' ""·•••-•••=-•·,........__..-...
w.a••;,:,ar.,....,••-------,;1z:
.
PULSION ET REPRÉSENTATION
contre la guérison, traitée par le moi comme un nouveau danger. Mais à son tour
la résistance couvre une diversité de mesures qui seules sont directement obser-
vables (silence, élusion, répétition, etc.); à titre de force hypothétique, la résis-
tance est du côté des concepts théoriques; c'est la contrepartie, dans la situation
analytique, du contre-investissement; or la notion de contre-investissement
sert expressément à définir Je refoulement primaire (le refoulement secondaire
usant en outre du retrait d'investissement Pcs). GrAce à cet enchninement notion-
nel (résistance-contre-investissement-refoulement), le concept de résistance
opère à plusieurs niveaux: en un sens indifférencié, c'est le nom donné au refou-
1
•1 lement dans la situation analytique; au niveau théorique, la contre-force mise en
jeu dans cette situation est identifiée à ce que la théorie du refoulement appelle
contre-investissement; au niveau de l'observation, il recouvre toutes les mesures
par lesquelles le patient cherche à échapper à la règle théorique; à cet égard, la
plus puissante de toutes les formes de résistance, c'est celle qui use du transfert
comme d'un obstacle au travail de l'~alyse. - La théorie du refoulement com-
porte ainsi non seulement un réseau très compliqué de faits observables, mais un
système de forces opposées dont les termes ne sont pas observables; ce système
•• a lui-même beaucoup varié dans la doctrine freudienne, puisqu'il est inséparable
1
de la théorie des organisations sexuelles et des théories successives des pulsions.
1 La forme la plus abstraite de la théorie a été atteinte avec la distinction du refou-
lement • primaire • et du refoulement • ultérieur • (ou refoulement • proprement
' dit •). Le premier met à la disposition du second une masse d'expériences infan-
( tiles refoulées; g:Ace à lui, tout refoulement consistera en une véritable transfor-
1 mation d'affects, en vertu de laquelle ce qui engendrait du plaisir engendre désor-
1 mais du déplaisir sous forme par exemple de dégoOt; c'est dans le c cas Schreber •
1 (1911), sect. m, que la théorie du refoulement primaire est Ja plus complète;
le texte bref de 1915 n'en est que le résumé; dans ce premier texte, la fixation
1
•
propre au refoulement primaire est la condition du refoulement secondaire qui
j
•
se décompose en un double processus de r~pulsion par le système conscient et
1 d'attraction exercée par l'inconscient. La forme la plus abstraite de la théorie
1
1•
a ~té atteinte en 1915 avec Je concept de contre-investissement, qui suppose
• Je caractère constant de la pression pulsionnelle et de Ja cont.re-pres.sion, définie
•
• elle-même par sa seule énergie et sa seule direction nntipulsionnclle. Ce système
d'apparence mécaniste est en réalité un système • motivntionncl •. C'est là finale-
1 )
ment tout l'intérêt d'une discussion sur les rapports entre refoulement et défense:
r tout Je système est orienté vers l'idée de protection contre Je danger intérieur
•
1 (libidinal ou moral) plus encore qu'extérieur et physique. On comprend que
l'u.ngoisse, longtemps tenue pour un effet du refoulement (en 191 s. c'est un des
1 destins séparés de J'affect, ln conversion en angoisse) nit pu, en J 926, assumer lo
J rôle d'anticipation et de signal; alors que l'angoisse traumatique consisto dQI\S
. l'estimation toute passive de l'impuissance du moi affronté à un danger qui sur-
•
1 pusse ses forces (situation traumatique), l'angoisse-signal anticipe cette situation
traumatique; elle répète activement le trauma lui-même sous une forme mitigée
,
j
•
dans l'~poir d'en orienter le cours. Par contraste, Je refoulement primaire appu-
rait solidaire de ce qu'on appelle mui.ntenant angoisse traumatique; Au-delà du
Principe tk Plaisir avait déjè appelé traumatique toute rupture du bouclier pro-
••
•••
•
··· - .. -- . -·.. ...... -
~
•
•
ANALYTIQUE
l'her
de la présentation refoulee » (dze P,syclusche Abkommlmge der
•• de 1:
verdriingten Repriisentanz) ou les chames de pensées (Gedank:n-
züge) qui, émanant d'aille~rs, s~nt entrées,. dans ~ne relatlO_!l l'lnt.
•
d'association avec ladite presentation 69 ». L mconsctent apparatt dell
alors comme un réseau ramifié, constitué par les arboresccnce.s
indéfinies de ces « rejetons >>; c'est par là qu'il ~ait sy~tè~e ct. qu'li Et
•
81 fi()
se prête à ce que les analystes appellent une mvesttgatt~n mtra-
systématique. !VIais c'est toujours un système d'expressiOns psy- •
(Rep;
•
chiques et toute l'analyse consiste dans l'art d'interpréter ces reje- aux, 1
tons dans leur rapport à des expressions toujours plus primitives 1 categ
de la pulsion, selon le degré de leur « éloignement » et de leur qu'il
ex distorsion eo ». Les rapports d' << éloignement >> et de << distorsion » destÎJ
des rejetons sont alors le répondant, du côté du psychisme analysé, pour
Ne
..
pas, el
•
tecteur contre les stimuli: avant de disposer de l'angoisse anticipatrice, le moi •• preta1
n'a de recours que dans l' impulsion à restaurer l'état de repos antérieur: le refou- l'intel
lement primaire, qui ne parait présupposer que la non-satisfaction du besoin
infantile, est désormais nettement distingué de toutes les mesures qui succèdent •
que d
à la format.ion du surmoi et que Freud caractérise maintenant comme déclen- le mo
chement d'une • angoisse-signal •, qui fonctionne comme avertissement d'anti- affcc~
cipation par rappel d'une situation dangereuse antérieure. Tel est l'extraordinaire
enchevêtrement de faits et de théories qui caractérise le concept freudien de Re"
refo~lemen~.- Nous parlerons dans la Dialectique, chap. 1, p. 348, de la seconde
1
·1 Il fi
• entre
Parue du hvre de Peter Madison et de son essai d'appliquer au freudisme lea
règles de Carnap. !• des co
59· G. W. X, p. 250; S. E. XIV, p. 148; tr. fr., p. 72. •
6o. • La Psy~hanalyse peut encore nous montrer autre chose d'important pour 1. stons 1
la compréhension des effets du refoulement dans les psycho-névroses : le fait, 1 Jung);
par exemple, que les prés~ntations de pulsion se développent plus librement, est pa
plus abo~damment lorsqu elles échappent, grAce au refoulement, à l'influence 1
du consc1ent. En ce cas, elles foisonnent, pour ainsi dire, dans l'obscurité et
tr<?uvent des formes d'expression extrl!mes qui, traduites et présentées au névrosé,
l 61. F
lu1 semb~ent forcément non s~ul~ment étrangères mais effrayantes, du fait qu'il r• et sui v.;
Y aperçoit comm~ dans un ~1ro1r (dureil die Vorspirge/rmg) une extraordinaire • p. a1s-;
et dangereuse putssance pulsionnelle (TriebsUirke). Cette puissance pulsionnelle , 6a. c
é~arante (tausc~cnde) r~ulte d'un déploiement sans entraves dans l'imagination n avons
(rn der Phantane) et dune stase (Aufstauung) par refus de satisfaction (i11jolg• l envisage
•
tJtrsagter Befriedigung) ·' G. w.
x, p. asl i s . E. XIV, p. IS9i tr. fr., p. 73· •
1
cet autre
1
•
I-t-4
PULSION BT REPRÉSENTATION
1
qu'il existe une autre catégorie, celle des affects, que ceux-ci ont un
t'
destin différent et que ce destin propre est peut-être plus important lj
.
pour la psychanalyse que celui des représentations. 1
1
Ne sommes-nous pas rejetés en pleine mer? L'affect ne va-t-il 1
•
•
pas être le refuge d'une explication économique dissociée de l'inter- •
'
• 1
• prétation exégétique? l'affect n'est-il pas le quantitatif pur? Bref, 1
•
l'interprétation et l'explication économique ne coïncident-elles .1 .
•
que dans le destin des représentations, c'est-à-dire dans le destin
le moins important, pour se dissocier à nouveau avec le destin des
affects?
Revenons donc aux textes 61.
.! Il faut d'abord observer que Freud a pris grand soin de mettre
' entre parenthèses la question de l'affect et d'élaborer sa théorie
1• d.es contenus inconscients sur la base de l'équivalence entre expres-
1. Sions psychiques et représentations (entre Repriisentanz et Vorstel-
lung); à cet égard la démarche initiale des deux textes considérés
l
' est parallèle 63• C'est seulement dans un second temps que l'on
1 6r: Fin de l'Essai sur u R~foul6rnntl, G. W. x, p. 254 ct suiv.; S . E. XlV, p. rsa
1• et auw. ; tr. fr., p. 79 ct suiv. et chap. Ill do l'Essai sur L'J,coluci~nt. G. W. x_
• p. 275·79; S. E. XlV, p. 176·9: tr. fr., p. III·U8•
6a. • L'observution clinique nous oblige maintenant à dissocier co que noua
n'a~ons consid~ré jusqu'ici que dans l'unicité, car elle nous montre qu'il faut
l env1aager, outre la représentation, quelque chose d'autre qui présente lm pulsion;
•:'' cet autre ~~~ment est soumis l un destin do refoulement qui pout différer cntièro-
)
•
•
ANALYTIQUE
par quota of affect); d c~rreapond à la pulsion, pour autant que celle-ci s'est 1'
détachée de la repr~sen.tauon et trouve une expression proportionnée à sn quantité ! 66. G
dana des processus dtacemablca en tant qu'affects sensibles (a/s Affekte d" •• 67. o •
Empfindung). • G. W. x, p. ass; S. E. XlV, p 15a • tr fr p 79 eelon lel
63. Ibid. ' ' ' ., ' ' /Pmge11),
64- Ibid. 68. G
•
65. Toutet eea expreaaiona te litent dana le chap. m du Refoulmunt. 69, G.
•
PULSION ET REPRÉSENTATION
.
.• •
. .. ' •
' .. .. . . • . •, , !"
.,, ,., . ... , . ,~
·~ ·
. . ""· .J . .. .. ; ~·
• •
• • • • ' ' '· ' 0 • • , . , . · :• • • •• •
PULSION BT REPmENTATION
•
affect pur, un affect directement émané de l'inconscient - comme
l'angoisse sans objet- est un affect en attente d'une représentation
.'•
• substitutive à laquelle il pourra lier son sort. Finalement, un affect
•
~
qui nous apparaît descriptivement comme un affect dissocié,
•
c'est un affect à la recherche d'un nouveau support représentatif
' 1
qui lui frayera la voie de la conscience. ••
Nous ne pouvons donc ni réduire l'affect et son facteur quanti- l
tatif à la représentation, ni le traiter comme une réalité distincte.
C'est du moins sur cette différence que se joue la distinction entre
t
topique et économique. Le chapitre IV de l'article sur 1'/nums-
cient va à l'extrême limite des possibilités d'autonomie offertes 1
par la théorie précédente de l'affect au point de vue économique. ;f
f
Il va même jusqu'à présenter ce point de vue comme un troisième
•
,
.'
1
point de vue qui vient s'ajouter au point de vue dynamique et
topique; il prétend « poursuivre les destins des grandeurs d'exci- ~.
~
l
1
tations et atteindre à une estimation au moins relative de ces der-
nières 73 ». C'est là, dit Freud, le couronnement des recherches
a
1
'
psychologiques : « Je propose de qualifier de métapsychologiqut
un exposé dans lequel nous aurons pu réussir à décrire un processus
•
;r.••
1 1
1
.!' psychique d'après ses rapports dynamiques, topiques et économiques. ••
. Disons par avance qu'en l'état actuel de nos connaissances, nous ..1•
1
• n'y réussirons que sur des points isolés 7•. »
j
•
Cet a essai timide » et ces a points isolés •, c'est une nouvelle
reprise systématique de la théorie des névroses, dans la ligne de
1
1
l'article sur le Refoulement; mais, cette fois, au lieu de suivre le
destin séparé de la représentation et de l'affect, Freud construit
l une sorte de typologie ou de combinatoire, en composant de
différentes façons les deux ordres d'expressions psychiques. Je
n'entre pas dans cette esquisse du tableau clinique des névroses,
ici pas plus qu'ailleurs; je remarque seulement le glissement du
langage et de )a conceptualité dans ce chapitre. C'est bien vers une
économique pure que tend cette analyse; il n'y est question que de
placement et de déplacement de charges, de retrait d'investisse-
ment et de contre-investissement : • Nous avons ainsi : retrait de
l'investissement préconscient, maintien de J'investissement incons-
cient ou remplacement de J'investissement pré-conscient par un
investissement inconscient 76• » Que Freud envisage ici une véri-
•' table substitution de l'explication économique à l'e.xplication .•1
•
73. G. W. x, p. a8o; S. B.
74· Ibid.
XJV, p. 181: tr. & .• p.
•
1
:
•
..
. . ' •. . .
,·
.
u,•••, •t~!U!W'Wt:, . t.!tP - ot.f~,,u.;.u
. •. ..,..
.- ..,. ..~•a~·--..·~' ..'"""·-•••-••--•••-----···--•'Mit~~..tW~'
•.,.•.._.,r.&.",.&.;'"~&e••,,..
--• ~IR;JtylHtij
•
•
ANALYTIQUE •
·
toptque nous en avons un signe certain dans labisolution · · qu'il
·
• 0
..
1
deu:
1.
stgr:ufiant : « Il n .Y a d~ns 1•!!conscient que des contenus plus ou \
. .' . ,. .. .
•
.• '
•
PULSION BT REPRÉSENTATION
.JSI l
1
•
• 1
t. .'
-.
•
•
ANALYTIQUE •
•
est indestructible ,, cr immortel », c'est-à-dire toujours préalable •
qu'c
au langage et à la culture 81• • mer
•
2 • 11 n'est pas possible de ~~~liser cette écononuque pure !!n non
•
marge du représentable et du dictble; nous ne pouvons hypostaster ces
l'innommable du désir sous peine de tomber en deçà d'une sont
• psycho-logie ». C'est bien ce que nous interdit de faire la théorie fom
de la Repriisentanz. Certes, elle ne saurait se réd~ire à une théorie. de assu
la représentatùm, puisque l'affect présente la pulston et que la puls10n ''
•
daru
elle-même présente le corps.« dans l'âme ». Mais l'assonance tout.e l le «
verbale - celle-là même qu1 embarrasse tant le traducteur - trah1t l'inc
une affinité profonde entre Repriisentanz et représentation. Aussi mett
bien nulle économique ne peut effacer cette constitution de l'affect ce q
d'être charge de la représentation(la dissociation de l'affect est Q
encore un aspect de cette relation intentionnelle, qui peut être Cc
•
indéfiniment distendue, mais jamais annulée; c'est pourquoi l'affect nuqt
se cherche un autre support représentatif pour forcer l'accès de la •
1 par 1
•
consctence. • •
mats
Freud a si peu réduit l'interprétation du sens à l'économique de •
force
la force que son essai sur l'Inconscient ne s'achève pas sans un . ou, f
mouvement circulaire significatif qui nous ramène au point de départ, ,,'• et dt
c'est-à-dire au déchiffrage de l'inconscient dans ses u rejetons ». le li(
Ce retour au point de départ mérite qu'on s'y arrête pour la struc- l'affe
tur~ de ~'~rgume.ntation ~ c'est la topique, qui a. séparé les systèmes •'
1.
choie
etc es~ 1economtque qut a achevé cette separation dans une théorie •
1 que
des lors propres à chaque système (relations intra-systémiques) · analy
ma~s c'est l'éco~onùque qui exige que l'on en vienne à la considé~ 1
r;:tt•on d~ relataons mt.er-systémiques; c'est pourquoi l'essai sur 1•
!lncons:zent ne se. termme pas p~ ~es ~ particularités du système •
•
1
84.
ss.
mconscrent », mats par la u constderatton des relations entre sys-
82 1
tèmes ». Alors seulement l'inconscient sera véritablement '.
u .reconnu ». Or la ,relati.on entre l~s systèmes ne peut être déchiffrée
83 ••
a~lleurs que dans 1archttecture stgmfiante des rejetons : u Il faut
dire en bref que l'inconscient se continue dans (setzt n·ch in) ce ..
l
vr.
82. L'Inconscient, chap.
A 83. Die Agnos:~immg ~~ Unbewusskn, chap. vu de l'Inconscient. S. E. traduit :
&:~~::~~ o~t:he l[;:::,:,~;:;.s. E. XlV, p. 196; CoU. Pap. Jv, p. 1a7 traduiaait: .;
....~•.~• .,..... ,....... . --------....,.-,..a•r411Mm:lfDI'~
'
•
•
PULSION ET REPRÉSENTATION
1
•
qu'on appelle ses rejetons~· » Freud s'arrêt~ plus particuli~re ...
1•
1•
1.•
•'
••
• 1
•
• f
~
•
l •
J .
''
t (
e•ts'ëSP..Jt..-AJ: wu ...._.....~ --. · ·, · .,...,.. ..·••••an•:~aM·u·•u•ll~i•lll• <Hii} ~ til.li.ltzHii
.•
•
•
•
'
•
j
DEUXIÈME PARTŒ
L'INTERPRÉTATION
DE LA CULTURE
.1
1
1
•
' •
:1
1!
1;
•
1
1
1
l
1
1
.1
•j
1
1
•
r
t•
1
•'
;
1
i
•
1 \
•
•
•
•
1
••
1,
.
\•
1
épist
L:
- des
le di
la cu
'•
•• rapp
et ne
form
•
• t10n.
AnaJ.
grant
•
rat1o1
le pr
L ';
t
•
dans
•
I.
1•
•
cat101
.reves
l
•
3 fois I:
1
• lytiqt
•
i• tout .
•
; mats
•
1
' Le cl
1
ce se1
••
1 par lt
• droit ;
foncti
en ps
dé•
teri
tt tue
rêve c
tible •
•
t
:
1
•
'
•'•
•• 1
'
~
157
r
f
1
r
•
'
• 1
ANALY"fiQUE
da~ lc:s Écrits de. Métapsychologie, cette exégèse de la culture ' cone•
génerahse le prcmter exemple du rêve; il faudrait dire plutôt distÎI
~u'clle gé~éralise le couple form~ ~ar le rêve et la névrose, tel que 1 de la
•
llntroductzon à la Psychanalyse 1a mstallé de façon magistrale à la ete nt•
tête de toutes les applications de la psychanalyse. Or, ce que le 1
fait j
r,êve propos: à la psychanalyse appliquée, c'est cette structure que .
• psycl
1
1bz~erprétatwn des Rêves a défendue jusqu'à l'intransigeance sous 1
du m
•
le tttre de cr Remplissement de vœu J) (Wunsclzerfüllung). C'est nous
pour rendr.e compte ?e ce remplissement et de sa triple régression afin ci
bien
que ,la tOJ,>Ique, on sen souvient, a été élaborée depuis l'époque
de 1Esqutsse. La psychanalyse offre ainsi, à l'interprétation de la partie
culture, un sous-modèle : celui du " remplissement de vœu ». que la
158
. - ........... _..w.l:a.ou~·~M.:..ï,tEl
·---·---
. ....... -- ~
·· ~
. 1 L'INTBRPRtrATION DE LA CULTURE
1
fait paraître la seconde topique sous le titre de l'épistémologie •
1
psychanalytique, que l'on peut considérer, sinon comme achevée,
1 du moins comme suffisamment motivée par la première topique;
nous avons préféré la coupler avec l'interprétation de la culture,
a~n de souligner, d'une part que l'interprétation de la culture est
bten plus qu'un sous-produit de la psychanalyse, puisqu'elle a
partie liée avec la conception de la seconde topique, d'autre part •
~
que la seconde topique est autre chose qu'un remaniement de la .
159 •
l
1
,
•
• ··--
.. . ... -. .
1•
.••
•
•
ANALYTIQUE
.
-' ..
. ·- - -------
••
CHAPITRE PREMIElt
•
L'ANALOGIE DU ~VE
•
J
1
• l
. •'
1
I. LE PRIVILÈGE DU Rftw
1
.
•
Le privilège du rêve dans la série des analogues culturels n'est
pas fortuit. Il y a entre le style de l'interprétation et sa première
illustration un rapport de convenance qu'il importe de rappeler
avant de s'étonner du caractère paradigmatique de l'interprétation
..
••
'
\
1
des rêves. Ce qui fait du rêve un modèle peut être résumé dans les
'• .' 1
formules suivantes :
r. Le rêve a un sens : il y a des « pensées » du rêve et ces pensées •
l
ne diffèrent pas fondamentalement de celles de la veille. Tout ce 1
qui met le rêve dans le même courant que le reste de la vie psychi-
que le rend apte à la transposition dans des analogues culturels.
2 . Le rêve est l'accomplissement déguisé d'un désir refoulé;
cette seconde thèse oriente vers un type précis d'interprétation,
l'herméneutique du décryptage. C'est parce que, dans le rêve, le
désir se cache que l'interprétation doit substituer la lumière du sens
• à la ténèbre du désir. L'interprétation est la réponse de la lucidité •
•
.•
1 .•
•
• à la ruse. Nous sommes ici à la source de toute théorie de l'inter-
' prétation, conçue comme réduction d'illusion. 1•
1
3· Le déguisement est l'effet d'un travail, le « travail du rêve », •
1
•
dont les mécanismes sont beaucoup plus complexes que ne le
suggéreraient une généralisation de l'exégèse scripturaire, ou même
' un approfondissement de la « généalogie de la morale » selon
~ietzsche; déplacement, condensation, figuration sensible, élabora-
•
1 tionsecondaire, ces procédés bien précis ouvrent la voie à des analogies
structurales jamais entrevues. Si en effet J'interprétation du rêve
peut servir de paradigme à toute interprétation, c'est parce que le
rêve est lui-même le paradigme de toutes les ruses du désir. !
4· Le désir représenté par le rêve est nécessairement infantile.
161
•
•
•
ANALYTIQUE
..
• ...... ,' .
: . \ \ '
.. .'t.·.\. .' (.
··.l
•
L'ANALOGIE DU dYE
sait à la pensée éveillée 1• Ce sera donc une des tâches de la théorie
de la culture d'extraire du travail de rêve un ensemble de struc-
tures, rapportée3 à la fonction générale de << tromper la censure »;
c'est ce rapport de la structure à la fonction qui peut être retrouvé
par le mot d'esprit, les contes, les légendes et les mythes, et en
quelque sorte formalisé par delà le rêve proprement dit. Mais
il faut alors étendre la notion de régression au-delà de la représen-
tation élémentaire qu'en donnait encore l'Interprétation des Rêves,·
la régression topique vers la perception ne paraît pas caractéristique
du fantastique dans son ensemble; à cet égard l'interprétation de la
culture sera de bout en bout une lutte avec le thème de la « scène
•
primitive >>que Freud tentera toujours de tirer du côté du souvenir
réel, même après qu'il aura renoncé à sa première expression dans .,
la prétendue scène de séduction de l'enfant par l'adulte. Il paraît ·i1
peu probable qu'on puisse édifier une théorie topique-économique
des phénomènes de culture sur le modèle du processus primaire
et de u l'investissement hallucinatoire des systèmes perceptifs ».
• 4· C'est la même difficulté, dans des termes différents, que
•
• suscite le thème de l'infantilisme du rêve. L'aspect chronologique •
de la régression passe ici au premier plan. Comment introduire des •
J
.
•
(
'
.' .. ,. '
~
'
. '
. '
.... .
• • l'o. \ ~ t
-.....-.-.... _..
ANALYTIQUE
les idoles qui encombrent nos faux cultes. De l'idole comme rêve i cons
! éveillé de l'humanité, tel pourrait être le sous-titre de l'herméneu- que
1
tique de la culture. '
1
!
sédUt.
U~e première confrontation, qui ne met pas encore en jeu de ' et dt
• mantere apparente les redoutables difficultés attachées à la notion
1 s'att<
•
du , surmoi, attestera ce style original de la u psychanalyse appli- 1 gratu
9uee »: l'œuv~e d'art sera la première figure du nocturne de plein ~ à la
JOUr, le p~emter analogue de l'onirique; elle nous mettra en outre place
sur le traJet du subl_ime et de l'illusion que les chapitres suivants la fo
nous feront parcourU'. 11 • subst
•l retou.
•
'
et Je
1 suspc.
.
l
Ce
1 systén
•
1
•
C'est
renfor
3·. L'luterpritation des /Uves, G. W. u/m p. 613 · S E v 6 8 f: • •
• L'tnterp é•nt' d a 1 . ' , . . ' p . o ., tr. r., p . JJO.
r ... ton es rçves est a vote royale pour conna•tr l'' · d 1 '• des œ1
vie psychique. 1 • c mconactent e a • peutiq
'
. pas de
'
.
1
• •
" . ~
. s .. . .. '
• f .. • •
j
\
~·' · ~~ ·· ·· ·· ~ ·
. '
_'W ;){ j
..
. .·•. ,... ,. .
·-·..-.--.
L'ANALOGIE DU RivE
•
1
1
j
pas tout de suite, en raison même du caractère fragmentaire que
nous allons non seulement avouer, mais revendiquer, pour la
r'.
1
1
défense des exercices d'esthétique psychanalytique; mais, si l'on
considère que la sympathie de Freud pour les arts n'a d'égale 1
1
que sa sévérité pour l'illusion religieuse et que d'autre part la 1
1 séduction esthétique ne satisfait pas pleinement l'idéal de véracité 1
.•
1 •
•
! s'attendre à découvrir, sous les analyses en apparence les plus
gratuites, de grandes tensions qui ne seront tirées au clair que tout •
1
t à la fin, quand la séduction esthétique aura elle-même trouvé sa
place entre l'Amour, la Mort et la Nécessité. L'art est pour Freud
!
.
1
J
l
la forme non-obsessionnelle, non-névrotique de la satisfaction i•
1
l
substituée : le charme de la création esthétique ne procède pas du •
1
~
t
suspens, à l'arrière des « petits écrits de Psychanalyse appliquée ».
! Ce qu'il faut d'abord bien entendre, c'est le caractère à la fois •
1 systématique et fragmentaire des essais esthétiques de Freud. •••
1•
!
C'est précisément le point de vue systématique qui impose et •
renforce le caractère fragmentaire. En effet, l'explication analytique •
'
'
• '
1
•
'
ANALYTIQUE •'
'
•
ses inte rétations dans le champ de la relat~on due~le entre méde-
•
ra1s
cin et p~icnt; à cet égard, les documents btogra.plu.ques. auxquels n'a
l'interprétation peut recourir ne sont pas pl~s stgn!fic~ttfs que ~es • .
•
mèr
renseignements des tiers lors d'une cure. L'u~terpretatt~n psyc a- 1
• en 1
nalytique de l'art ~t fragmentaire parce quelle est s1mplement ' .
1
mor
dot<
analogique. · ·1 •
C'est bien ainsi que Freud lui-même a conç'! ses essat~; 1 s tmg
ressemblent à quelque reconstitution archéologtque, esqU1ssa~t pass
,
le monument entier à la manière d'u~ con~ex~e probable ~ parttr '
pres
d'un détail architectural. En retour, c est 1umté systémattque du reno
•
1'
point de vue qui fait tenir ensemble ces fragments, .en attendant en c
i•
l'interprétation globale de l'œuvre de ~uln;re qu'on dtra plus, tard. l
se Ii"
Ainsi s'explique le caractère très part1cuher de ces es.sats, 1éton- oJ
' du j
nante minutie du détail et la rigueur, et même la ratdeur, de la 1 seuil
théorie qui coordonne ces études fragmentaires à la grande fresque c'est
1
du rêve et de la névrose. Considérées comme des pièces isolées, darts
chacune de ces études est bien circonscrite; le Mot d'Esprit est les a
une brillante mais prudente généralisation au comique et à l'humour par 1
des lois du travail de rêve et de la satisfaction fictive; l'interpréta- Ai:
tion de la Gradiva de Jensen ne prétend pas donner une théorie l'onit
générale du roman, mais recouper la théorie du rêve et de la névrose les d
par les rêves fictifs qu'un romancier ignorant de la psychanalyse l'un
prête à son héros et par la guérison quasi analytique vers laquelle l'hon
il conduit celui-ci; le Moïse de Michel-Ange est traité comme une les re
œuvre singulière, sans que soit proposée aucune théorie d'ensemble est 1':
du génie ou de la création. Quant au Léonard de Vi11ci, il n'outre- i dissat
passe pas, en dépit des apparences, le titre modeste : Un Souvetzir Est
d' Ettjarzce de Léonard de Vinci; seules sont éclairées quelques singu- 1 Rêves
larités de la destinée artistique de Léonard, comme des traits de •
Il n'e:
lumière dans un tableau d'ensemble qui reste dans l'ombre; traits ' le jeu
de lumière, .trous de luf!1ière, qui ne sont peut-être, comme on 1 plus t
t
verra plus lom, que des tenèbres parlantes. l'abse1
Jam~is n'est tra~sgressée la simple analogie structurale de travail accom
•
à tr~vatl, de .travatl de rêv~ à travail d'art, - et, si j'ose dire, de n'est 1
dest!n à destu~, -.de destm de pulsion à destinée d'artiste. une u ,
. C est cett~ mtelh~ence oblique que nous allons essayer d'expli- hure r
Citer, e? sut~ant dun peu près quelques analyses freudiennes. ors 1<
s~ m ~tremdre à un ordre historique rigoureux, je P.artirai du •
166
.. t ·· ~ <o' '!' .
f •• •
' \ •• l
•
1
1'
1'
L'ANALOGIE DU RaVE '
•1
1
les autres formes de la création littéraire sont supposées reliées,
par une série de transitions continues, à ce prototype. 1
Ainsi se dessinent les contours de ce qu'on pourrait appeler
l'onirique en général. Dans un raccourci saisissant, Freud rapproche
les deux extrémités de la chaîne du fantastique : rêve et poésie;
l'un et l'autre sont les témoins d'un même destin : le destin de
l'homme mécontent, insatisfait : « Les désirs non satisfaits sont
les ressorts pulsionnels des fantasmes ( Plzantasien) ,· tout fantasme '
est l'accomP.lissement d'un désir, la rectification de la réalité qui 1
dissatisfait Ll'homme] 7 • »
Est-ce à dire qu'il reste seulement à répéter l'Interprétation des
•
1
Rêves? Deux touches légères nous avertissent qu'il n'en est rien. 1
1
'
Il n'est pas indifférent d'abord que la chaîne des analogies passe par 1
••
le jeu; l'essai Au-delà du Prir~cipe de Plaisir nous apprendra 1
, plus tard qu'on peut déjà discerner dans le jeu une maîtrise de
1
1
' l'absence; or cette maîtrise est d'une autre nature que le simple 1
••'
•
accomplissement hallucinatoire du désir. L'étape du rêve ét:ei/11 •
; n'est pas non plus sans signification; le fantasme s'y présente avec 1
une « estampille temporelle » ( Zeitmarke), que ne comporte pas la
pure représentation inconsciente que nous avions dite au contraire .
hors le temps; la fantaisie, à la différence du pur fantasme incons- '•
•
••
t
s.
G. W. vu, p. a14i S.E. IX, p. l#i tr. fr., p. 70. 1 '
'· 1
. 6: G. W. vu, p. uo; S. E. IX, p. aso; tr. fr., p. 77. cf. Pour lntroduir•l- Nar-
cusume, G. W. x, p. 157; S.E. XIV, p. 91 i tr. fr., p. ~u.
1· G. W. vu, p. at6i S.E. IX, p. 146; tr. Cr., p. 73.
.•
••
•
....•. ..
.
. ..., .
. '.
ANALYTIQUE
168 \'
'
1
..
L'ANALOGIE DU RtvE
1
décomposition qui isole la mousse de plaisir dégagée par la pure
1 technique du mot, du plaisir profond que le précédent déclenche,
et que les jeux de mots obscènes, agressifs ou cyniques portent
1 au premier plan. C'est bien cette articulation du plaisir technique
1
! sur le plaisir instinctuel qui constitue le cœur de l'esthétique
freudienne et la relie à l'économique de la pulsion et du plaisir.
1
1
1
1
1
1
Si nous admettons que le plaisir est lié à une réduction de tension, 1
1 •
''
lié à l'épargne de travail psychique que réalisent la condensation, •
1'
1
1 de toutes les disciplines inteJlectuelles. Mais, si ce plaisir est
.' minime, comme sont minimes les épargnes qu'il exprime, il a Je
•
; pouvoir remarquable de s'ajouter en appoint, ou mieux en prime,
••
1 aux tendances érotiques, agressives, sceptiques. Freud utilise ici
''
•'
une théorie de Fechner~sur le u·~ concours ·» ou l'accumulation de
plaisir et l'intègre à un schéma plus jacksonien que fechnerien de
J
la libération fonctionnelle 9 •
Cette liaison entre la technique de l'œuvre d'art et la production '
~• d'un effet de plaisir constitue le fil conducteur et, si l'on peut dire,
•
le fil de rigueur de,.l'esthétique analytique. On pourrait même 1
1
1 départager les essais esthétiques, selon qu'ils sont plus ou moins
l
1 fidèles au modèle de l'interprétation du Mot d'Esprit. Le Jllloïse
1
.' de Michel-Ange serait l'exemple de tête du premier groupe, Un 1
1
•• Souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, celui du second groupe.
1 (Nous verrons que ce qui nous égare d'abord dans le Léonard... ,
c'est peut-être aussi ce qui donne ensuite le plus à penser concer- 1 1
1
l
9. Der Wita und sûne Be:ziehung :zum UnbetuuSitm (1905), G. W. VJ, p. 53-4;
Jokes and their R elation to the Unconscious, S. E. vm, p . 136-8; tr. fr. Le Mot
d'&prit et us Rapports avec l'lnconscimt, Gallimard, Coll. • Lea Essais •. p . 157·8. 1
1
• 1
'
1
•
•
1
!
.
•
•
'
···- -= .........
•
'
ANALYTIQUE
1
.. .
1 •
1
1
l
L'ANALOGIE DU R~VE
ANALYTIQUE
de
par les personnelles impr~io~ de la vi~ de Léonard
14
» « La
• de
figure maternelle la plus elmgnée de 1enfant, la grand-mère, en
correspond, par son appa!ence et s~ situ~tion dans .le table~u par cl~
rapport à l'enfant, à la vraie ~t premiere mer~: Caterma ..Et 1 artiste no
recouvrit et voila, avec le bienheureux sounre de la samte Anne, l'a
la douleur et l'envie que ressentit la malheureuse, quand elle dut tn
céder à sa noble rivale, après le père, l'enfant ~ »••
1
ce
Ce qui rend suspecte cette analyse- selon les.critères que nous inJ
avons dégagés du Mot d'Esprit - c'est que Freud semble aller àl
bien au-delà des analogies structurales que seule une analyse de la un
technique de composition autoriserait et qu'il s'avan~e jusqu'à la no
thématique pulsionnelle que l'œuvre recouvre et votle. N'est-ce a]
pas cette prétention même qui nourrit la mauvaise psychanalyse, à1
celle des morts, celle des écrivains et des artistes ? art
Regardons d'un peu plus près les choses : il est d'abord remar- Et
quable que Freud ne parle pas véritablement de la créativité de qu
Léonard, mais de son inhibition par l'esprit d'investigation : << Le les
but que notre travail se proposait, était d'expliquer les inhibitions
de Léonard dans sa vie sexuelle et dans son activité artistique 16 »; tai
ce sont ces déficits en créativité qui constituent le véritable objet ,
• en:
du premier chapitre du Léonard et qui donnent lieu aux plus là
remarquables observations de Freud sur les rapports entre la ffi(
connaissance et le désir. Bien plus, à l'intérieur même de ce cadre •
tlo
restreint, la transposition de l'instinct en curiosité apparaît comme tat
un destin de refoulement irréductible à tout autre; le refoulement, à (
dit Freud, peut conduire, soit à l'inhibition de la curiosité elle-
ho:
~êm.e,. qui p~rtag~ ainsi 1~ sort de la se~ualité, - c'est le type de érc
1 mhibttton nevrottque; so1t à des obsessions à coloration sexuelle,
na1
où ~a pensée ~l!e-même est sexual.isée, .: - c'est le type o~sessionnel;
Obj
m~s a le trotst~me o/Pe, le pl!ls ·~are· et le plus parfait, échappe,
de~
grace à des dtspostttons parttcuhères, aussi bien à l'inhibition
qu'à l'obsession intellectuelle... La libido se soustrait au refoule- my
~cnt, elle se sub.lim~ dès l'origine en curiosité intellectuelle et
log
u I
vtent renforcer l'mstmct d'investigation déjà lui-même puissant
d'o
... Les caractè~es. ?e la név~?se ~anquent, l'assujettissement aux
complexes ,pnr~unfs de ~ mvesttgation sexuelle infantile fait teil
défaut, et 1 msttnct peut hbrement se consacrer au service actif d'e
l'
I:
14- G. W. vm, p . 184; S.E. XI, p. uz; tr. fr., p . 151 •
d " 15· G. wd. vm, p. J8S (verleugnet und üherdeckt); s. E. Xl, p. 113-14 (to 1
uavow an to c/oak the envy... ) ; tT. fr., p. 153• 4 .
J6. G. W. vm. p. ao3-4; S. E. Xl, p. 131; tr. fr.• p. 199-aoo. 1
l
/
•
t
1
1 L'ANALOGIE DU RftVE
1
•
1
des intérêts intellectuels. Mais~le refoulement sexuel qui, par l'apport
de libido sublimée, les avait fait si forts, les marque encore de son
empreinte en leur faisant éviter les sujets sexuels 17• » Il est bien
clair que nous ne faisons par là que décrire et classer et que
nous renforçons plutôt l'énigme en l'appelant sublimation. Freud
l'accorde volontiers dans sa conclusion. Nous disons bien que le
travail créateur est une dérivation des désirs sexuels et que c'est
ce fond pulsionnel qui a été libéré par la régression au souvenir
infantile, favorisée par la rencontre de la dame florentine : « Grâce
à ses plus anciennes impulsions érotiques il peut célébrer encore
une fois le triomphe sur l'inhibition qui entravait son art lB ». Mais
nous ne faisons par là que discerner les contours d'un problème :
u Le don artistique et la capacité de travail étant intimement liés
à la sublimation, nous devons avouer que l'essence de la fonction
artistique nous reste aussi, psychanalytiquement, inaccessible 19 ».
Et un peu plus loin: «Si la psychanalyse ne nous explique pas pour-
quoi Léonard fut un artiste, elle nous fait du moins comprendre
les manifestations et les limitations de son art 20• »
C'est dans ce cadre limité que Freud procède, non à un inven-
taire exhaustif, mais à un forage limité, sous quatre ou cinq traits
énigmatiques, traités comme des débris archéologiques. C'est
là que l'interprétation du fantasme du vautour - traité précisé-
ment comme débris - joue le rôle de pivot. Or cette interpréta-
tion est purement analogique, faute d'une psychanalyse véri-
table; elle est obtenue par une convergence d'indices empruntés
à des sources disparates : il y a d'une part la psychanalyse des
homosexuels et son enchaînement propre de motifs (relation
érotique à la mère, refoulement, identification à la mère, choix
narcissique de l'objet, projection de l'objet narcissique dans un
objet de même sexe, etc.); il y a d'autre part la théorie sexuelle
des enfants concernant le pénis de la mère; il y a enfin les parallèles
mythologiques (le phallus de la déesse Vautour attesté par l'archéo-
logie); c'est dans un style purement analogique que Freud écrit :
« L'hypothèse infantile du pénis maternel est la source commune
d'où découlent et la structure androgyne des divinités maternelles
telle Mout l'égyptienne et la « coda» du vautour dans le fantasme
d'enfance de Léonard 2 1• »
17. G. W. VIII, p. 148; S. E. XI, p. So; tr. fr., p. 6r.
18. G. W. VIII, p. 207 ; S. E. xr, p. 134; tr. fr., p. 207.
19. G. W. VIII, p . 209; S. E. Xl, p. 136; tr. fr., p. a 12.
20. Ibid,
11 :u. G. W. vm, p. 167; S.E. XI, p. 97; tr. fr., p. 1o6.
:
•
, 173
.
1•
•
ANALYTIQUE 1
174 .
•
•
•
1
1'
L'ANALOGIE DU Rftvl!
1
1 une absence visée qui, loin de dissiper, redouble l'énigme initiale.
'
C'est bien ici que la doctrine- je veux dire la« Métapsychologie,
_ nous protège contre les outrances de ses propres << applications ». •
Nous n'avons jamais accès, on s'en souvient, aux pulsions comme
telles, mais à leurs expressions psychiques, à leurs présentations
dans des représentations et des affects; dès lors l'économique est
tributaire du déchiffrage du texte; le bilan des investissements
1
• pulsionnels ne se lit que dans la grille d'une exégèse portant
1
1 sur le jeu des signifiants et des signifiés. L'œuvre d'art est une
forme remarquable de ce que Freud lui-même appelait les « reje-
1
•
tons psychiques ,, des présentations pulsionnelles; ce sont, à pro-
prement parler, des rejetons créés,· nous voulons dire par là que le
fantasme, qui n'était qu'un signifié donné comme perdu (l'analyse
du souvenir d'enfance pointe précisément vers cette absence),
est annoncé comme œuvre existante dans le trésor de la culture;
la mère et ses baisers existent pour la première fois parmi les œuvres
offertes à la contemplation des hommes; le pinceau de Léonard
ne recrée pas le souvenir de la mère, ille crée comme œuvre d'art.
1
• C'est en ce sens que Freud a pu dire que « Léonard a désavoué
et surmonté, par la force de l'art, le malheur de sa vie d'amour
en ces figures qu'il créa .•• ». L'œuvre d'art est ainsi à la fois le •
1
1 symptôme et la cure. .i'
1 ••
Ces dernières notations nous permettent d'anticiper quelques- ·~
'
uns des problèmes qui nous occuperont dans notre examen dialec-
•
t1que. j
x. Jusqu'à quel point la psychanalyse est-elle justifiée de sou- 1
1
au sens fort du mot, mémorable - de nos jours, et le rêve qui est, .'.
••.•'
175 •
•
•
, -...-·c-zu.;
.
••a ;~·- ~~
ANALYTIQUS
en arrière, vers l'enfance, vers le passé; l'œuvre d'art est en avance PUI
A
me
sur l'artiste lui-même : c'est un symbole prospectif de la synthèse
personnelle et de l'avenir de l'homme, plutôt qu'un symptôme Lér.
régressif de ses conflits non résolus. Mais peut-être cette oppo- ver
•
mu
sition entre régression et progression n'est-elle vraie qu'en pre-
mière approximation; peut-être faudra-t-il la dépasser, en dépit chi·
de sa force apparente; l'œuvre d'art nous met précisément sur la est
voie de découvertes nouvelles concernant la fonction symbolique lisa
•' pre
A
L•ANALOGIE DU R!VE
•
•' prête à une investigation par d'autres méthodes : phénoménolo- ' ;'
~
la réalité qui leur est ainsi conférée est celle même de l'œuvre d'art '..
•
1
'
1
rn•
1
•
•
pa
•
1
• ve
CHAPITRE II 1 po
po
• IDI
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME à
ét~
qu
pa
Le sublime désigne moins un problème qu'un nœud de d~ffi~ pr1
1 ca1
cuités extrêmement ramifiées; Freud ne parle pas du subhme 1
I78 •
.'•
h
~! ..;1••" ..t:~ai.M..:rw••"s C4ae.·.w.,u •. >1>\.lsn..... • ~ Z~fN ww q.a• '?Uli,·mss.~., ~izti~..-:-..;!i;~~:i
:
' :
DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME
1
1
ments profonds imposés à l'interprétation. La seconde topique, :
1
pourrait-on dire, exprime le choc en retour de la thématique nou-
1
:
ce qui importe, en effet, dans cette histoire, c'est la manière dont 'i ;
elle affecte le désir; Totem et Tabou n'est pas un livre d'ethno-
! logie; l'Analyse du Moi et la Psychologie Collective n'est pas non .1
plus un livre de psychologie sociale; l'histoire du complexe d'Œdipe 1'
:
'
:
t
1
n'est même pas un chapitre de la psychologie de l'enfant. Tous ces : 1
: 179
'
l'
•
•
br
1
1
1
•
ANALYTIQUE
•
a.
1. Lettre n° 72 du '-7 octobre 1 8 97, tn
· LU
r - a.r • text<
p. 200• Hamame tk la psychanalyse, tr. fr., 1
•
rJSe
'
1
Jettr.
180 1
. ·- --- ••_ .... , ..,.,. rl'" U.- " f t 'M'±' *' M WYMM~•.:.,
.
1
'
•
1
1
.
1 DE I}ONIRIQUE AU SUBLIME
ment dans l'alternative : dominer, être dominé, être maître ou ~1• '
•
être esclave. Or, cette question n'est pas la question de la conscience. •
• '.
'• est le siège de toutes les relations avec l'extériorité; Freud dira ••
.
• qu'elle est un phénomène de u surface» . La conscience, c'est l'être i
.••
pour le dehors; on l'avait aperçu déjà dans l'Esquisse : c'est dans ~•
l'épreuve des indices de réalité que la conscience s'exerce. Certes, •
~
1•
devenir conscience est bien autre chose; mais précisément Freud :,
s'est toujours efforcé de comprendre le devenir-conscient comme '•••• ••
une variété de perception, par conséquent sur le modèle d'un •
•,.••
1 phénomène de surface; pour lui, la perception interne est l'analogue ~l
de la perception externe; c'est pourquoi il parle, en généralisant, •
1
de la conscience-perception (Cs-Pcpt). C'est à cette fonction de
•
~ .
1 ..:·
1
1 ..
·,
ANALYTIQUE
18a
l.
'1 .
/
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME
pas maître che~ lu!, c'est,. d'abord, l'hom!De de. la z:norale, l'homme
éthique. Ce qUI fait le prtx de toutes les mvestigatiOns psychanaly- 0
•
0
l
économiques considérés dans la première partie; c'est pourquoi 0
que l'idéal du moi et le surmoi ne sont pas seulement des concepts '
0
•
:
dénivelés au point de vue épistémologique, ils n'ont même pas :•
une extension identique à leur plan respectif. Dans les Nouvelles 1'
••
0
1
0
1
(Gewissen) 6 • Ce flottement dans la terminologie n'est pas étonnant: • 0
•
•
•
• 0
outre que ces concepts ont tous un caractère exploratoire, le genre
propre de la psychanalyse implique que ces concepts restent 0
1
Nouvelles coriflren&41, G. W. xv, p. 73; S. E. XXII, p. 66; tr. fr., p. 9+
ANALYTIQUB
r
••
hénomènes qui tombent sous la descr!ption doivent se .prése~ter
1
pou:
p d d' é· ce qui peut les umfier - le surm01 - n est ress•
en or re aspers , · · . ' t •
exrg
as une réalité qui tombe so':ls la desc~tptron, c es un . concept
~éori ue. Aussi rassemble-t-d des phcnomènes très dtspa~at<;s
•
gtqu
qd · ta'on distingue ou même oppose et que la theone pas
que 1a escrap . ·
réunit ou même identifie. Enfin, d~rmère ratson~ p us~eurs,
1 · d
f à... ,
qu't
phénomènes que nous allons parcou~IC sont ef.'-me_.mcs cs hC;SU -
tats interprétés : ainsi la rés~stance n e~t !?as e ~-~erne un p ,.ena- tout
mène simple ; elle se marufeste auss1 bten par 1 absence d tdée, spor
par l'amnésie, ou par la fuite vers un ~utre thème ou par la produc- m01,•
tion de sentiments pénibles; la réststance est don~ con~lue au des
même titre que le refoulé. Il en est de même du « s~~ttment mcons- colo
cient de culpabilité», qui n'est~~ du ~o':lt. u~e réahte phénomén.ale, et at
mais inférée (je ne discute pas ICI .la legat1m1té de cette exp~cs~r?n, Fret
que Freud lui-même met en question 6). Or, Freud place à 1on~I?e l'ob!
de la théorie du surmoi les deux grandes découvertes de la rcsrs- R·
tance à la prise de conscience et du sentiment de culpabilité, ren- à la
contrés en analyse comme des obstacles à la guérison. grillt
Ces réserves faites, considérons les trois fonctions du surmoi aeco
énumérées par les Nouvelles Conférences : observation, conscience a pc
morale, idéal. s'att
•
Par observation, Freud désigne le dédoublement lui-même, mqu
éprouvé comme sentiment d'être observé, surveillé, critiqué, then
condamné: le surmoi s'annonce comme œil et regard. logie
La conscience morale, à son tour, désigne la rigueur et la cruauté une
de cette instance; elle est ce qui s'oppose dans l'action, comme le du è
démon de Socrate qui dit« non)), et ce qui réprouve après l'action; • seco1
1 •
ainsi le moi n'est pas seulement regardé, mais maltraité, par son 1 sttua
autre intérieur et supérieur; ces deux traits de l'observation et de la
condamnation sont empruntés, est-il besoin de le souligner, non
l
.•
ffiOl
d'ah
•
•
~ .
j :
l 1
-'
•
(
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME }:
i
• pour le moi un idéal; le moi tente de se conformer à cet idéal, de lui
!·
~
j!
ressembler... ; en cherchant à se perfectionner sans cesse, c'est aux .1
exigences du surmoi que le moi obéit 7• » Aucun modèle patholo-
gique ne semble, à première vue, présider à cette analyse; ne s'agit-il !
pas ici de l'aspiration morale, comme désir de se rendre conforme l
j 185
1 •
1 • •
••
ANALYTIQUE
186
'
-- - -···- - - - • •1.6#.._., _,2-AJ... UW'' ··d~tii.'JW;~f._. I"..f. ,..
. ..,_
. 1 •
1:
lf 1i
•
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME j1
} 1
1•
lus haut continue ainsi : « Le surmoi de l'enfant ne se forme 1!
r. ..] pas à l'image des parents, mais bien à l'image du surmoi de
ceux-ci; il s'emplit du même contenu, devient le représentant de la
J1
!
tradition, de tous les jugements de valeur qui subsistent ainsi à 1!
1•
travers les générations 11 • » Il serait donc vain de chercher dans ii
l'explication génétique une justification de l'obligatoire comme tel,
du valable comme tel : celui-ci est en quelque sorte donné dans le r
monde de la culture. L'explication circonscrit seulement le phéno- '. '.
1 '
• 1
•• •
mène premier de l'autorité, sans vraiment l'épuiser. En ce sens,
la genèse de la moralité selon la psychanalyse freudienne n'est ·;1!
qu'une paragenèse. C'est bien pourquoi elle renvoie à son tour, 1!
par son caractère infini, à une explication économique du surmoi, i
en tant qu'institution appartenant au même système que le ça;
.••
., .
la question sera de savoir si l'explication économique épuisera le 1•
•• •
problème légué par l'histoire individuelle et collective du surmoi. .•
l
Pour une seconde raison, il ne faut pas tout attendre de l'expli-
cation génétique. Même réduite à un rôle d'intermédiaire entre la l •.
•• 1
description clinique et l'explication économique, la genèse s'avère .
! 1
1
d'une complexité surprenante et finalement décevante. S'agit-il ' '
••
d'une explication psychologique? Oui, si l'on considère que le
complexe d'Œdipe est la crise décisive d'où sort, en vertu du fameux
, 1
1
c
mécanisme de l'identification, la structure personnelle du moi en .' ••'
• ~
11
chacun. Mais cette ontogenèse du surmoi - outre qu'elle laisse
intacte, comme on vient de le dire, le problème de l'obligatoire (
•
comme tel - fait appel, au plan historique qui est le sien, à une
explication sociologique : le complexe d'Œdipe met en jeu l'insti- f
tution familiale et en général le phénomène social de l'autorité; \
1
•
188
•
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME
.,' .;
'•
''
1
verselle. 1' .
'
• i
~••
L'ampleur de ce drame universel est, dès le début, aperçue; 1 1
••
elle est attestée par l'extension au personnage d'Hamlet de l'inter- ''
•
••
son père le même forfait 16 ». Rapprochement fulgurant et décisif : ..
'
•
:
~
IJ. Lett.re 64 du 31 mai 1897, in La Naissa11ce•.• p. tSa. 1.
14. • Il ne m'est venu à l'esprit qu'une seule idée ayant une valeur générale. .
• •
•
J'ai trouvé en moi comme partout ailleurs des sentiments d'amour envers ma • •
• ••
.! '
mère, de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à
toua les jeunes enfants, même quand leur apparition n'est pas aussi précoce que
c?ez.les enfants rendus hystériques (d'une façon analogue à celle de la • ~o.man J ••
tas.atlon • de l'origine chez les paranoïaques - héros, fondateurs de rehg10ns).
• •
S'1l en est bien ainsi, on comprend, en dépit de toutes les objections rationnelles .
1
qui s'opposent à l'hypothèse d'une inexorable fatalité, l'effet saisissant d'Œdipe- l l
Roi. On comprend aussi pourquoi tous les drames plus r~cents de la destin~e .
1
1
devaient misérablement échouer. Nos sentiments se révoltent contre tout destin .
individuel arbitraire tel qu'il se trouve exposé dans l'ACc'Uie (titre d' une pièce '• •
de Grillpar:ter], etc. Mais la légende grecque a saisi une compulsion que tous .• '
rec~nnui~scnt parce que tous l'ont ressentie. Chaque auditeur ~ut t;m jour en genne,
en lmugmution, un Œdipe et s'épouvante devant la réahsuuon de son rêv~
transposé dans la réalité il frémit suivant toute la mesure du refoulement qw •
sépare son état infantile 'de son ~tat actuel. • Lettre 71, du 15 octobre 1897, in '•
LaN,OISIQIICt!
. • •• , p. J 98.
i
•
•
1 5· M~me Lettre 71 (ibid.). 1
•
l
••
189
•
_____________ .....____,
.~- . . - ·--
-------- -- -· -
•
l
ANALYTIQUE
•
•
--~'!!.i .t ..
-- ---·----............ .•.,.,---·
, __ -W-- ""'\.. . •
--....-..~---
. ·~ ···-~·
~·~
•
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME
., '1
de la mère, mort du père) et, comme ces rêves sont chez l'adulte •
1
,1
accompagnés de sentiment de répulsion, il faut que la légende
intègre à son contenu 1'épouvante et le châtiment infligé à soi- ,
1•
••
' même 22• » ~
Pourquoi cette apparente réduction de la portée culturelle du
complexe d'Œdipe dans l'Interprétation des Rêves? Outre l'habileté
de Freud qui, dans ce livre, distille la vérité et la cache autant qu'il
la montre, j'invoquerai son souci principal de ne pas s'arrêter aux .•
circonstances culturelles contingentes; ainsi serait-on tenté d'expli-
:
quer certains traits de l'inimitié père-fils comme un résidu de
1
l'antique potestas du pater familias romain dans notre culture l•
1
bourgeoise, comme Freud le suggère en passant 23 ; si l'on ne veut ••
pas se borner à une explication socio-culturelle, à laquelle précisé-
sément sont revenus tant de néo-freudiens, il faut remonter à la .•
constitution archaïque de la sexualité. C'est pourquoi l'aspect
2o. G. W. n/m, p. 269; s.E. 1v, p. 262-3; fr. tr., p. 198 (144~5).
21. G. W. n/m, p. 270; S: E. IV, p. 263-4; tr. fr., p. 199 (145). .
22. G. W. u/m, p. 270; S. E. rv, p. 26_.; tr. fr., p . 199 (146). l
23. • Tous ces rapprochements sautent aux yeux. Mais ils ne nous sont d'aucun
secours dans notre entreprise d'expliquer les r~ves de mort de paren~ chez lea
personnes dont la piété filiale s'est avérée depuis longtemps sans fa11le. Nuus
sommes en outre préparés par Ica discussions antérieures à faire rc:monter les
souhaits de mort contre Ica parents à la toute premiùe enfance. • G. W. tr/111,
p. 263; S. E. rv, p. 257; tr. fr., p. 194 (14a) •
1
•
••
• •
d-'.!,1,1 .: _, _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _. ,. 1=-==--
---· .._ ... . - -- .
'
ANALYTIQUB
certes· mais ce fantasme est universel, parce qu' « il constitue une sont o
1 capabi
matiè;e de rêve archaïque ». C'est pourquoi le complexe portera 1
•
à jamais le nom du mythe, lors même que la psychanalyse paraît stons ,
expliquer le mythe par le fantasme onirique; seul le mythe confère est tOI
d'un seul coup la marque du « typique » au rêve lui-même 25. de la
Les Trois Essais sur la Sexualité constituent un jalon important sexuel:
sur la voie de l'interprétation proprement psychologique du la mer
complexe d'Œdipe : la présupposition de toutes les thèses ulté- Freud
rieures sur le rôle du complexe d'Œdipe dans l'édification du sur- des f01
moi, c'est l'existence d'une sexualité infantile; en ce point réside sociale:
l'importance immense des Trois Essais. Plus précisément, les Trois C'es
Essais ont fourni à l'interprétation du complexe d'Œdipe deux part •acu
pas de
24. G. Y'·
u/m, p. 263-7; S. E. IV, p. 257-61; tr. fr., p. 194-7 (142-4). l'autre,
25. 1 Sa les modernes sont aussi émus par Œdipe-Roi que le furent les Grecs
1
Essais
de ce temps, la raison n'en est point que la tragédie grecque tire son efficacité morphc
du contraste entre ~csti.n et volonté humaine, mais que cette efficacité consiste tile, pr
dans la, .natu~e particulière de .la matière sur laquelle cc contraste s'exerce. Il
faut qu .•1 Y, aat ~n nous une v~ax pr~tc à reconnaître la puissance contnügnante culier c
du desun d Œdape... Son dcstan nous émeut parce qu'il aurait pu être le nôtre Mais
p~r~c qu'avant notre naissance l'oracle a prononcé contre nous cette même malé~ Trois E
d~~tJon. • G. W., n/m, p. 269 i S. E. IV, p. 262; tr. fr., p. 198 ( 14 5). Un peu plus ou des
1 an, à propos d Hf!mlet ct de Macbeth, Freud conclut : 1 De même que tous les
~ymptô.mcs névrotaqucs - et 1~ !l!vc lui-même -sont susceptibles d'être sur- complé:
anterpretés ( ~r Ucbcrdcutung fii!ug) et même exigent de l'être pour être pleine- différen
n;ent d~ompns,. de même aussa toute création poétique authentique procède de •
•
f ~ :;;'m~tlf et de plus d'une sollicitation dans rame du poète et sc prête
P us une mter~rétat10n. •. G. W. n/m, p. 272 ; s. E. JV, p. 2 66; tr. fr., p. 2 o1 26. 1 l
~~4~). Çett~ • sur-anterprétau~n • ne me paraît pas réductible à l'ordinaire 1 sur· diversion
qu ~~rmmauon • l?ar condensation ou déplacement; celle-ci ne conduit semble-t-il,
1
de nouve1
a une scu e mterprétation c JI
nation C' t . • e .e. précas· é ment, qua· exphque
· ' ·
Jo sur-déterrr••· Puissante
· . es unde • suDr-antcrprétataon • véritable que J. e tenterai d'élaborer dana formes. l'
1c c hapatre tV e 1a ial t ·
J'Œd'p d S h cc •que. D e nouveaux nspects du texte de Freud sur •
le dévelo1
1 latence sc
notio~ de: sU:~n:rper;~r~.nt8
encof re. ddécouverts .qui justifient pleinement cette p. 79; s. J
aon '· c · ca- essous, Dza/cctique, Chap. IV.
~. ::
1, ~(--tf~lit~~~h ~ .
._..
' 1
1
'
1
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME ;l
1 i
1 •
0
•
celui de son histoire ou de ses phases. ' \' l.
Plus que telle ou telle thès.e P.articu~ière concernant les u aber- 1
!
rations sexuelles », u la sexualité mfanttle )) ou ''les transformations 1 1
de la puberté » (ce. sont les titres de ces Trois Essais), ce que ce
0
1
1 capable de toutes les « transgressions » et de toutes les u perver-
•
'
sions )); un faisceau lâche de pulsions, parmi lesquelles la cruauté, Î
est toujours prêt à se défaire, constituant la névrose en négatif 01
de la perversion; la civilisation s'édifie aux dépens des pulsions j
l
socialement utiles 26).
C'est tout cet ensemble d'idées qui sert de fond à la psychologie
particulière du complexe d'Œdipe; il faut bien avouer qu'il n'y a 1
pas de discussion du complexe d'Œdipe qui, à un moment ou à
l'autre, ne mette en question l'ensemble des thèmes des Trois
Essais : l'existence de la sexualité infantile, sa structure poly- 0
1
0
!
différenciation des stades n'est pas poussée encore très loin dans le 1
'
•
0
t
26. • Les historiens de la civilisation semblent d'accord pour dire que cette
diversion des forces pulsionnelles sexuelles de leurs buts et leur r~oricntation vers 1
de nouveaux but!t - processus qui m~rite le nom de sublimation- mettent de
puissantes composantes au service du progrès de ln civilisation sous toutes ses
formes. Nous ajouterons volontiers que le ml!me processus joue un rô!e dllllS
le développement de l'individu et que ses origines remontent l la pénode de
• hltcncc sexuelle chez l'enfWlt. • Trois Essa.U sur la Tlllom d4 la Sexumitl. G. W. v,
p. 79; S.E. vu, p. 178; tr. fr., p. 8J.
193 '
.... 11
.. 1
1
•
•
1
ANALYTIQUE
..1
'•
DB L'ONIRIQUE AU SUBLIMB 1
1
•
1•
psychiques survenues au cours de son développement n. , C'est
bien pourquoi la sexualité humaine est le siège d'un débat analogue
à celui que les sophistes ont ouvert à propos du langage, le débat
entre physis et 11()71UJS ,· la sexualité humaine, comme le langage,
est d'institution autant que de nature; le thème de la perversion,
dans lequel on a vu parfois un reste de moralisme bourgeois, est
là pour rappeler que « par nature » la libido tient en réserve toutes ''
, les u infractions » de la moralité ordinaire. L'union génitale est
toujours une victoire sur la dispersion originelle de la libido vers
des zones, des buts, des objets décentrés par rapport à l'axe de la
1
génitalité hétéro-sexuelle. Le pervers et le névropathe sont les
témoins humains de cette errance originelle de la sexualité humaine.
1
Fixation et régression à des stades dépassés sont des possibilités
1 spécifiquement humaines, inscrites dans la structure et l'histoire
'
1 de cette u préhistoire ».
Voilà pourquoi l'institution est nécessairement pénible: l'homme
1
1 ne s'éduque qu'en « renonçant » à un exercice archaïque, en
1
u abandonnant » des objets et des buts dépassés; l'institution est la
! contrepartie de cette structure « perverse polymorphe ». Parce
f,
i'
1
que l'adulte reste la proie de l'enfant qu'il a été, parce qu'il peut l.
l
1
1 s'attarder et régresser, parce qu'il est capable d'archaïsme, le t
conflit n'est pas un accident qu'une meilleure organisation sociale
1
ou une meilleure pédagogie pourrait lui épargner; 1'être humain j
t
•
•
ne peut vivre l'entrée en culture que sur un mode conflictuel. • !
1
1 Il y a une souffrance qui adhère à la tâche de culture comme un
d~ti.n, comme ce destm que la tragédie d'Œdipe illustr~. ~ossi
bihte de l'errance et nécessité de refoulement sont correlatifs 30 ; - 1
'•
••
195
-
- _________
--~--- ---..
.
• •
ANALYTIQUE
Di L'ONIRIQUE AU SUBLIME
•
Dans ce texte, la prohibition de l'inceste apparaît comme un '
acquis de civilisation que chaque individu nouveau doit assimiler 1
s'il n'est pas déjà fixé par hérédité; l'explication de son origine est 1
•
1
donc renvoyée de la psychologie à l'ethnologie.
'l
•
' •
La phylogenèse conduit-elle plus loin que l'ontogenèse?
C'est ce que l'examen de Totem et Tabou nous permettra d'établir.
Nous laisserons de côté, autant qu'il est possible, le problème précis
de l'origine de la croyance religieuse, à savoir la croyance en
/
l'existence des dieux, que Freud dérive, comme on sait, de l'insti-
tution totémique; certes, nous ne pourrons pas séparer longtemps
1. le tabou du totem, puisque la thèse de Freud consiste précisément
• à tirer l'interdiction morale de la prohibition-tabou primitive,
!
1
et à fonder celle-ci sur la descendance totémique, interprétée elle-
même comme complexe d'Œdipe historique et collectif. Néan-
1
•
moins il est légitime 34 de mener aussi loin qu'il est possible l'exa-
1
men de ce livre, sans faire intervenir ce qui y est le plus fragile, à
savoir précisément l'Œdipe historique des sauvages, qui n'est peut-
être qu'un mythe scientifique, substitué au mythe tragique de •
Sophocle, et projeté, à la manière « d'une scène primitive », à
l'arrière de l'auto-analyse de Freud et de la psychanalyse de ses
patients.
Si donc nous nous tenons d'abord en deçà du mythe scienti-
•
fique du totem, c'est-à-dire au niveau des deux premiers chapitres
de Totem et Tabou (cc Prohibition de l'inceste » - << Le tabou et
l'ambivalence des sentiments »), que trouve-t-on dans Totem et
Tabou? Guère plus qu'une cc psychanalyse appliquée »,c'est-à-dire '
1
••
1
transposée du rêve et de la névrose au tabou; ce que Freud propose
dans ces deux chapitres, c'est une interprétation par la psychana- f
•
lyse d'un matériel ethnologique assez limité; il serait vain d'y
1
1 .
entre les Trois Essais et Totem et Tabou. Ln notion de • barrière contre l'inceste • 1
mom.ent nttuché, sans qu'il ait de lien profond avec lui, quand les restrzcuons
matnmoniales s'avérèrent néccasairca •. G. W. a, p. 8-9; S. E. XJU, P· <4i tr. fr.,
p. IJ,
,
1
1
•
1
l
1 97
1
'
1
.C'·:i :..~; - - - - -
--- - - --·--··· ·zJJa:. ,~•·A.V.fl!f!"j.l".:-..2~ilW$~ .• ~..~ ·
~··
••
'•
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIMB
1
qui porte tout l'é~ifice. On peut toutefois, à ce niveau de l'analyse,
considérer que r·.mportant n'est pas la croyance dans le totem, ni
même la croyance dans la nature mystique du lien de descendance
ou d'appartenance, mais le fait social lui-même de la substitution
du« mariage de groupe >> à la promiscuité sexuelle. L'exogamie est
le moyen par lequel cette substitution est obtenue; autrement
dit, la prohibition est la contrepartie du changement de niveau 1
de la sexualité 37 ; réduite à ce minimum, l'interprétation de la
prohibition de l'inceste dans Totem et Tabou recoupe l'interpré-
tation du complexe d'Œdipe des Trois Essais sur la Sexualité.
'
L'apport proprement ethnologique des deux premiers chapitres
de Totem et Tabou se borne là. La pointe du livre est tournée en ~
sens inverse; toute la suite est une explication par la psychanalyse
de la crainte de J'inceste, plutôt qu'une explication sociologique
1
de l'institution dont la prohibition est le négatif; Pénigme de J'insti-
tution est renvoyée au mythe scientifique ultérieur : « Tout ce
que nous pouvons ajouter à la conception régnante, c'est que la ~
~
crainte de l'inceste constitue un trait essentiellement infantile !•••
et s'accorde d'une façon étonnante avec ce que nous savons de la
vie psychique des névrosés 38• » C'est alors la découverte du thème
~
~
incestueux de la névrose qui fournit le fil conducteur; la phobie r
~
de l'inceste chez les sauvages apporte seulement la preuve de
~
l'existence, en quelque sorte à l'air libre, de ce complexe central ~
l
aujourd'hui perdu dans l'inconscient. La fonction proprement 1
{ ·.
1
37· Freud a bien w, apr~ L. H. Morgan, que ta • classification IJ est Je langage l
•
de ces nouvelles relations; parlant des classes matrimoniales dans un système •
t
~deux classe.~ et trois sous-classes, il note : • Mais alors que l'exogamie tot4!miquc L
présente toutes les apparences d'une institution sacrée, née on ne sait comment,
•
.••
1 /
199
1
•
ANALYTIQUE
200
•
ii~•· ~~~!.,.aM· .. - -- - - --·-·_.,•·-= w ·n••..~tit 1 ~t\ ~
~ . . . .. 1
~· ~:;_
' ..
1
1
DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME
•
• ••
affective; on peut dtre qu tct c est 1 mterpretatton du tabou qui •
f
ambivalents à l'égard de l'ennemi, à l'égard des seigneurs et du
roi, à l'égard des morts). C'est une psychologie et même une psycho- i
pathologie du tabou qui se ramifie, sans que jamais le moment
proprement institutionnel de l'interdiction soit élaboré"· La l
.
•
psychopathologie va souvent très loin : ainsi, dans le cas du céré-
monial royal, le rapprochement avec le cérémonial tabou et avec le
'
r
•~
cérémonial obsessionnel permet de découvrir, sous l'apparence i•
t
1
du respect, l'accomplissement figuré du défendu, c'est-à-dire 1
•
1
•
42· G. w. IX, p. 42; s. E. XIII, p. 3Z; tr. fr., p. so. 1
~
1 43· Second Essai. 1
1 par la d~finition meme du tabou : • Le tabou est une prohibition archalq~c .'
'
t
l
(ura/tes), impoa~e du dehors (par une autorité) ot dirigée contre Ica appéuta •
les plus puiaaanta de l'homme. • G. W. IX, p. 45; S. E. xm, p. 34--5; tr. fr., P· 54· i
•
t
201
,
•
- ·-·--- -
•
ANALYTIQUE
•
l'auton
l'hostilité et de ramener celle-ci au complexe paternel de l'enfance. éclairé
Le primitif est le témoin attardé ~e l'ambivalen~e de 1~ vie psychi.. Laps}
que· ce qui finalement transparatt dans la cramte, c est la force
des 'désirs et cr l'indestructibilité et l'incorrigibilité des processus l l'ambh
inconscients u. , C'est parce qu'il est un gran~ enfant que le d'une <
sauvage montre en clair, et.. comme dans un grosstsse~e~t ~an tas- de ces
tique, ce qui ne nous apparatt .plus que sous la figure tr~s d1~1mulée
et très atténuée de l'impératif moral, ou sous les tra1ts d1stordus C'est
de la névrose obsessionnelle. L'ambivalence affective apparaît l'humai
alors comme le cr sol », commun d'une part à la conscience-tabou toute l'
(et au remords tabou), d'autre part à l'impératif moral, tel qu'il de Tott
a été formalisé par Kant 46• prunts ·
Freud a-t-il pensé expliquer la conscience morale par l'ambi- lui-mêr.
valence ? Certains textes le laisseraient croire, qui transforment Frazer
subrepticement l'analogie en filiation 47• Mais l'ambivalence est il empr
seulement la manière dont nous vivons certaines relations humaines, de la fe
une fois posée J'interdiction qui découle du surgissement d'un lien de la p~
supérieur au désir: la figure du père dans le complexe d'Œdipe, le tions d
•
passage des relations biologiques à la « parenté de groupe » dans mamts
l'organisation totémique, renvoient au phénomène premier de Freud,
pas tue1
45· G. W. IX, p. 88; S. B. xm, p. 70; tr. fr., p. 101. dumên
46. A cette occasion, Freud rapproche Gewissen de Wisstn : • Qu'est-ce que du corn
• la conscience • (Gewissm) 1 D'après le témoignage même de la langue la père da
con~cience s'applique à ce que l'on sait (weiss) de la façon la plus certaine {am plexe d
gnDmestm) . IJ y a pas mal de langues oil il existe à peine une distinction entre
la c:onsci~nce morale et la conscience [au sens de laconnaissance] (Bewusstsein): Le cl
La .conscaence morale, c'est la perception interne de la répudiation de certains
d6u~ q~e nous éprou':ons, étant bien entendu que cette répudiation n'a pas
besom d mvoquer des ratsons quelconques, qu'elle est sQre (gewiss) d'elle-même •· 48. Frc
G. W. tx,_p. Ss; S.E. xm, p. 67-8; tr. fr., p. 97· névrose, 1
.47· • S~ nous ne nous trompons, la compréhension du tabou projette une cer- des jacte~;
~me lunuère sur.la nature et l'origine de la conscinue morale. On peut, sans fairo tique de le
•
~o.lence aux notaons, parler d'une conscience-tabou, d'un sentiment de culpa- pour aJOU
~thté-tabou, résultant de la transgression d'un tabou. La conscience-tabou cons- reposent :
titue probablement la f~rme la plus ancienne sous laquelle nous rencontrons lo et de (net
~h~nomène de la co!lsc1ence ~orale • (ibid.). Et plus loin : • En fait , on peut névrosé, t
~uq ucr cett~ affirmatton que, s'Il ne noua était pas possible de découvrir l'origino mun au té
1
e ~ c:onsc1ence de culpabilité par l'étude de la névrose obsessionnelle nous (ibid.), e:
devno.nsdreno ncer à tout espoir de jamais la découvrir. Cette tAche pe~t euo détourné
remp1te ans 1e C:SS d e l''tn d"lVI"du névrosé; en ce qui concerne les peuples, noua découlent
r~vons es~érer tn!érer un r~sultat analogue • (ibid. ). Toute l'histoire ultérieuro plaisir? c•
le a moralité paratt se réduare ll une histoire de l'ambivalence elle-même · • Si 49· G.
~ coMd~ment moral n'affecte plus la forme du tabou, la cause doit ~ être la n. 1 ), 1
totémique
c erc 0 un!qu~ent daru un changement survenu dana les conditiona qui
::~~~cat 1ambtvalence aoua-jacente. • G. W. 1:1, p. 88; S.E. sm, p. 71; tr. fr,,
corrélatiot
tanéc. •
aoa
. .
--•••--•..._.~ .&U&.'UM~! .'Y..l"';~~l ' '; .
,;. \'
••
1
DE L'ONlRI.QUE AU SUBLIM!
plexe d'Œdipe. ~
·\•
48. Freud lève un coin du voile, lorsqu'il accorde que • le tabou n'est PB;' une .
1
•
névrose, mais une formation (Bi/dung) sociale 1 (ibid.) , et que c la prédomman.c•
des facteurs pu/siormels sexr1els sur les facteurs sociaux constitue k trait caractbis- ..
tique de la névrose 1, G. W. IX, p. 91; S . E. xm, p. 73i tr. fr., p. 104. Mais c'est
pour ajouter aussitôt que c les formations sociales dont il a été question plus haut •'•
reposent sur des pulsions sociales, issues de la combinaison de facteurs ~goistcs •
t
et de facteurs érotiques • (ibid.) . La différence resurgit d'une autre mamère : le J
névrosé, en proie au principe de plaisir, fuit la ~alité qui le blesse; or • la com- •
~u~auté humaine, avec toutes les institutions créées coJiectivement par el~e 1 '
•
(rbrd.) , est un des traits fondamentaux du • monde réel • dont le névrosé s est 1
•
détourné et exclu. Comment cette création collective et les institutions qui en ;
•
déc.o~lcnt se rattachent-elles au principe de réalité plutôt qu'uu principe de 1
Plllls&r? c'est la question qui resto sans ~ponse dans T otem et Tabou. '!
49· G. W. IX, p. 132, 146, 176; S. E. xm, p. 108, 120. 146; tr. fr., p. 151 (et
la n. ~), 167, zot : • Contrairc:ment aux plus récentes conception•. du systè~o •
totém&q~e et en accord avec les plus anciennes, la psychunalyse établi~ ~ne étroite '•
corrélation entre lo totémiamo ot l'cxogo.mie et leur aaaigne uno ongUlo aimul· \
tanéc. •
(d l (..._____ _ •
•
1
' f
ANALYTIQUll
•
1 •
f DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME
•
•
Interprétation littérale et non plus symbolique : si l'animal des !
1
1
l
•.
53. G. W. 1x, p. 169; S. E. xm, p. 140> tr. fr., p. 193.
S4- G. W. DC, p. 17J·Z; S. E. Xlii, p. 141-a; tr. fr., p. 195-6.
''
1
•
1
.•1
ANALYTIQUE 1
•
rêves de zoophobie vaut pour le p~re, .le mythe ethnologique permet c'est 1
de remettre le père à la place de 1~!?al : le déplacement symbo- positi
lique du rêve et de la névrose est ams1 doublé et compensé par un du rn
déplacement réel qui aurait eu lieu dans l'histoire : a Tout ce que Freuc
nous avons fait, c'est d'attribuer un sens littéral à cette désignation auto-~
dont les ethnologues ne savaient que faire et qu'ils ont pour cette l'hom
raison refoulée à l'arrière-plan. La psychanalyse nous engage au constt
contraire à relever ce point et à y rattacher un essai d'explication philos
du totémisme 55• » avec s
L'interprétation psychanalytique du complexe d'Œdipe s'est ses tr•
ainsi projetée dans une archéologie réaliste; elle se mire elle-même 1 Tabo~
dans une interprétation littérale du totémisme. Le sens du com- 1
•
déchif
plexe d'Œdipe, déchiffré dans le filigrane du rêve et de la névrose,
se fige dans une équivalence réelle : le totem, c'est le père; le père
i violen
l'amb:
1 •
parttc
a été tué et mangé; les fils n'ont jamais fini de s'en repentir; pour
se réconcilier avec le père et avec eux-mêmes, ils ont inventé la 1
jusqu'
•
morale : nous avons maintenant un événement réel et non plus un •1 mau~
fantasme; sur cette première pierre, il est possible d'édifier toutes de, tot
les autres situations conflictuelles seulement déchiffrées; malheu- retros
reusement, la vérité est que le premier parricide est seulement un
•
1 souffr.
événement construit avec des lambeaux ethnologiques, sous l'égide ! myth<
du fantasme déchiffré par l'analyse. Pris comme document scien- du cri
tifique, Totem et Tabou n'est qu'un vaste cercle vicieux, dans lequel sur u1
1
un fantasme d'analyste répond au fantasme de l'analysé. .• culpa1
.'
SOCtett
Je pense donc que rendre service à la psychanalyse, ce n'est pas
défendre son mythe scientifique comme science 66, mais bien ti men
l'interpréter comme mythe. A la fin de Totem et Tabou Freud Par
croit pouvoir dériver la tragédie grecque du réel repas totércique 67 ; avec 1
•
appel'
55· G. W. IX, .P· 159-60; S. E. xm, p. 131; tr. fr., p. 182. n'est 1
•
. 56. Freud a ~1en aper!u toutes les difficultés que comporte le recours à l'héré- cnme
dité psycho!ogtque, vanante embarrassante de l'hérédité des caractères ncquis la ble
(Toum e,t 1 abo11, .P· 213, :u6). Avec une obstination croissante, Freud en assumera célébr
tous les mco~vémen!-S dans Morse d le Monothiisme. Pour la critique des ethnolo-
gues, cf. Mahnowskl, .Sex and Repression in Savage Society ( 1927), surtout 111, 3; Du
Kro~ber, An eth~?log~e .Psychoanalysis, in Am. Anthropo/ogist XXII, 1920, p. 48· sa for
•
57, Totem a11d '/ aboo an rctrospect, Am. J. of Socio/ogy XLV, nov. 1939, 446-so; BOrtlr
AniTopol~gy, 1 948 (éd. revue), p. 616-7. Claude Uvi-Strauss Les StTucturu
É lbnentaares de la Parenti, 1949. ' père<
57· • Ma!s pourquoi le héros de la tragédie doit·il souffrir et que signifie sa 1
faute · • tragtque
uff · •? Noua' '1allons trancher la discu 881·0 n pa r une rapt'd e r\:po ... nse .
Il .d o.tt. so rlr parce qu 1 est 1e père primitif, le héroa de la grande tragédie Cette i:
prtmJUve dont nous avons parlé et qui trouve ic1· une _... é · · de lui·m~r
·
tendanc1ewc; quUlt
à 1 Ca • , n:p uuon sur un mo
a ute tragtque, c eet celle dont 1·1 d ' t ch pour ' min du
d ç.l.l JVrer
' 1e c h œur d e ta s1enne.
· • G . w. IX, p. t88·• S. E · Xlii , p01. 15ac6·, tr.arger,
( r., p.:u.,..
,. sB. <
206
. . . . =--~..a ---·11 _.__.......,.......----· ........
·-· l·····~~ . ..
··-~· .-:l.\.~·--2' ~·
•
1
!!
•
•
DE L'ONIRIQUB AU SUBLIME
1
'
c'est l'inverse qui est vrai : le mythe freudien est la transposition
positiviste, dans les termes de l'ethnographie du début du xxe siècle,
du mythe tragique lui-même. Par cette transposition positiviste,
Freud croit préfacer les fantasmes de ses malades et ceux de son
auto-analyse par une histoire vraie. Mais ce fantasme rationnel de
l'homme Freud, adopté ensuite par son école, est comparable à la
construction de Platon au Livre IV de la République, lorsque le
philosophe entreprend de lire les u petites lettres>' de l'âme humaine,
avec ses trois puissances, sur les u grandes lettres » de la Cité, avec
ses trois classes sociales. Il n'en va pas autrement dans Totem et
r Tabou: sur le père et le fils de la horde darwinienne, Freud
•
déchiffre la jalousie du père et la naissance de l'institution dans la
violence; sur le repas totémique selon Robertson Smith, il déchiffre
1
l'ambivalence de l'amour et de la haine, de la destruction et de la
1 participation, qui anime la symbolique du repas, en descendant
jusqu'à son expression cannibaliste Ia plus brutale; sur le deuil
inaugural de la fête, il déchiffre la perte de l'objet, porte étroite
.• .1
de toute métamorphose de l'amour; sur le remords et l'obéissance
•• rétrospective, il déchiffre le passage à l'institution, dans la double
•
1 souffrance du crime et du renoncement; bref, par ce nouveau
1
•
mythe tragique, il interprète l'histoire entière comme héritière
du crime : u La société repose désormais sur une faute commune,
sur un crime commis en commun; la religion, sur le sentiment de
•
.'• culpabilité, sur le repentir; la morale, sur les nécessités de cette
société, d'une part, sur le besoin d'expiation engendré par le sen-
timent de culpabilité, d'autre part 68. »
Par ce nouveau mythe, d'apparence scientifique, Freud rompt
avec toute vision de l'histoire qui en éliminerait ce que Hegel
appelait le « travail du négatif »; l'histoire éthique de l'humanité
n'est pas la rationalisation de l'utilité, mais la rationalisation d'un
crime ambivalent, d'un crime libérateur qui reste en même temps
•
la blessure originelle; c'est ce que signifie le repas totémique,
célébration ambigui! du Deuil et de la Fête.
Du même coup, le problème de l'institution resurgit dans toute
sa force; en termes mythiques : comment d'un « parricide » a pu
sortir l'interdiction du « fratricide »? En démasquant la figure du
père dans le prétendu totem, Freud a seulement rendu plus aigu
i
Cette interp~tntion du h~ros tragique comme ~dempteur du chœur, identifi6
1 lui-m~me à la bande des frères, permet de placer la trag~die 1recquc 1 mi-che-
min du repas to~miquc ot de la Passion du Christ.
sB. G. W. IX, p. J76i S.E. Xlii, p. 146i tr. fr., p. 101.
•
'
1•
'
1 '
ANALYTIQUE
•
3· LE PROBLÈME MÉTAPSYCHOLOGIQUE :
• LA NOTION DE SURMOI
61. Sur 111 métaphore des trois territoires occupés par trois populations dont la
distribution tllDtôt leur correspond, tantôt ne leur correspond pas, cf. Not1WIÛ1
Conjbcnce1, G. W. xv, p. 79; S. E. xxn, p. 7a-3; tr. fr., p. 1oa-3 • '
•
ANALYTIQUE
•
aonnel se constitue en relation avec l'anonyme, le sublime et le
réel, c~est-à-dire des variations sur le pronom personnel.
Quelle est la tâche de cette éco.no,rruq~e ~ .
Faire apparaître comme une « di~erer:c~atlOn »du .fond pulsion-
nel ce qui, jusqu'à présent, est reste e~ten~ur au d~tr. ~utr~ment
dit, faire correspondre au process.us histon~ue d~ .1 mtr?JCCtlo~ de
•
l'autorité un processus économtque de repartitiOn d mvesttsse-
ments. Une nouvelle connexion s'établit ainsi entre herméneutique
et économique : le complexe d'Œdipe a été déchiffré .dans 1~ mythe •
et dans l'histoire dans le rêve et dans la névrose : 11 s'agit main-
tenant d'énoncer' en termes topiques et économiques la distribution
énergétique correspondante. Les deux topiques expriment alors
deux types de différenciation du fond ~ulsionn~l. Parallèlement à la
différenciation du moi, que Freud attnbue à l'mfluence du monde f
extérieur et qu'il assigne au système Pcpt-Cs, il faut considérer
une autre différenciation, « intérieure » et non plus « superficielle •, f
sublime et non plus perceptive : c'est cette différenciation, cette ]
modification des pulsions, que Freud appelle «surmoi ». A ce titre, c
cette nouvelle économique est bien plus que la transcription dans J
un langage conventionnel du matériel clinique, psychologique et J
ethnographique rassemblé. Elle a la charge de résoudre un pro- (
• blème resté insoluble, non seulement au plan descriptif, mais I
même au plan historique; le fait de l'autorité est constamment 1
apparu comme la présupposition de l'Œdipe individuel ou collectif; 1.
il faut se donner l'autorité, l'interdiction, pour passer de la pré- c
• histoire, individuelle ou collective, à l'histoire de l'adulte et du
••
civilisé. Tout l'effort de la nouvelle théorie des instances est d'ins- lJ
crire l'a~to.rité dans l'hist?i.re d~ désir, de la faire apparaître comme d
u!le ~ da!ference • du. desir; c est à cette exigence que répondra li
l'mstttutton ~u sunno1. Le rapport entre génétique et économique 81
est donc réc1proque : d'un coté la nouvelle théorie des instances n
marque le choc. en retour du point de vue génétique et de la décou-
verte .de l'Œd1pe sur la ~remière systématique; de l'autre, elle
fourmt à .la genèse elle-meme un~ structure conceptuelle qui lui
~ermet, smon de résoudre, du moms de poser en termes systéma-
tl~u~s s~n problème ~e~ural : la promotion du Sublime au cœur du
1
Denr. SI le drame œd!pten est le piv?t. de cette institution, il s'agit 1•
de mettre en rapport 1événement œd1p1en et l'avènement du surmoi 1' ; Jy
et d'énoncer en termes économiques ce rapport. {• fic
•
ln
l'a résolu- est énoncée en termes très concis dana le célèbre Essai ••.
'
210 /
~
1
1
J
l
OB L'ONIRIQUE AU SUBLIME
.
•
•
ANALYTIQUE '
•
•
· . 1 é · d ,. ' •·
1a consctcnce mora e tatt au aon 1 tncamation tout d' bo d d
t: pu tque ... tnstttuuon
·· d o
parents, puts · second atrcment
· d e 1a entaque
· · de la aoc' ..t.t..t.Il 1r .ae 1a cnuque Cl 1
.1. è 1o • d t: tc or;: i e mor;:me processua ac
ror;:p tc raqu uno ten ance au reaou1ement prend origine d'une défense ou d•un
1
1
•
.: . .•
• •
•
,. , \
,.
• •
• .,. 1
• . .
\o
•
'
•
'
.." . ... .
•• •• .t( 1
• •• 1 ·.' • .
l
••
1
.
•
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME
•
ne •
i parentale. Il y a tout lieu de penser que si une part de l'énergie
~n
narcissique se « déplace D vers un moi plus idéal que réel, c'est
li- qu'elle est « attirée » par le noyau dérivé du complexe parental.
fe En un autre langage, il faut que le narcissisme soit médiatisé par
l'autorité, pour qu'il puisse être à la fois déplacé et retenu sous
1e forme d'idéal. L'idéalisation renvoie donc à l'identification.
•
.1• Toutefois, c'est peut-être le fond narcissique de l'idéalisation
n, 1
qui donne un sol à l'identification et explique que les emprunts à
•
.1- ' l'autre deviennent moi-même; peut-être faut-il que les lambeaux
~ 1
~e d'autrui qui forment l'idéal du moi s'agrègent à un moi idéal,
l'-
:1 enraciné dans le narcissisme, pour que l'identification réussisse.
.t, 1 Cette notation donnerait quelque crédit à la distinction entre moi
.t, 1 idéal et id!al du moi qui n'a, chez Freud lui-même, qu'un maigre
1
•n •
support 70• Si Freud ne l'a pas développée, c'est pour aller jusqu'au
~ bout de son radicalisme : le surmoi est greffé de l'extérieur vers
j
l'intérieur.
:e Le processus d'identification, auquel l'idéalisation renvoie, a
\e lui aussi une longue histoire : dans la section ajoutée en 1915
te au second des Trois Essais ... et consacrée aux organisations succes-
._
~
sives de la sexualité 71, Freud montre le lieu de l'identification avec
lS l'organisation prégénitale dite orale ou cannibale : mais toute la
•
à • question sera précisément de savoir si l'identification requise par
:e 1
la théorie du sunnoi est dans la ligne de la possession, de l'avoir, ou
le si le désir d'être comme... n'est pas radicalement différent du désir
t, d'avoir, dont la dévoration est l'expression la plus brutale. C'est
,_
t
•
dans l'Essai sur le Deuil et la lliJélancolie que Freud a commencé
ù
:t
obstacle qui étaient tout d'abord extérieurs. • G. W. x, p. 163; S. E. XIV, p. 96;
:e tr. fr., p. 26-7.
:e . 70, L'expression •ldealich- moi id~ al•- est rare. Nous 1'avons rencontr~e dans
1
•
•
1 Pour i"troduirc le Narcissisme (G. W . X, p. 161); elle rénppnrait dnns k :M oi et
le Ça, orthographiée Idéal-Jch ,·~mn connaissance, on ne la rencontre pas ailleurs.
Par contre l'expression Jchideal- • idéal du moi • - se trouve près de cent fois
1e
•• (à cet égard, les traductions françaises font illusion, en rendant très souvent
>, • lclzidcal par moi idéal). En dépit de sa rareté, l'expression ldt•a/ich doit être
•• tenue pour intentionnelle : le contexte indique que c'est en opposition au • moi
effectif • ou réel que Freud parle de moi idéal. Le • moi idéal • c'est le moi narcis-
sique déplacé. L'expression est rigoureusement synonyme de celle de • idénl
• du moi narcissique •; il faut donc conserver strictement son contexte narci ~s iquc
. l cette expression. Cela n'empêche point de consolider la différence, en prenant
•
1
1 appui sur les notations de Freud concernant le caractère d't.'s time qui s'attache
1
originairement au narcissisme, et que Freud appelle Sabstachtung et qui est
précisément le propre idéal du narcissisme : • en cc temps-là il était à lui-memo
1 aon propre idéal•. G. W. X, p. 161; S. E. XIV, p. 97, tr. fr., p. :z4.
1 71. G. W. v, p. 98; S.E. vu, p. 198; tr. fr., p. uo.
1 213
•
•
·- · •u-. . q~ttnv
.
'
•'
•
ANALYTIQUE
1 p
général se dessme : la prolongation de l'objet perdu dans le moi.
~us~i, à l'époque de la ~remière topique, le problème est extra-
ordmatrement complexe; d une part, Freud parle de la sublimation
d
l
1
d
comme d'un destin de pulsion distinct de tout autre et principale- q·
ment du ~efou~em~nt; d'autre part, il a commencé d'élaborer le .'
•'
1
concept d 1déahsauon à partir du narcissisme; enfin il a esquissé le 1 t~
1
• J le
J
7~· .• L'~vestiasement objectal s'est av~r~ peu résistant et a été levé· cependant
la bbtdo n a pas ~té d~plaœe sur un autre obiet · -~. é 'é d le •
moi N'y ayant paa trou é d' r . ~ , masa a ct ramen e nns !1
· •
d u mot l' b' b vd app tcatton, elle a servi ll ~tnblir une itlentlifiteation tr
avec o Jet a an onn~ Ai · l' b d · · •
et celui-ci a pu être mis en · · nat om re ~ l'obJet s'est étendue sur le ~01 •
••
obiet de l'obiet perdu De ceJUttgemen!1.pnr une tnatnnce spéciale à la façon dun é(
~ •
pene du moi~ et le conAit
· entree1mantcre. • la •·nene d e l'o b'Jet a•est trans,orm
t é e en Ct
une sciaaion entre l'activit~ c 't' e ~~ et 10• personne aimée a' est transformé en ·l Pt
fication .. G W x p 435 . s "Eque u mot et le moi ainsi modifié par l'idcnti· t .. à:
til
• • • ' ·• ' · · XIV, p. 249; tr. fr., p. aoz.
73· G. W. X. p. 437, S. E. xav, p. aso·' tr• fr.• p. aos• 1
• G
J
•
• •
•
• -
•
/
DB L'ONJRIQUB AU SUBLIMB
1
AKALYTIQUB .
• 1
.
- Entrons dans ce texte important. Pour la première fois, l'identi- e
fication est rapprochée du complexe d'Œdipe; mais, à notre grand 1
étonnement nous apprenons que ridentification précède le complexe
d'Œdipe a~tant qu'elle lui succède. A~ premières ph~es de sa •
1
formation le père représen~e ce q~e 1enfant a vou~ratt .devenir 1
1
et être »; vient alors - u stmultanement avec cette tdenttfication )
avec le père ou un peu plus tard » - le mouvement de la libido f
• vers la mère : cr Il manifeste alors deux sortes d'attachements ]
psychologiquement différents : pour sa mère, un i~vesti~em~nt 1
•
• objectal franchement sexuel, pour son père, une IdentificatiOn (.
comme à un modèle ( vorbildliche). Ces deux attachements demeu- •
•
rent pendant quelque temps côte à côte, sans influer l'un sur l'autre, '
(
.
sans se troubler réciproquement. Mais à mesure que la vie psychique (
progresse irrésistiblement vers l'unification, ils finissent par se s•
rencontrer, et c'est de cette confluence que naît le complexe c
• d'Œdipe normal 7•. , Il semble donc que ce soit le désir tourné 1
vers la mère qui force l'identification à se colorer de jalousie; c'est I1
alors que l'identification se mue en désir de remplacer le père, en 8
• désir de mort; à ce stade l'identification est le résultat du complexe d
d'Œdipe et non plus son origine. Mais, si on remonte de cette p
identification-résultat, à l'identification-condition, elle se pose é
comme une grande énigme. Freud lui-même l'énonce avec beau- d
coup de force : u Il est facile d'exprimer dans une formule la d
différence entre l'identification avec le père et le lien au père '
par_choix objectal : dans le premier cas, le père est ce qu'on vou- q
dra1t être; dans le second, ce qu'on voudrait avoir. La différence • n•
'
est donc 9ue dans un~ le lien attache au sujet du moi, dans l'autre ••
1
al
à son obJ.et. ~ prem1~r type de lien peut par conséquent précéder • l'
•
tout cholX ObJectal d ?r~re sexuel. Il est beaucoup plus difficile .) r<
d~ donner de cette dtfference une représentation métapsycholo- '' u
~que .transparente. Tout c~ qu'on constate, c'est que l'identifica- • Je
bon v1se à façonn:r le mot propre à l'image de l'autre pris pour de
77 sa
modèle ». Jama1s. Freud n'exprimera avec plus de vigueur le
caractère problémataque ~t non d?gmatique de l'identification. .
pt
Com.ment, en .effet, reher cette Identification à une économique pl
du dés1r? I:es daffi~ult~ sont plus n?~breuses que les problèmes 1
résolus. Qu en est-~ d abord de l'ongme orale de l'identification?
1
1
ca
Il, semble que ce so1t s7ulen;ent le désir d' u avoir >> et non le désir et
d u être-comme », qw dénve de la phase orale de l'organisation 1
• d<
•
i•
•
76. G. W. xm, p. 115; S. E. xvm, p. 105; tr. fr., p. 117. "•
77· G. W. xm, p. n6; S. E. xvm, p. 1o6; tr. fr., p. uS. ••
ZI6 ~
1
• ..
•
•
1
. DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME
•
'
ANALYTIQUE
218
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME
•
sur 1'/nconsdent de 1915. C'est donc dans le jeu des relations entre
systèmes que doit être cherché le principe d'unification des pro-
cessus décrits plus haut.
'
•
~
DE L'ONffiiQUE AU SUBLIME
ANALYTIQUE 1
•
estp
Aussi compliqué que soit ce schéma, il est pourtant loin de •
rauo
satisfaire à toutes les exigences du problème : outre qu'il laisse elle 1
intacte la distinction de l'identification au semblable et de la rela- COnC·
tion d'objet (ou encore de l'identification comme désir de ressembler emp1•
et de l'identification comme désir d'avoir), l'identification secon- Er
daire elle-même pose encore bien des problèmes : comment un pare1
u précipité » d'identification peut-il se comporter comme « oppo- D'ur
sition» au moi? Comment le surmoi peut-il à la fois dériver du ça l'inv•
et s'opposer à lui et à ses premiers choix d'objet? Il nous faut SaUV4
intro~uire une nouvelle complication, celle de u formation de co• mt•
réact1on »; ce processus remonte aux Trois Essais... et avait été amst
repris, dans l'essai sur le Narcissisme, contre Adler, afin de faire placé
l'_écon?mie de sa notion de protestation virile et de surcompensa- don .
tlOn; 11 a pour fonction d'expliquer le double rapport du surmoi l'exp
à l'~gard du complexe d'~dipe: il en dérive par emprunt d'énergie
• •
VlClS~
et tl se retourne contre lua; le surmoi est alors l'héritier du com- que .
P!cxe d'Œdipe au double sens qu'il en procède et qu'ille réprime; ( entl.
c est ce double sens que C?nccme l'expression de u déclin» (Unter- prohi
•
gang). du_complexe d'Œd1pe : le déclin désigne rexhaustion d'une StSm«:
orgam~~tlon ca~uque de la libido (stade phallique), mais aussi la mena
d~mo!ttton, .le demantèl~ment, la mise en ruines ( Zerstrümmenmg} » de l'i
dun mvesussement obJectal 81• C'est pour rendre compte de cette perm
••
•
'
1
~
DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME
•
• formation de réaction » que Freud a été amené à souligner le
caractère agressif et punitif de la figure parentale avec laquelle le
• moi s'identifie.
Un an après le Moi et le Ça, Freud devait consacrer un article
entier au Déclin du complexe d'Œdipe ~ 2 et y souligner la fonc-
tion répressive de ce a précipité d 'identification ». Certes, le com-
plexe d'Œdipe est appelé à une mort naturelle : il appartient à une
organisation de la libido condamnée d'abord à la « déception » (le
garçon n'aura pas un enfant de sa mère et la fille est repoussée
comme amante par le père), puis à un« dépassement selon l'ordre»
(programgemiiss); de ce point de vue, le complexe d'Œdipe,
s'éteint, parce que l'organisation de la libido à laquelle il correspond
est dépassée. Mais c'est la menace de castration qui précipite la
1
1
démolition de l'organisation phallique elle-même; cette menace
i est précédée et préparée par toutes les autres expériences de sépa-
t
1
ration; elle a pu aussi être proférée avant le stade phallique; mais
elle ne produit son effet retardé qu'à J'époque où la théorie infantile
concernant la perte du pénis chez la fille donne un support quasi
empirique à cette menace.
En accentuant ainsi le caractère agressif et punitif de la riposte
parentale, Freud améliore sur plusieurs points son interprétation.
D'une part il rattache plus fortement au narcissisme l'abandon de
l'investissement libidinal de 1'objet parental; en effet, c'est pour
sauver son narcissisme que le moi de l'enfant a se détourne » du
complexe d'Œdipe (wendet sich vom Œdipuscomplex ah). C'est
ainsi que cet investissement objectal est u abandonné • et a rem-
placé» par l'identification. En rattachant ainsi au narcissisme l'aban-
don de l'objet, Freud renforce son thème : « l'Idéal du moi... est
l'expression des plus puissantes pulsions et des plus importantes
vicissitudes libidinales du ça». D'autre part, on comprend mieux
que le surmoi s'oppose au reste du moi, puisqu'il « emprunte»
( entleht~tJ la sévérité du père et perpétue à l'intérieur du moi la
prohibition de l'inceste; on peut même dire que l'intérêt du narcis-
sisme et la voix du surmoi s'accordent en ce point, puisque la
menace du surmoi « assure » ( versichert) le moi contre le retour
de l'investissement libidinal objectal. Enfin, cette « démolition •
permet de rapprocher, jusqu'à un certain point, sublimation et
,• ., ~ . '
'
..•'
• DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME
'
a la composante sadique de la libido serait un exemple du premier
a 1
J
''
mode d'opération ct le sadisme, en tant que perversion, un exemple •1•
tl du second mode; nous serions ainsi amenés à conjecturer que la l
•
tt régression à un stade dépassé repose sur une telle « désintrication »
.,
1 •
de pulsion. Si maintenant nous combinons la différenciation des i
.s
\t
•
18
trois instances - moi, surmoi, ça - et la désintrication des deux
pulsions - Éros et mort-, nous entrevoyons une nouvelle compli-
cation dans la genèse du surmoi. La cruauté du surmoi, que nous
'
·e avons soulignée dès l'étape descriptive et clinique de notre recher-
:e •
che, ne serclÎt-elle pas un autre " représentant » de la pulsion de
n mort?
l- Nous ne sommes pas encore en état de saisir la portée de cette
., 1
1 révolution de fond en comble de l'édifice psychanalytique; face à
l
.e la pulsion de mort, la libido elle-même révèle de nouveJJes dimen-
!e sions et change de nom; on parlera désormais d'Éros. Qu'est-ce
1
que cela signifie pour le principe de plaisir, pour le narcissisme?
Et puis : quel est le rapport entre la pulsion de mort, « par nature
'
• silencieuse 96 ,, et tous ses u représentants ,, en particulier ses
J représentants culturels ou anticulturels ? Quel est le rapport entre
tt 1
1 sadisme et masochisme et, à l'intérieur même du masochisme,
n
•
J.
~• entre le masochisme « moral » dont parlera l'Essai consacré Au
principe économique du masochisme et les autres formes du maso-
~
1 chisme ? Il nous faut bien avouer que la théorie du surmoi reste ina-
...., i..
chevée tant que nous n'en avons pas compris la composante mor-
telle•
d
:r.
' aions de vie et de mort, et à leurs combinaisons selon Au delà du principe de
.
-n 1 plaisir; ils ont toutefois une base dans la conception de la libido, héritée des
Trois Ersais ... , comme faisceau de tendances prêtes à se dissocier: la dissociation
du sadisme y est nettement préfigurée.
ll • 95· G. W. xm, p. 275 et 289; S. E. XIX, p. 46 et 59; tr. fr., p. 203 et 218.
..
.r
r
à
r
•
•
'n· •
•
1
·s .1,( '••'
'
~· .'••
'
..
- 1
1 '
1
.1
1
·•.
•
1
•
•
.
•
• l
StJ
le
CHAPITRE III • se
1
•
ne
L'ILLUSION 1
•
Je
co
'
1
op
nu
• de
~p:
226
•
...•
•
\ .
• ~ - \Ô.\
,.,,. ..,.
• ,, • • ,., •
\'
f
..
• ,. . .... . '
.
\
•
• L'ILLUSION
.....
•
'
.
•
•'1 . .
~~.ft',a:tP!!O'e31
• •
~
•
•
i
ANALYTIQUE l'
1
- v..u....-:•1 ...,... '?
.
.-.::cwa.---- . . . .-.. . .
7 a ·w . . . . . .
'- - ~-·--.-...-·- -- ~--- , . .........!La. . ... . . . . . . . ... - -
• •# 4
-
~ L ...L. A ~--
•
i
·J'
• L'ILLUSION
•
J
• et de sa régression, lorsqu'elle commence de perdre le sens de sa
l propre symbolique? Et cet oubli du sens dans l'observance, com-
'
ment appartient-il à l'essence de la religion? Appartient-il à une
dialectique plus fondamentale encore, qui serait la dialectique de la
religion et de la foi ? Voilà ce qui doit rester en suspens, même si
cela ne fait pas question pour Freud.
• '•• Une seule chose a inquiété Freud : l'écart entre le caractère
privé de la <( religion du névrosé » et le caractère universel de la
••
« névrose de l'homme religieux ». La phylogenèse aura pour fonc-
•
tion, non seulement de consolider l'analogie en identité, mais de
• rendre compte de cette différence au niveau des contenus mani-
1 festes .
••
au père.
•
i • ! · Je n'ignore pas que cette problématique de l'illusion, pour
•
1
•
1
i• une grande part, n'est pas propre à la psychanalyse. Il n'est pas •
•
•
•
• •
difficile· de retrouver dans les formules de Freud l'écho d'un ratio- 1
•'
\ nalisme et d'un scientisme qui est de son époque et de son milieu;
1•
selon ce rationalisme, tout langage qui n'informe pas sur des faits
~•
l
,
.. -
~ .:
.... '
. .. .. .... . •
•
ANALYTIQUE
'
tandis que nous ne tenons pas compte de son rapport à la réalité, l
tout comme l'illusion elle-même renonce à être confirmée par le 1 '
réel 7 • , Cette complicité entre remplissement de désir et invéri- 1
1
sens. 1 1
1' j
U!le seconde trame analogique se découvre ainsi : de la même 1
maruère que l'observance religieuse évoquait le cérémonial de J
J. (
•
5·. Da'e Zukunft einn Illusion (19~7). G. W. xtv. p . 325-380; The Future of an ! f
!!!usz~ï· ~· E: XX1• p. 5-56; tr. fr. V Avenir d•ame Illusion 0 Denoël et Stecle. • Le • c
d ~ ;~•.e~tt6~~ est pour noua la seule voie qui puisac mener à la connaissance
8 81
l •
e a r !t ~xu:dne~re... Vignorance est l'ignorance • aucun droit de croire quoi/ '
•
que ce soit n en ~rtve • G W XIV
6. • J'ai seuleme ·. • •
s E • f 8 6
• P·. 345-5i • • XXI, p. 31-32; tr. r., P· ..5· •
de mes grand5 ~d~t aJout~ un ~nam fondement psychologique à la crtttq~e
•
' -
de ta religion n~:vaitc~se':lnd ... Rten de ce que j'ai dit contre la valeur de vérat~ 1
d'autres bien avant qu':loln uhsecoun de la psychanalyse; cela avait été dit pat
. ·•· s·t on peut trouver un nouvel
8 psyc analyse n'existAt
argument contre la v~rité de 1 . . . 1
• tant pis (en franç.) pour 1 ~.r~hgton e!' apphquant la méthode psychnnalyttque, '.l
droit égal à se servir de 1a re sgton i mats les défenseurs de la religion Auront un s
affective des doctrines retiafsychanagse pour apprécier à aa valeur l'importance
37; tr. fr., p. 95 et too. euaes. • ·W. XIV• p. 358 ct 360; S . E. xxa. p . 35 et ~
1 1
1
:
•
7• G. W. xtv. p. 353·4; S. R. XXI p 31' tr fr p 8 "
' • t • •• • 2·4·
2JO •'
~
• 1
•
1
l•j L'ILLUSION
:s ~ tion des idoles est sans reste; cette question n'est plus de psycha- .
:e l1
nalyse. Freud, a-t-on dit, ne parle pas de Dieu, mais du dieu et
des dieux des hommes 8 ; ce qui est en cause, ce n'est pas la vérité
1
1
~ • 1
1
le du fondement, mais la fonction des représentations religieuses
rs dans la balance des renoncements ct des satisfactions par lesquels 1
l-
1 l'homme tente de rendre supportable sa dure vie. 1
n, 1 j
•
•
é, 1
Ce qu'il faut maintenant comprendre, c'est pourquoi l'écono-
•
le 1
1
mique de l'illusion requiert, plus encore que celle du surmoi, '1
1
•
'1- l'étape intermédiaire d'un modèle génétique et plus précisément
le 1 phylogénétique. Nous avons déjà souligné l'écart entre la religion
:st privée du névrosé et la névrose universelle de la religion; or la
es psychologie individuelle ne nous permet pas non plus de rendre
ce compte d'un autre écart; un abîme de sens sépare un fantasme
onirique - disons le rêve de zoophobie du petit Hans - et la
ne figure immense des dieux; l'Œdipe individuel n'y suffit pas. Il
de faut un Œdipe de l'espèce. Il faut le temps de J'histoire et la longue
l• enfance de l'humanité pour rendre compte de la puissance, de la
on ! solennité et de la sainteté du phénomène religieux, c'est-à-dire,
Le • dans le langage du Moïse 10... , du u caractère obsessionnel propre
lCe
•
1 au phénomène religieux 11 ».
UOI/
•
-6.
}Ue
' -
rit~ 8. G. W. XIV, p . 338; S. E. xxr, p . 17; tr. fr., p. 45·
par 9· Ludwig Marcuse, Sigmund Freud. Rowohlta deutscbe Encyklopldie,
.vel 1956, p. 6J.
ue, • 10. Dtr Mann Moses und dit monotl~istischt Religion, G. W. XVt p. 101•246;
un • S.E. XXIII, p. 7-137 ; tr. fr., Moise tl le Mo11otltéisme, Gallimard, Coll. • Les Esstùs •.
nee 1 La 1 ro ct la 2° parties parurent avant la Se~ onde Guerre mondiale dana la revue
,
• et t Imago (1937); la 3° partie parut A Londres en 1939.
:!
1
' 11. G. W. XVI, p. 208-9; S.E. XXUI, p. JO! j tr. fr., p. 155·
1
2JI
•
~
•
••
\
.......
•
•
ANALYTIQUE
• '
C'est pourquoi le même thè~e ne garde pas, de 1907 à 1939
le même coefficient épisté~ol~gtqu~; en 1 907, c'est une analogi~ fi gu
dont le sens ultime reste mdetermmé; en 1939, prétend Freud, • 1
est
c'est une identité historiquement démontrée. Toutes les recherches i. la c
•
tiOil
ethnologiques et historiques. qui. séparent les deux .textes n'ont
une
qu'un but : transformer en tdenttté la double analogte de la reli-
asse
gion avec la névrose, d'une part, avec l'accomplissement onirique moi
•
du désir, d'autre part. pos.
1
.
1 •
unp
• •
mqt
est ·
2. L'ÉTAPE GÉNÉTIQUE DB L'EXPLICATION : ~
mag
TOTÉMISME ET MONOTHÉISME l
·~
1
des .
de d
• mat:
La genèse de la religion di~ère de la. genèse de l'interdi~ti?n, le p
t •
en ceci qu'elle est la genèse d une assertiOn portant sur la reahté, • amn
•
et non plus seulement la genèse d'une institution psychique. mqt •
C'est pourquoi le concept de projection y tient la même place que qlll
celui d'introjection dans la genèse du surmoi; c'est aussi la raison des J
--
L
••
L'ILLUSION
1
• 233
•
--·-- ------ -·-···- -··- --.. -- ---·- .
i
!'
ï
ANALYTIQUE .J •
1
.f
dans un régim~ du d~ir !'_éq~ivalent de cette l?ro.blématique. •!
Une fois admtse la séne d eqUJvalences- pré-ammtsme, toute- '1
•
n•
1
pl
puissance de la pensée, narcissisme - qui fou~nit la première , i
du' monde, jalonnent une autre his~oi~e, ~ell~ de la libid?,, qui du '
j rn
1
narcissisme s'élève vers le stade d obJectivatiOn caracténse par la l'i
fixation aux parents, pour s'accomplir dans la maturité génitale, l
de
1 ti•
où le choix de l'objet est subordonné aux convenances et aux J
:• qt
exigences de la réalité 17• Ce parallélisme permet de considérer l'his- 1 ce
toire correspondante de la religion comme celle d'un dessaisissement, er.
1 tu•
d'une renonciation à la toute-puissance. En ce sens, cette histoire 1
• UJ
marque le cheminement de l'Anankè, de la Nécessité opposée au rn
narcissisme humain. Mais pourquoi cet abandon n'est-il pas un le
dessaisissement au profit de la nature, au bénéfice de la réalité? til
qi
C'est ici qu'il faut introduire un nouveau mécanisme, celui de •
a'
la projection 18, dont le modèle est fourni par la paranoïa. Freud '
cc
• ea
•
1
• es
17. G. W. IX, p. 109; S. E. xm, p. 90; tr. fr., p. 126 ~7. i. d~
18. G. W. IX, p. IIJ~Is; S. E. xm, p. 92~94; tr. fr., p. 129~132. Freud a 1 n• •
~laboré, dans la 38 section du Cas Sclm:ber, la théorie de la projection. Cf. ' de
•
R emarqzas Psychanaly tiques sur le récit autobiographique d'un cas de paranola ) el!
(démmtia paranolik) (1911), G. w. VIII, p . 294~JI6; s . E. XII, p. s8~79: tr. fr. in
:i•
•
• •
pi
Cinq Psychanal)•ses, p. 304~321. Ce texte représente sa plus importante contribu- ét
tion à l'~tudc de la projection, et plus précisément de la projection dans un thème ~ (i
religieux. Mais, dans le schéma qui est ici proposé de la genèse de la paranoïa. 1 rn
la fonction de la projection est mieux élucidée que son mécanisme, lequel reste. J lo
pour Freud lui-même, énigmatique. Sa foncti on, en effet, est claire : si l'o n admet •
C'
que le noyau initial du cas Schreber est une impulsion homosexuelle d irigée 8'1
vers le père, puis, par transfert, vers le médecin traitant, les deux principaux pl
mécanismes mis en jeu sont le • retournement dans le contraire • qui transforme 1 rn
l'objet aimé en objet de haine et remplace l'impulsion homosexuelle par le délire •1
• et
de persécution sexuelle (fantasme d'émasculation) et la • projection • qui consiste 1 nJ•
dans le remplacement de Flechsig (le médecin) par • la plus haute figure de Dieu • l
è.
Ct.r. fr.• p. 295). La fonction ~conomi que de ce remplacement est claire : la • théo-- '
•' tô
dicée 1 que cette figure engendre transfonne le fantasme d'émasculation en fon- bi
t
t~"!e de fé~inisation et fait du sujet lui~même un rédempteur par la volupté : P<
amst • le mo1 est dédommag~ par le délire des grandeurs, cependant que le fon- LI
~me de désir.fé~inin se fait jour et devient acceptable • (o. c., p. 296). La fonc- • qt
tJon de la proJ«:ctJon eat donc de rlconciliation : • l'ascension de Flechsig 1 l J q\
•
Dieu, lui pennet de • se réconcilier avec la persécution • • d'accepter le fantasme ' C<l
de désir qui avait d~ ~tre refoulé 1 (ibid. ) . Mais le mé~nnisme de ln projection p.
eat ai~Rulièrement. plus obscur que son rôle : l'appartenance de Flcschsig et C()
d~ .• ~1eu schrebenen • l une même série suppose une identification suivie d'UJ?C pe
•
div&Ssoo, par laquelle le pemcuteur se scinde en deux personnes. Dieu et FlechaJB 1 IJC
•
234 •
•
1
1
-•••~'-'..iëa4.atf",.,I'Ot• --.--··--·...··-·• .,......,.....-····---·--··------· - - -
....... ..~.Aa-.•··-=--···
Laa-..-..-
'
·i
!
ï
1
J o ' L'ILLUSION
.f
' 1!
•• ne nous donne pas ici une théorie totale de la projection; il la
•
• 1
•
prend au moment où elle fournit une solution économique à un '
\ 1
;
'•
1
(sans compter les ~i-partitio'!s .des figures divines elles-!_'l!mes) : c 'f:Jn~ .telle '!
1\ division est tout à fatt caracténsttque des psychoses paranosdes. Celles-cs dsVJsent
1 tandis que l'hystérie condense. Ou plutôt ces psychoses résolvent à nouveau en •
1
l 1
tion inconsciente. • (p. 297). Or la suite de l'étude ne permet pas d'élucider ce '
1
1
l mécanisme. Le chapitre III est animé par une préoccupation différente : établir
1
• l'étiologie sexuelle de la paranoïa; il faut donc mettre à nu la composante érotique 1
des facteurs sociaux (humiliation sociale, etc.), rattacher cette composante éro- •
~ tique au stade narcissique du choix objectal et ainsi découvrir la c proposition •
.,•
J 0 que le délire de persécution vient • contredire •; cette proposition initiale est
! celle-ci : c Moi (honune), j'aime lui (homme) •; dans la persécution, elle s'inverse
i
·1
1
en : • Je ne l'aime pas, je le hais •,- proposition qui est une des trois ou quatre solu·
tions possibles par lesquelles la proposition initiale peut être contredite; avec
une habileté merveilleuse, Freud place ainsi la persécution parmi les autres 1
'' modes de contradiction de la proposition initiale : le délire de jalousie contredit
" le sujet, le délire de persécution le verbe, l'érotomanie le complément, la sures- '•
timation sexuelle Ja proposition entière. Mais, au moment de nous dire enfin en
quoi consiste la projection qui se joint au retournement dans le contraire, Freud
'1
avoue son embarras; certes, nous pouvons décrire la projection : • En ce qui 1
'
concerne la formation des symptômes danlt Ja paranoïa, le trait le plus frappant
0
:
est cc processus qu'il convient de qualifier de projection. Une perception interne
1
0 est réprimée et, en son lieu et place, son contenu, après avoir subi une certaine •
"'
0
1
déformation, parvient à la conscience sous forme de perception venant de l'exté-
rieur. Dans le délire de persécution, la déformation consiste en un retournement
de l'affect; ce qui devrait être senti intérieurement conune de l'amour, est perçu
''
•
'
0
)
•
extérieurement conune de la haine. • (p. 311). Mais la projection ne coïncide
•••
~
pas avec la paranoïa ; son concept est tantôt plus étroit, tantôt plus large; plus
•
,• étroit, car • elle ne joue pas le même rôle dans toutes les formes de paranoïa •
.• , (ibid. ); plus large, car • elle n'apparaît pas seulement au cours de la paranoïa,
1 mais dans d'autres conditions psychologiques encore • (ibid. }, par exemple
lorsque nous attribuons une cause: extérieure à nos impressions subjectives•
•\ C'est pourquoi Freud dit textuellement : • Ainsi rendus attentifs à ce fait qu'il
s'agit, si nous voulons comprendre la projection, de problèmes psychologiques
plus généraux, nous remettons à une autre occasion l'étude de ln projection et du
même coup celle du mécanisme de la formation des symptômes paranoïaques
•1 et en reviendrons à cette question : quelle idée pouvons-nous nous faire du méca-
1 nisme du refoulement dans la paranoïa? Je dirai dès maintenant que nous avons
l
: à juste titre renoncé temporairement à l'investigation de la formation des symp-
' tômes car nous l'allons voir : le mode qu'affecte le processus du refoulement est
bien plus intimement lié à l'histoire du développement de la libido et à la p~dis
position qu'elle implique, que le mode de la forrru1tion des symptômes. • (p. 311.)
La psychanalyse est en effet plus à son aise avec le mécanisme du refoulement
qu'avec la formation des symptômes par projection. C'est même à cette occasion
que freud donne la plus claire analyse des trois étapes du refoulement : fixation,
contre-investissement, régression au point initial de la fixation (voir ci-dessus,
p. 127). C'est pourquoi le résultat le plus clair de l'analyse du ras Sdmb<-r
concerne • le mécanisme de la régression proprement dite qui p~vaut dans la
0
•
1
paranoïa • (p. 313), à savoir la fixation p~alable au stade narcissique et la ~grea
•' sion dont lo degré est • meaur~ par lo chemin quo la libido doit parcourir pour
•
•
\
235 1
'
•1
.,
··-- ···....__- . __ _,.
. ·- -· --·- ------···..--~U.oàl~
.• 'l
•
1
ANALYTIQUE
1
. l•
conflit d'ambivalence comparable à celui que nous avons décou- i
tue
vert dans la conduite du deuil. Mais alors que la méJancoJie intro- de
jctte la haine jadis mêlée ~ l'a~our et la retourne contr.e le moi, '
•
•
•
SlO:
la para~oï~ pr?jette vers 1ex~éneu~ les pr?cessus psychtqu.es .du 'J
1 r
•
moi. Amst natssent les espnts : tls procedent de la proJeCtion 1
de
1
dans ]a réalité de nos propres processus psychiques, tant présents •' sur
i
que latents, tant conscients qu'inconscients 19• •. por
Il est vrai que la projection ne rend pas compte du caractère • 1•
l en
systématique de l'animisme, en tant que première théorie complète j
1 noy
du monde : nous invoquerons alors 20 un mécanisme annexe, et :
emprunté cette fois à Ja théorie du cc travail de rêve », mais illustré î con
aussi par Ja paranoïa, celui de l'élaboration secondaire, ou mieux • cell
du u r~maniement » ( Bearbeitung) secondaire; cette rationalisation mOJ
interne au travail du rêve, de~tinée à lui donner une apparence cett
d'unité, de cohérence et d'intelligibilité qui le rende acceptable, tibl
a son pendant, du côté de la religion, dans le travail de justification Esg,
que nous appelons superstition. Dans les deux cas, il s'agit d'un d'O
écran interposé entre la connaisance et la réalité, d'une construc- l'in:
tion provisoire qu'il faut percer à jour pour atteindre le fond conflic- mot
1 reli1
1 défi
revenir de l'homosexualité sublimée au narcissimze • (p. 316). Quant à la formation
des symptômes, Freud lui-même nous avertit que nous n'avons pas le droit de
supposer qu'elle c suive nécessairement la même voie que le refoulement • (p. JIO).
·! prol
obt(
On le comprend: le retour du refoulé est une chose, la projection en est une outre;
1
c ce que 11ous prcno1u pour de la productio11 morbide, la fonllation du délire, est en ' 21
'•
rlalité la tmtative de guérison, la reconstruction • (p. 3 1 s). Ce processus 1 supprime quel•
le refoulement •, en restaurant par le dehors, par le détour de l'extériorité, de la ' • •
tl tl el
transcendance, les objets perdus. Et Freud de conclure : ce processus 1 s'accom- et d'
plit dans la paranoïa par la voie de ln projection: il n'était pas juste de dire que le ' •
&Jonr
. •
ratio .
sentiment réprimé au-dedans fût projeté au-dehors; on devrait plutôt dire, noua '
le voyons à présent, que ce qui n été aboli au-dedans revient du dehon . L'inves- •' di ver
tigation approfondie du processus de ln projection, que nous avons remise lt une 1 22
autre fois, noua apportera sur cc point des certitudes qui noua manquent encore • aeul•
(J rs). - On ne saurait donc dire que le cas Schreber explique la projection; il Cett<
la circonscrit seulement. En outre il laisse intacte ln question de savoir si la genèse der J
de cette caricature de Dieu qu'est le 1 dieu schreberien • livre le secret complet p. 1(
des .• forces édificatrices des religions •, comme le prétend l'Appt:ndice A cet Petit
essas. L'honune est capable de religion, comme de névrose disions-noua; ajou- 1 peuvc
.•
tons : il est capable de religion, comme de paranoïa. Cette ~roposition, - consi- •
plusic
dérable, en vérité, - est une question qui ouvre, plutOt qu'une réponse qui attest
ferme. du co
19. Le rapprochement est accrédité, d'une part par le rOte attribué A t'ambi- i• PUÎSS!
est p:
valence, dont l'interprétation du tabou nous a révélé l'importance, d'outre part l
par la parenté entre les • esprits • et les morts i or noua connaissons aussi ln gravité Ainsi
des conflits affectifs sur fond d'ambivalence que la mort dea êtres aimés révèle
chez les survivants.
1 :&J,
~.
J L'ILLUSION 1
•
l
tuel· car cette rationalité apparente est elle-même un instrument
J de 1~ stratégie du désir, un facteur supplémentaire de la distor-
•
sion 21• •
•
j Tels sont les mécanismes fondamentaux - toute-puissance
1 •
de la pensée et projection de cette puissance dans la réalité -
sur lesquels viennent s'articuler les nouveaux mécanismes contem-
porains du complexe d'Œdipe 22• Ce que le totémisme apporte
. l• ~ en propre, c'est le thème de la réconciliation. On se rappelle que le
j
:
noyau proprement ethnologique, selon le chapitre IV de Totem
•
et Tabou, est constitué par le repas totémique, expression de la
1 commensalité du dieu et du fidèle. Or, nous dit Freud, c'est la
• cellule initiale d'où procèdent u organisation sociale, restrictions
morales, religion 23 )), Qu'est-ce qui est proprement religieux dans
cette institution, dont nous n'avons considéré que les aspects suscep-
tibles d'être intériorisés sous forme d'instance intrapsyehique?
Essentiellement le sentim~nt de culpabilité, hérité du complexe
d'Œdipe. De la nébuleuse initiale, trois foyers se sont détachés:
l'institution sociale procède du pacte entre les frères, l'institution
morale de l'obéissance rétrospective qui en résulte; quant à la
1 religion, elle a pris pour elle la culpabilité: désormais nous pouvons
1
définir la religion comme la suite des tentatives pour résoudre le
'l problème affectif posé par le meurtre et la culpabilité et pour
obtenir la réconciliation avec le père offensé 24•
1 21. Dana les dernières pages du 3e Essai de Totem et Tabou Freud atténue
•
quelque peu son interpr~tation pathologique de l'animisme: la motivation supers-
titieuse offre aussi un c déguisement • pour d'authentiques facteurs de culture,
l
et d'abord pour l'interdiction, • ai [du moins], nous prenons le refoulement pul-
' sionnel pour mesure du niveau de culture atteint •; de la même manière, la
. rationalisation magique recouvre des intentions esthétiques et hygiéniques
••
diverses .
i 22. • Dans cette obscurité, l'cxp~rience psychanalytique ne projette qu'un
i seul et unique rayon de lumière. • G . W. IX, p. 154; S. E. Xlii, p. 126; tr. fr., p. 176.
} Cette fois, c'est le petit Ham qui fournit le chaînon indispensable; cf. c A11alyse
(
der Phobie ei11es fünfjtilm"gcn Knabcn (1909). G. W. vu, p. 243·377: S. E. X,
p. 100·147: tr. fr. Analyse d'une phobie che:: un petit garço11 de citrq ans (ù
4 petit Hans), in Cinq Psychanalyses, p. t6S·I97· Les matériaux psychanalytiques 1
• peuvent paraître dispiU'lltes : paranoïa d'une part, phobie de l'autre; mais il y a 1
1
•• plusieurs symptômes qui font transition; la zoophobie du malade de Ferenczi 1
ANALYTIQUE
l
•.
,.
~
•
l
•
L'ILLUSION
1
~ fantasme de la mère phallique, reste obscur : « Où se trouve dans
l
0
0
0'
cette évolution la place des divinités maternelles, qui ont peut-être
précédé partout les dieux pères, c'est ce que je ne saurais dire 28• o
•
Freud est beaucoup plus intéressé par l'aspect répétitif de la
'1
•
religion. Toute-puissance de la pensée, projection paranoïaque,
déplacement du père sur l'animal, répétition rituelle du meurtre
du père et de la révolte filiale constituent le fonds « indestructible »
1 de la religion. On comprend pourquoi Freud a déclaré à maintes
1 reprises que la religion naïve est la vraie religion; la théologie
j
l
rationnelle et la dogmatique ne peuvent être que des « rationali-
• sations » qui ajoutent à la distorsion, loin de rapprocher la religion
i 1
de la raison et de la réalité 29•
J
1 1 On peut s'étonner dès lors que Freud ait passé tant de temps,
·1• ait pris tant de soin à composer une nouvelle histoire des origines,
••
1
••
non plus au niveau du totémisme, mais du monothéisme, plus
•
précisément du monothéisme éthique du peuple juif. Il ne faut
••
pourtant pas attendre de ce livre une rectification quelconque
0
• de Totem et Tabou, mais un parachèvement et un renforcement
t
\ de sa théorie répétitive et régressive. Bien plus, ce livre a valeur
1 d'exorcisme. Il marque le renoncement du Juif Sigmund Freud
•
1
à la valeur dont pourrait encore se prévaloir son narcissisme,
1
celle d'appartenir à une race qui a engendré Moise et transmis au
1
i monde le monothéisme éthique. Mais si Moïse est Égyptien et si
J
lt
Jahvé n'est que la sublime résurgence du père de la horde, alors
'•
il n'y a plus rien que le consentement à la dure nécessité, face aux
prétentions du narcissisme et du principe de plaisir. Peut-être
ll' faudrait-il ajouter que Moise représentait pour Freud lui-même
•
une image de père, cette même image qu'il avait déjà affrontée
à l'époque du Moïse de Michel-Ange,· ce Moise, il fallait le
glorifier comme fantasme esthétique et le liquider comme fantasme
religieux. On peut deviner ce qu'il en a coûté à Freud de heurter la
fierté juive, au moment même où la persécution nazie se déchaînait,
où ses livres étaient brûlés et sa maison d'édition ruinée, au moment
1 aussi où lui-même devait fuir Vienne et se réfugier à Londres : •
!:
1 tout cela a dû représenter pour l'homme Freud un terrible u travail J
•
J de deuil 30 »• 0 •
• • •'
1
•
2J9
•
1
ANALYTIQUE
•
•
1
\
l
1 L'ILLUSION
•
•
- ........
....,,~~
J
1
1 •
ANALYTIQUE i
l•
•
33
en tant que fils, pris la place de son père » Seule la réitération
• '1
1 d
d'un meurtre réel permettait d'obtenir cet effet de renforcement . V•
auquel Freud attribue le passage du totem au. dieu. . . . l
•!• n
C'est pourquoi Freud n'est aucunement d1sposé à mmimtser la •
>
• p.
réalité historique de cette chaîne d'événements traumatiques : J
c
u La collectivité, comme l'individu, admet-il, garde sous forme de
1
et
traces mnésiques inconscientes les impressions du passé 34 »;
u l'universalité du symbolisme du langage» est, pour Freud, beaucoup
1 re
pl
plus une preuve des traces mnésiques des grands traumatismes de •
' rn
l'humanité 36 que l'incitation à ~xplorer d'autres dimensions du ..: pt
langage, de l'imaginaire, du mythe. La distorsion de ce souvenir !
siJ
est la seule fonction de l'imaginaire qui soit explorée. Quant à
",1 '1 dé
cette hérédité elle-même, irréductible à toute communication j et
directe, elle est certes embarrassante, mais elle doit être postulée, l'
1
•
reJ
si l'on veut franchir« l'abîme qui sépare la psychologie individuelle •
m~
de la psychologie collective [... et] traiter les peuples de la même en
manière que l'individu névrosé ... S'il n'en est pas ainsi, renonçons rel
donc à avancer d'un seul pas dans la voie que nous suivons, aussi éc<
bien dans le domaine de la psychanalyse que dans celui de la j do
psychologie collective. L'audace est ici indispensable 36 >>. On ne • pu
saurait donc dire qu'il s'agisse là d'une hypothèse accessoire; Freud la 1
y voit un des tenons qui assurent la cohésion du système : •
et ·:
• Une tradition qui ne se fonderait que sur des transmissions orales 1
ne comporterait pas le caractère obsédant propre aux phénomènes dar
religieux 37 »; il ne peut y avoir un retour du refoulé que si un évé- not
nement traumatisant a eu lieu. pro
ceh,
me,
3· LA FONCTION ÉCONOMIQUE DE LA RELIGION mo:
con
L'interprétation freudienne de la religion va nous offrir une ce<
dernière occasion de montrer comment herméneutique et écono- • c
mique s'articulent dans la métapsychologie freudienne. Les ' n'y
33· G. W. XVI, p. 196; S.E. XXIII, p. 90; tr. fr., p. 138. dan:
34· G. W . XVI, p. 201; S. E. XXIII, p. 94; tr. fr., p . 144. très
35· • Ces faits &emblent assez convaincants pour mc permettre d'aller plus dorr
loin encore en prétendant que l'hérédité archaïque de l'homme ne comporte
pas que des prédispositions, mais aussi des contenus des troces mnésiques
qu'ont lais!lées les expériences fajtcs par les génératio~s nntérieures. De cette 38
manière, la pof'We aussi bien que la signification de l'hérédité archaïque se trou- to diJ
veraient accrues de façon notable. • G . W. xvr, p. 206; S. E. xxm, p. 99; tr. fr., de sé
p. l 52. fin dl
36. G. W. xvr, p. 207; S. E. XXIII, p. 100; tr. fr., p. J 53. 11/IISio
37· G. W. XVI, p. 208; S.E. XXIII, p. so(; tr. fr., p. 155. balen
.•
~•
•
L'ILLUSION
1
..
•' ~ ..
-·
11 • •
1
~
•
1
L'ILLUSION
table raison d'6tre, c'est de nous pro~ger oontto la nature. • G. W. XlV, p. 336;
S.E. xxr, p . 15: tr. fr., p. 39·
40. ù Moi et le Ça, chnp. v. NoutJdltl cotifbencet, XXI (Ill).
.
• 41. Sur cc thème de lu • duret~ ùc la vio •, cf. aussi l'Awnir d'uM 11/r.uion:
G. W. XlV, p. 337; S.E. XXI, p. 16; tr. fr., p. <ll.
........
1
•
• • •• •
• ..... -~ r
~..-....~- - -
ANALYTIQUE
L'ILLUSION lexe du
. entre le comP. " •
. u·on malllfeste, . de protectiOn •
la mottva n besotn lture est
)·
lus profon~e ete de l'homme a~ec soéneutique de la cu. ue du
père et la detreSS ''ai adopté, 1herm . d'une économ,tq 1
b~s le lan;apg:y~~=jalyse, la clolntd7f:~~nsolation, pêortee:parpo~
!S
à
la touJours, e ~ tion culture e , 1 a le m me .
:e désir : entrella on~lgie cachée du pere, 1 l~tent du rêve. Ce qult
la religion, et a ~~u manifeste et le conten~ t le sens même de a
qu'entrle 11~ ~oonnedes deux points de vue,. c ese et répète la détresse
•
tr assure a taiS t u'elle conunu f t .as »•
détresse de ttadulte, en àan . q, à demeurer à jamais un en an . ,
.t
u infantile; l'hoJ?me est~ estmeinconnues et redoutables des tralts
:t
alors il investit les putssances .
a de l'image paternelle. . é 'fi ment psychanalytique de la
1,
Telle est l'interprétatto~ sp ct lque, . étition sempiternelle de la
religion : son sens u cache J) est a rep
e
nostalgie du père.
• •
l
Nous pouvons mainte~t replace~ d:ms le cadre d~ c~tte ec~~omt:
que la double analogie qm nous ~ gmde d~s la descnptton clm~que •
• •
-"'
, l'analogie onirique et l'analogte névrouque ' 8 ; cette analogte est
r devenue une identité; si la religion n'a pas de vérité propre, qu'est-
ce qui lui donne force et efficacité? Les « idées de la religion ne
sont pas le résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion;
• ce sont des illusions, des réalisations des désirs les plus anciens, les
L plus forts, les plus tenaces de l'humanité; le secret de leur force
•• est la fo~ce de ces,.dési~s ' 7 ». Cette identité foncière du point de vue
L ~cononuque de ltllust?n et du fantasme onirique a un corollaire
l tmportant dont nous ttrerons les conséquences quand nous discu-
l terons d~ sens du principe de réalité chez Freud Si la l' .
•• accomphssement de désir elle n'est as . re tgton est
de la moralité· aussi bie'n l'ht'st . p par essence le support
1
, , , . otre prouve que r· l' •
•• n .a pas trouve moms de support dans 1 1 . . « ttnmora tte
s'tl en est bien ainsi, une révision t ~ re tg10n que la moralité .as ».
culture et religion s'impose : si la r~? tmentale des rapports ent~
a fi~ale_ment plus de rapport avec led~ ?n, e~ tant que consolation
~és•r, 11 devtent concevable que la esltr qu avec. la prohibition d~
ans cette culture post l' . cu ture sun'tve à la l' .
.. -re tgteuse, la prohib. t. . re tg tOn :
t ton culturelle aurait
44· Ibid.
45- Ibid.
46. G. W XlV 6
47. G W •p. 3 7-8; S. E. XXI
48, G: w:
~~:~·.~~a;. s. E. xx1,·:.· ::~~-t~. fr., p. 119-laa.
1 • 8 • E. XXI, p. J8• r., p. 79.
• tr. fr., p. 103.
'
...
n•
--~-'"1,' .....-x\•.•"- ·~~~.
·~~ty.li
•
-
•
1
' '
ANAI.YTIQtrn
l
!
j
)
seulement une justification sociale; lois et institutions auraient ·une 1
• 1
origine seulement humaine: . , . . . i E
Mais, d'autre part, la rchgt?n .n _est pas pu~e tll~ston, puasqu'elle t•
comporte « d'importantes remmtscences htstonques 49 ». Moïse '
1
(
et le Monothéisme parle en ce sens de la « part de vérité dans la 1
1
1 t
religion 60 ». Pourquoi cette insistance sur la réalité du souvenir? 1
1.
49· G. W. xrv, p. 366; ~· E. xxr, p. 42; tr. fr., p. u6. l
5°· ~?fse tt le Mo,otlliume, G. W., XVI, p. 230 et suiv. Der Wahrlleitsgeluzlt
IÜ•r Re/rgron ,· tr. fr. , p. J 83 et au iv.
~
51. L'Avenir d'une illusion, G. W. xav, p. 366.7 ;s. E., xxr, p. 42• 5 ; tr. fr., p. 116·
1 8•
l
52. Morse et le Mo11otlliisme, G. W. xvr, p. 1 76-7; tr. fr., p. J u .
53· G. W. xvr, p. 186; tr. fr., p. 123. j
•
l
•
l ,
-
• •
1
1
1
l L'ILJ.USJON
me l'
nalyse de la religion : elle constitue sans doute l'exemple le plus
~ saisissant de l'action réciproque, dans l'œuvre de Freud, entre
~ue l• l'interprétation du rêve et de la névrose, et l'herméneutique de la
"
'tse •
1 culture. Nous en discuterons la validité au terme de notre Dialec-
da 1
1 tique.
ir? 1
lse 1
•
est 1
• 1
g1e
ue 1
1
rel
». lj •
m,
on
1
•ar
1
le
ns 1
.ce 1
•
• •
lCl •
J
té-
tr- l
o- 1
•
' •
»! l•
.».
1 1
'
ne j
1
iel 1
1
ne ••
lie
es
.e t
e-
ar
•
a-
rit
6-
-
-- •
•
•;
' •
•
•
TROISIÈME PARTIE
tROS, THANATO~ANANKÉ
·-
,
••
-
..
•
•
•
,
.
•
1
1
•
•
•
à
•
c
n
J,
•
r
p
tl
••
l1
• d
e
S•
d
• d
'
• •
• h
d
fi
f
r
~
1
F
' tr
p
• p
d
•
l\
do
, et
• i
•
r4
s.
p•
•
1
•
'
'
------ --- -·- ··· -
,
•
~
1
•
...
-
tait à suite qu'il ne faut pas trop attendre de cette relecture : pour des
tique. raisons tenant étroitement à la fonction critique du principe de
3ur la réalité à l'égard du monde du désir et de l'illusion, la formulation
•
tatlVe
•
la plus ancienne du principe de réalité est celle qui résistera le plus
~tque, au bouleversement suscité dans la doctrine par l'introduction de la
:!me: pulsion de mort.
à ce
mt le
t être Comment maintenant parler justement des grandes hypothèses
1alité, sur la vie et la mort? tel sera l'objet du chapitre II.
cette Notre première partie nous a appris que les hypothèses spécula-
Éros, tives du freudisme ne peuvent être justifiées en elles-mêmes; leur
tange sens se décide dans le jeu même de l'interprétation et de l'expli-
mple cation; les hypothèses spéculatives se vérifient par leur pouvoir
>posé d'articuler les concepts herméneutiques, tels que ceux de sens appa-
que rent, de sens caché, de symptôme et de fantasme, de représentant
de pulsion, de représentation et d'affect,- sur des concepts écono-
larité miques, tels que ceux d'investissement, de déplacement, de substi-
pola- tution, de projection, d'introjection, etc. Nous avions pu dire
objet que c'est finalement dans le rapport entre la pulsion, comme pre-
da ire mier concept énergétique, et la présentation de pulsion, comme
1
:ance premier concept herméneutique, que réside la spécificité du discours 1
e un analytique, lequel unit les deux univers de la force et du sens dans 1
•
1c1pe une sémantique du désir. Notre première question est alors main-
•
1t se tenant celle-ci : que devient ce discours, que devient cette séman- •
1
•
1que tique du désir, lorsqu'une spéculation de caractère plus romantique 1
• sur la vic et la mort s'adjoint à une spéculation de caractère plus
mss• scientifique sur l'hypothèse de constance et son équivalent psycho- •
rtant 1
1
zss
•
/
--
,..,rl.
~!'it!41---
·'-
-..!tt'.\.t:."' \" .. .
ANALYTIQUE •
•
•
•
1
1
1
'
1
ÉROS, THANATOS, ANANKÊ
' .
1
'
.0- • offre à cet égard rien qui soit utilisable. C'est la région la plus obscure et la plus
• inaccessible de la vie psychique, et comme nous ne pouvons absolument pas :1
)at éviter d'y toucher, l'hypothèse la plus souple (lockerste), me semble-t-il, aera la •
en meilleure. • G. W. xm, p. 3-4; S. E. xvm, p. 7; tr. fr., p. 5·
~e,
:re
es •
re
0•
p-
e-
1
1
te
18
es
•
:It
~
:l· •
,•n
...
~
tt
s, ••
•
:e l
)-
..
~,
;e
,.
~,
n i
• '
'1
1
.
18
'
:t
1•
•
j
•
... œae..--.-- a ---
"~
•
d
il
c
I
F
I:
•
I:
I
p
p
r
Il
l1
••
c
•
11
•
t.'
é
• ll
•
8
c
•
• e
c
8
Il
•
~ 11
•
c
e
11
'•
1
•
CHAPITRE PREMIER
PRINCIPE DE PLAISIR
ET PRINCIPE DE RÉALITÉ
~
1
•
/ "
1
•
1
•
1
ANALYTIQUE
,
1
•
•
l
1
(opposition des pulsions sexuellc:s et de~ pulsio_ns du ~oi) mais de
la première topique (représentation de 1apparetl psych1que comme
les
pre
une série de places : _inconscient, p~éconscient, co.nscient). •
c'e:
••
3 Une transformation plus décts1ve de la notiOn de réalité 1
0
difl
est Îiée aux deux formes plus importantes de la théorie que nous 1 dét
avons considérées dans les chapitres antérieurs : l'introduction •
SOf
du narcissisme d'une part; le passage à la deuxième topique d'autre '
rea
part. Pour des raisons différentes, mais convergentes, ces deux l'h·
réformes se traduisent par une dramatisation croissante de l'oppo- ph:,
sition entre principe de plaisir et principe de réalité : le réel, ce
n'est plus seulement le contraire de l'hallucination, c'est la dure car
nécessité, telle qu'elle se découvre au-delà de l'abandon de la posi- rer
tion du narcissisme et au-delà des échecs, des déceptions et des de
conflits qui culminent à l'époque de l'Œdipe. La réalité s'appelle la
alors nécessité et, parfois déjà, Ananké. le :
La grande u remythisation » de la théorie des pulsions, que nous «J
considérerons dans le chapitre suivant et que symbolisent Éros et • fra
la mort, ne manquera pas de retentir sur ce processus de dramati- d',
sation; nous abandonnerons la notion freudienne de réalité à ce 0 •
thè
seuil, pour la retrouver au terme de notre étude sur la mort. Nous 1
• le
parlerons donc deux fois du principe de réalité : avant la pulsion mi
de mort ct après la pulsion de mort. Le passage d'une représen- qu
tation « scientifique » de l'appareil psychique à une interprétation dé
plus« romantique>> du jeu de l'amour et de la mort ne pourra pas à:
•
ne pa~ affecter le sens même que prend la notion de réalité dans le 81!
freudisme : avant la pulsion de mort, la réalité est un concept régu:
!ate,ur de mêm~ rang que le principe de plaisir; c'est pourq~o1 ha
il s ~p~e~le ausst « pri~cipe »; après la pulsion de mort, la nouon l'é
de realite se charge d un sens qui le porte au niveau des grandes a
forces quasi. mythiques qui se partagent l'empire du mon~e: cette ra·
transfi~urat10n s_era symbolisée par le terme d' Ananké, qui rapp~lle ce
à la !ois le dcstm de la tragédie grecque, la nature dans la phllo·
sophie de la Renaissance et chez Spinoza, 1'éternel retour de
~1etzsche. _Bref, ce qui n'était d'abord qu'un principe de« ~égula· Go
non psychique » sera devenu le chiffre d'une sagesse posstble. s.
A:
l'iJ
la
1 • PRINCIPE DE RÉALITÉ ET u PROCESSUS SECONDAIRE » po
R~
pa
, Le point de départ clinique des notations de Freud sur la réalité
n est pas douteux; le petit essai de 1911 : Formulations conc11nant
a6o 1
'•
•
•
'•
1
1
PRINCIPE DE RÉALITÉ
•
1
'•
•
ANALYTIQUE
de l'essai de 191 I, non sans que l'~n pouss~ une pointe vers des pl~
•
thèmes qui vont beaucoup plus lom et qut ne se comprennent sat
que par rapport à la seconde topi.quc:. . rail
•
Le rapport entre processus ~nmaue. et, processus secor;d~re •
• pn
n'est pas lui-mêm~ ~n rappo~t ~~pie; 11 revèle entre !e prmc,Ipe 1
1
1
mê
de plaisir et le pnnc1pe de realite deux sortes de relattons. D un 1 ..
(
z6a ~
1
ji;
•
,,;
' PRINCIPE DB RÉALIT:é
!.
11:·1
place d~ns le prol.onge!Dent du pr!ncipe de .Piais.ir. A vrai dire, la n
! l
satisfactwn hallucmatmre est une 1mpasse bwlogtque; elle condui- :!
q
rait immanquablement à l'échec; c'est pourquoi l'institution du 1•
li
principe de réalité est une exigence du principe de plaisir lui- •1
même.
Si donc le principe de réalité coïncide avec le processus secon-
l',1'
!
1 daire, tout psychisme humain lui obéit, pour autant qu'il échappe <11
à l'hallucination. t
1•.
restions à cette conception du processus secondaire, dont t•opposé 1::
reste une construction théorique. Mais r l11terprétation des Rêv~s .1 .
'1
'
• 1.
'1
1f
• '.
11 ' •
•
ANALYTIQUE
•
PRINCIPE DE RÉALITi
~~~.. 1.& - - - --
_ ...
•
'
•
ANALYTIQUE
-~A'!v a.1
1•
''1 •
1• .
• •1
'
.•.
1
•: . •
1
PRINCIPE DE RMLITÉ •
'1
1
1 :'
j •1
a~
ccompagnent l'épreuve de la réalité sont celles qui protègent les
la :ystèmes Pcs et Cs contre les investi~~me~ts libidi~aux; ce sont ih·l
l'
elles qui cèdent, dans la psychose de des1r, so1t par a detournement» l ;l
la' ( Abwendung) et u retrait » ( Entziehrmg) du réel, soit par« renon- 1
•
1- Pcpt, dont nous savons maintenant qu'elle est la contrepartie 111•
1
: :1
~ de toute étude du principe de réalité; lorsque Freud dit que le
~
te système Pcpt est le noyau du moi 17, il énonce, en fait, le principe i;1
11
••
:r de réalité. Ainsi pouvons-nous maintenant dresser la grande fonc- 1i
:r
•
tion de a l'extériorité », face aux requêtes du monde intérieur, i1
{ 1
31 tant éthique que pulsionnel; plus tard, lorsque nous aurons intro-
duit le surmoi dans la confrontation avec la réalité, nous pourrons ' 1
1
dire avec le Moi et le Ça :a Tandis que le moi est essentiellement •
! 1•
~t f
le représentant ( Repriisentant) du monde extérieur, de la réalité, •1 •• 1
1 :
•
2. PRINCIPE DE RÉALITÉ l'<
lS
•
Jl
ET « CHOIX D'OBJET » ii!.. ,.
• 1
•
\' 11 1
Le P.rincipe de plaisir est ]a voie courte et facile; tout ce qui est ••
1
S· •
••
'es a6. G. W. x, p. -.as; S. E. x1v, p. aH; tr. fr., p. •8s-6. ! •
d 7· Dnns le même sens Deuil et milaruoli~ : • A\'ec Ja censure et l'~preuvo
1 I. '
l '
G la ~alité, nous rangero~s (la conscience] parmi les grande:~ institutions du moi. • •. •
•
1
•
'•.
1 \
•
! •
-•~t;a i . • 1_ ,_ _
. -. _ ...
ANALYTIQUB
268
••
ji ~
.f: i
·~
PRINCIPE DE RÉALITÉ 'l l
1·~
••
'
1
1 ~;
moyen du principe de. réal.ité 20 »,d'autre part, la tJ:téo~e des stades, 1 'i~~
••• .
1 •'' •
il établit une connex10n mtéressante entre le pnnctpe de réalité '
et le « choix d'objet », thème central de l'histoire de la libido. ,,.·l!·~
tl
•
' Cette connexion est plus précise et plus éclairante que celle que •l
,. r
1 nous avons établie plus haut entre principe de réalité et processus '
f, 1
.
1
secondaire.
Le point de départ se trouve dans cette notation capitale des
"'
• .1
)
Trois essais sur la sexualité, que la pulsion a un « but » déterminé,
:dt 1
l
1
à l'objet n'est pas donné, il doit être acquis; c'est ce problème
que la doctrine analytique désigne par le terme de Objektwahl,
r:.1
••
~
de a choix d'objet»; il constitue le thème central de la théorie des .'
stades libidinaux.
•'
Replacé dans cette perspective précise, le principe de réalité
coïncide avec l'installation du stade génital et, plus précisément
1iltl :
1
! i1
1
'
1
1
encore, avec la subordination de l'amour objectal à la procréation. ' '
1
Sur ce point, Freud n'a jamais varié; au principe de réalité il fait 1
•
1• fl 1
correspondre une organisation intra-psychique déterminée : • ' l
« l'organisation et l'assujettissement des tendances partielles à
la fonction de procréation ». A cette affirmation réitérée des Trms 1 f
~
Essais 21 correspond une affirmation semblable de l'article de 1911 : 1•
cr Tandis que le moi poursuit sa transformation d'un moi de plaisir
1
en un moi de réalité, les pulsions sexuelles traversent les change- 1
•
ments qui le conduisent à travers des phases intermédiaires variées J
'
1
r
1
.:b
• •
1
•
ANALYTIQUE •
.
1
l
PRINCIPE DE RÉALITÉ
•
.
ont l
• ~ éalité : cr De la même mamère que le mot de platstr ne peut nen
1
lité
•
•
1 /3 ~ d'autre que désirer ( wünschen) ..• le moi de réalité ne peut
letn
~~ tendre ver~ ?e qui est uti0 ct .se protéger ~e tous do~m~ges ~· ,
1
1
cet
~reud se tient ICI sur un terram bten connu. C est sur la stgmficatton
1
un 1
•
•
)Jet de l'utile que roulent les premiers dialogues socratiques. La critique
r la kantienne ne doit pas cacher la signification positive de cette
est réflexion sur l'utile; Freud, précisément, restitue à l'utile son indice
, SI
• de réalité en r opposant à la tromperie du Wunsch. Cette opposi-
! se tion reprend, à un niveau plus élaboré de complexité, celle que nous
Ldis avons trouvée plus haut entre processus primaire et sel'ondaire :
d'un côté l'utile est la vérité de l'agréable; c'est l'agréable vrai
•
!tnt substitué à l'agréable rêvé; le principe de réalité, en ce sens, est
rne bien la sauvegarde du principe de plaisir : u En fait, la substitution
tas- du principe de réalité au principe de plaisir ne marque aucun détrô-
• •
tsee 1
nement ( Absetzung) du principe de plaisir, mais seulement sa
t le • sauvegarde ( Siclzerung 29). » D'un autre côté, le moi de plaisir a
nee tant de tours dans son sac, tant de ramifications au plan des rejetons
t-il, de l'inconscient, que le respect de l'utile, aussi modeste que soit
~di- son ambition aux yeux de l'éthique, fait déjà figure de discipline.
:vé; L~ valeur corrective de l'utile devient manifeste dès que l'on
lOS- constdère que le désir est source infinie de fantasmes et ressort
: la d'illusi?ns : le désir mystifie; le principe de réalité, c'est Je désir
.
,·é . démystifié; l'abandon des objets archaïques s'exprime maintenant
trce dans l'exercice du soupçon, dans le mouvement de la désillusion,
;sé; dans la mort des idoles.
jets , ~ci ~'histoire u ethnographique » du désir recoupe et enrichit
•or-
• 1?ts!o•re cc psychologique» du désir; elle la recoupe dans Ja mesure
1on
• ~u 1on I?eu~ faire coïncider une histoire exemplaire de la croyance
:1pe une htsto1re des stades de la libido; on se rappelle dans quels
t~rmes Freud l'a tenté dans Totem et Tabou 30 : au stade auto-éro-
:nOl• ~que cor~espondrait la toute-puissance de la pensée, caractéristique
du u préammtsme et des techniques de la magie; au choix d'objet,
corbespondrait Je dessaisissement de la toute-puissance de la pensée
V11 1 ~u é~é~ce des démons, des esprits et des dieux; au stade génital
de !a hbtdo, correspondrait la reconnaissance de Ja toute-puissance
f: e a. ~ature. Mais cette histoire • ethnographique » du désir, pour
•
ntso
antats•ste qu'elle soit, ne recoupe pas seulement celle des u stades •
ème
e- 28. Jb,'d.
a9. Ibid.
3o. Cf• ca'-d--...
- .... p. 333 Ot ·
IUIV•
.-Altos
• •
ANALYTIQUE
•
•
PRINCIPE DE RÉALITÉ
3.
LE PRINCIPE DE RÉALITÉ
ET LA TACHE ÉCONOMIQUE DU MOI
ANALYTIQUE
1
0
tlOJ
c'est lui qui s'opposa aux théories évolutionnistes de Darwin qui 1
ent
nous replonge dans l'immense flux de la vie; c'est lui, enfin, qui
résiste à la psychanalyse, parce qu'elle ébranle le primat et la souve- 1 la F
0
et :
raineté de la conscience. Un nouvel aspect du conflit entre principe à Cc
de plaisir et principe de réalité se découvre 33 : le narcissisme 1
est
s'interpose entre la réalité et nous; c'est pourquoi la vérité est se l
toujours humiliation pour notre narcissisme. 1
les
Ces remarques sur le pouvoir du narcissisme de résister à la tcrr
vérité sont singulièrement renforcées par tout ce que nous savons dra
de ce monde intérieur que nous avons appelé le surmoi (aussi 1 dor
bien le concept de narcissisme secondaire rapproche-t-ille surmoi 0
t
du monde intérieur primordial ou narcissisme primaire). 1
sérr
Freud n'a pas explicitement traité des rapports du surmoi et de en
la réalité; toutefois il nous engage à explorer cette voie lorsqu'il du
!'
atteste, dans le Moi et le Ça, que u le surmoi est toujours proche du enfl
ça et peut opérer comme son représentant face au moi : il plonge 1 (
plus profon.dément dans le ça et, pour cette raison, est plus éloigné 1
1 ava
de 1~ consctence que le moi ne l'est a. »; les dernières pages de cet 1 0 de .
essat, consacrées aux u relations de dépendance du moi », sont une 1
me1
'
première contribution à cette recherche et annoncent ce qu'une 1 mo:
école post-freudienne appellera e~l'analyse du moi» (Ego-A11alyris). u
32. Eine Schwier_igkût ~er Psyclroanalyse (IQ17), G. W. xn, p. 3-12; S. E. >.'VU, 1 d'u
p . 137·14-J; tr. fr., m Essau tk Psychanalyse appliqule, p. 173·181. 1 qu',
obj,
0
33· D~s le _ la~gage qui sera le nôtre dans la Dialectique (chap. n) : c'est le 1
faux cog~to qua 11 mterpo~e entre la r~alit~ et nous; il obture notre relation a.u 1 du
mo~de, al e~pl!che de laasser ~tre la rtalitt telle qu' elle est. S'il y a, comme JO ''
0 con
c:ro•s, un cogito fondamental , il faut d'abord abandonner la position de ce cogito-
tc.ran, de ce cog•to-rtaiatance, afin d'acdder ~ celui qui ne fonde qu'autant qu'il •
la1ase être. 1
• 3!
34· ù Moi et le Ça, G. W. xm, p. a78; S.E. XIX, p. ,.s. 9 ; tr. fr., p. ao6. 0 •
Jf
••
1
'
l1
.1
••
.1
1
•
PRINCIPE DE RÉALITÉ
.1
l 11
du surmoi, à ses exigences destructrices et en général à toutes les
1
J
j 1 1
enflures du sublime et à Ja mauvaise foi de la bonne conscience.
e 1
Ce principe de « prudence », où je verrais volontiers la pointe
e• 1
1 avancée du principe de réalité, est, à tout prendre, l'éthique même
:t 1 de la psychanalyse. Dans le texte même que nous venons de com-
•
e menter, Freud rapproche expressément la tâche économique du
e moi de celle de l'analyste :
1
• « A la vérité le moi se comporte comme le médecin au cours
1,
d'un traitement analytique : il s'offre lui-même, avec l'attentt'o11
qu'il prête atl monde réel (c'est nous qui soulignons), comme un
.e 1 objet libidinal pour le ça et vise à attarcr sur lui-même la libido
u j du ça sa. » Dans le même sens, à la fin de !VIa/aise... , après a\'oir
1
.1
••
contesté que les requêtes excessives du surmoi puissent effective· i. .
jJ •
l'
1 1
,•
. 1:
1
35· lbiJ., G. W. xur, p. a86-7; S.E. XIX, p. 57: tr. fr., p. a a,s.
36. Ibid. r
•
i 275
l
.1
1
ANALYTIQUE 1
1
101
•
CHAPITRE II
•
la .1
•
•
lu J et le plus spéculatif des essais de Freud; je veux dire que la part 1'
•
l8 1
•
1
d'hypothèses, de constructions pour voir, poussées à leurs extrêmes •
la 1
1 conséquences, y est énorme 1• La pulsion de mort n'est pas d'abord
e· j déchiffrée dans ses représentants, mais posée au niveau des hypo-
thèses ou u présuppositions spéculatives » concernant le fonction- 1
nement et la régulation des processus psychiques. C'est seulement 1
r
dans un second mouvement que cette pulsion est reconnue et 1
l.
•
1. • Ce qui auit, c'eat de la ap~culation, sp~cuJation qui va parfois à perte de vue
et que chacun suivra avec sympathie ou répudiera selon sa propre disposition. l:
Il ne f'aut en outre y voir qu'un essai de poursuivre jusqu'au bout une idée, afm 1•
1
t
'
de voir par simple curiosité jusqu'où elle peut conduire. • G. W. Xlii, p. 23;
'
1 S. E. xvm, p. 24; tr. f'r., in Essais de Psydmnalyse, p. :z6. Plus loin : • ... pour lo •
moment, il peut être tentant do poursuivre jusque dans ses ultimes conséquences ,.
1 l'hypoth~e que toute pulsion veut restaurer un ~tat ~e chose antérieur. • G. W. xm, 1 •
• p. 39; S. E. XVUI, p. 37; tr. f'r., p. 43· 1
i
l
.'• •,
277
.1
ANALYTIQUE
1
.
'
'
1
1
1
•
•
/
ANALYTIQUE •
••
''
donc du plaisir qui ne peut être ressenti comme tel parce qu'il el
appartient à des organisations dépassées de la libido; c'est à cette t-
•
catégorie de déplaisir, on le sait, que ressortit la souffrance du al
névrosé. Mais, précisément, la psychanalyse nous apprend à dis- r.
•
•r cerner le principe de plaisir dans ce que le moi ressent comme Jf
1 déplaisir. el
Les deux exceptions au principe de plaisir qui viennent d'être cc
1
évoq_u écs . peuvent donc, chacune à leur manière, passer pour des 31
•
1 mod•fi.cat10ns du principe de plaisir : le principe de réalité peut,
à 1~ _ngucur, ~tre tenu pour le détour que prend le princip~ de q
• platstr pour 1emporter finalement, et la souffrance névrotique t~
•
• pour le masque que pr~nd le pl~isir le plus archaïque pour s'im~o- 81
ser m~l~ré tout. ~aas tl est clatr que ce qui confirme le princtpe c
de ,rlatstr es~ ~usst ce qui l'ébranle, puisqu'il ne peut être conçu •
qu en opposttton avec. ce qui le contrarie.
Poursmvant son hab.tle trav~il de sal?e (chap. tn), Freud met en c:
place u~e ~ouvelle séne de fat~ dont d nous assure qu'ils présup- p:
n:
posent 1 ext.s tence ct la prédommance du principe de plaisir et ne il
nous fourmssent P.as. ~ncore la hrcuve évidente de l'existence de tc
tendances plus pr~mtttves que ui et indépendantes de lui. Les p
uns sont pathologtques, les autres normaux. Parmi les premiers, p
280
~- \
.
l
1
i
1
1
rce ! ment un thème onirique fréquent dans les névroses de guerre, '1
•
ute 1
• qui montre le patient sans cesse ramené à la situation de son acci-
• l
tpe dent et fixé à son traumatisme. Nous voilà déjà sur le terrain de la
compulsion de répétition qui va devenir la référence centrale de f
l'essai. Mais Freud se replie habilement et fait une nouvelle sugges-
tre
•
tion tirée du jeu. 1
'.Sse Voici un enfant de dix-huit mois; c'est un bon garçon qui laisse
Or dormir ses parents; il est obéissant, ne touche pas aux choses
le défendues et surtout ne pleure pas quand sa mère le laisse; il joue 1
de à faire disparaître et reparaître une bobine et ponctue son jeu d'un t
1.
.té, triomphant fort-da (parti 1 Voilà 1). Que signifie ce jeu ? Il a certai-
i(
-es nement rapport à ce renoncement pulsionnel qui nous a fait dire
la que c'était un bon garçon; c'est une répétition du renoncement,
Jes mais non plus subie, passive; l'enfant met en scène le disparaître-
té- apparaître de sa mère sous la figure symbolique de robjet à sa 1
les portée. Ainsi le déplaisir lui-même est maîtrisé par le moyen de la
:é- répétition ludique, de la mise en scène de la perte de l'être aimé.
•
OSI Cet épisode, cher à quelques psychanalystes français, n'est pour-
de tant pas décisif aux yeux de Freud; une fois encore, il minimise sa
·ilà propre trouvaille, à la faveur de cette stratégie de conférencier t
!• .
l'il et d'écrivain qui ne cesse d'étonner le lecteur; ne peut-on, insinue- t
tte t-il, recourir à un penchant à la domination, indifférent au caractère
du l'
•
agréable ou non du souvenir? Ne peut-on encore penser que •
IS- !'enfant se venge de sa mère, en la jetant dehors, comme fit le ~
•
••
ne Jeune Gœthe, jetant la vaisselle par la fenêtre ? Ainsi domination •
•
et vengeance ne nous inclinent pas nécessairement à chercher, dans
tre cette impulsion à répéter une expérience désagréable, quelque
les au-delà du principe du plaisir 5•
••
ut, Mais pourquoi Freud s'est-il attardé à cet exemple, sinon parce .
de que, mêlée aux motifs de domination et de vengeance, se manifes-
ue t~t une tendance plus essentielle, poussant à la répétition du déplai-
JO• str sous forme symbolique et ludique? Suggestion inappréciable,
pe car l'exemple du fort-da ne se borne pas à confirmer celui du rêve
.çu
. s. • C'est la preuve convainc11nte que, m~me soue la pr~dominance du prin-
en cape de plaisir, il se trouve encore des voies et des moyens pour faire, de cc qui ••
•
rp· par aoi-mamc produirait du d~plaisir, l'objet du souvenir et le thème d'un rema-
ne !'Ïemcnt psychique... [ces cas et ces situations] sont inutiles à notre dessein, car •
ils présupposent l'existence et la pr~dominllllcc du principe de plaisir ct n'attcs• •
de tcnt pas avec évidence l'opération de tend11nces situées au-delà du principe de
•
..es plaisir, c'est-à-dire do tend11nces qui acruient plus primitives que lui ct indé·
rs, pendantes de lui. • G. W. xm, p. rs; S.E. xvm, p. 17; tr. fr., p . 17.
,/
-
.•
1
.•
..
ANALYTIQUE
.. ,
la pulston de mort. Freud, avec une habileté consommée, prépare d~f
•
p. :
6. G. W. xm, p. za; S. E. xvm, p. a3; tT. fr., p. as.
-
-
LES PULSIONS DE MORT
ce
- brèche dans sa propre conception d'une auto-régulation de l'appa- r
0• reil psychique par le seul principe de plaisir; celui-ci, en effet,
•
ur n'entre en jeu qu'une fois assurée une tâche préalable, celle de lier ..1'
1
• 1
•
1
ANALYTIQUE 1•
•
1
1
1
en langage économique, le contr~investissement et le surinveatis- •
•
sement.
Ces spéculations sur le bouclier anti-stimuli et les brèches dans
!
•
de
m
•
le bouclier ne sont pas vaines, car elles permettent d'explorer les
1
\
êt
•
rapports entre défense et an~oi~e. ~reud propose d'appeler
• re
angoisse ( Angst) « un état particulier d attente du danger et de
•
t
se
. qt
. préparation au danger, même inconnu 0 », alors que la frayeur 1
•
•
(Schreck) désigne l'état qu~ provoque un danger ~uque! on a été
•
a
exposé sans y être préparé; c est le facteur de surpnse qw la carac- be
• •
1
Ot
térise.
•
Quant à la peur (Furcht), elle procède de la rencontre actuelle à
d'un danger déterminé. La préparation au danger, qui donne une
.•• fonction positive à l'angoisse, est ainsi l'équivalent d'un bouclier
• •
anti-stimuli et c'est cette préparation au danger, propre à J'angoisse,
qui est prise en défaut dans ce que nous avons appelé la rupture
du bouclier ou traumatisme. Nous pouvons maintenant réinterpré-
•1 ter, en fonction de ces considérations sur les rapports entre défense
• et plaisir, les rêves de la névrose traumatique. On ne peut les r:
Il
.
•
ranger parmi les rêves de remplissement de désir, donc les placer g:
! sous le principe de plaisir, parce qu'ils ont à faire avec la tâche p:
1
de défense qui précède le règne du plaisir : a Ces rêves tâchent de 1 d
•• dominer rétrospectivement les stimuli, en développant l'angoisse
dont l'omission a causé la névrose traumatique 1°. » La compul- p
sion de répétition se trouve ainsi confirmée comme exception au cl
principe de plaisir, dans la mesure où la tâche de lier les impres- rJ
•
•
1
1•
1
1
1
LES PULSIONS DE MORT
1
•
tl a- de répétition? On ne peut échapper ici à l'idée que nous sommes
1 maintenant sur la piste d'un caractère universel des pulsions, peut-
ans 1 être de la vie organique en général, qui n'a pas été jusqu'ici clai-
les •
1 rement reconnu ou du moins explicitement souligné. Une pulsion
!ler 1
• serait alors une exigence (Drang) inhérente à l'organisme vivant,
de 1
• qui le pousse à rétablir un état de chose antérieur, que le vivant
eur 1
•
a été contraint d'abandonner sous la pression de forces pertur-
été .
1 batrices extérieures, autrement dit, une sorte d'élasticité organique
·ac- 1
•
1
ou, si on préfère, l'expression de l'inertie (Triigheit) inhérente
à la vie organique 12. ,
elle
On n'a donc monté tous ces préparatifs que pour isoler le carac-
me
lier tère pulsionnel de la compulsion de répétition, préalablement
;se, traitée comme une péripétie de la défense et soustraite par ce
ure biais au règne du principe de plaisir. C'est ce caractère pulsionnel
•ré- qui autorise, de façon décisive, à hisser l'inertie sur un pied d'éga-
nse •
lité avec la pulsion de vie.
les
t Toute la suite de l'essai consiste, d'une part, à pousser à l'extrême
' l'hypothèse, ou plutôt à la laisser se porter à l'extrême, comme un
cer 1
••
~u}
Allons donc à l'extrême! L'extrême, c'est ceci : le vivant n'est
au pas mis à mort par des forces extérieures qui le surpassent, comme
·es- chez Spinoza .13; il se meurt, il va à la mort par un mouvement inté-
rieur : « Tout être vivant meurt pour des raisons internes... le but
rer 1
de toute vie est la mort 14• » Mieux - pire ? - la vie elle-même ' .
n'est pas volonté de changer, de se développer, mais volonté de se .
•
ées ''
conserver : si la mort est le but de la vie, toutes les novations de ]a
ifi- vie ne sont que des détours vers la mort et le soi-disant instinct
!lle •
de conservation n'est que la tentative de l'organisme pour défendre
vre sa manière propre de mourir, sa voie singulière vers la mort. Ce )
ure qui impose le changement, ce sont les facteurs extérieurs, la terre • '•
me et le soleil, c'est-à-dire l'environnement pré-organique de la vie;
•
.ra·
• le pro~rès est trouble et dive~sion, à quoi ~a vie s'adapte afin de
lOD poursu1vre à ce nouveau paher son dessem conservateur. C'est
• pourquoi il devient de plus en plus difficile de mourir, tant le
100
. ..' ..• ..
~
• ••
.... .
. . . . Y • .............. _ . . . ,. s-.a~· ···~--.
0
.
. ..
... ...:. .,. . .
--···--·-·~'+-----~ ~M18'W
·illll'tW•Iriiir"~·uai•:=a
••••lll!A!!~2 · .t~~s.
· ,'~;i
· t=·~
-..
· .....
'\">'< ij
.,..,
t_
!il·''.,. ,,. ..
·t~~·, '
...
· ' 'L'·· ~ ""' '
:' .... ,~"'.""'"~
, • '\' <.: 1
~
·,;~
ANALYTIQUE
1
• 1
chemin vers la mort s'est allongé et compliqué, en même temps 1 pre!
qu'individualisé ct singularisé. Quant au soi-disant u instinct de mo
perfection », il faut y voir une conséquence de cette adaptation pas
contrainte; si toutes les voies sont barrées en arrière par le refou. 1 mo
lement, il ne reste que la fuite en avant, la voie du progrès intellec. de
tuel et de la sublimation éthique; mais rien de tout cela ne demande c'e
un u instinct de perfection » distinct des tendances conservatrices cor
de la vie.
•
~
dét
••
ch~
• 1
'
0
Le lecteur dira: pourquoi tout cela? D'abord pour nous accou- ble
!
•1 tumer à reconnaître dans la mort une figure de la nécessité, pour celi
nous aider à nous soumettre, à la sublime Ananké, u à la loi inexo- l'ar
,.• rable de la nature 16 »;mais, surtout, pour nous permettre d'enton·
1
•
•
etr•
1
'
•
ner maintenant le péan de la vie, de la libido, d'Éros 1 Parce que
•
libi
la vie va à la mort, la sexualité est Ja grande exception 16 dans la •
1
1 une
1
1 5·G. W .. xm, P; 45; S. E. XVIII, p. 45: tr. fr., p . 51. Nous reviendrons sur c:e
• tenne mythaque d Ananké. Freud, amorçant sa propre critique, observe : ,. 11
ac p~ut ~ue cette croyance en la nécessité interne du mourir ne soit encore qu'une
des al\usaons ~ue no~ nous sommes forgées um die Schwcre des Dasûns zu
• •
ertr'!gen (Schaller, D1e Braut von Messina 1 8) (pour supporter le fardeau de IIUC
l'extstence). • Ibid. • ' m~r
~~· • Faut-il dire qu.e, cl l'exception cks pulsion~ sexuelles, il n'existe pu d'outres au
•
tt
pu. aaona que celles .qua cherchent ~rétablir un état de choses antérieur, qu'il n'en unp
c·~ m~e pu qua tendent vera un état qui n'aurait ~core januûa été atteint?. c réj
· • xm, P· 43; S. E. xvm, p. 4 1; tr. fr., p. 47 . 1
• '7· G. W. Xlii, P· 43; S.E. XVIII, p. ,.o; tr. fr., p. 47•
286
••
\ •
"\
/
·~. ~• ~l~fM.jjijüfi.t>il.UW5t::t._.ZI"t.U.WMI•itEZ'M ~llfll"'rJ:UMMU~M ,,.,-f.••~--·•• \
~ 1
)
l
•f
•
1
LES PULSIONS DE MORT 1
1
•
' J
nps
1 récise de la nouvelle théorie des pulsions : si le vivant va à la .-
de ~ort par un mouvement interne, ce qui lutte contre la mort n'est
•
tl on pas quelque chose d'intérieur à la vie, mais la conjugaison d'un
•
:ou- mortel avec un mortel. C'est cela que Freud appelle Eros; le désir j
lee- de l'autre est immédiatement impliqué dans la position d'Éros; 1
nde c'est toujours avec un autre que le vivant lutte contre la mort, •
1
•
1ces contre sa mort, qu'il poursuit isolément, séparément, par les longs .••
'1 détours de l'adaptation au milieu naturel et culturel. Freud ne 1
•
•OlS•
'
••
1
cherche pas l'impulsion dans quelque vouloir vivre inscrit en cha'- l
1
pas • vers les petites unités; vers les grandes unités, d'une part : dans
•
tlon t l'essai de 1921, Psychologie collective et A11alyse du moi, Freud
1
1 rapporte expressément à Éros, au lien libidinal, la cohésion d'ensem-
:ou- 11 bles humains de plus en plus étendus et plus particulièrement
l
)OUf celle des collectivités organisées et artificielles comme l'église et
exo- l'année; vers les petites unités, d'autre part : la copulation des
1 êtres monocellulaires suggère que l'on cc applique »la théorie de la
ton-
que libido aux rapports des cellules elles-mêmes; il faudrait alors prêter
1s la ' une sexualité aux cellules, par quoi chacune neutraliserait quelque
1 •
sens • peu la pulsion de mort des autres : « De cette manière la libido
1
sont de nos pulsions sexuelles coïnciderait avec l'Éros des poètes et des l
•
JSem philosophes qui fait tenir ensemble toutes les choses vivantes 111• » 1
1
nène l
Cette généralisation de la sexualité ne simplifie pas, mais com-
•
ttons plique la situation : le dualisme d'Éros et de Thanatos apparaît
'
mue dans un dramatique retzversement du pour ou contre, plutôt que dans 1
1
)rte- chaque vivant poursuit sa propre mort; en un autre sens tout est .
pu!- vie, puisque le narcissisme lui-même est une figure d'Éros : dès ,,"
l?rs qu'Éros est ce qui conserve toutes choses et que la conserva-
très tion de l'individu dérive de l'attachement mutuel des cellules
sur co 18. Freud ne manque paa de rapprocher (chnp. VI) sn théorie de celle do
.• dl Weiasmnnn, qui identifie les parties mortelles de ln substance vivante au soma
u'unc ct la pllrtie immortelle au gtrmetJ. Mais Freud se sépare de Wcissmann lorsque •
ns zu celui-ci conclut à l'immortalité des protozoaires ct tient Ill mort pour une acqui-
au de aition ultérieure de l'organisation. Si la pulsion de mort est primitive, il ne faut
meme pns accorder l'immortalit~ aux protozoaires. Freud se rapproche dO$
11utres auteura qui ont soutenu que la sénescence eat un fnit universel de la vic, par
il n'en impossibilité d'éliminer Ica déchet& du métaboliamo, ct qui ont spéculé aur Ja
~int l• c réjuvénation "des protozoaires parc conjugaison "·
19. G. W. xur, p . S4i S. E. xvm, p. so; tr. fr., p. $8•
.. \ ~ ..
·-·~
. -. . . . . . .
1
ANALYTIQUE
•
•
•
288
\
.
•
•
1
~ment
différences d'investissement, selon que la libido se porte vers le
moi ou vers l'objet, comme dans la seconde théorie des pulsions; •
..
•
:t il le ' Nous avons insisté plus haut sur le surplus de sens que la « spécu-
figure lation » confère à la pulsion de mort par rapport à tout déchiffrage
•
1t que de cette pulsion dans les « représentants », de quelque niveau ou
omme 1
de quelque ordre soient-ils. Cette discordance nous est apparue '
1
•
ïimila- comme une donnée irréductible de la théorie. Il faut maintenant
mveau f essayer de la comprendre. Pourquoi cette absence de symétrie
objets, entre l'herméneutique de la vie et l'herméneutique de la mort?
e faire 11
Pourquoi la conjecture l'emporte-t-elle sur l'interprétation, lors- 1
'
IVeC la qu'on passe de la théorie de la libido, prise à ses deux stades anté- ••
·averse 1 rieurs d'élaboration, à la théorie des pulsions de vie et de mort? •
1
étude Une remarque insistante de Freud lui-même peut amorcer
1
:tai est notre réflexion : à plusieurs reprises - déjà dans Au-delà... , mais <
• 1 ••.
os qut 1 surtout dans le Moi et le Ça et dans Malaise dans la civilisation- •
'œuvre Freud parle de la pulsion de mort comme d'une énergie« muette», ;
•
1
e dua- par opposition à la « clameur » de la vie 22• Ce décalage entre la
j •
.,•'•
iément 1
1
pulsion et ses expressions, entre le désir et la parole - signifié J
e dans par l'épithète« muet))-, nous avertit que la sémantique du désir '1
~
1
ni de n'a plus ici le même sens. Le désir de mort ne parle pas comme le 1
désir de vie. La mort œuvre en silence. Dès lors, la méthode de .1
déchiffrage, basée sur l'équivalence de deux systèmes de référence, •·J
pulsions celui de la pulsion et celui du sens, se trouve en difficulté. Et pour-
.emières •
tant la psychanalyse n'a pas d'autre ressource que d'interpréter, • '
plus de c'est-à-dire de lire un jeu de forces dans un jeu de symptômes•
.. so. Et C'est pourquoi Freud se borne, dans ses dernières œuvres, à
sommes
entifi~es juxtaposer une spéculation aventureuse à un déchiffrage partiel.
de vie. Ce sont seulement des u parties » de la pulsion de mort qui sont
onserva· exhibées par tel ou tel « représentant ». Mais il n'y aura pas équi-
corriger,
elle l'CSI
~signons
exuelles, aa. • Les pulsions .de ~ort sont. par nature. muettes et la clAmeur de la vio
E. xvur, oro~do pour l'eaaentael d ~roa. • G. W. xm. p. a75; S.E. xrx, p . 46; tr. fr.• p. ao3.
1
~------
\.
t.
1
... •
. <>: ··· -. .
• \
ANALYTIQUE .
..
valence entre ce qui est déchiffré et ce qui a été conjecturé 1
se:
'•
• Ce point doit être gardé en mémoire lorsque l'on s'engage d~ 1 an
•
.
•
la suite des écrits qui ont exploité la ~ercée opérée par Au-delà..• 1 et
• On observe un double déplacement d accent : d'abord de la ten- . au
•
•
dance à répéter à la tendance à détruire ; ensuite des expressions pt
plus biologiques à des expressions plus culturelles. Mais cette suite • •
ICI
.
•
des manifestations de la pulsion de mort n'épuise sans doute pas qt
• la charge de sens fournie par la spéculation; une signification dt
) .
. . essentielle est peut-être même perdue, lorsque ce mutisme est de:
<
..• lui-même transcrit en clameur. Aussi bien Freud parle-t-il des su•
;· pulsions de mort, plus volontiers que de la pulsion de mort (nous dt
n'en avons pas tenu compte dans notre reconstitution de la spécu- . re'
•
.• lation freudienne}, réservant ainsi la possibilité d'une grande pl
!
diversité d'expressions et d'une énumération non exhaustive de
.•
• ses manifestations. d<
Le premier déplacement d'accent est déjà très sensible dans i à
'
1 Au-delà du principe de plaisir : c'est la compulsion de répétition C;
. qui introduit la pulsion de mort; mais c'est l'agressivité, sous la 1 la
1
~
•
'. double figure du sadisme et du masochisme, qui la confirme et la et
1
f vérifie. Ces deux derniers exemples n'ont d'ailleurs pas la même .
• •
. •
•, signification : le premier est simplement incorporé à la nouvelle 81
•
'1
théorie, le second est proprement réinterprété à sa lumière. a\
La théorie du sadisme est en effet très ancienne; depuis les C<
Trois Essais sur la Sexualité, elle couvre trois groupes de phéno- . 1':
mènes : elle désigne d'une part une composante plus ou moins dl
• perceptible en toute sexualité normale et intégrée, d'autre part 1 dl
•.
•
• une perversion, le sadisme proprement dit c'est-à-dire une manière dl
d: êtr~ indé~enda_nte de cette composante ~exuelle, enfin une o~ga
l
•
rusatlOn pre-gérutale, le stade sadique où cette composante JOUe rr.
..' un rôle dominant. ' à
' d·
- Le cas du masochisme est assez différent, puisque jusqu'à
prés~nt - dans les. Trois, Essais... et dans Les pulsions et leurs 3!
1
destzns_ -, le. masochtsme n était qu'un sadisme a retourné » contre Cl
le mot : mamtenant Freud voit dans ces formes de masochisme p·
•
un phén~mène dérivé; elles marqueraient seulement le retour, u
1~ régresston à un masochisme primaire. On en verra tout à l'heure
1
1 tmportance pour achever une théorie du surmoi de )a conscience 1
j
1
;
....:.'' \"'_.,.,.
'.... ""' ...
''
\
'·' ··'l
11
1
1
•
• li:!
LES PULSIONS DB MORT
1 28• .
ré. 1
1
•
sexualité et de son fonctionnement dissocié Du moins ces deux
lilS 1 amorces montrent en clair le décalage entre la pulsion de mort
2••• 1 et ses manifestations; celles-ci marquent l'émergence de la pulsion ii
~n .. . au niveau d'une relation objectale; à première vue, le cas de la '·
[f .
ms pulsion de mort ne paraît pas différer de celui de la pulsion de vie :
•
:.te ici aussi sadisme et masochisme se laissent interpréter, parce ~~
)38 qu'ils ont un « but >> particulier - détruire - et des « objets » lili
.on déterminés - le partenaire sexuel ou le moi. Mais rien ne permet
est de dire que la pulsion de mort passe entièrement dans ces expres- 1t
da sions comparables aux représentants de la pulsion de vie; ni le jeu ;l•
·~
ms du Fort-Da, ni même la compulsion de répétition ne se Jaisssent
:u-
lde
•
• réduire à la destructivité. La destructivité est seulement une des
pulsions de mort 24•
;l ••
de Ce double mouvement - le remplacement de la compulsion
fl
de répétition par la destructivité, Je passage d'une métabiologie 1!
1•
ms à une métaculture - ne sera achevé que dans Malaise dans la
.on
i
Civilisation,· mais les chapitres IV et v de le Moi et le Ça fournissent il!1
la ,1 la transition indispensable entre la métabiologie de Au-delà... Il
1·•
la et la métaculture de Malaise dans la Civilisatimz. li
me 1 Le trait de génie, dans le Moi et le ça, fut de mettre en prise, t
'·
~
•
•
:Ile si j'ose dire, la théorie des trois instances - moi, ça, surmoi -
l avec la théorie dualiste des pulsions empruntée à Au-delà... Cette
1 l',•
les confrontation permet de passer d'une spéculation qui restait en ,.,.. (
10- 1
•
l'air à un véritable déchiffrage: c'est dans l'épaisseur du ça, du moi, ••
•
ms du surmoi, que nous allons désormais désimpliquer les pulsions ....••
1•
art 1 de mort, au lieu de les considérer face à face dans une mythologie •••
1)
ère !
dogmatique.
?a• Absolument parlant, le dualisme des pulsions concerne seule- • ,,!1
;:) 1
.
lUC ment le ça : c'est une guerre intestine du ça 26• Mais elle diffuse 1
à partir du fonds instinctuel pour éclater dans les parties hautes .r:
u'à du psychisme, dans le cc sublime »: Ce proc~ssus de ,~ésintri,ca~on •1
i
•1
1•
ur, intérieur.
l'
Jre 1'
1•
!
1
•
'
;. • 0 • •
1
ANALYTIQUE
t •
les « déplacements n caractéristiques des processus primaires.
••• Ces concepts d' cr intrication » et de « désintrication » sont donc
t t des concepts construits en vue d'énoncer en langage énergétique
.
•
'
•
ce qui se passe quand une pulsion met son énergie au service
•
• des forces travaillant dans des systèmes différents. C'est bien t
•
pourquoi ils ne reposent sur rien qu'on puisse vérifier au niveau
•
même des énergies, où ils sont censés opérer : intrication et désin- 1
trication ~ont simplement le corrélat, en langage énergétique,
1
de ce qut apparaît dans un travail d'interprétation appliqué au
• '•
plan des « représentants » de pulsions.
• Si l'on yeut mettre ~e l'ordre dans la suite des « représentants D ••
de la puls10n de mort, tl faut les parcourir de bas en haut, du plus !
• 1
.•
•
biologique au plus culturel.
:'-u plus bas. ~egré, nous rencontrons la forme érotique du maso· !
1
•
1
•
• •
1
. '1 1
•• 1 •
~ •'
1
••
l '
•
1 \
1 j
LES PULSIONS DE MORT '•
1
•
IOn 1 1
i
:ono.. secondaire (Nebenwirkung) ,· à supposer que ce mécanisme existe, 1
elle- déversée vers le dehors, sur les voies de la musculature; c'est ce '!
1
•
triee, courant de destructivité qui se met au service de la sexualité et '•'
ment constitue le sadisme proprement dit; mais la partie non déversée t1
à la extérieurement, « garrottée qu'elle est libidinalement par la coexci- • •
arac- tation sexuelle dont il a été parlé plus haut », constitue le maso- 1
•••
1 chisme érogène, le plaisir de souffrir. Le masochisme érogène 1
Dans 1
;
! n'ai
1 _ est donc le « résidu », resté à l'intérieur, d'une destructivité qui 1
•
1
cette est équivalemment sadisme primitif ou masochisme primitif. '•
ns le On le voit, les énigmes abondent : nous ignorons comment se !
J•
bido, produit la « domestication » ( Bandi'gung) de la pulsion de mort par f.
epar la libido qui est à l'œuvre non seulement dans le sadisme, c'est- •
1
à-dire dans la partie de la pulsion de mort déversée sur les objets ·' .
293
'•
1
•
1
1
'
....
•• -· --·... ··--- -~ -------
~ .
•
•
'
ANALYTIQUE '•
'
1'
.
L'important est la liaison découverte entre la Faute et la Mort 1
1 qu'
C'est ici la plus extrême conséquence de la parenté entre le surmoi pas
et le ça. Le caractère puls!o?nel ~u. ~unnoi implique non seule- 1 1
ment qu'il c~mpo~~e d~ res1dus hb1dmau."< à trav~rs le complexe rés
•
'
• d'Œdipe, mats qu Il s01t chargé de rage destructnce à la faveur bes
1 de la u désintrication » de la pulsion de mort. Cela va très loin mu
• .
l
jusqu'à diminuer l'importance de l'instruction, de la lecture, d~ de
« choses entendues », bref des représentations verbales dans la qu'
conscience morale, au bénéfice des grandes forces obscures qui av(
'•
•• montent d'en bas. Comment se fait-il, demande Freud, que le '•• le
\
surmoi se manifeste essentiellement par le sens de la culpabilité lib.
1 et déploie une telle cruauté à l'égard du moi, au point de se montrer 1
pal
«aussi cruel que seul peut l'être le ça 29 ». Le cas de la mélancolie ' et
nous invite à penser que le surmoi s'est emparé de tout le sadisme du
disponible, que la composante destructrice s'est retranchée dans 1 re~
. 1 le surmoi et retournée contre le moi : « Ce qui règne maintenant
1
1
•
•
• dans le surmoi, c'est, dirait-on, une culture pure de la pulsion de d'i
1 1'
mort... 80 » et
·•
• • En émergeant ainsi au niveau du surmoi, la pulsion de mort ch
1 t découvre tout d'un coup l'ampleur de ce que nous venons d'appeler no
• 1
\
la culture pure de la pulsion de mort : pris entre un ça criminel qu
WL
'1
et une conscience morale tyrannique et également mortifiante,
1 '
le moi paraît ne pas avoir d'autre ressource que de se torturer êtJ
• 1
rai
ou de torturer les autres, en détournant sur eux son agressivité. pl;
D'où le paradoxe : u Plus un homme domine son agressivité vers
~e dehors, p~us il devient sévère, c'est-à-dire agressif, dans son
ex
' dt
•' •
• 1d.éal du mot 31 », - co~me si l'agressivité ne pouvait être qu.e dé
•
detournée contre autrut ou retournée contre soi. On aperço1t c'c
• immédiate~en~ le prolongement religieux de cette cruauté éthique, tn
da~ la proJeCtion d'un être supérieur qui punit sans pitié. . .
•
i
• Uf
St !lous rapprochons cette cruauté du surmoi de la descnptton
anténeure ~~ « masochisme érogène », il semble à première yue n(
•
que toute ha18o~ .avec 1~ sexualité fasse défaut et que l'on pUisse d
suppo~er ~e hatson d1recte entre destructivité et surmoi, sans d<
étape erottque. ~ans le Pro.blème économique du Masochisme, Freud rn
tente de reconstituer les hens dissimulés entre l'érotisme et ce ta
• te
a9. G. W. Xlii, p. ~84; S. E. XIX, p. 54; tr. fr., p. asa.Ileatremorquableque bi
Freud appelle nLle aenttment de •culpab'tlt' té d o cer t 111nes
· ...
nevroses o b sess1·annelles
• tapageur » ( .wer1a ut, over-11ouy) • c'est bi d · t 1 de la
pulsion par elle-même • muette •. • 1
en une ea • VOlX c aman ca di
•
JO. G. W. XUI, p . a83; S. E. XIX .,. Sl. tr f
31. Ibid. ',.. • • r., p. 211 •
il
1
•
•
••
•
•
'
•
i
'•
•. LES PULSIONS DE MORT
•
1
•rt. 1 qu'il appelle le « masochisme moral », lequel, il est vrai, ne recouvre
lOt• l pas tout le domaine du surmoi.
le.. l
1
Le sentiment inconscient de culpabilité, découvert dans la
:xe résistance forcenée à la guérison et appelé plus correctement •
:ur besoin de punition { Strafbediirfnis), laisse apercevoir ce lien dissi-
•
an, mulé entre masochisme moral et érotisme. Le lien que l'angoisse '
les de conscience trahit avec l'érotisme tient à la parenté profonde 1
la que le surmoi conserve avec le ça en raison des liens libidinaux 1
lUI
•
!
.
•
avec la source parentale de l'interdiction; c'est le lieu de le répéter:
1
1
.1tele, •
•
le surmoi est le « représentant du ça » (Vertreter des Es). Ce lien
libidinal peut se détendre indéfiniment, à mesure que u l'image »
1
rer 1
paternelle est remplacée par des figures de plus en plus lointaines
lie ' et de plus en plus impersonnelles, jusqu'à la sombre puissance
ne du destin que bien peu d'hommes arrivent à couper de toute
IDS 1 représentation parentale. •
tnt Mais ce rapprochement nous donne en même temps J'occasion f
de d'introduire des nuances qui paraissaient négligées dans le Moi ea
et leça. D'abord une nuance entre sadisme du surmoi et maso-
Jrt chisme du moi, ou u masochisme moral » proprement dit : ce que • 1
l
Jer nous avons décrit dans le Moi et le Ça, c'est le sadisme du surmoi, 1
•
1el
te,
qui « prolonge la morale dans l'inconscient » (eine solche unbe-
wusste Fortsetzung der Moral),· l'aspiration du moi lui-même à •
'
1
••
1
'
1
:er être puni n'est pas exactement la même chose; c'est lui qui se 1
,
rattache au désir d'être battu par le père, dont nous avons vu la t
te. 1
:rs place parmi les expressions du u masochisme érogène »; ce désir :
\
on exprime donc une resexualisation de la morale, en sens inverse
••
ue • du mouvement normal de la conscience morale, qui procède de la •• .1
:ut• démolition, donc de la désexualisation du complexe d'Œdipe;
te, c'est donc une moralité resexualisée qui peut produire cette mons-
trueuse u intrication » de l'amour et de la mort qui répond, au plan
on • sublime ,,, à ce qu'était la jouissance de souffrir au plan « pervers. »
ue On voit combien il serait périlleux de tout confondre : moralité •
.
les bilité est fait de tout cela, mais selon des proportions variables.
Si l'on reprend les analyses de le Moi et le Ça à la lumière des
distinctions proposées dans le Probleme économique du Masocllisme
il faut dire que ce qu'on a décrit plus haut concerne le sadisme d~
•
• 295
•
- ----·--~---- -- ·· •
.
•
,.
•
•
• •
•
1 •
ANALYTIQUE
•
1
surmoi plutôt que le masochisme du moi ou « masochisme morat •
• Ce sadisme du surmoi est-il a~ssi nettem~~t , opposé à la con:~ la 1
denee normale que le masochtsme caractense plus haut par la
•
vol•
resexualisation du complexe d'Œdipe ? Il est pl~s difficile de le dire: con
toutefois il est remarquable que, dans le chapttre v de le Moi elit (ret
pell
••
• ça, Fr~';ld se soi~ borné à dé~rire deux malad,ies du. sentiment de ren
culpab1hté : la ne":rose ..obsessiOnnelle e~ 1~ melancohe, et. qu'il ait qut•
manifesté plus d'mtéret pour leurs differences respectives que ang
pour leurs ressemblances communes avec la moralité ordinaire. l'an
1
.
f C'est dans la mélancolie que le surmoi se révèle comme culture per
pure de la pulsion de mort, jusqu'au point du suicide. Dans la j
. 1
névrose obsessionnelle, au contraire, le moi se protège contre sa • des
.
1 propre mise à mort en transformant ses objets d'amour en objets (G.
1!
de haine; c'est contre cette haine, tournée vers l'extérieur et que le mo.
moi n'a pas adoptée, que le moi lutte tout en subissant les assauts 1.
• 1 du surmoi qui le tient pour responsable; d'où les tourments sans •
t
• •
fin du moi en lutte sur deux fronts. Ces tourments de l'obsédé,
..
' 1
:
1
ce culte de la mort du mélancolique sont-ils aussi nettement opposés
à la désexualisation de la conscience morale normale que l'était
t .t le masochisme? Il ne le semble pas. Mais le tableau n'en est que
.1 • I
1
• plus inquiétant; en effet, même si le sadisme du surmoi ne comporte sur
•
'
1
•
1
pas d'étape érotique, il représente une inclusion directe de la en
•1
.
•
pulsion de mort dans le sadisme du surmoi et réalise ce qu'on pour- san
rait appeler une sublimation mortelle. C'est ce que suggère un et 1
•
1 rapprochement entre désintrication, désexuali~ation et sublimation. pré
• •
•• .• Le sadisme du surmoi représente ainsi une forme sublimée de la nt tl
.' destructivité; c'est dans la mesure même où elle est désexualisée, les
•
1 par désintrication, qu'elle devient mobilisable au bénéfice du sur- mc1-
.' moi; c'est alors qu'elle devient a pure culture de la pulsion de sati
mort». La désexualisation du sadisme n'est donc pas moins dange- not
.' 1
•
•
•
...
. --·-- - - - - .
·-
•
~ . . ..
'
.'
• 1
P.ro.. 1 impose d'abandonner ses positions antérieures; d'autre part, que -
~ros le lien libidinal qui constitue la société prélève son énergie sur la 1
ru•on sexualité privée, jusqu'à la menacer d'atrophie. Mais tout cela est
eurs
.ême
si peu« tragique,, que nous pouvons rêver d'une sorte d'armistice
ou de composition entre la libido individuelle et le lien social.
'
1
1
ndi.. .. 1
f
Aussi la question resurgit : pourquoi l'homme échoue-t-il à r1 •
ouf.. être heureux? Pourquoi l'homme est-il insatisfait en tant qu'être .•
mes. 1 '
1
1
de culture? 1
: de C'est ici que l'analyse prend son tournant; voici que se pose, face 1
nké, à l'homme, un commandement absurde : aimer son prochain
•
•
1
que
• comme soi-même, - une exigence impossible : aimer ses ennemis, 1
:uter - un ordre dangereux : ne pas résister au méchant; commande- !1
t les ment, exigence, ordre qui dilapident l'amour, donnent une prime
1
1
•
it le au méchant, conduisent à la perte l'imprudent qui leur obéit. 1
• •
. qw Mais la vérité qui se cache derrière la diraison de l'impératif, c'est
1
•
stes. la déraison d'une pulsion qui échappe à une simple érotique :
·e la « La part de vérité que dissimule tout cela et qu'on nie volontiers
aux se résume ainsi :l'homme n'est point cet être débonnaire, au cœur
ut : assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque,
mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données
éro- pulsionnelles une bonne somme d'agressivité... L'homme est en 1
ndi· effet tenté de satisfaire son besoin d'agression contre son prochain,
•
1que
•
d'exploiter son travail sans dédommagement, de l'utiliser sexuelle-
lffil• ment sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humi-
tque lier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer.
nent Homo homini lupus 36••• »
,• on La pulsion qui pert~r~e ainsi la relat!on de l'hof!Ull~ ~ l'ho~me
siste et requiert que la soctete se dresse en 1mplacable JUstlctère, c est,
lien on l'a reconnu, la pulsion de mort, identifiée ici à l'hostilité pri-
•
:IOnS mordiale de l'homme à l'égard de l'homme.
ùes; Avec la pulsi~n de ~ort se fait jour ce que Fre.ud app.elle désor-
oute mais une u pulston anttculturelle ». Dès lors, le hen soctal ne peut
1tile, plus être tenu pour un.e simpl~ extension de la li~ido indiv.iduelle,
comme dans Psychologze col/ecttve et Analyse du mot. Il est lw-même
r. !r., •
35· G. W. xav. p. 470-1 ; S. E. XXI, p. 1 n ; tr. fr., p. 47• {
•
....
•
ANALYTIQUE
•
•
. .'
•
Et c'est cette lutte de géants que nos nourrices veulent apaiser
en clamant : Eïapopeia du Ciel 36 • »
l
1
la
f<
•
l1 à
' Voilà donc la culture elle-même transportée sur la grande scène
'.
• cosmique de la vie et de la mort 1 En retour, la pulsion « muette • .. d
!
•
parle dans son « dérivé » et son << représentant ,, principal. En deçà .1'•
.•! d'une théorie de la culture, la mort n'est pas encore manifestée : •
/
ti
..
•
; la culture est son espace de manifestation; c'est pourquoi une 1 Sl
l'' théorie purement biologique de la pulsion de mort devait rester
1 v
•
spéculative; c'est seulement dans l'interprétation de la haine et ~e e.
la guerre que la spéculation sur la pulsion de mort devient déchif- d
•
.•
frage. '
• g
..•! Il y a ainsi une révélation progressive de la pulsion de mort à d
. tr~v.ers , les trois niveaux biologique, psychologique, culture~; 1 é
.. '
• 1•
satste ~ abord dans le filigrane d'Eros, la pulsion de mort r~s?tt 1
p
• m~quee dans sa composante sadique; tantôt elle doublait la hbtdo n
l. obJ~ctale, ta~tôt elle surchargeait la libido narcissique; son anta- a
gomsme devtent de moins en moins silencieux à mesure que •
1 St
•
•
l'É.ros se déploie! UJ?-Ï~sant le vivant à lui-même, puis le moi à son e:
' objet, enfin les mdtv1dus dans des groupes toujours plus vastes. Ct
C'est à c~ der~ier niveau que la lutte entre Éros et Thanatos devient d
guerre declaree; paraphrasant Freud, on dirait que la guerre est la n
clameur de la mort. L'aspect mythique de la spéculation n'est n
p~ pour a~tant atté.nué; la mort n'apparaît plus seulement dé~o d
•
mque, mats démomaque : c'est maintenant la voix de Méphts· 81
•
!ophélès gue Freud emprunte pour parler de la mort, comme
il mvoquatt le Banquet de Platon pour illustrer Éros. q
Le choc en retour de l'interprétation culturelle de la pulsion p
36. G. '"!V·.Xtv, P· 48_1; S. E. XXI, p. 121; tr. fr., p. 57. Eiapopela vom Himnttl
est une cttnuon de Heme, dana Dt:Utschland, chant 1 , etrophc 7 •
• •
•
' 300
•
... ... ..
~ · #" ., • •
~ ~
' .' ' r .
•
' 1
,•
• 1
LP.S PULSIONS DE MORT 1
1 '
1, • 1
deçà 1
•
Cette nouvelle interprétation de la culpabilité déplace tous les
, • .. accents : vue du point de vue du moi et dans le cadre de ses « rela- '1
;tee : •
•
une tions de dépendance ». (Le Moi et le ça, chap. v), la sévérité du
·ester surmoi apparaissait comme excessive et dangereuse; cela reste •
1 •
'
t
'
'
. ..
.... . a , n ·r• ••·mt• . -·-
- - - •=flll-.t;.-.a..t•--· ••
•
• 1
•
••
1
• 1
•
• ANALYTIQUE
•
'1
1 Ce qui fait l'extraordinaire complexité de ce sentiment, c'est que le
•
1
conflit entre pulsions s'exprime par un conflit au niveau des instances; du
•
l
• ~'est pou,rquoi la lecture de le Moi et le ça n'est pas abolie mais s'e
1 mcorporee. àl
r1
' •
•• On peut en dire autant de l'interprétation œdipienne, à l'échelle • de
.. ffi4
•
de l'individu ou de l'espèce; le jeu d'ambivalence propre à la
situation œdipienne - amour et haine à l'égard de l'instance • de
• ••
parental~ - fait l.ui aussi partie du jeu plus vaste de 1'3m:biyal~nce do
•••
... ce
~ • des P"?lstons de .v1e et de mort; prises isolément, les cons1derauons
•1
. généttques parttelles, élaborées à différentes époques par Freud,
.• • concernant le meurtre du père primitif et l'institution du remo!ds, illl
gardent q~elque chos,~ de pr~blématique, ne serait-ce qu'en r~son du
• de la contmgence qu mtrodUit dans l'histoire un sentiment qua en us
1 1 même temps se présente avec des traits d' u inévitabilité fatale 40 ». lâc
l'a
~ ca~c~ère c~nti~gent ~e c~ cheminement, tel que le reconsti~e
•
•
l 38. G. W. XIV, p. 483 ;. S. E. nr, p. 1a4 ; tr. fr., p. 5s.9•
• 39· G . W. XlV:. P· ~95 ; S. E. XXI, p . 135; tr. fr., p . 70•
40. Du! verha11gmsvolle Unvermeidlichkeit del Schuldgcfilhll G. W. XIV,
p. 492.; S.E. XXI, p. 13a; tr. fr., p. 67. '
•
•
JOZ
•
•
•
1
l LES PULSIONS DB MORT ••
•
l
succession des figures. En mortifiant l'individu, la culture met la ..
me mort au service de l'amour et renverse le rapport initial de la vie •
.
• 41, G . W. xrv, p. 493·4: S. E. xxr, p. 134: tr. fr., p. 68•
.p. G. W. XJV, p. 495; S.E. XXI, p . 135; tr. fr., p. 70.
v,
303
.••
•
• •
1
•
•
• '
J
(
1
• .. CHAPITRE III ]
• 1
1
INTERROGATIONS •
1
1
.• 1
1
1
1
J'aimerais rendre hommage à Freud en rassemblant dans ce
chapitre quelques-unes des questions qu'il ouvre beaucoup plus • c
• qu'il ne ferme. En dépit du ton tranché et même de l'intransigeance
du maître qui supporta rarement la dissidence et le dissentiment,
la dernière phase de la doctrine freudienne débouche sur un certain
'
•
1 •
1
'
•
• nombre de questions non résolues dont nous essaierons de faire {
un bilan provisoire : c
... : 1
1
,
'
1. Est-il bien sûr que nous connaissions mieux la pulsion de (
•
1 ••
1 •
INTERROGATIONS .·
•'
Tel est le sens des trois questions sur lesquelles débouche à •
:
•
notre sens la dernière lecture de Freud : qu'est-ce que la pulsion
de mort et quel est son rapport avec la négativité? Qu'est-ce que le
: l, ;•
i plaisir et quel est son rapport avec la satisfaction? Qu'est-ce que !
la réalité et quel est son rapport avec la nécessité?
' j ~
l
1
1
1
1
1
~
1 •
I. QU'EST-CE QUE LA NÉGATIVITÉ?
1
1
1
ce La pulsion de mort est un concept problématique à bien des
us égards:
tee C'est d'abord le rapport entre spéculation et interprétation qui
:tt, fait problème. Aucun lecteur ne peut être insensible au caractère
•
un incertain, sinueux et proprement u boiteux 1 » de cette spéculation
•
1re et de son cortège d'hypothèses pour voir. Freud lui-même accorde
1 qu'il ne sait dans quelle mesure il y croit 1• Il parle une autre fois
de !
.
1
d'une équation à deux grandeurs inconnues 8• Il dit encore que la
fin supposition d'une tendance à rétablir un état de choses antérieur,
['y si elle est comparable à un rayon de lumière dans les ténèbres,
;se est u plutôt un mythe qu'une explication scientifique 4 ». Aucun
'1
r? traité de Freud n'est aussi aventuretL~. On comprend pourquoi :
u- toute spéculation directe sur les pulsions, hors de leurs représen-
tants, est mythique. Or la troisième théorie l'est plus que les précé-
us • dentes, dans la mesure où elle prétend atteindre J!UJ.!!P~!!~L~ê_me
•
:re
1
des pulsions. Le premier concept de libido, globalement opposé
la aux" pulsions du moi, était le concept unitif présupposé par les
on diverses vicissitudes ou destinées de pulsion; le second concept
ue 11 de libido qui rassemble libido d'objet et libido du moi, était
~1';18 vast~ que le l?remier, pu!s9u:il commandait les ?iverses rép~
•
lS,
tltions des investissements hb1dmaux. La spéculation sur la v1e
1 et la mort vient se placer en arrière de ces deux concepts de libido;
en
n- 1 le réseau u d'analogies, de corrélations et de connections 6 », aux-
le-
la 1. Freud cite, en conclusion de 11f·rklù du Pr!nci'pe de plaisir, deux vers orien-
~ ê' taux tirés du 1\1aqdmdt de al-Hann : • Cc qu on ne peut atteindre en volllllt,
ne 1
doit l'~tre en boitunt •.• Il est dit dans l'Écriture : boiter n'est point p~chcr. •
:e-
2 , Au-delà... , G. W. xm, p. 64; S . E. xvm, p. 59; tr. fr., in Euaû rh Psyclw-
·~ nalyse, p. 68.
·os 3, G. w. xru, p . 62; S. E. xvur, p . 57: tr. fr., p. 66.
.ce 4· Ibid.
, G. \V. xur, p. 66; S. E. XVUI, p. 6o; tr. Cr., p. 70•
• 5
/ •
•
,'• •
•\
.
• •
. ..
. ... . "
' .
•
r '
ANALYTIQUE
tton et du mythe? Il ne suffit pas de dire que chez lui la theone ' f
a toujours excé~é l'interpré~tion pas à pas ct terre à terre.. C'e~t 8
la nature quast mythologtque de cette métabiologie qw fa1t 1
'• 1
problème. Peu~-être f~ut-il s~p~oser que Freud remplissait . un
?
de 8<!;5 plus an~.•en~ ~és!rs, ~el~1 a~ler de la psychologie à la philo-
aophte, et qu 1l h.ber~t ams1, 1 e~ugence romantique de toute sa
pen_.sée, que le sc1enusme mecamste de ses premières hypothèses
ava1t seulement masqué.
•
•
•
9· Nous proposerons, dans la Dialectiqu~. de rapprocher la libido freudienne
du conatus spinoûste et de l'appitition leibnizienne, voire de la vo/ontl aelon
Schopenhauer et de la volontl de puissanu chez Nieuac:he.
Jo. Cf. ci-dessus Attalytique, 1 10 Partie, chap. 1.
30'7
•
•
. ...... . .. . .
\
. , ..." .
' '( ~
•
'
,. 1
-- ..
...
ANALYTIQUE
•
,.1 tr. fr., 13. G. W. XlV, p. ta; S. E. XIX, p. 235·6; tr. fr., p. 175.
14. Ibid.
••
• . , ,., t .
• , • •
......, .. .......
.. "'. ' . . • t •""'.. ...,,. ' •
•
. ...
~
... . '!.. •• 1 . .1 • ' ..
1 • " ;
'.
••
'.
• ,
ANALYTIQUE
; 1
(wahrgenommen), peut être « pris ~ (~/getWmmen) dans le rnoi •
11
' celle du jugement de perception dans l'article Négation -les traits
de la fonction de négativité commencent à se préciser. Nous avons
1 pu discerner une commune opération, entre le disparaître-rcpa· .•
• •
•
raître du jeu, le désavouer-surmonter de la création esthétique
1
' et le perdre-retrouver du jugement de perception. .
•1 Quel est maintenant le rapport de cette négativité avec la puls10n
•. 1
:1
l
de mort? Voici ce qu'écrit Freud à la fin de l'article sur la Nég~
.• 1 tion : u L'étude du jugement nous permet pour la première foiS
1
•
peut-être d'accéder à l'origine d'une fonction intellectuelle par le
•
'1 jel!' dC:S impulsions primaires. Le jugement est la contin~ation,
·.' oraentee par un but ( zweckmassi'g-along lines of expedtenCJ)'
• 1 du . ~rocessus, d•inc~rporation dans le moi, selon le principe d.e
.• pla1s1r, ou d expuls10n du moi. La polarité du jugement para1t
correspo~dre à l'opposition des deux groupes de pulsions :
. l'affi~at1on, ~mme substi,tut de }a réunion, appartient à ~ros, la
' négation_, qut succ~~e à 1 expuls1on, appartient à la puls10n de
l
. l
•
destruct1on. Le platstr général de nier, le négativisme de tant de
.• ..
'.• '.. 1 S· .G. Vf· XIV, p.
S. E. XIX, p. 238: tr. fr., p . 177. On rencontre une !or~
14 i
•
t
1 mule tdcnttquc dana 1~ Trois &sais... : • trouver un objet c'est en fait te reuou·
•
• ver-, G.W.V, P 123; S.E. vu, p. au; tr. fr., p. 152 ,
310
l
•
•
.
1•
•
•
••
1
-r •• •
'\.~-. ,,
· ... .. ,. )'\ " '
li•·•· ..·•·••·• 't
' • ',
'
'
••
INTBRROGAnONS
• •••
~01 1
·eut 'i
psychotiques, est vraisemblablement l'indice de la désintrication •
,ré- (Entmischung) des pulsions par retrait des composantes libidi- 1
•
nales. Mais l'opération du jugement n'est possible qu'une fois que 1
est la création du symbole de la négation a permis à la pensée un
:tte !
premier degré d'indépendance à l'égard du résultat du refoule-
et
on,
ment ct, par là même, de la compulsion du principe de plaisir 16 ». it
• Freud ne dit pas que la négation est un autre représentant de la f
en pulsion de mort, il dit seulement qu'elle en dérive génétiquement
Jne 1' par u substitution », comme en général le principe de réalité se
!8!
~
1te,
ent
, 1t
, substitue au principe de plaisir (ou comme, dans J'analyse du
u caractère », l'avarice par exemple se substitue à une constitution
libidinale archaïque, telle que l'analité). Nous n'avons donc pas ..
.ta- J le droit de tirer de ce texte plus qu'il n'autorise et d'en donner
liat une transcription hégélienne immédiate. Nous pouvons le faire
es- pour nous-mêmes, à nos risques et périls, mais non en interprètes
cre de Freud. C'est un~ cc é~n~m~.ique_~.!l~ ~a_.':lé~tio~. que Freud arti-
are cule et_~Q!ll!ne_~c d1alc~tlque » de la .vérité et de la certitude, comme .
1ve
€el.
•
•
t
dans le premier chapitre de la Phénomhzologie de Esprit. Toutefois, r
mèïnë-âans -ces--finiitëS strictës; l'apport de ce petit article est
'elà considérable : la conscience implique la négation; elle l'implique
1... dans la « prise de conscience » de sa propre richesse enfouie et elle
•
uts l'implique dans la u reconnaissance » du réel.
ms L'étonnant ce n'est pas que cette négation dérive par substitu-
)3• tion de la pulsion de mort, c'est plutôt, en sens inverse, que la pul-
ue sion de mort soit représentée par une fonction aussi considérable
~ qui n'a rien à voir avec la de~tructivité, mais au contraire avec la
oJ
on symbolisation ludique, avec la création esthétique et finalement
ra- ' avec l'épreuve de réalité elle-même. Cette trouvaille suffit à remettre
•
:>JS
Je
•
1
.. 1
)
en flux toute l'analyse des représentants de pulsion. La pulsion de
mort ne se ferme pas sur la dcstructivité qui en est, disions-nous,
m, tl la clameur; peut-être s'ouvre-t-elle sur d'autres aspects du a travail
1), du négatif », qui demeurent u silencieux » comme elle-même.
de
ait 'l
i
•• 1
$
t 2. PLAISIR ET SATISFACTION
la J
de ~
••
de 1 Qu'est devenu le principe de plaiLJir au terme de l'essai qui pré-
' tend le dépasser ?
Poser cette question c'est demander : qu'est-ce qui, finalement,
16. G. W. xtV, p. 15; S.E. xtX, p. 238-9; cr. fr., p. 177•
311
" .! "
. .·· . '\. . · .. ..
#
,
... .~~~ • ' '
. : ..
• ; ,~·~ ..• . ''...
.. . ... ' ' .
• \. '\
. • 1• • ~ . . \
•
. 1'
'1
•
1
•
••
ANALYTIQUE
:
1
'•
1
est cr au-delà du principe de plaisir »? Or il n'y a pas de réponse •
•
• déterminée à cette question. Il y a de quoi être surpris, si l'on songe
•
11 au titre même du traité : à la vérité, l'au-delà s'avère introuva-
ble. Non seulement il n'y a pas de réponse finale, mais on a perdu
1
! en cours de ro~te u.nc réponse provi.soire. Ce n'est pas l'aspect '
•
• le moins « problematique » de cet essat .
..'
Rappelons ce qu'étaient, d'une part, la question initiale, d'autre \•
part, la réponse provisoire avant l'introduction de la pulsion de
~
\
•
.• mort. f•
•
. La question avait un sens déterminé, dans la mesure où ron i
\ J.
.
1
admettait l'équivalence entre principe de constance ct principe •
1'. de plaisir. Ceci admis - et Freud ne le mettra pas en question
1
:
1
• 1
1
1 sérieusement dans Au-delà... , mais seulement dans le Problèmt
•
1 économique du Masochisme -, chercher un au-delà du principe
• de plaisir c'est s'interroger sur l'existence de « tendances plus pri·
•
1 mitives que le principe de plaisir et indépendantes de lui 17 •,
• 1
1 l
·1
:\
••
c'est-à-dire irréductibles à la tendance de l'appareil psychique à
réduire ses tensions et à les maintenir au niveau le plus bas.
i
.•
••
J
s
i• elles pas.
1 Mais voici qu'entrent en scène les grands rôles de la Mort et de
' s
: 1• la Vie. Loin de consolider le premier résultat, l'introduction de la (
pul~ion de mort I.e _défait. La pulsion de mort s'avère être l'ill~s 1
I
t~atlon la ~1';15 ws1ss~nte du principe de constance dont le pnn-
1
(
•
cape de pla1s1r est tOUJours tenu pour un simple doublet psycholo- ••
1.
gique. Il est impossible, en effet, de ne pas rapprocher la « tendance •
c
à restaurer un état antérieur » qui définit la pulsion de mort, et la e
1
te~dance de l'appareil. psychique à maintenir la quantité d'ex.citation !
li
prc~ente. en IU1 au mveau le plus bas possible ou du moms à la 1i E
mamterur co~t~nte. Faut-il aller jusqu'à dire que principe de ,•
•
constance et mstmct de mort coïncident? Mais alors la pulsion de ~
l
mo~, expressément intro~uite pour rendre compte du caractère .,1
pu.lst~nnel de 1~. comp.ulst~n de répétition, n,est pas au-delà du
•
pnncape du plaunr, malS dune certaine façon identique à lui. •
••
•••
17. Cf. ci-dessus, p. 2.79, n. 4· _,1
312
,,•
.. .
• . •• ~.,
..,.)· : ! ..; .• ~
•
INTERROGATIONS
se •
Ce nouveau pas, je pense qu'il faut le faire, du moins aussi long-
~e temps qu'on admet l'équivalence du principe de plaisir et du prin-
a- cipe de constance. Si le plaisir exprime une réduction de tension
lu f ct si la pulsion de mort marque le retour du vivant à l'inorganique,
ct il faut dire que plaisir et mort sont du même côté. Freud côtoie
plus d'une fois ce paradoxe : « La tendance dominante de la vie
re i
•• psychique et peut-être de la vic nerveuse en général est l'effort
ie pour réduire, pour maintenir constante ou pour supprimer la
tension interne due aux stimuli (Je « principe du Nirvana », pour
emprunter un terme à Barbara Low)- tendance qui trouve son
expression dans le principe de plaisir; c'est la reconnaissance de
ce fait qui est une des raisons les plus solides de croire en l'exis-
tence de pulsions de mort 18• » Et plus loin : « Il semble que le 1
1
.
•
•
•
• t•
•• " ••.c
••• ~ ... 1
.
~
. .
. .. ~;.. . : .
. ,. ".
.••
i
' .
.
· ' . .. -. ,.c,- .,.
· · ~
•• •
• •
•. •
• • J
•
.. '•
1
4
•
•
'
ANALYTIQUE ]
' '
j
.1'
des concepts directeurs de la théorie initiale : ce qui, plus que tout,
devient problématique, c'est la signification même du plaisir.
l
•
11
: ~ Dans Au-delà.••, Freud ne remet pas explicitement en question j.
l l'équivalence la plus ancienne de toute la métapsychologie, celle ,
•
• du principe de plaisir et du principe de constance; maisles conclu- 1
i ~
1 1 sions qu'il en tire, après l'introduction des pulsions de mort, ont
••
.r
\
tout simplement rendu intenable cette équivalence. Ce qui est 'l
1 '
•
du côté de la mort, c'est le principe de Nirvana, seule transcrip~ion .·'J
• • fidèle du principe de constance dans l'affectivité humaine. Mm le ]
1 •.
: 1
principe de plaisir s'épuise-t-il dans le principe de Nirvana? La ,,'
•
supposition que le plaisir et l'amour puissent ne pas être du même
.1
' . côté, dans la lutte des géants que se livrent la vie et la mort, est 1
' 1
'
. difficile à tenir jusqu'au bout. Comment le plaisir pourrait-il rester
'i
~
.
!
.\ étranger à la création des tensions, c'est-à-dire à Éros? N'est-ce •
1 •
1'
pas .cette création qui est ressentie jusque dans la décharge ~~ ~
1
t~ns!o!lS? Ne faut-il pas dire alors, avec Aristote, que le pl~tstr l\
•
s adJ,omt ~mme u~ surcroît à l'accomplissement de la f?ncuon,
•
de 1opératton, de 1 acte ou comme on voudra dire ? Ma1s alors, l~
.•
. ce qui devient suspect,' c'est la définition du plaisir en te~es 1
•
.
•
INTERROGATIONS
~1.
cette
• •
chant le principe du plaisir au principe de Nirvana, à la manière
•gme '
d'une modification imposée par la pulsion de vie. De cette manière
•
tque il reste incontestable que le principe de plaisir est le « gardien ,
e? de la vie. Son rôle de gardien exprime ses attaches au principe de
•
•
~t1on constance, mais c'est de la vie qu'il est le gardien et non de la 1
tout, mort.
• •
liStr. N'est-ce pas avouer que le grand dualisme de l'amour et de la
•
:»tlon mort traverse aussi le plaisir ? Et n'est-ce pas dire que nous ne
celle savons point ce qui est au-delà du principe de plaisir, parce que
lclU·
, ont
nous ne savons pas ce qu'est le plaisir?
Les raisons de douter de notre savoir concernant la nature du i
•
1 est
>tion
plaisir sont nombreuses dans l'œuvre même de Freud. D'abord,
il ne faut pas oublier que la formulation la plus ancienne du prin- t
Lis le cipe de plaisir est solidaire d'une représentation de l'appareil
? La psychique dont nous avons maintes fois souligné le caractère
tême solipsiste; l'hypothèse topique-économique est solipsiste par
:, est construction; mais les faits cliniques qu'elle transcrit ne le sont
jamais - relation au sein maternel, au père, à la constellation
ester l familiale, aux autorités - , ni non plus l'expérience analytique,
st·ce 1
'
· dramatisée dans le transfert, à l'intérieur de laquelle l'interpréta-
des J tion se déroule; la notion même de pulsion, plus fondamentale
• •
laiSJr • que toutes les représentations aux.iliaires de la topique, se dis-
•
tton, l
tingue de la notion ordinaire d'instinct, dans la mesure où la pul-
.lors, t sion s'adresse à un autre. Il ne se peut pas, dès lors, que la décharge
rmes 1
des tensions u dans , un appareil isolé puisse être la signification
••'
• dernière du plaisir; on n'a ainsi défini que le plaisir solitaire de la
:xCl· J sexualité auto-érotique. Dès l'Esquisse, Freud nommait satisfaction
•
1Slt j
( Befriedigung) cette qualité de plaisir qui requiert le secours
• • •
:JISif, d'autrui.
tana, J Mais alors, si nous introduisons autrui dans Je circuit du plaisir,
t6 Il. 1
d'autres difficultés apparaissent; la structure du Wunsch nous a
315
..
.. ,. .. .. \
'. .. "'.. .
- :!
<~, · ; -"'· · •
..
~J';. ·... . JO. •
,
. ,· .. ... ·..
..,.
.1
#'17.
•'
~
. . 'l
..
.' '
,
.
•
•
•
1
ANALYTIQUE
•
. •: enseigné que le désir n'est pas une tension qui puisse être déchargée·
•
•• le désir, tel que Freud lui-même le décrit, révèle une constitutio~
•
proprement insatia~le; le drame ~dipien,. ne serait pas possible
••
si l'enfant ne voulait trop, ne voulait ce qu Il ne peut obtenir (avoir
''
•
la mère, ou avoir un enfant de la mère); le u mauvais infini » qui
l'habite l'exclut de la satisfaction.
• •
'
• D'ailleurs, si l'homme pouvait être satisfait, il serait privé de
• •
quelque chose de plus important que le plaisir et qui est la contre-
• partie de l'insatisfaction, la symbolisation. Le désir donne à parler
l ~
1• en tant que demande insatiable. La sémantique du désir, dont
nous parlons sans cesse ici, est solidaire de ce report de la satis-
1' .. faction, de cette médiatisation sans fin du plaisir.
'
t
Il est remarquable que Freud ait une conception plus déliée
• des maux qui sont << le fardeau de l'existence >>que du plaisir; alors
qu'il continue à parler du plaisir comme d'une décharge de tension,
il distingue parfaitement du déplaisir, simple contraire du plaisir,
1
tantôt la trilogie de la peur, de la frayeur, de l'angoisse, tantôt la
:., triple peur qu'engendre le danger extérieur, le danger pulsionnel,
.! '
.
le danger de conscience; il n'est pas jusqu'à la peur de la mort qui
' 1
. ne se différencie en peur biologique et en peur de conscience,
~
1 apparentée à la menace de castration; Freud distingue encore le
1 ;
. cr malaise » (Unbelzagen), inhérent à l'existence culturelle de
.1 • l'homme; l'homme ne peut être satisfait en tant qu'être de culture,
• •
parce qu'il poursuit la mort de l'autre et que la culture se. sert
:~ contre lui-même de la torture qu'il a d'abord infligée à autrui. La
:~
•• ••
tâche de culture porte quelque chose de contradictoire et d'impo~
~
sible : coordonner l'égoïsme du moi, dont nous avons dit qu'tl
.t était biologiquement tourné vers la mort et l'impulsion vers la
fusio~ avec, les autres dans la communa~té, que nous apJ?e~ons
•
.•
altrulSte. C est finalement la lutte, sans résolution prévisible, .•
•
entre l'amour et la mort qui entretient une insatisfaction sans fin.
Éros veut l'union, mais doit troubler la paix de l'inertie; la pulsion 1
de mort veut le retour à rinorganique, mais doit détruire le vivant.
C:' est ce paradoxe qui se poursuit dans les étages supérieurs de la ~
v1e de culture : étrange lutte en vérité, puisque tour à tour la
culture nous tue pour ~ous faire vivre, en usant, pour elle-mêm~
• •
.' .' et contre nous, du senttmcnt de culpabilité, et que d'autre part il 1
·'•
nou~ f~u~ en ~csserrer l'étreinte pour vivre et pour jouir. . !
.
•
la diversité du souffnr et la monotonie du jouir? Faut-il compléter
316
'...\
\
)
•
•
1
.. '
•••
. ~ . .. \'· >'
~ \\, ,
' ' " ~"•'•· .:
f· .~ .,....
•1
~1
l
•
1
1 INTERROGATIONS .
1
{
.:ton
•
•ée·
' l
i
Freud sur ce point? Faut-il discerner à tout prix autant de degrés
de la satisfaction qu'il y a de degrés de la souffrance? Faut-il
ible restaurer la dialectique du plaisir, aperçue par Platon dans le Plzilèbe,
lOU'
qu1•
•
'l l
·1
ou même la dialectique du plaisir et du bonheur à la manière de
l'Éthique d'Aristote? Ou bien le pessimisme du plaisir doit-il
•' nous faire avouer que l'homme est plus riche en capacité de souf-
~re-
de
-~
l frir qu'en puissance de jouir? Face à un souffrir multiple, n'a-t-il
de recours que dans un jouir simple et, pour le reste - c'est-à-dire
•
rler
ont 1 pour tout l'excès du souffrir sur le jouir - , n'a-t-il de recours
que dans le pouvoir d'endurer et de supporter avec résignation?
•
us- Je crois volontiers que toute l'œuvre de Freud penche du côté
• de la seconde hypothèse. C'est elle qui nous ramène vers le prin-
liée t
cipe de réalité.
1
.ors ~ •
1
j
on, !
• ~ l
s1r, l•• l
3· •
t la ..:, QU'EST-CE QUE LA RÉALITÉ?
1
:tel, t
qu1
•
ace,
~
il Qu'est-ce, finalement, que le principe de réalité? Nous avons
laissé la question en suspens au terme du premier chapitre, nous
'•
~ le 1
~
de ·1 1
réservant de découvrir une nouvelle dimension du concept de •
ue, réalité, qui correspondrait à la révision du principe de plaisir
;ert imposée par l'introduction de la pulsion de mort 27•
La 1 Récapitulons brièvement l'analyse antérieure. Nous sommes
~~ partis d'une opposition élémentaire, portant sur leu fonctionnement
tOS•
u'il
i de l'appareil psychique n. Dans la mesure où le principe de plaisir
; la j avait une signification simple, le principe de réalité était également
sans mystère; les interprétations directes et indirectes que Freud
ons en propose prolongent toutes l'unique ligne tracée par l'essai
Jle, l•
de 191 I sur les Deux pn'nci'pes du fonctionnement psychique,
•
fin. •
la ligne de l'utile; alors que le principe de plaisir est biologique-
•
JOn 1•' ment dangereux, l'utile représente l'intérêt véritable et bien compris
mt.
~• du vivant. Toutes les significations étagées du principe de réalité
da due nous avons considérées par la suite se tiennent dans les bornes
· la •
• e cette utilité; ainsi Ja réalité, c'est d'abord l'opposé du fantasme,
-me 11
le fait, tel que l'homme normal le constate; c'est l'autre du rêve,
til .•l•
•• 27. Ibid. : • Nous arrivons ainsi à une courte, mais intéressante série de rapports:
lai- l
•
le principe de t~iroâna traduit la tendance de la pulsion de mort ; le principe de
.:J plaisir plaide la cause de lu libido; ct le principe de rétditi, modification du préc::é-
dent, rep~~tente l'influence du monde extérieur. • G. W. xm, p. 373; S. E. xrx.
ttre '• p. x6o; tr. fr., p. :u3.
:ter
'. l•
\
l
•
317
' .
poll!ratt appe.ler sa c conception scientifique du monde • dont la
devase pourra1t être : au-dcJà de l'illusion et de la consolation.
1
'.
ma1
Fin
.• ' •
•
Les derniers chapitres de l'Avenir d•un~ Illusion sont à cet 1
l Not
•
' :
égard t~ès ~i~nificatifs : la religion, déclare Freud, n'a pas d•avenir; ·.t
ell~ ~ epulSe. ae.s. ressources de contrainte et de consolation. Le
r 1
• 1 aS
1
pnnc1pe de reahte, dans lequel Totem et Tabou avait déjà reconnu
318
'\ ••
'
1
•
~/...
\ •
)
INTERROGATIONS
t,.
un stade de l'histoire humaine parallèle à un stade de la libido,
:x devient alors le principe qui préside à l'âge post-religieux de la
lt culture. A cet âge prochain, l'esprit scientifique prendra la relève
-.e ·l de la motivation religieuse et l'intérêt social seul donnera force
aux interdictions morales. Recoupant ses vues antérieures sur l'excès
.e .j d'exigence du surmoi, Freud suggère que ce qui sera perdu du
! côté de la sainteté du commandement, le sera aussi du côté de sa
lt :/
1 rigidité et de son intolérance; il est possible que l'homme, cessant
:e de rêver à son abolition, travaille à son amélioration, le trouvant
enfin raisonnable et peut-être même aimable.
n Tout ceci pourrait faire songer aux prophéties rationalistes
.a et optimistes du siècle passé; mais Freud lui-même s'objecte que
IS l'interdiction n'a jamais été fondée sur la raison, mais sur de puis-
.e santes forces émotionnelles, telles que le remords du meurtre
• primitif; n'est-ce pas lui, également, qui a révélé la puissance des
t,
lt forces destructrices qui travaillent contre l'éthique et, pire encore,
:t au cœur de l'éthique? Tout cela, Freud ne l'a pas oublié et le dira
...,
•
•
avec plus de force encore, quelques années plus tard, dans Malaise
:e dans la Civilisation. Son timide espoir s'accroche en un point unique:
lS si la religion est l'universelle névrose de l'humanité, elle est respon-
IS
sable pour une part du retard intellectuel de l'humanité; elle est
autant l'expression des forces puissantes venues d'en bas que
..e leur éducatrice. Le projet d'une humanité non religieuse comporte
.e
donc une chance, très exactement mesurée par le parallélisme entre .
la croissance de l'humanité et celle de l'individu : a L'infantilisme,
lS
n'est-il pas vrai, est destiné à être surmonté; les hommes ne peuvent
être des enfants à jamais; il leur faut enfin s'aventurer dans a l'uni-
lt vers hostile ». Nous pouvons appeler cela éducation à la réalité :
le
. ai-je besoin d'avouer que mon unique dessein, en écrivant ce livre,
ie a été d'attirer l'attention sur la nécessité de faire ce pas en avant 28 ? »
·e
!t
1 Tel est l'optimisme modéré et risqué qui soutient cette prophétie
' de l'âge positif. Freud, s'adressant à un adversaire hypothétique
;e qui suggère de conserver la religion à titre d'illusion efficace, se
1 pennet, dans sa réplique, de donner le nom d'un dieu- le dieu
tC l Logos - à l'idée force de sa prophétie sobre; mais je pense qu'il
:r i
• ne faut pas y voir autre chose qu'une fabulation ironique, insérée
n • dans un argument ad hominem : u La voix de l'intellect est faible,
.a mais elle ne se repose pas, tant qu'elle n'a pas conquis son audience.
(
Finalement, après d'innombrables rebuffades, elle se fait écouter...
:t ..! Notre dieu Logos accomplira tous ceux de nos désirs que la nature
••, ·.\
e
u
i a8. L'A.ve,ir d'un# Illusion, G. W. XIV, p. 373 i S. E. XXI, p. 49: tr. ft'., p. 135·
.{
J19
l \
. ,
. :...
Jf .,,..,. ;"' ..". :, .. .
.. . ....
•\~
'' ... .
~
•
, ~
,.•~• L1L.,~M ' .:..wa;u,.. ,.., ·- .._. ·r ·-...- _ _ _,_ _ _ _
. .
ANALYTIQUE
1
L'i~ée de la r~alité qui ressort de tous ces rapproc~c~ents es
t
J! mot
la moms romanttque qui soit et paraît sans commumcataon avec E
le terme d'Éros; le mot même d' Ananké - replacé dans ce conte~t~ i pre1
- pa~aî~ bien désigner le visage de la réalité quand ~li~ . a ~te 1 cret
•
déJ?~Utllee de toute analogie avec la figure du père; st lallus!on 1 stm·
rehgteuse procède du complexe du père la « démolition » de l'Œd!~
•
1 me"
ne s'achève que dans la représentation d'un ordre des choses pn~e 1 veu:
de tout coefficient paternel, d'un ordre anonyme, impersonne · t que.
Ananké est alors le symbole de la désillusion. C'est en ce sens ~ seru
• et d
c
•••
29. G. W. XIV, p. 377·9: S. E . XXI, p. 53-... : tr. fr., p . •·U·9·
JO. G. W. XIV, p. J8o; s.E. XXI, p. s6; tr. fr., p . •54·
'r
••
p.
J:l
la
\
JI. G. W. XJV, p. 37-4; S. E. XXJ, p. so; tr. fr., p . 136.
i
320
.., .."'... :
'
.
.•
j
..
INTERROGATIONS
1
••• que le terme parut la première fois, je crois, dans le Léonard"... ,
il •
avant même Totem et Tabou. Ananké est le nom de la réalité sans
•
••
nom, pour qui a « renoncé au père ». C'est aussi bien le hasard,
.e l'absence de rapports entre les lois de la nature et nos désirs ou nos
le illusions.
• EstMce pourtant le dernier mot de Freud? L'expression même de
1
1.
l
. •
.
~ ... .
. ~ .. ~· .:··.. ~.'
.
' -·'. ·..
l ,... . .....
"' ,. •
'•
•
f
\ .
..
•• •
0
. .
. •n· .. .
.~.
·~ ' ·~
.·........ «
•
..
••
'
l :1
' 1
• 1
. •' '
1:
• 1
.' ANALYTIQU:!
:
qu'il c:st le. plus ,légitime d'approcher ce thèm~ de la résignation.
i. . La réstgnatlon,, c es~ ~ondament:ùem~nt un trava1l s~r le désir, qui y
•
1
• incorpore la necessite de mounr. C est dans!~ dé~tr même que la
1• . réalité, en tant qu'elle annonce ma mort, va s mscnre.
• Dès 1899, Freud rappelait le mot de Sh.akespeare : « Tu es
'
•' •
,' débiteur d'une mort à la nature 33• » Il y fa.tt encore allusion au
début de la seconde conférence des Considérations actuelles sur Ja
•
guerre et sur la mort 84, écrites au début de la Première Guerre
•' •• mondiale.
. •• ,• L'exclusion de la mort propre hors des perspectives de la vie
•• explique-t-il, est la tendance naturelle du désir; le désir corn port~
11 1
.. 1
'
la conviction de son immortalité propre. C'est un aspect de l'absence
• •
•••
de contradiction dans l'inconscient. Aussi travestissons-nous de
1 mille manières la mort, convertissant sa nécessité en accident
Mais en retour, u la vie est appauvrie, elle perd en intérêt, lorsque
.. .r
• • l'enjeu le plus haut dans le jeu de la vie, la vie elle-même, ne peut
•
être risqué 36 ». Ainsi paralysés, quand nous excluons la mort de
la vie, nous n'entendons plus la fière devise de la ligue hanséa·
tique : na?Jigare necesse est, vivere non necesse! Nous nous contentons
.. de périr fictivement avec nos héros de théâtre ou de roman, afin de •
•
• • ••
•
•
survivre à chacun.
''
1 •
Quand Freud écrivait ces lignes, il avait présent à l'esprit le
. l .: 1 démenti que la guerre infligeait à ce traitement conventionnel de la
• 1 '
mort; et il osait écrire : u La vie, en vérité, a retrouvé son intérêt,
1. elle a recouvré sa pleine signification ae. » Certes, Freud savait ce
' 1' qu'un propos de l'arrière, une boutade de non-combattant, pouvait
:J avoir d'odieux. Ce qui lui importait, c'était, à travers la cruauté
·j du propos, la conquête de la véracité. Quand la mort est reconnue 1•
comme terminaison de la vie, la vie finie retrouve son relief. ,
.
Mais la reconnaissance de la mort n 1est pas moins obscurcie par
•
la peur de la mort que par l'incrédulité de notre inconscient dans l
1
'• notre propre mort; la peur de la mort vient d'ailleurs : c'est un
1 s~us-produit de la culpabilité 87, A la fin de le Moi et le ça, Freud
• •
dua plus fermement .encore : «.Je crois que l'angoisse àe _la mort
est quelque chose qut se produtt entre le moi et le surmo1 ... Ces
•
33· Lettre JO+ Shakespeare dit, en fait : • Thou owest God a death •,
Henry IV, v, t). •
. 34· Zeitgtmlisw aber Krieg und Tod, G. W. x, p. 324• 3ss; Thought for tM
trmes on war and ckath, S. E. XIV, p. 27S·JOO; tr. fr. in Essais de PsydumaiY11•
Payot, p. 218-aso. '
35· G . W. X, p. 342; S.E. XIV, p. 290; tr. tr., p. 238.
36. G. W. x, p. 343; S. E. XIV, p. 291; tr. fr., p. 2.39.
37· G. w. x, p. 350; s. E. XlV, p. 297; tr. fr., p. 2.46.
c
'•
•
> •
322
•
'• .•
•
INTERROGATIONS
•
tton.
• considérations permettent de tenir l'angoisse de la mort, au même
lW Y titre que l'angoisse de conscience, pour un ouvrage (Verarbeitung)
Je la
de l'angoisse de castration 38• »Cette peur de la mort n'est donc pas
ues un obstacle moindre que l'invulnérabilité de l'inconscient pro-
n au clamant : rien ne peut m'arriver. Si l'on ajoute enfin que nous
ur la mettons à mort aisément l'ennemi, l'étranger, il apparaît que le
nombre des attitudes inauthentiques en face de la mort est consi-
Jerre dérable; immortalité du ça, angoisse de la mort liée à la culpa-
• bilité, impulsion au meurtre sont autant d'écrans entre le sens
. vte, destinai de la mort et nous. On comprend dès lors qu'accepter
porte la mort soit une tâche : Si vis vitam, para martem. Si tu veux sup-
;ence porter la vie, sois préparé à la mort ae.
1s de
dent Dès lors, qu'est-ce que la résignation ?
~sque Cette intégration de la mort dans la vie nous est symboliquement
peut proposée par Le tlzème du choix des coffrets 40, cet admirable petit
rt de essai qui plut tant à Ernest Jones; le troisième coffret, qui n'est ni
nséa· d'or, ni d'argent, mais de plomb, contient le portrait de la belle;
ntons le prétendant qui le choisira aura aussi la belle en mariage. Mais
1n de si les coffrets sont des femmes, selon le symbole onirique bien
connu, ne peut-on rapprocher ce thème de comédie de l'autre
rit le thème, tragique cette fois, celui du vieux Roi Lear? Celui-ci, pour
de la sa ruine, ne choisit pas la troisième, Cornélia, qui seule pourtant
.térêt, l'aimait vraiment. De proche en proche, le folklore et la littérature
•
att ce proposent une série de u choix de la troisième » : la Vénus du juge-
>uvait ment de Pâris, Cendrillon, la Psyché d'Apulée ... Mais qui est cette
uauté troisième ? La plus belle, certes, mais aussi la sœur silencieuse. Or
mnue le mutisme, en rêve, signifie la mort. Les trois sœurs ne seraient-
elles pas alors les Moires, les figures du destin, dont la troisième
ie par s'appelle Atropos, l'Inexorable? Si l'assimilation est correcte, la
: dans troisième signifie que l'homme ne réalise tout le sérieux des lois
:st un l de la nature que lorsqu'il se sent contraint de s'y subordonner en
Freud acceptant sa propre mort.
mort • Mais, dira-t-on, on ne choisit pas Ja mort et Pâris n'a pas choisi
•. Ces la mort, mais la femme la plus bellet Substitution, réplique Freud:
notre désir a substitué à la mort son contraire, la beauté, à la
eatb •, faveur peut-être de la confusion des contraires dans l'inconscient;
• à la faveur, surtout, de l'identité ancestrale de la vie et de la mort,
for thl .!
lllalyse,
·1
l 38. u Moi et le Ça, G. W. xnt, p . 289; S.E. xa, p . .sS-9; tr. fr., p. 217.
39· Considérations actud/es••• ; G. w. x, p. JSS: s.E. XJV, p. JOO; tr. fr., p. aso.
40. Das Motiv der Ktistcl~mwahl, G. W. x, p. 24-37; Tlu Thmzt~ of the thru
~
caskcu, S.E. xn, p. 291-301; tr. fr., in &sais de Psych4na/JIIe App/iqule, p. 87·103.
1 323
J1
l
•
1
•
j
• ANALYTIQUE 1
•
conservée par le mythe de la grande déesse. Mais, si la femme 'la
• plus belle est le substitut de la mort, que signifie choisir la mort? 1
Substitution encore, sous l'empire du désir: à l'acceptation du pire 1
•
nous substituons le choix du meilleur. La réponse de Freud vau~ 1
• •
d'être citée : « Là encore s'est produit un renversement sous 1
1 l'influence du désir : choix est mis à la place de nécessité, de fata- j J
lité. L'homme vainc ainsi la mort qu'il avait reconnue par son •
•
• intelligence. On ne saurait imaginer un plus grand triomphe de la c•
réalisation du désir. On choisit, là où en réalité on obéit à la · J
contrainte et celle qu'on choisit ce n'est pas la Terrible, mais la
plus belle et la plus désirable"-.»
Si donc Shakespeare nous émeut profondément dans le Roi Lear, J J
l
(
c'est qu'il a su remonter au mythe primitif: on ne choisit pas la
1
plus belle, on tombe sur la troisième, sur le malheur et la mort. )
Mais ce n'est pas tout : le rapport de la Mort et de la Femme
t
• reste dissimulé; Shakespeare encore le dévoile: Lear, c'est à la fois {
•
.
l'amant et le mourant : Lear est voué à la mort et il veut encore 1
'
!. se faire dire jusqu'à quel point il est aimé. Quel est alors le rapport
entre la mort et la femme ? La troisième femme, disions-nous,
(
1
1
. ..
•
•
c'est la mort; mais si la troisième femme est la mort, il faut dire ·1' J
aussi, en sens inverse, que la mort est la troisième femme, la troi- 1
•
!
1 sième figure de la femme : après la mère, après l'amante, choisie
à l'image de la première, voici u la Terre-Mère qui le reprend à
t 1
nouveau u ». 1 s
Est-ce à dire que l'homme ne peut « choisir la mort, se familiariser (
,~- \
1
1
.J
.l
'
•
INTERROGATIONS
•
la véritable pensée de Freud. Toutefois la réponse, même dans une
t? perspective freudienne, n'épuise pas entièrement le problème;
~. la résignation à ttinéluctable ne se réduit pas à une simple connais-
ut sance de la nécessité, je veux dire à une extension purement intel-
JS lectuelle de ce que nous avons appelé plus haut épreuve de la
a- réalité, au niveau de la perception; la résignation est une tâche
>n affective, un travail correctif appliqué au foyer même de la libido,
la au cœur du narcissisme. C'est pourquoi la vision scientifique du
la · monde doit être incorporée à l'histoire du désir.
•
la
L'évocation des poètes, celle de Shakespeare dans le Roi LeaT,
nous invite à essayer une autre piste, familière à Freud également,
rr,
celle de l'art. Nous n'avons pas épuisé les ressources de l'esthé-
la tique freudienne, lorsque nous avons traité de l'œuvre d'art sous
rt.
l'angle de la création artistique 45 ; on se souvient que cette inves-
ne tigation du phénomène esthétique restait prudente et fragmentaire
•
>IS en raison de son caractère purement analogique : l'œuvre d'art
're n'entrait dans le champ de la psychanalyse que comme analogue
)rt
du rêve et de la névrose; toutefois la spécificité de l'œuvre d'art
lS, nous était apparue d'un double point de vue : par le plaisir préli-
'
tre i minaire (ou prime de plaisir) que la technique de l'artiste nous
•
)1-
• procure, des sources profondes de tension sont libérées; d'autre
ne part, les fantasmes du passé aboli sont recréés à la lumière du jour
.à sur un mode symbolique.
Si nous reprenons maintenant ces vues fragmentaires du point
1er de vue de la tâche de culture que nous avons définie plus haut
la - diminuer la charge pulsionnelle, réconcilier l'individu avec
•
ur l'inéluctable, compenser les pertes irréparables par des satis-
ne factions substituées - , la question se pose légitimement de savoir
de si l'art, considéré maintenant du point de vue de l'usager, de l'ama-
•
Slf teur, ne tire pas son sens de sa position intermédiaire entre l'illu-
.ùe sion représentée par la religion et la réalité représentée par la science.
rt, Ne serait-ce pas à cette fonction intermédiaire que pourrait être
dévolue la tâche de réconciliation et de compensation retirée à la
rne religion? L'art ne serait-il pas un aspect de cette éducation à la
1
un réalité dont parlait l'essai de 191 I sur les Deux Pn'ncipes du fonc-
rsé • tiomzement psychique ?
la Pour comprendre la fonction esthétique chez Freud, il faudrait
trouver la place exacte de la séduction, du charme de l'œuvre d'art,
sur le trajet du principe de plaisir au principe de réalité. Il eat
'
.....__,
1
•
ANALYTIQUE
•
:hi
plaistr il la dépl01e. Je crois, en effet, qu'en dépit de sa ~rande
sympa e pour les arts, il n'y a chez Freud aucune complatsance
al
s'
S<
pour ce .q ue.l'?n pourrait appeler une vision esthétique du ~?nde. l'i
Autant. il ~lstingue la séduction esthétique de l'illusion rehgt_euse,
auta_n~ tl laisse ~ntendre que }'esthétique - OU, pour être plus JU~te, lU
• la vtston esthétaque du monde - reste à mi-chemin de la terrtble
'
.•• éducation à la nécessité que requiert la dureté de la vie, que rend
••
J',
~. G. W. vur, p. a36; S. E. xu, p. aa+
l26
. '... '. ·".. . .
.. '
•
•
INTERROGATIONS
:sa •
1
"1 '
,/
~
~,,
'
.•
•
l
• •
INTERROGATIONS
•
;
'
1
1
•
1
1
••
f
j
1'
i
. ''
1.
·l
.
•
•
1
1'
.
•
'
·-•
!•
·1
'
1
.! ~
•
. .. .. . · ~· . \1•.·
:'> •
•
1
•i
-~
J
~
...l
me, .J
:ur~
·J
=tue
btil 1 •
:ut~
son i
,,
1
des •.!
)ter
.1
ure ••
1
tter ;J LIVRE III
par
~pit
~
J,., DIALECTIQUE :
nne ~
du ,1 UNE INTERPRETATION
•
aon i PHILOSOPHIQUE
,est ~
4 DE FREUD
~
not •
eux .~
ner
64.1 ~
·~
j
pr~·
:lans .{
l•
bid.)
'
1
'j
1
'
•
'il
1 •
•
!•
•1
.'l
,.f
f'
••
••
.
'. .
,.
::,.,·.· ..
·~ ~ "'
•
~ ,.• ..
..# .,.. 1,.., .
~ .
,, .
.,..
\
.~ .... _....' .z.. .
~
•
•
'• •
•
; 1
.'• •
•
1 •
.'
1
•
•
• •
• •
1
1
1 ' 1
•
•
•
•
• J
}
•
••
t
•
) c
~d
(
1
~
~
1
• •
•
,~
,1
/
...•••
-· •
r·"
\.A
•
•
1
1
1
l
- '
1
••
l ;
•
1•
\1
1
•
l'une à l'autre, par une dialectique, où chacune renverrait de soi à
l'autre; simultanément, et par le moyen même de cette dialectique,
aller de la réflexion abstraite à la réflexion concrète. Mais la grande
•
philosophie du langage et de l'imagination qui nous donnerait
d'emblée le principe de composition n'est pas à portée de main.
Il est trop vite dit que le symbole porte en lui, dans sa texture
• sémantique surdéterminée, la possibilité de plusieurs interpré-
tations, d'une interprétation qui le réduit à sa base pulsionnelle
et d'une interprétation qui développe l'intention complète du sens
symbolique; cette proposition détermine une tâche, plutôt qu'elle
•• ne montre une évidence. Pour en apercevoir la vérité, il faut
atteindre le niveau de pensée où cette synthèse peut être comprise.
C'est pourquoi j'ai conçu cette dialectique comme une progression
• patiente, à travers une série de points de vue hiérarchisés.
Premièrement, un chapitre sera consacré à l'examen du dossier
épistémologique de la psychanalyse freudienne. En effet, une inter-
prétation philosophique doit commencer par un arbitrage, e.xercé
333
..
1
/
.'..lo. ."'.... .
•
.
..' .... .. . .. .,... .
•
•'
.J )~• ~
,.. - ~-
" . '1.
.. ,), ' , ••4 t .. •• • 1
• 1
'''•
'•. . . .
• • 1 •
•
• •
•1 DIALECTIQUE
.
•
1i
•
'
• • au niveau d'une logique de l'expérience, et dont l'enjeu est la
•• •• • signification même des phrases de la psychanalyse, leur validit6
et leur limite de validité. Si les limites de l'explication analytique
• 1'
• • •
• sont données dans la structure de sa théorie et non dans quelque
.• d.écret qui l~i i!lt~rdirait d~ s'étendre à telle ou t~lle sph~re d'expé- •
'
''f . •
rience de 1act1v1té humame, la recherche du heu philosophique
•
. de la psychanalyse est subordonnée à l'intelligence de sa structure
. théorique. La comparaison que nous instituerons avec la psycho- ~
t '•
•
1 .•
• logie scientifique d'une part, la phénoménologie d'autre part, .1
1
1 '
1
. est destinée à déterminer par une méthode de différence la place ,
de l'expérience analytique dans le champ de l'expérience totale j
1 l
1
1
. que l'homme prend ou fait de lui-même.
. . Deuxièmement, passant à un niveau proprement philosophique,
1•
1 . nous nous demanderons si une philosophie de la réflexion peut
. '
' rendre compte des concepts réalistes et naturalistes qui, dans la
'
'
•' '
.1
'
théorie freudienne, règlent cette expérience sui generis. Le concept
• directeur de cette étape réflexive sera celui d'archéologie du sujet;
1
1
'
•1
l ce n'est pas un concept élaboré par la psychanalyse elle-même;
'.1 :1
' 1 c'est le concept que la pensée réflexive forme pour procurer un sol •
• • 1 1 philosophique au discours analytique; en même temps, la pensée
1. 1
l ' réflexive se change elle-même en intégrant le discours de sa propre
' '• ;1
' • archéologie; de réflexion abstraite elle commence à devenir réflexion
1 '• •
• 1
'• 1 . concrcte. •
•
Troisièmement, une archéologie reste abstraite tant qu'e~le
't ~ • n'est pas comprise dans un rapport d'opposition complémcntaue
• avec une téléologie, c'est-à-dire avec une composition progressive
•
de figures ou de catégories, où le sens de chacune s'éclaire par le
.. sens des figures ou des catégories ultérieures, selon le modèle de
•
•
la phénoménologie hégélienne. Ainsi se des8ine un troisième niveau, . .
propremen~ diale.ctique; c'est à ce niveau que la possibilité d'artic~ler
1 deux herm~neuttques opposées commence d'apparaître; régr~sston
'• 1
et progression figurent désormais deux directions possibles d'mter·
•
1 ' P.rétation .dont nous comprenons le èontraste et la complémenta·
nt~. .Ce m~eau de .pensée est si important qu'il donne son no~ au
1
.1•
tr.mstème hvre : Dzalectique. Il ne faudrait· pourtant pas en maJorer
f l'Importance. Le point de vue qui y est exposé est certes central;
'
1• ce n'est pourtant qu'une transitton · la fonction d•une dialectique
e?tre régressio!l et , progression, e~tre archéologie et téléologi~,
1
'
.'
.• •
c est ~e co!ldutre d une réflexion qui comprend son archéologte
'
•
1 à une mtcll,•.ge~c~ ~ymbol~que qui lirait, dans la naissance même ~e
1
'•
• la parole, 1md1vtstble uruté de son archéologie et de sa téléologte.
•' La dialectique n'est pas tout; c•est seulement une procédure de
•
''
1
..
•
•
DIALECTIQU.
est la •
la réflexion pour surmonter son abstraction, pour se rendre concrète,
lalidit~ c'est-à-dire complète.
lytique Quatrièmement, j'ai donné pour sous-titre au dernier chapitre:
.uelque Les approches du symbole. Ce sous-titre explique le titre, Hermé-
l'expé- tzeutique. Je n'ai pas voulu laisser croire que nous pouvions dès
phique maintenant écrire l'herméneutique générale dans laquelle on verrait
:-ucture la réconciliation des interprétations adverses; j'ai voulu contribuer
•sycho- à cette herméneutique générale, en tentant de résoudre quelques
! part, apories de l'interprétation psychanalytique, telles que celle de la
a place sublimation; la solution que je propose de cette aporie est seule-
totale ment exploratoire; du moins m'autorisera-t-elle à tenter une nou-
velle formulation du problème qui fut à l'origine de ce livre, à
>hique, savoir le conflit - en moi-même et hors de moi dans la culture
n peut contemporaine - entre une herméneutique qui démystifie la
:lans la religion et une herméneutique qui tente de ressaisir, dans les
:oncept symboles de la foi, une possible interpellation, un kérygme. C'est
! sujet; donc tout à la fin seulement que j'entrevois les approches de la
meme;
.. solution d'un problème qui était pourtant posé au commencement
un sol de ma recherche. C'est là qu'apparaît combien, non seulement la
•
pensée question était considérable, mais encore notre exigence de réponse
propre naïve. Si la marche vers Je point de départ est si pénible, c'est que
:flexion le concret est la dernière conquête de la pensée.
•
•
qu'elle • • •
•
entatre
•
·resstve
· par le
:lèle de
ru•veau, • •
•
rticuler
•
resston • 1
l'inter· •
menta· •
wm au •
najorer
:entrai;
•
ectrque
• •
!ologie,
•
éolog1e
~me de
:ologie.
ure de •
•
•
.
. ' ...
. .. . .. ..••
. . ... 1 \ • •
, ..,_
1 •
••
•
•
•
•
1
1 •'
.• 1
ï
•
t
d
p
• sc
• h
1 el
•
1
la
l 1':
et
•
• pl
di
sc
• d'
lt:
di:
• de
• •• • be
•
81(
au
• •
i gri
qu
écl
lyt
ph
•
•
•
J " • • • • .. • .. •
..
•
CHAPITRE PREMIER
ÉPISTÉMOLOGIE :
ENTRE PSYCHOLOGIE ET
PHÉNOMÉNOLOGIE
·'
•
337
'
'•
1 '
.1
t
1 .J
1'
•
I. LB PROC~ ÉPISTÉMOLOGIQUE
. •·
DB LA PSYCHANALYSE 1.
.
' G
d
1
La psychanalyse a été soumise, principalement dans les pays de le
culture anglaise et américaine, à une sévère mise en question quant 0
à son caractère scientifique. Épistémologues, logiciens, sémanti- tl
• ciens, phil?~ophes du langage o~t passé au crible ses concepts,
ses propos1t10ns, son argumentatiOn, sa structure de théorie, et n
ont, en règle générale, conclu que la psychanalyse ne satisfaisait p
pas aux exigences les plus élémentaires d'une théorie scientifique. Sl
Les analystes ont riposté, soit par la fuite, soit par une majora- al
.
tion des critères scientifiques de leur discipline, soit par des essais i S.
' de « reformulation » tendant à la rendre acceptable aux yeux des 1 P'
1
gens de science. Du même coup, ils ont échappé à la « révision
déchirante » à laquelle, selon moi, condamne la critique des logi- ~ pl
.
! ciens et que j'exprimerai pour ma part dans cet aveu : « Non, la ) ta
dt
psychanalyse n'est pas une science d'observation, parce qu'elle est
1
j. une interprétation, davantage comparable à l'histoire qu'à la
psychologie. » l cc
es
rn
Je considérerai successivement les critiques des logiciens, les ca
reformulations internes à la psychanalyse, enfin les reformulations ch
••
•
proposées du dehors. ~
da
l qt
pr
a) La critique des logiciens. 1 lie
éu
• Je partirai à dessein de la critique la plus u dévastatrice », celle SIT
•
1
339
•
•
DIAI.ECTIQUB
•
..~
•
. \.
•
1
•
'
,.. ,.'
' 1' •
1 DIALECTIQUE
1
'
!
1
•
1' 1
loi bio-génétique de Haeckel, tl est poss1ble de fmre coïncider •
.•
••
• ' . phylogenèse et ontogenèse, comme on le voit dans Totem et Tabou .
1· par là, la p~ychan~y~e est . con:parable aux théorie~ du learnini,
•• • sans toutefoiS les reJomdre Jamais, dans la mesure ou elle souligne
!t
plutôt le rôle et le poids des expériences primitives dans l'expé-
••
•
•
rience humaine; mais, dans son style propre, elle se développe !
1 \'
J
•
parallèlement à une théorie de l'apprentissage, par exemple par
; 1• son investigation du choix d'objet et par son histoire évolutive •
1
des systèmes Moi et Surmoi.
:'1. Enfin, on peut parler d'un modèle jacksonien chez Freud : les
•
' '1 •
•
.
• systèmes forment une hiérarchie d'intégrations où le supérieur
!'·
•• .
inhibe et contrôle l'inférieur. La superposition du système secon-
' daire au système primaire et les notions connexes de censure, de •
.ï . défense, de refoulement ressortissent évidemment à ce type. En •
•
.1 ce sens, ce modèle est le plus important; topique, économique,
'1
génétique sont associées à ce modèle jacksonien dans tous les
1 J
1
1 !
concepts freudiens gravitant autour de la notion de conflit 7• ''
1 1• Or ces modèles peuvent être assimilés à des « points de vue » qui 1
.' i .
sont aujourd'hui admis par tous les psychologues : •
~
l. 1. Toute conduite, dirons-nous, est une partie d'une série
' 1
•1
1 génétique; les phénotypes et génotypes de Lewin relèvent du même
•
Il
• •
point de vue génétique; le propre de Freud est d'avoir soumis le •••
point de vue génétique au point de vue économique.
•
1t 2. Toute conduite comporte des « déterminants cruc1aux •
.
:'
•'• ces • structures • à changement lent que Freud a appelées les systèmes ou les JtlS• J
,1 tances.. En m~e temps le. P?int de vue structural réngit sur le point de ~e
entr~paque, puas,que. le mamuen des structures supérieures et leur autonom!e J
1
•
'•• requaercnt non 1 abaassement systématique et général de toutes les tensions, fll!U' 1
• • .• des décharges compatibles avec le maintien des tcnsion11 propr~ à l'entretien .,
t' des structures de contrôle. -Ainsi est conservé l'essentiel de l'Esquisse de r89S• l
f
'
du chap: VIl de la Traumdeutung, de la M~tapsycllo/ogie de Inhibition, Sympt4tnl
et Angouse. '
l4
,l
. .,
·j
~
•
~•
'
'
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
0
• •
l
.
343
1
•
.• ,.
1
1:. • •
,
.• 'l' ..
•
t t ' •
1 DIAI.ECTIQUE
1
1 1
' 1•
•
•f
•
adaptatif est commun non seulement à la psychologie, avec son
•
•
•
• schème fondamental stimulus-réponse, mais à la biologie, où la
. réalité joue le rôle d'environnement, et même à l'épistémologie •
{
1 j
1 •• où elle s'appelle objectivité. La psychanalyse se range sous ~
1•• •
•
point de vue, avec ses théories successives de la réalité : la réalité 1
• •
•
fut d'abord ce que le névrosé refuse, puis ce fut le stade objectal
•
1;
• de la pulsion, le corrélat du processus secondaire, enfin et surtout •
!
• le champ de préadaptation de l'ego 9 • l
1
1 Ce point de vue « adaptatif » a engendré un corollaire, bien digne •
1 1•
1
1
•
• •• de constituer un point de vue distinct dans la psychanalyse amé- A
1
l
' •
ricaine : u Toute conduite est socialement déterminée»; aussi bien 1
•
1•
1
le freudisme le plus classique comporte déjà ce thème qui le rap- ''
•
1 proche de la psychologie sociale (théories du choix anaclitique, •
1
1
r •
• 1
•
du complexe d'Œdipe et de l'identification, etc.), sans qu'il soit
besoin d'évoquer les dissidents, les néo-freudiens de l'école
1
~1
1• culturaliste . i'
•
A la faveur de tous ces rapprochements, la psychanalyse peut 1
•
. être réintégrée dans la psychologie scientifique avec ses grandes •
• l
l 1. dominantes d'adaptation, de structuration, d'évolution. Ce que la
•
~
l
•
psychanalyse apporte en propre, c'est la prévalence du modèle •
J
• . 1·~ entropique et du même coup une attention particulière portée aux
r•. 1
1
1
effets de pulsion rapportés au processus primaire, alors que la •1
:0
psychologie académique privilégie l'expérience sensorielle et 'l
11' •
'
1 •
l'apprentissage. Mais les rôles sont en train de s'échanger. D'une
part, la psychologie contemporaine de la motivation étend le ressort
~
' •
de la psychologie académique du côté du domaine de la psychana-
lyse; d'autre part, la reformulation de la psychanalyse en termes
l ••
1
d'adaptation génétique et de structuration progressive la replace
dans le champ de la psychologie générale. Le développement de la
psychanalyse dans le sens d'une ego psycho/ogy, depuis le grand
' • • •
1 9· Rapaport disti.ngue, en psychanalyse, cinq théories successives de la réalité :
1
! avant 1900, la réalité est la cible de la défense celle-ci étant dirigée contre le
•
'. sou~enir d:un évén~m~nt réel dont eUe veut em~êcher le retour. De 1900 à 1923
1• (~ l.exceptt<?n de 1 arttcle ~e 191 x), la conception de la réalité est centré~ sur ..
.. 1 obJet pulsmnnel et ~éfime par les processus secondaires (délai, détour, Juge- 1J
!
~
ment). La. 3° co~cept1on de la réalité est liée à la première forrnulatio~ de ~· .
l p~ycholog1e de 1 e~o ~ans les Deux Prit•cipes de 1911; la réalité est le v~s-à-VJS
t dune structure qu1 n est plus seulement défensive et conflictuelle· le mol a une
'• fonction propre d.e conciliation ct d'arbitrage. Dans Ja 4 o concc~tion, celle de
.••• . Ha~n, ,le mo& ~t pr~ada.pté ou potentiellement adapté à la réulité par ~es
1 appar~tls d auton?m•e pruna1rc; mais il reste encore une dualité entre réahté
!1 psychique et réalité externe. Dans la 5° conception, celle de Erik11on, l'homme
• est pr~odapté~ .non seulement à un milieu moyen prévisible, mais à un vasto
1
évenuul de rruheux, non plus • objectifs •. mais sociaux, 0 , c•• p. 97-101.
1
\
1. 344
..
.'
.•
Jbjectal
surtout c) Reformulations « opérationnalistes •·
1
t
345
•
. '" . '
.... ;;•
... 1.. \, ~· · .. . ..
.'
\
• J ' ,, •• «
.. t
... _... . •
... . ' ' ' '
. ..... ' .•
• 1
• • 1
• .•
•
•
•• •
.. 1 1
1 DIALECTIQUE
r•
:
rl
.•
de la nature. Mais ce qui lui échappe entièrement, c'est qu'une
définition opérationnelle de tous les termes de la psychanalyse
1• n'est qu'un expédient, par lequel on transcrit en termes de psycho-
logie de comportement les résultats d'un tout autre travail de
1 • pensée, celui de l'interprétation analytique. Nous y reviendrons,
'
)
•
1 •• puisque ce sera l'essentiel de notre discussion.
1 ..
1
'.
Seule donc peut être tentée une reformulation de la psychanalyse
' dans une forme modifiée ou révisée de l'opérationnalisme 13• Celui·
.1 l..•
1 •
ci requiert que, « pour être signifiant en termes opérationnels, un
• 1!
1 1
• • énoncé doit être relié en quelque point à des observables ». Une
seule exigence est donc irréductible : un énoncé ou une hypothèse
doivent pouvoir en quelque manière être confirmés, c'est-à-dire
. ' • 1
reliés de manière significative ou mis en corrélation avec quelque
espèce de vérifiable a. 1
•
Ce qui est ainsi exclu, ce sont les constructions hypothétiques
l
et les abstractions d'ordre supérieur, mais non les abstractions
• ~'ordre !nférie~r: .la vérifi~tion de ces dernières peut ~ême ê~e •
\ mcomplete ou md1recte. C est à ce titre que peuvent être mtrodUlts
1
j
i. ce qu'on appelle des intervening variables or dispositional con· !
'• 1
1
1 , Ji
' 12. Minn~sota Studüs, p. 79-80. (
1
J
1
13. Albert Ellis, • An operntional Reformulation of aome of the basic Principlet i
• of Psychoannlysis •, .fv!i.nneso.t a Studies ... , p. 131·1s4 . .. • >
!.
(
14. • Mode~ emPH'teum, m !act, seems to have on/y ottt invariant requmte' ~
' namely, tha_l m SO?JC final analysis, albcit most irrdirect/y and through a /ont 1
!• . ru:tw?rk of ''!tcrvemng comtructs, a statement or "ypothesis must in some manner ~
• 1
(or m pnnetf!lc) be confirmable -that is, 1 ;g,ificant/y lie- able 10 or corrrlata~lt ~
1; with sorne kmd of o~servable. lt thcreby ru/es out sheer metaph;,,sical specu/atton 1
.
1
••
but keeps tlu: door Ulldely ope, for ail other hypothes~s •, A. Ellis, ibid., p. 135· ~
!
346 ~
.l
·l ~
•
ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIB
'>st in tht cepts. Les ~o?structions hypothétiques - essence, phlogistique,
bservable éther, . ça, hbtdo sont peut-ê~e heuristiquement désirables, mais
ne, seuls ont frut plus de mal que de bten à la science 15,
;mc rap. Si une a refonnulation » du freudisme est possible - et dans la
• •
!me JUS· me~? re limité~ ?ù. elle l'est - elle doit se fai~e dans un langage
conduite ent1erement dertve de deux observables ou a fatts ,, : la perception
~rocessus
et la réponse. Pour constituer ce langage de référence il suffit
~ champ d' « ancrer ,, dans ces concepts empiriques de perception et de
,.l'appareil réponse les autres constructions nécessaires ou utiles à l'explication
tncorpo- de la conduite humaine : ainsi, on distinguera entre perception
,prement
~
consciente et inconsciente, en appelant inconscient ce qu'on perçoit
1e toutes sans percevoir qu'on le perçoit; on considérera comme relevant
LX forces du learnitzg toutes les organisations et réorganisations de la
t qu'une perception et de la réponse et on joindra aux perceptions les prédi-
:hanalyse cats de bon, mauvais, agréable, désagréable, utile, nuisible, pour
psycho- introduire dans le schéma des facteurs d'évaluation, d'émotion,
·avail de de désir, qui seront considérés comme réponses à ces prédicats '1
endrons, adjoints.
Je ne résumerai pas les « refonnulations opérationnelles 18 » qui
ont été substituées aux hypothèses freudiennes, celles-ci étant
hanalyse d'ailleurs empruntées à l'exposé le plus scolaire de Freud (L'Abrégé
3• Celui- de Psychanalyse) : Ça, Moi, Surmoi, ~ros, instinct de mort, vie
nels, un sexuelle, érotisme anal et oral, phase phallique, refoulement, libido,
1 ». Une libido sexuelle, complexe d'Œdipe, défense du moi, etc. 17, sont
rpothèse ainsi transcrits dans un langage entièrement dérivé des deux obser-
>t-à-dire vables initiaux.
quelque . Ce qui est purement et simpleme~t omis, dans cette « ref?~ula
tlon ,,, c'est que rien de tout cela n ~t a <;>bservé », même t~dJ~ec
~étiques tement, à titre de réponses à ?es sttm~h; avant d~ po~.1Votr ctre
•
ract1ons l cr reformulé n, tout cela a été a mtcrpréte » dans la Situation analy-
,.
me etre ,•• tique - c'est-à-dire dans une situation de langage.
traduits 'j Proche de l'entreprise de u reformulation » étudiée ici, il faut
citer l'important travail de Madison sur le Concept de Refoulement
!al con· l •
1
•
l
• 15. Ibid., p. IJ6, p. JSo-2.
1 16. Ibid., p. 140·1 so. . .
1
'
17. Il est remarquable que deux groupes de conc~pts maJeurs du . freud11me
>rinciplet ne sont pns retraduits et ne doivent pos l'être : a) celus de psyché, de vte mentale,
}
) de quotités men tu les; b) celui d'é nergie mentule et. d 'investissement d'énergie :
·equisite : •
ce sont à lu fois d es constructions démodées du xrxe asècle et des concepts • redon-
Il a /ont 1 dllnts • plU' rupport aux behaviora~ in.tervening van'abln (~sr). Or c~ sont, à mol!
~ monntt ' aens, deux concepts ontiques qw regle!'t les deux unsvers du dsscours, celus
~
m •/atablt -t de l'interprétation et celui de l'explicatson, ceux-là même que la psychunalysc
•ecu/arion i compose duns son discours mixte.
:),
•
J35· l
l
347
~.,
~
•
.. . ,,,.' . :
, .. ,'
.,_ .' '
'
1 .. .....
.~ ~
' •' ... ., . .
'
. ... .. . .. '
. ,. ... .. ""
• • •"'f ... #
•
'
' '
<t '· ' " " '
'
'
1' •
1:
1
•
.. '.
1 1 1 .
• 1• .
Ï'
1
1
•
'
!
:l DIALECTIQUE
' i• •
1
ï
.
et de Défense lB. Nous l'avons consulté une première fois pour
•
mettre de l'ordre dans les diverses acceptions du concept freudien
11 1 de refoulement. Mais nous avons mis entre parenthèses le propos '
· précis de l'auteur qui était de soumettre ce concept à l'épreuve
l
1 des critères épistémologiques de Carnap et de Nagel. Madison
'' . entreprend d'abord de rendre univoques et cohérentes les défini-
1' •
tions de tous les termes théoriques : rapport entre défense et refou- ~
•
i 1 lement; distinction entre défense réussie et défense qui échoue; ·
1• distinction, parmi celles-ci, entre défenses répressives et non
.
1
1 ' •
-. répressives; articulation entre refoulement primaire et secondaire
l
1'
(nous avons nous-même suivi ce fil conducteur dans notre analyse
du concept de refoulement). Son travail principal consiste à établir
1
r •
la corrélation entre ce langage théorique et un langage d'observa-
tion auquel le premier se relierait par le moyen de règles de corres- .
1 •
'
pondance et de définitions coordinatrices ou opératoires. Le conflit
•
de la pulsion et du contre-investissement, dont refoulement et
défense sont les manifestations, correspondrait ainsi au concept j
1 1 •• physique non observable de « vibrations atomiques dans les solides • :
1
. ou de u vitesse des mouvements moléculaires désordonnés dans les
•
'
l •
liquides et les gaz », dont la température est la manifestation. Au
plan du langage d'observation, symptômes, signes « distordus •
..' •
'
et u éloignés » (rêves, fantasmes, jeux de mots, etc.), inhibitions :
la
1
• diverses dans les affects ou la conduite, résistance dans la situation
l'
thérapeutique, seraient comparables aux « indicateurs >> subjectifs
et objectifs de la température; enfin les techniques spécifiques
par lesquelles on quantifie ces indicateurs en physique auraient
leur correspondant dans les aspects quantifiables du comportement !
0
serv at~onal languat;e, Minnesota University Press, 1961. Cf. ci-dessus, P· 141' i
\
n . S8, 1 exposé succsnet de l'ouvrage. {
J
•
1
.f
!•
.•
'•
'
'
•
1 1
!
• ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE
1
• l
s solides• ' mordu par des chevaux et la peur de castration : u Dans la mesure
où les analy~tes infèrent seulement le complexe d'Œdipe sur une
s dans les 1
'1
telle base symbolique, il ne peut être énoncé en tenne d'observation
ation. Au
et par conséquent n'est pas mesurable en principe 20• » Et plus
stordus • loin : « Le traumatisme de castration n'est pas observable, s'il est
l
.r
1hibitions vrai qu'il est toujours inféré sur une base symbolique ou sur toute '
• •
sttuat1on autre base indirecte, laquelle à son tour dépend d'hypothèses
subjectifs • théoriques ultérieures, impliquées dans les diverses règles de
:lécifiques • traduction de Freud 21. »Par règles de traduction l'auteur entend
; auraient le symbolisme et, en général, tous les mécanismes du travail ~e
•ortement 1! rêve. Cette limite que Madison aperçoit nous ramène en réahté
,res, alté· 1•• au problème de l'interprétation. Or celui-ci n'intervient pas seu-
;time que 11 lement dans les cas où l'on ne peut ni observer ni mesurer; elle
ussi faci· couvre la totalité du domaine considéré, dont seulement une partie
!lanifesta· peut être traduite en langage d'observation. A~ssi bien.le compl~xe
·ectement
j d'Œdipe est tellement central dans la théone freudienne qu on
,. l
de refou· peut difficilement le tenir pour un segment non observable et ~on
l
~rt, resJS· 1 mesurable de la théorie du refoulement, sans mettre en questton
:onscient, l ce que Madison doit finalement appeler le « dogmatisme de Freud
'
1
1
concernant la sexualité u ». Aussi bien Madison ne pense pouvoir
de refor· !• 1
nalytique
19. Ibid., p. 190.
ao. Ibid.
oretital (J1'ti a x. Ibid., p . 19:t,
aa. Ibid., p. 191. •
sus, P· r-+'•
l 349
1
'
'
.
; )
~
.
.... .,. ..
' '
. . ...~
• •... •
•..,. ~ • ..,.
• .,1, ,. .. . •
.
~' .
tv •
• J .
• •
'' ""
.. ......
.
. .. ' . . «
\•.
'
......,......_.-.: ' '~'.T~"illi''
' .,
-. ~ • r.., ,. ~ " . '
1
•
1 ~ 'U· :
•
1.
1.
'1,.: •
'
• 1 DIALECTIQUE
1
i
•
1
l
sauver une partie importante du système freudien qu'à la condition
•. de disjoindre la sexualité réelle, qui est un motif justiciable de
l •
•
l'observation, de la sexualité qui ne peut être qu'alléguée dans le
.'
•1 •
t
1
•
cadre des règles freudiennes de traduction et qui n'est pas justi-
1' ' ciable d'un langage d'observation. Qui ne voit que cette distinc-
.•• tion de la sexualité observée et de la sexualité interprétée est la ruine
1; même du freudisme? Aussi intéressante donc que soit l'entre-
•• prise de Madison, aussi sérieuse surtout que soit sa lecture de
• •
1 Freud et sa transcription partielle en langage d'observation, son
1• livre souligne l'impuissance de la psychologie d'inspiration posi-
1
1 ' •
• tiviste à fournir un équivalent des rapports de signifiant à signifié
..'•• qui rangent la psychanalyse parmi les sciences herméneutiques.
1
1 .•
r
:
1 . • 2. QUE LA PSYCHANALYSE
•
N'EST PAS UNE SCIENCE D'OBSERVATION
l
1
• •'
1
. •• • •
•
11.. ' Reprenons en ordre inverse les phases de ce procès épistémolo·
gique de la psychanalyse.
• •
a) La critique des opérationnalistes et leur exigence de refor-
L
..•
'1 mulation fournissent une bonne base de départ. . •
.,.
1
l
rieur même du mouvement psychanalytique. . •••
1 c) Enfin nous serons ramenés à la critique la plus radtcale, ,
•
'
• celle de la logique des sciences. Nous lui ferons l'aveu qu'.elle 1
1 demande: que la psychanalyse n'est pas une science d'observation.
' •
1• Il restera à transformer cet aveu en riposte. '
.••
i
1
1
a) Face à l' u opératümnalisme ,, 1
•
j •
1
•
'
Je ne co!lte~te pas le droit de u reformuler » la psychanalyse en j
i. ••
termes operat10nnalistes; il est inévitable et souhaitable que la '1
.
1
psychanalyse s?it confrontée avec la psychologie et avec 1~ autres .J
••
i. sc1enccs humames et que l'on tente de confirmer ou d mfirn;er ,
•
ses ~ésultats par ceux des autres sciences. Il faut seulement bten j
! • sav01r que cette reformulation n'est qu'une reformulation, c'est-à· J
\
J.
~.
350 •
•
•.a
•
-
~ .J ~
0
••
0
0
'
0
• 0 •
• 1 0
0
•1 1 0
t
• l
DIALECTIQUE
T
'1
1 •
0 0
0
proposition Et; E 8 peut être erroné et vérifié par des observations
'
de fait. L'explication analytique est une autre forme d'énoncé.
E 4 , si~~ à égale distance .des éno~cés Et, Ez, E 3 ; c'est dire que lea
proposltlOns psychanalyttques dlffèrent autant de rexplication
0
1
•• 24. Toulrnin, .~vec beaucoup de subtiliti et de justesse, montre qu'.o!' peut
ce~er ce quatneme type de propositions, E., par trois types proposattonne~
•
'
1
•
0
0
mtxtes. Eu, Eu, Ea, : E•• est plus proche du type c raison alléguée • (stolt
)
•
uascm) ; ex : 1 J.ound myse/f wishing that 1 was a/one with her; Eu est plus Pto;
••
1
che du type • raason rapportée • ( reported reason) ; ex : he behaved for the mom~
0
as thougla he hated the siglzt of /~er; Ea. est enfin plus proche du type c explicauoj
\ l
causale • ca~sal explanation! i ex : ile hehaves like th at because his fathcr o"!~n
(
to beat ham '!aolently ~ a cluld. Aucune de ces propositions n'est une propostU s
0
•
1
0
1
•
f1 by. studymg the motaves çor ratl~r than tl~ causes of murotic behavior • (Toul·
• mm, o. c., p. 138)• 0
1
•
0
0
1 •
0
0
3SZ
1
/~
•
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOryiÉNOLOGIE
•
·hservationa
: d'énoncé, (par exemple, ceux d'un rituel obsessionnel), à des intentions (par
~ire que Iea exemple, d'un acte manqué), à des significations (de symptômes,
'explication de rêv~s, etc.), ,et, d'~utre part, la « théorie » freudienne, qui traite
u terme de c~. memes .Phenome~es comme des « ~técédents psychiques ,,
:t un motif qu Il faudrait découvn~ en q'!-elque terre mconnue, comme Chris-
à titre de tophe Colomb fit de 1Aménque; cette u cause réelle » des faits
réels ne peut alors conduire qu'à une a multiplication gratuite
i~ble; pour
ilble, aussi d'entités douteuses », dont le moindre tort n'est pas de concur-
re~cer les seuls faits observables et vérifiables, ceux de la physio-
' psycholo- logie.
des propo-
Ou bien on tentera de simplifier le discours analytique en le
notifreste
faisant passer tout entier du côté du motif et non de la cause 25;
!t cause la le mérite de Freud serait alors d'avoir a étendu » les notions de
motif, de désir, d'intention à deux sphères nouvelles : celle du
la psycha- non-connu par le sujet et celle du non-volontaire; mais cette
nces de la \ extension ne changerait pas le caractère foncièrement psycholo-
ménologie. gique ou mental, c'est-à-dire intentionnel, de ce cours de motiva-
de motifs tion. S'il en est ainsi, le mot inconscient doit rester adjectif, le
est décalé substantif inconscient étant seulement une expression abrégée
ressemble pour motif inconscient. C'est par un abus, que le logicien ne saurait
elle,, sous
. ratifier, que l'adjectif serait devenu le nom pour une région de
:rpretatJon · l'esprit, pour une chose réelle produisant des effets réels; il faut
n alléguée garder au contraire au mot intention son sens fort, l'intention étant
n dans un définie par la visée d'un but et la possibilité, au moins de principe,
e que fait 1 d'être portée au plan du langage; par ce côté intentionnel, les
LSe épisté· 1 notions freudiennes sont logiquement irréductibles à des !ermes
~hanalyse, i physicalistcs. Le génie de Freud est d'avoir tenu pour e~phcables
:utées par , en termes d'idées intentionnelles les phénomènes étranges JUsque-là
~ t~alysis : li' abandonnés à la physiologie. La parenté entre motivation et langage
ion entre, signifie qu'il est par principe possible d'en rendre compt~ ~vec
.e s motifs J ~cs mots; c'est ce qui distingue un agen~ r~tionnel - fût-JI ~rra
ttonnel - des êtres non rationnels. Ausst btcn la cure analyttque
qu'on peut
j a-t-elle pour fonction d'étendre le champ de rationalité du sujet,
lositionneb 1 de remplacer la conduite impulsive par une conduite contr~lé~.
ée • (stoted S'il en est ainsi, la psychanalyse a plus de rapport avec les diSct-
t plus P~
the mommt 1
explication
fathcr ustd
25. Antony Flew, o. e. , Plli/osophy and Ana/ysû :concluant aon 411icle, A. F.
écrit : • !11y two thtst!S llatJe hecn, first, tiUJt psychoanalytie exp/anatiotr or at any
:>ropositioD rate classica/ Frcoudùm onts in the fost instanc• are • motive • and not • ca~a/ •
·of Frnltf'1 exp/atUJtiotrs · and second thal these IWO sorts of exp/anation are so radtcally
rpist btgi/IS different that• they 'are not 'rivais at al/ • (ih1d.
. , p. 148). Il c:at vnu. que, d ans JOn •
,, • (Toul· Avunt-propoa do 1954, A. F. attinuo cette opposition massive (ibid., P· 139).
• •
353
l
/~
·,... .-; ..... .,. '
;• .. , "'.v\ '· · '..,
•
.. ,. '. ..;. ._ '"·
..-· ... . .. . ' . ~
~ ., . ~
...... ,, , • • Il>
•'
•
1
! DIALECTIQUE 1
•
1
• plines historiques qui cherchent à comprendre les raisons des actio
humaines qu'avec la psychologie de comportement u. r.
•
'
Rien n'est plus près de ma position que cet article d'Antony
'
' '
Flew.
Ce que je lui reproche, néanmoins, c'est de manquer le caractère
spécifique du discours analytique 27 : s'il n'y a pas de traduction
possible du langage causal en langage motivationncl et vice versa,
comment rendre compte de la méprise que constitue leur mélangel
:
•
. '' Il semble bien que le mélange, en psychanalyse, d'une procédure
•
'
•'
. •
de détection (pour ne pas dire d'une manœuvre de détectiveA
d'une technique appliquée à produire des changements d'activit~
et de propositions théoriques doive exclure ce genre de dari·
.1 .. fication radicale 28• •
••
'
1 i
•"• •
•
•• ' •
Ou bien alors on tentera de rabattre le discours analytique du
1
1•
''
• .. ' ' .
•
.,~ .. '- .., .. -··
. 1
• ,• '\ • '
'
•
1
•
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
lS des actiorG
21
• des propositions générales, quand par exemple elle assigne un
:le d'Antony trait de caractère (l'avarice) à une constitution libidinale archaïque
(celle du stade anal); meus elle comporte aussi des propositions
r le caractère historiques quand elle procède cc détectivement ».
le traduction Ma position, dans ce débat épistémologique, est double : d'un
côté, je tiens avec Toulmin et Antony Flew, que cette réduction
t vice versa,
du motif au type d'explication inauguré par la cause formelle
ur mélangel aristotélicienne et illustré dans l'épistémologie moderne par la
te procédure notion de dépendance fonctionnelle, n'a rien à voir avec le motif
:: détectiveA entendu au sens de « raison pour 80••• » La distinction entre le
ts d'activit~ motif, au sens de u raison pour... », et Ja cause, au sens d'une relation
re de dari· entre faits observables, ne concerne aucunement le degré de géné-
• ralité des propositions. C'est la distinction, que Brentano, Dilthey,
l
Husserl avaient dans l'esprit, quand ils ont opposé la compréhen- 1
ulytique du sion du psychique ou de l'historique et l'explication de la nature; 1
!
Peters, dans cette fois le motif est du côté de 1'/zistorique, compris comme région 1.
:era d'abord d'être distincte de la u région , Nature, l'historique pouvant être 1
Jn la traitera
~énéralité tt;
lui-même considéré selon la généralité ou la singularité des séquen- ~
ces temporelles. D'autre part, l'opposition pure et simple du motif
. alors (danl et de la cause ne résout pas le problème épistémologique posé
.ra de telle · par le discours freudien : celui-ci est réglé par un type d'être hors •
ion du type série, que j'appelle sémantique du désir; c'est un discours mixte
: tomber), b qui tombe en dehors de l'alternative motif-cause. 11 ressort du
gré; elle~ moins de la discussion que le discours analytique tombe partielle-
!, de l'exp~· . ment dans le champ des concepts moti~ationne!s; cela s~ffit. pour
1 de l'expli· que la scission entre psy~hanalyse et sc1ences d observatu~n ,mter-
'
~ographique
. vienne dès le début; maiS on manque le sens de cette dttference
·e complexe initiale si on ne la porte pas a~ niveau ,même: du « ch~p »
• • •
opostuons · psychanalytique, c'est-à-dire au mvc:au de 1 expé:1en~e :maJyuque
1 dans laquelle et par laquelle cette différence est mst1tuee.
.dessus n. JI~ i
ermes tels .~ ,
=significa11 011 • b) Face awc reformulatüms internes.
DTttJiously ~
·/ examin~Jt•• ' Pourquoi maintenant, les reformulations, proposées par certains
rding fro~, ~ ~ analystes afin de satisfaire aux exigences de la théorie de la science,
1ational •11111 • ne nous' satisfont-elles pas davantage qu'elles ne satisfont les
ancll, drttJIIf• j
1 opérationnalistcs? Parce qu'elles trahissent, selon nous, l'essence
Inconsdnr,:; ! même de l'expérience analytique.
rs, wh~ . u . Comment, en effet, interviennent ce que le psychologue appelle
111
y to elrnr• J
1, p. 155· 30. Toul.m.in, Postscript (1954), Philosophy and Ana/ysis, p. 155·6•
• , 4S-r5o·
;>. JV,
355
•
'
•
.. '
•• •
•• • •
l
•1• 1
'•
1
r ·( 1
1. •
DIALECTIQUE
••
•) •
•1 ••
• 1
•• variables d'environnement dans la théorie analytique? Ce ne sont
.1 • nullement pour l'analyste des faits, tels qu'ils sont connus par 1
•
l'observateur extérieur; ce qui importe à l'analyste, ce sont les
dimensions de l'environnement, telles que le sujet les u croit»' ce
•
qui est pertinent pour lui, ce n'est pas le fait, mais le sens qu~ le
1
fait a pris dans l'histoire d'un sujet; il ne faut donc pas dire que .
: j: u la punition d'une conduite sexuelle est un fait observable qui 1
produit des changements dans l'organisme 31 >); l'objet d'étude
de l'analyste est le sens pour un sujet des mêmes événements que .
1
le psychologue considère en observateur et érige en variables
d'environnement. i
Dès lors, la conduite n'est pas non plus pour l'analyste une varia- )
ble dépendante, observable du dehors, mais l'expression des chan· 1
gements de sens de l'histoire du sujet, tels qu'ils affleurent dans ~
1 la situation analytique. On peut bien parler encore de « change·
.1 ments dans la probabilité de l'action » : à cet égard, le patient de j
.1 . •• Freud peut aussi être traité en termes de psychologie de comporte· :
•
• . ment; mais ce n'est pas à ce titre que les faits de conduite sont
1
1 1
• '
1 ••
•• 1
.•
pertinents pour l'analyse. Ils ne valent pas comme observables,
• 1 '
•
• 1 1 • mais comme signifiants pour l'histoire du désir 82• C'est précisé· i
1
.•• 31. Skinner, art. cité, Minnesota Studies, 1, p. 81. i
32. H. Hartmann est bien conscient de cette différence : c The data gathertd •
in tlu: psychoarw/ytic situation with tlu: hclp of tite psychoanulytic method are
primari/y behavioral data; and the aim is clearly the I'Xploration of human btfra· l
1
vior. Tite data arc most/y the patient's verbal behavior, but include other k~nds 1
• • of action. They include his silences, his postures and his movements in general, ~
•
••
more specifically his expressive movements. Whik analysis aims at an exp/ana·
tion of human bellavior, thore data, ltowever, are interpreted in analysis in ttrnU
• of mental processes, of motivatior~, of c meatting • · there is, then, a c/ear-cut ,
•
•
diJferc.nce betwe_en this approach and t~ one usually• cal/cd • bchavioristic ~· ~nd
! . • tlm difference u even more marlwd if we consider the beginnings of behatJIOTISm,
1 •
rather tira~ i.ts ':'ore . recent formulation • , in Psychoarralysis, . éd. Sidney Hoo~
1
1
P· 21 : Mrus al n en tare pas les conclusions qui s'imposent, tant il est p~éoccu":
• 1
• de rémtégrer la psychanalyse dnns la psychologie générale et de recevo1r confit
l. mati?n ~cs autres formes de la psy~hologie scientifique. Or la qu~tion est d:
1 savo1r s1 ~a psy~hanalyae est une sc1ence • d'observation psychologique •· Ou
l'o~aervatao~ aoat ~ené~ • in a clinical setting • (ibid., p. 2 s), que •l'obj~t psych~
•
1 l~gaque • soat étu?aé .. m. a real-/ife situation » (ibid., p. 26), cela ne faat pas tl!'
différence . ess.enucllc; n.• meme que la psychanalyse découvre, par c~tte "0 ~
• des motavauons humames, des besoins et des conflits humnins • (ib1d.); pl
•• !. impo~nnt est le .fait que dans les • case histories • de Freud, l'observation et l'~la: 11
1• bora taon théorétl.que m.archcnt de pair so.ns qu'on puisse les dissocier (ibid., P• :&S9l•
•• Hartmann est baen pres d 'en énoncer la raison essentielle lorsqu'il note que e J
travail .clinique c:&t guidé pa~ des • aignes • (ibid.) : • A comitlerab/e part of psych:j i
' 1
1
analytte work ca.n be dcscrtbcd as the use of 11gns ... In titis seme one spraks ut
1
1 the psychoanalytrc method as a method of interpretation • (ibid., p . aS). On pe
1•
i
1•
'•
•
.
'1 •
•
.
1'
'•
j
•
l
• ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE
Ce ne sont 1
!onnus par 1 me~t. cette signification que Skinner rejette dans les ténèbres
~e sont les :
exteneures, dans le fourre-tout général des théories sur la vie
•
croit »; ce ~en~le et des métaphores préscientifiques 33. Or, ce sens d'une
;ens que le h1stoue n~ c:oncerne pas un stade moins avancé sur l'unique voie
du Behavtonsme : absolument parlant, il n'y a pas de u faits » en
as dire que . psychanalyse, parce qu'on n'y observe pas, mais on y interprète.
:rvable qui
. Telle .est, à mon avis, la seule réplique de l'analyste au bchavio-
et d'étude nste. S'tl accepte la méthodologie déjà constituée sur la base des
:ments que axiomes du Behaviorisme, s'il commence de formuler sa recherche
t variables · en termes de << probabilité de certaines réponses », ii est condamné
•
1 soit à. ~tr~ récusé .comme non scientifique 34, soit à mendier une
une varia. l réhabthtatlOn partielle au moyen de ce que Skinner appelle a le
des chan· 1 simple expédient d'une définition opérationneUe de termes ». La
Jrent dans J ligne de défense est sur les avant-postes et l'issue se décide sur la
« change· question préalable : qu'est-ce qui est pertinent en psychanalyse?
patient de Si l'on répond : la réalité humaine, en tant qu'elle peut être for-
comporte· , mulée en termes opérationnels de « conduite observable», la condam-
duite sont
>servables, alors se demander ai une investigation des notions de signe, de signal, de signe
expressif, de symbole ne romprait pas le cadre épistémologique emprunté
lt précisé· j aux sciences expérimentales de la nature. ..
.1 33· Cette fonction signifiante échoppe à l'exigence, formulée par Skinner,
de traiter le comportement conune un datum er ln • probabilité de réponse •
ata gathnt4 l comme la principale propriété quantifiable de la conduire, et d'énoncer l'appren-
method art .• tissage, ainsi que tous les autres processus, en termes de c changements de pro-
tuman btluJ· ' babilité •. Minnesota Studies, r, p . 84. C'est aussi cerre fonction qui interdit de
othu kinds i • représenter l'acte d'auto-observation dans le cadre de la science physique •
in genrral, 1 (ibid., p. Bs>.
an exp/ana· 34· Ln question de la quantification, qui fournit A Skinner un argument décisif
pour exclure la psychanalyse de la science (art. ciré p. 86), embarrasse eonsidé·
'Sis in tmru rablement Rnpnport qui, pour les raisons dites plus haut (n. s ), doit lui consacrer
a c/ear-cut
ristic •, and J
un pnrngrnphe et un chapitre dans, son ouvr?ge épistémol.ogiqu~ (J?· 38-.u.
U7-IJ2). Hapnport a bien vu que 1 obstacle n est pns fortutt, mats uent c au
~chaviorism,
manque de méthodes quantitatives appli~bles aux va~iables intra-p~ycholo
:!ney Hook, giques • (40); mais il sc représente ce défaut co~e ~ stmple ret~rd pras par Ill
r préoccu~ p sychanalyse sur les autres sciences (.JJ). Il est vra1 qu 1! note ~nsuuc (p .. r 17 sq:)
voir contir· que la mathérnnrisution c n'est pas la mesure, que Lc~m ~t Ptagt;t ont mtrodutt
;tion est de , la topologie er In théorie des ensembles en psychologac, c est-à-dtre une m:uhé-
que •. Que mntique non métrique •. Mais il abandonne ~eue ~~ic po~r revenir a~ ~~r~ctère
•jet psycho- , qunsi quantitatif de l'investissement; ln théorie de lmvcsussemcnt, du-tl. mclut
'nit pns ~e des propositions qunsi quantitatives sous forme d 'in~çnlit~s (1~3 ) c<;>nccrnunt
cette \'Ole, l'énergie libre, liée ou neutralisée. Quant à la • qunnt•!•cauon dtmcnstonnclle •
ibid.); plUJ . (I2S-IJ2), elle ne aero possible que q~and on aura eomprts le. p~sngt; du ~ro eessus
ion er l'~la· j A la structure er en général la fo~auon des ~rruc~ur~ : • 11t~s cfarijicatwn sc't!trU
id., p. 259)i 1 to be liU! prerequisite for Jimmsronal. quantificatron m partrcultzr, and prrhap!
lote que le . even in psycho/ogy at large • (130)•• Mots un ,progr~ en cc sens présuppos~ ce ,ua
of psycho· Î est en question, à an voir qu'on pu1ss.e. ct qu on ~otve soumettre à une \'értficauon
e spraks o/ de caractùc exp~rimental Ica propoa&hona freucliennce. •
). On peut
351
•
•
--·--·--~ ___,, ... ..
"" ' .
~-...
~
-~
-~:.,~
\
. 1
•
1 •
~
1 1
DIALECTIQUE •
..
1
1
'
nation suit inéluctablement 85• Si on ne reconnaît pas la spécificité 1
'••
des questions de sens et de double-sens, et si on ne lie pas cette 1
question à celle de la méthode d'interprétation par laquelle cette 1
question vient au jour, la a réalité psychique » dont parle la psycha-
nalyse ne sera jamais qu'une « cause » superfétatoire, redondante l•
par rapport à ce que le behavioriste décrit très bien comme compor~ 1
tement; ce ne sera finalement qu'une « ritual form or mental 1
alchimy », selon le mot sévère de Skinner 34• C'est cette spécificité ..
.••
qu'il nous faut maintenant dégager, en nous servant des modèles
1 • par lesquels on a tenté d'assimiler la psychanalyse à une science '
1
l • expérimentale. •
35. C'est pourquoi les r~pliques de Michael Scriven sont faibles (Minnesota
..1•
l
•
iffrer souffre d'une amputation préalable, celle de la question du sens. 1
•
1
!rses,
•
Que signifie le point de vue « topique », en dehors de la recherche ,•
•
lettre perd sa ap~cificit~; est-il suffisant d'~criro . : c Acatûmrc f'Y'h?loz~s drd nol
1 dtvelop such a concept probably btcau.se tlrear rnethods of anvestrgataon tend to
47-ss. 1
~-15o; 1
exclude rather tiran t~ revcal multiple ~e~ennination •1 Dana lo meme ama,
:lrecn,
1
1
H. Hartmann, in PI)'CIUJanalysis..., p. aa; ibid., P· 43·
r/enlllt
.,1 359
,.
.
•
!
••'
. . ... •
. .. . ..'. ....
. . ........- .. ..: ..
... . ·'•1 . .,. .- . . ./
••
' ' .. ,• \~· . . -".
'( •: ... '. •
~
' '.,
'
• ('
. .
•
.. ' . . . -~
......
1 0
.
i1l : 0
,o
•
t '
1
'
!' ,1
DIALECTIQUE
1
t
• 1
aux phé~omènes co~itifs (Rapaport 88), ~-'est tra~ter.par prétérition
·h ' 1
'
0
.
•
le probleme des relattons de sens dans 1mterpretatton analytique·
1 0
0
0
0
..' c'est dans un champ de parole que cr l'histoire » du patient vient à 1
•1
0
0
"
'' ~ s'exprimer; dès lors son objet propre ce sont ces effets de se~s
0
0 1 0
0
1.1 0
0
• 0
1
lj
• • empirique ne peut considérer que comme des segments de condui~e. i
1
Pour l'analyste, c'est la conduite qui est un segment du sens. V01là
' ' 1
•
pourquoi objet perdu, objet substitué sont le pain quotidien d~ la l
0
'
psychanalyse; la psychologie behavioriste ne peut thémauser ,
l'absence de l'objet que comme aspect de la a variable indépe~- l
0
'.
0
1
0
0
'
dante» : il manque objectivement quelque chose du côté des stimu.h; .;
0
0
•
pour l'analyste, ce n'est pas un segment dans une chaîne de vana: 1
1 bles observées, mais un fragment de ce monde symbolique qw .1
1
1
0 ' affleure à l'intérieur du champ clos de la parole que l'analyse ~t 1
~ elle-mên;e ~n tant que . ta/king cure. C'est pourquoi l'obJet
absent, 1 o?Jet perdu, l'objet substitué, sont méconnus par tout~
!
'j
refo.rmulat1on ~e la métapsychologie qui ne part pas de ce qw
0
1
l
1 1
'
adv1ent ~ans 1mterlocution analytique. 1
La smte. des autres u modèles » et de leurs corresponda~ces
0
!
1
à des « pomts de we » connus de la psychologie acadénuque Î
.1 ~
39· Cette .f'onction de l'absence est sana cesse c6toy~e par D. Ropapof! dl;ll' 1
.} 1~ constructto? ~e son r:nodèle combin~. D~jà au niveau du modèle pnmlll~ J
/
1 abs;nce de 1 obJet pulstonnel est essentielle à Ja production de l'id~e halluct
natot.re ou de la d~charge affective. Rapaport, o. c., p. 71·3· . 1
1 -4°· • Here .the psyc!10logical absmce of the object plays the sanie ro14 as dl rta
l absence does an the pmnar;y nu:ukl. • (Ibid., p. 7+)
'•
1
'
1.
''
0
•• •
' .
1 •
V·"
' .. ..
' ' , ',
.
•
1
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
•rétérition
lalytique· 1 est l'occasion d'une méconnaissance semblable aussi grave que
1 subtile. . '
hlème d~
Le cc point de vue génétique», chez Freud, même dans ses for-
>Ulsionncl
!llula.t ions les P.lus. ~cientifi9ues ou ,~cientistes, ne se dépouille
décharge
Jamais de la spéc1fi~1te q~e lUI confère 1mterprétation des fantasmes.
us secon- Certes, on peut b1en dire que u chaque conduite est une partie
••
e structu• d'une séquence h!storique »; on peut bien parler ainsi, pour rendre
•
:tssemen~
1 le langage analytique homogène à celui des sciences génétiques :
discrimi- à condition de ne pas oublier qu'en analyse, l'histoire réelle n'est
tt dans la elle-même qu'un indice de l'histoire figurée par le moyen de laquelle
.tingue et un sujet sc comprend; celle-ci est seule pertinente pour l'analyste.
!yse n'use 1 Quant aux u déterminants cruciaux de la conduite » que Freud
.e use du localise dans l'inconscient, la psychanalyse ne les rencontre jamais
1ce, pour que comme a représentants » de pulsions, que ceux-ci soient des
!St le lieu représentations proprement dites ou des affects, donc comme des 1
•
signifiants déchiffrés dans leurs rejetons plus ou moins distordus ü. ••
1
troie avec Si l'on élimine de ces déterminants cruciaux leur dimension signi-
!ntifique; fiante, on ne comprendra jamais que le principe de plaisir puisse
1t vient à interférer avec le principe de réalité; leur affrontement se fait au
; de sens niveau du fantasme; c'est en tant que le principe de plaisir déploie
ychologie ses rejetons dans les régions de la réalité que Je principe de plaisir
conduite. j joue le rôle du premier genre de connaissance chez Spinoza, le
1
:ns. Voilà rôle de « conscience fausse». La falsification, l'illusion sont possibles
ien de la i' parce que la question du plaisir est dès le début la question de la
1émauser
• vérité et de ]a non-vérité.
'
indépen· '
1 C'est bien pourquoi Je« point de vue structural» a PL! s'enchaîner
, stimuli;
l
• au u point de vue topique»; R~paport le constate; matS, comme~t
•
de varia- 'l
: en rendre compte, si les conflits structuraux - entre Ça, M01,
• • Surmoi - ne sont pas portés au cœur même des apports de sens
ique qw 1
• que constituent l'interdiction, le tabou, le « complexe du père •,
1alyse est
i l'objet
l qui sont d'abord des a choses entendues», des« voix»? La censure,
l dès l'Interprétation des Rêves, n'est pas autre chose qu'une rature
>ar toute•
du sens, qu'une bascule dans la région de .J'inconscient ~e ce qu'il
e ce qw
1 est interdit de maintenir dans le texte offic1el de la conscience.
1 C'est encore ce rôle du signifiant qui spé~~fie. cr le ~oint. de vue
)ndances dynamique » propre à Ia ps~chanalyse; on n mststera, Ja~a•s assez
démique 1
{ sur la différence entre besom et vœu (Wunsch}, des 1 Interpré-
J tation des Rêves; cette différence est Ia même que celle que les
3pOrt df:%1' 1
: prirnas~ J 41. D. Rapoport, porlllllt dea c unnotfceabu. • do la psych~alyse, d~clar~ ~
!c halluc•· • Whi/e other psychologies treal tl~ unnotJCt~ble an. no11 psycholol,tclfl terms (bram
fields, neural cottnectiom, etc.) psychoana/ysu cons•~t~ntly treats llm the psycholo-
as ;u real gical temu of motiwlions, affecu, tlwugllu, ttc. • •bùl., P• 89.
.j
• ••
l
•
·•
..... <-: t
.
~ ...
r- -. --· ... ·-
•
J
1•
.•
1
DIALECTIQUE
'•
'
.' écrits de Métapsychologie instituent entre pulsion et représentants
•
• de pulsion. Si la pulsion est l'ultime origine de la conduite, ce n'est de
pas cet ultime qui concerne la psychanalyse, mais son inscription d~
'•
dans une histoire sensée et insensée qui vient se dire dans la situa- d'
• tion analytique.
Dès lors tous les échanges énergétiques placés sous le signe du d:
« point de vue économique », tout le travail de l'investissement, du de
désinvestissement, se jouent sur des représentants de pulsions et es
ne sont accessibles à l'analyse que dans la distorsion du sens. ré
•
L'Interprétation des Rêves est ici le guide sQ.r : son champ, c'est m
Ct
ce qu'elle appelle Traumentstellung, soit l'effet de transposition
et de distorsion qui se manifeste dans la texture du rêve, en tant ré
précisément qu'il est Wunscherjüllu1zg, remplissement de vœu. êt
m
C'est l'accomplissement fictif qui est l'effet de distorsion. C'est
dans l'effet de sens que « travaille » la distorsion, sous les espèces
du déplacement, de la condensation, de la figuration. Dès que l'on
p:•
tl•
sépare l'économique de ses expressions rhétoriques, la Métapsy· et
.• chologie systématise autre chose que ce qui advient dans l'interlo- \
dl
•
•
cution analytique; elle engendre une démonologie fantastique, si ~
ce n'est une absurde hydraulique. le
Il résulte que le divorce majeur doit être porté au niveau de la sc
notion même de u point de vue adaptatif ». Le principe de réalité le
de la psychanalyse se distingue radicalement des concepts hom~ 1':
• logues de stimuli ou d'environnement, parce que la réalité dont il d:
• est question, c'est fondamentalement la vérité d'une histoire per· d:
sonnelle dans une situation concrète. La réalité n'est pas, comme 1':
en psychologie, l'ordre des stimuli, tels que les connaît l' expéri- c'
mentateur, c'est le sens vrai que le patient doit atteindre à travers d
l'obscur dédale des fantasmes; c'est dans une conversion de sens re
• du fantastique que le réel prend sens. Ce rapport au fanwme, l'
tel qu:il se d~nne à co.m~rendre dans le champ clos de la .parole •
cl
anal.y ttque, fat~ la spé~tfictté du concept analytique de réa!1té. La d
réahté est toujours à Interpréter à travers la visée de l'objet pul· 8'•
si.o~nel, c~mme ce qui est tour à tour montré et masqué par ~ette n
•
••
VlSee puls10nnelle; qu'<?n .se rappelle l'application épi.stémol~g•que ' d
que Fre~d fit d.u narc1ss~me en 1917, lorsqu'il y d 1scernatt et Y. JC•
dénonçatt la réststance prmcipale à la vérité. C'est bien pourq~ol
l'épre'!ve. de la réalité, caractéristique du processus secondaire,
''
1
1
d
p
ne cou~c1de. pas exactement avec ce que la psychologie app~lle l1
:~:f,~tlon: tl faut replacer ce P,rocessus dans le cadre de la sit~au.on 1 Il
yuque, dans c~ contexte, 1 épreuve de la réalité est correlauve i q·
de la tranalaboration. du Durcharbeiten, du Working through, !
t
Jt
•
l
•
362
•
1
.
~
\
'
1
:1
1
1 1
' 1
anta • •
1'est de ce travail forcé en vue du ~ens vrai, qui n'a d'équivalent que 1
: 1
1
~ ;
•
•t1on 1 dans la lutte pour la reconnaissance de soi qui fait la tragédie 11
.tua..
•
d'Œdip~, comme Fr.eu~ lui-mê!'"~ le rappelle c2• 11
l1
On d1ra que le prmc1pe de reahté trouve une assise plus ferme l
11
.
dans l'actuelle ego psyclwlogy. Mais il ne faudra jamais cesser 1
de réfléchir. S';!r les i~plica~ions de la formule de Freud : « L'ego
est un précrp1té des mvest.tssements d objets abandonnés. » Cette
référence à l'objet abandonné, c'est-à-dire au travail de deuil
introduit l'abs;nce. d~ns la constit:ut~on même de l'ego. C'est d~
cette absence mténonsée que la reahté, la dure réalité, est le cor-
rélat. La cohérence, l'autonomie structurale du moi, ne sauraient
être séparées de ce travail du deuil, sous peine de sortir du champ
même où la psychanalyse déploie son propre travail de parole.
Enfin, il paraît élémentaire de rappeler que le u point de vue
~sycho-social », qu'on a distingué du « point de vue de l'adapta-
•
tion», n'est pas un autre point de vue que le point de vue topique
et économique. Pourquoi? Mais parce que c'est dans la relation
duelle de la parole que tout vient à se dire. Le champ de l'analyse
est intersubjectif à partir de la situation analytique eUe-même, et
les drames passés qui viennent à se dire dans la situation analytique
sont aussi de nature intersubjective; c'est bien pourquoi d'ailleurs
le drame à dénouer pourra se transposer dans la relation duelle de
l'analyse par le biais du transfert. La possibilité du transfert réside
dans la texture intersubjective du désir et des désirs déchiffrés
dans cette situation. Sans doute faut-il reporter cette référence à
rautre jusque dans ce qui fait la différence du d~ir et du. be~oin,
c'est-à-dire dans le vœu, voire même jusque dans ce qw fatt la
différence du psychique et du biologique, c'est-à-dire dans le
représentant pulsionnel. C'est parce que le vœu est demande à
l'autre, parole adressée, allocution, qu'il pourra ren~rer d~ un
champ cr psycho-social » où il y aura des refus, des mterd1ct1ons,
des tabous, c'est-à-dire des demandes frustrées. Le passage au
symbolique est à ce carrefour, où le désir est demande et. la demande
méconnue. Tout l'Œdipe se vit et se joue dar1;5 le triangle de la
?emande, du refus et du désir blessé; langage 1~o~mulé, lan.gage
JOUé, mais petit drame signifié, où se fixent les s1grufiants maJeurs
de l'existence, que l'analyse mythifie peut-être en les nommant
phallus, père, mère, mort; mais ce sont justement les mythes struc-
42· • L'action do la pi~co n'ett autre chose qu'une RV~lation progrd'ivofaiet
aubtilement différ~c - comparable au travail de la psychanalyse .-. u dt
qu'Œdipe est lui-meme le meurtrier do Laïos, rnaia auasi le 61a do la Vlct&Dl 0 ct •
Jocaue. • G. W. n/m, p. a68; S.E. IV, p. a6a; tr. fr., p. :138 (J.f.+). '
•
.
.., ·..' -:....•' ·...•
•
•
i
'•1
•
1 •
1• •
..l
•·•,
DIALBCTIQUE •
.1
'
turants dont l'articulation est la tâche propre de la psychanalyse
à distance de toute problématique de l' « adap~tion ». Ce qui est e~ au
L'
question, par le moy~n ~ême ~e cette myth1que ~aisonnée, c'est co
l'accès au discours vnu, qu1 est bien autre chose que 1 cc adaptation 1
pe
• par quoi on se h~te fort de ruiner le scand~e ~e l,a psychanaly~ l'é
et de la rendre socialement acceptable. Car, qu1 sait ou peut conduire •
m
un seul discours vrai, au regard de l'ordre établi, c'est-à-dire du de
discours idéalisé du désor~e éta?li? La question de l'adap~tion, rn
c'est celle que pose la soc1eté existante sur la base de ses 1déaux ot
•
réifiés, sur le fondement d'un rapport mensonger entre la pro- pc
fession idéalisée de ses croyances et la réalité effective de ses rapports 81
•
pratiques; cette question, la psychanalyse est décidée à la mettre ty
entre parenthèses. at:
A cet égard, la résistance des psychanalystes orthodoxes au p(
culturalisme est foncièrement juste. L'abandon de la problématique d'
•
pulsionnelle au bénéfice des facteurs actuels d'ajustement social, ~
=, =; ., disent-ils avec force, équivaut à consolider la censure et le surmoi. 01
Mais il faut tirer toutes les conséquences de cette opposition. La de
neutralité du psychanalyste entre la demande sociale et la demande p:
pulsionnelle est bien connue. Or, pour quelles raisons le psychana- C<
lyste ne prend-ille parti ni de la société, ni de la demande infantile le
du patient, sinon parce que son problème n'est pas celui de l'ajus- rv
tement, mais du discours vrai? Et comment l'autonomie de l'ego 1
1
~e ramènerait-elle pas aux mêmes errements que le culturalisme,
si cette autonomie n'est pas enracinée dans une problématique
du sens véridique ? l
·~
.•
' c) Face à l'épistémologie. l
•
• l
)
d
Nous pouvons maintenant rejoindre notre point de départ, n
l'attaque des épistémologues, tels que Ernest Nagel, contre la
1
, 1\
• •
psychanalyse. . d
f:
, Il apparaît. maintenant que cette attaque serait sans réplique! SI ~ d
1o": ~dmett:ut qu~ 1~ psychanalyse est une science d'observ~uon l d
et s1 1on meco~axt le caractère propre de la relation analytlq~e. .j n
Rep~~~ons en sens mverse les deux points de Nagel : la quesuon d
de 1 ev1dence des énoncés, du point de vue logique de la pre.uye, l (
et 1~ nature des propositions théoriques. quant à leur vérifiabthté. l e
• 81 l'o~ admet que la situation analytique est, en tant que telle, 1 t
J.rréducuble à une description d'observables il faut reprendre Ja i l
question de la validité des assertions de la psychanalyse dans un !
364 1
.1
•l
•
..
..l'·" !}Ji
. .1$2.
.
•
•
. •
•••
1
1
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PH~OM~OLOGIE 1
.••
yse, autre contexte que celui d'une science de fait de type naturaliste.
i
t en L'expérience analytique a beaucoup plus de ressemblance avec la 1
.
:'est compréhension historique qu'avec une explication naturelle. On •..
>n ., peut bien prendre pour pierre de touche l'exigence avancée par t•
L
.lyse l'épistémologie de faire traiter par un certain nombre de chercheurs ••
••
•
une indépendants un matériel standardisé de faits cliniques. Cette
:du
•
:lOn,
demande suppose qu'un « cas » est autre chose qu'une histoire, t
c
mais une séquence de faits susceptible d'être observée par des
1
DIALBCTIQUB
•
historique, et non de science naturelle, qu'elle le rencontre et ' no·
qu'elle le pose. an:
Ces remarques sur la validation de l'interprétation nous per... r. Cl c
mettent de reprendre dans des termes nouveaux la question préala... 1' ser
1
ble de la théorie en psychanalyse. On s'égare entièrement si on an:
pose la question dans le cadre d'une science de faits ou d'obser- mt
vation. Il est bien vrai qu'une théorie en général doit satisfaire à de
des règles de déductibilité, indépendantes du mode de vérification, l'e:
et à des règles de transformation qui lui permettent d'entrer dans \ hé!
un champ quelconque de vérification. Mais, autre chose est de se de
prêter à une vérification empirique, autre chose de rendre possible J hu
une interprétation historique. C'est à titre de conditions de possi· ( apJ
bilité de l'expérience analytique, en tant que celle-ci se déploie 1 Ht
dans le champ de la parole, que les concepts de l'analyse doivent 1 Po
être jugés. Ce n'est donc pas à la théorie des gènes ou des gaz au:
•
qu'il faut comparer la théorie analytique, mais à une théorie de la pre
motivation historique. Ce qui la spécifie parmi d'autres types de la ma
•
motivation historique, c'est qu'elle limite son investigation à la c1e
1
sémantique du désir. En ce sens, la théorie détermine, c'est-à-dire COl
à la fois ouvre et délimite, le point de vue psychanalytique sur de
l'homme; je veux dire par là que la théorie psychanalytique a pour l'ii
fonction de placer dans la région du désir le travail de l'interpré- d'a
tation. En ce sens, elle fonde et, à la fois, elle limite tous les concepts , .
dit
déterminés qui apparaissent en ce champ. On peut donc parler, 801
si on veut, de u déduction », mais en un sens cc transcendantal » •' log
et non en un sens « formel »; la déduction, ici, concerne ce que .1
Kant appelle la quaestio juris; les concepts de la théorie analytique . .
sont les notions qu'il faut élaborer pour que l'on puisse ordonner { lys
et systématiser l'expérience analytique; je les appellerai les condi- )
1 ph
1 de
tions de possibilité d'une sémantique du désir. C'est à ce titre qu'ils ••
.
peuvent et doivent être critiqués, perfectionnés, voire récusés, CCI
mais non en tant que concepts théoriques d'une science d'obser- de
•
vauon. COl
•
•
• de
•
IDJ:
3· APPROCHE PHÉNOMÉNOLOGIQUE •' m~
DU CHAMP PSYCHANALYTIQUE
va
les
•
J66 •
A.\«: , ;s a
•
l
l
-~---
• 1
• 1
•
'
1
DIALECTIQUE (
•
f
-.... ,-- ---- ,
1
.'
1'
'
1
1
•
1
• .••
ENTRB PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE •
1
•
r
lr- La certitude résolue du cr je suis » enveloppe la question non réso- 1
ue lue de ~'étendue possible de l'illusion sur soi-même. C'est dans 1
1
•US
• ce~te fatlle, da~ ~7tte no~-coi!lcidence entre la certitude du u je 1
lS- su1s. ,, et la po~.s1b1hté .de llllusxon su.r soi! qu'une certaine problé-
au matique de 1 mconsc1~nt va pouvmr s'msérer. Mais, en même
• 1
tee 1
t~mps, nous en conna1~sons ~e style propre. La première incons-
1
ne •
••t cten~e que la J?hénome~olog.te. révèle es~ celle de l'implicite, du 1
•
te, co-v1sé: le modele de cet lmphclte- ou Irueux du u co-impliqué,-
ux • c'est dans une phénoménologie de la perception qu'il faut le cher-
est cher.
1'a
•
LY 2. Un second pas en direction de l'inconscient freudien est
de représenté par l'idée même d'intentionalité, idée tour à tour
:n- banale et impénétrable. L'intentionalité concerne notre médita-
ste tion sur l'inconscient en ceci que la conscience est d'abord visée
de l'autre, et non présence à soi, possession de soi. Vouée à l'autre,
erl elle ne se sait pas d'abord visante. L'inconscience qui s'attache
.ne à cet éclatement hors de soi est celle de l'irréfléchi; dès ldeen I,
:nt le cogito apparaît comme a vie", : il est opéré avant même d'être
>sé proféré, irréfléchi avant d'être réfléchi. Plus fortement, à l'époque
1e; de la Krisis, l'intentionalité en exercice (die fungierende lnten-
de tionalitiit) déborde l'intentionalité thématique, celle qui sait son
est objet et se sait sur son objet; la première ne peut jamais être
=>'l•e
~
égalée par la seconde; toujours un sens en acte devance le mouve-
un ment réflexif, sans que celui-ci puisse jamais le rattraper. L'impossi-
:lzt bilité de la réflexion totale, donc l'impossibilité du savoir absolu
iig hégélien, donc la finitude de ~a réflexion, co~me l'on~. d~d~it ~ink
au et de Waelhens «6 sont inscntes dans ce prJmat de 1uretlechJ sur
mt le réfléchi, de l'opéré sur le proféré, de l'effectif sur le thématique.
mt Cette inscience propre à l'irréfléchi marque un degré nouveau
nt.
t 44· c Tant que je suis engag~ dana la vie natureUe (im nat~rlichnr Dallinkbm!,
::Ile ma vie prend sans cesse cttte jonM fondamentale tù toute vre • act~~l/e •, que J.e
JSSl
• puisse ou non l'~noncer (aussagm), que je puisse ou non ~tre dtng~ • réfJext-
de vement • vers le 1 moi • et le c cogitare •. Si telle est ma conscience, nous. sommd!
• en face d'un nouveau c Cogito • de natu~e vi~an~e, qui de son côté est IJ'rifi~clü
l81S
.
:Vl•
. et pour moi par cons ~qucnt n'a pas qualité d o.b~et. • /dun_ l, § 28.
·r~·
.J 45. E. Fink, Appendice XXI au § 46 de la Kns~ (Hrus~/wnl! ~· P· .413·5>·. Sur
1
iert 1 la différence du 1 thématique , et de l' • op~ratotre • et 1 • actJvJté.phllosophlQUO
finie • cf E Fink 1 les Concepts opératoires dans Jo phénoménologie de Husserl '•
tée, 1 llusse~/, ~ Cahie,.; de Royaumont •, .ed. de M!nuit, 1959, P· 214-24~: tgale~ent:
ltal 1
'oil
1 de Waelhens, • Réflexions sur une probl~mauque husserhennc de llflcon;t~~·
• ! Husserl et Hegel •, Edmund Husserl, 18.5!)-19.59, PJu.twmnw/olflca, lJ •
tOP
! La Haye, 1959, p. aaz·aJ8. '
1
1
l
•
•
,
4
.. • • f •
.
' 1 • ""i ' • ••
'
DIALECTIQUE ..
. .1
vers l'inconscient freudien; il signifie que le « co-impliqué », le •
1
à la conscience de soi, par la seule visée de quelque chose ou sens. ./
Or, on l'a dit, toute la découverte de Freud est contenue là : « le
psychique se définit par le sens et ce sens est dynamique et histo-
•
rique 46• » Husserl et Freud apparaissent comme les deux héritiers r
1
.
le primat de la représentation; c'est en se faisant représentation 1
1
que le rapport au monde se fait savoir de soi. La phénoménologie
• t
doit ainsi agrandir la brèche ouverte par Husserl lui-même dans la ••
•
vénérable tradition du sujet connaissant (bien que Husserl ait •.
personnellement maintenu le primat des actes objectivants sur la
•.
saisie des prédicats affectifs, pratiques, axiologiques des choses du .
monde). La possibilité que l'homme soit d'abord << souci auprès -
des choses », « appétition », désir et quête de satisfaction, cette i
possibilité est de nouveau ouverte, dès lors que le psychique ne se ~
définit plus par la conscience, ni le rapport effectivement vécu
1•
" (
(
•
par la représentation.
Autre conséquence du primat de l'intentionnel sur le réflexif : c
•
la dynamique du sens opéré (en exercice ou à l'œuvre) est plus 1
J J
originaire que la statique du sens proféré ou représenté. Ici )
c
encore, Husserl ouvre la voie à ses successeurs de langue fran-
çaise en introduisant, dans la Quatrième Méditation Cartésimne,
. ..i . (
le problème de la « genèse passive » du sens; Husserl accède à ce •
f
problème tout à fait nouveau par le détour d'une question préa-
lable : comment une diversité de vécus sont-ils cc compossibles • .» f
I
dans un même Ego ? Ce sont les cc lois essentielles de la compossl- p
bilité" » qui règlent tous les problèmes de Generis dans la sphère e
370
'
' •
.•
. .1 ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMRNOLOGŒ
•
le de l'Ego; la form~ de compossibilité, pour un Ego, c'est en effet
.s- le temps; non ~omt le teJ?p~ du monde, mais la temporalité par
à '
r laquelle une sutte de cogztatzones forme une suite, un enchaîne-
:e. ment; la genèse en phénoménologie désigne donc une manière
•
J
•1 d'op~rer la liaison ei?-tre les ~verses dime!lsions du flux temporel,
nr passe, présent, avem~ : .« L Ego se. constitue pour lui-même, en
18. ·1' quelque sorte, dans 1umté d'une histoire. D •
le 1 C'est ici qu'intervient l'idée de « genèse passive » qui, d'une •
•
o- 1• nouvelle façon, « indique vers >> l'inconscient freudien. Dans la
:rs 1
1 genèse active, << le moi intervient comme engendrant, créant et
l constituant, à l'aide d'actes spécifiques du moi ». Cette praxis est
cu à l'œuvre dans la raison logique, en ce sens que les objets logiques
•
ue sont aussi les << produits » (Erzeugnisse) d'opérations telles que
•
IS· nombrer, prédiquer, conclure, etc., ce qui permet de tenir l'en-soi
:et 1' . de ces objets comme le vis-à-vis d'une opération << habituelle »;
•
.es l'en-soi est un <<acquis », maintenu et possédé, mais qui peut aussi
J•
et être << re-produit >> dans une opération nouvelle. Or, remarque Hus-
on serl, «la construction par l'activité présuppose toujours et néces- •
•
tte sairement comme couche inférieure une passivité qui reçoit
la ••
l'objet et le trouve tout fait~ ». Autrement dit, la reconstitution
• d'une production active se heurte (stossen wir) à une consti-
a1t
la tution préalable dans la genèse passive. Qu'est la genèse passive?
:lu •
• Husserl n'en parle guère qu'au plan de la perception; la synthèse
•• passive, c'est la chose même comme << toute faite », comme résidu
·ès
tte des apprentissages perceptifs de l'enfance; ceux-ci constituent
se l' << être affecté » du moi et la chose même est trouvée dans notre
cu champ de perception en tant que déjà bien connue. Mais la t~ace
de l'histoire n'est pas tellement effacée que la réflexion ne PUI.sse
r: expliciter les couches de signification et <<y trouver des << renvots »
·us intentionnels qui mènent à une « histoire » [antérieur~] n. Grâc~ à ces
renvois, il devient possible de remonter à la « fondauon prenuère »,
lei
.n- à l' « UrstiftUtzg ». • ..
Une confrontation avec l'exégèse freudienne des symptomes
'tt, est possible sur cette base : en effet, c'est toujours une << forme
ce ..
•
• finale » ( Zielform) qui renvoi~, P.ar le moyen de sa ge!l~se, : sa
propre fondation : tout connu md!que un « al?prendre on~m~l 11 •·
3 » •
Explicitation husserlienne et exe~èse freudienne . ont ~ms1 une
•
Sl· •
parenté incontestable. par leur onc~ta~ton ré~rcsstve. Bten plus,
~re en posant u l'association comme prmctpe uruversel de la genèse
.s. § J8.
49· Ibid.
•
371
•
'
'
..............--·--
,
DIALECTIQUB
j
passive », Husserl découvre un mode de constitution irréductible 1
•
à celui des objets logiques, non seulement une constitution non l
logique, mais une constitution soumise ~ des lois autres et pour- 1
tant essentielles. Que cette fameuse assoctation soit encore définie 1
dans les termes de la vieille psychologie importe peu : Husserl 1
lui-même avoue que cet ancien concept est << la déformation natu- l
raliste des concepts intentionnels et authentiques corrcspondants60 ». 1
Il en prévoit ainsi la généralisation au-delà de la sphère perceptive.
Cette compréhension, en effet, porte précisément sur notre exis-
tence, en tant que fait brut (factum) et irrationnel (i"ational) :
« mais il ne faut pas perdre de vue que ce fait (brut) lui-même,
avec son i"ationalité, est un concept structural à l'intérieur du système
de l'a priori concret » (fin du paragraphe 39). 1
N'est-ce pas à une telle explicitation d'une contingence pleine de 1
sens que la psychanalyse procède? Ne suffit-il pas d'étendre au
désir et à ses objets cette explicitation des couches de sens, cette •
recherche d'une « fondation originelle »? L'histoire de l'objet •
1
libidinal, à travers les stades de la libido, n'est-elle pas une telle •
1
explicitation, de renvoi en renvoi? L'enchaînement des signifiants, •
1
•
•
•
dans ce que nous avons appelé la sémantique du désir, réalise ce 1
• l
que Husserl a entrevu sous le titre vieillot de l'association, mais l
dont il a parfaitement aperçu la signification intentionnelle; bref, 1
la genèse passive, le sens qui s'accomplit sans moi, la phénomé- •'
• l
nologie en parle, mais la psychanalyse le montre 61. •
c
Dernier corollaire du théorème de l'intentionalité : la notion 1
phénoménologique de corps propre ou, dans le langage des derniers J
'
écrits de Merleau-Ponty, la notion de chair. Interrogé sur la ques- 1
(
tion de savoir comment il est possible qu'un sens existe sans être 1 (
l
conscient, le phénoménologue répond : son mode d'être est celui
du corps, qui n'est ni moi, ni chose du monde. Le phénoméno- •
logue ne dit pas que l'inconscient freudien est corps; il dit seule- • l
ment que le mode d'être du corps, en tant qu'il n'est ni représen-
tation en moi, ni chose hors de moi, est le modèle antique pour
tout inconscient concevable. Ce n'est pas la détermination vitale p
du corps, mais l'ambiguïté de son mode d'être qui est exemplaire. c
Un sens qui existe, c'est un sens pris dans un corps, c'est un compor- d
tement signifiant. p
rr
S'il en est ainsi, il est possible de reprendre de proche en proche, l'
en termes de comportement signifiant, ce qu'on a dit de la genèse d
le
so. § J8. ,,_•
51. Vergote, ibid., p. 47·
- .
372 •
:·
•
l
-
373
.•,
•
•
t
•
•
DIALECTIQUE ·
••
374 •
•
375
•
.' •
•
i.
\
1
~
DIALECnQUB .'
•
•
•
'
.,
j •
•
• •
1
-1
:.
~
1e 1
p~o~éré, plus vécu que représenté, c'es~ dans la ~émantique du
1
n des1~ 9ue cette texture est le plus marufeste; or il apparaît que
.e
-1'
le dcs1r, comme mode d'être auprès des êtres, n'est désir humain
d '., que si la visée est non seulement désir de l'autre, mais désir de
e ·1. l'autre désir, c'est-à-dire demande. Ici se nouent tous les thèmes
.
•, •
•
• parcourus : sens, corps, parole, intersubjectivité.
- 1 La constitution intersubjective du désir est la vérité profonde de
s la théorie freudienne de la libido; jamais Freud, même à l'époque
l l
••
de l'Esquisse et du chapitre VII de la Traumdeutung, n'a décrit la
s pulsion hors d'un contexte intersubjectif; il n'y aurait ni refou-
•• lement, ni censure, ni accomplissement du désir sur le mode fantas-
•
,
~
matique, si le désir n'était en situation interhumaine; que l'autre
.
1 et les autres soient d'abord porteurs de l'interdiction, cela est
' encore une manière de dire que le désir rencontre un autre désir,
..•
• ' quoique sous la figure du désir qui se refuse; toute la dialectique •!
\
3TI
•
1
~~
,..
1
DIALECTIQUE
•!
l
•
et de l'esclave et l'Œdipe des freudiens l'assonance est évidente. 1
l
que le sens reste inachevé pour chacun, il le reste pour tous; or,
remarque de Waelhens, <<le savoir absolu est, du point de vue de
l'analyse, le non-sens 66 ». En outre, l'avance que le penseur hégé-
,1
lien, interprète omniscient, prend sur le déroulement de l'histoire ••
exemplaire de l'esprit est également exclue de l'expérience analy- .'
•1
•
•
• phénoménologique, ne précède que de peu la démarche de la •
subjectivité qu'elle aide dans son entreprise de reconnaissance. •
.1
Le phénoménologue et l'analyste savent l'un et l'autre que le
dialogue est sans fin. 4'
Il n'est pas étonnant que phénoménologie et psychanalyse se
rencontrent à ce niveau : nous l'avons dit dans la discussion avec la •1
••..•
psychologie scientifique, c'est de la situation analytique elle-même,
en tant qu'elle est relation de langage, que toute discussion doit • •
partir. Le discours de l'inconscient ne devient signifiant que dans le !)
'
discours de l'analyse qui est interlocution; c'est dans la cure psycha- ,1
nalytique comme ta/king cure que devient manifeste tout 'ce •'
1
que nous avons pu dire sur le passage du désir au langage par le - l
moyen du renoncement; constitution du sujet dans la parole et
constitution du désir dans l'intersubjectivité sont un seul et même .·1
phénomène; le désir n'entre dans une histoire signifiante d'huma- .-1
••·l
nité qu'en tant « qu'elle est constituée par la parole adressée à ,
l'autre 67 ». En retour, c'est parce que le désir est désir du désir, i
'
•
s6. De Waelhens, • Réftexiona ••• •, p. u6. . •
57· Le déplacement de la discussion du problème de l'Inconscient sur ce!u• 1
(
du langage, puis sur celui de l'intersubjectivité, est très sensible dans Ja susto .:1
des articles de A. de Waelhens; sa dernière étude sur Ja psychanalyse, dans If~ ~• 1
Philosophie et les expériences naturelles, Nijhoff La Haye 1961, est insérée déh· ~
bérément dans le chapitre c Autrui • ( 135-167). On remarquera les pages sur le r~le ~•
de J'analyste, conçu comme le vis-à-vis qui contribue à instaurer une situa~son ••
j
.•
l
1
•
1.
•
,.1'•
\
1
•
ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGŒ
nte. l
l
:t si (
•
donc de_mande, donc. constitué par la parole adressée à l'autre
• • que le d1alogue analyt1que est possible; car il ne fait que transfére;
tes-
:nté ' dans le champ d'un discours déréalisé le drame du désir en tant
~rve
1
l qu'il était déjà d;ame parlé. dem~nde. Il n'est donc pas étonnant
"4 que nous r~tro~vtons da~ la relatiOn analytique tous les problèmes
que •
•
:10n 1t
1 de la const1t~tton du. dé~tr. Le rapport est réciproque : d'un côté
dre la stru.cture mtersu~Jectlve du déstr. rend possible l'investigation
•urs ..1• ~u déstr dans la relat!o~ d'! transfert;_ mversement, la relation analy-
•
:me ttque peut répéter 1 histoue du dés1r parce que ce qui vient à la
or. Ç; parole dans le champ du discours déréalisé c'est le désir en tant
de i• qu'il était originellement demande à l'autre.
•
gé-
•
>tre ,1 Au po.int où nous sommes paryenus, la ~fférence entre phéno-
lly- • '1
•
ménologie et psychanalyse parait évanomssante; ne visent-elles
.
•
1on "• pas l'une et l'autre la même chose, à savoir la constitution du sujet, •
la
~
en tant qu'être de désir, dans un discours intersubjectif authen-
tique?
.ce.
.. Considérant notre point de départ à la lumière de notre point
le
4' d'arrivée. nous comprenons mieux pourquoi les deux méthodes
étaient parallèles : réduction phénoménologique et analyse freu-
se •1
dienne sont homologues, parce qu'elles visent la même chose;
! la •
•
•• la réduction est comme une analyse, parce qu'elle ne vise pas à substi-
ne. .l
tuer un autre sujet au sujet de l'attitude natureJle; aucune fuite
.Olt
• • 1 '
vers un ailleurs ne l'anime; la réflexion est le sens de l'irréfléchi,
;le en tant que sens avoué, proféré; mieux: le sujet exerçant la réduc-
•j
1a- ~•• tion n'est pas un autre sujet que le sujet naturel, mais le même; en
'ce ... 1
tant que de méconnu il devient reconnu. En cela la réduction
le •• est l'homologue de l'analyse, lorsque celle-ci professe : u où était
et ça, doit advenir je,,, Mais cette homologie initiale entre les méthodes
:ne n'est comprise qu'à la fin : la phénoménologie tente d'approcher
la- l'histoire réelle du désir en quelque sorte latéralement, à partir d'un
:à modèle perceptif de l'inconscient qu'elle généralise de proche en
proche à tout sens vécu, incarné, et en même temps opéré dans
l'élément du langage; la psychanalyse plonge ~irectemtf!t dans cette
histoire du désir à la faveur de son expresston parttelle dans le
t
champ déréalisé du transfert. Mais l'une et l'autre ont même visée :
:lui
•
4 « le retour au discours vrai 68• »
uto .:1
la ·~
Hi~ .l
ôle ..•
:on
JéO
.• ~
• s8. De Waelhcna,lA Philosophie et ks explrimeu naturelles, p. 154-
1,
379
·'•
l
\ .. ..
• u ••
•
• 1'
•
DIALECTIQUE
Et pourtant.••
Et pourtant la phénoménologie n'est pas la psychanalyse. Aussi
infime que soit l'écart, il n'est pas nul. La phénoménologie ne
. . rattrape pas la psychanalyse mais en donne seulement, par diffé-
rence évanouissante, une sorte de compréhension à la limite •
d'elle-même.
Reprenons chacun des points de notre approximation phénomé- 1
nologique de l'inconscient freudien. ~
•
•
par ces deux votes, et qui ont peu à peu pria corps dana une nouvelle d1sC1phne .~
scientifique. •
6o. Vergote, art. cité, p. 28-9.
6t. Vergote, art. cité : c La liberté eat le corrélat de Parbitraire de la cons•
,~
: peut j 62. Dans un texte important et ~clairant sur lequel nous reviendrons longue-
• ment plus loin, • L'Inconscient, une étude psychanalytique •,Joumüs de Bonnl!fJal,
1oi le li
1960, Laplanche et Leclaire opposent les caractères de la • prise de conscience •
• l
:tence } en psychanalyse A toute interprétation phénoménologique de la conscience :
,
testen
.
!Ile &1, ••
~
• dans celle-ci fla prise de conscience en cure) il est rare et méme exceptionnel
que la découverte de l'inconscient se produise comme un phénomène situable
• • 1 dans le moment et dans Je champ d'une conscience. - Généralement il s'agit
tttque l
1 d'un travail patient, procédant du particulier au particulier, où le remaniement
: 1 Le
i
~
des perspectives se poursuit à travers des moments de conscience discontinus,
isolés, souvent fort éloignés les uns des autres, dont aucun ne se caractérise
par cette brusque reconversion de l'ensemble des significations que pourrait
on des désigner le terme de dévoilement • (p. 10). La prise de conscience diffère de
léthode toute reviviscence ou résurgence par son caractère topique : il s'agit d'un rema-
u cette niement des systèmes, visant à incorporer à • une stru~ture organisée de l'appré-
•
cqulSCS hension de soi qui comporte et englobe une pluralné de moments, tout un
;cipline discours cohére~t qui n'est jamais actua~isé en totalit~ • (ibid., p. 11). C'est P<?ur·
quoi nous parlerons plus loin de la p~sse de consctence co~me Durcharh~1tm,
(working tlsrough) comme translaborauon. La phénoménologie ne rend compte
a cons• que de c phénom~nea de champ •. ressortissan~ à .u~ modèle. ~ercept~f (fnan~es
erté est de l'implicité, horizon du perceptible, envers mvJsJble du. V18Jble), c est-à-d1r~
ne plé· de phénomènes à la limite du préco!'s~ient et. ~e la consaence, dont Freud, il
at vrai, • n'a gu~ro amorc6 la descr1pUon • (ibl'd., p. Ja).
1rées la
,•'
•
••
1
•
• .
0
•
0
•
:
00
•0
•
•
DIALEC'I'IQUE
(
0
conscient et le conscient; remplacer la formule Cs/Pcs,lcs par la
formule Cs,Pcs/Ics, c'est passer du point de vue phénoméno- 1l
logique au point de vue topique. L'inconscient de la phénomé- 0
~
nologie, c'est le préconscient de la psychanalyse, c'est-à-dire !
•
$
. un inconscient descriptif et non encore topique. Que l'incons-
)
cient soit inaccessible, autrement que par une technique appropriée,
voilà ce que signifie la barre. A partir de là, tous les destins de
pulsions seront représentés par des relations d'extériorité; parmi
0
tous ces destins, c'est le refoulement que la topique est plus parti-
1 1
0
!
0 culièrement soucieuse de figurer; or le refoulement est une exclu-
••
1
•
sion réelle que nulle phénoménologie de l'implicite, du co-visé, ne
peut rejoindre. Ces destins ne sont certes pas étrangers à r ordre
• du psychique, de la motivation, du sens; c'est pourquoi rapproche
'!
<
'1
~
phénoménologique n'a pas été vaine; c'est bien un autre texte
•
•
0 '• que la psychanalyse décrypte, sous le texte de la conscience. La
phénoménologie fait bien comprendre que c'est un autre texte,
mais non que ce texte est autre. Le réalisme de la topique exprime
0
1 cette altérité du texte, à la limite d'une approche qui l'a révélé comme
texte.
Si je reprends la suite des corollaires du deuxième point, cette •
•
compréhension par passage à la limite se fait plus articulée : le o<
(
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÎNOMJiNOLOGIE
• ..
•
ffi3JS
.e cet analytique; ce n'est pas une autre conscience qu'on pourrait
>ar la penser; c'est un sens qu'on ne peut que « hanter par la pratique 63 D.
'•
•
ltlOnS ~
Nous di~ons encore : la ,Phénomén~logi~ fait comprendre que le
• • sens effectivement vécu d une condutte deborde la représentation
Igme. ,
•1
:sens que la conscience en prend; la phénoménologie nous prépare
entiel !• ainsi à comprendre les relations de sens entre les représentants de
•
·epré- l
pulsions et leurs rejetons. Mais l'éloignement et la distorsion qui
héno- >!• séparent ces rejetons de leurs racines et la dissociation entre deux
barre sortes de rejetons, les rejetons représentatifs et les rejetons affec-
•{•
pré- tifs, requièrent un instrument d'investigation que la phénoménologie
••
ne peut suppléer. La notion de représentant représentatif est
>ar la
:1éno-
.orné-
i
l•
approchée comme sens, intention, visée; et cela, la phénoménologie
le fait bien comprendre; mais il faut une autre technique pour
l-dire comprendre cet éloignement et cette dissociation qui est à la base
l
de la distorsion ·e t de la substitution qui rend méconnaissable le
cons-
., .j texte de la conscience.
pnee,
-1 On en dira autant de l'écart entre la genèse passive, au sens
ns de .J
• de Husserl, et la dynamique des pulsions que Freud déchiffre par
)arm1
. •
.j le moyen de la technique analytique. Ce n'est plus seulement le
partt- point de vue topique, mais le point de vue économique qui est
:x,elu- 1 ici en question: la notion d'investissement exprime un type d'adhé-
;e, ne
ordre ~'. 1 sion et de cohésion que nulle phénoménologie de la visée ne peut
restituer. Les métaphores énergétiques relay~nt ici 1~ lan~age
roche ~ défaillant de l'intention et du sens. En effet, m les conlhts, m les
texte 1 formations de compromis, ni les faits de dist~rsion ne peuve~t
:e. La être énoncés dans un système de référe~ce qUI ne compo~errut
texte, que des relations de sens à sens, encore moms, comme chez Poht~er,
• •
>nme de lettre à sens; la distorsion qui sépare la lettre du sens req~1ert
•mme des concepts tels que << travail de rêve », déplacemen~, condensatiOn,
dont nous avons établi la double nature herméneutique et énergé-
cette • tique; c'est la fonction de la métaphore énergétique de rendre
~ : le
•
" compte de la disjonction entre le sens et le sens"·
n pas
c'est 63. Vergote, o. c. , 1. l · 1 La p Jwf, 'e et
I
ie ce ' 64. G. Politzer, Criti~ des fandmenrts de ,a P_sycna agt~, • ?.'c ag•.
la psychanalyse, Rieder, 1928. Laplanche et L.eci~Jre, ~· ~ué: 1 ~) 1 mcc;ns~•ent
"reud n'est plus coextensif au manifeste comme sa slgmficatlon: 1_1 est à mterpo e~fi ans
galité ' les lacunes, du texte manifeste; b) l'inconscient est e!l relat1on av~ lee~' este~
es de non comme 1e sens avec la lettre• mais à. un meme mveau de r~allt~. ·~ est ce·qw
en
essus autorise à conc~voir un. rapport ~y~anuq~e ent::~!C:~~=~:td;;~ ;:t!'::ver
est absent et do1t >:être mterpoJ~ · c est un ~~ 1 Freud a besoin d'une scission
J, etc.
ique·
ao ~lace dans le d1scours ~· P· ?· Et tus lo~n • niveau de réalit~, qui seule lui
rod1cale entre deux domames aatu~fti un 'clume e. les phblomènes Jacunairee
1ique pennct de rendre compte du co t pay qu ..
'.,
•
1•
DIALBCTIQUB
1•
• DIALECTIQUE
réel. Freud l'a tenté une fois sans succès dans son essai sur
Les sens opposés dans les mots primitifs 68• Or il n'est pas possible
de faire coïncider l'archaïsme des procédés de distorsion et de
figuration avec une forme primitive de la langue et en général avec
une réalité chronologique quelconque; Benveniste le dit très bien : '
l'archaïque freudien « n'est tel que par rapport à ce qui le déforme
ou le refoule ». •
1 •
Même dans le cas favorable de la << négation » (Verneinung), i
•
•
discuté plus haut, l'opposition de l'affirmation et de la négation •'
ne prolonge pas la dialectique proprement libidinale d'admission
et de rejet; car la négation énoncée ne peut se référer qu'à une ~
affirmation énoncée. Le refus d'admission préalable, en quoi •
i
consiste le refoulement, est autre chose : la manière propre au ••
l
refoulement, dans le cas de la Verneinung, consiste à admettre l
intellectuellement un contenu dans la conscience, tout en le main- .'•
tenant hors de la conscience; mais ce mécanisme met en jeu une
1
1•
68. Freud, semble-t-il, a poussé la recherche dans une impasse en tentant de J
faire coïncider le caractère rlgressij du rêve, son d éni de la contradiction, avec un •
1
•
1 • état de langue primitif. Dans son article Ueber den Gegensinn der Urworte (Les 1.
sens opposés dans les mots primitifs, G. W. vm, p. 214-221; S.E. Xl, p. 155·161;
tr. fr., in Essais de Psychanal. Appl., p. 59-67), il invoque l'autorité de Karl i'
Abel (1884) pour confirmer le caractère régressif et archaïque du rêve par une l
propriété des langues primitives, celle d'exprimer des significations antithé·
tiques au moyen des mêmes mots. Benveniste note de manière pertinente que 1
oe qu'une langue ne distingue pas par des signes distincts n'est pas non plus pe.~s~ ••
l
comme oppo~ : • chaque langue est spécifique et configure le monde à sa man1ere j
•
propre • (o. c., 10). • C'est bien un dessein contradictoire que d'imputer en méme ••
temps à une langue la connaissance de deux notions en tant que contraires, et
l'expression de ces notions en tant qu'identiques •. Benveniste conclut : • Tout ]
paraît nous éloigner d'une corrélation vécue entre la logique onirique et la 1
ltJon l
1
une 69. On trouve dans J'lnurprltation tks rluu, A l'occasion de l'~tude du travail
1 de condensation et de l'interprétation du rêve de l'injection fajte à Irma, cette
l
assertion : • Le travail de condensation est le plus ais~ à saisir, quand il prend
1• pour objet des mots et des noms. Les mots, d'une manière générale, sont fr~
mt de 1
• quemment traités par le rêve comme des chos~ et se prêtent aux mêmes comba-
tee un naisons que les représentations de choses ( Dmgvorste~lu11gen). • G. W. u/m,
e (Les
l
i• p. JOI·2; S. E. lV, p. 295-6; tt. fr., p. a66:7 (r6~); susv~nt q~elques ~em~les
;-161; de jeux de mots. Dans le chap. vu de l'~saJ sur I.Jneons_crent: c est ~a dascussaon
: Karl ~
1
de la schizophrénie (malade de Tauak) qw do~e 1 occaaton d un traJ!ement plus
lt une complet du problème : • Dans la a~hizophré~t~ les mots sont. sounus au r:n~me
1
ltithé· processus que celui qui élabore des muges onmqucs (Traumlnl~~rJ. à partir ~es
:e que 1 pensées latentes du r~ve et que noua avons appelé le processus /)rllnatre. l~s sub!'·
pens~ •• sent la condensation et transfèrent intégralement de l'un à l'~utre Jeura. tm•esus-
•• !
.amere 1 sements par Je moyen du déplacement; Je processus peut ateeandre 1~ poant où un
mérne , ' unique mot s'il est approprié en raison de ses nombreuses conneXIons, auume
res, et l.a représent'ation ( Vc•rlrelung) de toute une chaîne ~e pensées. •. GL W. Xl~
1 Tout
l p. 29?-8; s. E. XIV, p. 199: tr. fr., p. 151·:1. Et Freud &JOUte en n~te:. e trav •
. et la du rêve 1 J'occasion traite les mots comme des choses et crée amsa d~ "P~CS
j &ions • ;chizopbrènes' • ou dea néologismes tout à fait cornparablet • (JbùJ.). C •t
1
1
1
1
••
•• •
•
- ~--
• •
'
•
DIALECTIQUE
.l
l
;
i
•
• 1
•
......--
••
•
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
1
1
''
' •
DIALECTIQUE 1
••
« mots carrefours » dans le texte inconscient du rêve. il est possible
de pousser dans le détaill.interprétation de la condensation comme •
métaphore et du déplacement comme métonymie 72• •
1
Suivons. avec Laplanche et Leclaire. la voie de la métaphore. • 1
r
Dans une langue sans métaphores, il y aurait certes des rapports •
1
signifiant (ce qu'on peut écrire ~); mais au lieu que ce S soit 1
~);
1
supprimé, il tombe au rang de signifié (ce qu'on peut écrire c
·'* ]
mais surtout il se perpétue comme signifiant latent. On n•a donc J
•
(
·~f
.'
1
n~ment. Son intérêt est de susciter u~e réflexion sur la barre qui
separe les .deux. rapport~.. Les auteurs s en servent pour exprimer Je
d?uble fatt qut caract~nse le refoulement. : c'est une barre qui
s~pa.re des s~st~m;s, c est un rapport qut relie des rapports de
•
s1gmfiant à stgmfie. Le double usage de la barre permet déjà de
~ire 9u.'elle n'est pas ici seulement le symbole d'un phénomène
h.ng'..usttque, un r~PP?r: de ,rappo~ qui ne met en jeu que des
stgmfiants et ~es stgmfies; c est auss1 un phénomène dynamique :
la barre ~xpnme le. refoulement qui empêche le franchissement.
Du moms cet arttfice permet de construire un schéma où refou-
lement et métaphore se doublent exactement. La métaphore
n'est pas autre chose que le refoulement et réciproquement; mais
c'est au moment même où ils se recouvrent que l'irréductibilité du
point de vue économique au point de vue linguistique reparaît
de façon saisissante 73• Qu'a-t-on alors gagné à cette lecture?
Tout et rien. Tout, car il n'est aucun processus économique auquel
il ne soit possible de faire correspondre un aspect linguistique;
73· Ce qui fait la coh~sion des systèmes ne peut etre expf'ilm que dans le
langage énergétique : dans le cas du • refoulement a posteriori • : ( Nachv~rdràn
gu,g) ou • refoulement proprement dit •, cette force de coh~sion se manifeste
par l' • attraction • d'une chaine d~jà constitu~e. à quoi il faut ajouter le dkin-
vestissemcnt du système supérieur par quoi la connwon est rompue, et le surin-
\'estisscment par quoi un tenne expuls~ de la chaine est remplaœ par un autre.
Le cas du • refoulement originaire •, qui peut seulement erre reconstruit, est
plus difficile : il s'agit cette fois de la naissance meme de la scission entre systèm~.
avant toute • attraction • par un système cons ti tu~; ce que Freud exprime en
disant que le contre-investissement en est le seul wœnisme. Un certain repérage
linguistique de ce clivage originaire de deux systèmes est possible, aussi mythique
d'ailleurs que la • naissance • même de l'les, aussi mythiqu~ (m~s p~ plus)
que toute • naissance •. Le texte de Freud sur le refoulement ongma1re s y pr~te,
puisqu'il lie à l'action de contre-investissement la • fixation 1 du repr~sentont
A la pulsion, ce qui, nous J'avons vu, se c«?mpre~d conune 1:~~ergence de la pul-
sion à l'expression psychique, son accesston à 1 ordre du s1gmfiant. Prolongeant
cette interprétation ovec les ressources du scMma de la. f!létaphore, on. concevra
• l'existence de certains signifiants-cl~s pla~ ':" pos1t1on J?létaphonsante, et
auxquels est dévolue, de par leur poi~s partlcul!er! ~a propn~té ~e mettre . en
ordre tout Je système du langage humatn. On vo1t tct que nous fws~~s allus1on
en particulier à ce que J. Lacan a nonun~ la métaphore patemelle • . (thùl., p. 3~).
Dans l'exemple du rêve de Philippe, on peut surprendre•. à 1~ fJex,ton du b~otn
de boire ct de la soif, conune oppel et demande, la const1tut1o~ .d une prenu~re
chaine de signifiants : la • fixation 1 à un représentant se prodms1t, lo~~ue q~e!
qu'un articula clairement • Philippe a toujours soif • et l'appela • Ph!lsppt'-J w-
soif •. • Nous pouvons maintenant fonnuler ~nsi I.e mythe de la nots$anC~ d.~
l'inconscient : il rlsulte dt' la (a{ltur~ ck /'ln~rg" pulstonntll~ dans ln r..ts du stxm
fiar~t pour autant que Je signifiant eat là précisément desun.é A '-'acher. la ~ance
fondnmentalc de J'!tre uaurant, aana relAche, la métonynue du déstt • o. c.,
p. 46).
391
•
•
•
DIALECTIQUE .'
et ainsi raspect énergétique est doublé de part en part d'un aspect
f
linguistique par lequel la corrélation de l'inconscient au conscient 1
•
~
est assurée. Rien, car seule l'explication économique assure la (
séparation des systèmes : désinvestissement, contre-investissement, 1
attraction par l'inconscient dans le refoulement secondaire ou 1
1••
refoulement proprement dit, contre-investissement dans le refou-
lement primaire; pour qu'un fragment de discours puisse ainsi
î ••
1.
1 t
mettre en ordre la chaîne des signifiants, il faut, dans le langage 4
• Il
de Freud, « que la présentation psychique (représentative) de la 1 lt
pulsion se voie refuser la prise en charge par le conscient 74 ,, ; 1
1
g
ce refus, qui constitue précisément l' Urverdrâ'ngung, n'est plus '' h
un phénomène de langage. 1
'
Ainsi l'interprétation du refoulement comme métaphore montre 1
d
que l'inconscient reste relié au conscient comme un discours d'un 1
1
genre particulier au discours ordinaire; mais c'est l'explication ~
1• le
économique qui rend compte de la séparation des deux discours; 1 1',
dans le schéma à quatre étages du refoulement secondaire, refou- ~) sc
lement et métaphore sont strictement coextensifs; mais la barre OJ
fonctionne tantôt comme un rapport entre des facteurs signifiants l• ar
ou signifiés, tantôt comme force d'exclusion entre des systèmes i
dynamiques.
C'est cette irréductibilité de l'aspect énergétique qui explique, ·1•
l lit
di
à mon avis, les caractères étranges et, au sens propre du terme, 1 pr
non linguistiques de ce discours. Il est tout à fait frappant que, dans ;'J
•
'1
le schéma de la métaphore, le signifiant primitif chassé par le ·1 la
1
signifiant substitué et placé en position de signifiant latent, soit :j•
1•
Jan
traité comme un terme double (~) ; le même élémentS est en posi- J
• a r
QUI
tion de signifiant et de signifié, situation qui n'a aucun répondant Chli
linguistique. On a voulu ainsi rendre compte de ce que Freud \
• de
appelait plus haut « représentation de chose ,, ou encore « recours •• • avo
à la figuration )1. Mais peut-on traiter comme un élément linguis-
tique une image qui serait à la fois dans la position du signifiant
1
•
le n
et (
. tou·
et du signifié 76 ? Quel caractère linguistique reste-t-il à l'imago, •
cibl
. pro,
74· Le rtfoulemmt, G. W. x, p. 250; S. E. XIV, p. 148, tr. fr., p. 71. . J qu'i
75· • En un sena, on peut dire que la chaine signifiante est pur sens, nuus glis!
on peut aussi bien dire qu'elle est pur signifiant, pur nonpsens ou bien ouverte non
à tous les sena • (p. 40), N'estpce pas avouer que ce n'est pas un phénomène ?1
proprement linguistique? Laplnnche et Ledaire masquent quelque peu ce.tte ' lan
iasue in~luctable de l'argument, en jouant sur deux formulations de la chiUJle
iuconsciente qui cat tour l tour Je ~ rejeté aoua la barre de la m~taphore dans
1
·1
plan
lége.
et d1
1
]
392
..
• •
•• • • •
.•
•
• '
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
•
s! e~e, fonctionne indistinct~men,t comme signifiant et comme
•
• 1
• '
L
sigmfie? Comment peut-on dire delle qu'elle renvoie à elle-même
et qu'elle reste ouverte à tout sens?
• On peut donc retenir, avec les réserves qu'on vient de dire
1
l'affirmation que l'inconscient est structuré comme un langage:
il ne faut pas moins souligner le mot comme que le mot langage~~
•
• 1
bref, Il. ne faut pas.les séparer de la .re~arque de Benveniste que les
1 1
•• ••
•
L
mécamsm~ freudie~~ sont ~ la foiS mfr~- et supra-linguistiques;
1 les mécamsmes de 1 mconscient sont moms des phénomènes lin-
• 1
1
langage ordma1re.
'
Je caractériserai pour ma part cette distorsion par la confusion
'• du supra- et de l'infra-linguistique. ·
1 1
1
1
i D'une part, le mécanisme du rêve confine au supra-linguistique
1
1
lorsqu'il mobilise des symboles stéréotypés parallèles à ceux que
• • Pethnologie découvre dans ces grandes unités de signification que
•
•• 1 sont le conte, la légende, le mythe; une bonne part de la <t figuration »
onirique se situe à ce niveau, qui n'est déjà plus celui de la double
'
1
1
articulation phonématique et sémantique du langage.
D'autre part, déplacement et condensation sont d,ordre infra-
linguistique, en ce sens qu,ils opèrent moins une mise en rapport
•
·1
i
distincte qu,une confusion des rapports. On dirait que le rêve
procède d'un court-circuit du supra- et de l'infra-linguistique 78• Ce
.• J
1
••
1 Ja formule 2, ou un 6quivaJent de la signification simple ~ dans un modèle do
:! langage réduit, sans équivoque, donc sans métap~ore et sans Ics : • La. ch~ne Ica
a repris pour ainsi dire à son compte les caracr,erc;s .du processus pnrruure, tels
que nous les avions présentés mythiquement à 1 ongme comme caractères d une
chaine signifiante réduite à une seule dimension • (p. 41). N 'est-ce pas à la faveur
\
1 de cette assimilation que ~, est traité comme un élément de langage? Les auteurs
~ .
avouent d'ailleurs franche~ent la difficulté : • Il convient cepend~t ~s~n~er
de
Je mode de fonctionnement du processus primaire dans n.otre • fi.ctton or.'gmatre •
et dans le cas de ln chaîne inconsciente : dnns le ~re~Jer cas •.1 Y avwt .malgré
tout distinction du niveau signifinnt et du niveau sa~~~~é, et gliSsement mcoer-
. · cible de J'un sur J'autre; dans le second cas~ la.posstbthté d~ • .tous les sens •.se
produit à partir d'une véritable identité du sagmfiant et du stgnt~é. Est-~e A dir~
qu'ici il n'y a plus de possibilité de gliss~en!? Bi~ au C?ntnure, nu:•s ce QW
glisse ici, ce qui est déplacé, disons que c est 1 énergtc pulstonneUe, A J état pur,
non spécifiée • (Ibid., p. ,.r.) .. ....1. 'fi b' ttc confusion D'un c6~
76. Le fragment du rêve de Pha tppe n:.n ~ •en ~e
1 • • n au
Ja métonymie du désir, sout~ue par I.e s~gmfiant Ltc?m.~/~'!;:~o~~~~odc la
1
... plan des articulations éMmcntrures du ~tgmfinnt ~t du sa~m . 'du G de • plage •
légende · mais en meme temps le r~ve JOUe sur 1 homop ~mc d' dia
ct de • j:ai soi! •; Jo jeu de mot opère A la faveur d'un énuettcmcnt et une •
393
'
! . •• •
":. f • ~. . ... . '
•
• DIALECTIQUE
•
suscite le déplacement métonymique par quoi le besoin de boire devient soif
de... sous l'emblème de la Licorne. La Licorne figure elle-même à la fois co.nune
1 1 r
J
•,
•
psychanalyse, est issue du procédé dit cathartiq ue qu'il a expo~ en collaboration
~age- l
avec j . Breuer dans les Etudes sur l'Hy stérie publiées en 1895 Dif Frrod'sche
•
lSlSte 1 Psychoanaly tische Methode (1904), G. W. v, p. J-to; Frrod's psy cho-analy tie
1 Procedure, S. E. VIl, p . 249-254; tr. fr. lA mitltode psychanaly tique rk Frrod in
.,• De la technique psychanalytique, p. 304. • Le texte continue : • Les ~hangements
cher, 1
apportés par Freud au procédé cathartique établi paz: Breuer consistèrent t~ut
!
,.
. à la
:ctse-
·1 d'abord en modifications de la technique • (p. 2) : reJet de l'h>'Pnose, entretien
à l'état de veille abandon du contrô le psychique volontaire, libre jeu des nsso-
•
tout j eiations , • r ègle '• de tout dire, même ce qui parait inutile, hors de propos, s~
pide, honteux et pénible. Un article de la même époque De la psy chothbap,e,
:c les i G. W. v, p. 13-26; S . E . vu, p. 257-268; tr. fr., p. 9-22 (1905) parle de .• proœdé
d'un ~ thérapeutique • de • technique de traitement •, de ~ méthode de tralt.ement •,
j dans le même ~ntexte que l'article précédent, celuJ de la conf~ontat1o~ avec
Breuer. En 1914, dans R emémoration, rlpétition et translaborat1on ( Errnn~m,
G . 1 x.
a qUJ j Wiedcrholcn und Durcharbcitc11, G. W .. p . u6-136; S. E. P· Xli, 146-l s6,. :·
fr. p 101 ) ·la • technique psychanalytique • est encore opposée à la c:nthars1s e
soi!
1t Br~u;r, - Sur la relation analytique et Je transfert, cf; J· L acan, • Le st~de du
onune
l
miroir comme fo nnateur de la fonction du Je telle qu elle n ous est révélee ~ans
:Uc du ' J'expérience analytique •, Rev. fr. de PsychO:"· XIII, 4 , PP· ..._.9-455; • la d1rcc:
) SC en tion de la cure et les principes de son pouv01r •; lA Psychan., 1959, V, PP· 1-20:
t, doit D. Laguche, • Le problème du trans~ert •, Rev: fr. ck Psychan. , XVI, 1, P; ~ -••;•
B Grunber,.,er • Essai sur la situauon anulyt1que et le processu!l deV~ u c: n~o~ _•
1
1ppclle
1ifiants
densa·
'j R •t'1). jr. de Psychau.
" '
· thlraprottque,
t1on · ·
Flammanon,
- PP· 3 67-379 ·• E •.AmadoVLévy-
XXIII, J, 19;.9,
1 9 62 •• S • .Nucht • La
n
pfr
rlsmu
J _ P.
1 be aa enst
Rapports int~:rsubjectifs en Psychanalyse, P.U. F., 1 962 • }. P. ada r Jl ~
uhpsy cnana
, wei
fa R~la·
1}'S1e,
XXVIII
st à la 1 P . U .F., 1963. C . Stein, elA situation analytJque... • .nev. •- ~ an., •
• C'est
a, 1964, p . 235-249·
395
•
. ' •
• •
'
DIALECTIQUE
•
•
en trois idées : pris du côté de l'analyste, le procédé analytique •
.
est debout en bout un «travail)), à quoi correspond, chez l'analysé •
•
un autre travail, le travail de la prise de conscience par lequei 1•
il coopère à sa propre analyse; à son tour ce travail révèle une
•
troisième forme de travail, travail que le malade ignorait et
qui est le mécanisme de sa névrose. Il y a entre ces trois idées •
:
un lien étroit qui fait la consistance du concept de technique
•
en analyse. f
ment parce qu'elle est une lutte contre les résistances du malade 78. 1
•
De ce point de vue, l'art d'interpréter est subordonné à la tech- 1
c
nique analytique, dès lors qu'on définit celle-ci par la lutte contre J
les résistances; en effet, s'il y a quelque chose à interpréter, c'est
parce qu'il y a déformation des idées devenues inconscientes; mais
•
s'il y a déformation, c'est parce qu'une résistance s'est opposée •• J
•
à leur reproduction consciente 79• Les résistances qui sont à tt ori- .•• (
conscience et à toute manœuvre analytique. Dès lors les règles de •' '
s
l'art d'interpréter sont elles-mêmes une partie de l'art de manier l• f
1
les résistances. •
1
La corrélation entre herméneutique et énergétique, qui nous a .: 1
'
aperçu du jeu des forces psychiques. • (Tr. fr., p. 5). Dans l'article de 1905 : aJ
• J'ai un autre reproche encore à formuler à l'encontre de cette méthode, c'est i<
qu'elle nous interdit toute prise de connaissance du jeu des forces psychiques; •
P•
elle ne nous permet pas, par exemple, de reconnaître la résista11ce qui fait que le
malade s'accroche à sa maladie et, par là, lutte contre son rétablissement; pour- ·.·! Il la
or
tant, c'est le phénomène de la résistance qui, seul, nous permet de comprendre 1 1' j
le comportement du patient. • (Tr. fr., p. 14.). Parlant en 1910 des Perspectives ·1 •m
d'avenir de la thérapeutiqUe analytique (G. W. vm, p. 104·115; S. E. Xl, j
p. 141-151; tr. fr., p. 23-35), Freud caractérise en ces termes ses • innovations 1
techniques • {p. 26) : • La technique psychanalytique actuelle poursuit deux buts: ' lr,
~viter un excès d'efforts au médecin et ouvrir tout grand au malade l'accès de
son inconscient. Vous savez que notre technique a subi une modification essen·
tielle. A l'époque du traitement cathartique notre but était d'expliquer les sympA •
'"
P<
l'Il
tômes; par la suite, nous détournant des symptômes, noua avons cherché J ql
•
découvrir les • complexes •, suivant le terme, devenu indispensable, de JUI!g. J m:
Actuellement nos efforts tendent directement à trouver ct à vaincre les • ré~ts· J dit
tances • et nous pensons à juste titre que les complexes se révéleront sana peme ps
dès que les résistances auront été découvertes et écartées • (p. 26-e7). • de
• qu
79. Le texte le plus ancien que nous avons cité lie expressément techntque
analytique, résistance, déformation, art d'interpr~ter (o. c., p. 4-5). 1
''
'
•
•
• • •
•
• .
•
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
•
'tique •
••...
...
\
.'
• \ ' ' ~ ·· ; ... • • •
. . . .. .' .
•
.•
•
DIALECTIQUE
•
est semblable à celui du patient : s'il veut jouer avec les forces
terribles de la sexualité, il doit avoir « maîtrisé en son propre psy..
chisme ce mélange de grivoiserie et de pruderie au travers de quoi
tant de gens considèrent, hélas, les problèmes sexuels ,,; la néces..
sité de l'analyse didactique requise des futurs praticiens trouve
ici une de ses plus importantes justifications 82•
C'est cette maîtrise des règles techniques qui distingue la psy..
chanalyse authentique de la psychanalyse « sauvage », laquelle
accumule ignorance scientifique et fautes techniques : méconnais-
sant les facteurs psychiques de la sexualité et le rôle du refoule-
. ment dans l'impuissance du névrosé à parvenir à la satisfaction,
elle commet la faute technique majeure d'attribuer la maladie à
l'ignorance par le sujet des forces psychiques mises en jeu : << Or
ce n'est pas l'ignorance en soi qui constitue le facteur pathogène,
• cette ignorance a son fondement dans les résistances intérieures
qui l'ont d'abord provoqué et qui continuent à le maintenir. Il
appartient donc à la thérapeutique de combattre ces résistances.
La révélation au malade de ce qu'il ne sait pas, parce qu'il l'a
refoulé, ne constitue que l'un des préliminaires indispensables du
traitement ... ; en révélant aux malades leur inconscient, on provoque
toujours en eux une recrudescence de leurs conflits et une aggra-
vation de leurs symptômes 83• » Ce texte est très éclairant en ce point •
•
1
pie, rester impénétrable, renoncer à tout orgueil éducatif comme à tout orgueil , f
thérapeutique, etc. 1
82. De la technique psyclu:malytique, p. 21. En 1910, Freud liait expressément l
1
la nécessité de la formation didactique à celle de reconnaître ct de maîtriser le 1 1
.....~~s. $9!(.10 .4
.
•
~
cie est actes sexuels. • (o. c., p. 37.)
:rées à 84. Cf. ci-dessus, chap. n, § 2. é · ·
(UaJiû ~ 8 u to1s· cne0 re Freud rappelle que. la psychana1yse est un m t1cr qw
n plus i
s.. ne
1 f T 'té d'une technique acqutsc 1onguemen e en e t t 1 t ment (p 41) •
• . •
requ1ert a am1 1ar1 d . ê ·s~e comme une professton
, point 4 • • •1
c est pourquot ~uss1 , a ps
ychanalyse o1t tre organ•
. association psychanalytique inter-
1
de la 1• reconnue ct Je t1tre d analyste garanti par Fet rétation la communication de
source \, nationale (p. 4:&). - Sur le rapport ~tre 10 ~:Jtement 'voir J'important essai :
e leur "i J'interprétation. au patient et la dywarmque du _ • s. É. xu, p. • ; tr. fr.,
e pre- 1 Le début du trattemrnt (J9JJ), G. · vrn, P· 45 4 • 18 123 144
p. 8o-1o4, en particulier, P· ~~- 104· 0 1 eulement l'exa<:titude Ja périodicité
• •
t 8lfl5l
:rvons l1 86. Sous cett~ rubri~~e ~e P accot, ~ ';. de la longueur du traitement. A cet
0
hm et des séances, mws aussi 1 épzn;uJe. ques arr~ter nous qui attachons beaucoup
•
avec
males
j égard, une notation de Freu ott ~ou;.. d a~ problème du temps : • Si l'on
d'importance l toutes. les référen~es . e ·~~~tl cause de •la lenteur des modi-
ubliet -~ ne peut abréger le traitement ana ytlque, . r lieu sans doute de • J'intcmpora·
fications psychiqucs pro.fondcs ~ et, en(r;;drrue ) '
ns les li~ • do nos prooesau. mconaaeota • ·• P· 88 •
:uvent
·1
~
.:1 399
~
'i.
l
-----.. -·
.•
• .-
.,'
.. . •
J•
l
DIALECTIQUE
• J•
•
bution du patient au travail de l'analyse. Parler, ici, est un travail. 1
:
Cet abandon aux pensées de premier jet implique une modification
t
•
de l'attitude de conscience à l'égard de la maladie et donc une autre ! 2
sorte d'attention et de courage que la pensée dirigée. .
s
Mais, plus encore, comprendre, se souvenir, reconnaître le passé l e
et se reconnaître soi-même dans ce passé, voilà le grand travail •
•• g
du « devenir-conscient ,,_ Nous l'avons dit bien des fois, en exami- ,
d
nant les écrits théoriques de Freud, il y a un problème écono- v
mique de la prise de conscience qui distingue entièrement la psy- \ 0
chanalyse de la phénoménologie. Nous retrouvons, du point de p
vue de l'analysé cette fois, ce que nous avons commencé de dire ~ le
du point de vue de l'analyste: la communication d'une interpréta- 0
tion est vaine tant qu'elle ne peut s'insérer dans le travail de la p
prise de conscience. Une telle communication, si elle vient trop ~
tôt, n'aboutira qu'à un renforcement des résistances. Il y a donc ., 1 v
une dynamique du traitement, selon laquelle le facteur purement Cl
intellectuel de la compréhension s'incorpore à titre de facteur l d·
important et subordonné à la liquidation des résistances; c'est 1 q·
bien pourquoi l'interprétation, prise du côté de l'analyste,! a dû : ti
être subordonnée à l'ensemble de la manœuvre analytique : la ·~ «
place du << savoir n, dans la stratégie de la résistance, doit elle-même ~ et
être apprise par les règles de l'art. l le
Freud propose d'appeler cc translaboration ,, (Durcharbeiten ffi) ce M te
travail forcé du patient avec ses résistances, travail conduit par le ; ar.
moyen de l'interprétation et du transfert, et placé sous le signe de la ] ce
•
règle analytique fondamentale : « Ce n'est qu'une fois arrivés au .:i ((
--
~-~ ,•.€2 cs ·-
••
•
l
• ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE .
•
vail. ,•'
tt•on Ce~e incl~sion de la prise de connaissance intellectuelle dans le
ut re l
• travail psy~h~que nous permet de revenir sur un problème que nous
è avons .constderé sur 1~ plan de la mét.apsychologie : à savoir la repré-
j sentat10n topographique du psychtsme; les différences topiques
assé 1
. '
~ .......---
:
J
• •
•
DIALECTIQUE
1
•
•
fert que s'atteste au plus haut degré le caractère technique de la t
•
psychanalyse. C'est aussi en ce point que le philosophe formé à •
t
•
1
la réflexion phénoménologique se sent et se sait exclu de l'intelli- I
gence vive de ce qui advient dans la relation analytique. La praxis • t
•
analytique se distingue ici à titre ultime de tous ses équivalents r.
phénoménologiques imaginables. Avec la question du transfert • d
la stratégie relative aux résistances prend une figure concrète. L~ •
r
transfert, en effet, apparaît à la fois comme une issue offerte aux v
résistances anciennes qui ont contribué à la maladie et comme une v
résistance nouvelle, la plus forte de toutes, dit Freud, qui puisse 0
être opposée au traitement 93• D'un côté, les résistances ne peuvent p
être tournées que si la situation traumatique est transposée dans • n
• ét
le champ clos de la relation analytique; d'autre part, le transfert
surgit au point précis où il peut satisfaire la résistance délogée de .. S<
retraite en retraite et poursuivie dans ses derniers retranchements J
' S(
• 1
•
. D
par la manœuvre analytique. •
Un nouvel aspect de la dialectique entre herméneutique et éner- à
ar
gétique se révèle au cours de cette lutte contre les résistances,
dans la situation de transfert : on sait que la remémoration, expres-
•
r.
ré
sément cherchée par la catharsis de Breuer, en même temps que la •
• m
décharge en affects ou « abréaction », a d'abord été le but visé par •
••
pl
!
'•
1
(ibid.• p. 104). Revenant sur la même difficulté en 1914, dans R.:mémoratiott,
1
répétition et trarulaboration, Freud accentue son opposition à Breuer, en y ajou- •
•
tant le trait suivant : la catharsis de Breuer compte sur le rappel du souvenir,
obtenu par le travail d'interprétation et la communication de ses résultats; mais
4.J XIJ
. c.
si la lutte contre les résistances est essentielle, la recherche des faits et des situa- .f est
tions doit céder le pas à l'interprétation des résistances elles-mêmes : • Fina- ~
lement la technique logique actuelle prévalut, technique selon laquelle on renonce ..•
•
à tl
tan
à déterminer un facteur ou un problème particulier et oil l'on se contente d'étu- :1 act
dier l'actuelle surface psychique du patient et d'appliquer son art d'interpréter tra;
• principalement à reconnaître les résistances qui surgissent et à les faire connaître
au malade. Une nouvelle répartition du travail s'effectue alors : le médecin décou-
1•
••
s'el
de
vre les résistances ignorées de son patient; une fois que ces dernières ont été 1• Ob~
surmontées, l'analysé raconte, souvent, sans aucune difficulté, les incidents et
associations oubliés. Il va sans dire que le but de ces diverses techniques est
~ 9
d'e1
resté le même. c'est-à-dire, du point de vue descriptif combler les lacunes de
1 sou
l
la mémoire, au point de vue dynamique, vaincre les résistances du refoulement • j ses
(p. 106). pen
93. La dynamiqeu du transfert (1912). G. W. vm, p. 364--74; S. E. Xli, P· 99-
108; tr. fr., p . so-6o, o. c., p. sz-s6. Dans ce texte, Freud présente com~e une
énigme le fait que le transfert soit un facteur de résistance, • alors qu'rull~urs
l'1 mar
tout
crée
~ à tr:
il doit ~tre considéré comme l'agent m~me de l'action curative et de la réussttd 0• • lect,
(p. 52) : • Voici donc la solution de l'énigme : le transfert sur la personne •
trat~
l'analyste ne joue le rôle d'une résistance que dans la mesure où il est un ~s 1 du 1
fert négatif ou bien un tranafert positif œmposé d'éléments érotiques refo • di ffi·
(p. 57).
~";.,., _-
...
''
'
'
1'
1
1
9•
' permettons l'accès du transfert,. cett~ sot cil nous l~i demandons de nous ~véler
ne manifester dans une liberté qua.s• tot ede o Je sychisme du sujet.. . Le transfert
IfS
tout ce qui se dissimule. de .pathog~~=ireO::~tre fa malndie et la vie delle, domaine
• 1 crée de Jo sorte un d orna.me mrermé 11
ede l'une à J'autre • (ibid. , p. IIJ· U<J). Lo
•
:le • l travers lequel s 'effe.::tue lol'l? ssag t petit Essai Obs1•rvt1 tiotts sur l'amour de
lecteur ajoutera à ces textes amportd affronte les difficultés du maniement
;S·
•• tramfert (cf. ci-dessus, n. ~4); r;;eu é:ente des obstacles singulièrement plua
1• du transfert dont il nous d1t qu • pr. . ( )
difficiles qu~ l'interpr6tation dct asaocaataona p. 1 J 6 •
l
~
i .'
--·-·····
•
•
•
'
•
• ••
•
DIALECTIQUE •
.
Pour nous qui sommes moins soucieux de la thérapeutique que 1
des implications philosophiques de cette situation, la difficulté < •
l
•
la plus impressionnante, celle qui met le plus à l'épreuve une 1
/ ..
•
.'
•
••
•
•
ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE
Je 1
Ul
• Si nous rapprocho!ls maintenant le point d'arrivée et le point de
la 1 dépa_rt de ces. réflexJOns c?nsacrées. aux aspects techniques de la
'ZS
r7lat10n an~lytlque, nous du~>ns ~ec1 : ce qui rend possible la rela-
)e tion analytique comme relation mtersubjective c'est bien comme
• nous l'avons dit au début, le f~it 9ue le d!al~gue analytique fait
::e • a.ffieurer d?n.s ?n ~ontexte part1cuher de ~cseng:agement, d'isola-
le tJOn, de dereahsatton, la demande en quo1 consJste à titre ultime
1e
• le dé~ir; mais ce que se~Ie la technique du transfert, en tant que
01
techmque de la frustratiOn, pouvait révéler, c'est que le désir est
la en son fond une demande sans réponse...
lu La double tentative de reformulation de la psychanalyse, d'abord
lu • en termes de psychologie scientifique, puis en termes de phénomé-
re nologie, a donc échoué, et le caractère insolite du discours analy-
m •
tique est confirmé par ce double échec. D'une part, les concepts
la •
opératoires de la psychologie académique ne constituent pas une
re • meilleure formulation des concepts analytiques; d'autre part, la
,
le phénoménologie, comme disait Merleau-Ponty - dans la Préface
•
l- à Hesnard, l'Œuvre de Freud, ne dit pas <<en cJair ce que la psycha-
Ie nalyse avait dit confusément; c'est au contraire par ce qu'eUe
s- sous-entend ou dévoile à sa limite - par son contenu latent ou son
e, inconscient - que la phénoménologie est en consonance avec la
st · psychanalyse 99 ».
~e
DIALECTIQUE
est une des plus précieuses du freudisme : celle de notre archéologie • (p. 9). -
Pour saisir l'importance de cette Préface, on lira, de J.-P. Pontalis, la c Note sur ,J
le Problème de l'Inconscient chez Merleau·Ponty •, Temps Modernes, 1961 , '
'
n° 184-5, p. 287·303. ••
t.
1oo.lbid. cf. A. Hesnard, Apport de la phétrominologie à la psychiatrie contem·
porainc, Masson, 1959; A. Green, c l'Inconscient freudien et la psychanalyse
française contemporaine•, Les Temps Modernes, n° 195, 1962, p. 365-379; c Du
comportement à la ,chair : itinéraire de Merlcau-Ponty •, Critique, 211, 196,1,
p. 1017-1046.
.
'·
•
l
J
4
J
~
•
\ 1
t
s
••
. }.
.
• (
•
c
•
• lt
\l
• li
c
1<
•
n
•
•
•
>
'
f
•
eà
: la
•tre
: le
CHAPITRE Il
1 de
cti. RÉFLEXION:
•
ou •
UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET
qui
-
sur
<
•
t6r,
••
!?rn•
t
yse La tâche du présent chapitre est de porter les résultats de la
Du dis~ussion épistémologique antérieure au niveau de la réflexion
64, ..
•
phtlosophique. Il doit être bien entendu que notre entreprise
.!
relève de la seule responsabilité philosophique et n'engage aucune-
ment le psychanalyste comme tel. Pour lui, la théorie psychana-
l~ique ~e ~omp~end assez par son dou.ble rapport à .la méthode
d mvcshgatJOn dune part, et à la techmque therapeutique d'autre
part. Mais cette compréhension «suffisante »-au sens où Platon
dit, dans un important texte méthodologique, que l'explication des
géomètres s'arrête à u quelque chose de suffisant »••• qui ne suffit
pas au philosophe - ne se comprend pas elle-même. Si, comme
• nous l'avons posé dans la Problématique, le Je pense, je suis est le
fondement réflexif de toute proposition concernant J'homme, la
question est de savoir comment le discours mixte de Freud s'ins-
crit dans une philosophie qui est, eUe, délibérément réflexive.
Nous n'avons pas facilité la solution du problème, dans la
mesure où nous avons résisté à toutes les réductions psychologi-
santcs ou idéalisantes de la psychanalyse et où nous avons admis
\ l'irréductibilité des aspects les plus réalistes et naturalistes de la
théorie. L'idée directive qui me guide est celle-ci : le lieu philo-
'
sophique du discours analytique est défini par le concept d'archéo-
logie du sujet. Mais ce concept est resté jusqu'à présent un mot.
Comment lui donner un sens? Ce concept n'est pas un concept
de Freud et nous ne songeons nullement à l'imposer de force à la
•
lecture de Freud ou à le trouver par ruse dans son œuvre. C'est
un concept que je forme afin de me comprendre moi-mê~e. en
lisant Freud. }'insiste sur le caractère propre. de c~tte o~erauon •
constituante que je ne confonds. pas ayec la discusston methodo-
logique antérieure, laquelle resta1t au ruveau suffisant des concepts
non encore fondés •
•
.'
•
·~~
• • 1
• •
DIAI.ECTIQUB ..~, \
..•••(
Les étapes de la réflexion seront les suivantes : · i
1
1
'
• •
1. FREUD ET LA QUESTION DU SUJET . 'f 1
•
'
.;J
C'est une seule et même entreprise de comprendre le freudisme
comme un discours sur le sujet et de découvrir que le sujet n'est :J
~
jamais celui qu'on croit. La réinterprétation réflexive du freudisme 'i
ne saurait laisser intacte l'idée que nous nous faisons de la réflexion :
l'intelligence du freudisme est changée, mais aussi l'intelligence
1
de nous-même.
i
J
•'
·l
Ce qui doit nous aiguillonner, c'est l'absence même, dans le 1
•
freudisme, de toute interrogation radicale sur le sujet de la pensée • 1
et de l'existence. Il est bien certain que Freud ignore et récuse .•
•; c
•
toute problématique du sujet originaire. Nous avons insisté maintes ~
c
fois sur cette espèce de fuite de la question du Je petue, je suis. Le ~
J
~
Cogito ne figure pas, et ne peut pas figurer, dans une théorie •
.u ' .
,l
. ·f RÉFLEXION ! UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET
•
1
l- .·1 {
1
:~ Elle doit être lue dans les deux sens. D'une part; elle implique que
l'inadéquation de la conscience soit adossée à l'apodicticité du
1
•
l' Cogito : il y a un point invincible à tout doute, que Husserl
•
1
.e
•
quant à la possibilité de ~or:t remph~se~ent, un; cnt19ue de sa
.• portée, susceptible de Ja hmtter apodtcttquem~nt . » C est ~our
:e
.e quoi la question reste en suspens, au cœur meme de Ja certJ!ude
!S du Je pense : (( Jusqu'à quel point l'Ego transcendantal peut-Il se
.e faire illusion sur lui-même et jusqu'où s'étend~nt ~es com~osa~tes
e absolument indubitables, en dépit de c~t~e tllusaon posstble ? »
11 est possible à partir de ces propos1t1ons fondamentales, de
1•, procéder à une répétition de style ré~e_xif de ~oute la mét~psycho~
n logie freudienne. Il s'agit d'une répéttuon, qu1 en reprodutt toutes
é •' •
•
t,
..• .• 1. CC. la suite du texte, p. 368, note •U·
Ibid•
e '
2,
.. 3· Ibid.
• • •
•
•
,
•
•
DIALECTIQUE •
'
~
les démarches, mais dans une autre dimension philosophique; ;
•
tout ce que Freud objective dans une réalité quasi physique, tous •
1
les modèles que la critique épistémologique contemporaine peut ,.•
' •
distinguer dans sa représentation de l'appareil psychique, tout .1•
cela doit devenir péripétie de réflexion.
Ce qui, d'abord et fondamentalement, doit être répété, c'est .
sa critique de la conscience immédiate; à cet égard, je tiens la '
métapsychologie freudienne pour une extraordinaire disci'pUne
de la réflexion : comme la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel,
mais en un sens inverse, elle opère un décentrement du foyer des
significations, un déplacement du lieu de naissance du sens. Par
ce déplacement, Ja conscience immédiate se trouve dessaisie a:u
profit d'une autre instance du sens, transcendance de la parole •
l
ou ··position âu désir. Ce dessaisissement, auquel la systématique •
d
saurai plus ce que signifient objet, sujet, ni même pensée; le but j Cl
•
avoué de cette discipline est la vacillation du faux-savoir qui obstrue •
•1
.•
410 )
l
•
·''
•
DIALECTIQUE ...
•
.J
•
se déplace lui-même, c'est seulement en interprétant les signes du
désir que l'on peut reprendre dans la réflexion la position du désir J•
•
••
• et ainsi agrandir la réflexion elle-même qui gagne enfin ce qu'elle a 1
'
d'abord perdu. t•
•
• t
)
• •
1•
t . •
·: •
• •
•
.
1
., •
•
• RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET
. J
es du •
· reJe- J
1 la puls10n et de constttuer le concept de pulsion du moi ( Jchtrieb)
. l. où, disions-nous, 1~ moi n'est plus le cc ce qui J) du Cogito, mais le
!ment (( ce que » du déstr; bien plus, dans r économie de la libido, les
t à la l
1
valeurs d'objet et les valeurs de sujet ne cessent de s'échanger;
•
)mme il y a un moi de plaisir (Lust-ich}, corrélatif de Ja pulsion du moi
:ipant (lchtrieb }, qui se négocie contre les valeurs d'objet sur le marché
verse- des investissements libidinaux. C'est ici la suprême épreuve pour
etour-
n à la ,
.1 une philosophie de la réflexion. C'est le sujet même de l'apercep-
tion immédiate qui est mis en question. Il faut a introduire le
cons- .~ narcissisme », non seulement dans la théorie psychanalytique,
••
rob lé- mais dans la réflexion. Je découvre alors que la vérité apodictique
•
ventr- Je pense, je suis, aussitôt proférée, est obturée par une pseudo-
idence évidence : un Cogito avorté a déjà pris la place de la première
ologie vérité de la réflexion Je pense, je suis,· je découvre, au foyer même
phase de l'Ego Cogito, une pulsion dont toute~ les . fo.r~es ~érivé~s 6
>ncept 1 pointent vers quelque chose de tout à fa1t pr1m1tif, pnmord.ial,
de la préalable, que Freud appelle n~ciss_isme primaire: ~orter cette
découverte au niveau réflexif, c est egaler le dessaiSissement ?u
;eudo- sujet de conscience au dessaisissement déjà obtenu de l'objet •
)ncept visé. 'd ·
Nous avons atteint ici une sorte de point e~rêm~ de 1a re u~10n
objet
1Ce de .., de la conscience et, pourrait-on. d.ir:, de la ,reduction de la pheno-
alyse : ménologie : parlant de la surestimation de 1enfant par ses ~ar~nts,
ble du
•
où il voit une sorte de reproduction de le~r propre narc..assJsme
!t leurs abandonné (lzis majesty the baby accomplira tous nos r~v~s...),
!eaux 1
Freud écrit · « Le point le plus épineux du système narcJssaqueé
•
:tence; ·Cette immodalité du moi que la réalité met en brèche, a retrouv
1t être sa sûreté en se réfugiant chez l'enfant 8 • D ., Ile
)D des
«Ce point épineux du système narcissique ,, c'est ce que Jappe
le faux Cogito coextensif . au Cog1to · onga · ·naire· Un autre
) texte
tre
1ologie
:luquel fameux de Fr~ud Une difficulté de la psyclza~aly~e (z9.1? èrn~~ Ja
sr une •
bien l'enjeu philosophique de cette :ontestatJOn u ~n.vt 1bfegran- •
conscience. Le narcissisme Y apparatt comme une v nta e
tendu·,
percee s. cr., p.•Jo-tJa. . . w x 15s;s. E., xtv, p. 91; tt. ft.,
0
6. Pour introduire le nareunstM, • · • P·
p. 21 •
•
•
!
)
•
:'
•
• .•.'.• . . ..
··--"'~fo.t
•
)
·~ '
1
•
t
•
'
• DIALECTIQUE ,l•
'
deur métaphysique, comme un véritable malin génie à qui doit
être attribué notre plus extrême résistance à la vérité : cc L'universel j
l
narcissisme des hommes, leur amour d'eux-mêmes, écrit-il, a ~
subi jusqu'à ce jour trois sévères humiliations de la part de la 1
science. » Ce fut d'abord la position centrale de la terre qu'il tint l
pour un gage de son rôle dominant dans l'univers et qui lui parut
u parfaitement ajustée à son inclination à se regarder lui-même
~
comme le seigneur du monde ». Ce fut ensuite la prétention à
s'attribuer une « position dominante sur les autres créatures dans •
le royaume des vivants et à creuser un abîme entre sa nature et la
leur ». C'est enfin sa conviction d'être maître et souverain de sa J
propre demeure psychique. La psychanalyse représente la troisième
et << probablement la plus cruelle >> des humiliations infligées au
narcissisme. Après l'humiliation cosmologique que Copernic lui
infligea, ce fut l'humiliation biologique, issue de l'œuvre de Darwin.
Et maintenant, voici la psychanalyse qui lui révèle que « l'Ego
n'est pas maître en sa propre demeure >>; l'homme qui savait déjà
qu'il n'est ni le seigneur du cosmos, ni le seigneur des vivants,
découvre qu'il n'est même pas le seigneur de sa psyché. Le penseur
freudien s'adresse ainsi au moi : « Tu crois savoir tout ce qui se •
passe dans ton âme, dès que c'est suffisamment important, parce il
que ta conscience te l'apprendrait alors. Et quand tu restes sans '
~
• nouvelle d'une chose qui est dans ton âme, tu admets, avec une
parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas. Tu vas même jusqu'à
l
tenir psychique pour identique à conscient, c'est-à-dire connu de
toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans
cesse se passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne
peut s'en révéler à ta conscience. Laisse-toi donc instruire sur ce
point là »••• << Tu te comportes comme un monarque absolu, qui
se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires
de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa
voix. Rentre en toi-même, profondément, et apprends d'abord à
te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois tomber malade, •
et peut-être éviteras-tu de le devenir 7 ».
•
"i
11
..
•
'
••
;
,·
1
RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJBT
~
doit 1 « Laisse-toi donc instruire sur ce point-là... rentre en toi-même,
~rsel
1, a ] profondément, et apprends d'abord à te connaître... n Ces mots de
Freud nous font entendre que cette humiliation fait elle-même
.e la ~ partie d'une histoire de la conscience de soi. In te redi c'est le mot
tint 1 de saint Augustin; c'est aussi celui de Husserl à la fin' des Médita-
arut
ême
~ !ions ca~tésiennes; mais ce qui est propre à Freud, c'est que cette
mstructJOn, cette clarté, doit passer par une cc humiliation n, parce
>nà qu'elle a rencontré un ennemi jusqu'ici masqué, celui que Freud
:lans •
appelle « résistance du narcissisme ».
et la C'est cette contestation du narcissime, comme foyer de résistance
e sa 1 à la vérité, qui commande la décision méthodologique de passer
d'une description de la conscience à une topographie de l'appareil
.ème
s au •
psychique. Le philosophe doit admettre que ce recours à un modèle
: lui naturaliste de l'Ego a une profonde signification en rapport avec
•
wm. la tactique de délogement et de dépossession dirigée contre l'illu-
'Ego sion de la conscience, elle-même enracinée dans le narcissisme.
déjà Le réalisme de l'inconscient, devenu réalisme du moi lui-même,
mts, doit être considéré comme une phase de la lutte menée contre les
seur résistances et comme une étape en vue d'une conscience de soi
• moins centrée sur l'égoïsme de l'Ego, éduquée par le principe de
u se
réalité, par l'Ananké, et ouverte à une vérité sans cc illusion D. Tout
arce
ce que nous pouvons dire de la conscience, avec - et éventuelle-
sans ment contre - Freud, doit désormais porter la marque de cette
une u blessure » infligée à notre amour-propre. Pour exprimer ce p~i;"t
qu'à d'indigence phénoménologique auquel nous sommes conv1es,
J de je reprendrais volontiers le f!10t de ~}aton ~u~ l'.être et le !lon-être
sans dans le Sophiste : « La question de 1etr~, ~hsatt-111 est auss1 emb.ar-
.1 ne rassante que celle du non-être. 11 Je d1ra1 de m~me : 1~ question
r ce
• de la conscience est aussi obscure que celle de 1mconscte~t. l
qm
•
Voilà ce que l'on peut dire en fa~eur de Freud! au seml de sa
ures théorie des Instances. Maintenant, Je ne cacherai pas que cette
·e sa tactique parfaitement adaptée à une lutte contre l'illusion, condamne
rd à la psych~nalyse à ne jamais rejoind~e l'affirmatio.n originaire : rie.n
•
ade, n'est plus étranger à Freud qu~ l.1dée ~u .Cogt~o se posant lm-
•
même dans un jugement apodictique, ureduct1ble à toutes les
·144;
logic
:t
Rev fr d Psa XXVI 196:1, pp. 117-3:19; P.C. Rncamicr, • le Moi, le Soi, la
per;on~e la Psych~sc•,l'Evo/. PsJ·chiatr.~ 195~,2, p. 445-466; Sur lep6lc: de
l'image corporelle, F. Dolto, • Personnologae et amage du co.rps •, la .sa, VI,
ct ion 6 , pp. • ; S.A. Shc:ntoub, 1 Remnrques sur la concept aon du moa ~t ~cs
:ons- 19 1 59 92 'a'mo<>e corporelle, 1 Rev. fr. de Psa., XXVII, z/J, 9 J,
:le lo r éfé renees ou CO nCept de l ,. . . d 1 L :-- bréni •
• G Pankow c Structul'DtaOn dynamaque ana a aC•UMUP e ,
et la pp. a71-300 t • t
' •
j
~•
l
.•
0 00 •
•
0 0
•
• • 0 •
• •
' .
•
0
DIALECTIQUE l
! • 0
••
illusions de la conscience. C'est pourquoi la théorie freudienne
du moi est à la fois très libérante à l'égard des illusions de la cons-
cience et très décevante par son impuissance à donner au << Je ,
•
du Je pense un sens quelconque. Mais cette déception proprement
philosophique doit d'abord être versée au compte de la « blessure» ••'
.·-'
et de l' « humiliation » que la psychanalyse inflige à notre amour-
.• propre.
C'est pourquoi le philosophe, lorsqu'il aborde les textes de ~
0
Freud consacrés à l'Ego ou à la conscience, doit oublier les requêtes •
les plus fondamentales de son égologie et accepter que vacille la oO
•
sait qu'à aliéner la réflexion dans la considération d 'une chose. •
•0
•
C'est ce qui arriverait si nous omettions les liens complexes qui J
1 •
rattachent cette explication topique-économique au travail effectif 1
de l'interprétation, qui fait de la psychanalyse le décryptage d'un ol
1
1
0 0
-,1
1
~
• 01
'1
:1
. .•
,
•
1 RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET '
•
Lienne
cons- ~a pulsion, dans son être biologique, nous dit Freud, est incon-
u Je » •• !lat~sable; pa~ cont~e, elle ~ntre dans .le champ psychique par son
ement ' mdi~e de presen~~t10n; grace à ce s1gne psychique, le corps est
..••, « presenté dan~. 1!tme ~· Il sera dès lors possible d'user du même
1
sure'
no ur- langage pour 1!ncons~tent .que po~r le conscient : nous pourrons
parler de representatiOns mconsc1entes et conscientes· une cer-
taine unité des significations intentionnelles maintient' désormais
es de 1
•
une parenté de sens entre les systèmes, en dépit de la barre qui les
1uêtes •
sépare. La portée de cette thèse est considérable; eJle est double :
ille la .. d'une part, le psychique ne peut être défini par le fait d'être cons-
:!n dit
l cient, par l'aperception; sur ce point la parenté avec les concepts
ce ou .
Jodie- .,~. leibniziens d'appétition et de perception, sur laquelle nous nous
, étendrons plus longuement tout à l'heure, est très éclairante et
rend très plausible le concept freudien de présentation psychique
de la ~
1 de pulsion; d'autre part, la parenté de sens entre l'inconscient et
de la 1
le conscient implique que le psychique, en tant que tel, ne peut
• J
usque
nduit.
1 être défini sans la possibilité, aussi lointaine, aussi difficile soit-elle,
• •
•
de devenir-conscient. Aussi bien le mot inconscient, même rem-
tstsse- ! placé par le sigle Ubw (les), garde référence à la conscience; la
• •
~USSIS• l
.
•
Bewusstlzeit, le « conscientiel ll, observe Freud, << constitue le point
chose. • de départ de toutes nos recherches 8 , ; « seul caractère des processus
!S qut• ~
psychiques qui nous soit donné immédiatement, dit-il encore, il ne .•
ffectif l se prête nullement à la distinction entre les systèmes... Ainsi la r
••
1
! d'un 1
conscience n'est même en rapport simple, ni avec les systèmes,
,1
f
ni avec le refoulement 1>. Tout au plus peut-on et doit-on a s'éman-
ologie j ciper de la signification du symptô~e conscienti~I.0 » : et c'est
:hique ;,i bien ce que nous avons fait sous le titre du ~essalSJ.sse,m~nt de .la
qu'on j
1 conscience. Mais le conscientiel ne peut être m supprime m dét!u1t.
En effet, c'est par rapport à la possibilité du devenir-conscient,
1
çable. '
lace à 1 par rapport à la prise. de conscien~e comme tâch~,. qu~ 1~ conccp~
de la " •
de présentation psychique de pulsiOn prend ~en~, d stgmfie c~c1 ·
!!ment l aussi éloignés que soient les représ.entants. pnma1r~ de la pulston,
•
» qut aussi distordus que soient Ie~rs re;etons, ds appa~en?ent enc~re
de la à la circonscription du sens; tls peuvent par prmctpe etre trad~tts
en terme de psychisme conscient; bref la psyc?analyse e~t posstble
et la ï, comme retour à la conscience parce. que, une certame faço~, ?
on se ..·! l'inconscient est homogène à la consc1ence; il est son autre relatif
1ffects 1
'~ et non pas rabsolumcnt autre.
ct s~r .i~
cons•· 8. L'Inconscient, G. W. x, p. 271; S.E. xrv, p. 172: tr. {r., in Métapsychologie,
•
uons· ~ p. 104, r- J39
•J
~
9· Ibid., G. w. x, p. 291 ; S. E. xav, p. 192; tr. u., P· ·
j
j 1
:1
. ..
J . . ... , .• ... -
•
... ~.,._.. ...
~,
l
nous-même qui philosophons, délié de notre conscience immédiate,
reste en suspens aussi longtemps que nous n'avons pas relié la j
l (
•
J
(
topique elle-même au champ herméneutique u dans , lequel tout 1
'•t
~
.-p8 l
~•
J
••
-----JIIIIIf'!~{
•' " ... '· l~
\'ge ' '\ ,
- :,MS?._ _ _
/
•
•
• .
'1'
DIALECTIQUE 1
•
,
l
!
de la nature; il nous reste à l'opérer pour la psychanalyse, où j
•
10. Analyse u,.,rainle et interminable, G. W, xv1, p. 59·99; S. E, xxrn, P· 216·
•
ZS3; tr. fr. &v. fr. de Psa, Xl, n° I, 1939, p. 3-38 •
••
1
•j
•
•
•
1
1
'
! ÛFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET
•
)Ù
a- passa~e du point de vue descriptif a.u point de vue systématique.
Ce .dep~ysement dans ~ne ~utre légahté, par lequel je me rencontre
J
•1
•
'
n;tot-~eme comme me~a~tsme, n'est pas sans analogie avec la
ce
l s1tuatt~n que Hegel decnt dans les Principes tk la Philosophie
'
du drmt; lorsque l'entendement appréhende l'activité de l'homme
ve 1
c~mm~ être de besoin, il. la saisit dans un système qui réalise la 'r
e; '•'
1 n~cess1té co~me m~cams~e, comme r~alité extérieure; Hegel •
la i !
départ dans ce pomt de vue 11• » Cette rencontre avec l'économie 1
•
P.olitiquc. n'.est pas fo~uite, puisque .c'est une économie des pul-
•
1
nt 1
•
' ston~ qut !lent re!ll~lir le, cadre toptque. ~a méthode analytique
le. est tmprat1cable st 1on n adopte pas le pomt de vue naturaliste
es . 11 imposé par le modèle économique et si l'on ne ratifie pas le type
lie • '•
d'intelligibilité qu'il confère; tout le pouvoir de découverte est •
au '•
.J d'abord du côté de ce modèle. C'est pourquoi une transcription
a- purement linguistique de l'analyse me paraît éluder la difficulté
le 1 fondamentale proposée par Freud; son naturalisme est << bien
tit .i fondé , ; et ce qui le fonde, c'est l'aspect de chose, de quasi-nature
>n
l
1
des forces et mécanismes considérés. Si l'on ne va pas jusque-là,
tôt ou tard on revient au primat de la conscience immédiate.
.té ' Mais c'est précisément parce qu'il faut aller jusqu'à ce réalisme-
be J là qu'il faut aussi poser la question : quelle réalité, réalité de q~oi?
es f C'est ici qu'il faut adhérer très exactement à ce que la top1que
J
c- ) elle-même enseigne. La réalité connaissable par la topique, c'est
iu celle des présentations psychiques de la pulsion et non ceJI~ des
pulsions elles-mêmes. Un réalisme e;"lpirique n'est pas u.n réahsme
•le
•
us
'il
.l de l'inconnaissable mais du connaissable; or le connaissable, en
psychanalyse, ce ~'est pas l'être .biologique. de la pulsion, .mais
n- 1 l'être psychologique des présentatto~s p~ychtque~ de .la pulsion :
il « Une pulsion, dit Freud, ne peu~ Jama!s dev~rur objet de cons-
te cience· seule le peut la représentatiOn qut la presente. Elle ne peut
la ' même' être présentée dans l'inconsci~nt que par le moyen de !a
. représentation. Si la pulsion ne s'était pas attachée ~ une repr~
- sentation ou ne se rendait manifeste sous fo~e d état affectif,
·e-
ur nous ne pourrions rien savoir d'elle 11• » Le ré.altsme propre à la
.s- topique freudienne, c'est donc d'abord un r~ahsme .. des ~ p~ésen
et .~ tations psychiques , de la pulsion; désormais le ~erne md tee de
le réalité s'étend de proche en proche à to"!t ce qu.e 1 analyse ra~~.h~
t à la représentation; ainsi la charge affective dev1ent-elle une re It
•
•
DIALECTIQUE
•
lS- réalité est éprouvé. Cela ne revient aucunement à dire que l'incons- '
l
1
DIALECTIQUE •
• dl
objective des affirmations portant sur l'inconscient. C'est par rap- '
ly
port à des règles herméneutiques et pour un autre qu'une cons- d·
cience donnée « a» un inconscient; mais ce rapport n'apparaît que bt
dans le dessaisissement de cette conscience qui « a ,, cet inconscient .
•• la
comme étant le cc sien ,,, •
t11
3° C'est enfin dans la dépendance de cette double relativité Sl
que l'on peut rendre compte d'une troisième forme de dépendance ce
qui n'est plus que subjective, bien qu'elle soit encore constitutive •l
l
à son rang :je veux parler de la constitution de la réalité psychana- •
• R·
. "1
lytique dans le langage transférentiel. La singularité de l'analyste l dl
•1
figure ici comme un pôle de référence impossible à évacuer; c'est be
tel analyste qui provoque, subit et jusqu'à un certain point oriente ' "••'•
le transfert dans lequel prend consistance le sens de ce qui est en l
1
•
•
m , l'inc~nscient le sens terminal, tel qu'.il est élaboré par une analyse '
té ten~unée. Alors la J?SYC~analyse .serai~ elle-!flême une !DYthologie, '
1- la ptre de toutes, pUJsqu elle conststerrut à fatre penser l'mconscient. "1
se j
C'est la force expressive du mot<< ça»- plus encore que du terme •
l·
m d'inconscient - de nous garder de ce réalisme naïf qui reviendrait t
~d à donner une conscience à l'inconscient, à doubler la conscience •
lu .
j
lfl
'•
1
•
3· LB CONCEPT D'ARCHÉOLOGIE .
•1 •
1
re • •
la
15 îl Je comprends donc la métapsychologie freudienne co~me uesnet
•
, . · 1e dessatsasse
aventure de la retlex10n · · tnent de la conscaence
1t
...,_ ~
f
. d' ·
sa voJe, parce que le evemr-cons~a
·ent est sa tâche.
èd de cette aventure :
1t J
j
Mais c'est un Cogito ?Jessé qua proc e.nt· un Cogito qui ne
le 1 Un Cogito qui se pose maas ne se possède pOli' , u de l'inadéqua-
te ~ comprend sa vérité originaire que dans et pa~ ave actuelle.
st
1 tion, de l'illusion, du menso!lge de la ~nsl~:~~ parler, non plua
.i Il nous faut maintenant fatre un pas e P
18 •)
l
• 1
.j
1
· ~-··
•
•
DIALECTIQUE
co
conscience fausse. Progressant en direction de la difficulté centrale Url
de cette méditation, nous tenterons de justifier le point de vue va,
économique comme étant le discours qui convient à une archéologie re1
du sujet. 1
ret
Dès notre introduction à la lecture de Freud, nous avons hasardé, tl•V
comme une pierre d'attente en vue de la présente discussion, le • fil
•
i
~S,
' ~· ~ .,\ ~
. \ I.JW
.'15( 't.:·.
.-- -
' ~
•
de ~e chap1~re dt~ctle, ru. sur le. caractèr~ figuré ou réaliste du ••
!·l
ne schema de 1 appar:d psychtque, m sur le hen entre la topique de •
•
11e 1900 et la conceptiOn de la scène infantile de séduction du père : t•
ue
• je vais droit à ce qui me paraît être la pointe de toute cette cons- 1
1
••
la truction. Le schéma, avons-nous montré, est destiné à rendre j.
ale compte de l'ano~alie de l'appareil qui fonctionne à l'envers, dans •
1
'
ue un sens « régrédtant ,, et non << progrédiant ». Le remplissement de t'
• vœu {Wunsclzerfüllung}, en quoi consiste le rêve, est triplement ·(
~e 1
;
régressif : c'est un retour au matériel brut de l'image; c'est un :.
~•
ié, retour à l'enfance; c'est un retour topique vers l'extrémité percep- ~ 1
tive de l'appareil psychique au lieu d'une progression vers l'extré- .)
le 1•
1
mité motrice. Or, remarque Freud, <c ces trois sortes de régressions
1 ~
ne n'en font qu'une et se joignent dans la plupart des cas, car ce qui
•
l
la ,
:;er
lre
est plus ancien dans le temps est aussi plus primitif au point de vue
formel et est situé dans la topique psychique le plus près de l'extré-
mité de perception 19 ». Finalement, le caractère rétrograde au
1
'
1'
t
1
'
1
>
• point de vue topique sert à exprimer, dans un modèle, les deux '.1• •c•..
1
Olt autres formes de la régression, à savoir d'une part le retour à '
'~
le, .•'
i
un équivalent d'une scène inf~ntde,. mod1fié par le ~ransfert dans l'
1
1
• •
de 1 un domaine récent· la scène mfantde ne peut réaliser sa propre 1
21 »
.~• ' d • •t e rêve
•
SSl réapparition, elle doit se contenter e reapl?ara1 ~e corn~ · 1
a1. Ibid., o. w.
., •
u/m. p. ssz; . ·v, P· 54 • • ••
1
·~(
•
l
. . \ ~ '
' ••
••
.
•
•
1
DIALECTIQUE
• ...• •.. .
•
•
· ~\.
- ..
1
•
'
•
. '.:"~ . . ..
t'
DIALECTIQUE
27. Nouvelles Confbences, G. W. xv, p. 8o; S. E. xxn, p. 73; tr. fr., p. 103.
28. Ibid. •
. ............,
~~\
•
.-~
,~ "
rmaiS la mère qui nous a porté~, nour.n s. et choyes, dés'r n'ap si j'ose dire,
choix anaclitique ou chotx n~r~Jsstq~e,, no?"e e s~us s~ forme pri·
103· pas d'autre choix. Le narc1ss,rsme ,ut-~em de ses innombrables
•
maire, est toujours dissimule; dà 1ah~1 rehrène toute-puissance
1psrtc,
figures (perversion, désintérêt ,u ;c :4w~tlux du sujet souffrant
tounrt,
, xxvr,• de la pensée du primitif e~ de 1en an ' il
enflure du moi dans
:n crt· sur son moi menacé, retratte du. ~~mm;rivait à cerner le noyau
·t-178. ·• l'hypocondrie), on pressent que 81 on
43 1
1
•
....
. •
DIALECTIQUE
•
de la Versagung, de ce retrait du moi qui se dérobe, se refuse au
risque d'aimer, on aurait la clé de bien des formations imaginaires
où se projette ce qu'on pourrait appeler l'archaïsme égotique. .
Mais le narcissisme primaire est toujours plus à l'arrière que toua i1
les narcissismes secondaires qui sont comme des sédimentations
• déposées sur un fond ancien• 1
1
Il est maintenant possible de passer du cercle de l'archéologie
restreinte à celui de l'archéologie généralisée. Comme nous l'avons
montré dans la seconde partie de notre Analytique, toute la théorie
• freudienne de la culture peut être traitée comme une extension
analogique, à partir du noyau initial constitué par l'interprétation
' . . du rêve et de la névrose. Mais, comme cette généralisation a été
· l'occasion d'un renouvellement doctrinal dont la seconde topique
est le principal témoin, il n'est pas inutile de suivre le sort de
l'archéologie freudienne dans les avatars de la théorie.
Dans la mesure où idéaux et illusions sont des analogues du
rêve ou des symptômes névrotiques, il est évident que toute l'inter-
prétation psychanalytique de la culture est une archéologie. Le
génie du freudisme est d'avoir démasqué la stratégie du principe
de plaisir, forme archaïque de l'humain, sous ses rationalisations,
ses idéalisations, ses sublimations. C'est ici la fonction de l'analyse
de réduire l'apparente nouveauté à la résurgence de l'ancien :
satisfaction substituée, restauration de l'objet archaïque perdu,
rejetons du fantasme initial, autant de noms pour désigner cette
restauration de l'ancien sous les traits du nouveau. C'est évidem-
ment dans la critique de la religion que ce caractère archéologique
•
du freudisme culmine. Sous le titre du << retour du refoulé », Freud
a discerné ce qu'on pourrait appeler un archaïsme de culture,
prolongeant l'archaïsme onirique dans les régions sublimes de
l'esprit. Les dernières œuvres : Avenir d'une Illusion, Malaise •
• datzs la Civilisation, Moïse et le Monothéisme, accusent avec une insis·
tance accrue la tendance régressive de l'histoire de l'humanité.
C'est donc un trait qui, loin de s'affaiblir, n'a cessé de se renforcer.
Je ne prétends aucunement que le freudisme se réduise à cette
dénonciation de l'archaïsme culturel; j'espère montrer dans le
chapitre suivant la concurrence, dans l'interprétation psychana- ••
•
lytique de la culture, entre une archéologie fortement thématisée •
.
et ce que j'appellerai, le moment venu, une téléologie implicite; Il
'i
mais avant de proposer une interprétation plus dialectique de la •
J•
structure du freudisme, il n'est pas inutile de s'appesantir sur cette
interprétation unilatérale qui accentue les aspects plus critiques .,.
•
•
1
• 432 '
J
1
l
•
• •
:tat10n du surmoi. Je ne prétends pas non plus que la conception du surmoi
. a• été se réduise à un thème archéologique; la théorie de l'identification 1
1
>pzque exprime au contraire l'aspect progressif et structurant de l'institu-
Jrt de tion. Mais on ne comprendrait pas les difficultés de cette théorie
de l'identification, si on ne gardait pas présent à l'esprit le fond
!CS du archaïque sur lequel elle s'enlève et les traits archaïsants du« com-
'inter- plexe du père », pour parler encore comme, Freud. C_ar c'est. le
ie. Le même complexe qui porte la double valence: dun~ part, Il contrai~t
•
lnCtpe • à abandonner la position infantile, et ainsi il f?nct1on?~ comm~ l~1;
•
1t1ons, mais en même temps il retient toute for~at10n ultene.ure ~ tdcal
dans le réseau de la dépendance, de la cramte, de la pre_ventto? de
nalyse punition, du désir de consolation. C'est à travers l'archmme dune
•
cten : figure irrémédiablement rivée à notre enfance q~~ nous avons à
.lerdu, vaincre chacun à notre tour rarchaisme de notre dcsrr. On ma~que
· cette rait do~c la spécificité de Î'inter~rétation _freudienne de ~'éduque,
idem-
•
>gtque •
si on passait trop vite sur ces tra1ts archaiques du surm 1·
, 'Je lorsqu'il appe1
° .
C'est cet archaïsme que F reud devot .1e 1e dé
surmot
1
Freud
dt ure,
•
un << précipité >> d'objets perdus et lorsqu'à ili 1 1
ài~r~~i c~nscic'::t~
.es de plus enfoncé dans le ça que le système perce~ - es qui engendre
Il y a là comme une complicité ent.re ?~ux arc ai~m osé au monde
(a/aise ce que Freud appelle le monde mteneur, par PP traits 1
• • •
IOSIS· • . 1 ~sentant Regroupons 1es •
exténeur dont le mo1 est e reprc · plan simplement t•
1anité. de cet archaïsme : rappelons d'abor~ que, sur ::mal est approchée 1
•
orcer. descriptif, la conscience !Dorale 1e. 1 ~oir:ne d~ disqualifier la des-
j
,
•
. cette
ms le
d
par un modèle pathologtque; ce ut-cl, 011 les atteindre par leur
l
..••
cription des phénomènes morau.~, per~et damné moi maltraité, 1
l
:hana- côté inauthentique; moi regarde, f!l 01 d-ne' ue Freud ajoute une
••
tatisée • autant de figures qui nous ont penKms de 1 ~t aqppelé la ,, pathologie
licite; « pathologte · du devmr d'abord un homme ali
· » à ce que ant aval . ,
, ~ne,
de la
l'
du désir )), L'homme de la mora 1e est .1subit celle du des1r et
~ cette ••
qui subit la loi d'un maître étranger, cotÎme I des trois maîtres, à la
tiques comme il subit la loi de la réalité; l'apo ogue
•
'
•
,
1
433
j
•
• •
.........
· ~-
DIALECTIQUE
fin de le Moi et le Ça, est à cet égard très instructif. C'est bien
pourquoi l'interprétation n'a pas changé de sens en passant de
l'onirique au sublime : elle consiste toujours à démasquer; ce
surmoi, parce qu'il reste mon « autre » en moi-même, doit être
déch.iffré; ~tranger, i! reste étrange; l'i~terprétat.ion a changé
d 'objet, mats non pomt de sens. Outre 1 exploratton des désirs
cach~s qui se ,déguisent dans le rêve et se~ ~na.logues, elle a pour
fonctton de demasquer les sources non ongmatres ou non primi-
tives, étrangères et proprement aliénantes du moi. C'est le bénéfice
positif d'une méthode d'exploration qui exclut au départ toute
position de soi par soi, toute intériorité originaire, tout noyau
irréductible.
Le recours à une explication génétique confirme et accentue les
traits archaïques du monde éthique : dans le freudisme, la genèse
tient lieu de fondement; l'instance intérieure de la moralité dérive
d'une menace extérieure intériorisée. C'est le même noyau affectif,
celui de l'Œdipe, qui est à la source de la névrose et à l'origine de
la culture; chaque homme, et l'humanité tout entière considérée
comme un seul homme, portent la cicatrice d'une préhistoire
soigneusement biffée par l'amnésie, d'une histoire très ancienne
d'inceste et de parricide.
Certes l'épisode œdipien symbolige le gain de culture, le passage
à l'institution : mais cette victoire sur le désir brut porte elle-même l
les caractères archaïques de la crainte; c'est un abandon d'objet, •
mais sous le signe de la peur; la scène primitive, à laquelle Totem l
et Tabou rattache la naissance de la moralité, est une histoire sau- •'
vage qui plonge le sublime dans la cruauté. A partir de là, Freud •
ne doute pas que notre moralité ne conserve les traits principaux
qu'il discerne dans le tabou, à savoir l'ambivalence du désir et de ,,~•
la crainte, de l'attirance et de l'effroi. La psycho-pathologie du 1
tabou, qui l'apparente à la clinique de la névrose obsessionnelle, 1
•
•
4
archaïque. Le tyran intérieur joue le rôle de pré-morale et d'a~u J
morale. C'est le temps éthique, dans sa dimension de sédimentauon 1
non créatrice; c'est la tradition, en tant que tout à la fois elle fonde
~
434 t
1
•.
'
~-- · - -
être t~re e.n arnè.re v~rs. sa ,Propre enfance qui apparaît comme une 1
angé sttuat~on à Jamat~. m.de~assable. Je dirai assez plus loin quels
;ésirs p~o~l~mes pose 1mst!tu~10n en tant que telle : les traits quasi-
pour hcgehens que nous dechiffrerons alors dans la théorie de l'identi-
• •
rmu- fication ne devront pas nous faire perdre de vue que si l'institution
aéfice est toujours l'autre du désir, c'est par le désir et la crainte que nous
toute s~mmes d'abord et le plus souvent mis en position de dépendance
t
.oyau ahénante à l'égard de cette loi, dont saint Paul disait qu'en elle-
même elle est cc sainte et bonne ». ~
j
1
.e les La métapsychologie ne fait que rendre compte de cette parenté j
••
:!nèse cachée entre le surmoi et le ça. Cette métapsychologie tente de 1
1
1;
l'Essai sur le Narcissisme); ainsi notre meilleur moi est d'une cer- 1
ssage taine façon dans la ligne du faux Cogito, du Cogito avorté. Tantôt
A
neme 11
>bjet,
l
•
c'est dans l'identification elle-même, processus structurant par
excellence comme nous le dirons plus loin, qu'il discerne une
"otem composante narcissique, comme en tout pro.cessus ~'in.~éri?~isation,
sau- par quoi un objet perdu prolonge son ~xtst~nce ~ 1mtcne~r du
'reud •
moi. Tantôt il rappelle la filiation d~ l'a~ent!fic~tron ~ . p~rur. du
paux stade oral de la libido (en ce temps .Ioantam ::,u .armer c e~aat devo-
et de ~,.
1,1 rer... ). Un important texte de le ~ot ~~ le~a l.Je ex_Presse!llent •. au
e du 1 point de vue économique, subhmat1on, tdenuficatJOn, rcgrcsswn
nelle, ~• • •
narctsstque. .
•
1
1 Ainsi le complexe d'Œdipe représente à la foiS une co~p~re
pport l dans le désir, la coupure figurée par. la castration, ~t. la c?ntmuaté
~"
:ruree• affective entre l'économique de la lot et celle d~ desar. C est ce~t~
::> •
:prase 1
1
continuité qui permet d'élaborer une éconor~uqu~ du .surmOJ ·
uvert u La dérivation [du surmoi] à partir d~ premiers mvest~sse~ents
~
objectaux du ça par conséquent à partar du compl~xe d Œd1pe...
pre· ~ le met en relati~n avec les acquisi~ions phrJ?génét•qucs ~u ~a et
parer
stade en fait une réincarnation des format.10~s anteraeu~cs du mot qut .~nt
'ants·
• déposé leur précipité dans le ça. Ainsi le surmoi reste de mam re
]
:au•on Cf. p. et fa note 8$.
l
JO. ci-dCiliSUS, 2ZO•H2
:onde
435
••
• •
1
DIALECTIQUE
••
l'
mot, sous les déguisements de l'onirisme, « nos plus vieux désirs »,
• •.
rm01; u le désir indestructible »; c'est encore la répétition qui s'exprime
'
! dans tous les retours, sublimes ou non, au narcissisme; c'est de 1•
aïque 1 répétition qu'il s'agit de Totem et Tahou à Moïse et le A1o1Wthéism_e :
•
.SlOnS l'homme est tiré en arrière par l'instance qui ne ~ess.e de le t1re~ f '
de le hors du désir infantile. Le processus de .temporahsatJo~, en quot 1 j
' consiste à titre ultime le système conscient, se déplOie enAsen~ 1
mdre 1
à la 1 inverse d•un intemporel de nature pulsionnelle, ou plu~ot, s1
in elle
1 l'on en croit Au-delà du pn'ncipe de plaisir, à }:encontre d'une Impul-
tt•tl• on sion qu'on peut bien appeler . ~étemporal1sante. T~U~ est sans 1
.. . . . .
,._ .. .....
•
• DJALBCTIQU.E
t
ti
34- L'ltu:cnucient, G. W. x, p. z86; S. E. xrv, p. 187; tr. fr., p. 131. •
.•
- · · -· • • • • • - • N ' .T.:J'. / I(,U. . . .ail:il:i ~i-....,_"- .
.......... ..;...~~·+'
~. . . . .· <. !" -~
DIALECTIQUE
• dans son être. »Proposition IX : << L'esprit, aussi bien en tant qu'il tou
a des idées claires et distinctes qu'en tant qu'il a des idées confuses par
s'efforce de persévérer dans son être par une durée infinie et ~ 1
conscience de cet effort. » Proposition XI : <<Tout ce qui augmente •
la r
ou diminue, aide ou empêche la puissance d 'agir de notre corps que
augmente ou diminue, aide ou empêche la puissance de penser d~ de :
notre âme par une idée de cette chose. >> Finalement, pour Spinoza, •
tiOr.
la corrélation entre idée et effort est fondée dans la définition même dCJc,. J
de l'âme (mens) comme perception nécessaire des affections du msr •
'
.
••1
•
i1 i
RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET 1·• ~
. 1
1
~ (. l
••
~ .. •
1
DIALECTIQUE •
ve.
manifeste, d'autre part d'une exégèse du désir qui s'y cache. Il en
résulte qu'une théorie de la connaissance est abstraite et se cons- ••
•
titue par une sorte de réduction, appliquée à l'appétition qui règle • j
('
· ~· --
...
1
••
•
.l
• 1
RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET i
1
•
à la J•
pour
•
parler comme Freud, comme libido invinciblement narcis-
sur
•• stque. l
Je rejoins en outre les conclusions de ma Philosophie de la Volanté 1
1. 1
.re-
urs dans le Volontaire et l'Involontaire : le caractère, l'inconscient, 1~ 1
••
vie, disais-je alors, sont des figures de l'involontaire absolu· elles 1
m'assurent que ma liberté est une « liberté seulement huma~e 38 »,
•
••
nse !
1
c'est-à-dire une liberté motivée, incarnée, contingente. Je me
~ue
.fie.
pose comme déjà posé dans mon désir d'être. En cela « vouloir n'est
pas créer 30 ». Ces conclusions, je les ratifie· encore aujourd'hui;
1
•
l• 1 l
j 1
·es- mais je les dépasse sur un point décisif, celui-là même qui a mis •,
l
en mouvement toute la recherche de ce livre. Une méthode hermé-
ro- neutique, couplée à la réflexion, va beaucoup plus loin qu'une
J
1
de
lCC l
tel l
lOS 1
1
•
.n-
né
4
••
.
lée •
lU,
Le
5o.
se, •
•
., .. ,--
• .
1
c
CHAPITRE III 'hà
DIALECTIQUE:
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
p
•
al
e:
• t(
cc
La répétition philosophique du freudisme s'achève-t-elle dans et
une philosophie de la réflexion ? Suffit-il, pour comprendre le Cl
freudisme, de le relier à cette philosophie de la réflexion par le dt
concept intermédiaire d'archéologie? re
La seconde question est la clé de la première : il me paraît que pt
le concept d'archéologre du sujet reste encore très abstrait, aussi rn
longtemps qu'on ne l'a pas placé dans un rapport d'opposition
dialectique avec le terme complémentaire de téléologie. Seul a ce
une arché un sujet qui a un te/os. Si je comprenais cette articu- pl
lation entre archéologie et téléologie, je comprendrais bien des qt
choses. Et d'abord je comprendrais que mon idée de la réflexion la
•
est elle-même abstraite, aussi longtemps que cette dialectique gtl
nouvelle ne lui a pas été intégrée. Le sujet, disions-nous plus haut, la
n'est jamais celui qu'on croit. Mais il ne suffit pas, pour qu'il de
accède à son être véritable, qu'il découvre l'inadéquation de la pr·
conscience qu'il prend de lui-même, ni même la puissance du désir • d'~
qui le pose dans l'existence. Il faut encore qu'il découvre que le • ap.
« devenir conscient ,, par quoi il s'approprie le sens de son existence qu
comme désir et comme effort, ne lui appartient pas, mais appar- ne
tient au sens qui se fait en lui. Il lui faut médiatiser la conscience tiq
de soi par l'esprit, c'est-à-dire par les figures qui donnent un te los che
an;.
à ce « devenir conscient >>. Qu'il n'y ait d'archéologie du sujet que •
• qu·
dans le contraste d'une téléologie, cette proposition renvoie à cette 1
dia
autre : il n'y a de téléologie que par les figures de l'esprit, c'~st •
cor
à-dire par un nouveau décentrement, une nouvelle dépossessiOn '•• dot
que j'appelle esprit, comme j'avais appelé inconscient le lieu d; 1
asp
cet autre déplacement de l'origine du sens en arrière de m0•1• :
Si je comprends cette connexion, au cœur d'une philosophie ~
t.
du sujet, entre son archéologie et sa téléologie, c'est-à-dire entre , p. 1;
deux dessaisissements de la conscience, je comprends en o~tre j deaa
que la guerre des herméneutiques, qui était le problème maJeur 1
•
'j
1.
•
•
·t
1
,..
.•
J
• !
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
1
de notre problématique, est sur le point de trouver une issue
Vue ~u d~hors, la ps~chan~lyse !lous était apparue comme un~
hermeneuttque r~ductnce, demyst~fiante. A ce titre, elle s'opposait
à une hermcneuttque que nous av10ns appelée restauratrice à une
récollection du sacré.. Nous n'avions pas aperçu, ct nous ~'aper
cevons pas encore, le hen entre les deux modes contraires de l'inter- 1
1
s1r • d'archéologie la présente méditation est de nature ph•losopluqued, !
le •
' : je ne me comprends mot-me~e,
après avoir dit · • rtsa.nt d'Freu. . ' 1
DIALECTIQUE
446 ·~
l
•
' •
•
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
'
tsme est
, par la
licite et
I. UN MODÈLE ,TÉLÉ9LOGIQUE DE LA CONSCIENCE :
rt entre LA PHENOMENOLOGIE HÉGÉLIENNE
:>poserai
énologie
• {
znverse. Ce que Hegel offre à penser est une phénoménologie, non point 1
1
!Xplicite une phénoménologie de la conscience, mais bien de l'esprit. Enten- .1
•'
:le toute •
dons par là une description des figures, des catégories ou des ~
symboles qui guident cette croissance selon l'ordre d'une synthèse .,
1
:léologie '•
l•
on peut progressive. Cette voie indirecte est plus féconde qu'une psycho-
able de logie directe de la croissance 3 ; la croissance elle-même est au . 1,..
1
•
:OUJOUrs croisement de deux systèmes d'interprétation. En effet, cette phéno- 1
tent les qui la médiatise et élève sa certitude à la vérité. Ici non plus la
la sotte conscience ne se comprend pas tant qu'elle n'accepte pas de se •
. ., .. ..... • ••.• • . .
.. ..... ' •
•• .,;:.J..~..
. . .
!•
•
DIALECTIQUE '•
•
1
•
de culture.
• Je dirai, dans le prochain chapitre, ce que l'on peut faire aujour-
d'hui de cette métapsychologie issue de Hegel et que je propose ·
de confronter avec celle de Freud, pour les comprendre l'une par
l'autre. Je ne pense pas du tout que nous puissions, après plus
d'un siècle, restaurer la Phéttoménologie de l'Esprit, telle qu'elle •
fut écrite; mais il me semble que nous devons prendre pour guide,
dans toute nouvelle entreprise de même style, les deux thèmes •
directeurs qui me paraissent caractériser une phénoménologie
de l'Esprit.
. Le J?remier concerne 1:allure de la dialectique hégélienne; cette
dialectique en effet constitue un mouvement synthétique, progres· l
sif, lequel, par contraste et par choc en retour, découvre le carac- '
tère proprement analytique de la psychanalyse et le caractère
régressif, au sens technique du mot, de son interprétation écon~
mique. Dans la phénoménologie hégélienne, chaque figure reçoit
son sens de celle qui suit; ainsi le stoïcisme est la vérité de la recon-
naissance du maître et de l'esclave, mais le scepticisme est la vérité 'l
de la position stoïcienne qui déclare inessentielles et annule toutes
les différences entre le maître et l'esclave, etc. La vérité d'un moment
,
•
•
"r- .
~ - ~,~, - --
j
•
t· \
•
t
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
•
:; cette
1
sttudes des pulsions qui constituent le thème de 1economtqu~.
rogres- Regardons d'un peu près comment le soi se montre et appa~att
carac- dans la Phénoménologie de l' Espn't ,· il est remarquable que. ~ est
ractère d~jà dans le désir - Begierde - que le soi se préfigure et, SI J os:
écono- dtre, se tire à soi. Sur ce point Hegel et Freud se renc~ntrent ·
reçoit °
c'est dans le mouvement du désir que naît une culture. Et 1 0 pedt
recon- •
. vérité , l'objet, la mort de l'objet jouent un rôle essentiel dans c~tte e
cation du désir; le maîtr~ hégélien qui a mis sa vie en aed~ a
r
pousser assez loin les identités : chez l'un et l'autre, l'abando?d e
P• 1-Ho •
•
• •• " J ,
.
... •
\
...
1
~ ~" .
. .. . ...
~
'
•
'
•
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
:t dans qui, en se précédant elle-même, fait qu'il y a une lumière de la vie·
~ entre
c'est en effet sur le chemin du retour en soi-même, à partir de 1~
' simple conscience qui n'était que le déploiement de l'être autre du
multi- monde, que la conscience de soi se pose comme désir; la chose
e chez n'est pl~s al.o~s spectacle, mais apparition disparaissante; et, dans
.veaux, cette dtspantton, s'apparaît à soi la conscience désirante· mais
1ement que désire-t-elle en désirant quelque chose? Ce qu'elle po~rsuit,
. Chez à la faveur de ce recul du monde sensible, désormais rapporté
encore .
• à l'unité de la conscience de soi avec soi-même, ce qu'elle poursuit,
~ise de c'est soi-même. C'est pourquoi elle ne s'atteindra qu'à travers
•polite, son rapport avec un autre désir, avec une autre conscience de soi•
•
~u1 est 1
C'est alors une cc dialectique téléologique », selon le mot même
ns une de Jean Hyppolite commentant ce difficile passage 6, qui << expli-
, dont cite progressivement tous les horizons de ce désir qui est naissance
urquot• de la conscience de soi 6 »; le désir de soi se désimplique du désir
définie de quelque chose; pour cela il se cherche lui-même dans l'autre;
:: avec finalement c'est le désir de la reconnaissance de l'homme par
• l'homme qui d'abord se précède pour s'expliciter ensuite. C'est
et qm,
artient cette anticipation qui permet de dire : «c'est par une telle réflexion
le soi, en soi-même que l'objet sensible est devenu vien; la marque réflexive
:e dans qui distingue l'objet du désir, comme quelque chose de vivant, du
la vie, • simple objet perçu, est en ce sens ingénérable par simple évolu-
la vie, tion de l'antérieur vers l'ultérieur. C'est bien pourquoi, lorsque
natale Hegel découvre dans l'altérité du désir la visée d'un autre désir,
d'une autre conscience désirante, à la fois étrangère et même, il
:ur rent ,•
déclare sans équivoque que c'est pour nous philosophes, pou~ no~s
désir; ' qui sommes en avance sur le mouvement, que le concept de 1espnt
: parce
ent de est déjà là.
La phénoménologie du désir, .sur laquelle no?s, nous sommes
1mière un peu longuement arrêtés en ratson de ses affimtes ~vec le fre~
dialec- disme, est tout le contraire d'une genèse du supéneur à part1r
:omme de l'inférieur; elle consiste bien plutôt à exposer le sens et les
:omme conditions du désir, tels qu'ils apparaissent dans les moments
figure ultérieurs; c'est seulement si la vie se manifeste comme un au~e
ouble- désir que le désir est désir; et cette certitude à son tour a ~a vénté
squ'au ' dans la réflexion doublée, dans le doublement de .la consc1e~ce de
: pure soi. A cette condition, une émergence ~e la. consc1ence de so1 d~ns
propre le milieu de la vie est possible. La reflexiOn pe~t être créatnce,
: , ·r
de!Sl • parce que chaque moment enveloppe dans sa cerutude du non-su
1
'
.
S· Ibid., p. lSS·
~ Hegel, • 6. Ibid•
DIALECTIQUE •
• •
-
•
•'
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGie
l média-
: travail trop exclusivement historique de cette interprétation par le passé
: de soi, c•est enc<?re.en.face d·~.me antériorité symbolique que nous somm~
la cons- placés ; amst, Sl nous mterprétons l'inconscient comme 1•ordre des
•
lence se signifiants-clés qui sont toujours déjà là, cette antériorité des signi-
tre aussi ~ants-clé! par rappo~ à tous les événements temporellement
~me sort u:'t~rpré.tes no~s renvo1e à .un sens plus symbolique de l'antério-
uhigkeit, nte, mals contmue de fourmr à rordre inverse de l'esprit le contre-
• •
·posltlon pôle que nous cherchons. Nous dirons donc en termes très géné-
•
.atssance ra'!x : l'.esprit, c'est l'ordre du terminal; rinconscient, l'ordre du
et, à ce pnmordtal. Pour rendre compte de la façon la plus raccourcie
de cette antithèse je dirai : resprit est histoire, l'inconscient est
léologie, destin,- destin arrière de l'enfance, destin arrière des symboliques
. psycha- déjà là et indéfiniment réitérées•••
1 •
lteneure
nt anti-
:géHenne
• 2. L'INDÉPASSABLE DE LA VIE ET DU DÉSIR
tmement
.thétique
mies : à Et pourtant cette antithétique doit être dépassée : le danger
se l'être, auquel elle expose est de ramener sournoisement à un commode
e, si elle éclectisme où Phénoménologie de l'Esprit et psychanalyse seraient
:ontraste vaguement complémentaires. On n'exorcise cette caricature de
ologique dialectique qu'en montrant dans chacune des deux disciplines
~z Freud de pensée, considérée en elle-même et pour elle-même, la pré-
. comme • sence de son autre. Cet autre ne lui est pas un contraire extérieur,
• 1
a1mantee mais un contraire propre, auquel elle renvoie de soi. Je me propose
rchaisme donc de montrer que la question de Freud est dans Hegel, afin
. pulsion de me préparer à comprendre que la question de Hegel est dans
1t que le Freud.
. Retrouver la question de Freud dans Hegel, c'est retrouver
~ait bien •
dans des la position du désir au cœur même du procès (( spirituel » du double-
•
tOUJOUrS ment de la conscience, et la satisfaction du désir dans la recon-
.t signifie naissance des consciences de soi•
Revenons donc au difficile passage, dans la Phénoménologie
1 figures
de l'Esprit, de 1~ vie et du. désir à 1~, cons~ience de soi. Je ne veux
:ns pure· rien retirer à l'mterprétatlon que J en a1 donnée précéde~ment
me est le mais y ajouter. Ne pouvons-no~s pas retrouver, non plus à 1 ext~
que son rieur de cette dialectiql!e, malS. en quelque so.rte . dans son fih-
caractère grane ce que j'appellerai volont1ers le caractère mdepassable de la
vie et' du désir? N'est-ce pas précisément la téléologie de la cons-
cience de soi qui, à la fois, manifeste que la vie est dépassée par
•'
453
•
•. . . . 1 •
. .'
\ · ~··
•
-.
DIALECTIQUE
•
•.
sorte la conscience de soi naïve, qui croit s'atteindre immédiate-
ment, dans la suppression de l'objet, dans la consomption immé-
diate de cet objet : « Le Moi simple est ce genre, ou l'universel
simple, pour lequel les différences sont néant; mais il l'est seule-
ment quand il est l'essence négative des moments indépendants
qui se sont formés. Ainsi la conscience de soi est certaine de soi-
même, seulement par la suppression de cet Autre qui se présente
l à elle comme vie indépendante; elle est désir. Certaine de la nullité
de cet Autre, elle pose pour soi 'Cette nullité comme vérité propre,
anéantit l'objet indépendant et se donne par là la certitude de
•
soi-même, comme vraie certitude, certitude qui est alors venue à .
l'être pour elle sous une forme objective 8 • » 1
'
Le pur moi dit :j'existe, puisque je jouis et que dans la jouissance
je vois disparaître et fondre cet objet dont toute la. physique du
monde m'a dit la solidité.
••
•• Comme le fruit se fond en jouissance, dit le poète. Mais c'est
ici que le désir fait l'épreuve tantalisante de la résistance et de la
• renaissance et de la fuite sans fin du beau fruit : cc Mais dans
cette satisfaction, la conscience de soi fait l'expérience de l'indé-
pendance de son objet; le désir et la certitude de soi atteinte dans la
•
satisfaction du désir sont conditionnés par l'objet; en effet la
satisfaction a lieu par la suppression de cet autre. Pour que cett~
suppression soit, cet autre aussi doit être. La conscience de S?l
• ne peut donc pas supprimer l'objet par son rapport négatif à lm;
•
8. Ibid., p. 15:1.
•
454
-•
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
:ont à
•
na1re, par 1~ e~e le reproduit plutôt comme elle reproduit le désir a. »
•
:1ence On d!rat~, en lang~ge freudien : le principe de plaisir se heurte
as son au prmctpe de réahté. Hegel continue ainsi : « C'est en fait un
•
~c so1
autre que l.a conscience de soi qui est l'essence du désir, et par
cette expénence, cette vérité devient présente à la conscience de
lépas- soi 10• » En langage freudien : ce qui se prenait comme pur moi,
se découvre comme étranger à soi, comme anonyme et neutre,
s et à comme cc ça». C'est alors que la conscience de soi découvre l'autre:
la résistance de l'objet au désir, son indépendance ne peuvent
;ance, • être surmontées et la satisfaction atteinte que par la grâce d'un
~n est
autre qui soit un autrui : comme dit le texte dans une expression
npor- •
éclatante : « La conscience de soi atteint sa satisfaction seulement
!pt de dans une autre conscience de soi 11• » Ainsi le problème de la recon·
))aisir naissance ne fait pas suite, de façon e.<térieure et extrinsèque,
!Ile le au problème du désir, il est la désimplication même de l'égoïsme
elque •
' de l'Ego; il est la« médiation» de ce que le moi poursuivait comme
diate- satisfaction. Lisons une dernière fois le texte si dense de Hegel :
mmé- « Dans ces trois moments s'est réalisé le concept de la conscience
versel ••
de soi : a) son premier objet immédiat est le pur Moi sans diffé·
;eule- renee; b) mais cette immédiateté est elle-même absolue médiation,
dants elle est seulement comme acte de supprimer l'objet indépendant,
•
e SOl· ou elle est le désir. La satisfaction du désir est bien la réflexion
•
:sente de la conscience de soi en soi-même, ou la certitude devenue
mllité vérité; c) mais la vérité de cette certitude est plutôt la réflexion
~op re,
doublée, le doublement de la conscience de soi 12• ,,
ie de C'est pourquoi la dialectique ultérieure ne fera jamais que média-
nue à tiser cet immédiat donné dans la vie, qui est comme la substance
sans cesse niée mais sans cesse retenue et réaffirmée. L'émergence
sance
du soi ne sera pas
émergence hors de la vie, mais d~ns .la vie.
Cette position indépassable de la vie et du déstr, Je la retrouve
Je du à tous les autres niveaux de la dialectique du doublement de la
conscience de soi. .
c'est Et d'abord il ne faut pas perdre de vue que la reconnaissance-
de la phénomène spirituel par excelle!lce - est lutte. .Lutte. pour la
dans reconnaissance certes et non pomt lutte pour la v1e, mw rec.on·
indé- naissance par 1~ lutte. 'or cette lutte signifie que la grandeur ternble
ans la du désir est transportée dans la sphère de. l'esprit, s~us la ,figure
:et la de la violence. Certes, la passion de se frure reconnattre depasse
cette
•
le SOl 9· Ibid•• p. 152•
10. Ibid.
à lui; IJ. JbiJ., p. 153·
12. Ibid.
455
. ·'
. .. ' . ... ,. . ~
_..,,_ . ,,__
DIALECTIQUE
ARCHÉOLOGIE ET T~LÉOLOGIB
cept
LCe:
:'est
~uve 3· LA TÉLÉOLOGIE IMPLICITE DU FREUDISME :
>our
•
Vle',
a) LES CONCEPTS OPÉRATOI RES
•
par-
des
é le Revenons à Freud. La psychanalyse disions-nous est une
nme analyse e.t il n'y a pas lieu de la complét;r par une syntbèse. Cela
rvile ne saura1t être contesté. Ce que je crois pouvoir montrer c'est
•
1 v1e '}.Ue cette analyse ne saurait être comprise, dans sa structure" ;égres-
•
mort stve ,, la plus propre, que dans le contraste d'une téléologie de la
lVaÎ), consc~cnce q~i ne lui reste pas extérieure, mais à laquelle elle
:s et
~
!env?•~ de so1-même. Quels s~mt donc ces traits d'une téléologie '
utre. tmpltc1te que nous croyons diScerner dans le freudisme même?
• •
>Sltl- Ne sommes-nous pas en train de surinterpréter Freud? Je ne
sans nie pas que ces traits ne cc sortent » que dans une lecture de Freud
,
)era- couplée à une lecture de Hegel; c'es,t pourquoi j'ai bien distingué
~han- • les moments successifs de mon interprétation philosophique :
ture, moment épistémologique, moment réflexif, moment dialectique.
•urnt
• Mais fespère montrer que, du même coup, je lis mieux Freud et
•• me comprends mieux moi-même lisant Freud. 1
••• réaliserait l'état de réflexion totale ou de savoar absolu, qu1 est mco~
patible avec la finitude de la connaissance. Ce n'est donc pas frure
grief à la psychanalyse que de discerner en elle des concepts opé-
457
. . .. .. . •
.
A
DIALECTIQUE
ratoires qui, pour être thématisés, feraient appel à une autre concep- •
tualité que celle de sa topique et de son économique.
Ces concepts opératoires sont ceux-là mêmes qui nous ont permis
de distinguer la ps~chan.alys.e aussi. hie~ de la phénomér;ologie
que de la psychologte sctenttfique; tls ttennent à la constitution
•
même du << champ psychanalytique » comme relation duelle •
comme relation d'interlocution. Alors que la métapsychologi~
1
•
.
.' 1
i
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
cep-
passe pa~ la mère, puis il découvre que son désir de la mère passe
mus • • par 1~ per~;.là est l'es~entiel du conflit œdipien. On peut dire du
logie confht œ~lJ?Ien cela .meme que Hegel dit de l'échec de l'immédia-
•
1t1on teté du destr : « mats dans cette satisfaction la conscience de soi
1elle, fait l'expérience de l'indépendance de son obJet... ». C'est même ici
logie qu~ cesse tout parallélisme entre la faim et l'amour : Ja faim a son
s est objet dans une chose, l'amour a son objet dans un autre désir.
•
SlSte, • C'est pourquoi toutes les péripéties de la libido sont des péripéties
a tion du doublement de la conscience de soi. Bien plus comme la rela-
tique
•
tion thérapeutique elle-même nous l'avait I~issé pressentir,
• ce sont toutes les fois des situations où la division des consciences
1ence est une division inégalitaire. La conscience de l'enfant a d'abord
! une sa vérité dans la figure du père, qui est son premier sublime, son •
tout suprême; comme l'esclave, l'enfant a échangé - par un pacte
ence, aussi fictif d'ailleurs que celui qui lie l'esclave à son maître -
désir sa sécurité contre sa dépendance. Mais c'est avec la dépendance qu'il
.écisif doit faire de l'indépendance ta.
:ment Jusqu'où peut-on étendre cette relecture du freudisme à la
:porte lumière de concepts opératoires homologues de ceux de la phéno-
ur la ménologie hégélienne ?
•
lttent, Un lecteur quelque peu familiarisé avec la mentalité philo-
'autre sophique de l'hégélianisme ne manque pas d'être frappé par l'usage
•
USSl a o\li.r constant de l'opposition, dans la constitution des concepts freu-
ar un diens. Les trois théories successives de la pulsion sont en effet
ne de trois théories dichotomiques : pulsions sexuelles (ou libido) contre
·écisé~ pulsions du m~i; libido d'objet contr~ libid~ du mo~; pulsi?n de
1érité, .• vie contre pulston de mort. Il est vra1 que dtchotomte ne fa1t pas
Alors dialectique et que la dichotomie a chaque fois un sens différent;
• mais ce style d'opposition est étroitement lié à la naissance de la
nu un
signification; la dichotomie est déjà dialectique.
ans la A leur tour les viCissitudes ou « destins de pulsions » pré-
ences, sentent une forme dialectique évi~ente; c'est. par pair~ ~i~ni
•
mpor~
ficatives que Freud compose ces destms : voyeunsme et exhibttion-
·épète, ,•
nisme; sadisme et masochisme; c•est dans ces « renversements »
>rtants
a rela~ 13 • On replacera dans ce champ dialectique la discussion c?ncemant ln r~ln·
tion d'objet; cf. M . Bouvet, • Le moi dans la névrose obsessiOnnelle. Relouon
on en d•objet ct mécanisme de défense •, Rro. fr. d~ Psa., 1953, XVII, 1/2, PP· 1 IJ•
:jà des 196 . 1 Ln clinique psychanalytique. Ln relation d'objet •, in La Psychanalyse
n'est •
• d'A~jourd'hui, I, pp. 41-121; c Dépersonnalisation et relation d'o~je.t •, .Rrt~. fr.
1
Je Psa., 1960 , XXIV, 4/S, pp. 449-61 t. G. Grunberger, c Cons1derauons sur
urs en l'oralité et ln relation d'objet orale •. Rro. fr. de Psa., 1959, XXIII, 2, P· 177·
Je toUS 204; • ~tude sur la relation objectale anale •, lùv. fr. de Psa., r96o, XXIV, 2,
: trajet pp. IJ7·168.
'enfant .
459
'
.•. . ,·
•
DIALECTIQUE
..
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
tUS
• 4· LA TÉLÉOLOGIE IMPLICITE DU FREUDISME :
•'le,
ns-
du · b) L'IDENTIFICATION
aon •
•
•
•
' . . ' ..... ... .
•
DIALECTIQUE
462 •
ARCHÉOLOGIE BT TÉLÉOLOGIE
tue. \
.: '.
\ . ..
'
•
DIALECTIQUE
•
.~
•
ARCH~OLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
:tppelle ••
'ombre cative du désir humain qui a un rapport non pas accidentel mais
•
mtque,
'
fonda~ental et fo.ndateur avec le procès du doublement de la
[( rem.. co~sc.Ience ?•Ce q.ui semble résister à toute interprétation qui intro-
n » est dUirait la dialectique de la conscience de soi au cœur même du
:levient désir, c'est,. s7mble-t-il, la définition même de la libido par Freud JB.
'a, une Cette défimtion paraît soign.eusement ~issocié~ de tout le processus 1
•
..
•
•
... .
• • •• •
.. ..
..
0
.
• '
·' .. "'..
"J.•.·
___ _
~
,
.
.
DIALECTIQUE
•
.i 1.
- ·--
'.
• ARCHÉOLOGIE BT TÉLÉOLOGIE
nytho.. :
•
cauon. •
m plus
propos 5· LA TÉLÉOLOGIE IMPLICITE DU FREUDISME :
1irable. c) LA QUESTION DE LA SUBLIMATION
tt cités
dialec- -
nême? . S'il y a che.z Freud un. concept de l'identification, il y a seule-
'
!ter la ment. chez lut, une quest10n de la sublimation. C'est dans cette
tquelle , qucs!IOn non resolue que sc dessine en creux toute la problématique
:>fonde préccdente. A elle se rattachent toutes les autres questions non
? résolues de l'origine de l'éthique, dans la mesure où elles ne pas-
30US le sent pas par le concept d'identification.
lecture On aura remarqué que notre Analytique ne comporte aucune
•
n1que, . étude distincte de la sublimation. Ce n'est pas un hasard : dans
! de la
l'œuvre écrite de Freud, la notion de sublimation est à la fois fon-
; quels .• damentale et épisodique. Elle est annoncée comme un destin
lifficile de pulsion distinct non seulement du renversement des pulsions
}Ue de '
dans leur contraire (Verkehrung, reversai) et du retournement
(Wendung, turning rQUnd) vers le sujet, mais aussi et surtout
et qui du refoulement. Mais nous ne possédons aucun écrit complet et
de la . séparé de Freud consacré à ce destin original. Bien plus, comme
:1alyse. un critique de Freud l'a montré 20, l'ébauche de théorie qu'on
:hana- trouve dans les Trois Essais... ne subira plus aucun changement
ie son ' l
notable après 1905, en dehors de son rapprochement avec la désexua-
nction lisation et l'identification. Il vaut donc la peine ~'examiner en
?ropre détail le texte de 1905.
st pas Les Trois Essais traitent de la sublimation en quatre épisodes
ne un distincts :
•, c'est La première allusion se trouve dans Je Premier Essai consacré
sycha· .; aux u aberrations sexuelles », sous le titre des << déviations quant
te des . au but sexuel » et sous le sous-titre de << but sexuel provisoire •·
Jrquol ·
• Ce << lieu ,, de la sublimation n'est pas quelconque. La subliz:nat~on
: réin· est une déviation du but de la libido et non une substltuuon
•
ttemte d'objet; cette déviation s'apparente aux u actes préparatoires •
C'est de l'acte sexuel terminal; plus précisément elle se .gre~e su~ le
d'une .< plaisir sensoriel (toucher, voir, cacher, mon~rer), lu1-mem.e s•t.ué
freu· sur le trajet des actes préparatoires susceptibles de .s~ disso~~r
et de se constituer en but autonome; c'est. cette ~évtat1o!l q~!~
•
place d'emblée dans le champ de l'esthétique, c est-à-dire
20. Horry D. Lcvcy, cA critique of tho theory of sublimation '• Psychiatry,
1939, p. 239-270•
J 1.
•
• •
• • ' 1 ; ••
•
DIALECTIQUE
••
21. T~ois Essais... G. W. v, p. ss-6; S.E. vu, p. 156-7; tr. fr., p. 47·9· ••
22. lb1.d.,G. W. v, p . 78-9; S. E. vu, p. 178-9; tr. fr., p. 81-2. ••
23. /bad., G. W. v, p. 123; S.E. vu, p. zo6; tr. fr., p. 123. ••
••
'
.
ARCHÉOLOGIE ET TÉL~OLOGIB
•
pulsto.n; o~ pourratt parler en ce sens d'une finitude du désir
• ~umam q~t ~nale~ent mo~ule sur une sensorialité élective rela-
!
t~v~ment hmttée (il est vrat. que les zones érogènes ne sont pas
j hm1tées en nombre, du moms sont-elles limitées à la surface du
~ corps).
j
Le gran~ texte des Trois Essais ~t le quatrième : il appartient
à la tentative finale de synthèse qlll clôt le livre· la sublimation
y apparaît comme une troisième issue, à côté de la'névrose et de la
perversion 24 ; on sait déjà que perversion et névrose sont étroite-
ment li~es, puisque « la ~év,rose est pour ainsi dire le négatif de la
perversion ~ >>. ~n a apprts egale~e~t, par les fragments antérieurs,
que la subhmat10n a un rapport etr01t avec les perversions en raison
•t•
J
de son lien économique avec les buts intermédiaires et les zones
érogènes. Cette ·rois les trois << issues » (en un sens qui annonce les
, << destins de pulsions ») sont nettement distinguées : la perversion
•
est interprétée en termes quasi jacksoniens comme défaut d'inté-
• gration par la zone génitale; la névrose, <<complément négatif de
la perversion 26 », est rapportée au refoulement; la sublimation est
conçue comme une décharge et une utilisation, dans d'autres
sphères que la sexualité, d'excitations excessives (en ce sens c'est
• encore dans le cadre des constitutions anormales qu'on en parle);
néanmoins, c'est à ces << dispositions dangereuses» que Freud attri-
bue cc une augmentation appréciable dans les aptitudes et activités
psychiques » : la créativité dans le domaine esthétique est une ~e
'1 ces manifestations réactionnelles. Plus exactement les dons artiS-
• '• tiques présentent un mélange variable de création, de perversion,
J
• de névrose. . · d'
Qu'en est-il finalement du rapport entr~ la sublunation une
part, le refoulement d'autre part? Ce dermer texte, de façon su~
prenante traite le refoulement comme une sous-espèce de la subli-
à
mation· cette sous-espèce se rattachent les « traits de caractè~e »
' le savons dérivent des mst1tut10ns
· · ·
q ui nous sexueIles par fixauon
. •
1 '
sublimation '
et répression. Mats 1 e Pas. à a1outer
· F reud n 'hés't ·•
.. refoulement et sublimation sont des process~s q~1 ;~us ~nt
:1
,•
.. .
. ' ~ ...
~
•,
, ..
.
, .,
. .
. ..
, ,~ .. 1
.1
----- - ---
1
DIALECTIQUE
470 • •••
•
11
1
ARCHÉOLOGŒ BT TBLÉOLOGIB
•
•
'1 lisation, identification, sublimation. Sur ce point, nous nous
• sommes éloignés de notre base de départ : la sublimation ne paraît
plus être une composante infantile perverse déviée vers le non ••
sexuel, c'est un investissement objectal de l'époque œdipienne,
.'
;
j
deaau1, p. aao).
E . tr fr p sS..-5 (cf. ci·
JO. LA Moi et r. Ça. o. w. Xtu, p. asS: s. . XIX, p. JO, • ., •
f.
f(
~
•
il
't
, • 0
i .
1 •
(
•• • •
•
•
1
1 •' ••
1 . 1
<
DIALECTIQUE
l
En gros, cette première face du problème correspond aux aspects
éthiques de la sublimation (la deuxième face correspondant globa-
lement à ses aspects c~thétiques) .. Fre'!d lui~même a rrivilégié. ces
aspects éthiques en hant la subh!Dat1~~· d ~bor~ aux formattons
•
l ARCHÉOLOGIB BT TÉLÉOLOGIB
ts
1-
~ mê~e, est U:r~~uctible au « désir d'avoir »; la sublimation recèle
!S 1
•
une trréducttbihté du même rang; d'elle aussi on peut dire qu'elle
précède et enveloppe toutes les formes dérivées soit par transpo-
lS
:
sition es~hé?que du J?l~isir s~~soriel des zones 'érogènes, soit par
• désexuahsatton de la hb1d~ à 1 epoque de la démolition de l'Œdipe;
1- aucune de ces formes dénvées ne rend compte ni d'une identifi-
1- fication primordiale, ni du pouvoir primitif de sublimation. La
re l parenté entre sublimation et identification nous permet de rap-
1e
a
l
-~
porter l'énigme non résolue de la sublimation à la naissance même
de la conscience de soi dans la dialectique du désir.
•
;1- '
1 La parenté entre le concept de sublimation et celui de formation
•
ur
• 1.4
'• d'idéal, tel q':''il est éla~oré d~ns r.essai sur le Narcissisme, suggère
ur -••
J la même rémterprétat10n dtalecttque de tous ces mécanismes
lu .J voisins. Je sais bien que Freud ne rapproche sublimation et idéali-
1e, l
1 sation que pour les opposer; selon ce dernier mécanisme, l'idéal
n- reste « le substitut du Narcissisme perdu de [notre] enfance at »;
~e. toutefois cette projection d'idéal, dérivée du narcissisme, présup-
,: •
pose que l'ego de ce cogito avorté enveloppe un minimum de
71-
)
signification éthique, qu'il peut s'estimer, s'apprécier, se condam-
•
lS- • ner. Il n'est certes pas indifférent d'apprendre de la psychanalyse
•~a. 1
que la formation d'idéal se greffe sur le faux cogito, ce que nous
li- •
•• appelons nos idéaux ne sont bien souvent que des projections de
les ce même amour-propre auquel nous avons attribué par aiiJeurs la
re, résistance à la vérité; l'idéalisation, au sens freudien, s'apparente
• par là à la généalogie de la morale selon Nietzsche; nous avons
1S-
t )) insisté plus haut sur ce bénéfice irrécusable de la psychanalyse;
mais à travers cette filiation narcissique des idéaux est posé un
de
tés
l•
problème plus radical : que signifie que l'ego évalue? qu'il e~
lCe
l capable d'estime, de blâme? qu'il approuve et s'approuve? qu Jl
m- "
1 désapprouve et se désavoue? Nous avons suggéré, en exposa~t
§o- 'l ••
la théorie freudienne de l'idéalisation, que ce procès pourrrut
donner quelque crédit à la distinction - fugitive! et peu~-être no!l
art
intentionnelle - entre moi idéal et idéal du m01 i ce qut P.our~att
1
me
encore donner consistance à cette distinction, c'est rattnbuu~n
/
J
go,
au moi d'une Se/bstaclltung, d'une « estime de s?i-mê~e », po~ee
31
[Ue •
initialement dans le narcissisme lui-même. Or sa le mot peut ~ralmt-
me ·} . · 1e blâme soc1a
ent dre la castration et, ultérieurement, antactp~r , b' e
••
' le châtiment et les intérioriser en condamnatton morale, c;st. Ie~
1ue parce qu'il est sensible à d'autres menaces que le danger P ysaque,
•
ton . r~ Narctmnne,
• · G . w. xt p • r6r ·t S • E • XIVt P· 94; tr. fr., P· *
[10- JI. Pour lt~trodutr~
• 32. Ibid., G. W. x, p. 16o; S. E. XlV, p. 93; tt. ft., P· 2 3·
.Ul-
473
.1
\'
.
, ..' .. ,
DIALECTIQUE
•
474
1
~
1
j
j
ARCHÉOLOGIE BT ThÉOLOGIE
ne
:pt
rés
LOS
----- - ...,.,_ . -
J
i
·"'
:~
•1
•
CHAPITRE IV
HERMÉNEUTIQUE:
LES APPROCHES DU SYMBOLE
•
l
-- ··- .... ----··--·---· · ·-·--·· -- --
~
former une dialectique, non pas entre Freud et Hegel mais en
chacun d'eux. C'est seulement lorsque chaque inteq,rétation
j paraît contenue dans l'autre que l'antithétique n'est plus simple-
ment le heurt des opposés, mais le passage de l'un dans l'autre.
•
A ce moment seulement la réflexion est vraiment dans l'archéologie
• et l'archéologie dans la téléologie : réflexion, téléologie, archéologie
o- passent l'une dans l'autre.
e- C'est alors qu'il paraît possible de chercher, dans la texture
n, signifiante du symbole, l'entrecroisement des deux lignes d'inter-
te. ~
••
•
prétation dont nous avons pensé abstraitement la conciliation.
il Le symbole, en ce sens, est le moment concret de cette dialec-
--
;te '4 tique, mais il n'en est aucunement le moment immédiat. Le concret
:m -~ c'est toujours le comble de la médiation ou la médiation comblée.
le. Le retour à la simple écoute des symboles est la << récompense
la
~'• après une pensée ». Le concret du langage que nous jouxtons par
••
• 1 une pénible approximation est la seconde naïveté dont nous n'avons
1er
, 1
;es l jamais qu'une connaissance frontière, ou plutôt liminale.
1' Le danger, pour le philosophe Ue dis pour le philosophe et
• •
non pour le poète) est d 'arriver trop vite, de perdre la tension, de
lre l se diluer dans la richesse symbolique, dans l'abondance du sens.
ait '•'
• .J Je ne renie pas les descriptions de la problématique; je continue
JOl
ue, de dire que les symbol~ appellent l'int~rpr~tation p~~J~ur ~-tru=
j• ture signifiant~ par le mouvement de re_!!YOJ du sens Q!l.!.kvr. ~L
ne •
ms
{ tmmanent.'!Vlafs l'ex_Eiication_g~_ce IJl.Q11YCment_de temrai exJge.
l la trij?le rusèfJ?line dÜ-dessaisissement. de .l'aotithétiquet de.Ja
Jes •
dialectique. Il faut dialectiser le symbole, afin de penser selon le
1es symbole; alors seulement il devient po~sible d'inscrire la dia~ec
•
LSl•
If!
tique dans l'interprétation même et de fatre .re~our à paroi~ vtve.
•
.t : i
l•
C'est cette dernière phase de la réappropnanon qu1 constitue le
passage à la réflexion concrèt~. En retournant ~ l'écoute du langage,
ns; ••
' la réflexion passe dans le plem de la parole s1mplement entendue.
: la 1
1 Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur le sens de c.e der-
èse nier épisode : ce retour à l'imC?édiat n'est pas un retour a~ silence,
tla·
• mais bien à la parole,_ au ple1,~ ~u lan?a~e. Non _pas meme à la
>n- parole initiale, 1mméd1ate, à 1emgme epaiSSe, m~s à une, par.ole
ans
11
'4
.,~• c:
instruite par tout le procès du sens. est po~~qu~1 cette refl~uon
concrète ne comporte aucune concess1on à l~rrattonnel, à 1 effu-
1
on; '
~~
•
•j 477
•J
••
J
l
j
j
DIALECTIQUE
1. LA SURDÉTERMINATION DU SYMBOLE
J .
à la. f?is pour l'instituer et pour la surmonter, cette opposition c
exJ?hctte la texture paradoxale qu'on pourrait exprimer comme 1
.J
•
l
f
• uruté du cacher-montrer. Les vrais symboles sont au carrefour
1!
•
•
•
478
J.
1
··------· ~·
·j
'1
l
HERMÉNEUTIQUE ! ~P.S APPROCHFS DU SYMBOLB
•
ton, des deux fonctions que nous avons tour à tour opposées et fondues
leU- •
rune dans l'autre; ,~n même temps. qu'ils déguisen~, ils dévoilent;
Ster en même temps qu 1ls cach~nt les v1sé~s de nos pulsions, ils décou-
elle vrent le procès de la co~sc1ence de so1 : déguiser, dévoiler; cacher,
eté. • montrer; ces deux fo.nct10ns ne sont plus du tout extérieures l'une
à l'aut~e; ell~ expnment les d~ux faces d'une unique fonction
symbohque. C est le symbole qu1, par sa surdétermination réalise
l'identité concrète entre la progression des figures de l'e~prit et
1~ régression vers les sig~ifiants:clés de l'inconscient. La promo-
tton de sens ne se poursu1t pas ailleurs que dans le milieu des pro-
jections du désir, des rejetons de l'inconscient, des résurgences
lyse de l'archaïsme. C'est avec des désirs empêchés, déviés, convertis
une que nous nourrissons nos symboles les moins charnels. C'est ave~
• des images issues du désir émondé que nous figurons nos idéaux.
131S
Jité Ainsi le symbole représente dans une unité concrète ce que la
•
SSl- réflexion à son stade antithétique est condamnée à dissocier dans
et • des interprétations opposées; les herméneutiques adverses dis-
joignent et décomposent ce que la réflexion concrète recompose
nee par retour à la simple parole entendue et écoutée. Si mon analyse
:tité est exacte, la fameuse fonction de sublimation n'est pas un procédé
•
tees supplémentaire, dont une économique du désir pourrait rendre
·ec- compte. Ce n'est pas un mécanisme qu'on puisse mettre sur le
che même plan que les autres « destins » de pulsion, à côté du « ren-
; et versement », du << retournement contre soi-même » et du « refoule-
•
lors ment ». La sublimation, pourrait-on dire, c'est la fonction symbo-
)té, •
lique elle-même, en tant que coïncident en elle le dévoilement
et le déguisement. Cette fonction, la réflexion ne peut .d'abord
10n
que la briser. Une économique en isole le côté de dégmsem,e~t,
>tre dans la mesure où le rêve dissimule les visées secrètes de nos desU"S •
en· 1
de dé-couverte, de dé-voilement, qui subhme l'orunsme humam.
, et 1•
.llé, 1
•
j Jusqu'à quel point cette conception de la structure dialectique
1on du symbole garde-t-elle encore une attache dans la stricte do~tnne
.rne 1' freudienne? Je ne conteste pas que Freud récuserait notre IDter-
our 1
1
•
•
479
!
,,'
l
'
DIALECTIQUE
décryptage. J. a
•l
Le chapitre x de l'Introduction à la Psychanalyse confirme ce J s
premier aspect du problème : les « comparaisons qui sont à la
base du symbole du rêve sont faites une fois pour toutes et toujours
.!, !
s
prêtes 8 ». Plus de quinze ans après l'Interprétation des Rêves, la (
1•
1
1
•
•
1
r
l HERMÉNEUTIQUE : L&<J APPROCHES DU SYMBOLE
•ole
na-
ités
l 1
tent dans les rêves' ». Et Freud déclare expressément : « Nous
donnons à ce rapport fixe entre l'élément d'un rêve et sa traduc-
j tion le nom. de S)'"!bolique, !~élément lui-même étant un symbok
me de la pensée mco~sctente du reve 5• ~ ~e.rapport symbolique devient
1.
alors un « quatneme » rapport qUt s aJoute à la condensation au
:er-
du
·éo- •
l déJ?lacement et à la représentation .figurée s. A ce titre l'interpré-
tatiOn des symboles par « traductiOn fixe » apparaît comme un
complément à l'interprétation basée sur l'association. Comme dans
:!nt, l'lnterpr~tatwn des R_êves, Freud ren~ hommage à Scherner qui,
n'y ..' le prem1er, a compns que le symbohsme est pour l'essentiel un
: de fantastique ~u. corl?s. Ce qui est représenté symboliquement, c'est
ela !1 •
le corps. L ét10log1e sexuelle des névroses a seulement permis à ·
vue Freud de centrer sur la sexualité cette symbolique et de rattacher
que
.çon
1 •
1
cette imagination corporelle à la finalité générale du rêve, c'est-à-
dire à sa fonction de satisfaction substitutive.
•
::rm-
:::1 1 Le lecteur qui ne prendrait en considération que la thématique
•
tlon de ce symbolisme conclurait trop vite qu'il n'y a rien d'intéressant
: de J dans ce chapitre. Du point de vue de la thématique, en effet, il n'y
J
.. . a rien à dire, sinon ceci : d'une part les cc contenus » découverts
! ce l sont monotones- il s'agit toujours de la même chose, des organes
à la 1 ••
)
génitaux, des actes et relations sexuels - d'autre part les « repré-
sentations ,, qui les figurent sont innombrables; on aurait envie de
)Urs
r, la ·j dire : n'importe quoi, à la limite, peut représenter toujours la
c de 1 m ême chose. C'est cette polysémie du symbole qui doit nous
tra- alerter. C'est elle en effet qui pose la question du << facteur commun ,,
i des
11 du tertium comparationis de la comparaison présumée 1• C'est
1 précisément la disproportion 8 entre l'abondance des représenta-
sen-
.J tions et la monotonie des contenus, surtout lorsque << le facteur
' commun reste incompris 9 », qui pose directement le pr?blèm~
,•
• ' de la constitution du lien symbolique. Or ce n'est pa~ le reve qu!
ralltm .• institue ce lien; le rêve le trouve tout fait et s'en s.ert: c est po~rq~oz
248.
nythe •
l'élaboration du rêve ne met en jeu aucun tr~vazl de symbo~tsat10n
.285)•
•
comparable à ce qu'on a pu appe~er le travad de condensation, de
s que 1 déplacement et de figurataon. Mats alors << com~ent pouvons:n~us
171, l
1
connaître la signification des symbol.es des reves ? » Et ~o1c1 la
..'I9S8,
Ra- -{
1
,
réponse : u Cette connaissance nous vtent de sources très diverses,
,'
i '
fr. de î .... Ibid., G. w. Xl, p. 151•2; s.E. xv, p. ISO; tr. fr., p. 166. J
• •
ong1· '1
1
s. Ibid.
, XIX,
' 1
!
6. lbid. fr
7· G. w. XI, p. 153•4; s.E. xv, p. IS2; tr. ., p. J •
69
1
rntro- 11 8. Ibid. fr 17"'~
r à la 9· G. W. Xl, p. 159; S.E. XV, P· 157; tr. ., P• .,..
.'1
1 481
l• '
•<•
'•
..,,(
_,., ..
..! \
.
• •
•
•
•
ri
1
DIALECTIQUE
ne rêves sur le mythe; si le mythe fournit les parallèles les plus amples
~
tre du symbolisme sexuel, l'exclusivism~ ~~ symbo~sme ~exuel, d~s
ne le rêve est justifié par ce « langage prurutif » dont 11 seratt le temom
:nt ~ ' privilégié. . .
•
ue Mais cette hypothèse, à suppos.er qu'elle ait le momdre m~érêt
art • linguistique, nous rejette en pleme n:ter : toute la sy~bo~tque
de onirique se trouve suspendue à un travatl de ,Ianga_ge, d?nt 1~m~e
~
•
1 est seulement masquée par la supposition d une 1dent1té prtmtttve
iUS •
des mots désignant le sexuel et le non-sexuel. L'hypothèse de ces .••.
Il
du
·1 racines o~iginairement ambiguës n'est qu'un expédient par lequel
lre ) on projette le problème résolu dans une « langue fondamentale •
», où le semblable serait déjà l'identique 11•
•
Jle • • o . S. E. xv, p. 167; tr. fr., p. t84·S· Ce texte est~ rnppro-
les 14. G. W. ~1, p. t69 7 , .t .J-ns les mots primitifs que noua avons discut6
cher de l'cssa1 sur Les sens opposd uu
se plus haut, Dialectique, chnp. 1, p. 386, n. 68.
.à 15. Ibid. ~
•1
lo· 16. Ibid.
1 yrnbolisme _ Th4 Thtory of symboli'sm 1
•
.J J.7, L'essni de E. Jones aur. c : éd 'rion) Londres 1948. chap. Ill, p. 87• •
'..1 (1916) in Papers on Psychoana_lym Cs c~ar ~able: de l'~cole freudienne sur la •
l4S - est s~s doute 1~ trnvllll 1~ plus r Ps ,'J.a,alyse. Son int~rêt est grand au
.1 base du chapitre x de 1 lt~lroductton ~ la Y . · _ Au point de vue des·
~1 . d · ï ~n~uquc ct cnuquc.
trtple point de vue escnpu • !J
criptif, l'auteur entreprend de ••tuer 1e 1
ymbolc
'
au acn1
.
psychanalyttquo, pamu
·
..
1
•
'l ..{
•·~•
l
•
•
,
••
••
1
•
J
1
•
DIALECTIQUE
•
••
A mon avis, ces spéculations ferment plus de voies qu'elles n'en
du
ouvrent. En se donnant tout au départ, elles condamnent à ne Fre
plus jamais rencontrer que des survivances. En exposant la théorie • •
s1gr
•
les représentations ind irectes, appelées communément symboles, et définie&
, ves1
par le rôle du double sens, par t•analogie entre sens primaire et sens s~cond, par • nan
le caractère concret, primitif, caché ou secret, enfin par la spontanétté de son
évocation. Pour caractériser le c vrai symbol isme •, E. Jones commente les critères
nes
proposés par Rank et Sachs dans Di~ Bcdeutung der Psychoanalysif Jür dit t• ad re
Gcistcswisscnschaften (1913) : 1. les vra1s symboles représentent tOUJours des • co ne
thèmes inconscients refoulés; z. ils ont une signification fixe et jouent sur une '
par
étroite marge de variation; J. ils ne dépendent pas de facteurs individuels; non freu•
point qu'on doive les tenir pour des archétypes au sens jungien : ce sont plutôt le sy
des stéréotypes qui trahissent le caractère limité et unifonne des intérets pri-
mordiaux de 1'humanité; 4· ils sont archaïques; s. ils ont des connexions linguis- i fiée·
Je re
tiques que l'étymologie révèle de façon saisissante; 6. des p arallèles dans les 1
des
~
domaines du mythe, du folklore, de la poésie. Ainsi le domaine symbolique se pale:
trouve franchement limité aux figures substitutives issues d•un comprom is entre dut
l'inconscient et la censure, et tourne inéluctablement autour des thèmes de la tatto•
parenté de sang, de la naissance, de l'amour et de la mort. Il en est ainsi parce qu'ils l' int·
correspondent à la fonction la plus anciennement refoulée et que cette fonction sens
était tenue en plus grande estime dans les civilisations primitivea. - Reste à sexu
expliquer, d'une part, pourquoi la sexualité, thème monotone du symbolisme, • sym
a investi des régions aussi variées du langage et pourquoi, d'autre part, l'associa- • •
de r1
tion se fait du sexuel au non sexuel et jamais en sens inverse; c'est ici que l'expli- par ·
cation génétique doit relayer la description pro prement dite. En ce qui concerne serp
•
l'origine du lien as.Rociatif qui fonde le symbolisme, on ne peut se contenter de l'
d'invoquer une cause aussi négative que l'incapacité à distinguer (l' c insuffisance liam
&perceptive •) chez des peuples par ailleurs si doués pour les distinctions et les tt•on
classifications; Jones adopte, après Freud, la théorie du philologue suédois l'int:
Sperber d'une identité primitive entre le langage sexuel et Je langage du travail, le m.
les mêmes mots ayant servi à l'origine à appeler le partenaire sexuel et à rythmer rcjo1.
le travail; depuis lors, armes et instruments, semence et terre labourée, disent • à 801
symboliquement les choses sexuelles. A mon sens, l'article de E . Jones souligne paye
1~ caractère d'expédient de cette explication, qui se donne tout, en plaçant l'iden· sur 1
tlque avant le semblable; plus gravement encore, elle masque la diffictllté préalable bole
que constitue l'llévation de la pulsiotl érotiqut au langage et son caractère indéfi· (Adl
niment symbolisable. On ne peut invoquer c l'appel du partenaire •, sans réfléchir ' ahan
plus avant sur ce qui fait parler le désir, à savoir l'absence au cœur de la pulsion
et la ~iaiso? ~n!re les obj~ts perdus e.t la symbolisation. Répondant à la seconde
i tt•on~
paye
••
question d oragane, à savotr pourquot le symbolisme fonctionne dans un sens et unilt
non dan.s l'autre, E . Joncs pose que le symbolisme a une fonction unique, celle corn
•
de .dégu1ser les thèmc:s interdits : • Seul ce qui est refoulé est symbolisé, seul ce mws
qu1 est ref~ulé a beso1n ~'être S)"mbolisé. Cette conclusion est la pierre de touche syml
d~ la théo~1e pr.ychanalyuque • (p. 1 t6).- Cette réponse, qui exclut tout compro· mo ti
mts d'?ctrmal, ann?nce la partie proprement critique de l'essai de E. J~nes : nes
celle-ct .concerne ~trectem~nt ma propre entreprise i la critique vise princlp~e cette
n:ent ~tlberer qu1.' à parttr de 1909, avait développé dans une demi-douzalll.e •
D'ai
d casws une théone très nuanœe de la formation dca symboles : Silberer Y fait l'
lorsc
plus·
place à d'autres procédés que le déguisement des thèmes sexuels refoulés par la
que
censure; ainsi peuvent être symbolisées les modalités du travail de la pensée, '' us ag
aa rapidité, eon poids, son alléareaao, eon aisance, son auccà, etc. Le refoulement
•
--
•
•
•
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE .. •...,,_
••
~·• •
••
du sym~ole . dans l'lnterprétati~ des R&es, nous demandions ai
[\
("
e ...•
• :t:reud n ava1t pas. eu tort de hmiter la notion de symbole à ces
e stgn~s st~nog~aphtques .usuels; le symbole est-il seulement un .'•
vesttge, n est-il pas au~s1 aurore d~, sens? Nous pouvons mainte-
•
•
1
• nant reprendre la quest10n à la lumtere de notre conception dialec-
ne aerait lui-même qu'une de .ces modalités. Le reproche majeur que E. Jones
•
~ adress~ à ce • sxmbohs!lle fonctlonn~l • est • de rejeter la connaissance si durement
conqutse de 1 mcon~cu:nt e~ de rémterpréter les découvertes psychanalytiques
par un retour aux S1gn1ficat1ons de surface, caractéristiques de l'expérience pré-
freudienne • (p. 117): toute tentative pour faire du symbole sexuel lui-même
.1-
• le symbole d'ar1tre chose est ainsi récusé; le sexuel, dirons-nous, est toujours signi-
• fié et jamais signifiant. Pourquoi cette intransigeance? Parce que, déclare E. Jones,
1l
s- le refoulement est la seule cause de la distorsion qui entre en jeu dans la formation
1
l des vrais. symboles i l'édulcoration du symbolisme matériel (désignant princi-
;e palement les choses sexuelles) en symbolisme fonctionnel (désignant les modalités
re J...
J du travail de pensée) est elle-même une ruse de l'inconscient et une manifes-
la • tation de notre résistance à la seule interprétation véritable du symbolisme;
ls ~
Pinterprétation de Silberer n'est donc qu'une interprétation défensive et, au 1
m • sens propre, réactionnaire. Certes, accorde E. Jones, n'importe quelle idée non
à 1
sexuelle peut être symbolisée, mais à condition que celle-ci ait d'abord eu un lien
e, 1
symbolique avec un thème aexucl; c'est précisément la fonction de la mitap!Jore
a- •• de remplacer le symbolirme, qui a toujours des racines dans les puls!ons inte~di~cs,
li- •• par une présentation inoffensive de l'abstrait dans un revêtement rmagé; runs1 le
1C serpent, symbole sexuel, deviendra la métaphore de la sagesse, l'anneau, symbole
er de l'organe féminin, l'emblème de la fidélité, etc. Tout remplacement ~u symbo·
lisme matériel par un symbolisme fonctionnel procède d'une telle rémterpr~ta
•J
ce 1
es tion en termes inoffensifs. - Quelle que soit la force de cette argumentation,
• l'intransigeance de E. Jones ne me paraît pas justifiée; la ~sydwnalyse n'a pas
liS •••• Je moyen de prouver qu'il n'y a pas d'autres sources du symboluable que lts puls!ons
il,
er refoulées. Ainsi l'idée selon laquelle, dans les religions orientales, le phallus dc~·lent
nt • à son tour symbole d ' une puissance créatrice ne peut être é~rt~c pour des. raisons
·
psychanalytiques · pour d es r~usons
ma1s · Ph'l
1 osop hiques qur do1vent
l''dé être dtscutées
ne
sur un autre terr~in Le refus dédaigneux que Jones oppose è 1 e que 1~ llym•
• exercer 'une fonction
bole pu1sse • • ana1ogtqu<:
• ' . (Silbcrer)• • progrnmmauqucurs•
•
1
(Adler), • prospective • (Jung) est très ca~ac téns.uque : :~~;u~~!e::~ ~~~cp·
1
abandonnent ales méthodes et les c~~ms e 11 sctcncc, P
f:
L 'argument n'est pas
ur J
ti ons de la causalité et du détef!mmsM ~ ~~· c., ~·· ~ 3n);st pas Jà • toute théorie
6
Jn
:le psychanalytique, mais philosoph!qu\ rus ess: ~oint précis : ~Ile rend bien
unilatérale du symbole me pa~att .éc o~er aural r de compromis du s)·mbole,
1
.•
et
Ile J compte du caractère de aubsutuuon, e ad v c':montcr sa propre origine. Le
ce mais n~n de son. pouvoir de désa~ouer, et e d~ la sublimation ct non sa ~ro
ho aymbohsme décrtt par Freud exp~lme 1 éc~~ect qui investit l'idée symboh.séo
'()• motion; E. Jones l'accorde volonucrs : • le symbolisme est en cause, de
1 : ne s'est pas révélé capabl~, pou~ autant qj'e terme de sublimation • (p..139).
le- cette modification qualitnuvc déstgn~e par e d pOle de la fonction symbolique,
no ... D'ailleurs E Jones lui-meme introduit un secon du pr1'ncipc de réalité ct non
• · b l' d s les termes ·
1 lorsqu'il considère le srm. 0 tsme l ~r ( 132 et sq.) et souligne très JUStement •
ait
plus simplement du prmc1pc .de P 81s! t'c un
la
!e,
:nt
'
1
· ·
usage de l'ossocultlon ·
prtmor d1'alc entre
de réalité connote non seulement
que • tout progrès dans la vole du prmc P uno perception nouvelle et quelque ,
~
..,.
1 •
'
.,, •..
; .
"1
•
•"
'
• (
•t
•
•
• '1
DIALECTIQUE
. 1' d
trouvons les symboles à fonction usuelle; ce sont les symboles en a
usage, utiles et utilisés, qui ont un passé et un présent et qui, dans .1
v
la synchronie d'une société donnée, servent de gage à l'ensemble n
des pactes sociaux; c'est à ce niveau que travaille l'anthropologie 1 lt
structurale. A un niveau supérieur viennent les symboles pros- .,
J.
d
pectifs; ce sont des créations de sens qui, reprenant les symboles !,t q
traditionnels, avec leur polysémie disponible, véhiculent des SI
significations neuves. Cette création de sens réfléchit le fond J. a·
vivant, non sédimenté et non investi socialement du symbolisme. .j
1«
Nous essaierons de dire, dans la suite de ce chapitre, comment .1 ((
l ••
1
1
l .
j HERMÉNEUTIQUE : LP.S APPROCHES DU SYMBOL! '••
.
•
Jrs ,j 1
)38
le , 1
•
••
.•
ies
, ·1 2. L'ORDRE HIÉRARCHIQUE DU SYMBOLE ,i
.es, •
11
)0- ·J
!
•
lUS J '
1
ble •
•
gte
os-
l~ ne pense pas que nous pmss10ns, apres plus d'un siècle restaurer
la Phénoménologie de l'Esprit telle qu'elle fut écrite. je propose
•
(
.•
.'
de mettre à l'épreuve de la réflexion un principe de hiérarchie
·les i qui m'a déjà servi dans l'Homme Faillible pour articuler le
ies sentiment 18• L'hypothèse de travail est plausible : le sentiment
•nd aussi est « mixte », ce mixte que Platon le premier a exploré dans
•
ne.
.j
•
le Livre IV de la République sous le titre du thumos, c'est-à-dire du .. 1
!!nt « cœur n; le « cœur li, disait Platon, tantôt combat pour la raison, dont j
;. 1
1
•
leS l il est la pointe d'indignation et de courage, tantôt se range du côté ir '1
• 1
ue. •l du désir, dont il est la pointe agressive, l'irritation, la colère. Le '1
~
'
m·, ·] cœur, ajoutais-je, c'est ce cœur inquiet qui ignore l'arrêt du plaisir •
1 1
.els 1• et le repos de la béatitude et je proposais de placer sous le signe de ~ ~
i t
me
lan l ce cœur, ambigu et fragile, toute la région médiane de la vie affec- d.:
:1
tive entre les affections vitales et les affections spirituelles, c'est-à-
:':•
•
me
Jas ..,
.
f a tt . 19
un sot ••• n. à 1 1 ·•
C'est ce problème du mixte que je ve~x reprendre .. a umte~e
~
;.
. ....
'
de ,..,
l' ..
:
•
1t1n
.. 18. L'HomrM fail/ibl6, chap. m.
19. Ibid., p. l:&J •
• ,.'
.' - .
.. ,....
•' r
1
.."• •
.... .
1
•
....,_
. .
DIALECTIQUE
.•• .1
•
' 1
HERM:éNBUTIQUB : LES APPROCHES DU SYMBOLE • 1
1
: 1
tes • i !
res 1 les ~equêt~s proprement humaines de l'avoir, du pouvoir ct du •• 1 '
. la valmr mstttuent. de nouveaux rapports à autrui, à travers tesquel .
o!'l peut poursmvre .le procès hégél.ien du doublement de la cons~
••
•
et c1ence et la promotion de la consctence de soi.
1'
•
en
Rep~enons, de ce double point de vue, la constitution successive
.' i.
1
>ns 1
•
Ainsi l'homme devient adulte et, dans le même mouvement, 1.
•
ra1t } : ~
. ~
'en i dirons alors que l'homme ·dev1ent consctence de s~1 en tant qu d : ~
t .·
1
vit cette objectivité économique comme u~e modalité ~ouvelle de ""
·es-
en-
4
•• sa subjectivité, et accède ainsi à des « sentiments » spécifiquement .... .....
: ~~
• . f'tt,
1 ~
"'·
humains relatifs à la disponibilité des choses co~me . ch~ses
1
• •
~-
'011' j• travaillé~s ouvrées appropriées, tandis qu'il se fa1t . lut-mcdme · .~
1 '
dre "ft""'
on, 1 '
appropriantMexproprié; · · é nouv~Ile qut engen
' c'est cette o b'~ecttvlt , re ~ '.
· ...
~
1ite
•
•gte
'l un groupe spécifique de pulsions, de rel?résentat10n.s et d affec~.
Il faudrait examiner de la même mamère, du pomt de vue e .• ~-'•'. •
ec- .t
l
sphère du pouvoir. C'est encore da.ns une struc~uredo ~~:~ptlrl~
. · · H gel parlait à cette occasion e
ent
;es,
~
1
1
••
••
t
qu'e le se constitue; ams1 e
objectif, pour dire les structuresdet 1 r mr
. t't tions dans lesquelles
:i~n commander·obéir,
s'inscrit ct propre~ent s:~nge~ r,e a r~: la mesure où l'homme
d
essentielle au pouv01r pohtJque, est t~- qu'il s'engendre lui-
entre dans la relati?n comman er-o. ~~~el comme on voit au
). r.
aelle même comme voulOlr proJ?reme~t sptrroit 'Ici aussi la promotion •
aou·
•
roat,
début des Pn"ncipes de ~a Plzzl~s~pllle du ~'un~ promotion u d'objec-
de la conscience de so1 est rectproque t'
.. 489
L
.~ ·•~
j
.• ''
•• .
•
..
1
j
•
•
:. !
j
•
,
DIALECTIQUE !
J
r
tivité ». Ce sont des « sentiments » proprem~nt humai!l~ qui s'orga- •
l• •
description a été commencee deJà par les Anctens sous la figure •
••
•'
•
du « tyran ». Platon montre parfaitement comment les maladies de •t
l'âme, que la figure du « tyran.» exhibe! prolifèren~ à p~rti~ d'un i
Ct
il dépeint l:homme; il projette une figure de l'homme, à savoir cet l
-1
homme q~1 ~ a » ce .monde représenté; les témoignages culturels ;
•
do.nnent amst la denstté de la u chose » à ces « images »; ils les font ! p.
eXlSter entre les hommes et parmi les hommes, en les incarnant '1'
11
•
•
490 1J
1
'
J 1
--
..
•
·' ..•
J
• de •
Telle. est, me semble-t-il, l'exégèse qu'on peut donner de la
.'un 1'
« consc1enc~ )), selon _une mét~ode qui n'e~t plus .une psychologie .'.
:tue
• •
"'•J de la consc1ence, mats une methode réflexive qut a son point de
••
lnSl i départ dans le m~>Uv.ement objectif des figures de l'homme; c'est .-'
1
que .1 ce mouvement ObJeCtif que Hegel appelle l'esprit; c'est par réflexion •
•
1
.ans • que peut en être dérivée la subjectivité qui se constitue elle-même 1
•
:nts 1 en même temps que cette objectivité s'engendre•
s'y Comme on voit, cette approche indirecte, médiate, de la cons- :1
naît J ••i
1
1 cience, n'a rien à voir avec une présence immédiate à soi de la cons-
sur l
• cience, avec une certitude immédiate de soi à soi-même.
nee 4
'
1
Mais, à peine avons-nous attesté la spécificité de l'objectivité
.~
lme ~
• économique, politique, culturelle et celle des sentiments humains
vité •
l
1
qui s'y rapportent, que nous avons à refaire le trajet inverse et à
)
montrer l'investissement progressif de ces régions de sens par ce i' 1 1
•
1 •! 1
que Freud appelle les« rejetons de l'inconscient»: les trois sphères 1'
~
• :1
1 ce que nous avons parcourues relèvent, comme toute la vie de civilisa- : ;
•
.ans tion, d'une histoire des pulsions; aucune des figures de la phénomé-
• '
•
nologie de l'esprit n'échappe en vérité à l'investissement libidinal
•'lOD
.lité 1 et par conséquent aux possibilités de régression. inhérente à .la
me, situation pulsionnelle. Nous esquisserons très rapJd~mcnt la dza-
nee lectique des deux herméneutiques au niveau de l:avOJr et du pou-
• voir, afin de réserver une analyse plus approfondie au symbohsme
SOl 1
•
de 1
de la sphère proprement culturel!e. . . . , . .
ets, ~1
Freud propose une interprétatJO~ hbtdt~al~ de 1~votr 9u1 est
de parfaitement compatible avec une mterpretatton qUI .resht~~ sa
spécificité à la sphère économique, au sens de r économie polttt.que
Iles
Iles
1 bien entendu. On connaît les tentatives de F~e~~ et des freudiens
pour dériver les relations en apparence non ltbtdmales a~ .~~Jses
pas
: n• r; et aux hommes des stades successifs que par~oalurtF a 1 0
:1 à
1res
l
1•
stade oral stade' anal stade phallique, stade gémt · reu 1?~1e
~
' 23 ~r désigner cette transposttton
ans de cc conversion » vnsetzung. pour · ouènes sur des objets
des émois pulsionnels de ~er:al?es don: ~~nte à Abralzam l'idée
jets
des
1 1 en apparence étrangers. Amst Freu e P « le déplacement de
•
tse,
:.l
• • que .la dépréciation. des excrémdents tf.r~~~:eptibles d'être consi-
cet l cet mtérêt compuls10nnel sur es o ~e •
rels i1
• ro6·7i S. E. XXII, p. Joo-1; tr. fr.,
·ont • :&J. NoutJelles Conflrtncll, G. W. xv, P·
l p. 137·8.
.ant j· ,f:
1
•.•••
'• ..,,•.
1
1 .,
l 1
•
t
....
DIALECTIQUE
•1
25. Husser!, /dies 1, § 8s, 97. Il est à remarquer que chez Husserl les mots 'i
l
~•
!'
1
~~
•
1
1
•
'• 11
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLB
~. 1
1
d'obj~ts spirituels. I~ estifparfai~ement possible de cumuler, sur .' .
; 1
.
ce ~em~ corn!?1exe au~ct '.une mterprétation par les figures de la '
phenomenologte ~e 1espnt et une interprétation du genre de
celle que F re~d elaborait en 1921, dans Psychologie collective et ''
analyse du m?'; la .fameuse <~ suggestion » derrière laquelle s'abritait
la psychologie sociale du debut du siècle est annexée à la libido ·
c'est l'Éros, proclame-t-il << qui fait tenir ensemble tout ce qui
existe dans le monde 26 ». Et d'écrire hardiment un chapitre sur la
structure libidinale de l'armée et de l'église. Que ce genre d'entre-
t.
prise n'atteigne jamais le niveau d'une analyse structurale de la ::
.
communauté ne doit pas nous étonner; c'est le lien concret au chef 1
494
i•
1
•
'1
1
1
1
•
~/
• •
•
•
.1 •
J'il l
•
.• ..
••
'·
1
[Ué •
"1'
1
.J J
•
ve. j Je voudrais m,ontrer maintenant, sur un exemple bien choisi,
1
.
comment une ex~gèse des ..symboles appartenant au troisième c de
.. ~
.te, .l• tl •
~
OU'
m-
1
q •'
1 ;
notre narssance.
J . ""
Cet exemple privilégié, cet exemple exemplaire, sera l'Œdipe-
ité 1'
'1•
1
Roi de Sophocle.
ue La tragédie de Sophocle a ceci de remarquable qu'elle est cons-
1
•
<
1
truite sur un fantasme que l'interprétation des rêves connaît bien,
ile 1 le fantasme dans lequel nous vivons le drame infantile que nous
1
JX appelons précisément œdipien. En ce sens, on peut dire avec
1
lS, Freud qu'il n'y a rien de plus dans l'œuvre d'art créée par Sophocle
n- ! qu'un rêve. C'est pourquoi Freud écarte dès le début l'interpréta-
re .
ce l
l •
tion. classique selon laquelle Œdipe-Roi serait une ~ragédie du
destm, construite sur le contraste entre la toute-pUissance des
1e l dieux et la vanité de l'effort humain brisé par le malheur. Ce type
l
de conflit, pense-t-il, ne touche plus .le spe~tateur J?Oderne, alors
•
a- l'
e- ,, ~
1 que celui-ci est encore ému par Œdrpe-~oz. Ce q~1 nous émeut,
ie l ce n'est pas le conflit du destin et de la liberté, ma1s la natur~ de
.l u ce » destin que nous reconnais~ons sa_!ls le con!laître : «Sa destmée
~ nous émeut, parce qu'elle aurait pu etre la notre, parce que, dès
avant notre naissance, l'oracle a prononcé contre nous cette m~me ••
1
•
1
•• de même nature · qui nous indignent. « Œd'1pe qut· tue son père,
épouse sa mère, ne fait que réaliser un des vœux de notre enfance...
f:l'
•''
'1' G W 1 J' P ..69'
34· Vlnterprltation des !Uues, • . u 1 , • • '
s • E• lV• p. 262; tr. fr,,
6. j
p. 198 (145)·
1
l
•
495
1'
.'
,...••·.~
•1
1
• •
1 .•
1
..
'•
•
'
• 1 •
DIALECTIQUE
••
J
•
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE
~ou hait
Il est donc pos~ible d'ap~li~u.er au drame de Sophocle ce que
.efoule-
. .omme • nous avons appele ~~e anttthettque de la réflexion; on pourrait
illustrer cette opposttlon des deux drames et des deux culpabilités
torreur en disant que le ~rame initial, celui qui est justifiable de la psycha-
le rêve 1
•
nalyse, a pour repondant le sphyn:c, qui représente r énigme de la
:pporte • naissance, source, selon Freud, de toutes les curiosités enfantines
• Ainsi t tandis que le drame de second degré, celui que Freud sembl~
nee de réduire au rôle de l'élaboration secondaire, voire à une méprise
désirs -bien qu'il constitue la tragédie véritable- a pour répondant le
labora- voyant Tirésias. Dans le langage de notre antithétique, le sphynx
.brique représente le côté de l'inconscient, le voyant le côté de l'esprit.
1ant le l Comme dans la dialectique hégélienne, Œdipe n'est pas le centre
1
• d'où la vérité procède; une première maîtrise, qui n'est que pré-
econde • tention et orgueil, doit être brisée; et la figure d'où procède le
, parce vrai, ce n'est pas la sienne, mais celle du voyant, que Sophocle
•
4 • précisément appelle la « force de la vérité 38 ». Et cette figure n'est
mceste plus une figure tragique; elle représente et man~~te, ~a vi~ion. de·
! corn- la totalité; le voyant, parent du fou de la traged1e ehsabcthame,
:ion de serait plutôt la figure de la comédie au sein de la trag~die, figure •
>rit des qu'Œdipe ne rejoindra qu'à travers la s~uffrance. L:e ,hen s?u~er-
•
mceste rain entre la colère d'Œdipe et le pouvotr de la vénte est ams1 le
ede la noyau de la tragédie véritable. On P?urrait dire.que ce noyau n'est
"
meme pas le problème du sexe, mais celut de la l';lm1è~e. Le v?yant est
,abilité aveugle quant aux yeux de la chair, mais tl volt le vrat ~ans la ·'.•
os; en lumière' de l'esprit. C'est pourquoi Œdipe, voyant la lur~uère du
st res- jour, mais aveugle sur lui-même, n'accédera à la co.nsc•ence de
:re lui- soi qu'en devenant lui-même le vo~ant-aveug.le : nUl.t des se?S,
défaite nuit de l'entendement nuit du voul01r : plus nen à v01r, plus nen
~ dans
.
à atmer .
plus nen ' on putsse
dont · · · u Cesse d'être un
prendre JOie.
maître, 'décoche durement Creon, ,
1
;t plus ••
1a mat•tns
· e que tu exerças toute
·agédie ta vie ne t'est plus d'auc!-ln .s7cours; , . ·. mais il faut main-
r cette •
Telle est la lecture anttthet•que d Œd~fe·~~~ 'même du symbole
tenant fondre les deux lect.ures da:s d ~ 01·t Je partirai d'une
•1
1e avec ·1
~ne au
•
•
• et de son pouvoir de dégu1ser et e. ev~• ~~·concerne, non plus
•, mats • remarque de Freud que nous a.vons omised\ 1 ~u'elle est identique à
:omme la cc matière ,, du drame, dont ~1 nou~ estd drame . « La pièce, dit-
celle du rêve 89, mais l' élaborattoÏ ~erne u essive ·et très adroite-
•
par le •
• 1•
iont il '•
· n'est autre chose qu •une reve
tl ' ' atton progr h al du fatt·
J
•
1
'
ment mesurée - comparable à une psyc an yse -
l'• 1
'.
•
' 1
DIAI.BCTIQUB
•
'
qu'Œdipe lui-même, le meutrier de ~aïos, est. aussi le fils de la
victime et de Jocaste 4o. » Or, nous 1avons dtt, la psychanalyse
1
comme action thérapeutique, comme procès de la conscience
• doublée fait revivre toute l'histoire du Maître et de l'Esclave. Dès
lors l'in~erprétation analytique, en tant qu'elle est .elle-même lutte
•
1
pour la rec~nnaissanc~, et don~ lutte pour la vér_Jté, mouvement
de la consc1ence de sot, figure 1 autre drame, celut de la colère et •
• de la non-vérité. C'est pourquoi Freud lui-même ne se contente
'
pas de dire qu'Œdipe « r.é~lise un des vœux d~ notre enfance •;
cela c'est la fonction « omnque du drame ». Il aJOUte : << Le poète
.: en dévoilant la faute d'Œdipe, nous oblige à regarder en nous~
• •
même et à y reconnaître ces impulsions qui, bien que refoulées ' •
l
~
·- ···--.. --...a.. . V-~
•
•
'
..
·ement sens inverse que la tragédie de la vérité de Sophocle n'est pas super- •
. •
Ière et posée au drame de l'origine; elle n'a pas, pour parler comme Freud 1
ntente une autre « m~ti~re ». qu~ le rêve. La ~ragédie de ~econd rang appar~
nee»; tient à la tragedte pnmatre, comme 1atteste le denouement ambigu
poète, •
et lui-même surdéterminé. C'est le crime œdipien qui culmine •'
1
nous- dans le châtiment, et c'est la colère de la non-vérité qui accomplit •
•
• ce châtiment en forme de mutilation. Ce qui est punition dans la •
'oulées •
•
'
chœur tragédie du sexe est le chemin de la nuit des sens qui termine la
ne très tragédie de la vérité. Et si l'on remonte de la fin vers le commen- 1
déve- !
Il devient alors possible de situer ~om~qud: rêv! et ~éation >:
:cesse, '
•
une même échelle symbolique : pr~ ~~~ 10 de cette échelle, selon . '
~~
~. une
d'œuvre d'art figurent les deux extrerll! es ent ou le dévoilement,
:>n du 1
que prédomine dans le sy~bole le dégu}sem ule ·e tente de rendre •
••
ques· . ••
la distorsion ou la révélation. ~ar cef:e 0 ~~xist~ entre le rêve et la 1
1
père; .•1
. compte à la fois de l'unité fonctt~ne e qutépare un simple produit .1
•
seule· ' création et de la différence de v eur qut 5 fbles de s'inscrire dans
l
:loppé • de nos songes des œuvres durabl~, ésu~~pr~ve à la création il '! a
11 le patrimoine culturel de l'humamt · déguisement et dévoile- .
•
•
Stem,
•1 continuité fonctionf!e~le, en ce se~s d~~s une proportion inverse. •
à rabattre sur une << hédonique )) toute l'analyse que Kant avait •
(
•
élaborée sous le titre du Jugement de Goût. Freud rend bien compte 1
I
de l'unité fonctionnelle du rêve et de la création, mais la différence {
.
qualitative, la différence de << but » qui dialectise la pulsion, lui : c
échappent; c'est pourquoi la question de la sublimation reste
non-résolue. a
Nous comprenons ainsi en quel sens il est vrai, et en quel sens g
il n'est pas vrai, que l'œuvre d'art, création durable et mémorable d
de nos jours, et le rêve, produit fugitif et stérile de nos nuits, sont .11' s
des expressions psychiques de même nature. C'est une même
\
i
d
• v
hylétique, une même matière du désir, qui en assure l'unité; '
mais c'es~ la promotion des figurt!s de l'esprit qui entraîne ce que 1 l'
Freud lm-mê~e appelle « conversion de but », << déplacement n
•
• Sl
de but», « subhmat10n ». Nous rapprochons ainsi Freud de Platon, 1 le;
du ~laton de /~ et. du Banquet, posant l'unité foncière de. la 1
d
J.
poéttque et de 1érot1que, et replaçant la mania, le délire philo- •
n
1 IT
ne
42· <;:!. _ci.-deasus Analytique, partie, chap. 1, p. 166-168. Sur les rapporU 1
fi·•
entre 1 onmque et le poétique, cf. P. Luquet , Ouvertures sur l'artiste et la l
j
psychanalyse; la fonction esthétique du Moi , , Rev. fr. de Psa., xxvn, 6, 1963, j d·
P· 5~5-618 i 1~ travaux de la Décade de Cerisy, aur Art et Psyclumalyse, l 1 pt
parnatre prochamcment. 1
( 8)
43· G. W. vu, p. UJ, S. E. IX, p. 153; tr. fr.• p. 81.
l1
soo ••
·11'
•
•
...-_.
......_... ..,.....
_,.~ _ V.-~
•
1
•
, 1
'•
1 HERMÉNEUTIQUE : L~ APPROCHES DU SYMBOLB
elle-ci •.
sophique, dans l'unité multiple de tous les délires et de t 1
r
0
n aux •
transports. C'est dans sa structure intentionnelle que le ;~
he en
•
5
enveloppe à la fois l'unité d'une hylétique et la diversite' quali!llt t? e .•
11que,
ns de .
· • et d es mtent10ns,
des v1sees · · se1on que prédomine en lui le déa tve ·-
•
osee:
1 sement de sa hylé ou le dévoilement d'un autre sens spiri:;
)gres-
•
Si le rêve reste une expression privée, perdue dans la solitude d~ •
neme
\
et la
1963,
1
1
1
i
!
figures archaïques; mats en mo~thsa~t ces 1 cré~teur révèle les
des symptômes oniriques ou n vrot!quesd enus et les érige en
:
1
:
•
.11 ...• .~
• 1
•f
#
1
1
1
yse, l 1 possibles les moins révolus, les moms. a v de ~i. i1
1 symboles neufs de la douleur de la conscJence
1
l
1 f:
', .
1• SOl ••
...
. ~·
•
Il'
1
•
•
••
•
•
•
• •
DIALECTIQUE
objets qui ne sont plus des choses, comme le sont encore les biens, ••• 1
•
les marchandises, les services dans la sphère de l'avoir; il n'y •1 1
.1
l
- ..... . .... . .r..l-:r ''14.b' ~ ~.~.,
•
• •
1
•
•
J
1
\
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE
..etre v '
f
• • de l'homme »; elles les font exister entre les hommes et ·1 •
aontre
•
1 · d 1 .
hommes,d e~ es l!l~arnant. ans e maténau de la pierre, de la
panm es •
nque,
!Sthé.. couleur, e a PfltiO!d~~tcade, 1 de la parole écrite. C'est à travers l
1
• ces œu~re~, par a ~e 1at1on ~ ces monuments, que se constitue •
1
~aniSe
u~e '' d1gmté » de 1 h~mme, qut est encore l'instrument et Ja trace 1
auto.. d un procè~ de consctence doublée, de reconnaissance du soi dans l
• '
rruent • un autre sm• 1
•
ma1s Or, ces objets culturels, ces œuvres, résistent à une simple
•
1
•
•
1
•
nos enfances, tous nos archatsmes, en 5 m~arnan d n'être qu'un
le poétique garde l'existence culturelle de 1hUom~:h~ sans nature '
'1
!
1 n'y immense artifice, un futile u artefact », un Vl3 1
1
Jhère 1 et contre nature. ••
•
:lroit, 1 1
•
1 1
bjec- 1
Jpre·
1des J. . • lA Natur~ Humot'ne, let cttudes pbilo--
;rites 44· Pau) Ricœur, c Nature et tibert6•, 1D
1ages
j aophiquea •, 196:1.
j 503 ,.
d
'
.
••••
1
••
•
'"
h
V,
•
---;;;;;;=;; \
••
•
1
1
f· FOI ET RELIGION :
L AMBIGUITÉ DU SACRÉ
1
l
Nous voici donc au seuil de ce qui fut pourtant notre point de (.
départ : l'interprétation du symbolisme religieux. QrLil faut. e~ 1
faire l'aveu, notre méthode de ensée ne n~~!_E~_r~~~~-. P..~~ de t
l
.r sou re . ans e. o~ ~~ ~9.ll_C.~t-~n ~~ ~j~~oJl~~e..~~~l!g!_~i ..ëlfe t
noùs permet seuTemenfQ'ëiii renêlre une vue frol}!~~-~~ •
1
e ne vou rats pas a1sser crmre qu on peut reJomdre par un !
l
élargissement progressif de la pensée réflexive l'origine radicale •..
1
de ce symbolisme. Je ne pratiquerai pas cette méthode rusée
1.•
d'extrapolation. Je déclare tout net que je n'ai aucun moyen de
••
prouver l'existence d'une problématique authentique de la foi à
,_, partir d'une phénoménologie de l'esprit, plus ou moins empruntée 1
•• •
• à la phénoménologie hégélienne; j'accorde même bien volontiers 1
1
j
qu'elle excède sans doute les ressources d'une philosophie de la )
réflexion, que la dialectique antérieure a immensément agrandie,
1
sans toutefois la faire éclater, pour autant qu'elle demeure de bout .
en bout une méthode d'immanence. S'il y a une problématique 1
.. 1
1
authentique de la foi, elle relève d'une dimension nouvelle que j'ai
...
appelée autrefois, dans un contexte philosophique différent, une •
• Poéti ue de la Volonté, parce qu'elle concerne l'origine radicale •
au e veux a aon'âiion de puissance à la source de son efficace; 1
•
'
1
cette mension nouvelle, je l'appelle dans le contexte particulier
'
, de cet ouvrage l'interpellation, le ~é!)'_[l!l~ la parole qui m'est 1
•
• adressée. En ce sens je reste fidèle à la positiOn du problème théolo-
•
• gique par Karl Barth. L'origine de la foi est dans la sollicitation
de l'homme par l'objet de la foi. Je ne tenterai donc pas la manœuvre
habile qui consisterait à extrapoler la question de l'origine radi-
•
cale à partir d'une archéologie du C~git~ ou la question de la fin
dernière à partir d'une téléologie. L arc éologie pointe seulement
vers le déjà là, vers le déjà posé du"' Cogito qui se pose; la téléologie
pointe seulement vers un sens ultérieur qui tient en suspens le sens
antérieur des figures de l'esprit; mais ce sens ultérieur peut tou-
jours être entendu comme l'avance que l'esprit prend sur lui-même, •
co~ me la p~oje~tion de soi dans un tél os. Par rappQ!:! à c~.J.e_. arç~éo
log•e de mo1-meme et à cette téléologie de moi-même, la genèse çt
J~~~~~§I~g~y;~~~- '.l'~~~~~~tre. Certes·, ]e--rie ï>arle du Tout.:Autre
qu autant qu tl s aàresse à mo1; et le kérygme, la bonne nouvelle,
c'est précisément qu'il s'adresse à moi et cesse d'être le Tout-Autre.
••
•
•
0
;
1 •
:c
l 1
1
•
1
'•
f HERMÉNEUTIQUE : LES APPROC~ DU SYMBoLE 1'
.)
!
l1 Mars, Sl une pr~blém~ttque de la. f01 a une origine autre, le
:nt de 1
ntrers !
1 ~one cro~~ QQ!!.L comprenare et compren re pour ~r01re . 1
l
1
de la En se rendant ainsi « immanent » à la parole humame, le Tout- 1
1
1
tndie, Autre se donne à discerner dans et par la dialectique .de la téléolo~ie
1
•
t 1
bout . et de l'archéologie. L'origine radicale, se d~nne. mamtenant à dis- • • 0
•
tique 1 cerner dans la question de mon archeologre, bren que tou~ autre
•
'•
te j'ai ' qu'aucune origine assignable par réflexion; la fin ~ern!ère se 1
.•'
1 une ••
• donne aussi à reconnaître par la question de ma téléologre, .bren 9ue 1
éolo-
atwn• possédé. L'alpha et l'oméga s'approch.ent '!fla refle·~é:: c'est le
horizon de mes racines et comme honzon ~ rn~. v~'un~ phéno-
!Uvre radical du radical, le suprême du suprêmL C est r~J ~Éliade jointe
radi- ménologie du sacré, au sens de van der eu~wrth et de Buitmann
la fin à une exégèse kérygmatique, au sens de Karl al réflexion et offrir
ment (que je ne songe pas ici à opposer) peft relayerssions symboliques,
logie à une pensée méditante de nouvel es expr: le Tout-Autre et
sens •• situées au point de rupture et de suture en re or
tou- 1 ! 1
notre discours. 1 réflexion comme une l 1
ême, Cette articulation se présente, pour 3
· du 'sacré ne pro- 1 1
1
rupture : il est bien vrai que ~a phé ~omé.~~ ~~~ téléologie, me~ée
:héo-
..
se et •• • 1
longe pas une phénoménologte de esp~a ' pour terme dcrmer, i j
i t.
Lutre dans un style hégélien, n'a pas pour esc aton,
relie, 1 j
utre. •
45· Poul Ricœur, lA Symboltque uu
J Mal• Conclusion.
:r
• >
sos 1
.
0
••
-
..
•
•
•
•
.'
'
• .1 ,,
. '' 1
•
1
'
DIALECTIQUE .••
''
le sacré porté par le mythe, le rite et la. croyance• .f~ . ue de soi- ''
1
même cette téléolo ie vise, c'est le savOir absolu, non a 01; et e
' 1. savo1r a sou ne ro ose aucune transcen ance mats a resor tton t
'
e toute transcen ance ans un sav01r e soi entièrement média-
•. •
•. tiSé. C'est pourquoi on ne saurait insérer cette phénoménologiè 1
•
.••. •
du sacré à la place de l'eschaton et dans la structure de l'horizon, \
•.
• sans codtester la prétention du savoir absolu. Mais si la réflexion •
• •
en fait, résistent à toute réduction à une connaissance rationnelle;
l'échec de toutes les théodicées, de tous les systèmes concernant le •
mal, témoigne de l'échec du savoir absolu au sens hégélien. Tous
les symboles donnent à penser, mais les symboles du mal montrent
1
.
d'une façon exemplaire qu'il y a toujours plus dans les mythes et
?ans les symbole~ que ?ans toute notre philosophie; et qu'u~e
mterprétat10n phtlosophtque des symboles ne deviendra Jamats 1
••
connaissance absolue. En bref, le problème du mal nous force
.1•
so6 •
i
J
J
•
l
'• '
t
• a
•
1
• HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOL!
•
!
•
e SOl• à revenir de Hegel à K~nt, j~ veux dire d'une dissolution du pro-
; et lë 1
blème du mal dans la dtalecttque à la reconnaissance de la pos't'
~Qtton-
t . hl . , , t ton
1 du mal. com~e un mscruta ~' Irrecuperable par conséquent dans
1édia-- 1 une speculation, dans un savOir total et absolu. Ainsi les symboles
ologiê •
du m~l attestent-ils 1~ caractère indépassab,l~ de toute la symbolique;
• 1
nzon, 1 en meme temps qu ds nous parlent de 1echec de notre existence
lexion •
et de notre p~issance ~'exister, ils. déclarent l'échec des systèmes
cette de pensée qut voudra1ent englouttr les symboles dans un savoir
lS- , 1
absolu.
ermer Mais la symbolique du mal est aussi une symbolique de la récon-
urees. \
•• ciliation; certes, cette réconciliation n'est donnée nulle part ailleurs
•
atton, que dans les signes qui la promettent; du moins donne-t-elle
;cours toujours à penser pour cette intelligence de la foi que j'ai appelée
• •
SSlVes plus haut intelligence du seuil; cette intelligence n'annule pas son
• origine symbolique; ce n'est pas une intelligence qui allégorise;
savou c'est une intelligence qui pense selon les symboles. La ~ens~e,
tout, disait Nabert, se tient toujours dans les « approches de la JUstifi-
te fin cation ». Je proposerai trois formul~s qui exp~imen~ .ce~e liaiso.n
·endre du mal comme injustifiable au sacre comme reconcthatt.on. TroiS
-nous formules dans lesquelles je discerne pour ma part les hnéa~;nts
tsons- d'une eschatologie à la fois symbolique et ~sonnable, proph~ttq~e
.utres, et sensée, qu'une philosophie de la. réflexiOn, peut saluer à 1hon-
blème zoo de toute téléologie de la consctence, qu elle peut saluer sans
•
1 nous
pouvoir véritablement l'inclure. d · 't
blème Toute réconciliation dirai-je d'abord, est attendue « en ept
. nous
l'ori-
de.•. », en dépit du mai'. Ce « en dépit de .•. », ce « et pour,tant »,
« malgré tout » constituent la première catégorie de 1esperance, .
1:
.utres, catégorie du démenti. Mais, de cela il n'y. a pas de preu;:: :fes
)rnme seulement des signes; le lieu d•implantatto':l d~ cett~l faJ san~
c'est une histoire, non une logique, et une htstod~e qu bonne nou-
•
ne du
rne la cesse déchiffrer sous le signe â'une promesse, une raAce a' D.
.gnent velle, d'un kérygme. Ensuite, ce« en deptt, · de b: » estLundémenti
ug ...
final·
1omé- avec le mal, le principe des c~oses fa,tt ?u .sen.pe:Cata, dit saint
bol es, •• est en même temps pédagogte cachee · et~amde Satin « Le pire
.nelle; •
Augustin en exergue, si j'ose dire, du Soulz~ me de Ïitote; et il 1
.ant le n:est pas to~jours sûr», réplique Cl~u.del, ~~ é~~it droit, par lign~ 1
Tous
ntrent
•
a.JOUte, en Citant le proverbe portug.atS b« rld en dépit de ... D, ~
tordues.» Mais il n'y a pas de savotr ail so ud Ï tc troisième catégone
/
1
•
hes et • du << grâce à..• ». Encore moins en est- uné :b~nde, la grâce ~ur~ l
.
.1
u'une de cette histoire sensée : « Là où le P.éch surabondance, e.xpnmee
arnats•
•'
c
bonde », dit saint Paul; cette étrange lo~ d:Mov de l'apôtre, englobe
force •• dans le: « A plus forte raison», le 1tOÀÀCfltJ.OC
1
.
1
'•
507
l
1
l
.' •
1
•
•
DIALECTIQUE !
• •
•
que toute histoire; de cette manière, ils exercent sur toute la suite
•• des figures de la culture une attraction et un appel. C'est en ce ~
.. •
•
sens que j'ai parlé d'une prophétie ou d'une eschatologie. C'est 1'
..'' seulement par son rapport à la téléologie immanente des figures de 1
'..
. la culture, que le sacré concerne cette philosophie; le sacré est son '
.
••
...
eschatologie; il est l'horizon que la réflexion ne comprend pas, l
'' 1
n'englobe pas, mais salue comme ce qui vient à elle sur des pattes l
••
d'oiseaux. Ainsi est dévoilée une autre dépendance du Cogito, 1
du soi, une dépendance qui ne lui est pas d 'abord annoncée par 1
f
le chiffre de sa naissance, mais par le chiffre d'un eschaton, d'un
ultime, vers lequel pointent les figures de l'esprit. Cette dépen-
• •' dance à l'ultime, comme tout à l'heure sa dépendance à sa naissance,
à sa nature, à son désir, ne lui est signifiée que sur un mode symbo-
lique. •
1
1
J
- ·· ·--- ~
léma· pas rester extérieur à la restauration. des sJgnl~ 'zon. Nous ne ' 1
de la dans leur fonction authentique de scntmel!es d~ on et peut-être ' 1
1
1
.•
pouvons plus aujourd'hui - c'est notre. tmpw~ncde l'approche
•
,./1.
•
,,f'
•
• .if'
1
•
•
; • • 0
DIALECTIQUE •
.
du Tout-Autre qu'à travers l'exercice ~mpitoyable de l'~erméneu..
tique réductrice. La foi est cette rég10n de .la sy~b?hque où la
fonction d'horizon déchoit sans cesse en fonct10n d obJet, donnant 1
~
.
1
naissance aux idoles, figures religieuses de cet~~ même illu~ion qui, en
métaphysique, engendre les concepts de 1~tant suprem~, de la
substance première, de la pensée ab~olue. L tdole est. la reification
•
•• de l'horizon en chose, la chute du s1gne dans un obJet surnaturel 1• •
et supraculturel. '
Dès lors on n'a jamais fini ?e ,départager la foi de la religion,
•
• la foi dans le Tout-Autre qm s approche, de la croyance dans
.• l'objet religieux qui vient s'ajouter aux objets de notre culture et
par ce moyen s'intégrer à notre sphère d'appartenance. Le sacré, en •
1
tant qu'il signifie séparation, mise à part, est le lieu de ce combat. •
Le sacré peut être le signe de ce qui ne nous appartient pas, !
•• le signe du Tout-Autre; ce peut être aussi une sphère d'objets 1
~....
\ . séparés, à l'intérieur même de notre monde humain de la culture,
et à côté de la sphère du profane. Le sacré peut être le support
signifiant de ce que nous appelions la structure d'horizon, propre 1
r
1
au Tout-Autre qui s'approche, ou la réalité idolâtre que nous
mettons à part dans notre culture, engendrant ainsi l'aliénation '•
, .. •
religieuse. Equivoque inévitable sans doute : car si le Tout-Autre
'
1
.! '
• . !
• s'approche, c'est dans les signes du sacré; mais le symbole ne '•
. •'
tarde pas à virer à l'idole; alors l'objet culturel se casse en deux, ••
une moitié devient profane et l'autre sacrée, à l'intérieur même de ••
•
la sphère humaine ; le sculpteur, dit le prophète, se coupe du
.' cèdre, du cyprès et du chêne : « Il etz brûle au feu U7le moitié, sur '
J
DE LA RELIGION •
SIO
.•
•
b
1
1
1
ment que sa relation au désir est la plus manifeste. ~out s o~garur, ' J
t
•
on. 1~ sait, autour du noyau paternel, de la no~taJg!e dd! en~ J:· ,1•
lr
•
•
rehg1on est fondée biologiquement dans la sttuauoh . pLa '•
1
dance et de détresse qui caractérise la seule enfanlle um:~erse
•
•
1
(\ ·
1
• névrose qui sert maintenant de référence est ce e que
( Cf. R Held • Contribution .
~6. Cf. ci-dessus, Analytique 11° partie,
cha~..111• • •R:V fr. 'lM Psa., XVII, •
: J'
•
tnce, l 1 ~tude psychonulytiquc du phénomène rehgteus ' • l
•
1
sn }. ~
'
1
b
- ~~- -
• • • l
1
1
• '
1
DIALECTIQUE 1
•
1
l'enfant et dont la névrose de l'adulte est u?e résurg~n~e spéci..
fique au terme d'une phase de latenc_e. D~ ~erne, la rehgaon est la 1 re
résurgence spécifique d'u~ souvemr ~emble, que l'explication SI
•
c·
•• ethnologique permet par rulleurs de rehcr à un meurtre primitif
qui serait à l'humanité antérieure ce que le complexe d'Œdipe est 1 p
g.
à l'enfance de l'individu.
Si l'on écarte provisoire":lent l'e~p~icatio~. eth~o.logique, qui
r c~
• •
permet de passer de l'analo~1e descnpttve .à l1dentate structurale, 1 II
il reste précisément l'~alog1e avec l~s tr~ns stades fondamentaux 1
•
,1 d·•
de la situation infantile : phase nevrot1que, phase de latence,
sc
retour du refoulé. r~'
Il me semble qu'à ce premier niveau de discussion, la tâche cri- •
1 n~
tique est de maintenir le caractère simplement analogique entre • ta
phénomènes religieux et phénomènes pathologiques, contre toute
réduction dogmatique à l'identité, et de réfléchir sur les conditions
p:
' pt
de cette analogie. En procédant ainsi, on ne se soustrait pas à la 1 n<
critique freudienne; on se prête au contraire à sa pointe la plus 1
la
•
vive. Car si on mêle trop vite à la clinique, sur laquelle reposent les ''•
considérations analogiques, l'argument sociologique qui prétend .•
••
or
fournir la raison de l'identité, on ne fait qu'affaiblir la thèse freu- pr
•
dienne, tant est fragile l'ethnologie de Totem et Tabou et la science pa
. scripturaire de Moïse et le klonotlzéisme. Il vaut mieux se priver du co
.
1' support « historique » du crime primitif et rester au niveau de ré
l'analogie entre l'économie du phénomène religieux et celle de la la
.' névrose, quitte à réserver pour un second temps la question du
1 dé•
' fantasme du crime primitif. re.
· Or il me semble que le sens de cette analogie reste indéterminé cr:
1
et doit rester indéterminé. Tout ce que l'on peut dire est que se1
l'homme est capable de névrose, comme il est capable de religion,
·'• et réciproquement; les mêmes causes - la dureté de la vie, la
triple souffrance qu'infligent à l'individu la nature, le corps, les
autres hommes - suscitent des ripostes semblables - cérémonial
névrotique et cérémonial religieux, demande de consolation et ob
appel à la Providence - et obtiennent des effets comparables far
- formation de compromis, bénéfice secondaire de la maladie et ne
• décharge de culpabilité, satisfaction substitutive. de
Mais que signifie l'analogie? La psychanalyse n'en sait rien en po
tant qu'analrse. El_le éclaire la~éralement le processus que nous ser
avons appele la naassance de 1'1dole· mais elle n'a aucun moyen du
de déci~er si 1~ foi n_' est que cela, si 1~ rite est originairement, dans mc:•
sa fonctiOn pnmordaale, rituel obsessionnel si la foi est seulement d't
consolation sur le modèle enfantin; elle p~ut montrer à l'homme l'ir
-'
~
~~- •..
1
1
,
1
i
!
1 nel de la religion et renvoie nécessairement à la question du fan-
entre • tasme du meurtre et plus généralement du sens du complexe 0
toute •
•
paternel. Du moins, dans le cadre limité qui est encore le nôtre,
•
ttons
à la
•
peut-on aller assez loin et remettre sérieusement en question ce que 1f
1 nous avons appelé, dans notre Analytique, l'absence d'histoire de ~.
plus 1
la religion. J
•
lt les 1
1
•• Pour Freud, la religion est la monotone répétition de ses propres
:tend .•
freu-
.• origines. Elle est un sempiternel piétinement sur !e sol ~e ~on
• propre archaïsme. Le thème du << retour du refoule » ne stgnifie
.ence pas autre chose : l'eucharistie chrétienne répète le repas totémique,
:r du comme la mort du Christ répète celle du prophète ~loïse, laq.uelle J
u de 1j
répète le meurtre originel du père. Or cette attention exclustve .à
fe la la répétition est devenue chez Freud un refus de prendre en ~onst· 1
•
1
1
1 du 1
~·
513 ,l '
....•
•
........__
•
•
•
DIALECTIQUE
•
•
1
beaucoup plus préoccupé par la répétition symbolique du meurtre
dans le repas totémique que par la conciliation entre les frères,
laquelle rend possible la réconciliation avec l'image du père, ins- 1
1 • talJée désormais dans les cœurs. Pourquoi le destin de la foi ne
. ' 0
•
•
serait-il pas lié à cette conciliation fraternelle, plutôt qu'à la réno- 1
•• • vation perpétuelle du parricide ? Mais Freud a décidé que la religion
.1'
~
0
1
• 0
•
j •
d'un prince bienveillant Ikhnaton, pose dans toute sa force l'énigme !
•
•
1
d'u.n dieu «.politique ,, je veux dire d'un dieu qui fond.e le pacte •'
••
social et qm par conséquent s'enlève sur le fond du déstr et de la
•
crainte et entretient un rapport plus étroit avec la conciliation
entre les frères qu'avec le meurtre du père. •
Mais c'est surtout la dernière théorie des pulsions qui aurait pu
être l'occasion d'une nouvelle investigation du phénomène reli-
gt·eu~ 47· Il ne~
' .a nen
. ét: é .Au contraire, c'est l'époque où. F·r~ud •
. 41· Cf. c~-dessus Analytique, Hie partie, chnp. m. Sur c Freud et l'orthodoxie
JU~é?-chrétacnne •, F. Pnschc, Rcv. fr. de Psa. XXV, 1 , 196 1 , p. ss-88. Sur • La •l
re!agaon du, père face à ln raison ct à la néces11 ité .., A. V ergote, lA Psycllanalyst,
SCience de 1 homme, p. 223-257. ,. 0
...':
1
1
l
0 •J
0 1
•
•
'1
••
•
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLB ·'.,'
Ëros pourra~t être l!n autre nom dl;l Dieu johannique, et plus haut '.1,
d'une
..otoyer encor~, cel~1 du Dieu deutéronom1que et, encore plus haut, celui 1
•
du Dieu d Osée, lorsque le prophète célèbre dans ses chants les •.1•
ans le fiançailles au désert. Et pourquoi cc notre dieu Logos, qui n'offre 'l
pi sode pas la consolation, dont la voix est faible, mais se fera entendre 1
•
rame: peu à peu », ne serait-il pas - en dépit du ton ironique dont Freud :•
1
:-enou- use à cette occasion - un autre nom d'Éros, dans l'unité profonde ...•
l
·1
d'une 1
•
1
des symboles de la Vie et de la Lumière? Freud me paraît exclure
de; en 1
• sans raison, je veux dire sans raison psychanalytique, la possibi- 1
ud est j
1
lité que la foi soit une participation à la source d'Eros et qu'ainsi 1
.
.eurtre elle concerne, non la consolation de l'enfant en nous, mais la puis- 1
frères, sance d'aimer, que la foi vise à rendre adulte cette puissance! face •
J
•
e, ms- 1 à la haine en nous et hors de nous - face à la mort. Or, ce qUJ seul j
1
foi ne peut échapper à la critique de Freud, c'est la fo~ com~e. kérygme 1
•1
réno- de l'amour : cc Dieu a tant aimé le monde••. »; matS sa cnuque peut 'l
!ligion m'aider en retour à discerner ce qu'exclut ce kérygme,.d~ l'an:tour: •
'
ernel: 1 une christologie pénale et un Dieu mora~, - et ce qu il1mphq~e :
•
ure de 1
une certaine coïncidence du Dieu tragique de Job et du D1eu '
! lyrique de Jean.
• 1
rem1er
il a dû ,1 b) Religion et fantasme. la •1
.• 1
La question des sources non régressives,· non arc haisan
- tes de j
1
ée; or 1 '
l
nodèle
1
• religion conduit à un examen critique du noyau replésef.ta.tt1 qu~ i
•
•
j
'
Freud pense • cerné par 1a vote
avmr · converge nte dep a c Frmqued e1 1 ~
:mgrne
· pacte l• ' de l'ethnologie. : le fantasme d u meurtre du père·. our d'reu , e
1
· retour des affects de cramte
retour du refoulé est à la fots · et·meamour,
sous
1
t de la 1
d'angoisse et de consolation, et reto?r du fa~tff~n~i:: rej~ton 11 '
~
liation •
'
1
1
.
«
(
; :•..
!
•1
,.t'
~,
1•
'• •
J
•
••
DIALECTIQUE
•
• l
•••
.1
'
•
.. 1
Or il est étrange de constater que Freud ait conservé, pour expli-
quer la religion, une conception qu'il a dû abandonner sur le plan
de la névrose. On se rappelle que l'interprétation juste du complexe
l
••
d'Œdipe a été conquise à l'encontre de la théorie erronée de la
séduction réelle de l'enfant par l'adulte. Malheureusement l'épisode
•
'
œdipien, que Freud a découvert par une sorte de retournement de 1
•
sens de la scène de séduction, a été substitué à la même place;
.. .• ~
c'est encore la trace et le vestige d'un souvenir réel (c'est cette 1
fonction vestigiale, on s'en souvient, qui permet d'assimiler la
• '
régression formelle à la restauration quasi hallucinatoire d'une 1
trace mnémonique au chapitre vu de l'Interprétation des Rêves}.
'• Plus encore que le complexe d'Œdipe individuel, le complexe
collectif de l'humanité est assimilé au retour d'un affect et d'une
• représentation de caractère vestigial. 1
•
•
Or Freud lui-même fournit les moyens de se représenter 1~ •
!
•
c.hoses autrement. Il y a chez lui une conception de la << scène primt- !•
•
ttve » où s'ébauche l'idée d'un imaginaire non vestigial. La « scène 1
•
du vau~our ))' note Freud. dans le Léonard... , << ne doit pas ~tre un ••
souvemr ~~ Léonard !~lats un fantasme qu'il s'est construtt plus l
tard ct qu il a alors rejeté dans son enfance 1>, C'est à cette occa- •
.
sion qu~ Freud suggère que l'historiographie des peuple~ primitifs
a pu nattre de la même façon, « lorsque le peuple acqUit la cons· 1
.
• '
.• 1
516 •
l
•
.
l
.
1
•
i•
..
1 '
~ ..
DIALECTIQUE
•
-
1
J .,..
•• ~
'tir
• !'<
•
:100
r
1 sy~~m:~Iqp~~t donc isoler la figure du père de 1~ fonctlll·on myt.hi~o-
1 •. 11 11 . . é Il est vrai qu'c e a une msiS-
dit 1 poettque dans laque e e e est mser ~· d d' t qu'à
tté· tance particulière,. puisqu'~lle fourmt ~~i;::o~fee fart ::~~ à la
tté· travers le polythéisme, pUis le manot . ' réscnte ce caractère
:ure figure unique du père. Seu~e la ~gure d~ pe;e pas bataillé avec les
mk1 « projectif ». Cela e~t ~ra1. Mrus Freu n 1~Jde l' «introjection»
pas difficultés de la « proJection» com!fle avece~~ » du ère sur l'animal
et de l' « identific~tion )1, Le << d ~pla~:~asse pas ~ez. L'analogie
tion
nes, totem et sur le dieu totem ne em 1 • •
•• . es historiques de l'hermbleuuquc •
55· Je fais allusion ici. oux ~eux. ~:rètcs de signes, de songes, ~e parlen
1
•
•
-
•
DIALECTIQUE
• •
• •
.. ' père· mon i~science du père est si grande que je peux bien dire ..
que ~'est la mythologie qui, sur la base d'un fantasme de caractère
.•
• onirique, crée le père comme grandeur culturelle. Je ne savais pas
·,• •• ce qu'était le père avant que son image n'eût engendré toute la
suite de ses rejetons. Ce qui constitue le père comme mythe d'ori-
gine, c'est l'interprétation par quoi le fantasme de la scène primi-
tive reçoit une intention nouvelle; jusqu'au point où je puis invo-
quer : << notre Père qui es aux cieux... >>. Symbolique du ciel et
symbolique du père explicitent, dans le langage préphilosophique
du mythe, la symbolique de l'origine que le fantasme archaïque
portait virtuellement à la faveur de l'absence, du manque, de la
1 perte et du vide de son propre « objet ».
.'
l
•
Pourquoi maintenant la figure du père a-t-elle un privilège que
n'a pas celle de la mère? Sans doute parce que sa virtualité symbo-
lique est la plus riche, en particulier son potentiel de << transcen-
•
-' dance )), Le père figure, dans la symbolique, moins comme géniteur
• •
égal à la mère que comme donneur de nom et donneur de lois;
1
tout ce que Freud dit sur l'identification au semblable, en tant que
•• distincte de l'identification libidinale, prend place ici : le père de
1
l'identification, on ne l'a pas, non plus seulement parce qu'il est ·'l~
'
•
1
objet archaïque perdu, mais parce qu'il est autre que tout objet
·' archaïque. A ce titre il ne peut « revenir >>, << faire retour ,, que comme
•
1:
thème culturel; le père de l'identification est une tâche pour la .J
!
représentation, parce que dès le début il n'est pas objet de désir, j
'1
mais source d'institution. C'est un irréel à part, qui, dès le début, .
est un être du langage. Parce qu'il donne le nom, il est problèm~ ~
1
•
1
du nom, comme les Hébreux l'ont d'abord conçu. C'est pourquoi •
7
la figure du père devait avoir une destinée plus riche, plus artic~lée •
que celle de la mère. C'est bien sur cette voie de la sublimatton, •
t
tracée pa~ l'identifi.cation, que le symbole du père a pu se conju?uer
••
avec celm du " setgneur >> et celui du « ciel » dans le sens d une
symbolique de la transcendance ordonnée, sage et juste, telle que
l
.J
•
t
•
520
1
•
'
•
DIALECTIQUE
1
' •
•
C'est la parole qui est l'élément dans lequel se déploie cette promo.
tion de sens dont nous n'avons encore reconnu que l'ombre portée •
l'empreinte dans la pulsion et le_ fanta~me. Si une épigénèse de 1~ ,
pulsion et du fantasme est posstble, c est p~rce ql!e 1~ parole est
l'instrument de cette herméneïa, de cette « mterpretat10n )) que le
symbole lui-même exerce à l'égard du fantasme, avant même d'être
« interprété » par les exégètes.
• La dialectique ascendante de l'affect et du fantasme est ainsi
soutenue par une dialec~ique ascen~ant~ du langa~e da.ns .la sym.
bolique; mais cette créatiOn de sens 1mphque que l1magma1re de la
fonction mythico-poétique ait plus de parenté avec la parole à
l'état naissant qu'avec l'image, comprise comme simple revivis- •
cence de la perception. Malheureusement, la conception freudienne
du langage est très pauvre; le sens des mots, c'est la reviviscence
des images acoustiques; ainsi le langage lui-même est « trace » de ,
perception; cette conception elle-même vestigiale du langage ne '
pouvait pas fournir de support à une épigénèse du sens; s'il est
vrai que le fantasme ne peut déployer tous ses degrés que dans
l'élément du langage, il faut encore que les « choses entendues » se
•
distinguent des « choses vues »; or les << choses entendues » sont
d'abord les «choses dites »; et les <<choses dites », dans les mythes
de l'origine et de la fin, sont par excellence le contraire de traces,
de vestiges; ils interprètent des fantasmes de scène primitive pour 1
de la croyance s'annonce.
Ce que nous avons dit en général du « devenir-conscient • de
l'homme doit être dit tout particulièrement de son « devenir-reli-
gieux ». Devenir-conscient, pour l'homme c'est disions-nous,
être tiré hors de. son archaïsme par la suite des fig~ res qui ~'insti •
•
522
1 1
t'
•
•
'
! • HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE
lO· •
ée, établi avec beaucoup de ct.arté dans son, essai fameux de 1900, Dit
la E_nt~tehung der Herm~~tttk. La comprehension ou interprétation,
est dtt-~1, ne commence ventablement que lorsque les u expressions de '
le ' la Vte » se sont fixées dans une objectivité qui donne prise à un art
tre réglé : « C'est cette compréhension conforme à un art appliquée
aux express~ons de, la .vie durab.leme~t fixées, que no~ appelons
exé~èse ou mte~retatton ": » St la httérature est, par excellence,
ns1•
le heu de. c~tte mterprétat1?n - quoiqu'on puisse légitimement
m- parler auss1 d une herméneuttque de la sculpture et de la peinture-,
: la
c:est parc~ q~e le lang~ge e~t.la seule ~xpr~ss~on intégrale, exhaus-
~ à tive et objeCtivement mtelhg1ble de l'mténonté humaine : u C'est
•
'lS· • pourquoi, continue Dilthey, l'art de la compréhension a son centre
me dans l'exégèse ou interprétation des restes de l'existence humaine
1ce contenus dans l'écriture 67• ,
de Il est à peine besoin de dire que Moïse et le Monothéisme n'est
ne aucunement au niveau d'une exégèse de l'Ancien Testament et ne
est satisfait à aucun degré aux exigences les plus élémentaires d'une
ms •
herméneutique ajustée à un texte. C'est pourquoi on ne peut pas
• se 1
dire que Freud ait véritablement fait, ni même commencé de faire
)nt une << analyse des représentations religieuses », alors qu'on peut
hes considérer que, sur le plan esthétique, le Moïse de Michel-Ange
:es, est vraiment traité comme une œuvre distincte, analysée fragment
)Ur 1 .'
par fragment, sans qu'il soit fait la moindre concession à une
« psychologie » directe de la création et du créateur. Les <;euvr~
)ti- de la religion, les monuments de la croyance, ne sont trattés m
lde avec la même sympathie, ni avec la même rigueur: la pare~té va.gue
entre la thématique religieuse et le prototype paternel en t1ent heu;
·ec- Freud décide une fois pour toutes que seules sont proprement
sy- religieuses les représentations qui procèdent manifestement de ce
•
n1e • •
prototype : un être puissant qui c?mmande à la ~atur~.c?mme à l;ln
me empire, qui annule la mort et ~u1 r~pare les l?emes d ~~~-~as, v~1là
ung tout ce que Dieu peut être,. s.1l d01t êtr~ _Dieu; .la reh~1on natve,
•
ure • populaire, est la véritable religion. La relrg10n ph~losophtque o~ la
religion océanique 68, dans lesquelles la personnahté de Dteu v~en
•
100
drait à être atténuée, transposée. ou aba~donné~, sont des dénvés
•
Jjet
• ou des rationalisations secondrures qUI renv01ent au prototype
de paternel.
eli-
•us, Dit they Die EntstciJung dn Hermenmtik, in Œuvres Compl~tu. t. V, p. 319;
stl·
•
· 56• ' · A u b'ter, t. 1• p.
tr. fr. in Le Montk tk I'Espnt, 3~1.
de• 57· Ibid. . ., ,
qUl s8. Malaise dans la CM/uatron, chap. c•
:y 8
•
'
-.
DIALECTIQUE • •
• •
•
1
Je voudrais montrer, à proP,os ~e deux thè!Des particuliers, placés
bien au centre de la problematique freudienne, le thème de la
culpabilité et le thème de la consolation, comment pourrait être
rouverte une voie que Freud a fermée.
Le premier concerne la religion en tant qu'elle couronne une
vision éthique du monde; le second la concerne en tant qu'elle
procède d'une suspension de l'éthique. Or ce sont, pour Freud
également, les deux f~y~rs de 1~ ;ons~~ence .rel.igieuse, p~is~ue
tour à tour il met la rehg10n du cote de 1mterd1ct10n et du cote de
la consolation. ·
Or Freud n'a pas attaché le moindre intérêt à ce qu'on pourrait
appeler une épigénèse .du « sentiment de culpabilité », 9ui serait
guidée par une symbohque de plus en plus fine. Le senttment de
culpabilité ne paraît plus avoir d'histoire au-delà du complexe ,
d'Œdipe et de sa démolition. Il reste une procédure préventive à
l'égard d'un châtiment anticipé. Dans la littérature freudienne, le •
•
sentiment de culpabilité est pris régulièrement en ce sens archaïque.
Or l'épigénèse de la culpabilité ne peut être établie directement par
le moyen d'une psychologie du surmoi; elle ne peut être que déchif-
frée par le moyen indirect d'une exégèse des textes de la littérature
pénitentielle. C'est là que se constitue une histoire exemplaire de la •
'
· cr conscience, (Gewissen). L'homme accède à la culpabilité adulte,
normale, éthique, lorsqu'il se comprend lui-même selon les figures
de cette histoire exemplaire. J'ai essayé pour ma part de procéder
à ce repérage des notions de souillure, de péché, de culpabilité
par le moyen d'une exégèse au sens diltheyen du mot 69• Il en res-
sort que la culpabilité progresse en franchissant deux seuils : le
premier est celui de l'injustice - au sens des prophètes juifs et
aussi de Platon; la crainte d'être injuste, le remords d'avoir été l
injuste ne sont déjà plus crainte tabou; la lésion du lien inter-
personnel, le tort fait à la personne d'autrui, traitée comme moyen 1
et non comme fin, importent plus que le sentiment d'une menace c
de castration; ainsi la conscience d'injustice marque une création J
de sens par rapport à la crainte de vengeance, à la peur d'être puni. c
(
59· La Symboliqu~ du Mal, yre partie. Voir également mon étude • Morale J
sans péché ou péché sans moralisme • in Esprit, fév. 1954 (compte rendu de
(
Hesnard, l'Univers Morbid~ de U, Faute ct Morale sam Péchi). Je rejoins égale-
ment les notations de R. S. Lee, Freud and Christinnity, p. 93 : • Religion is e
•
more properly a function of the ego than of the unconscious and the id. • Sur Freud (J
•
••
~
'
..
••
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROC~ DU SYMBOLE
•
~ second se.uil est celui du péché du juste, du mal de propre jus-
tice; la consctence y découvre le mal radical qui affecte toute maxime
••
même celle de l'honnête homme. '
• Tou~ c_e que nous avons dit plus haut sur la fonction du fantasme
prend 1c1 s~ns : les mythes dans lesquels s'exprime cette avance
de la co~sc.t~nce s~nt certainement construits sur des fantasmes de
scè~e pnm1t1ve 9?1 ressortissent à l'angoisse du surmoi; c'est pour-
q~,o~ la culpabthté est , un piège, une occasion d'arriération, de •
pte~m~!llent .dans. la pre-~orale, ~e stagnation dans l'archaïsme;
m3fs 1mtentton~hté myth:ique réstde dans la suite des interpré-
tatiOns et d_es rémt~r~rétat10ns .Par quoi le mythe rectifie son propre
fond archatque. Ams1 se constttuent les symboles du mal qui don-
nent à penser et sur lesquels je puis former l'idée de volonté mau-
vaise ou de serf:arbitre. Entre le << sentiment de culpabilité », au
•
sens psychanalyttque, et le mal radical, au sens de Kant, s'étagent
une suite de figures où chacune reprend la précédente pour la
« désavouer » et la « surmonter )), comme Freud le dit de l'œuvre
d'art. Ce serait la tâche d'une pensée réflexive de montrer comment
cette conscience « progressive » de la culpabilité suit la progression
des sphères symboliques que nous avons esquissée au début de ce
chapitre; les mêmes figures qui nous ont servi à jalonner le senti-
l ment - figures de l'avoir, figures du pouvoir et du valoir- sont
aussi les lieux successifs de notre aliénation; on le comprend : si
ces figures sont celles de notre faillibilité, elles sont aussi celles de
notre être déjà déchu. La liberté s'aliène en aliénant ses propres
•
médiations, économiques, politiques, culturelles; le serf-arbttre,
pourrait-on dire encore, se médiatise en passant par toutes les figures
de notre impuissance qui expriment et objectivent notre puissance
d'exister.
C'est par cette méthode indirecte que pourrait être éla~orée
l'idée de sources non infantiles, non archaïques, non névrouques
de la culpabilité. Mais, de même. que le désir i!lvestit ces sp~ères
successives et mêle ses ramificatiOns au~ foncttons no.n. ~rottques
du soi de même aussi l'archaïsme affectif de la culpabthte se pro-
•• longe dans tous les registres de la .possession al!énée: de la puissa?ce
démesurée, de la prétention vamteuse à valotr. C ~t pourquot la
•
•
. . . . . . . ,• • CF
.• • l
.1• •
l
• •
1 •
• 1 DIALECTIQUE
•
.
représentation ambigu~, ~ la .foi~ ar~haïque, ~uant à s~n origin~,
•
• ••
et susceptible d'une création md~~me de sens, cette m;me amb!-
•
guité est inscrite au cœur de la rehg.10n, dans la ~esure ou.I~s repre- ·i
•
1 •
•
sentations du salut sont de même mveau et de meme quahte que les
représentations du mal. On peut montrer qu'à tout~s les figur,es de .j
• l'accusation correspondent des figures de la rédemptton. Il en resulte .
'>
. '•j •
que la figure centrale de la religion, dont la psychanalyse nous dit
•
qu'elle procède du prototype du père, ne sauratt achever sa propre 1
genèse tant qu'elle n'a pas parcouru elle-même tous les degrés
•
•
•
correspondants à ceux de la culpabilité. L'interprétation du fan-
tasme du père, dans le symbolisme du dieu! se po'frsuit ainsi dans
tous les registres de l'ac~usation et .de la rede~ptlon.
Mais si la représentatiOn symbohque de Dteu cc progresse » au
. ' même pas que celle du mal et de la culpabilité, elle n'achève pas
•• .,
son parcours à l'intérieur de cette corrélation. Freud l'a bien vu,
la religion est davantage un art de supporter la dureté de la vie •
•
• une épigénèse, une dialectique ascendante de la consolation.
•
. .. Cette rectification de la consolation, c'est encore la littérature
.. qui en jalonne la progression. Objectera-t-on que la critique de la
vieille loi de rétribution, déjà chez les sages de Babylone et plus
encore dans les livres des Hébreux, n'appartient pas à la religion?
-".•.• Mais. alors il faut entrer dans une autre problématique, que le
freudtsme ne paraît pas avoir conçue, celle du conflit interne entre
.• •
foi et religion : c'est la foi de Job et non la religion de ses amis qui •
1 •
~érite d'être co11:frontée à _l'iconoclasme freudien. Ne peut-on pas •
•
•
dtr~ que ce~e f01 accomplit quelque chose de la tâche que Freud ., •
\
J
•
•
•
•
pas
•
qUl •
dernier et ultime ressort, la dialectique du out et du non. C est
à ce niveau finalement, que se rencontrent, pour se mettre
l1
eud mutuellemedt en question, ce qu~ fai. appelé ,l'épigé~èse de la
...)? consolation, selon la foi, et la u réstgnauon • à 1 Ananke, selon le
1ce; 1 freudisme. d · , ·dé à
·• de Je ne cache pas que c'est la lecture de 'fre~ . qu1 rn~ az •
•
OlVe
• pousser la critique du narcissisme - que Je n a1 cessé d appeler
• le faux Cogito ou le Cogito avorté -jusqu'à ses plus .extrêmes
conséquences ~oncemant le désir religieux de la consolauon; c'est
.re •
•
ovt- •
non
me 6o. BthiflU6 V, prop. 36 et coroU. i'
1
1•
une 1
••
'
1 •
•
.1l•
1•
1
f
•
DIALECTIQUE 1
• 1
•
la lecture de Freud qui m'a aidé à porter au cœur de 1~ probléma-
. .:• tique de la foi le « renoncement au père. n. En re.tour Je ne cache
pas mon insatisfactÎOJ? face à l'interpré~atiOn fr;udten~e du _Principe
de réalité. Le scientisme de Freud 1 a empeché daller JUsqu'au
bout d'une certaine voie entrevue dans le Léon.ard, ~récisément,
•
bien que ce livre soit le plus dur que Freud att écnt contre la
•
1
• religion. , ,
' La réalité nous l'avons dit, n est pas seulement 1 ensemble
des faits sus~eptibles d'être constatés et d.es lois susceptibles d'être
•
vérifiées· c'est aussi, en termes psychanalyttques, le monde des choses
et des h~mmes, tel qu'il apparaîtrait à u~ désir humain qui aurait
••
•
• •
•
1
renoncé au principe de plaisir, c'est-à-dire subordonné son point
de vue au tout. Mais alors, demandai-je, la réalité est-elle seule-
• •
•
1 ment l'Ananké? Est-elle seulement la nécessité offerte à ma résigna- '•
'
\
'1
• '
ence » 1 .1
•
0 • °
~··
• ! •
0 0
• ..
•,
'
0
, ispe· • 1
1 ... ••
•
•
• • • .. •
~ 0
1
: . .: ,
• • •• J - •
un des t• ' •
. .• 1. ... .
ressent : . ..... -. .
, ..• -• .• . •
0 -0
cc éner·
s dans
;, E. JI,
'
'
0
•'
•
•
. .1.
. . .• .... .
; t • ,
'
o• 0 • \
,; , ., .•• . .
a.. ' ~
. .. . . . . ..
' 0 0 •',• ( ·' '~\ \ , • • • ot \ r -
·'.l't ' \ ' • • '
' . ... . 1
.:. ~ \ " -" ' ~
::~<~ "': ' \'
_, '- .. "' •' o\1 . ... .
•
•
•
..
''
' ••
•
••
•• '
~ ..•
\
'
•
..
1
1•
• •
••
••
••
• •• •
.'•
1
1
•
•
1
1
h
----·-----·'·
.. •
TABLE
••
•
AVANT-PROPOS • •
• • • • • • • • • • • • • 7
'
•
•
LIVRE I . - PROBL~MATIQUE:
j
SITUATION DE FREUD
.
1. DU LANCACE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION. •
1. Psychanalyse et langage • • • • • • • • • . .
z. Symbole et interprétation. • • •
• • • • • •
3· Pour une critique du symbole •
• • • • • • • •
Il. LB CONPUT DES INTERPRÉTATIONS.
• • • • • • •
J. Le concept d,interprétation. • •
• • • • • • •
z. L'interprétation comme récollection du sena.
• • •
3· L,inlerprétation comme exercice du soupçon. • • • •
•
Le problème épistémologique du freudisme. • • • • • • 15
••
531
•
1. UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE. • • • • • • • 79
l. Le principe de constance et l'appareil quantitatif. • • • 8r
Vers la topique. • • • • · • • • • • • • •
2. 90 ••
.
, .
11. ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE DANS « L INTERPRETATION DES
RivEs » • • • • • • • • • • • • • • • • 95 '
I:
•
1• Le travail du rêve et le travail de l'exégèse. • . . • • g6
2. La « Psychologie » du chapitre VIl. • • • • · • : rog
111. PULSION ET REPRÉSENTATION DANS LES ÉCRITS DE MÉTAPSYCHo-
LOGIE • • • • • • • • • • • • • • • • • 120
• Il
1• La conquête du point de vue topique·économique et du
concept de pulsion. • • • • • · • · · · • 122
•
2. Présentation et représentation • • • . . • • • lJ7 .•
TROISI~ME PARTIE :
tROS, THANA1'0S, ANANKt
,
I. PRINCIPE DE PLAISIR ET PRINCIPE DE RÉALITÉ •
• • • • • 259
•
532
·.
• ..
79 •
1..
~~
..,
•• ••
8x
90 •
••
1. Principe de réalité et« processus secondairt: ••
2. Principe de réalité et u choix d'objet •·
• • • • z6o ~,..
3· Le principe de réalité et la tache économique du moi.
• • • • • • 2&, ..~
95 • • 273
Il. LES PULSIONS DE MORT: SPÉCULATION ET INTERPRBTATION. '
96 • • '-77 '
1. La u spéculation » freudienne sur la vie et la mort.
109 • • • 277
2. La pulsion de mort et la destructivité du surmoi. •
• • • 289 '
3. La culture entre Éros et Thanatos. • • • • 297
i
~
120 • • •
UI. INTERROGATIONS • •
•
Qu'est-ce que la négativité?.
• • • • • • • • • • • 304 J
122 1.
• • • • • • • • • 305 !
IJ7 •
•
2. Plaisir et satisfaction. • • • • • • • • • • • 311 6
3· Qu'est-ce que la réalité?. • • • •
• • • • • • 317
•
2. Réalité du ça, idéalité du sens. • • • • • • • • 418
,
3· Le concept d'archéologie. • • • • • • • • • . ~
259 + Archéologie et philosophie réflexive. • • • • 438
• • •
533
'
•
•
•
•
hégélienne . . · • • • · · • · • • • • · -447
•
2 • L'indépassable de la vie et du désir· • · · • • • • 4SJ
'
3· La téléologie implicite du freudisme: a) Les concepts opéra-
•
torres • • • • • • • • • · • · • • • • 457 .>
••
+ La téléologie implicite du freudisme: h) L'identification • • 461
•
'
••
•
•
•
l'
47
•
S3 •
57 .•
61 •
•
•
•
...
95
04
•
IO
•'
,
1
•
•
,f.il •'
'3) 1 f,.,.. .
:l .
~ J,
,r;.-.
~
~
l
.• ~.
l'
l 1
..•