Stupeurs Et Tremblements - Analyse
Stupeurs Et Tremblements - Analyse
Stupeurs Et Tremblements - Analyse
Dans l'ancien protocole imprial nippon, il est stipul que l'on s'adressera l'Empereur avec
"stupeur et tremblements". J'ai toujours ador cette formule qui correspond si bien au jeu des
acteurs dans les films de samouras, quand ils s'adressent leur chef, la voix traumatise par
un respect surhumain. Je pris donc le masque de la stupeur et je commenai trembler. Je
plongeai un regard plein d'effroi dans celui de la jeune femme et je bgayai []
J'y restai. J'imagine que n'importe qui, ma place, et dmissionn. N'importe qui, sauf un
Nippon. Me donner ce poste, de la part de ma suprieure, tait une faon de me forcer
rendre mon tablier. Or, dmissionner, c'tait perdre la face. [] J'tais consciente de cette
injustice et pourtant je m'y soumettais fond. Les attitudes les plus incomprhensibles d'une
vie sont souvent dues la persistance d'un blouissement de jeunesse : enfant, la beaut de
mon univers japonais m'avait tant frappe que je fonctionnais encore sur ce rservoir affectif.
J'avais prsent sous les yeux l'horreur mprisante d'un systme qui niait ce que j'avais aim
et cependant je restais fidle ces valeurs auxquelles je ne croyais plus.
J'tais si lgre que les vtements m'accablaient. Je les enlevai un un et les dispersai autour
de moi. Quand je fus nue, je fis le poirier, moi qui de ma vie n'en avais jamais t capable.
Sur les mains, je parcourus les bureaux adjacents. Ensuite, aprs une culbute parfaite, je
bondis et me retrouvai assise la place de ma suprieure. [] J'enlace l'ordinateur de Fubuki
et le couvre de baisers. Moi aussi, je suis une pauvre crucifie. Ce que j'aime, dans la
crucifixion, c'est que c'est la fin. Je vais enfin cesser de souffrir. Ils m'ont martel le corps de
tant de nombres qu'il n'y a plus place pour la moindre dcimale. Ils me trancheront la tte
avec un sabre et je ne sentirai plus rien. C'est une grande chose que de savoir quand on va
mourir. On peut s'organiser et faire de son dernier jour une uvre d'art. Au matin, mes
bourreaux arriveront et je leur dirai : "J'ai failli ! Tuez-moi. Accomplissez mon ultime volont
: que ce soit Fubuki qui me donne la mort. [] 1
Or, le langage filmique ne correspond pas la ralit aussi, elle est quand mme
une autre instance de la cration. On nest toujours pas dans lobjectivit absolue : on est,
par contre, sur la perspective du ralisateur travers las lentilles de la camra, ses angles,
ses techniques, ses stratgies, ses acteurs. Et dans ce point de vue, la configuration
dAmlie est construite avec beaucoup plus de fragilit, en rsultant en une sorte de
victime. Elle est essentiellement maladroite. Elle, Amlie, est tragicomique. Il ne sagit
pas dun rcit tragicomique, mais dune personnage tragicomique, maladroite, dplace.
Dans ce cas, on ne rit pas. Sa condition est si apitoyante qui nous meuve dans un tat de
commisration par rapport elle.
Les traits tragicomiques dune manire gnrale nous proposent au moins deux
dbats importants : la cruaut de la diffrence culturelle et lisolement cyclique provoqu
par la dpression. Le plus important ce qui lesthtique adopte soit par lcrivaine
Amlie Nothomb, soit par le ralisateur Alain Corneau, effectivement rveille des
sensations et des rflexions aux lecteurs/spectateurs travers des diffrents stratgies
quils ont utilises pour construire chaque version de cet histoire.