L'État Et Les Firmes Multinationales
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multiples interventions des pouvoirs publics qui ont pour rsultat, direct ou indirect,
recherch ou non, l'expansion internationale des firmes. Voil le principal objectif
de cet article.
La premire partie est consacre au rappel du statut conceptuel de l'tat au sein
des thories sur les FMN. Nous posons cette occasion les principaux jalons pour
comprendre le rle des gouvernements dans l'expansion internationale des entrepri-
ses. La deuxime section analyse les principales interventions tatiques responsables
de la multinationalisation des firmes. La troisime partie tudie plus en profondeur
le cas le plus remarquable d'intervention gouvernementale dans le processus
d'internationalisation: celui des entreprises publiques multinationales. Enfin le
retour la thorie et la prsentation des principaux rsultats de cette rflexion fait
l'objet de la conclusion.
1. S. HYMER, The International Oprations of National Firms, (1960) Cambridge, Mass., MIT Press,
1976; R. VERNON, International Investment and International Trade in the Product Cycle ,
Quaterly Journal of Economies, mai 1966, pp. 190-207; R. VERNON, Sovereignty at Bay, New
York, Basic Books, 1970; R. VERNON, Storm over the Multinationals, Cambridge, Mass., Harvard
University Press, 1977; R. CAVES, International Corporations: The Industrial Economies of
Foreign Investment, Economica, fvrier 1971, pp. 1-27.
2. P.J. BUCKLEY et M. CASSON, The Future of the Multinational Enterprise, Londres, Macmillan,
1976; J.H. DUNNING, Trade, Location of Economie Activity and the MNE: The Search for an
Eclectic Approach , in B. OHLIN et al. (eds.), The International Allocation of Economie Activity,
New York, Holmes & Meier, 1977; A.L. CALVET, A Synthesis of Foreign Direct Investment
Thories and Thories of the Multinational Firm , Journal of International Business Studies,
printemps/t 1981, pp. 43-59.
L'TAT ET LES FIRMES MULTINATIONALES 241
3. R. MURRAY, The Internationalisation of Capital and the Nation State , in J.H. DUNNING (d.),
The Multinational Enterprise, Londres, Allen and Unwin, 1971; R. MURRAY, Multinational
Companies and the Nation States, Londres, Spokesman, 1975; R. MURRAY, (d.), Multinationals
Beyond the Markets, Londres, Harvester, 1981.
4. R. VERNON, Storm over the Multinationals, op. cit., p. 137.
242 Philippe FAUCHER et Jorge NIOSI
Dans plusieurs crits l'tat apparat comme un promoteur direct, mais peu
efficace, de l'expansion internationale des firmes. L'Etat a appuy timidement ce
dploiement au moyen des politiques fiscales, commerciales, d'assurance-
5. Ch. LEVINSON, Le contre-pouvoir multinational. La riposte syndicale, Paris, Seuil, 1974, p. 54.
6. V.I. LNINE, Imprialisme, stade suprme du capitalisme (1916), Moscou, d. du Progrs,
Oeuvres choisies, 1976; N. BOUKHARINE, L'conomie mondiale et l'imprialisme (1916), Paris,
Anthropos, 1970; H. MAGDOFF, Imperialism, Form the Colonial Age to the Prsent, N.Y.,
Monthly Review Press, 1978.
7. G. HAMILTON, Les entreprises multinationales : effets et limites des codes de conduite internatio-
naux, Paris, PUF-IRM, 1984.
L'ETAT ET LES FIRMES MULTINATIONALES 243
D-Critique et conclusion
8. C F . BERGSTEN et al., American Multinationals and American Interests, Washington DC, The
Brookings Institutions, 1978, chap. 2.
9. M.Y. YOSCHINO, Japan's Multinational Enterprises, Cambridge, Mass., Harvard University Press,
1976.
10. R.S. KEOHANE, After Hegemony, Princeton, Princeton University Press, 1984. F.L. BLOCK, The
Origins. of International Economie Disorder, Beverly, University of California Press, 1977.
244 Philippe FAUCHER et Jorge NIOSI
Enfin les diffrents codes promulgus afin d'encadrer l'activit des transnationa-
les ont eu, au mieux, l'effet de produire une prise de conscience internationale sur
l'importance croissante de ces firmes au niveau de l'emploi, du commerce ou de
l'investissement.
Les crits du troisime groupe permettent de documenter l'intervention directe,
mais non dcisive, de l'Etat dans le processus d'internationalisation, et de constater
la relative autonomie dont jouissent les FMN vis--vis des gouvernements. Cepen-
dant ils comportent un dfaut majeur: l'tat n'y est pas prsent autrement que
comme un facteur externe; il n'est nullement intgr la thorie. Comme nous
l'avons soulign avant, l'on s'achemine vers une explication synthtique des FMN en
termes d'oligopoles jouissant de la proprit de certains avantages. Dans la thorie
synthtique cependant ce processus est prsent comme tant purement conomique.
Or en fait il a toujours t fortement conditionn par l'tat. En d'autres termes
l'tat d'origine procure certaines firmes nationales des avantages qui leur ont
permis de conqurir le march interne, d'exporter et de devenir multinationales.
Deux types de cas sont vidents: les avantages coloniaux (1880-1950) et les
avantages lis la politique industrielle (depuis 1960).
A La priode coloniale
dans les pays en dveloppement. Ainsi, si les IDE amricains en Amrique latine
reprsentaient 49% des IDE totaux des tats-Unis en 1897 et encore en 1929, ils
n'taient plus que 39% en 1950, et 19% en 197016. galement la proportion des
investissements europens et japonais allant vers les anciennes colonies ou sphres
d'influence a dclin depuis 194517. Si les tats industriels de l'aprs-guerre ont
jou un rle majeur dans l'expansion multinationale des firmes, ce n'est plus en
fournissant une coquille coloniale leurs entreprises extractives et financires.
B La politique industrielle
16. M. WILKINS, American Business Abroad, Cambridge, Mass., Harvard University Press, vol. 1,
1970, p. 110; vol. 2, 1974, pp. 55 et 330.
17. L. FRANCKO, The European Multinational', Londres, Harper & Row, 1976; T. OZAWA, Multina-
tionalism, Japanese Style, Princeton, Princeton University Press. 1979.
L'ETAT ET LES FIRMES MULTINATIONALES 247
structure des marchs, comme elle l'est d'ailleurs par des contraintes physiques et
technologiques, relve toujours, comme toute intervention publique, du processus
politique. Donc, en amont des facteurs conomiques et organisationnels qui fondent
le processus de multinationalisation, il existe un choix politique et une initiative
tatique.
Laide la concentration
Le libralisme prvoit que l'intervention de l'tat dans l'conomie doit se
limiter au maintien de la concurrence et la section des pratiques restrictives qui
portent atteinte aux intrts des consommateurs et de la collectivit. C'est
l'application de ce principe que l'on doit l'existence, dans la plupart des pays
industrialiss, de rglementations anti-monopoles. Celles-ci, fondes sur l'idal et la
thorie se sont montres bien impuissantes devant les impratifs qui ont prsid la
vague de fusions de la fin des annes soixante et du dbut des annes soixante-dix.
l'poque la grande entreprise est synonyme de croissance, ce qui, dans une
priode d'expansion se manifeste par la capacit d'exercer un pouvoir de contrle
sur le march. Aujourd'hui, alors que les perspectives sont plus incertaines, la
concentration fait encore partie des mcanismes de la comptitivit . En concen-
trant ses ressources sur un nombre limit d'activits, l'entreprise se spcialise dans
les oprations les plus rentables et celles qui paraissent les plus prometteuses. Fait
nouveau, cette rationalisation se produit dsormais, pour les plus grands groupes,
une chelle multinationale18. Dans ce nouveau contexte, les lois anti-monopoles
apparaissent bien dsutes. La concurrence internationale accrue, qui se droule
pour l'essentiel sur des marchs domins par de trs grandes entreprises, rend
acceptable, au niveau des conomies nationales des ratios levs de concentration.
Cette situation incite les gouvernements passer outre leur propre rglementation
anti-monopole19. Parce que la concurrence se droule dsormais au niveau mondial,
tous les producteurs et tous les pays, ne serait-ce que pour dfendre leur production,
se doivent de jouer pleinement le jeu de l'internationalisation des marchs. La
concentration devient ds lors une ncessit qu'il appartient aux pouvoirs publics
d'encourager. Et les FMN, on le sait, sont les grandes entreprises des marchs
oligopolistiques.
La pntration des firmes amricaines en Euroe et la cration de la Com-
munaut conomique europenne ont amen les tats europens s'engager
activement, au cours des annes soixante dans des politiques favorisant la cration
d'entreprises de grande taille20. En Europe, l'Angleterre, la France et l'Allemagne
ont appliqu des mesures allant dans ce sens. Dans des contextes conomiques
diffrents, le Japon et les tats-Unis sont galement venus en aide leurs plus
grandes entreprises.
La riposte anglaise au dfi amricain prend en 1967 la forme de l'Industrial
Reorganization Corporation (IRC) dont la fonction principale consiste promouvoir
21. S. YOUNG et A.V. LOWE, Intervention in the Mixed Economy, Londres, Croom Helm, 1974, p. 84;
J. ZYSMAN, Governments, Markets and Growth, N.Y. Cornell University Press, 1983, p. 217;
I. MAGAZINER et R. REICH, Minding America'S Business, New York, Vintage, 1982, p. 303;
W. GRANT et S. WILKS British Industrial Policy: Structural Change, Polity Inertia , Journal of
Public Policy, vol. 3, n 1, fvrier 1983, pp. 13-28; T. SMITH, T h e United Kindgom , in
R. VERNON (d.), Big Business and the State, Cambridge, Harvard University Press, 1974, p. 93.
22. Ch. MICHALET, France , dans R. VERNON (d.), Big Business and the State, op. cit., p. 109.
23. M. BAUER et E. COHEN, Qui gouverne les groupes industriels!, Paris, Seuil, 1981, p. 108.
24. R. DELORME, C. ANDR, L'tat et l'conomie, op. cit., p. 263.
L'ETAT ET LES FIRMES MULTINATIONALES 249
25. Ibidem, p. 281 et 296; M. BAUER et E. COHEN, Qui gouverne les groupes industriels!, op. cit.,
p. 102.
26. Y. BROZEN, Concentration, Mergers and Public Policy, N.Y., Macmillan 1982, p. 372; J.
ZYSMAN, Governments, Markets and Growth, op. cit., p. 252.
27. C. JOHNSON, MITI and the Japanese Miracle, Stanford, Stanford University Press, 1982, pp. 310-
311.
28. I. MAGAZINER et R. REICH, Minding America's Business, op. cit., p. 242.
250 Philippe FAUCHER et Jorge NIOSI
ment profite principalement aux FMN, mais elle est frquemment conue, en
particulier pour tous les programmes qui concernent les secteurs de pointe, de
manire liminer l'essentiel du risque financier associ aux oprations de R & D
d'envergure, en fonction de celle-ci. Il n'est pas rare que cette bonification de
l'investissement par les pouvoirs publics, dans la mesure o elle dbouche sur la
commercialisation d'un produit nouveau, serve de tremplin l'entreprise pour son
expansion.
34. K. MCGUAID, Big Business and Presidential Power, N.Y., Morrow, 1983, p. 59; D. VOGEL,
The Power of Business in America: A Re-apprasal , British Journal ofPolitical Science, n 13,
p. 34; J. HAYWARD, Employers Associations and the State in France and Britain , in S.J.
WARNECKE et E.N. SULEIMAN (eds.), Industrial Policies in Western Europe, N.Y., 1975, p. 134;
J. ZYSMAN, Governments, Markets and Growth, op. cit., p. 253.
35. Fortune, le 20 aot 1984; aot 1974.
36. ONU, CST, Les socits transnationales dans le dveloppement mondial, troisime tude, New
York, 1983, pp. 57-59.
37. Par firme multinationale ou transnationale nous entendons une socit produisant des biens ou des
services dans au moins cinq pays au-del du pays d'origine.
254 Philippe FAUCHER et Jorge NIOSI
(Cf. Tableau I). Quelques-unes de ces socits sont nes en tant qu'entreprises
publiques: c'est le cas, par exemple, de plusieurs compagnies ptrolires, dont la
Compagnie franaise des ptroles (CFP, en 1924), Elf-Aquitaine (en 1965), Hispa-
noil (en 1965) ou Ptro-Canada (en 1975). Bien souvent leur cration et leur
expansion outre-frontires, tait due la ncessit, pour certains pays industrialiss,
de s'assurer un approvisionnement ptrolier. La plupart d'entre elles, cependant, ont
t nationalises lorsqu'elles avaient atteint un certain degr de multinationalisation
en tant qu'entreprises prives. C'est le cas, par exemple, de Renault (nationalise en
1945) et de British Steel (en 1967).
La tendance gnrale la croissance du nombre, de la taille et du degr de
multinationalisation des socits d'tat connat des diffrences importantes selon les
pays. Alors qu'aucune FMN d'tat n'est originaire des tats-Unis, la France en
compte plus d'une dizaine, dont plusieurs sont issues de la vague de nationalisation
de 1982. Ainsi cinq grandes multinationales franaises ont t expropries en fvrier
1982 (la Compagnie gnrale d'lectricit, St-Gobain-Pont Mousson, Thomson-
Brandt, Pchiney et Rhne-Poulenc). En outre l'tat franais a acquis l'amia-
ble des participations de contrle dans des socits ayant des activits internatio-
nales non ngligeables (La socit aronautique Marcel Dassault, Matra et la
Compagnie gnrale des constructions tlphoniques), a renforc son contrle sur la
multinationale Compagnie internationale d'informatique-Honeywell Bull et a pris
une minorit de blocage sur la transnationale franaise sous contrle allemand
Roussel-Uclaf. Enfin, il a nationalis plusieurs banques et compagnies financires
multinationales sous contrle franais. Enfin, il a acquis le contrle de deux groupes
sidrurgiques (Usinor et Sacilor) en transformant lgalement ses crances en
actions38. Des vingt plus grandes entreprises franaises multinationales, dix appar-
tiennent aujourd'hui l'tat39.
l'extrme oppos la Grande Bretagne rend nombre de socits d'tat au
secteur priv aprs l'lection du gouvernement conservateur en 1979. Entre cette
date et 1984 l'administration de Mme Thatcher a rduit son contrle sur British
Petroleum de 49% 32%, a vendu la partie la plus rentable de B.L. (Jaguar Cars) et
s'apprte vendre British Steel, sans compter la remise au secteur priv de
nombreuses autres socits d'tat peu ou pas transnationales40.
Le contrle tatique ne supprime pas l'lan vers la multinationalisation. Ainsi
Renault a acquis en 1980 le contrle minoritaire mais effectif, d'American Motors
et en 1981 celui des Mack, les deux aux tats-Unis. En mme temps Elf-Aquitaine
achetait la multinationale amricaine Texasgulf avec la bndiction du nouveau
gouvernement socialiste. En 1984, Pchiney construit une gigantesque aluminerie
au Qubec pour envahir le march nord amricain. Quant aux multinationales d'tat
Polysar et Petro-Canada, elles poursuivent leur diversification gographique tant
sous le gouvernement libral que sous les conservateurs. Au niveau de leur stratgie
d'implantation, les FMN d'tat, mme socialistes, ne diffrent pas des autres.
38. A.G. DELION et M. DURUPTY, Les nationalisations 1982, Paris, conomica, 1982.
39. partir des donnes de J. SAVARY, Les multinationales franaises, Paris, PUF-IRM, 1981, p. 46.
40. The New York Times, le 7 octobre 1984, p. 4 F.
TABLEAU I
Les socits d'tat multinationales en 1983
Pays Ventes* Actifs* Secteur Contrle
1. British Petroleum Royaume-Uni 49 195 f 39 443 Ptrole Gouv. britannique (39%)
2. E.N.I. Italie 25 022 19 263 Ptrole Gouv. italien (100%)
3. C.F.P. France 18 350 11008 Ptrole Gouv. franais (40%)
4. Elf-Aquitaine France 18 188 18 021 Ptrole Gouv. franais (67%)
5. Volkswagenwerk R.F.A. 15 693 10 540 Automobile Gouv. allemand (20%)
Gouv. de la Basse-Saxe (20%)
6. Renault France 14 468 10816 Automobile Gouv. franais (100%)
7. C.G.E. France 8 195 10 126 Electrique Gouv. franais (100%)
8. St-Gobain France 7 595 6 047 Matriaux Gouv. franais (100%)
9. Veba R.F.A. 7 571 2 441 Ptrole Gouv. allemand (44%)
10. Thomson-Brandt France 6493 6 636 Electronique Gouv. franais (100%)
11. Rhne-Poulenc France 5 657 ! 4 726 Chimie Gouv. franais (100%)
12. British Steel Royaume-Uni 5 399 5 186 Acier Gouv. britannique (100%)
13. B.L. Royaume-Uni 5 185 3 636 Automobile Gouv. britannique (100%)
14. Norsk Hydro Norvge 4 097 3 241 Chimie Gouv. norvgien (51,33%)
15. Pchiney France 3 806 4 066 Aluminium Gouv. franais (100%)
16. Ptro-Canada Canada 3 210 6 620 Ptrole Gouv. canadien (100%)
17. Arospatiale France 3 152 5 178 Aronautique Gouv. franais (100%)
18. Cockerill Sambre Belgique 3 089 2 845 Mtaux Gouv. belge (81%)
19. M.V.A.G. Autriche 2 626 99 Ptrole Gouv. autrichien (100%)
20. V.I.A.G. R.F.A. j 2 309 2 450 Mtaux Gouv. allemand (87%)
21. Cll-Honeywell Bull France 1527 1384 lectronique Gouv. franais (50%)
22. E.M.C. France 1519 851 Mines, ptrole Gouv. franais (100%)
23. Statsforetag Sude 1447 1560 Machinerie Gouv. sudois (100%)
24. Senskt Stal Sude 1360 1284 Mtaux Gouv. sudois (100%)
25. Polysar Canada 1337 1453 Chimie Gouv. canadien (100%)
26. Hispanoil Espagne 999 272 Ptrole Gouv. espagnol (100%)
1 27. Valmec Oy Finlande 884 706 Machinerie Gouv. finlandais (100%)
SOURCES: Fortune, le 20 aot 1984, ( The International 500 ), J.H. DUNNING et al. The World Directory of Multinational Enterprises, New York, Facts. on
File, 1983. Moody's International, New York, 1984.
* Dollars courants des tats-Unis.
256 Philippe FAUCHER et Jorge NIOSI
Les avantages des socits d'tat sur leurs concurrents privs ont t souligns
tant par les partisans que par les adversaires des entreprises publiques. K.D. Walters
et R.J. Monsen, critiquant l'expansion leurs yeux excessive des socits tran-
gres d'tat, numrent leurs atouts sur les grandes socits prives: les entreprises
publiques n'ont pas besoin de faire de profits, ne craignent pas la faillite, n'ont pas
besoin de payer de dividendes (et souvent pas de taxes non plus), jouissent d'un
accs prfrentiel au financement public, reoivent de nombreuses commandes
gouvernementales et des subsides profusion, et on leur accorde bien souvent le
monopole (ou tout au moins une position dominante) sur le march interne41.
Les partisans des entreprises publiques, tout en reconnaissant que les gouverne-
ments fournissent de nombreux avantages aux socits d'tat, affirment que de
semblables atouts sont galement offerts aux grandes socits prives soit pour
soutenir l'emploi, pour promouvoir les exportations ou pour dvelopper des indus-
tries haute technologie. En outre la majorit des socits d'tat, tant en Europe
Occidentale qu'au Canada, sont rentables42. Et Aharoni d'expliquer l'opposition la
croissance et l'internationalisation des entreprises publiques.
Perharps much of the opposition to the growth of state owned enterprises is
simply an attempt to maintain the balance of oligopoliste industry - be it car
manufacturing, aerosplace, airlines, mini-electronics or natural resources -
against structural changes caused by the entry of new corners43.
La monte des FMN d'tat n'a pas uniquement lieu au sein des pays industriels
avancs: elles se manifeste aussi dans les principaux NPI (Brsil, Mexique, Tawan,
Core du Sud, etc.) et semi-industrialiss (Argentine, Inde, Turquie, etc.). Le
tableau II prsente quelques renseignements sur les principales socits d'tat des
pays moins dvelopps qui sont en voie de multinationalisation. On peut y constater
la prdominance quasi-absolue (9 sur 14 ou 64%) des socits ptrolires, le reste
tant des firmes ddies l'extraction et/ou au raffinage de mtaux, notamment des
sidrurgies.
Avec trois multinationales d'tat en formation le Brsil occupe une catgorie
spciale parmi les pays d'origine du tiers monde. Petrobras, sa socit ptrolire
d'tat explore dans plusieurs pays (Chine populaire, Angola, Algrie, Lybie,
Guatemala, Iraq, Trinidad-Tobago et Nigeria). Entre 1972 et 1981 elle avait
accumul des IDE pour une valeur de 550 millions de dollars amricains et plusieurs
des prospections ont t fructueuses et sont en cours de dveloppement. Les autres
socits brsiliennes en voie d'internationalisation sont les Companhia Siderurgica
41. K.D. WALTERS et R.J. MONSEN, State owned business abroad: new comptitive threat , in
Harvard Business Review, mars-avril 1979, pp. 160-170; voir le mme type d'analyse dans D.F.
LAMONT, Foreign State Enterprise. A Threat to American Business, New York, Basic Books,
1979.
42. Y. AHARANI, The State Owned Enterprise as a Competitor in International Markets , in
Columbia Journal of World Business, printemps, 1980; pour le Canada, voir J. NIOSI, La
bourgeoisie canadienne, Montral, Boral Express, 1980, chap. 5.
43. Y. AHARONI, ibid.
L'ETAT ET LES FIRMES MULTINATIONALES 257
Nacional (acier) et la Compenhia Vale do Rio Doce (mines de fer), mais leur
implantation trangre est beaucoup moins avance que celle de Petrobras44.
Parmi les autres FMN d'tat du tiers monde, Kuwait Petroleum se dtache
nettement. Dj propritaire (ds 1981) de la Santa Fe International Co. aux tats-
Unis, elle acquit en 1983-1984 les filiales belge, hollandaise, luxembourgeoise,
danoise, sudoise et italienne de Gulf Oil et devint ainsi une vritable FMN d'tat du
tiers monde, et la premire s'intgrer dans les pays industriels avancs. Dsormais
Kuwait Petroleum possde des raffineries en Italie, au Danemark et aux Pays Bas,
et un rseau assez tendu de stations de service qui lui permet d'couler en Europe
une partie de sa propre production ptrolire45. Ce modle est d'autant plus
remarquable que les FMN du tiers monde, publiques ou prives, ont presque toujours
choisi des pays moins avancs comme lieu d'implantation de leurs filiales tran-
gres46.
Les avantages des FMN d'tat du tiers monde sont en partie semblables ceux
des entreprises publiques des pays dvelopps et ils dcoulent des mmes politiques
industrielles. D'autres avantages gouvernementaux , spcifiques ceux-l, leur
viennent des tentatives de collaboration entre gouvernements du tiers monde et des
prfrences de certains gouvernements-htes des PVD pour des firmes d'autres pays
en dveloppement. Ainsi, la plus grande entreprise publique argentine, YPF, la
socit ptrolire d'tat, a des associs locaux dans ses activits trangres en
Bolivie, Equateur et Prou47.
TABLEAU II
Les socits d'tat du Tiers monde en voie de multinationalisation
Pays Ventes* Actifs* Secteur
1. Petrobras Brsil 16 258 14 038 Ptrole
2. Pemex Mexique 16 140 32 599 Ptrole
3. Kuwait Petroleum Kuwait 10 744 13 800 Ptrole
4. Indian Oil Inde 9 070 2618 Ptrole
5. Y.P.F. Argentine 6 783 11 147 Ptrole
6. Petroleos de Venezuela Venezuela 6 012 8 293 Ptrole
7. Chinese Petroleum Taiwan 5 313 4018 Ptrole
8. Turkye Petroleri Turquie 3 838 3 191 Ptrole
9. Steel Authority of India Inde 2 927 7 095 Acier
10. Philippine National Oil Philippine 2 408 1810 Ptrole
11. Pohang Iron & Steel Core du S. 2 256 370 Mtaux
12. CODELCO Chili 1774 3 153 Mtaux
13. Vale do Rio Doce Brsil 1643 4 166 Mines
14. Siderurgica Nacional Brsil 831 3 632 Acier
SOURCES: Fortune, le 20 aot 1984, The International 500 , Moody's International.
* en dollars courants des tats-Unis.
44. A. VILLELA, Multinationals from Brazil , in S. LALL (d.), The New Mutinationals, New York,
Wiley, 1983.
45. Wall Street Journal, le 2 fvrier 1983, p. 4; le 1er mars 1983, p. 40; le 11 mai 1983, p. 14; le 12
janvier 1984, p. 2.
46. L.J. WELLS Jr., Third World Multinationals, Cambridge, Mass., MIT Press, 1983.
47. J. KATZ et B. KOSACOFF, Multinationals from Argentine , in S. LALL (d.), The New
Multinationals, op. cit.
258 Philippe FAUCHER et Jorge NIOSI
Soulignons enfin que les avantages des FMN d'tat, tant celles des pays
industrialiss que celles du tiers monde, ne sont pas uniquement de type gouverne-
mental ou externe. Pour survivre dans la concurrence internationale, ces firmes,
souvent de nouveaux venus, doivent possder des atouts technologiques, commer-
ciaux et organisationnels propres. Le financement public a cependant t frquem-
ment le moyen de se procurer ces autres avantages.
IV-CONCLUSION
fdrales des annes 1960 et 19705'. Et l'on pourrait galement trouver dans
l'histoire des grandes socits transnationales, plus anciennement tablies, l'absorp-
tion d'avantages tatiques externes paralllement la gnration interne
d'avantages propres. Mais ce serait l l'objet d'une autre recherche.
Le jeu de la concurrence internationale force les tats s'affronter au moyen
de leurs plus grandes firmes. Les politiques industrielles tendent ainsi renforcer
(et, le cas chant crer) des champions nationaux, ceux qui exportent, qui
rapatrient des profits, qui assurent l'approvisionnement de matires premires et
d'nergie. Lorsque le secteur priv s'avre incapable de surmonter les obstacles
financiers, technologiques ou commerciaux l'mergence de champions nationaux
au sein d'un oligopole international bien tabli, l'tat peut crer de toutes pices des
entreprises publiques d'abord pour reprendre le contrle du march interne, puis
pour gagner des marchs trangers. Les socits publiques multinationales reprsen-
tent le stade le plus franc, le plus net des politiques industrielles mises en oeuvre.
Le nombre toujours croissant de socits d'tat, et leur expansion internationale
soutenue nous forcent de la faon la plus directe repenser la synthse thorique
pour y inclure l'tat en tant qu'lment majeur de la multinationalisation des firmes.
51. J. Niosi, La multinationalisation des ptrolires canadiennes , L'Actualit conomique, vol. 60,
n 1, pp. 106-121; J. NIOSI, L'expansion internationale des mass-media canadiens , Communi-
cation Informatique, 1984, vol. 7, n 1, pp. 7-29.