3 - Chapitre II-Généralités Sur La Mécanique de La Rupture
3 - Chapitre II-Généralités Sur La Mécanique de La Rupture
3 - Chapitre II-Généralités Sur La Mécanique de La Rupture
Généralités sur la
Mécanique de la rupture
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
I- Historique
Grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la mise en forme des métaux durant les
trois derniers siècles, le fer et l'acier ont progressivement remplacé le bois et le ciment comme
matériaux structuraux de base. Malgré leurs hautes caractéristiques, les structures réalisées à
partir de ces matériaux ont connu des accidents importants dès le milieu du 19ème siècle.
L’origine de ces accidents était la rupture inattendue de composants critiques de ces
structures. L’un des premiers incidents enregistré sur une structure importante fut la rupture
d’une chaîne du pont suspendu Montrose en Mars 1830 en Grande Bretagne. Depuis, il y a eu
un nombre important d’effondrements de ponts, dont le King’s Bridge à Melbourne (1962) ou
encore le Point Pleasant Bridge en Virginie (1967). Les accidents ferroviaires dus à une
rupture brutale des essieux, des roues ou encore des rails ont également été très nombreux.
Si Griffith est souvent cité comme le premier chercheur à avoir introduit la mécanique
de la rupture (en tant que science), ces travaux restent basés sur des études antérieures. On
peut notamment citer l’article de Wieghardt, paru en 1907 et traduit en anglais [Wieghardt
1995] [1], dans lequel l’existence de la singularité du champ des contraintes en pointe de
fissure dans un matériau élastique linéaire fut reconnue.
22
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
A partir de ces résultats, Griffith [Griffith 1920] [1] s’est intéressé en 1920 au
problème de la rupture, dans un milieu élastique fissuré, d’un point de vue énergétique. Il a
ainsi mis en évidence une variable (appelée plus tard taux de restitution d’énergie)
caractérisant la rupture, et dont la valeur critique est une caractéristique du matériau. Vinrent
ensuite les premiers développements théoriques d’analyse des champs de contraintes et de
déformations au voisinage d’une fissure en élasticité. Ces études, menées notamment par
Sneddon en 1946 [Sneddon 1946], puis Irwin [Irwin 1957] [1] en 1957, ont permis de définir
les facteurs d’intensité de contraintes, caractérisant l’état de sollicitation de la région dans
laquelle la rupture se produit.
Tous les développements théoriques réalisés à cette époque ont permis de déterminer
la forme exacte de la singularité, et des champs asymptotiques en pointe de fissure nécessaires
à l’analyse et à l’interprétation des résultats expérimentaux. De plus, ils représentent une
solution précise à de nombreux problèmes de géométries simples, et peuvent donc être utilisés
comme solutions approchées pour des problèmes plus complexes.
Parmi ces nombreuses méthodes, les plus facilement implémentables donnent bien
souvent des résultats approchés, ou dépendants du maillage, alors que les autres nécessitent
des techniques éléments finis avancées.
23
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
24
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
A. Critères d’amorçage
Ces critères permettent de déterminer à quel moment et à quel endroit la fissure va
s’amorcer. Ils sont généralement basés sur une comparaison des paramètres de fissuration (K,
G, J, …) à des valeurs critiques de ces paramètres.
Pour une approche locale, et en mode I pur, que nous allons définir dans le paragraphe
II.2, il y aura amorçage lorsque le paramètre KI "Le facteur d'intensité de contrainte" atteint
une valeur critique KIC appelée ténacité du matériau.
De même, au niveau énergétique, Griffith [Griffith 1920] [1] a proposé une valeur
limite du taux de restitution d’énergie, appelée résistance à la fissuration et notée GC. Il y aura
alors propagation lorsque G atteint la valeur critique GC qui représente l’énergie nécessaire à
la création de nouvelles surfaces libres en fond de fissure. Remarquons que pour un matériau
élastique fragile, GC ne dépend que de l’énergie superficielle intrinsèque 2γ du matériau :
GC=2γ.
25
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
De son côté, Sih [Sih 1974] [1] a introduit un critère basé sur la densité d’énergie de
déformation N minimale. Après avoir déterminé l’angle θ0 de bifurcation, il suppose que la
propagation a lieu dans cette direction lorsque Nmin atteint une valeur critique NC
caractéristique du matériau. NC peut être reliée à KIC en se plaçant en mode d’ouverture pur et
en identifiant N=NC à KI=KIC.
Yehia [Yehia et al. 1988] [1] pour sa part, a exprimé le rayon rp de la zone plastique
confinée en fond de fissure. Puis, il a considéré que la propagation s’effectuait lorsque rp
atteignait une valeur critique caractéristique du matériau rpc, appelée rayon critique.
Enfin, il est également possible de localiser l’amorçage à l’aide d’une approche basée
sur l’endommagement. Lors d’un chargement, les lois d’endommagement permettent de
modéliser la dégradation du matériau et de déterminer le lieu d’endommagement maximal. Il
est alors possible de déterminer un endommagement critique, caractéristique au matériau
étudié, et au-delà duquel une macro-fissure s’amorce.
B. Critères de bifurcation
Lorsque le chargement ou la géométrie d’une structure n’est pas symétrique par
rapport à l’axe de la fissure, la rupture se présente en mode mixte, et la fissure ne se propage
pas de façon rectiligne. Il est alors nécessaire d’utiliser des critères de bifurcation, afin de
déterminer la nouvelle direction de propagation.
(II.2)
26
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
∂N ∂2N
L’angle de déviation θ0 est alors défini par : = 0 sous la condition 2 ≥ 0
∂θ θ 0 ∂θ θ0
Critère du Taux de restitution d’énergie maximal : Parmi tous les accroissements
virtuels et cinématiquement admissibles, l’accroissement réel est celui qui maximise le
taux de restitution d’énergie. En calculant le taux de restitution d’énergie pour
différentes directions de propagation éventuelles de fissure, on détermine celle pour
laquelle G est maximal.
Plusieurs études comparatives ont été effectuées sur ces différents critères [Maiti et al.
1984], [Elouard 1993] [1]. Elles montrent une bonne corrélation au niveau de l’angle de
déviation et du chargement critique. Maiti montre cependant que les chemins de fissuration
instables peuvent différer pour des fissures inclinées et pour des chargements en cisaillement
pur.
27
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
C. Critères de stabilité
Il existe deux types de propagation :
(II.3)
(II.4)
Pour étudier la stabilité d’une propagation de fissures, plusieurs méthodes ont été
proposées. Parmi ces méthodes, la notion de courbe de résistance revient souvent.
La courbe-R, introduite plus particulièrement pour les matériaux ductiles, est une
caractéristique intrinsèque du matériau. La condition de rupture fragile G≥2γ doit être
remplacée par une condition de rupture ductile, prenant en compte le fait que la résistance du
milieu fissuré est ici une fonction de la longueur de fissure « a » :
28
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
(II.5)
De même, Paris et al. [Paris et al. 1979] [1] ont proposés d’étudier la stabilité de la
propagation à travers un paramètre T, appelé module de déchirement, qui est la dérivée de
l’intégrale J par rapport à la longueur de la fissure « a ».
C’est la singularité d’ordre –1/2 dans la zone singulière qui caractérise la solution
obtenue en élasticité pure.
29
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
contraintes en pointe de fissure sont « écrêtées » par la plasticité (Figure II.4.) [François et
al. 1993] [1]. De plus, la signification énergétique de la rupture proposée par Griffith
devient plus ambiguë, dans la mesure où elle consiste à représenter la propagation de
fissure comme un déchargement. Or, en plasticité, une partie de l’énergie est dissipée
(phénomène irréversible) et on ne peut donc pas toujours évaluer la fraction d’énergie «
disponible » pour la propagation.
Les ruptures obtenues par fatigue, par choc thermique, ou par corrosion couvrent
également un domaine de recherche important, mais elles ne seront pas abordées dans ce
mémoire.
Les essais mécaniques sur des petits spécimens, ou éprouvettes sont donc à la base de
toutes les études. L’observation des caractéristiques expérimentales va permettre d’identifier
les types de comportement fondamentaux qu’il importera de simuler. Il existe de nombreux
essais qui permettent de caractériser les propriétés mécaniques des matériaux. Certains sont
normalisés (AFNOR, Association Française de NORmalisation ; ISO, International
Standardisation Organisation ; ASTM, American Society for Testing and Materials) ; il s’agit
30
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
d’essais simples à réaliser, reproductibles, servant à donner des informations sur les seuils de
charge qui produisent des déformations irréversibles, ou encore la rupture. Ils sont utilisés par
les ingénieurs en contrôle et caractérisation. En revanche, et pour caractériser plus finement
les matériaux, les chercheurs ont recours à des moyens d’essais plus complexes, mettant en
oeuvre des chargements multiaxiaux ou anisothermes.
Nous définissons dans ce mémoire que l'essai de traction afin de donner une idée sur la
méthodologie expérimentale de l'obtention des caractéristiques élastiques des matériaux.
Pour CD, la force nécessaire pour déformer le matériau diminue alors que
l’allongement continue d’augmenter : cette instabilité est appelée instabilité plastique. La
striction apparaît.
En D il y a rupture de l’éprouvette.
31
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
(II.6)
(II.7)
Dans certains cas (préchargement à chaud [Pineau 1998] [1], effets d’échelle ou de
géométrie [Bauvineau 1996], [Hancock 1993] [1]…), il est nécessaire de tenir compte
également des premiers termes non singuliers :
32
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
A. Matériaux isotropes
i. Cas d’une géométrie infinie :
Dans le cas d’une plaque infinie, contenant une fissure de longueur 2a, soumise à des
contraintes à l’infini, PARIS et SIH [2]ont montré que pour un matériau isotrope on a :
Pour des éprouvettes de dimensions finies, plus intéressantes en pratique, les facteurs
d’intensité de contraintes K (m= I, II) sont de la forme :
Km = ασ m (π a)1/ 2 , σm = σ∞ ou τ∞ (II.10)
α est dans la plupart des cas représentée sous forme d’une fonction polynomiale de la
longueur de la fissure et de la géométrie de l’éprouvette pour les matériaux isotropes.
B. Matériaux orthotropes
Pour les matériaux orthotropes, on a proposé (Thèse du Pr. LAHNA)[2], pour
l'éprouvette D.C.B (Double Cantilever Beam) des expressions des facteurs d'intensité de
contraintes KI et KII faisant apparaître explicitement les coefficients d'élasticité.
1
2
2
λ + λ λ λ − λ λ
2 2
P I 12 sh sin sh ch sin cos +
c c c c c c 3r
( ) 3 3 λ a +
b λ h sh2 λc − sin 2 λc sh λc − sin λc
2 2
h
(II.11)
K I
= 1
α 22 α 22 2 2α 12 + α 66
1 4
+
2α 11 α 11 2α 11
Où r = α 66 ; λ = 6α 11
1
1 4
α 11
h α 22
33
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
2h
c
a
(II.12)
(II.13)
34
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
KI et KII.
(II.16)
(II.17)
35
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
Où We est la densité d’énergie de déformation élastique telle que σij = ∂We /∂εij, u est le
vecteur déplacement en un point M du contour C avec la normale n tournée vers l’extérieur et
σ représente le champ de contraintes.
* L’intégrale J est indépendante du contour (à condition qu’il n’y ait pas de forces de surface
sur les lèvres de la fissure, que l’on soit en conditions isothermes, et en quasi-statique);
* L’intégrale J représente le taux de décroissance de l’énergie potentielle : J=− (∂Wp /∂A)= G
* L’intégrale J permet, dans certaines conditions, de décrire le champ des contraintes et des
déformations à la pointe de la fissure à travers le champ HRR.
Dans les cas où la plasticité est importante, on effectue une analogie avec un matériau
élastique non linéaire. Cette hypothèse est valable à condition qu’il n’y ait pas de brusques
variations dans la direction du chargement appliqué, et donc, pas de déchargement. En effet,
le déchargement en élasticité non linéaire s’effectue suivant la même courbe qu’à la montée,
ce qui n’est pas le cas en élastoplasticité. Dans ce cadre, l’intégrale J est étendue au cas des
matériaux élastiques non linéaires, et permet ainsi d’intégrer le champ des contraintes et des
déplacements à la pointe de la fissure. Ayant ainsi fait l’analogie entre l’élastoplasticité et
l’élasticité non linéaire, l’intégrale J peut être obtenue, comme précédemment, par la méthode
de la complaisance :
(II.18)
36
CHAPITRE II DESA "M.S.C.P"
= JI = υ
1−
2
dP
−
2
da E K I
(II.19)
En déformation
= J II = υ
1−
2
dP
−
2
da E K II
(II.20)
JI =K I
= GI (II.21)
E
En contrainte plane
2
J II =K II
= GII
E (II.22)
Lorsque les deux modes se superposent, on aura :
1 −υ
2
J =
E
(K + K )
2
I
2
II
(II.23)
E
Avec : µ= Coefficient de Lamé.
2(1 + υ )
Conclusion :
Le but de la mécanique de la rupture est de formuler des critères, c'est-à-dire de définir
les conditions pour les quelles un défaut identifié (ou non) peut se propager sous une
sollicitation donné.
On cherche alors des relations quantitatives entre la taille des défauts, les contraintes
appliquées et un paramètre caractéristique du matériau, dit de ténacité KIC.
Dans ce deuxième chapitre, nous avons essayé de donner une idée générale sur la
mécanique de rupture, son historique, ses auteurs, son objectif…
Aussi, nous avons cité quelques essais mécaniques, en donnant des brefs définitions.
Dans le chapitre qui suit, nous allons introduire la méthode des éléments finis, sa
définition et ses domaines d'utilisation, aussi, nous donnerons quelques méthodes numériques
de calcul du facteur d'intensité de contraintes.
37