Florence Hartmann-Le Sang de La Realpolitik
Florence Hartmann-Le Sang de La Realpolitik
Florence Hartmann-Le Sang de La Realpolitik
Du mme auteur
Copyright
Ddicace
Table des matires
Le dpart des Casques bleus se prcise
Des enclaves devenues encombrantes
Lentente secrte des trois grandes puissances
Envisager limpensable
Le sacrifice des enclaves, pralable la paix
Les messagers de linavouable
Le tournant dHalifax
La voie est libre pour les forces serbes
Silence complice
Un implicite permis de tuer
Des informations dtailles sur les excutions en cours
Le dni et la construction de la lgende
La justice au secours du rcit officiel
Labandon de epa
Lautorit du dclenchement des frappes rtrocde aux militaires
Faux-semblants
La responsabilit de protger
Du mme auteur
Miloevi, la diagonale du fou, Denol, 1999
Paix et Chtiment, Flammarion, 2007
Lanceurs dalerte, les mauvaises consciences de nos dmocraties, Don Quichotte ditions, 2014
www.donquichotte-editions.com
ISBN : 978-235-949-529-4
Copyright
Ddicace
Envisager limpensable
Le tournant dHalifax
Silence complice
Labandon de epa
Faux-semblants
La responsabilit de protger
Devant la camra de la BBC qui le filme le 11 juillet 1995 dans sa chambre dhtel, lors
dune tourne en Afrique, le secrtaire gnral des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali,
reconnat qu Srebrenica lONU vient dtre humilie et abuse et qu elle devra vivre
avec cela . Puis dajouter : Mais dans quelques jours, tout cela appartiendra au pass.
Aujourdhui, Srebrenica figure, aux cts dAuschwitz paradigme de la barbarie
humaine et du massacre de la fort de Katy, parmi les pisodes les plus sombres de la
mmoire commune de lEurope.
Il y a vingt ans, les forces serbes commandes par le gnral Mladi semparaient de la
bourgade de Srebrenica et excutaient de sang-froid quelque huit mille hommes et
adolescents dont la survie mme faisait entrave au projet de purification ethnique des
territoires de la dfunte Yougoslavie, entam ds 1991 en Croatie et dont la mise en uvre
sest poursuivie, partir de 1992, en Bosnie-Herzgovine. Deux instances judiciaires
internationales le Tribunal pnal international pour lex-Yougoslavie et la Cour
internationale de justice ont depuis qualifi ce massacre de gnocide. Avec le Rwanda,
Srebrenica symbolise lun des chapitres les plus douloureux de lhistoire de la diplomatie
occidentale de la fin du sicle pass.
De cette barbarie, les dirigeants serbes de lpoque et les forces sous leurs ordres sont
les coupables. Mais au-del de cette responsabilit premire, il y a celle de la communaut
internationale. Lchec des Nations unies Srebrenica est videmment celui des tats au
sein du Conseil de scurit, au premier rang desquels la France, le Royaume-Uni et les
tats-Unis, tous trois impliqus dans le rglement du conflit. La chose est entendue. Pour
autant, les trois grandes puissances ont dclin toute responsabilit, concdant
uniquement avoir commis des erreurs. Celles de navoir envisag ni lhypothse de la prise
de Srebrenica, ni celle des charniers et de ne pas stre donn les moyens de conjurer le
retour du gnocide en Europe.
Pour la premire fois de son histoire, le Conseil de scurit des Nations unies avait
pourtant autoris lemploi de la force pour protger les populations promises aux exactions
en Bosnie-Herzgovine. Y compris par la voie des avions de lOtan. Ce nest donc pas dans
labsence dinstruments juridiques ou militaires quil faut chercher les raisons de cet chec.
Les racines du drame de Srebrenica ne se trouvent pas non plus dans labsence de volont
politique de la France, du Royaume-Uni, des tats-Unis, ou des dirigeants bosniaques eux-
mmes. Cest pourtant ce que se sont cantonns dire depuis vingt ans tous les rapports
institutionnels consacrs cette douloureuse question : le rapport de lONU, celui de
lInstitut nerlandais dtudes militaires ou de la mission dinformation parlementaire
franaise.
La responsabilit de nos tats est finalement beaucoup plus grave. Cest ce qui ressort de
la reconstitution minutieuse du processus diplomatique dans les semaines qui ont prcd
le drame. Un travail denqute entam depuis de longues annes, facilit par laccs rcent
une partie des archives internationales, notamment amricaines, mais qui a suppos
aussi dcumer des milliers de pages la recherche des informations ayant chapp la
vigilance des services chargs de les dclassifier.
Londres, Paris et Washington nont rien fait pour empcher ce qui tait en train
darriver, mme une fois en avoir pris connaissance. Malgr les dmentis, cette vrit
hante, depuis deux dcennies, la conscience europenne et internationale. Nous
souponnions un calcul combien politique, visant liminer les derniers obstacles la
paix et simplifier la ngociation diplomatique. Srebrenica est bien tombe au nom dune
raison dtat qui se trouvait dans ces capitales et sans doute Sarajevo. Mais ce sera aux
Bosniaques dexaminer la pertinence des choix effectus par leurs propres dirigeants
pendant la guerre et, tout particulirement, en 1995. Le moment est venu, pour eux aussi,
de crever ce douloureux abcs.
Nous ne pouvions cependant pas prouver que la France, le Royaume-Uni et les tats-Unis
avaient activement favoris la disparition de ces territoires quon savait tre les ultimes
buts de guerre serbes. Cette enqute dmontre dsormais comment et pourquoi les trois
puissances ont ngoci labandon de Srebrenica et, par ce march de dupe, sont devenues
les facilitateurs du dernier gnocide du XXe sicle.
La politique trangre consiste rechercher des solutions dans des conditions difficiles,
avec des adversaires, voire des ennemis. Daucuns assurent, tel Hubert Vdrine, que la
realpolitik a fait couler moins de sang dans lhistoire que lidalisme . La politique du
ralisme nest pourtant pas toujours synonyme de bon sens ni mme de sagesse. Elle peut
vouloir aussi dire lchet, cynisme et trahison de nos valeurs fondamentales. Srebrenica est
lillustration de cette autre barbarie, celle qui est froide, glace, celle du calcul, quvoque
Edgar Morin lorsquil parle de lconomie mais quil pourrait appliquer la politique
trangre.
Juillet 2015
Au printemps 1995, la Bosnie-Herzgovine entre dans sa troisime anne de guerre. Les
armes se sont tues une bonne partie de lhiver mais la trve ngocie par lancien prsident
amricain Jimmy Carter, fin dcembre 1994, est en train de voler en clats sans que les
Occidentaux ne soient parvenus rallier les diffrents protagonistes autour dun plan de
paix. Avec plusieurs milliers de Casques bleus sur le terrain, les Europens sont en
premire ligne et menacent de se retirer si ladministration Clinton refuse de simpliquer
sur le dossier Balkans. Washington consent alors reprendre linitiative diplomatique et
envoie, Belgrade, Robert Frasure, bras droit de Richard Holbrooke, le secrtaire dtat
adjoint amricain pour les Affaires europennes, afin de convaincre le prsident serbe
Slobodan Miloevi de rejoindre la table des ngociations.
Avec le non ferme et dfinitif de Miloevi la proposition de paix du Groupe de
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contact le 11 avril, les efforts diplomatiques sur la Bosnie sont dans limpasse []. Nous
aurions tort de considrer que le Groupe de contact est encore en vie et travaille sur des
ides capables de mettre fin au conflit. Cela ne ferait que porter atteinte notre crdibilit,
la fois dans la rgion mais aussi devant notre opinion publique et la presse , crivent, la
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mi-avril 1995, les responsables Bosnie du dpartement dtat amricain .
Reprsentant des tats-Unis au sein du Groupe de contact, Robert Frasure assiste en
direct lchec des ngociations. De retour dans la capitale serbe quelques jours plus tard,
il relance les pourparlers avec Miloevi jusquau dbut du mois de juin, lorsquil est
rappel Washington. Sa mission : amener Miloevi reconnatre la souverainet et
lindpendance de la Bosnie-Herzgovine en change de la suspension de lembargo
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international qui a mis genoux lconomie serbe . Mais une fois de plus, Miloevi ne cde
pas.
Miloevi est pourtant dispos mettre fin au conflit. Les grandes puissances,
rassembles au sein du Groupe de contact, ont petit petit cd au diktat sanglant des
nationalistes et propos de diviser la Bosnie-Herzgovine en deux entits, sur des bases
ethniques. Fini lpoque o, comme en 1993, elles raffirmaient dans chacune de leurs
rsolutions au Conseil de scurit des Nations unies quune solution durable au conflit
reposait sur le retrait des territoires acquis par la force et le nettoyage ethnique et
lannulation des consquences du nettoyage ethnique par la reconnaissance du droit de
tous les rfugis de retourner dans leurs foyers Faute de stre donn les moyens de
leurs ambitions, elles se contentent depuis dencourager ce que les diplomates amricains
appellent une solution ngocie qui prive les Serbes dune partie de leurs conqutes
arraches dans le sang . Sous la pression de Washington, les Croates de Bosnie ont
renonc revendiquer le dcoupage en trois parties de la Bosnie-Herzgovine et sont
convenus, en mars 1994, de renouer lalliance quils avaient rompue avec les Bosniaques4.
Aux termes de cet accord, lensemble bosniaque-croate obtenait 51 % du territoire, les
49 % restants tant attribus aux Bosno-Serbes.
Miloevi, qui a mis en uvre le projet de dpecer cette Rpublique aux communauts
jusquici imbriques pour y forger, par la violence des armes et la barbarie de la
purification ethnique, un nouvel tat destin la seule nation serbe, sest ralli ce
compromis territorial qui lui donne partiellement gain de cause. Mais il conteste les
cartes de dcoupage des entits et une partie des documents de travail que les mdiateurs
europens font circuler depuis plusieurs mois. Les divergences portent sur la question du
territoire situ le long de la frontire avec la Serbie et du degr dautonomie de lentit
dvolue aux Serbes. Le matre de Belgrade exige un territoire plus compact et plus viable
pour lentit serbe quil voudrait voir dote de pouvoirs quasi tatiques. Si la Bosnie-
Herzgovine se transforme en une union lche de deux entits aux pouvoirs tendus et que
le territoire consenti aux Serbes forme un ensemble cohrent, contigu la Serbie, Miloevi
se dit prt reconnatre les frontires internationales de cette Rpublique quil tente de
faire disparatre dans le sang depuis 1992.
Pour lheure, Miloevi a encore les moyens de ses ambitions. Les forces serbes
contrlent prs de 70 % du territoire bosnien (alors que les Serbes ne reprsentent que
30 % de la population) et ne rtrocderont jamais 20 % de leurs conqutes sans une
injonction de Belgrade. Le prsident de la Serbie espre donc convaincre les diplomates
occidentaux de satisfaire ses demandes. Les grandes puissances ont accept de concder
aux Serbes la partie est du pays o les populations slaves musulmanes taient majoritaires
jusqu la fulgurante campagne de nettoyage ethnique, dans les toutes premires semaines
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de la guerre . En revanche, les trois sanctuaires bosniaques, rests enclavs au milieu des
conqutes serbes en Bosnie orientale, nont pas t inclus dans la future entit serbe. Sur la
carte de travail du Groupe de contact, les territoires autour des villes de Srebrenica, epa et
Gorade, refuges de dizaines de milliers de survivants des massacres, sont prservs mais
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aussi relis entre eux et rattachs lentit bosniaque-croate .
Miloevi rcuse une carte o lentit attribue aux Croates et aux Bosniaques prsente
une norme excroissance qui senfonce comme un coin dans la future entit concde
aux Serbes de Bosnie-Herzgovine. Son objectif est dunifier les conqutes serbes en Bosnie
orientale en vue de leur annexion future la Serbie limitrophe. Il sait depuis le printemps
1994 et le mariage de raison, impos par les Amricains, entre Croates et Bosniaques que la
communaut internationale nacceptera pas le dmantlement de la rpublique
multiethnique de Bosnie-Herzgovine et quelle naccordera donc pas lindpendance
ltat fantoche, autoproclam par les scessionnistes bosno-serbes et purifi de ses
habitants non serbes au moyen de crimes de masse.
Dj lt 1994, il confie son entourage tre favorable au tout nouveau plan du
Groupe de contact fond sur une partition territoriale en deux entits : Maintenant que la
communaut internationale propose de reconnatre, sur la moiti du territoire de lex-
Bosnie-Herzgovine, la Rpublique serbe que nous avons cre, le but ultime que nous
nous tions fix est sur le point dtre atteint7. En dcembre 1994, il confirme un
missaire croate : Les Serbes ne peuvent pas revendiquer plus de la moiti de la Bosnie.
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Jai atteint mon but et je veux dsormais me consacrer la paix . Depuis, il tente damener
ses affids bosno-serbes se contenter dune entit serbe aux pouvoirs quasi tatiques. De
lavis de Miloevi, ce scnario, autrement plus raliste, ne remettrait pas en cause les
desseins serbes car la Bosnie-Herzgovine naurait aucune chance de survivre une
partition ethnique de son territoire. Les Serbes de Bosnie formeront une confdration
avec la Serbie. Cela ne posera pas de problme car tout le monde est daccord. Les Russes
mais aussi les Amricains, mme sils ne veulent pas le dire ouvertement , prcise-t-il fin
1994. Il exige toutefois que les enclaves de Bosnie orientale reviennent aux Serbes en
change de territoires louest9 . lpoque, Miloevi envisage de cder les conqutes
serbes entre Livno et Drvar, sur le flanc ouest de la Bosnie, le long de la frontire avec la
Croatie. Une proposition soutenue par les dirigeants croates, eux aussi favorables un
amnagement de la carte du Groupe de contact au dtriment des Bosniaques.
Les mdiateurs internationaux chargs dlaborer les cartes du partage de la Bosnie en
vue des pourparlers de paix suggrent depuis longtemps lchange de Srebrenica, epa et
ventuellement de Gorade. La solution la plus raliste leurs yeux. Moralement la plus
contestable aussi, ce qui les a pousss passer sous silence les tentatives pour amener la
partie bosniaque abandonner les seuls territoires de Bosnie orientale ayant chapp
jusquici aux massacres. Les premires pressions en faveur dun marchandage remontent
au mois daot 1993. bord du porte-avions britannique Invincible o se poursuivent les
ngociations autour du plan de paix prsent quelques jours plus tt Genve par le
mdiateur de lONU Thorvald Stoltenberg et son homologue europen David Owen, les
missaires internationaux leur demandent ouvertement de cder ces enclaves aux Serbes
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contre les faubourgs de Sarajevo alors aux mains des forces serbes . Le leader bosniaque
Alija Izetbegovi, prsident dune Bosnie-Herzgovine lagonie, informe le 28 septembre
1993 les reprsentants de Srebrenica que cet change territorial est le prix payer pour
rtablir la paix et prserver les frontires internationales de ltat. Mais les reprsentants
de Srebrenica refusent.
Le plan de paix est enterr quelques jours plus tard par le Parlement de Bosnie-
Herzgovine oppos un rglement qui entrine la purification ethnique. Les propositions
de paix suivantes confirment le maintien des enclaves dans lest de la Bosnie et essuient
toutes le refus des dirigeants serbes. Laction diplomatique enlise, les tats-Unis
admettent que les enclaves restent fiches comme trois artes au travers de la gorge des
Serbes , selon la formule employe dans un rapport dclassifi de la CIA. Mais ils ne
veulent pas que le Groupe de contact, dont ils font partie, appelle ouvertement cder aux
Serbes ces territoires. En raison des ractions de lopinion publique, reconnat Charles
Redman, le premier reprsentant amricain au sein du Groupe de contact11. Fin 1994,
Washington demande donc secrtement aux dirigeants de Croatie de convaincre les
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Bosniaques de passer un march . Malgr la promesse dimportantes compensations
territoriales louest du pays, la direction bosniaque ne cde pas.
En 1995 Belgrade, Robert Frasure nest nullement surpris par les revendications de
Slobodan Miloevi. Leur rencontre achve de le convaincre que nul ne fera asseoir le
prsident serbe la table des ngociations pour reconnatre lintgrit territoriale de la
Bosnie-Herzgovine si, en contrepartie, il nobtient pas un nouveau redcoupage des
entits, en sus de la leve des sanctions internationales contre la Serbie.
Depuis que la France et la Grande-Bretagne ont annonc, dbut 1995, le retrait de leurs
troupes de Bosnie avant la fin de lanne dfaut dune cessation des hostilits, le Groupe
de contact ncarte plus aucune option13. Les Europens ont donn carte blanche Robert
Frasure pour conclure avec Miloevi un accord, nimporte lequel , afin de sortir au plus
vite leurs Casques bleus du bourbier bosnien. Washington, le conseiller la Scurit
nationale, Anthony Lake, se dit galement favorable un amnagement des cartes pour
mettre fin aux violences en Bosnie. Il tait vident quil ntait pas vraiment intress par
Srebrenica , se souvient lancien ministre nerlandais de la Dfense, Joris Voorhoeve, qui
rencontre Anthony Lake en mars 1995. Et dajouter : Certaines personnes qui
naimeront sans doute pas que je le leur rappelle pensaient que les enclaves taient, de
toute faon, indfendables. Au cours de leur rflexion sur les chances dune solution
ngocie entre Serbes, Croates et Musulmans mme daboutir une paix stable, elles sont
arrives la conclusion que la situation dans les enclaves tait trs complique, quil
sagissait de prisons ciel ouvert, difficiles intgrer dans la future carte de la division de
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la Bosnie en vue dun accord de paix . Le Prsident Bill Clinton affiche lui-mme son
scepticisme quant au maintien, en Bosnie orientale, denclaves quil qualifie de champs de
tir pour les Serbes.
Tous savent pourtant quun change territorial obligerait un transfert de populations.
Le trac de la frontire exige une tude minutieuse et sans doute, un certain stade, de
dsenchevtrer les populations , reconnaissait Winston Churchill, en dcembre 1943 la
confrence de Thran, lorsque fut convenu le principe dun dmembrement de
lAllemagne et du dplacement de la Pologne vers louest afin de compenser labandon de
lest de son territoire la Russie. Un demi-sicle plus tard, Paris, Londres et Washington,
comme Churchill, voient dans le transfert (transference) et le dmlement
(disentanglement) de populations une solution pour faire taire les armes durablement. Une
solution quelles ne considrent en rien draisonnable puisque, font-elles valoir, 80 % de
la population des enclaves de Bosnie orientale sont des personnes dj dplaces .
Ni les Europens ni les Amricains ne sont toutefois disposs assumer publiquement la
dcision de concder les derniers sanctuaires bosniaques de lest du pays aux Serbes. Ils
veulent quelle vienne des dirigeants bosniaques. Jusquen 1945, les officiels britanniques
sefforcrent damener le gouvernement polonais en exil accepter loffre de la Russie
au motif que cette dernire annexerait dans tous les cas lest de la Pologne. Au printemps
1995, les reprsentants du Foreign Office tentent de forcer la main de la direction
bosniaque. Le message dlivr tait clair, se souvient Mirza Hajri, alors chef de cabinet
du prsident Izetbegovi, les enclaves nont aucun avenir, elles sont perdues car, quelle que
soit la formule, les habitants sen iront. Par consquent, mieux vaut les monnayer pendant
quil en est encore temps plutt que de les perdre ensuite, sans contrepartie possible.
Sur le terrain, les combats ont repris de plus belle. Comme chaque printemps, les forces
serbes intensifient leur pression sur les dernires enclaves de Bosnie orientale. Les ordres
reus dbut mars 1995 leur commandent de crer, par des oprations de combat
planifies et bien prpares, une situation invivable dinscurit totale, ne laissant aucun
espoir de survie ou de vie future pour les habitants de Srebrenica ou de epa . Depuis
loffensive foudroyante du printemps 1992 dans lest de la Bosnie, leur mission reste
inchange : liminer une une les poches de rsistance o sentassent les Bosniaques
survivants de la purification ethnique. En novembre 1992, la directive oprationnelle
numro 4, signe par le gnral Ratko Mladi, commandant des forces serbes en Bosnie, et
Radovan Karadi, leur chef politique, appelle dj nettoyer de sa population
musulmane les zones de Bira [Srebrenica et ses environs], epa et Gorade . Lobjectif est
clair : puiser lennemi, lui infliger les plus lourdes pertes possibles, lpuiser, le briser
pour le contraindre se rendre ou quitter les zones de Bira, epa et Gorade en mme
temps que la population civile musulmane afin de crer sur ces territoires un tat
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serbe .
Les poches de Cerska et de Konjevi Polje limines, les troupes serbes se regroupent,
mi-mars 1993, aux portes de Srebrenica. Isole dans le creux dun vallon nich au milieu
des massifs boiss qui longent la sinueuse rivire Drina, lenclave est condamne. Les
ordres du gnral Mladi sont identiques dune enclave lautre : semparer des lieux et
tuer tous les hommes en ge de se battre capturs pendant que le reste de la population est
dport. Mais le gnral Philippe Morillon, patron des forces de lONU en Bosnie, vient
contrarier ses desseins. Il rejoint lenclave et prend la dfense de la population affame et
impitoyablement bombarde. Des milliers de personnes, dont des femmes et des enfants,
ont fait barrage aux vhicules de lONU et averti le gnral franais que, sil partait, les
forces serbes entreraient dans Srebrenica et provoqueraient un bain de sang. Vous tes
maintenant sous la protection de lONU []. Je ne vous abandonnerai jamais , lance le
lendemain lofficier franais la foule.
Limpact de la couverture mdiatique de son geste met les grandes puissances dans
lembarras et empche les troupes de Mladi dentrer dans Srebrenica et de commettre un
massacre. Critiques pour leur passivit, les puissances occidentales proposent dbut
avril 1993 de venir au secours des habitants de lenclave assige en vacuant ceux qui
disent vouloir partir parce que seule la mort les attend sils restent l . Les dirigeants
bosniaques refusent davaliser une vacuation qui reviendrait cautionner la politique de
purification ethnique serbe et livrer lenclave vide aux forces serbes. De son ct, le
gnral Mladi interdit le passage aux hommes en ge de porter les armes. Le 29 mars, dix-
neuf camions du haut-commissariat des Nations unies pour les rfugis repartent avec
leur bord deux mille cent quarante personnes : huit cent quatre-vingt-quatre femmes, mille
deux cent huit enfants et quarante-huit vieillards. Le 16 avril 1993 au matin, le gnral
Mladi ritre lordre de prendre lenclave et de tuer tous ceux qui portent des armes
tandis que les civils et les blesss devront tre transfrs hors de lenclave16 . Quelques
heures plus tard New York, le Conseil de scurit des Nations unies dclare Srebrenica et
ses environs zone protge .
Cinq autres territoires enclavs en zones conquises par les forces serbes sont, leur tour,
placs sous la protection des Nations unies et de leurs Casques bleus qui sy dploient les
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semaines suivantes . Les tats se donnent la capacit de protger ces zones de scurit
en autorisant le recours la force en riposte des bombardements par toute partie
contre les zones de scurit, des incursions armes, des obstacles dlibrs mis
lintrieur de ces zones ou dans leurs environs, la libert de circulation de la force de
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lONU . Le gnral Morillon comprend nanmoins que seule la dtermination des
grandes puissances mettre leur menace excution pourrait contraindre Mladi
renoncer ses projets. Le 25 juin 1993, au terme de sa mission en Bosnie, il dit Mladi :
Je sais que vous voulez prendre Srebrenica, epa et Gorade. Mais sachez que le monde ne
tolrera pas une vacuation de Srebrenica. Abstenez-vous, par consquent, de purifier
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ethniquement ces rgions ! Vous vous prenez pour un Napolon serbe mais noubliez pas
que Napolon a fini Elbe et Sainte-Hlne o il fut emprisonn et mourut20.
Sous la menace de frappes ariennes, les Serbes changent de stratgie. Ils dcident de
soumettre lenclave de Srebrenica une lente asphyxie afin quelle tombe comme un
fruit mr lorsque les conditions pour dclencher lassaut final seront runies. Les convois
humanitaires de lONU ne passent plus quau compte-gouttes. Srebrenica commence
souffrir de malnutrition malgr le parachutage de vivres et de mdicaments par les avions
occidentaux. Les tirs de snipers et les bombardements pisodiques plongent la population
dans une inscurit totale qui lui fait chaque fois perdre un peu plus lespoir de pouvoir se
maintenir sur ses territoires. Au fil des mois, la promesse de protection des Nations unies
apparat de plus en plus illusoire.
Dans le courant de lanne 1994, Karadi et Mladi prviennent plusieurs reprises
quils ne renoncent pas lexpulsion et lextinction de la population musulmane des
enclaves. Je ne me soucie gure quils [Bosniaques] crent un tat [musulman en Bosnie].
La seule chose qui mintresse est quils disparaissent compltement , assure Mladi
devant les dputs serbes de Bosnie en janvier 1994. Pendant ce temps, avec le soutien de
la Serbie, les dirigeants bosno-serbes mettent lpreuve la dtermination du Conseil de
scurit agir pour faire respecter ses rsolutions en multipliant les attaques contre les
cinq zones de scurit .
Lassaut, dbut avril 1994, contre Gorade, la plus grande des trois enclaves de Bosnie
orientale, provoque une riposte de lOtan contre les positions dartillerie serbes. Pour la
premire fois depuis sa cration en 1949, lAlliance procde des bombardements au sol.
Le 28 fvrier 1994, des F-16 amricains taient dj intervenus mais dans le cadre de
lopration Deny Flight : pour abattre quatre appareils serbes oprant en violation de
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linterdiction de survol de la Bosnie . La communaut internationale affiche sa volont de
garantir les zones de scurit de lONU, conformment lobligation quelle sest donne
un an plus tt. Mladi recule mais pour mieux se consacrer Srebrenica. En juillet 1994,
lordre est donn ses troupes dployes en Bosnie orientale de continuer se prparer
cette tche cruciale quest lexpulsion des Musulmans de la poche de Srebrenica. Aucune
retraite nest possible lorsquil sagit de Srebrenica, nous devons avancer. Nous devons
rendre la vie de nos ennemis intenable et leur maintien dans lenclave impossible, mme
temporairement, afin quils partent massivement ds que possible, aprs avoir ralis quils
ne peuvent pas survivre sur ce territoire.
Avec la directive oprationnelle numro 7 du 8 mars 1995 destine librer
dfinitivement lensemble de la valle de la Drina , les dirigeants serbes mettent fin
lintermde auquel le gnral Morillon les avait contraints deux ans auparavant. Les forces
serbes ont nouveau le feu vert pour prendre Srebrenica et la vider de sa population
bosniaque. Depuis le dbut de 1995, elles ont renforc le blocus des enclaves. Mme les
convois de ravitaillement destins aux forces de lONU ne passent plus. Leurs rserves de
vivres et de munitions au plus bas, les Casques bleus ne sont plus en mesure de protger les
zones de scurit de Srebrenica ou de epa. Fin mars, le gnral Mladi ordonne au
corps darme de la Drina dachever de neutraliser les Casques bleus dans les enclaves et
de se mettre sur le pied de guerre.
Les Occidentaux nignorent rien des desseins serbes. Le 8 mars mme, lhtel
Panorama de Vlasenica, Mladi informe le gnral Bernard Janvier, commandant en chef
des forces de lONU en ex-Yougoslavie, que le sort des enclaves sera rgl militairement.
Quelques jours plus tard, il le confirme au gnral britannique Rupert Smith, le
commandant des Casques bleus en Bosnie-Herzgovine. Mladi a sorti une carte et, avec
un bout de papier, il a fait une croix sur chacune des trois enclaves , se souvient lassistant
de Smith, le lieutenant-colonel Baxter, prsent la runion, galement organise
Vlasenica. Mladi dvoile ses plans la demande de Miloevi, soucieux de faire savoir,
avant larrive Belgrade de Robert Frasure, quil semparerait des enclaves de lest sil ne
les obtenait pas la table des ngociations.
Les images des satellites espions amricains qui attestent des prparatifs de loffensive
serbe contre Srebrenica commencent circuler officieusement au Conseil de scurit des
Nations unies New York. lpoque, nous recevions [] des rapports rguliers sur la
situation sur le terrain qui indiquaient clairement que les forces bosno-serbes
envisageaient dattaquer la zone de scurit de Srebrenica. Certains de ces rapports
venaient mme du gnral Smith , admet le gnral Manfred Eisele22. Cet officier allemand
qui dirige la division planification et soutien au sein du Dpartement des oprations de
maintien de la paix de lONU (Domp, lquivalent dun ministre de la Dfense de lONU)
New York se demande comment contrer cette menace. Les cinq cents soldats des forces
dinfanterie nerlandaises dploys dans lenclave de Srebrenica et quips darmes
lgres ne peuvent opposer aucune rsistance face lartillerie serbe. Les dfaillances du
dispositif de protection des zones de scurit en Bosnie viennent dtre pointes par
plusieurs rapports de lONU qui prconisent des modifications pour assurer une protection
plus efficace en cas dattaques massives. Les conseillers dEisele au sein du Domp suggrent
donc de renforcer la protection de la poche de Srebrenica laide de troupes au sol. Celles
des forces danoises sont quipes de chars et stationnes soixante-dix kilomtres au
nord-ouest, Tuzla23. Les gouvernements danois et nerlandais y sont favorables. Mais le
2 avril 1995, les tats-Unis opposent une fin de non-recevoir lors dune runion entre Kofi
Annan, le patron du Domp, et Madeleine Albright, lambassadrice amricaine auprs des
Nations unies. Ils considrent la proposition indfendable au motif quune telle opration
ncessiterait non seulement un soutien arien de lOtan mais galement lengagement
dhlicoptres amricains pour transporter les troupes et les chars lintrieur de lenclave
assige. En ralit, ils savent que plus il y aura de Casques bleus dans ces gupiers, plus les
moyens militaires pour assurer leur scurit, voire leur repli, seront importants. Or
ladministration Clinton ne veut pas sengager dans une telle dynamique qui la forcerait
simpliquer militairement en Bosnie. Le prsident amricain sest toujours refus
dployer des troupes au sol, hormis pour aider mettre en uvre un accord de paix.
seulement un an et quelques mois de llection prsidentielle, il nentend pas changer de
position.
Les tats-Unis, le Royaume-Uni et la France prfrent prcipiter un change des enclaves
pendant quil en est encore temps. Miloevi mise justement sur la pression combine
des militaires serbes et des chancelleries occidentales pour obtenir Srebrenica, epa et
Gorade sans risquer la fureur des avions de lOtan en cas dassaut contre des zones de
scurit de lONU24. Au pied du mur, le prsident Alija Izetbegovi envoie alors un
missaire Belgrade ngocier avec Miloevi les possibles contreparties territoriales. Le
leader bosniaque hsite. Il ne tranchera finalement pas, abandonnant ainsi Srebrenica au
bon vouloir des puissances occidentales et la merci de larme de Mladi.
Quelques jours plus tard, Alija Izetbegovi runit tous les commandants de corps de son
arme et leur signifie que la priorit est le dsenclavement de Sarajevo, la capitale assige,
pilonne et martyrise depuis trois ans par les forces serbes. Le commandant de la dfense
de Srebrenica, Naser Ori, est venu avec une quinzaine de ses plus fidles combattants
plaider en faveur dune offensive visant prendre revers les troupes serbes avant quelles
ne se concentrent autour de Srebrenica. Sa proposition nest pas tudie. Et, en ce mois
davril 1995, Ori et ses hommes se voient refuser lautorisation de retourner dans
lenclave, malgr les signes prcurseurs dune opration militaire serbe. Au manque
darmes, de nourriture et de soins dont souffre Srebrenica sajoute dsormais labsence de
commandants militaires.
Daucuns y voient la preuve de labandon de Srebrenica par Izetbegovi et le haut
commandement militaire. lpoque, le commandant de larme bosnienne Rasim Deli
estime, en effet, que Srebrenica et les autres enclaves de Bosnie orientale sont des
fardeaux supplmentaires pour larme et le gouvernement bosniens . Mais dautres,
comme David Harland, ancien responsable des affaires civiles de lONU en Bosnie, assurent
au contraire quIzetbegovi rsiste toujours lide de cautionner la purification
ethnique par un ordre dvacuation des rfugis et des habitants de Srebrenica25. Pour les
dirigeants bosniaques, la communaut internationale a vot un embargo sur les armes et
pris la responsabilit de dfendre les enclaves les plus vulnrables ainsi que la population
et cest donc aux Occidentaux de faire la guerre aux Serbes sils tentent de semparer des
zones de scurit trop profondment enclaves en territoires ennemis pour permettre
larme bosnienne mal arme den assurer la dfense.
Le 7 mai 1995, Miloevi convoque la direction politique bosno-serbe dans sa rsidence
de Karaorevo. Cest dans ce discret pavillon de chasse en pleine fort, une centaine de
kilomtres de la capitale, quil sest entretenu toute la journe du 6 mai avec le mdiateur
amricain Robert Frasure. Pour amener les dcideurs occidentaux cder aux Serbes les
trois enclaves convoites, il lui faut convaincre Radovan Karadi de se contenter de 49 %
du territoire bosnien. Or limptueux leader des sparatistes serbes de Bosnie nentend pas
renoncer un tat serbe sur les deux tiers de la Bosnie-Herzgovine et veut croire quil lui
est encore possible dimposer les conditions de la paix. Depuis un an, le torchon brle entre
les deux hommes. Mais Miloevi a su tirer profit du jusquau-boutisme de son ancien
affid. De dirigeant cynique et inflexible, toujours prompt sasseoir sur ses engagements,
le prsident de la Serbie, que la presse internationale surnomme le boucher des
Balkans , sest impos en partenaire incontournable dune solution ngocie. Les
Occidentaux misent plus que jamais sur lui pour arrter lescalade militaire en isolant les
Serbes de Bosnie, dont la Russie elle-mme allie traditionnelle des Serbes dit ne plus
tolrer la barbarie .
Karaorevo pourtant, Miloevi saffiche en chef de guerre plutt quen mdiateur. Il
certifie ses htes quil ne rejoindra pas la table de ngociations tant que la carte de
partage des entits naura pas t modifie. Ses priorits nont pas chang depuis dbut
1991 lorsquil fomentait la guerre et dpchait ses missaires auprs des nationalistes
serbes de Bosnie pour les armer et leur transmettre les consignes : Une bande de
26
territoire de cinquante kilomtres louest de la Drina sera entirement serbe .
Miloevi les somme dachever la mission quil leur a confie quatre ans plus tt et
dliminer, une fois pour toutes, les dernires populations bosno-musulmanes encore
prsentes dans la valle de la Drina. Karadi tente de le convaincre de faire disparatre une
quatrime enclave, celle de Biha. Pour les dirigeants bosno-serbes, cette poche
musulmane lextrme nord-ouest de la Bosnie, coince entre les conqutes serbes en
27
Bosnie et en Croatie, empche, de par son existence, la constitution dune Grande Serbie .
Mais Miloevi sy oppose. Il somme Karadi de renoncer sa politique maximaliste, voue
conduire une dfaite serbe en Bosnie. Lurgence, insiste-t-il, est de repousser les
limites de la rsistance des populations assiges jusquau point de rupture de sorte que
les enclaves de Bosnie orientale seffondrent.
Le 7 mai Karadjordjevo, Miloevi et ses htes voquent le sort des milliers dhommes
bosniaques une fois les enclaves entre les mains des forces serbes. Radovan Karadi le fait
savoir lun de ses proches conseillers lissue de la runion. Ils navaient pas lintention
de tuer les civils mais le fait que les civils puissent [une fois expulss] devenir, deux jours
plus tard, des soldats leur posait problme , explique le conseiller, dix ans aprs les faits,
sous le couvert de lanonymat. La mme question stait pose en 1993 lorsque Ratko
Mladi avait ordonn ses troupes de prendre Srebrenica. Des coutes tlphoniques du
16 avril 1993, rvles en dcembre 2014, montrent que les officiers serbes avaient pour
28
directive de tuer tous ceux qui portent des armes .
Le 8 mai 1995, Miloevi fustige la pure folie de la direction politique bosno-serbe
auprs du gnral Mladi. Il ne dnonce pas sa folie meurtrire mais bien sa mgalomanie.
Si tu les laisses prendre les dcisions, on narrivera rien []. Nous ne pouvons pas
conserver 70 % du territoire []. Continuer la guerre alors que le monde entier est contre
nous nous replongerait lge de pierre , martle-t-il. Miloevi a runi Belgrade le
gnral Mladi et le gnral Momilo Perii, chef dtat-major de larme de Serbie et de
facto des forces serbes en Bosnie et en Croatie. Mladi prend ses ordres Belgrade et
Miloevi, principal financier de leffort de guerre, entend faire pression sur linsoumis
Karadi via Mladi dont le prsident serbe clbre la loyaut en disant parfois ses
conseillers : Il est avec nous 200 %.
Le dpart des Casques bleus se prcise
Belgrade, les ngociations entre Robert Frasure et Slobodan Miloevi pitinent tandis
que, sur le terrain, les combats sintensifient. Faute daccord des dirigeants bosniaques
pour marchander les enclaves et demander la population dvacuer, le diplomate
amricain ne peut pas sengager proposer une nouvelle carte de dcoupage territorial de
la Bosnie-Herzgovine. Dans un premier temps, Washington conclut lchec de la mission.
Mais aucune des options qui souvrent nest cependant envisageable.
La politique amricaine envers la Bosnie traverse une phase critique car nous risquons
dtre confronts au retrait de la Forpronu et lenvoi de forces terrestres de lOtan, dont
des troupes amricaines, pour une mission dont lissue est incertaine , reconnaissent les
principaux conseillers de politique trangre de la Maison Blanche dans leurs rapports des
17 et 18 mai 199529. Bien que fermement opposs lenvoi de troupes au sol, les tats-Unis
nont pas eu dautre choix que de promettre de fournir vingt mille de leurs soldats pour
extirper du bourbier balkanique une partie des trente et un mille Casques bleus,
lventuelle opration dextraction devant tre confie lOtan. La perspective de devoir
dployer des milliers de militaires amricains pour assurer une retraite aussi humiliante
que prilleuse des forces de lONU souligne lurgence de reconsidrer les principes
fondamentaux qui guident notre politique et de dterminer les mesures prendre pour
pouvoir agir sur les vnements plutt que de se laisser imposer des choix stratgiques du
30
fait de la situation sur le terrain . Runi le 19 mai la Maison Blanche linvitation du
conseiller la Scurit nationale Anthony Lake, le Comit des grands dcideurs (Principals
Committee) le forum au cur du systme dcisionnel sous ladministration Clinton
rappelle quil est essentiel pour les intrts amricains de maintenir la Forpronu en
Bosnie . lpoque, il estime que la seule option raliste est de rallier les Allis lide
dun retrait de la Forpronu des positions les plus vulnrables, associe une action plus
robuste de la force de lONU, notamment par un recours aux frappes ariennes de lOtan .
Cette formule alors appele regrouper et redynamiser est, de lavis des hauts
fonctionnaires amricains, mme de satisfaire aussi bien la France que le Royaume-
Uni . Cependant, elle pourrait tre perue comme un marchandage des enclaves de
Bosnie orientale contre une meilleure protection des territoires autour de Sarajevo ,
prviennent les conseillers de Clinton en demandant de tenir compte du cot moral ainsi
31
quen termes dimage de labandon des enclaves de lest de la Bosnie . la mi-mai 1995,
lentourage de Clinton hsite encore, conscient toutefois de ne disposer que dune marge de
manuvre trs limite du fait de limpratif amricain de maintenir cote que cote les
Casques bleus en Bosnie. Les tats-Unis ne peuvent donc pas louvoyer pour maintenir le
statu quo, la France ayant dj indiqu vouloir retirer ses troupes de Bosnie si les
conditions actuelles devaient perdurer32 . Comme les Europens, ils ne sont pas non plus
disposs faire la guerre aux Serbes pour imposer une paix dont ces derniers ne veulent
pas.
Des enclaves devenues encombrantes
Les enclaves sont indfendables et le statu quo intenable , dclare quelques jours plus
tard le gnral Bernard Janvier devant les membres du Conseil de scurit des Nations
unies et des pays contributeurs de troupes en Bosnie. Lofficier franais, commandant
militaire de lONU dans lex-Yougoslavie, est venu le 24 mai 1995 New York rclamer aux
politiques une modification du dispositif de protection des zones de scurit . Depuis des
mois, les militaires au sein de lONU dnoncent en vain linquation entre le mandat et les
moyens mis disposition en Bosnie. Ils sinquitent de la vulnrabilit des soldats de lONU
qui, isols dans les enclaves, sexposent aux risques de reprsailles sils font appel au
soutien arien de lOtan pour sefforcer daccomplir la mission qui leur a t assigne. En
session huis clos, Janvier exige une rponse car, dit-il, ces carences mettent la fois en
danger les Casques bleus dploys dans les enclaves et les populations civiles quils sont
censs protger. Pour rendre le dispositif efficace et aller jusquau bout de la logique
dfinie dans les rsolutions du Conseil de scurit, il prconise soit daugmenter
massivement les troupes dans les enclaves les plus menaces lest du pays, soit de les en
retirer et de les regrouper ailleurs en Bosnie afin de faciliter laction des forces ariennes
de lOtan la seule arme puissante dont nous disposons en cas de menace serbe.
Nous avons peu de temps devant nous, nous devons prendre les mesures qui nous
permettent de limiter les risques encourus par nos forces , insiste le gnral franais. Et de
conclure : Soyons honntes avec nous-mmes et avec ceux que nous nous sommes
engags protger. cartons-nous des endroits o tombe la foudre, si nous ne nous
donnons pas les moyens daffronter la tempte.
Madeleine Albright soppose violemment la proposition de redploiement de Janvier,
pourtant identique celle recommande une semaine auparavant par les conseillers de la
Maison Blanche qui la qualifient alors de seule option raliste . Elle accuse le gnral
franais de chercher vider les zones de scurit . Les fuites lautomne 1995 dans la
presse de lintervention huis clos du gnral Janvier New York contribuent convaincre
lopinion publique du rle dterminant de lofficier franais dans labandon des enclaves les
33
plus vulnrables .
Lambassadrice des tats-Unis auprs de lONU na cependant pas pris partie lofficier
franais pour sauver les enclaves. Le secrtaire gnral de lONU, Boutros Boutros-Ghali, a
dj averti les membres du Conseil de scurit, lors dun briefing huis clos le 16 mai, que
la reprise des hostilits et les risques de reprsailles lencontre des Casques bleus
ncessitaient de procder des changements sur le terrain , suggrant de rduire les
effectifs de la force de lONU et de les regrouper . Lui aussi proposait dabandonner les
positions indfendables, notamment certaines des zones de scurit les plus isoles en
Bosnie orientale34. Ladministration amricaine sinquite de ces propositions de repli
stratgique, presque tout autant que du retrait complet de lONU de Bosnie. Car, dans les
deux cas, les troupes amricaines devront intervenir en Bosnie pour vacuer les Casques
bleus. Le 24 mai, Madeleine Albright a pour mission de dissuader les Franais et les pays
contributeurs de troupes [sous pavillon de lONU] de requrir lappui des troupes
35
terrestres de lOtan pour regrouper leurs Casques bleus en Bosnie centrale . Les plans
oprationnels de lOtan, prpars fin 1994, prvoient, dans lventualit dun dpart de
lONU, lengagement de soixante mille soldats dont un tiers dAmricains, pressentis pour
assurer le retrait des Casques bleus de Srebrenica ou des autres enclaves de lest de la
Bosnie.
Belgrade, les ngociations entre Slobodan Miloevi et Robert Frasure viennent
datteindre un point de rupture. Lenvoy amricain a concd Miloevi une leve de
lembargo international contre la Serbie pour une priode dessai de deux cents jours et le
nom de Republika Srpska (Rpublique serbe) pour la future entit bosno-serbe. Mais
depuis Washington na pas valid loffre, objectant labsence de mcanisme de rimposition
des sanctions au cas o Miloevi ne tiendrait pas sa promesse darracher ladhsion des
dirigeants nationalistes bosno-serbes au plan de paix. Le 22 mai, le prsident serbe a retir
son accord de principe et charg ses retres en Bosnie de prendre par la force ce quil na
pas arrach la table des ngociations. Yasushi Akashi, le chef politique de la mission de
lONU en ex-Yougoslavie, crois rcemment Belgrade, Robert Frasure dit alors de
Miloevi : Regardez-le, cest un chef de Mafia, fatigu de vendre de la drogue dans le sud
du Bronx, qui sapprte sinstaller Palm Beach pour se reconvertir dans les obligations
36
spculatives . Miloevi espre un march mais nest pas prt, pour sa part, le conclure
nimporte quel prix. Dans ses notes son administration, Robert Frasure a prvenu :
Pour passer un accord avec un chef mafieux, il faut tre prt cder suffisamment de
37
terrain pour sassurer quil remplira sa part du contrat. Cest pareil avec Miloevi .
Aussitt, les forces serbes redploient leur artillerie lourde et soumettent Sarajevo, lune
des six zones protges , dintenses bombardements, traitant par le mpris les
injonctions des commandants de lONU de cesser le feu. Le 25 mai, les avions de lOtan
pilonnent deux dpts de munitions proximit de Pale, la place forte des scessionnistes
serbes de Bosnie au-dessus de la capitale bosnienne. En reprsailles, les forces serbes font
feu sur Srebrenica, qui connat sa plus violente attaque dartillerie depuis 1993, et sur la
zone de scurit de Tuzla, o soixante et onze jeunes, rassembls sur la terrasse dun
caf du centre-ville, sont tus par un obus. LOtan riposte mais les Serbes ne cdent pas. Le
26 mai, ils prennent trois cent soixante-dix soldats de lONU en otages et les utilisent
comme bouclier humain pour empcher de nouvelles frappes de lOtan. Les tlvisions du
monde entier retransmettent les images humiliantes des Casques bleus enchans des
pylnes ou se rendant, drapeau blanc la main. La Bosnie est nouveau propulse sur le
devant de la scne internationale et, avec elle, limpuissance des gouvernements
occidentaux mettre un terme ce bain de sang qui perdure au cur de lEurope.
La prise dotages a fragilis davantage la position des Casques bleus sur le terrain et
Washington redoute la raction de ses partenaires europens. Le 27 mai, le prsident
Clinton tlphone Jacques Chirac, le tout nouveau prsident franais en poste depuis le
17 mai, puis au Premier ministre britannique, John Major, pour les dissuader de demander
le retrait des Casques bleus de Bosnie. Les deux pays fournissent les plus gros efforts sur le
terrain avec prs de sept mille soldats ct franais et quatre mille ct britannique. Et
dplorent dj plusieurs dizaines de morts. Le prsident Chirac nexclut pas demble le
maintien des troupes franaises. Pour rester, il rclame dadopter une posture beaucoup
plus dtermine, taye par des moyens militaires supplmentaires, y compris le cas
chant le dploiement dune capacit de raction rapide . Sa position tranche avec celle
de son prdcesseur. Car Franois Mitterrand na eu de cesse de clamer son refus de faire la
guerre aux Serbes. Jacques Chirac, lui, condamne la situation dimpuissance et
dhumiliation des militaires franais et qualifie les preneurs dotages de terroristes. La
veille, devant un conseil restreint sur la Bosnie runi llyse, il a mme dnonc le
laxisme des Casques bleus provoquant lire de lamiral Jacques Lanxade, le chef dtat-
major des armes depuis 1991, qui lui a prsent sa dmission. Et, le soir mme, il a lui-
mme appel les commandants militaires franais sur le terrain pour leur transmettre les
instructions de fermet quil entend dsormais leur voir faire appliquer. Du coup, le gnral
Herv Gobillard, tout juste nomm la tte des forces de lONU Sarajevo, na pas hsit un
instant lorsque, le lendemain laube, des Serbes, dguiss en soldats franais, se sont
empars du poste de contrle du pont de Vrbanja, en plein centre de la capitale. Appuyes
par des blinds, les troupes de marine du bataillon franais ont contre-attaqu et repris
dans la matine cette position stratgique, au prix de pertes importantes chez les Serbes
mais aussi de deux tus et dix-sept blesss ct franais. Au tlphone quelques heures
plus tard, Chirac demande nanmoins son homologue amricain de relancer une
dmarche politique pour arracher un accord de paix . En clair, le prsident franais lie les
avances des pourparlers avec Miloevi au maintien de ses Casques bleus en Bosnie.
Le gnral britannique Rupert Smith qui a ordonn les frappes de lOtan pense
nanmoins quil en est fini de la Forpronu quil commande en Bosnie. Il le dit, le 27 mai,
John Menzies, lambassadeur des tats-Unis Sarajevo. Une seule question importe :
faisons-nous la guerre ou pas ? [] Si nous ne sommes pas prts nous battre et
enregistrer des pertes, ne me parlez plus de frappes ariennes, de retrait des armes
lourdes, de dsarmement ou de zones de scurit , prvient lofficier. Et dajouter :
Dans ce cas, lONU devra partir , et la force dextraction de lOtan sera requise. Dans son
cble adress le jour mme au secrtaire dtat Warren Christopher, lambassadeur
amricain se demande sil nest pas en train dassister aux ultimes convulsions de la
mission de Forpronu en Bosnie38 .
Au tlphone avec Bill Clinton le 27 mai, Jacques Chirac et John Major parviennent
arracher au prsident amricain un accord de principe sur lenvoi de troupes terrestres
amricaines pour encadrer le dpart de lONU de Bosnie lautomne, dfaut dun accord
de paix. Ni le Franais ni le Britannique nenvisagent de simpliquer plus longtemps
militairement en Bosnie si, de son ct, Clinton ne sengage pas formellement participer
la force dextraction de lOtan. lvidence, labsence des tats-Unis porterait un coup fatal
au leadership amricain au sein de lAlliance atlantique. Mais leur participation une
opration terrestre, venue sceller lchec des dmocraties occidentales en Bosnie ,
cornerait leur image et risquerait de coter Clinton sa rlection en 1996. Les leaders du
Congrs amricain ont, dans tous les cas, prvenu quils ne voteraient pas les quelque
700 millions de dollars de contribution amricaine au financement de lopration de lOtan.
Ils prfrent opter pour la leve de lembargo international sur les armes qui, depuis le
dbut de la guerre, pnalise principalement les Bosniaques. Une mesure qui se traduirait
invitablement par une intensification des combats et prcipiterait la dbandade des
Casques bleus et donc limplication militaire amricaine au cur des Balkans. Le cercle est
vicieux et ladministration Clinton dans limpasse, plus encore depuis la prise de Casques
bleus en otages. La Bosnie est devenue le cancer qui ronge la politique trangre
amricaine , rsume alors Anthony Lake. Clinton ne peut laisser la Bosnie lui coter un
deuxime mandat comme cela fut le cas avec le Vietnam pour Lyndon Johnson.
Le 29 mai, Lake demande au prsident Clinton de dcider si laccord de principe donn
Chirac et Major sur lengagement de troupes amricaines concerne galement laide au
repli des units de la Forpronu hors des enclaves de Bosnie orientale et leur regroupement
sur des positions plus dfendables ailleurs en Bosnie . Dans sa note au Prsident, Lake
souligne que la plupart des hauts fonctionnaires de la Maison Blanche en charge du dossier
Bosnie prfreraient ne pas voir un retrait des enclaves de lest et le cauchemar
humanitaire auquel pourraient tre confronts les civils de lenclave qui ont, prsentement,
la promesse dtre protgs par lONU . Le conseiller la Scurit nationale ne croit plus
depuis longtemps la survie des enclaves. Il prvient nanmoins Clinton que la Maison
Blanche sera presse de toute part de dcliner une demande de soutien si une opration
de lOtan tait dclenche pour sortir les Casques bleus des enclaves. Lake suggre donc
de dissuader les Europens de demander laide de lOtan pour regrouper les forces de
lONU dans le centre de la Bosnie. Et de conclure : Il nest pas dans notre intrt de voir
lONU abandonner les enclaves de Bosnie orientale39.
Lentente secrte des trois grandes puissances
Clinton a dj pris les devants le 27 mai lorsquil promet son homologue franais et au
Premier ministre britannique de soutenir toute mesure capable de renforcer la scurit
des Casques bleus afin de retarder leur dpart de Bosnie. Derrire la formule sibylline se
cache la dcision des trois dirigeants de suspendre le recours la force arienne. La France,
la Grande-Bretagne, le Canada et les autres nations dont les Casques bleus sont retenus en
otages sopposent de nouvelles frappes de lOtan, le temps dobtenir leur libration et de
mettre en place des moyens militaires supplmentaires pour augmenter la capacit
daction et de raction des forces de lONU sur le terrain. Mais cette mesure garde secrte
va trs vite servir un autre objectif.
Le lendemain aprs-midi, Anthony Lake convoque dans la situation room de la Maison
Blanche le Principals Committee. La perspective dune intervention des tats-Unis en
Bosnie non pas pour mettre fin aux exactions mais pour exfiltrer les troupes de lONU en
droute et abandonner les populations leur sort se prcise chaque jour un peu plus. Lake
souligne donc lurgence de sortir de limpasse et dbaucher une stratgie capable
dliminer les derniers obstacles majeurs un accord de paix. Clinton vient de sengager
relancer une dynamique diplomatique en change de la promesse de Jacques Chirac et de
John Major de maintenir leurs Casques bleus au moins jusqu lt. Anthony Lake suggre
de poursuivre les ngociations avec Miloevi et de garder Robert Frasure Belgrade. Puis,
dans le plus grand des secrets, le Comit des grands dcideurs formalise laccord pass la
veille entre Clinton et ses homologues franais et britanniques et convient de suspendre
40
jusqu nouvel ordre le recours aux frappes ariennes de lOtan contre les Serbes .
Linformation est rvle par inadvertance, en novembre 2005, dans un ouvrage
dclassifi sur les efforts de paix amricains en Bosnie, sign par deux anciens
fonctionnaires du dpartement dtat amricain ayant eu un accs privilgi aux archives
diplomatiques. Dix ans plus tard, la dcision du 28 mai 1995 reste toujours mconnue du
public.
Dans sa note au prsident Clinton date du 29 mai 1995, Anthony Lake souligne la
ncessit de faire preuve de la plus grande discrtion : En priv, nous allons accepter de
faire une pause sur de nouvelles frappes ariennes mais nous ne ferons aucune dclaration
41
publique ce sujet . Contrairement la pratique, les conclusions de cette runion ne
sont pas diffuses au sein de ladministration amricaine en raison de leur caractre
sensible et restent aujourdhui encore inaccessibles alors que la plupart des comptes
rendus des autres runions du Principals Committee consacres au printemps 1995 la
Bosnie ont t dclassifis en 2013. Logiquement, toute rfrence cette dcision clef de la
direction amricaine aurait d tre expurge des documents dclassifis sur la Bosnie. Car
sa mise au jour rduit nant lhistoire officielle.
Depuis 1995, les tats, et en particulier les tats-Unis, certifient navoir aucun moment
renonc au recours la force arienne de lOtan mme pendant la crise des otages
lorsquune telle dcision pouvait savrer ponctuellement lgitime. Si certains Europens,
comme la France, ont fini par concder du bout des lvres stre assurs que les avions de
lOtan resteraient au sol jusqu la libration des otages, ils dmentent catgoriquement
toute entente entre grandes puissances sur un gel des frappes ariennes le temps de sortir
le processus de paix de limpasse. Seffondrent dsormais vingt ans de mensonges et de
manipulations. Deux dcennies durant lesquelles les tats-Unis, la France et la Grande-
Bretagne se sont retranchs derrire lONU pour occulter un choix politique qui, du fait de
ses consquences, va trs vite savrer inavouable. Au prix domissions et de silence, ils
assnent aujourdhui encore quun enchanement derreurs et dinsuffisances, imputables
en premier lieu aux responsables militaires de lONU sur le terrain, a concouru la
paralysie de la communaut internationale et ce qui va devenir, en juillet 1995, le plus
grand chec de scurit collective de lOccident depuis les annes trente , selon la formule
de Richard Holbrooke.
Ce sombre chapitre de lhistoire de la diplomatie occidentale livre pourtant une tout
autre version des faits. Fin mai 1995, les trois grandes puissances ne se contentent pas de
renoncer au seul moyen de dissuasion contre les troupes serbes qui dj se mettent en
ordre de bataille autour de Srebrenica. Larme arienne de lOtan tait la seule assurance
vie des enclaves menaces de la valle de la Drina. Sa neutralisation provisoire pouvait
relever du principe de prcaution mais les mesures prises dans la foule tmoignent dune
tout autre volont.
En moins de quarante-huit heures, le mandat de la Forpronu et les clefs dactivation de
larme arienne sont subrepticement modifis. Pour la premire fois depuis le dbut de la
guerre, les puissances occidentales mettent entre parenthses leurs moyens daction
militaire.
Le 28 mai, lenvoy spcial pour lex-Yougoslavie du secrtaire gnral des Nations unies,
Yasushi Akashi, transmet au gnral Janvier, de retour son poste, de nouvelles directives.
Le diplomate japonais lui annonce que, dsormais, lexcution du mandat passe aprs la
scurit du personnel des Nations unies . Les troupes devront se cantonner strictement
aux principes de maintien de la paix et viter toute action qui pourrait dgnrer en
confrontation ou en une nouvelle escalade des tensions qui requerrait dventuelles
frappes ariennes de lOtan .
Sans lappui des avions de lOtan, les forces de lONU sont dans lincapacit dassurer le
plein respect des six zones de scurit , conformment au mandat largi que leur a
confi, en juin 1993, le Conseil de scurit (rsolution 836). Le secrtaire gnral des
Nations unies ne peut donc faire autrement que de rduire au strict minimum la mission
des Casques bleus. Il agit alors sous lautorit du Conseil de scurit42.
Les tats-Unis, la France et le Royaume-Uni avancent couvert. Par procuration, ils
mettent en place toutes les mesures indispensables la neutralisation temporaire de
larme arienne. Lune de ces mesures doit leur assurer le plein contrle des procdures
dengagement de la force arienne, jusquici aux mains principalement des militaires. Les
25 et 26 mai, cest le commandant des Casques bleus en Bosnie, le gnral britannique
Rupert Smith, qui a pris linitiative des frappes de lOtan. Sa demande a ensuite t soumise
la codcision de lONU et de lOtan, donc un systme de double clef. Ct onusien,
lautorisation appartient aux commandants militaires sur le terrain, seuls mme dvaluer
le besoin de protection des troupes et de dterminer do vient la menace afin dindiquer
les cibles lOtan. Ct Alliance, elle revient au commandant des forces allies en Europe.
Les nouvelles directives envoyes par New York aux forces de lONU dans les Balkans
ninterdisent pas les frappes : les rsolutions du Conseil de scurit les autorisant depuis
1993 sont toujours en vigueur et les tats-Unis nont pas lintention de les abroger
formellement et risquer un veto de la Russie, le jour o ils souhaiteraient rtablir la menace
arienne.
Dans un mmo adress le 29 mai 1995 au prsident Clinton, le conseiller la Scurit
nationale Anthony Lake explique lintrt de garder sous le coude loption de larme
arienne : Nous ncartons pas la possibilit de nouvelles frappes ariennes. Si, toutefois,
des frappes savraient nouveau ncessaires, il faudra alors opter pour une approche plus
robuste de manire ce que lONU et lOtan ne soient plus, comme aujourdhui, limites
dans leur rponse par le principe de proportionnalit mais puissent, au contraire, agir
lheure et au lieu de leur choix. Et Lake dajouter : Le secrtaire dtat Warren
Christopher va sonder lavis de nos allis sur le principe de disposer dun plan durgence de
frappes massives si lattitude des Serbes lexigeait, notamment si des otages venaient tre
43
excuts . Dans labsolu, les commandants militaires de la Forpronu peuvent donc
encore faire appel lOtan en cas de danger imminent. Pour nanmoins les en empcher,
les trois puissances occidentales les privent de cette prrogative, laissant cette fois encore
le soin de modifier la procdure au secrtaire gnral des Nations unies, Boutros Boutros-
Ghali.
Fin mai 1995, le gnral Janvier et ses subordonns aux commandes des contingents
dploys travers la Bosnie se voient retirer lautorit dautoriser lintervention des avions
de lOtan. Boutros-Ghali indique que lemploi de la force arienne sera dsormais dcid au
sige de lONU New York et au quartier gnral (QG) de lOtan. La double clef est ainsi
transfre aux dcideurs politiques sigeant, le plus souvent, des milliers de kilomtres
du thtre des oprations.
Dans la pratique, lapprobation des frappes ariennes denvergure ou air strikes est
dsormais rserve au secrtaire gnral des Nations unies, alors que, par souci
defficacit, elle revenait auparavant son fond de pouvoir au sein du QG des forces de
lONU Zagreb, le diplomate japonais Yasushi Akashi. Quant lapprobation de lappui
arien rapproch frappes ponctuelles et limites galement appeles close air support
(CAS) elle revient Akashi en liaison avec Boutros-Ghali New York, alors quelle tait
jusque-l aux mains des seuls commandants militaires de lONU sur le terrain.
Selon la version officielle, relaye par la plupart des ouvrages, la dtermination
occidentale protger les zones de scurit a t neutralise par un systme inadapt
de double clef qui se serait gripp aux chelons suprieurs de la chane de commandement
militaire des Nations unies. En ralit, ce systme a t abandonn et remplac plusieurs
semaines avant la chute de Srebrenica. Les officiers de lONU dans les enclaves vont en faire
lamre exprience, ds le dbut du mois de juin.
Le 29 mai, le gnral Janvier transmet au gnral Smith et son tat-major en Bosnie les
nouvelles instructions dlivres par New York. Les commandants militaires de lONU sur le
terrain ignorent que, dans les hautes sphres politiques, la dcision a t prise de
suspendre pour une priode indtermine tout engagement de lOtan. La post air strike
guidance ( instructions conscutives aux frappes ariennes ) quils reoivent se contente
darguer du constat dchec des frappes de fin mai, qui se sont soldes par une prise
dotages, pour restreindre le recours la force. Les Casques bleus ont ordre de ne faire
appel larme arienne quen ultime recours afin dviter les risques de reprsailles leur
encontre. Sils sont en danger, il leur est dsormais recommand dabandonner les
positions indfendables . Pour assurer la protection des troupes de lONU sans le soutien
de lOtan, le mandat de lONU en Bosnie est ainsi redfini, sans passer par ladoption dune
nouvelle rsolution du Conseil de scurit.
Bien dcids cacher leur jeu, les dirigeants occidentaux commencent organiser des
fuites cibles dans la presse afin de rendre invisibles les preuves de leur responsabilit
dans ce renoncement. Le fusible sera le gnral Janvier, la tte du bras militaire de lONU
en ex-Yougoslavie et qui va tre attribue linitiative de ces nouvelles directives. Ses
cbles confidentiels au gnral Rupert Smith ainsi que sa correspondance et ses entretiens,
tout aussi confidentiels, avec Yasushi Akashi sont livrs en guise de rponse aux
journalistes qui souponnent un abandon prmdit de Srebrenica. Souvent critique pour
la lourdeur de son systme, le caractre inadapt et ambigu du mandat donn ses
Casques bleus, les carences de certains de ses bataillons, sa lgendaire inefficacit et ses
tragiques checs, comme au Rwanda un an plus tt, lONU est une proie facile et ses hauts
responsables militaires de parfaits boucs missaires. Elle a beau sriger en conscience
morale du monde , elle a laiss pas loin dun million de civils tutsis se faire massacrer la
machette en trois mois et regard commettre lirrparable en Bosnie. Elle a perdu la
confiance des opinions publiques qui ne croient plus en ses sentiments humanitaires et
pacifiques ni en ses promesses dun avenir meilleur fond sur le respect des valeurs
universelles.
Le gnral Bernard Janvier incarne lONU dans la rgion et va tre considr comme le
principal responsable de la tragdie qui adviendra en juillet 1995. Ses manifestes erreurs
de jugement lgard de larme serbe et de son chef en Bosnie, le gnral Mladi, ses
atermoiements, labsence du courage quil et fallu lhomme pour dmissionner et au
militaire pour rsister aux ordres ineptes de ses autorits de tutelle ne plaident pas en
faveur de lofficier franais. Les missions denqute et autres groupes dexperts qui se sont
aventurs sur le chemin de la recherche des responsabilits internationales dans la chute
de Srebrenica, tout au long de ces deux dcennies, ont gliss trs pudiquement sur les
ambiguts de la politique suivie par Londres, Paris et Washington dans ces dernires
semaines fatidiques qui ont prcd le drame. Ils ont ainsi minimis le rle des trois
grandes puissances, omis dexaminer vritablement la pertinence de leurs choix dans la
conduite de leur politique trangre et fait de lONU et des dfaillances de son systme le
catalyseur dun gnocide en Europe.
Le gnral Rupert Smith fait immdiatement connatre au bataillon hollandais
Srebrenica les nouvelles instructions. Lordre que jai reu aujourdhui mme, le 29 mai
1995, crit-il, stipule que lexcution du mandat passe aprs la scurit du personnel des
Nations unies. Il sagit dviter des pertes humaines dans le seul but de dfendre des
positions et de ne pas sexposer inutilement au risque dtre pris en otage. Et lofficier
britannique de prciser : Selon moi, cette directive signifie que [] les positions qui
peuvent tre renforces ou quil convient de rcuprer pour tre en mesure de contre-
attaquer ne doivent pas tre abandonnes ; les positions isoles en territoires sous contrle
de larme bosno-serbe et qui ne peuvent pas recevoir dappui peuvent tre abandonnes,
la discrtion du commandant suprieur, lorsquelles sont menaces et lorsquil estime quil
y a des risques de pertes humaines. Au 31 mai, les Casques bleus hollandais ont dj
abandonn six postes de dfense isols autour de lenclave de Srebrenica.
er
Le 1 juin, le commandant serbe du corps darme de la Drina somme le commandant du
bataillon hollandais Thom Karremans de retirer ses hommes dun autre poste avanc
stratgique, situ lintersection des routes contrlant laccs sud de la zone de scurit
de Srebrenica. Le lendemain, les troupes serbes attaquent et semparent du poste convoit.
Le lieutenant-colonel Karremans sollicite alors un appui arien de lOtan pour protger ses
soldats. Sa demande est rejete, au prtexte quune attaque de lOtan, mme limite,
pourrait entraver une nouvelle initiative de paix du Groupe de contact. Laccord conclu
secrtement entre les trois grandes puissances est dj luvre mais lofficier hollandais
lignore. Le jour mme, les Serbes abattent un chasseur F-16 amricain en survol au-dessus
de la Bosnie, sans susciter de riposte. Le pilote Scott OGardy parvient sjecter et survit.
Le 3 juin, cent vingt et un Casques bleus retenus en otages sont relchs. Les Serbes
dtiennent alors encore deux cent cinquante-sept otages.
Pendant ce temps, runis Paris, les ministres de la Dfense des pays de lUnion
europenne et de lOtan autorisent lenvoi de troupes de combat pour renforcer la scurit
des Casques bleus en Bosnie-Herzgovine. Ils dcident de se donner les moyens de ragir
chaque fois que les soldats de lONU sont attaqus, humilis ou privs de leur libert de
mouvement . Le prsident Chirac le promet. Mais cette force de raction rapide (FRR)
nest pas destine rejoindre les enclaves de lest de la Bosnie et les dfendre. Au
contraire, elle pourrait mme tre amene assurer le retrait des Casques bleus de Bosnie
orientale. Car au tlphone, fin mai, Clinton, Chirac et Major sont convenus de tenter de
regrouper et redynamiser la Forpronu, avant de dclarer forfait et de sortir les Casques
bleus du pays. Jacques Chirac et John Major ont, les jours suivants, peaufin lide de crer
une force internationale terrestre, sous mandat de lONU, forte de douze mille hommes et
dote de chars, de pices dartillerie lourde et dhlicoptres dassaut. Avec la FRR, Franais
et Britanniques peuvent sans tarder dployer les moyens militaires supplmentaires quils
rclament. Washington, pour sa part, obtient lassurance que les Europens ne solliciteront
pas, ce stade, lappui dune force terrestre de lOtan et donc de troupes amricaines
pour scuriser le repli des Casques bleus les plus vulnrables.
Malgr le fervent plaidoyer du ministre britannique de la Dfense, Malcolm Rifkind44, en
faveur de labandon des enclaves de Bosnie orientale au cur du blocage des pourparlers
avec Miloevi , les ministres europens, runis le 3 juin Paris, ne sont cependant pas
plus disposs que les Amricains envoyer leurs propres troupes vacuer les Casques
bleus et, invitablement, les populations civiles des trois poches, places sous la protection
des Nations unies. Le plus acceptable pour les Serbes serait de leur laisser les enclaves.
Cest lapproche la plus raliste et, dun point de vue militaire, elle est sense, mais la
communaut internationale ne peut pas laccepter , reconnat quelques jours plus tard le
gnral Bernard Janvier.
Lofficier franais sexprime ainsi lors dune runion le 9 juin avec le gnral Rupert
Smith et Yasushi Akashi. Le haut reprsentant politique des Nations unies les a convoqus
Split, sur la cte Adriatique, pour discuter de la situation depuis la crise des otages. Pour
justifier aussi les nouvelles instructions qui leur commandent de sen tenir dsormais
des principes stricts de maintien de la paix et de sabstenir de faire appel lOtan pour
dissuader les attaques contre les zones protges . Les grandes puissances et les pays
contributeurs de troupes, prvient-il, ne veulent aucun prix franchir la ligne de
Mogadiscio celle qui spare le maintien de la paix de son rtablissement par la force et
qui, sur le modle du fiasco somalien en 1993, provoquerait le chaos et des pertes parmi les
Casques bleus, et ainsi prcipiterait leur retrait dfinitif de Bosnie. La nouvelle politique
des tats est sans ambigut : lONU nest plus en Bosnie pour faire respecter les
rsolutions du Conseil de scurit garantissant la survie des enclaves et des populations
civiles piges lintrieur, mais pour assurer la seule scurit de ses soldats de la paix,
enliss dans une guerre qui nen finit pas.
Nous sommes dj au-del de la ligne de Mogadiscio , rtorque le gnral Smith pour
qui la prise de centaines de Casques bleus en otages montre que les Serbes ne nous voient
pas comme des soldats de la paix mais comme des ennemis. Dbut juin, le commandant
de la Forpronu en Bosnie ne sait pas si la future force de raction rapide, appele oprer
sous mandat de lONU, sera charge dentamer le repli des Casques bleus des positions
isoles en territoire sous contrle serbe afin de crer les conditions pour une riposte
militaire plus robuste. Allons-nous utiliser ces troupes pour combattre ? Dans le cas
contraire, je ne suis pas sr de vouloir de ces hommes. Ce ne seront que des bouches de
plus nourrir dont la venue crera des espoirs que je serai incapable de satisfaire ,
maugre le gnral Smith. Si nous agissons selon ses termes , en renonant au recours
la force, avertit-il, Mladi russira nous neutraliser . Et le gnral Janvier de
remarquer : Les Serbes contrlent la situation car, en cas de riposte, ils pourront
toujours prendre en otages les Casques bleus dploys Srebrenica, epa ou Gorade.
Aussi longtemps que les enclaves existeront, nous serons, dans une certaine mesure,
neutraliss , conclut lofficier franais.
Split, le gnral britannique Rupert Smith se dit toujours convaincu que les Serbes
veulent conclure la guerre cette anne et quils sont prts prendre tous les risques
ncessaires pour y parvenir . Selon lui, pour rester matre du jeu, les Serbes lanceront
loffensive au cours de lt , peut-tre mme avant un mois , contre les enclaves de la
valle de la Drina. La cellule Balkans de la Direction du renseignement amricain partage
son analyse. Les Serbes veulent les enclaves de lest , crit-elle dans un rapport du
1er juin 1995 transmis la Maison Blanche. Les trois enclaves de Bosnie orientale sont
extrmement vulnrables toute offensive serbe []. Srebrenica plus que les deux autres
[]. epa, la moins peuple, est entoure de hautes montagnes et Gorade, la plus grande,
dispose dune usine darmement et est dfendue par sept huit mille soldats de larme
gouvernementale. Cependant, rappellent les experts du renseignement amricain, les
commandants de larme gouvernementale ont reconnu ne pas tre en mesure de sauver
les enclaves si elles faisaient lobjet dune offensive majeure des Serbes de Bosnie . Les
forces serbes vont, prcise le rapport, suivre la stratgie habituelle et semparer des
hauteurs autour des principales villes pour y dployer leur artillerie et bombarder les civils
pour les chasser. Si les civils partent, les forces gouvernementales vraisemblablement
suivront et abandonneront les enclaves . Les experts amricains soulignent multiples
reprises que la majorit des populations piges dans les trois poches assiges, environ
cent vingt mille personnes au total, sont des rfugis. Ils prviennent par ailleurs quune
offensive serbe, si elle devait avoir lieu en hiver aprs le dpart de lONU, provoquerait un
nombre important de victimes parmi les civils au cours de leur dportation vers Tuzla ou
Sarajevo. Dclassifi en octobre 2013, le rapport de la Direction centrale du renseignement
(DCI) nvoque aucun moment, en revanche, le sort qui pourrait tre rserv aux hommes
en ge de se battre dans lventualit de la chute des enclaves45.
Envisager limpensable
La crise des otages a considrablement renforc la position de Miloevi pour ngocier.
Face aux nouveaux excs des leaders sparatistes serbes de Bosnie, les Occidentaux se
tournent vers lui pour faciliter la libration de leurs soldats retenus prisonniers. Miloevi
sempresse doffrir ses bons offices. Le prsident serbe a toujours excell lorsquil sagit de
proposer des solutions aux problmes quil a lui-mme crs, et en particulier des solutions
inacceptables qui, le problme empirant, finissent par lui tre consenties. La prise dotages
nest quun nime pisode de cette sinistre comdie.
Nous sommes confronts un choix difficile : soit nous quittons les pourparlers et
courons le risque de voir les Russes/Britanniques/Franais combler le vide , soit nous
acceptons de payer le prix quexige lhomme fort des Balkans en change de sa promesse de
rsoudre notre problme bosnien , crit Robert Frasure dans son dernier cble envoy de
Belgrade, le 5 juin. Et de prvenir : Certains y verront une forme de lchet mais
nimporte quelle solution est prfrable la brzina que serait le retrait des forces de
46
lONU . Le 6 juin, Frasure est rappel Washington, pour consultations compte tenu de
labsence davance concernant le plan de reconnaissance de la Bosnie-Herzgovine par
la Serbie.
Le jour mme, les hauts responsables amricains, runis en conseil restreint (Principals
Committee) la Maison Blanche, dcident de mettre en place une stratgie globale de
rglement de la crise en ex-Yougoslavie. Les chances dune avance diplomatique
pourraient disparatre si, pour pouvoir ngocier la paix, nous attendons que les dirigeants
bosno-serbes daignent accepter le plan du Groupe de contact comme point de dpart des
pourparlers , explique alors Anthony Lake47. La perspective dun retrait de lONU avant
que les ngociations ne puissent aboutir nous a forcs regarder la ralit en face [] et
changer la nature du jeu balkanique , reconnat dans ses mmoires le secrtaire dtat
adjoint amricain Richard Holbrooke48. commencer penser limpensable , ajoute
Anthony Lake49. Les principaux conseillers du prsident amricain conviennent de jouer
la carte Miloevi . Le matre de Belgrade est le seul capable dimposer une solution aux
nationalistes bosno-serbes et de ngocier le retrait de leurs forces sur les 49 % du
territoire qui leur sont dvolus. Tout compromis avec lui passe cependant par la cession
des enclaves de Bosnie orientale aux Serbes.
Nous admettions dsormais que le seul moyen dobtenir un accord tait de concilier les
exigences non ngociables les moins draisonnables de chacune des parties , se souvient
un diplomate amricain impliqu dans le processus. Pour les tenants du ralisme,
lquation est finalement assez simple : Miloevi veut les enclaves de Bosnie orientale ;
Tudjman, qui vient de rcuprer dbut mai la Slavonie occidentale aux mains des forces
serbes depuis 1991, exige de restaurer la souverainet de la Croatie et de mettre un terme
au sparatisme serbe sur son territoire ; Izetbegovi, pour sa part, rclame le maintien de
ltat de Bosnie-Herzgovine dans ses frontires internationalement reconnues et na pas
les moyens de dfendre militairement les enclaves de Bosnie orientale. Ct occidental, il
est devenu clair aux yeux de tous quaprs la prise en otages de plus de trois cents Casques
bleus par les forces serbes, le maintien de la Forpronu en Bosnie implique son
regroupement hors des positions les plus exposes et donc son retrait des enclaves proches
de la Drina.
Cette fois, Washington se rsout payer le prix quexige lhomme fort des Balkans en
change de sa promesse de rsoudre le problme Bosnie des tats-Unis. En juin 1995, le
sort de Srebrenica tait dj srieusement compromis. Il nous paraissait sage quau moins
les plus petites enclaves de lest soient changes contre des territoires au centre de la
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Bosnie , concde du bout des lvres Alexander (Sandy) Vershbow, des annes aprs les
faits. Le conseiller spcial Bosnie du prsident Clinton, aujourdhui secrtaire gnral
dlgu de lOtan, est pourtant le seul reconnatre publiquement, un mois avant la chute
de Srebrenica, que lAmrique devrait encourager les Bosniens penser, en termes de
territoires, des ensembles plus compacts et plus cohrents . Pour sortir de limpasse,
ladministration amricaine a tranch mais, avant de laisser Miloevi et ses retres
semparer des derniers territoires convoits et crer la nouvelle donne sur le terrain
laquelle aspirent dsormais la fois Belgrade et les Occidentaux, elle tente de faire plier le
gouvernement bosnien. Le Premier ministre de Bosnie-Herzgovine, Haris Silajdi, est en
visite Washington le 8 juin. Il est temps que vous renonciez ces territoires sans avenir
afin de contraindre les Serbes signer un accord de paix , lui fait-on savoir. La menace
de ne pas dfendre les enclaves si nous nacceptions pas de les changer tait implicite
plutt quexplicite mais ctait une menace , se souvient Mo Sacirbey, alors ministre des
51
Affaires trangres de Bosnie-Herzgovine .
Rentr le 8 juin Washington aprs un voyage de noces en Europe, Richard Holbrooke,
le secrtaire dtat adjoint et patron de Robert Frasure, reoit dAnthony Lake, quelques
jours plus tard, lordre de sacrifier Srebrenica, epa et Gorade52 . Le prsident Clinton
simpatiente. Nous ne pouvons continuer de laisser la situation nous chapper, nous
devons mettre en place une politique claire. Or actuellement personne ne contrle les
vnements et nous navons aucune mission prcise53 , proteste-t-il en juin devant ses
conseillers. Les tats-Unis auraient prfr ne pas cautionner la purification ethnique. Mais
comme ladmettent dj, fin fvrier 1995, les experts de la Maison Blanche : Nous navons
pas les moyens dune telle politique, sans compter que nous ne nous y sommes pas
prpars et que nous naurions pu escompter quun soutien limit de lopinion publique,
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aussi bien aux tats-Unis quen Europe . Limpratif reste donc de maintenir les forces
terrestres amricaines loin de la Bosnie, moins dun accord de paix .
Pour ce faire, Washington choisit de pactiser avec Miloevi et de se retirer du devant de
la scne diplomatique. Les Amricains passent alors la main des pourparlers, pour un
mois ou deux , aux Europens et leur nouveau ngociateur, lancien Premier ministre
sudois Carl Bildt, qui vient de succder au Britannique David Owen. La nouvelle donne se
joue sur le terrain et cest l que Washington entend exercer son influence avant de
reprendre linitiative des ngociations diplomatiques.
55
La nouvelle stratgie mise en place par les conseillers de la Maison Blanche dans le
courant du mois de juin 1995 ne se limite pas aux concessions consenties aux leaders
serbes. Washington mise sur un rquilibrage des forces en prsence afin de priver les
troupes serbes de lavantage militaire qui, depuis le dbut du conflit, les encourage
refuser tout compromis. Depuis que les Europens voquent un possible retrait de leurs
Casques bleus, les tats-Unis ont entrepris de changer le rapport de force sur le terrain
pour pallier le risque dabandonner le sort de la rgion larme serbe. Ds la fin 1994, ils
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ont commenc aider les forces croates sarmer et sentraner . En violation de
lembargo international sur les armes impos la rgion depuis 1991, lopration est
mene dans le plus grand secret. Une quinzaine dofficiers suprieurs de larme
amricaine la retraite, recruts par lagence de consultants dEd Soyster, un ancien
directeur de la DIA lquivalent de la CIA mais au sein du Pentagone , ont alors rejoint
lex-Yougoslavie et prpar larme croate la reconqute des territoires occups. La
stratgie savre payante dbut mai 1995 lorsque larme croate, visiblement mieux
quipe et mieux entrane, reprend, sans difficult et sans susciter de ractions de
Belgrade, le contrle de la Slavonie occidentale, lune des trois rgions de Croatie tenues
depuis 1991 par les forces serbes et places sous protection des Casques bleus des Nations
unies. De lavis des dirigeants amricains, cette victoire militaire croate a valeur
davertissement pour les chefs de guerre serbes : sils tardent ngocier, ils pourraient tout
perdre.
Washington entend dsormais tirer pleinement avantage de cette politique de
rquilibrage des forces, mme de faciliter le rglement de la plupart des diffrends
territoriaux et donc de simplifier la ngociation diplomatique. Le 23 mai 1995, prenant acte
de lenlisement des pourparlers Frasure-Miloevi, le Principals Committee a convenu
darmer et dentraner les Bosniaques, et de leur fournir un appui arien si lONU plie
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bagage . En permettant aux armes en prsence de remodeler sur le terrain le projet de
carte du plan du Groupe de contact, non seulement les entits seront plus viables mais les
nouvelles lignes de front tendront aussi concider aux futures lignes de partage avant
mme de faire sasseoir toutes les parties autour dune mme table. Cette reconfiguration
militaire du terrain, laisse la charge des forces locales, peut changer la nature du jeu
balkanique et, en mme temps, faciliter la mise en uvre dun ventuel accord de paix. Un
point essentiel pour la Maison Blanche qui, en cas de rglement du conflit, sest engage
auprs des Europens et de lOtan dployer des troupes terrestres en Bosnie pour faire
respecter un accord dj en place mais qui ne veut pas les envoyer combattre pour imposer
la paix et faire reculer des forces serbes rfractaires derrire les lignes de sparation entre
les deux entits.
Le sacrifice des enclaves, pralable la paix
Officiellement, la stratgie de fin de partie quexhorte Clinton dbut juin 1995 nest
formule par le conseiller la Scurit nationale Anthony Lake et son quipe quaprs la
chute de Srebrenica puis valide par le prsident amricain dbut aot 1995. La tragdie
de Srebrenica va certes cristalliser les checs de la gestion internationale du conflit et
accoucher dans la barbarie du consensus pour dclencher lopration arienne de lOtan
qui mettra fin la guerre. Mais elle nest pas le tournant que lhistoire officielle nous
suggre. Le sacrifice des enclaves de Bosnie orientale constitue, en ralit, la premire
tape dune fin de partie en deux temps que les tats-Unis mettent en place courant
juin 1995, avec lassentiment de la France et du Royaume-Uni. Les enclaves de la valle de
la Drina sont, aux yeux de tous les acteurs, des obstacles un accord de paix mais aussi
l action robuste rclame de longue date par Washington et, depuis la crise des otages
et sa prise de fonction, par Chirac. Leur limination doit permettre dentamer la
reconfiguration des forces en prsence, y compris de la Forpronu dont le regroupement est
la condition sine qua non au dclenchement des raids ariens qui viendront, dans un
deuxime temps, prcipiter le rglement du conflit avec lappui des canons de la force de
raction rapide. Dbut aot 1995, Clinton ne donne pas son feu vert une stratgie de fin
de partie mais au dclenchement de la phase finale dune stratgie dj bien engage et
qui ncessite pour tre mene sa conclusion des moyens supplmentaires importants. La
diffrence nest point une subtilit de langage. Elle est essentielle car elle jette une tout
autre lumire sur les vnements et la responsabilit des grandes puissances occidentales
dans la tragdie de Srebrenica.
Depuis vingt ans pse sur les tats impliqus dans le rglement du conflit le soupon du
cynisme. Aucun dentre eux na voulu sauver Srebrenica ou cherch empcher les forces
serbes datteindre ce quon savait tre des buts de guerre essentiels leurs yeux. Mais nul
ne sest vu jusquici reprocher davoir activement favoris la disparition des enclaves.
Pourtant, labandon de Srebrenica est bien le fruit dun calcul politique visant simplifier la
ngociation diplomatique en clarifiant la carte de partage ethnique de la Bosnie-
Herzgovine. Avec pour ultime objectif de prcipiter un accord de paix. En un mot,
Srebrenica va tomber au nom dune raison dtat qui se trouve Paris, Londres,
Washington et peut-tre mme Sarajevo.
Les messagers de linavouable
Jacques Chirac savre bien moins volontariste que vellitaire car la France a besoin de
rcuprer ses soldats prisonniers des Serbes, en plus dun accord de paix en Bosnie avant
lhiver. Les dirigeants franais ne se contentent pas de rassurer les Serbes qui
conditionnent la libration des Casques bleus la suspension des frappes. Comme les
Britanniques, ils dpchent des missaires auprs des leaders serbes pour tester leur
volont de rejoindre la table des ngociations en change dune rvision des cartes de
partage de la Bosnie-Herzgovine en deux entits. Le gouvernement franais est
dtermin trouver une solution rapide, quitte essuyer des critiques , fait savoir Paris,
ds le 29 mai.
Conseiller du gouvernement franais pour les questions de dfense et prdcesseur de
Bernard Janvier la tte des Casques bleus en ex-Yougoslavie, le gnral de La Presle
dbarque, ds le 29 mai, Vlasenica, le QG du corps darme de la Drina qui entrera
quelques semaines plus tard dans Srebrenica. Sa mission : transmettre au gnral Mladi
un message du prsident et du gouvernement franais que le chef militaire serbe
consigne sur son carnet58. Actuellement, vous avez remport la victoire puisque vous
avez pratiquement atteint tous vos objectifs militaires, mais limage de la RS [lentit serbe
en Bosnie] est srieusement corne. Nous ne pouvons engager le dialogue avec la
direction politique [bosno-serbe] nimporte quelle condition , prvient lenvoy de
llyse. Et de poursuivre : La capacit de la France obtenir un plan de paix plus
favorable dpend troitement des rsultats, ici sur le terrain, concernant les Casques bleus
prisonniers et la libert de mouvement de la force de lONU. En revanche, prvient le
gnral franais, si la situation ne samliore pas rapidement, la Forpronu sen ira de
Bosnie [] et vous vous retrouverez seuls face lOtan . Le gnral franais annonce que
la France a plaid auprs de lUnion europenne en faveur de la nomination dun
reprsentant unique afin de faciliter la reprise des pourparlers. Nous sommes en train de
choisir un ngociateur et nous avons en tte quelquun qui na pas de parti pris ngatif59. Il
sera assist dun conseiller militaire et ce sera moi , prcise-t-il. Le gouvernement franais,
poursuit-il, estime que vous [les dirigeants bosno-serbes] pouvez tre rintgrs dans le
processus de ngociation. Mais le principal obstacle est votre attitude vis--vis du plan
propos par le Groupe de contact. La France comprend vos inquitudes et vos objections au
sujet de la carte du Groupe de contact. La proposition du Groupe de contact a t modifie
trois reprises depuis lautomne dernier [1994], linitiative de la France et la Grande-
Bretagne. De nouvelles modifications pourront donc tre apportes par la ngociation et le
rle du nouveau ngociateur est justement de persuader les deux parties de trouver un
terrain dentente. Ensuite, les deux entits seront traites sur un pied dgalit, ce qui
signifie que la RS [lentit serbe] aura le droit dtablir des liens avec la Serbie-et-
Montngro . Soucieux de rassurer Mladi, La Presle prcise : Les forces serbes ne seront
pas tenues de se retirer tant que vous et les Musulmans ne vous serez pas entendus sur
lchange de certains territoires et la dlimitation finale des entits. Notre gouvernement
est ouvert de nouvelles propositions. Naturellement, toute cette dmarche implique la
libration immdiate des Casques bleus. Leur libration obtenue, lattitude de lONU et de
lOtan nen sera que plus flexible.
Mladi ne prcise pas dans ses notes sil a explicitement voqu avec le gnral de La
Presle le sort de Srebrenica et de sa population. Mais il le fait avec dautres missaires
franais venus, courant juin, ngocier la libration des Casques bleus retenus en otages et
les conditions dune reprise rapide des pourparlers de paix. Devant le prfet Jean-Charles
Marchiani et lancien commandant du GIGN Paul Barril, Mladi rejoue la mme partition
quavec le gnral Rupert Smith au mois de mars : il sort une carte de la Bosnie et y pointe
du doigt lobjet de sa convoitise60.
Le commandant serbe na dautre ambition et les otages en sont linstrument que de
neutraliser le dispositif militaire ONU/Otan avant de lancer lassaut contre Srebrenica. Le
4 juin, il retrouve le gnral Janvier Lovnica, un monastre une trentaine de kilomtres
de Zvornik. La veille, un tiers des Casques bleus ont t relchs. Le patron de la Forpronu
vient discuter de la libration des deux cent quarante-sept de ses soldats encore aux mains
des forces serbes. Mladi va droit au but, comme en tmoignent les notes prises sur son
carnet : Suspendre toute dcision de recours la force contre le peuple serbe et faire
adopter par le Conseil de scurit une rsolution qui garantit une entire neutralit et
lgalit de traitement de tous les belligrants empchent le recours la force ou
limposition par la force dun rglement et assurent la reprise de pourparlers
inconditionnels en vue dune paix ngocie. Dans son rapport Akashi, Janvier ajoute que
Mladi rclame galement lorganisation en terrain neutre, Paris par exemple, de
pourparlers entre les commandants des diffrentes armes en conflit afin de rgler les
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volets militaires dun futur accord de paix et de faciliter ainsi la tche des diplomates .
Mladi nattend aucune rponse dun commandant de lONU. Il veut lengagement des
tats. Et il lobtient. Paris et Londres ne suggrent pas quelles pourraient renoncer
dfinitivement au recours larme arienne. En revanche, les deux principaux pays
contributeurs de Casques bleus en ex-Yougoslavie font savoir aux dirigeants serbes quils
peuvent escompter la prolongation du moratoire sur les raids de lOtan aprs la libration
des otages. Le 12 juin, le charg daffaires franais Gabriel Keller et son homologue
britannique Ivor Roberts, en poste Belgrade, sassurent mme que le message arrive
jusqu Radovan Karadi. La direction politique bosno-serbe Pale est tenue lcart des
pourparlers depuis bientt un an, la suite de son rejet catgorique du plan du Groupe de
contact. Elle napprcie donc gure de voir la libration des otages ngocie son insu
Belgrade alors que les bombes de lOtan ont vis des dpts darmes prs de Pale. Lors
dune runion Belgrade, les deux diplomates demandent Charles Kirudja, le dlgu aux
Affaires civiles de lONU, dinformer les dirigeants de Pale quune fois les otages librs, la
reprise des frappes ariennes nest pas prvue pour le moment62.
Dbut juin, les tats-Unis signifient lentourage de Miloevi que lOtan ne bougera pas
si les forces serbes semparent de Srebrenica. En 2001, jai appris dun haut responsable
des renseignements, autrefois en poste Belgrade , raconte lancien ministre nerlandais
de la Dfense Joris Voorhoeve, qu un trs proche collaborateur de Miloevi a demand
un pays alli : Que se passera-t-il si nous [les Serbes] prenions les trois enclaves de lest ?,
63
ce quoi le pays na rien rpondu . Dautres sources confirment que le pays interrog en
juin 1995 taient bien les tats-Unis et suggrent que le trs proche collaborateur de
Miloevi tait, sans doute, Jovica Stanii, le patron des services secrets serbes, deuxime
homme le plus puissant de la Serbie des annes quatre-vingt-dix. Grce ses liens
privilgis avec le monde du renseignement occidental, notamment au sein de la CIA,
Stanii a souvent jou les mdiateurs pour le compte de Miloevi. En juin 1995, il est
lhomme clef dans les ngociations entre les Occidentaux et les Serbes de Bosnie pour
64
obtenir la libration des Casques bleus retenus en otages en Bosnie .
Au cours de la clbre runion annuelle de Bilderberg qui se tient, en cette anne 1995,
du 8 au 11 juin Zurich, Richard Holbrooke laisse galement entendre que les enclaves de
Bosnie orientale vont tre abandonnes aux Serbes et que la carte du Groupe de contact va
tre remodele par les armes plutt que par la ngociation. la reine Batrix des Pays-Bas
dont les troupes assurent la protection de lenclave et de ses habitants, le secrtaire dtat
adjoint amricain pour lEurope suggre d envisager srieusement le retrait des soldats
65
hollandais de Srebrenica car quelque chose dimportant va se produire .
Indpendamment de cette mise en garde, le gouvernement hollandais a prvu de rapatrier
er
ses quelque cinq cents hommes puiss et court de ravitaillement au 1 juillet, date
laquelle ils doivent tre remplacs par un contingent ukrainien. Mais les Serbes vont
empcher la relve et lancer leur offensive avant que des troupes fraches et mieux
quipes narrivent.
Un autre tmoin affirme que les Occidentaux ne se sont pas contents dinformer
Belgrade de ce feu vert la conqute de Srebrenica. Homme daffaires amricain dorigine
serbe, Bob Djurdjevi est bien introduit Pale et Belgrade o il se rend frquemment
pendant la guerre. Dans ses carnets de notes, remis en 2002 au Tribunal pnal
international pour lex-Yougoslavie (TPIY) et utiliss comme preuves charge contre
Radovan Karadi, il crit que le gouvernement britannique a transmis un message
similaire aux dirigeants serbes de Bosnie. Koljevi [le vice-prsident de ltat serbe
autoproclam en Bosnie] dit que son frre [] a t invit lambassade du Royaume-Uni
loccasion de la clbration de lanniversaire de la reine. Pendant le cocktail, le frre de
Koljevi a t approch par lambassadeur [sic] britannique Ivor Roberts qui lui a dit, en
passant : La reine [sic] ne verra pas dobjection ce que les Serbes de Bosnie rglent sur le
terrain les diffrends territoriaux , note Djurdjevi la date du 13 juillet 1995 alors quil
se trouve dans le fief des dirigeants bosno-serbes, Pale. Nikola Koljevi estime alors que
ce message a valeur de feu vert du gouvernement britannique autorisant la Rpublique
serbe de Bosnie lancer lassaut sur les enclaves musulmanes de Bosnie orientale
(Srebrenica, epa et Gorade). Ce que les Serbes de Bosnie firent, bien sr, en juillet , crit
66
encore Djurdjevi . Aprs tre entr dans Srebrenica en juillet 1995, le gnral Mladi se
vante lui-mme, devant une population terrorise, d avoir reu des tats-Unis la
67
permission de prendre Srebrenica .
Autour du 10 juin 1995, lorsque les ambassades britanniques clbrent travers
lEurope la fte danniversaire de la reine Elisabeth II, le charg daffaires Ivor Roberts est
depuis dj deux semaines en ngociation avec lentourage de Miloevi pour obtenir la
libration des Casques bleus retenus en Bosnie. Fin mai, il a rencontr Nikola Koljevi, le
numro 2 de Pale, au sujet des otages. Mais les capitales occidentales prfrent dsormais
viter tout contact direct avec les dirigeants politiques bosno-serbes tant quils nauront
pas relch leurs soldats. Le frre de Nikola Koljevi est un homme discret. Acadmicien
respect, spcialiste de Shakespeare, Svetozar Koljevi a vcu plusieurs annes en Grande-
Bretagne, avant de sinstaller dans le nord de la Serbie o il mne une vie paisible, lcart
de la politique. Aussi Roberts peut-il facilement le convier la rception dans sa rsidence
Belgrade et lui demander de transmettre le message.
Ivor Roberts admet connatre Svetozar Koljevi mais rfute les crits de Bob Djurdjevi,
les qualifiant de pure invention . Il reconnat nanmoins quau printemps 1995, le
cabinet du Premier ministre John Major est rsolu retirer les troupes britanniques avant
lhiver et soutenir toute initiative capable de mettre rapidement fin la guerre en Bosnie.
Et il confirme quune partie des ministres britanniques pensent que les trois petites
enclaves de lest de la Bosnie doivent tre sacrifies. Svetozar Koljevi, pour sa part, prfre
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prtexter son ge pour dire quil ne se souvient pas avoir reu un tel message . Reste que
Miloevi a grandement besoin que les Occidentaux confirment aux dirigeants de Pale ne
plus sopposer la prise des enclaves de lest. Car sil a tir profit de la crise des otages,
test la dtermination internationale arrter les frappes de lOtan et modifier les cartes
de partage de la Bosnie, il doit amadouer les dirigeants de Pale afin de les amener
rtrocder une partie des territoires conquis et se contenter de la moiti de la Bosnie.
Rien de ces tractations secrtes entreprises par les gouvernements amricain, franais et
britannique ne filtre en 1995 ni les annes suivantes. Elles clairent pourtant le processus
par lequel les grandes puissances ont irrmdiablement li la paix en Bosnie llimination
des derniers sanctuaires bosniaques de la valle de la Drina. Seules les rencontres entre les
reprsentants de lONU et Ratko Mladi pendant la crise des otages font lobjet de fuites
cibles, condamnant ainsi la presse ne livrer quun rcit tronqu des vnements.
Aussitt le rapport de Janvier sur sa runion le 4 juin avec Mladi envoy sa hirarchie,
la rumeur dun pacte secret entre les deux hommes sur la suspension des frappes ariennes
en change de la libration des otages commence circuler69. Alors quelles sapprtent
laisser la voie libre aux forces serbes, les grandes puissances savent parfaitement que
labsence dintervention de lOtan face un assaut contre Srebrenica ne passera pas
inaperue. En prvision, elles sment dlibrment le soupon, cens expliquer
ultrieurement linexplicable. Janvier a joint son rapport une copie dun document en
trois points apport par Mladi et dans lequel larme serbe de Bosnie sengage librer les
otages et ne plus menacer la vie ou la scurit des Casques bleus si, en retour, lONU
renonce faire appel aux avions de lAlliance atlantique. Janvier na rien sign, ni mme
lautorit pour le faire. Une fois la tragdie advenue, ce document est opportunment
communiqu aux journalistes en mme temps que des citations de lofficier franais devant
le Conseil de scurit en mai New York ou lors de la runion le 9 juin Split avec Yasushi
70
Akashi et Rupert Smith . La rumeur enfle au fil des mois, rsistant au temps malgr les
faits. Lhistoire ainsi se souvient de cette runion du 4 juin Zvornik (sic) comme celle o
est sign larrt de mort des enclaves de la valle de la Drina et de leurs habitants. Elle en
oublie le consensus parmi les pays contributeurs de troupes sur la ncessit dexclure tout
recours la force arienne le temps de librer les otages. Elle omet du mme coup lautre
consensus en train de se dgager au sein des grandes puissances de faire de la suspension
de la dissuasion arienne un levier pour relancer le processus diplomatique et de la
maintenir le temps de crer sur le terrain des conditions plus favorables un accord de
paix. En clair, le temps de se dbarrasser des enclaves et de simplifier les cartes de partage
du territoire bosnien.
Le tournant dHalifax
La premire visite du nouveau prsident franais Washington le 14 juin 1995,
loccasion du sommet Union europenne-tats-Unis, se transforme rapidement en une
session de crise sur la Bosnie , se souvient Richard Holbrooke. Depuis le dbut du mois, la
force multinationale de raction rapide attend toujours le feu vert du Conseil de scurit
des Nations unies pour se dployer en Bosnie. Les tats-Unis font obstruction, le Congrs,
domin par les rpublicains, sopposant toute participation financire amricaine la
FRR. Ces derniers prfrent aider les forces croates et bosniaques qui dfendent, elles
deux, plus des trois quarts de la population de Bosnie-Herzgovine alors quelles ne
contrlent pas plus dun tiers du territoire. Mais Chirac persuade Clinton et les leaders du
Congrs que l absolue ncessit de changer la donne militaire sur le terrain dont la
crise des otages la convaincue passe aussi par le renforcement de la capacit de riposte
des contingents de lONU. La rsolution 998 du Conseil de scurit, vote le lendemain soir
New York, officialise le mandat de la FRR. Seul compromis : elle prvoit de dterminer
ultrieurement les modalits du financement de lopration.
Il nest nulle part fait tat de la dcision de ne rtablir la menace arienne quune fois les
douze mille cinq cents hommes de la FRR dploys, une opration devant durer plusieurs
semaines. Pourtant Halifax, au Canada, o Clinton et Chirac rejoignent le 15 juin le
sommet annuel du G7, les dirigeants occidentaux voquent nouveau la question.
Miloevi vient de leur faire savoir, via la cheffe de la diplomatie italienne Susanna Agnelli,
reue Belgrade le 13 juin, quil souhaite une relance du processus de ngociations aussitt
les derniers otages librs. Le 12 juin, cent trente otages ont t transfrs en Serbie et
relchs. Seuls vingt-six restent encore aux mains des scessionnistes bosno-serbes.
Miloevi assure aussi tre pleinement confiant de pouvoir convaincre Radovan Karadi
71
daccepter un rglement de paix sur la base du plan du Groupe de contact .
Pour les tats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, ce message vaut confirmation de la
part de Miloevi quil accepte de lier le contrle des enclaves de lest de la Bosnie au retrait
des forces serbes sur 49 % du territoire bosnien. En clair, si lensemble de la valle de la
Drina revient aux Serbes, Miloevi se charge de faire plier Karadi et son entourage. La
paix semble porte de main.
Depuis Halifax, les sept chefs dtat et de gouvernement des pays les plus industrialiss
appellent la cessation des oprations militaires en cours et la reprise immdiate des
ngociations sur la base des propositions du Groupe de contact . Dans la matine,
larme bosnienne a dclench une offensive pour tenter de lever le sige de Sarajevo qui
trangle la capitale depuis dj plus de mille jours. La riposte serbe est violente. Invit pour
participer la dernire phase du G7, le prsident russe Boris Eltsine arrive le 16 juin dans
laprs-midi. Il est immdiatement convi rejoindre une runion sur la Bosnie-
Herzgovine. Au grand complet, le Groupe de contact peut dcider de la marge de
manuvre donner au nouveau ngociateur Carl Bildt.
Pour pousser la partie serbe accepter la paix, deux concessions sont envisages :
lamnagement des principes constitutionnels pour permettre lentit serbe de renforcer
ses liens avec la Serbie et la modification des cartes pour que les Serbes obtiennent les
enclaves de lest et lentit croato-bosniaque, le contrle de lensemble de Sarajevo. Le
Groupe de contact vient dentriner une possible rvision de son plan. Mais, ce stade,
seuls quelques-uns savent que ces modifications ne se feront pas par la ngociation mais
par la violence des armes. Les journalistes prsents Halifax ignorent tout du tournant qui
vient de soprer en ce mois de juin 1995. Sollicit, le Premier ministre britannique John
Major se contente de rpondre quEltsine na apport aucune ide nouvelle pour rgler le
conflit. Personne, ni mme Eltsine, na une solution simple pour la Bosnie-Herzgovine .
Slobodan Miloevi se vante le 17 juin auprs de Yasushi Akashi, quil rencontre
Belgrade, davoir lassurance des prsidents Chirac et Clinton, mais aussi la confirmation du
prsident Eltsine, que le moratoire sur les frappes ariennes est maintenu pour une
priode supplmentaire. Selon le prsident de la Serbie, Chirac a affirm quil ne
sattendait pas ce que la force de raction rapide soit utilise pour faire la guerre aux
Serbes, mais que sa cration allait permettre de relancer les ngociations , rapporte
galement lenvoy spcial de lONU en ex-Yougoslavie dans un rapport Kofi Annan, alors
numro 2 des Nations unies New York et patron du Domp72. Le mme jour, Vlasenica, au
sige du corps darme de la Drina, le gnral Janvier prvient Mladi : Il vous reste un
mois pour prendre les mesures concrtes qui conduiront la paix. Ensuite, la FRR sera en
mesure de mener des oprations de combat pour permettre lONU dexercer pleinement
son mandat. Cest en substance ce quexplique le patron des Casques bleus au chef de
guerre serbe lors de cette rencontre, selon les notes consignes par Mladi dans ses
carnets.
Le 18 juin, les vingt-six Casques bleus encore aux mains des Serbes sont librs, sous
supervision de Jovica Stanii, le chef espion de Miloevi. Yasushi Akashi annonce alors
dans un communiqu de presse : Les Nations unies se cantonneront dsormais un rle
de maintien de la paix. Miloevi lui a demand la veille Belgrade de rassurer les Serbes
de Bosnie avant quils ne relchent leurs derniers otages. Les dirigeants serbes ont devant
eux une fentre de quatre semaines pour semparer, par les armes, des enclaves avant que
lONU et lOtan ne reprennent du service. Mais les dirigeants occidentaux prfrent, une
fois de plus, sinscrire en faux et qualifient de pure invention les dclarations de
Miloevi Akashi sur labandon des frappes de lOtan73.
La prise dotages a pay. Miloevi a arrach au Groupe de contact ce quil lui refusait
jusque-l et obtenu un mois pour redessiner sur le terrain les contours de la future entit
serbe en Bosnie. Un mois pendant lequel ladministration amricaine disparat du devant
de la scne diplomatique au profit de Carl Bildt, le nouveau mdiateur europen dont la
mission est de rallier toutes les parties au conflit autour de la carte simplifie de partage de
la Bosnie74.
Personne nimaginait que cette courte priode, pendant laquelle le nouveau
ngociateur europen est aux commandes, conciderait avec quelques-uns des vnements
les plus tragiques de la guerre , crit, non sans cynisme, Richard Holbrooke dans ses
75
mmoires . Il tait tout fait clair que les forces serbes prparaient une offensive dans le
but de prendre lenclave de Srebrenica. Les informations dont nous disposions nous
permettaient de faire des prvisions ralistes, comme de prvoir que les habitants seraient
chasss de force , rtorque le gnral allemand Manfred Eisele, chef dtat-major pour les
oprations, la planification et le soutien au sein du Dpartement onusien des oprations de
76
maintien de la paix .
Parce que le pire est craindre, voire certain, les grandes puissances ont, en 1993,
transform ces territoires isols et vulnrables en zones protges . En renonant,
pendant cet intervalle prcis, les dfendre militairement, elles savent parfaitement
quelles livrent leurs bourreaux les populations qui sy sont rfugies. Mais elles ne
veulent pas voir que le march secret pass avec lhomme qui, depuis Belgrade, supervise
une campagne de destruction massive des populations non serbes de Bosnie est aussi
immoral que risqu. Elles prfrent se voiler la face et se convaincre que les consquences
de labandon des enclaves et de leurs habitants seront moindres que celles, videmment
dsastreuses, dune retraite des Casques bleus de Bosnie, synonyme, pour les Occidentaux,
de dmission totale et daveu dchec.
La stratgie de sortie de crise quelles ont choisie ne laisse, peu ou prou, aucune place
aux considrations morales ou humanitaires. Leur proccupation nest point le cot
humain mais bien le cot politique de labandon des petites enclaves de la valle de la
Drina. Do la dcision de ladministration Clinton de quitter la scne ce moment prcis
pour mieux se prmunir, la veille dune anne lectorale, contre les rpercussions
ncessairement ngatives du sacrifice des enclaves. Do aussi linstrumentalisation par
anticipation de journalistes qui, comme Roger Cohen du New York Times ou Kurt Schork de
Reuters, dnoncent sans relche, depuis trois ans, les atrocits en Bosnie et pressentent
labandon de Srebrenica. Les preuves circonstancielles sinon substantielles de tractations
secrtes entre lONU et les Serbes de Bosnie en vue de la libration des otages , dont
77
Richard Holbrooke se fait lcho dans ses mmoires , sont des vrits tronques. Des
mensonges donc, dlibrment distills ds le 19 juin 1995, afin de faire diversion et
dinduire en erreur les journalistes en prvision de la chute de Srebrenica. Depuis vingt ans,
Washington maintient le mme discours lorsquil sagit de commenter lchec des grandes
puissances Srebrenica : Les tats-Unis navaient quune influence limite sur le
processus , les journalistes devraient chercher du ct des tats europens qui avaient
des Casques bleus en Bosnie et qui ont men le jeu jusqu lentre en scne des Amricains
en aot 1995 .
La voie est libre pour les forces serbes
Sans lassurance quils ne rencontreraient aucune rsistance de la part des Occidentaux,
quils ne sexposeraient aucune frappe arienne, quils ne seraient pas contraints de
reculer ou de suspendre leurs oprations comme ce fut le cas en 1993, les dirigeants serbes
nauraient jamais lanc leurs forces lassaut des enclaves. Le gnral Mladi cloue au sol
laviation de lOtan par la prise dotages avant de dclencher la phase initiale de lopration
contre Srebrenica. Cette premire tape, appele opration Jadar , commence par la
prise, le 2 juin, du poste de contrle de lONU de Zeleni Jadar qui verrouille lentre sud de
lenclave de Srebrenica. Elle vise rduire le primtre de scurit de lenclave en forant
progressivement les Casques bleus nerlandais abandonner leurs positions de blocage
lextrieur de la ville. Elle ouvre la voie lopration Krivaja , dont le nom de code
voque les mandres de la Drina et qui, conformment aux ordres militaires crits, doit
permettre de dtruire les forces musulmanes des enclaves et librer dfinitivement la
valle de la Drina . Mi-juin, tandis quau sommet dHalifax les grandes puissances
sentendent pour sacrifier les enclaves de Bosnie orientale et satisfaire lune des demandes
de Miloevi, la police de Serbie procde la conscription force des Serbes de Bosnie,
rfugis en Serbie. Au 23 juin, plus de mille cinq cents dentre eux ont dj rintgr les
rangs des troupes du gnral Mladi. Belgrade donne alors lordre deux dtachements des
forces spciales du ministre de lIntrieur de Serbie de rejoindre le thtre des oprations
prs de Srebrenica. Du 17 juin au 2 juillet, le gnral Mladi et le gnral Perii, son chef
dtat-major Belgrade, finalisent ensemble les dtails de lopration Krivaja . Leurs
conversations tlphoniques ou radio, interceptes par les services de renseignement
amricains, montrent quils discutent presque quotidiennement, parfois mme plusieurs
fois par jour, des moyens mettre en uvre, du nombre de renforts devant tre pourvus
par la Serbie, du nombre de chars ou de pices dartillerie lourde engager et du
positionnement prcis des diffrentes units autour de lenclave78.
Rien ou presque nchappe la vigilance des officiers de renseignement de lONU ou des
services occidentaux qui signalent consciencieusement leur hirarchie les mouvements
des forces serbes en train de se mettre en ordre de bataille en vue dune offensive majeure
contre Srebrenica. Tout au long du mois de juin, ils dcrivent les concentrations de troupes
autour de lenclave, lacheminement de matriel lourd et larrive de renforts en
provenance de Serbie dont des units spciales habituellement engages dans les
oprations de purification ethnique . Les officiers de renseignement britanniques
stationns Srebrenica font part, ds le 8 juin, de leur certitude que, dans les semaines qui
viennent et peut-tre mme avant la fin du mois, les forces serbes vont attaquer
79
massivement les trois enclaves de Bosnie orientale . Le renseignement franais intercepte
galement les changes entre les officiers serbes confirmant les intentions serbes
80
dliminer prochainement lenclave de Srebrenica . Tous les signes dune attaque sont l.
Et Mladi na de cesse den informer les commandants de lONU ou les missaires
occidentaux venus le rencontrer pendant la crise des otages.
En accord avec Belgrade, le gnral Mladi joue cartes sur table dans une ultime
tentative de voir lONU faciliter lvacuation de la population de lenclave avant le
dclenchement de lopration Krivaja . La gestion des quelque quarante mille personnes
entasses dans la poche de Srebrenica lui pose un vritable problme logistique. Dbut
juin, Mladi dcide de faire pression sur la force de lONU, fragilise par la prise dotages et,
Srebrenica, par lopration Jadar . Pour la contraindre amener les Bosniaques vider
lenclave, il lui fait savoir que les forces serbes vont semparer de Srebrenica et commettre
des massacres.
Observateur militaire de lONU (Unmo) Srebrenica, le major Joseph Kingori assiste,
dbut juin, au dner lhtel Fontana de Bratunac, petite ville quelques kilomtres de
lenclave, o trois haut grads de larme de Mladi sont chargs de lui transmettre le
message. Le colonel Radomir Vukovi essayait de savoir quelle serait la raction de lONU
si les Serbes prenaient lenclave et expulsaient la population []. Il ne disait pas que les
Bosniaques pourraient librement rester vivre dans lenclave mais quils seraient expulss.
Par population, il nentendait pas les soldats de larme de Bosnie-Herzgovine , se
souvient Kingori. Il ajoute que les officiers de Mladi ont ouvertement menac de tuer
tout le monde si la population ne quittait pas lenclave avant larrive des troupes
serbes mais ont, en revanche, propos douvrir un corridor de scurit vers Tuzla si elle
81
acceptait de partir de son plein gr . Dans un rapport ultrieur leur hirarchie, dat du
28-29 juin 1995, Kingori et ses collgues prcisent que la proposition de laisser partir la
population ne concerne pas les criminels de guerre . Leurs interlocuteurs serbes
auraient laiss entendre, selon Kingori, que seuls les hommes bosniaques nayant pas pris
les armes pourraient tre vacus, via la Serbie, vers des pays daccueil en dehors de la
rgion, la condition quils ne reviennent pas se battre en Bosnie. Les commandants
militaires de lONU sont ainsi avertis de la volont des forces serbes de sparer les hommes
aptes au combat du reste de la population et de les faire prisonniers. Prvenus aussi de
lintention des forces serbes de tuer tout le monde si lenclave nest pas vacue avant
leur arrive.
Joseph Kingori est formel, les militaires serbes ont galement fait part de leurs intentions
aux hauts responsables de la Forpronu Sarajevo et Zagreb. En sortant de cette runion,
mon sentiment tait que peut-tre quelque chose se tramait, que les Serbes taient en train
de planifier quelque chose pour sassurer que tout se passerait comme le disait le colonel
Vukovi si les Musulmans quittaient lenclave, un sauf-conduit leur serait donn, sinon,
quelque chose serait fait. Nous souponnions que quelque chose pouvait arriver et ils [les
82
Serbes] ont transmis le mme message aux QG de la force des Nations unies , tmoigne
lobservateur militaire lors de plusieurs procs devant le TPIY.
Seuls ceux qui sabusent volontairement peuvent imaginer que le march secret pass
avec les chefs de guerre serbes pour rtablir la paix dans les Balkans dissuaderait les
massacres. Les officiers serbes sont venus le leur rappeler. Leur signifier aussi que le
sacrifice de territoires va de pair avec celui des populations qui y vivent. En donnant
lONU, aux dirigeants bosniaques et aux gouvernements occidentaux le choix de dplacer
eux-mmes la population de Srebrenica ou de la laisser tre extermine, les nationalistes
serbes font deux, au mieux, des allis du dernier acte de la purification ethnique de la
valle de la Drina, au pire, des complices tacites du carnage venir. Grandes puissances et
ONU feignent dignorer la menace et, pour dmentir quelle ait jamais exist, ils nient la
volont mme des Serbes de prendre lenclave. Les dirigeants bosniaques, linverse,
soulignent le pril, lagitent mme, pour forcer Europens et Amricains changer de
stratgie et imposer une dfaite aux nationalistes serbes. Tous pensent pouvoir tirer
profit du sacrifice de Srebrenica.
Les services de renseignement dau moins deux des cinq membres permanents du
Conseil de scurit des Nations unies savaient dj dbut juin 1995, soit un mois et demi
avant lattaque serbe, que les forces serbes avaient lintention de prendre, dans les
semaines venir, les trois enclaves de lest de la Bosnie, savoir Srebrenica, epa et
Gorade []. Ces deux grandes puissances ont eu accs aux plans de bataille des forces
serbes avant lattaque et ne les ont pas partags avec les Pays-Bas , assne Joris
Voorhoeve, sur la base dun rapport que le renseignement militaire nerlandais lui a remis
en 1996 alors quil tait ministre de la Dfense. Ce rapport tentait de dterminer quels
pays prcisment disposaient dinformations cruciales avant la prise de Srebrenica par les
83
forces serbes .
Bien plus de deux tats savent, en juin 1995, quune attaque se prpare et quelle a pour
objectif de supprimer lenclave, convient aujourdhui Voorhoeve. Amricains, Franais,
Britanniques et Allemands ont leurs services de renseignement sur le terrain. Amricains
et Franais disposent en sus de moyens satellitaires et dcoutes. Et les responsables
militaires serbes affichent dsormais ouvertement leurs intentions. Cependant, seuls les
tats-Unis, la France et la Grande-Bretagne donnent leur feu vert la prise de Srebrenica
en informant les dirigeants serbes de la prolongation du moratoire sur les frappes de
lOtan. Ils sengagent ainsi, au nom des Occidentaux, ne pas faire obstacle aux desseins
serbes dans la valle de la Drina sans prendre la peine den avertir leurs allis et,
notamment, ceux dont les Casques bleus sont sur zone. La dcision de ne pas recourir la
force arienne de lOtan na pas t communique aux Pays-Bas ou tout autre pays. Cest
donc une dcision secrte. La stratgie tait de ne pas dissuader lattaque serbe sur
Srebrenica et les Pays-Bas se sont laiss instrumentaliser , constate avec amertume
84
lancien ministre hollandais de la Dfense . Lunique information concde aux Pays-Bas
semble donc le conseil, quelque peu nigmatique, de Richard Holbrooke la reine Batrix,
lors de la confrence Bilderberg, Zurich en juin.
Je ne suggre pas que les deux membres permanents du Conseil de scurit savaient
que lattaque serait suivie de tueries mais plutt que les habitants fuiraient rapidement
vers le centre de la Bosnie. Dans tous les cas, ils nont rien fait de leurs informations ,
85
poursuit Joris Voorhoeve . Parce quils ont lobligation de garantir la scurit des enclaves
par tous les moyens ncessaires, y compris lusage de la force , selon les termes des
rsolutions du Conseil de scurit, les tats-Unis, la France et la Grande-Bretagne feignent
de ne rien savoir et font diversion pour maintenir dans lignorance leurs partenaires. Car,
comme lindique alors le colonel nerlandais De Jonge, du quartier gnral de la force de
lONU Zagreb, tout le monde sait que les Casques bleus hollandais ne sont pas en mesure
dempcher la chute de lenclave ni dassurer la protection de la population : Lattaque
86
arienne est la seule arme possible . Mais les grandes puissances dmentent cette
politique dlibre qui engagerait leur responsabilit et plaident, la place, la surprise face
limprvisible.
Dbut juillet, Britanniques et Amricains retirent plusieurs de leurs haut grads des
postes de commandement de lONU dans la rgion. Le gnral Rupert Smith, commandant
oprationnel pour la Bosnie, rput partisan dengager le combat contre les forces serbes,
ainsi que son officier de liaison avec lOtan, dtach auprs de ltat-major Zagreb, partent
en vacances sur une le de la cte Adriatique. une demi-journe de route de Sarajevo ou
deux heures dhlicoptre de Zagreb, les deux Britanniques ne seront jamais rappels leur
poste, tout au long des six jours que va durer loffensive finale contre Srebrenica. Plusieurs
grads amricains, membres du G2 (la section de renseignement de la force de paix de
lONU) ou officiers de liaison avec lOtan, quittent galement le QG de Zagreb dans les
premiers jours de juillet. Les trois principaux fonds de pouvoir du Conseil de scurit sont
aussi en dplacement. Yasushi Akashi, le reprsentant politique de lONU dans la rgion et
le seul alors avoir Zagreb lautorit de requrir une protection arienne, est entre
Genve, o il assiste, le 8 juillet, une runion aux Nations unies laquelle participe
galement le gnral Janvier , et Dubrovnik, linvitation du gouvernement de Croatie.
Kofi Annan, le patron des oprations de maintien de la paix, a quitt son bureau de New
York pour Genve et des vacances Stockholm, tandis que le responsable Balkans au sein
de son cabinet, Shashi Tharoor, prend quelques jours de repos aprs un dplacement en
Virginie pour une runion sur lOtan. Quant leur chef, le secrtaire gnral des Nations
unies Boutros-Ghali, il est en voyage en Afrique. Le gnral Janvier, habilit recommander
les frappes ariennes, est parti pour des consultations Paris le 6 juillet et ne rentre que le
9 juillet aprs un dtour aux Nations unies Genve.
Silence complice
Lorsque les forces serbes lancent le 6 juillet laube la phase Krivaja de leur
opration militaire, lobjectif de leur assaut ne fait plus aucun doute. Pour Paris, pour moi
et pour mon tat-major en Bosnie, il tait absolument clair que les troupes serbes
entendaient mener leur offensive jusquau bout. Jai inform, par tlphone et par crit, mes
suprieurs au sein de lONU que lopration de juillet tait destine prendre lenclave ,
insiste le gnral franais Herv Gobillard, qui assure le commandement oprationnel des
forces de lONU en Bosnie pendant labsence du gnral Smith87. La dtermination des
dirigeants serbes expurger la Bosnie orientale de ses populations bosniaques est alors
dj une vidence et conduit inexorablement aux vnements de Srebrenica , reconnat,
en 1999, le secrtaire gnral des Nations unies dans son rapport sur la chute de lenclave.
Les grandes puissances vont nanmoins contester cet objectif et semployer convaincre
les responsables des Nations unies que lattaque ne vise pas conqurir Srebrenica mais
plutt neutraliser la route sud de lenclave. Cette route, dit-on, viterait aux Serbes de
faire un dtour de soixante kilomtres pour rejoindre le principal axe routier de lest de la
Bosnie. La veille du dclenchement de loffensive contre Srebrenica, lofficier amricain,
chef adjoint du G2, persuade sa hirarchie de regarder vers la Croatie. Larme croate y
serait sur le pied de guerre, prte reprendre les rgions soustraites lautorit croate par
les scessionnistes serbes en 1991 et dans lesquelles se trouvent des Casques bleus depuis
1992.
Srebrenica est sous les bombes, les soldats hollandais abandonnent un un leurs postes
dobservation face lavance serbe, mais le silence est de mise. Carl Bildt, qui rencontre
Miloevi et Mladi Belgrade le 7 juillet, discute plan de paix sans voquer la situation
Srebrenica. En pleine crise, le gnral Janvier est Paris pour parler non pas de Srebrenica
mais de la FRR dont il ne sait si elle sera sous son contrle ou sous celui de lOtan. Pas un
mot sur Srebrenica non plus le 8 juillet Genve o pourtant les dirigeants de lONU sont
venus de New York sentretenir de la situation en ex-Yougoslavie avec ltat-major de la
force de paix de lONU. Prsent la runion Genve, Rupert Smith propose de rentrer
Sarajevo mais repart finalement Korula, aprs avoir t dissuad dinterrompre ses
vacances. Zagreb, au QG des Casques bleus, les officiers de renseignement amricains
voquent bien Srebrenica mais pour assurer que les forces serbes nont aucun intrt
semparer de lenclave. Elles ne sauraient pas quoi faire de la population musulmane
88
locale , disent-ils . Les images transmises par les avions amricains de reconnaissance
qui oprent dans la zone dcrivent pourtant une situation alarmante autour de la poche89.
Et les observateurs militaires de lONU sur le terrain crivent, le jour mme, dans leur
rapport transmis au commandement Zagreb : La Forpronu et lensemble de la
population de Srebrenica sont la merci des forces bosno-serbes, [] la raction des
Nations unies est honteuse. Il faut trouver les moyens dviter un massacre gnralis.
Suite fortuite de concidences, affirment les grandes puissances qui dmentent toute
manipulation orchestre pour occulter labandon programm des enclaves menaces.
Nous savions tous que les enclaves taient indfendables. Et mme si nous tions tous
conscients, lintrieur comme lextrieur de notre QG, que les enclaves navaient pas
davenir et quelles disparatraient tt ou tard, les responsables civils et militaires de
lONU Zagreb ignoraient quand cela se produirait , affirme un membre belge du G2. Et
dajouter, pour preuve : Le gnral Rupert Smith serait-il parti en vacances sil savait que
90
Srebrenica allait tomber ? Le gnral Gobillard en est aujourdhui persuad : labsence
de son suprieur britannique na rien de fortuite. La progression des forces serbes
nbranle pas les convictions des dirigeants de la force de lONU Zagreb qui persistent
croire aux assurances du gnral Zdravko Tolimir, lofficier de liaison de Mladi qui jure ne
pas vouloir conqurir lenclave tout entire91. Bern par les officiers serbes et par les
renseignements occidentaux, le 9 juillet, le G2 Zagreb assure, dans une analyse intitule
Les intentions des belligrants dans les enclaves de lest , que les forces serbes ne
prvoient pas de changer de stratgie et vont continuer resserrer ltau autour de
Srebrenica, laissant craindre une nouvelle dtrioration des conditions de vie dans
lenclave et peut-tre des troubles . Sur le long terme , suggre lanalyse, cette pression
militaire pourrait conduire la capitulation des forces bosniennes de lenclave, sans que les
forces serbes naient engager defforts supplmentaires. Et le rapport du G2 de conclure :
Il est peu probable que les forces serbes engagent des oprations offensives grande
92
chelle pour liminer les enclaves . Les observateurs militaires de lONU sur zone
prvoient pourtant, le 9 juillet, que les forces serbes, maintenant en position de prendre
lenclave si elles le souhaitent, vont aller jusquau bout du fait de labsence de raction de
93
lONU . Ils ne seront pas entendus.
Le 10 juillet, le Pentagone tente de convaincre la presse que la ville nest pas en train de
tomber, elle est soumise une pression considrable mais nous pensons que cest en
reprsailles de loffensive des forces bosniaques autour de Sarajevo94 . Srebrenica,
lhpital est submerg, avec un grand nombre de nouveaux blesss qui affluent depuis le
petit matin de ce lundi 10 juillet. Malgr les bombardements, les forces de lONU assurent
que la situation de lenclave demeure stable. Vers 10 h 30, un obus souffle les vitres de la
salle dopration et de la pharmacie. Lhpital de Srebrenica est devenu aussi une cible.
Dans laprs-midi, le Dr Elias Pilav, le seul chirurgien de lhpital, demande assistance aux
quipes mdicales de la Forpronu. Le personnel mdical bosniaque, en sous-effectif,
travaille, depuis des jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et a besoin daide devant
lafflux de blesss civils. Mais les officiers hollandais refusent : Les soins mdicaux doivent
aller prioritairement nos soldats. Le soir, les troupes serbes pntrent dans les
quartiers sud de la ville. Jai du mal dcrire correctement latmosphre qui rgnait mais
un sentiment de panique et dhystrie totale sest empar de la population. Tous les
habitants de la partie sud et du centre de Srebrenica se sont prcipits dans la partie nord,
autour de notre hpital. Les gens taient convaincus que sils tombaient entre les mains des
Bosno-Serbes, ils seraient sans nul doute tus. Cette crainte tait tout fait palpable ,
raconte Christina Schmitz, infirmire de Mdecins sans frontires (MSF). Et Daniel OBrien,
mdecin australien de MSF, dajouter : peu prs quatre-vingts personnes sont entres
dans notre bunker et nous ont supplis dutiliser notre radio pour dire au monde extrieur
ce qui se passait. Les Nations unies ont promis de nous protger, disaient-ils. Nous vous
supplions de faire quelque chose avant quil ne soit trop tard. Les Casques bleus
hollandais informent les deux personnels de MSF que les forces serbes ne sont pas encore
entres dans la ville et quils ont post quatre transporteurs blinds sur la route, au sud de
Srebrenica, pour bloquer leur avance. Ils se veulent rassurants, disant que si les troupes
serbes devaient franchir cette ligne, ils feraient appel lOtan95.
Laveuglement des responsables de lONU Zagreb cause linertie du systme et donc la
chute de Srebrenica. Cest du moins lexplication officielle, valide en 1999 par le rapport
de lONU sur la chute de Srebrenica. La disparition de lenclave, dit le document, est la
consquence logique du dysfonctionnement de la force de lONU, du dfaut structurel de
son mandat et de la dfinition des zones de scurit ainsi que des manquements et des
fautes des individus, principalement au sein de la chane militaire des Nations unies . Une
version en trompe lil qui omet les faits les plus tangibles de la manipulation par laquelle
les grandes puissances ont pouss les responsables de lONU exclure contre toute
raison, contre toutes preuves, contre toute logique la possibilit mme de la prise de
Srebrenica.
Vingt ans se sont couls et lhistoire ne retient que le rcit dtaill des multiples
dmarches des commandants de la force de lONU sur le terrain pour requrir laviation de
lOtan, des demandes faxes qui se perdent en chemin ou qui sont rejetes. Ces anecdotes,
fondes sur une slection dinformations strictement confidentielles opportunment
communiques aux journalistes enqutant fin 1995 sur les circonstances de la tragdie,
captent lattention et permettent docculter les vritables causes de la chute de
96
Srebrenica . Le storytelling, cette machine fabriquer des histoires et formater les
esprits97 , impute le drame la frilosit, la crdulit ou la lchet des militaires de lONU.
Le gnral Bernard Janvier a constamment refus de tenir compte des appels dsesprs
des forces de lONU dans lenclave et aurait rejet, au moins cinq reprises, des
demandes de soutien arien venant du commandant du bataillon nerlandais prsent
Srebrenica , crivent lpoque les mdias avant que les tudes historiques sapproprient
le mythe. aucun moment, ces reconstitutions minutieuses ne tiennent compte du fait que
les militaires onusiens navaient plus, dbut juillet 1995, lautorit de solliciter des frappes
ariennes. Les grandes puissances navaient donc nul besoin dordonner aux commandants
militaires de ne rien faire. Elles avaient juste attendre en silence. attendre que les
armes simplifient les cartes et, du mme coup, la ngociation diplomatique. Un jeu
pernicieux qui va conduire au plus grand massacre en Europe depuis la fin du IIIe Reich et
dont il faut tout prix dtourner lattention.
Le seul responsable de lONU sur le terrain encore dtenir le pouvoir dagir au moment
de loffensive serbe est le reprsentant personnel de Boutros Boutros-Ghali, le diplomate
japonais Yasushi Akashi qui, lissue de la runion de lONU Genve le 8 juillet, ne rentre
pas Zagreb mais rejoint Dubrovnik, linvitation du gouvernement de la Croatie. Il reste
quarante-huit heures dans le joyau de lAdriatique, alors qu Srebrenica les forces serbes
ont investi tout le sud de la zone sanctuarise. Ni sa hirarchie ni le Conseil de scurit des
Nations unies ne le somment de rentrer durgence Zagreb. Pourtant les forces serbes
avancent sur lunique route qui mne, au centre de lenclave, la ville de Srebrenica, et des
frappes cibles sur cet axe peuvent rapidement arrter loffensive. De retour Zagreb dans
la nuit du 10 au 11 juillet, Akashi ne se prcipite pas son bureau. Il ne sy rend que dans la
matine du 11 juillet, lorsquil est dj trop tard.
Aujourdhui encore, les gouvernements occidentaux rcusent toute dsinformation
intentionnelle des dirigeants militaires de lONU Zagreb. Ils affirment que le plan pour
prendre lenclave nest dcid que tardivement au cours de loffensive et en un temps trs
court . Et ils en veulent pour preuve lordre oprationnel du 9 juillet 1995 par lequel
Radovan Karadi commande aux forces serbes engages dans loffensive de conqurir la
totalit de lenclave. Ils prtendent donc avoir t pris de court. Une assertion adopte par
98
tous les rapports institutionnels internationaux sur la chute de Srebrenica . Mladi na
pourtant fait aucun mystre de ses desseins, pas plus que Miloevi na occult ce quil
attendait en change de son soutien un accord de paix. Et les rapports de terrain transmis
dans le courant du printemps aux membres du Conseil de scurit des Nations unies
confirmaient limminence dune attaque. Mais les grandes puissances ne peuvent tout
simplement pas admettre publiquement avoir consenti livrer une population en danger et
sous leur protection ses bourreaux, de lavoir sacrifie une cause suprieure. Davoir fait
de Srebrenica un dommage collatral dune possible paix dans les Balkans.
Labandon intentionnel de lenclave induit une forme de complicit autre que morale.
Do limprieuse ncessit pour les gouvernements occidentaux de dmentir non
seulement lexistence dun accord secret, mais aussi la prvisibilit de la prise de
Srebrenica par les forces serbes. De garder galement la haute main sur llaboration du fil
narratif de cette tragdie. Or le rcit qui fait aujourdhui autorit par la foi des jugements du
TPIY est celui constitu par un membre du renseignement amricain qui depuis quinze ans
officie comme expert militaire dans toutes les affaires Srebrenica portes devant le
Tribunal pnal international de La Haye. Le rapport de Richard Butler sur la chute de
Srebrenica reconstitue dans le dtail et sur la base dune multitude de documents les
chanes de commandement des forces serbes et les mouvements de leurs troupes sur les
lieux dexcution. Il a permis la justice didentifier les coupables et den juger une partie.
Cit dans tous les jugements concernant le massacre de Srebrenica, il est devenu
irrvocable malgr des incohrences flagrantes avec certains faits avrs. Au prix
domissions et de distorsions dans la chronologie des dcisions et des intentions des
responsables serbes, il exclut la probabilit mme de la conqute de Srebrenica, juge
pourtant si manifeste par les rapports de terrain de lONU du printemps 1995.
Richard Butler reprend son compte le dni de ralit des services de renseignement
amricains et affirme quen juillet 1995, les forces serbes, ne sachant que faire des quelque
quarante mille personnes entasses dans Srebrenica, ne cherchent pas entrer dans la ville
mais resserrer ltau dans lattente terme de son effondrement. Cette hypothse
explicative sapplique transformer la finalit mme de lopration denvergure, lance le
6 juillet 1995, en une simple consquence opportune dont les forces serbes auraient
inopinment dcid de se saisir. En clair, les forces serbes auraient avanc jusquaux portes
de la ville sans autre fin que dattendre, dans le cadre de la stratgie long terme des
forces serbes de Bosnie envers Srebrenica , que le mouroir trangl et affam se rende. Or
cest justement parce que cette stratgie dasphyxie na pas port ses fruits que, presss de
conclure la guerre avant que la situation ne tourne leur dsavantage, les dirigeants serbes
en changent et ordonnent lopration Krivaja .
Lorsque de simples conjectures sont accrdites par le TPIY dans ses jugements, elles
bnficient automatiquement de la prsomption de vrit attache la chose juge99.
Lhypothtique revt alors valeur de fait avr sans mme que son bien-fond ait t
confront lensemble des donnes disponibles. Par simple glissement, les magistrats du
TPIY peuvent alors conclure qu enhardi par ce succs militaire et par ltonnant manque
de rsistance des Musulmans de Bosnie, ainsi que par labsence dune raction tangible de
la communaut internationale , le corps darme de la Drina reoit, le 9 juillet au soir,
100
lordre de prendre la ville de Srebrenica .
Cette obstination faire de la prise de Srebrenica, et corollairement des expulsions et
des massacres, une dcision de dernire minute ne contribue ni lintelligibilit des
vnements, ni limputation prcise des responsabilits pnales puisquelle rcuse la
notion de prmditation chez les dirigeants serbes et fait, ainsi, de la tragdie de
Srebrenica un vnement part, non pas par lamplitude des crimes, mais part, comme
une digression, dans le rcit de la campagne de purification ethnique mene par les forces
serbes en Bosnie-Herzgovine. Telle a t la consquence involontaire de la ncessit de
mettre hors de cause les gouvernements occidentaux dans la chute dune enclave sous
protection internationale et dans les vnements tragiques qui sensuivirent.
Lorsque, le 27 fvrier 1945, le chef de la diplomatie britannique Anthony Eden annona
la Chambre des communes qu la confrence de Potsdam la Grande-Bretagne avait estim
voir dans les expulsions en masse et par la force de minorits (notamment allemandes et
polonaises) de leur terre natale une solution possible aux diffrends territoriaux entre
puissances, le dput travailliste George Strauss avait exprim son opposition et constat
avec amertume : Nous sommes libres de commettre une injustice parce que nous
pouvons le faire en toute impunit. Sur le sol europen, lhistoire bgaye.
Depuis mars 1995, lorsque lordre est donn par la directive numro 7 de librer
dfinitivement lensemble de la valle de la Drina [] sans aucun espoir de survie pour les
Musulmans de la rgion , Mladi procde par tapes. Il commence au printemps par
renforcer le blocus de lenclave de Srebrenica sans susciter de condamnations de la
communaut internationale et de lopinion publique , comme le lui commandait la
directive numro 7. Puis, partir de la fin mai, il resserre ltau et amasse ses troupes
(opration Jadar ) tout en esprant que la pression militaire, conjugue celle exerce
par Miloevi auprs des mdiateurs internationaux, contraindra lenclave la reddition.
la faveur de lopration Krivaja , ses forces pntrent quatre kilomtres lintrieur de
lenclave et arrivent, le 9 juillet, jusquaux portes de la ville. ce stade, les habitants de
Srebrenica peuvent encore ngocier un sauf-conduit et demander lONU de superviser
leur vacuation. Mais ils savent ce qui les attend sils sont faits prisonniers pendant leur
transfert et choisissent de rester dans la zone de scurit , croyant tort quils y seront
protgs par les Casques bleus, conformment aux rsolutions du Conseil de scurit. Les
dirigeants bosniaques Sarajevo, qui ds le 8 juillet disent leurs interlocuteurs
occidentaux craindre un gnocide contre la population civile de Srebrenica si lenclave
venait tomber aux mains des troupes du gnral Mladi, ne demandent pas non plus une
vacuation sous haute protection internationale. Les forces serbes doivent donc achever la
conqute de Srebrenica militairement. Comme pour chacune des tapes prcdentes
depuis le printemps, la dernire est valide par un ordre oprationnel, sign le 9 juillet
dans la soire de la main de Radovan Karadi, prsident des scessionnistes serbes de
Bosnie, et, par ses fonctions, le commandant suprme des forces serbes en Bosnie. Aprs le
consentement des trois principales puissances de lOtan, la seule inconnue de lopration
militaire serbe tait de savoir si lultime phase de lassaut serait ncessaire ou si lenclave
serait vacue avant lentre victorieuse des troupes du gnral Mladi.
Les forces serbes ont les mains libres. Depuis le dbut de loffensive, Europens et
Amricains gardent le silence. Ils ont mme envoy Belgrade le ngociateur Carl Bildt
poursuivre les ngociations avec Miloevi sur la reconnaissance de la Bosnie-Herzgovine
et de la Croatie contre une leve des sanctions conomiques. Une partie dentre eux sait
pourtant, via ses services de renseignement, que Miloevi garde la haute main sur une
offensive dcide Belgrade pour simplifier la carte de partage avant de rejoindre la
table des ngociations et quil continue coordonner les oprations contre lenclave via les
gnraux Mladi et Perii101. Tous, en revanche, savent parfaitement quils ngocient,
comme lcrira la direction des Nations unies dans son rapport sur la chute de Srebrenica
en 1999, avec un rgime meurtrier et sans scrupule102 .
Privs de la dissuasion arienne, les militaires de lONU ne peuvent rien faire, sauf
protester auprs de Mladi. Les coutes effectues par la CIA ont immortalis les vaines
tentatives entreprises par le gnral Janvier ds son retour de Genve Zagreb, le 9 juillet.
Vous devez ordonner le retrait de vos hommes qui attaquent Srebrenica et stopper
loffensive avant 8 heures demain matin , lance lofficier franais son interprte qui est
en ligne, le 9 juillet, avec ltat-major de Mladi. Mais le commandant des forces serbes en
Bosnie dcline lappel et une voix rpond : Le gnral Mladi nest pas actuellement au
QG Nous ignorons o il est103 Le soir mme, Mladi ordonne ses troupes dtendre
loffensive la partie nord de lenclave et de semparer de Srebrenica.
Le 11 juillet, le drapeau serbe flotte sur Srebrenica. Mladi entre dans la ville conquise en
milieu de journe et dclare devant la camra de la tlvision officielle des sparatistes
serbes de Bosnie : Lheure de la vengeance contre les Turcs a sonn. Puis il ordonne la
leve du drapeau grec en remerciement aux volontaires venus participer la prise de la
104
ville au nom dune Europe libre des Musulmans .
Les forces serbes savourent dj leur victoire lorsque, autour de 14 h 45, deux F-16
nerlandais survolent la zone et lchent deux bombes fumignes. Officiellement, les deux F-
16 amricains qui effectuent un passage deux heures plus tard natteignent pas leurs cibles
en raison de la fume provoque par lexplosion dun char serbe atteint par les tirs des
appareils hollandais en dbut daprs-midi. En ralit, lautorisation de soutien arien a t
suspendue peu avant 16 heures dun commun accord entre lONU et lOtan. Ces premires
frappes ne sont, de fait, quun cran de fume pour masquer le refus des grandes
puissances de dissuader la prise de Srebrenica et pour donner des gages une opinion
publique choque par la passivit occidentale.
Depuis plusieurs jours, les conditions pour engager lOtan aux fins de protger les seuls
Casques bleus sont remplies : les troupes hollandaises sont la cible dattaques directes et
un ultimatum a t lanc aux forces serbes qui lont ignor. Nul ne comprend pourquoi le
gnral Janvier et avant le 9 juillet lorsque Janvier est Paris et Genve le gnral
hollandais Cees Nicolai, chef dtat-major du commandement des forces de lONU en
Bosnie, nont pas donn suite aux cinq demandes dsespres de protection arienne
limite envoyes par le commandant du bataillon nerlandais pendant lassaut de lenclave.
Quelques frappes cibles sur laxe sud de lenclave auraient probablement suffi stopper
lavance serbe. Trs peu savent que, mme en cas de tirs visant les Casques bleus, le haut
commandement militaire ne dtient plus le pouvoir de faire appel lOtan, dsormais entre
les seules mains du diplomate Yasushi Akashi, en conjonction avec New York. La surprise
est dautant plus grande chez les militaires de lONU que, dans la matine du 11 juillet, au
moment o lenclave est en train de tomber, de nouvelles instructions sont arrives de New
York, restreignant lusage mme de la force arienne des fins dautodfense des Casques
bleus. Les avions de lOtan ne sont plus autoriss liminer une menace directe contre les
soldats de lONU en neutralisant les forces attaquantes et leur armement lourd. Dans le
souci dviter tout effet descalade , ils doivent dsormais se contenter de cibler
uniquement les smoking guns, savoir les pices dartillerie ou les chars en train de tirer
effectivement sur les forces de lONU. Tout le monde ltat-major de la force de lONU
Zagreb sait maintenant que les dirigeants politiques ont dcid de laisser tomber
105
lenclave .
De retour de Dubrovnik, Yasushi Akashi rapparat au QG de lONU Zagreb dans la
matine du 11 juillet alors que les Serbes prennent possession de la ville de Srebrenica.
Lultime requte formule 10 heures par le commandant nerlandais Srebrenica peut
donc lui tre soumise. Akashi ne peut agir que sur recommandation des militaires, seuls
mme dvaluer les besoins en soutien arien. 12 heures, le gnral Janvier signe sa
demande : Je recommande que lautorisation soit donne par les Nations unies dactiver
106
un blue sword . Il y a ajout une consigne manuscrite contrevenant aux nouvelles
directives reues le matin mme de New York : Pour des attaques contre toute force
attaquant les positions de blocage de la force de lONU au sud de lenclave ainsi que tout
armement lourd identifi comme tant une menace pour les forces de lONU dans la ville de
Srebrenica.
Il faut prs de deux heures pour que la signature dAkashi soit entrine par la direction
de lONU New York et que laviation de lOtan intervienne. Le temps pour le diplomate de
rassurer Miloevi Belgrade et de lui expliquer au tlphone 15 heures la distinction
entre des frappes ariennes et une sortie de lOtan qui nentend aucunement mettre en
pril le processus de ngociations en cours.
Joris Voorhoeve, le ministre de la Dfense qui a annonc la tlvision nerlandaise, le
10 juillet au soir, limminence de raids ariens et demand ses concitoyens de se prparer
lventualit de pertes humaines parmi les soldats nerlandais stationns Srebrenica,
est catgorique : Lappui arien na t autoris quau tout dernier moment. Ce ntait
quun exercice pro forma pour dissiper laccusation de renoncement au recours larme
107
arienne . Lopinion publique nest cependant pas dupe. Les frappes ne font illusion
personne, pas mme aux Serbes chez qui la rponse tardive et insignifiante de lOtan
108
suscite la rise .
1.
Mise en place en avril 1994, le Groupe de contact pour les Balkans, compos de cinq membres, lAllemagne, les
tats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie, a pour objectif dimpliquer davantage les tats-Unis dans le
rglement du conflit, les Europens stant persuads quils ny parviendraient pas seuls.
2.
Cble du dpartement dtat amricain du 12 avril 1995,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12431, et du 14 avril 1995,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12435, Clinton Digital Library.
3.
Le Conseil de scurit des Nations unies avait vot, le 30 mai 1992, des sanctions conomiques contre la Serbie-et-
Montngro, souponne dtre implique dans la guerre en Bosnie. Ces sanctions appelaient tous les tats
membres rompre les liens commerciaux, geler les avoirs serbes ltranger, imposer un embargo ptrolier,
interdire tout change culturel ou sportif et suspendre les vols ariens.
4.
Les habitants de la Bosnie-Herzgovine sont appels les Bosniens. Les Bosniaques, en revanche, sont les Slaves
islamiss sous lEmpire ottoman, appels Musulmans avec une majuscule dans la Yougoslavie de Tito. La Bosnie-
Herzgovine compte trois peuples constitutifs, les Bosniaques, les Croates et les Serbes, et un ensemble de
minorits ethniques qui jusquau conflit cohabitaient dans une rpublique en taches de lopard dessinant une
gographie ethnique complexe et indivisible. Pour diffrencier les Serbes et les Croates de Bosnie des Serbes de
Serbie et des Croates de Croatie, on parle communment des Bosno-Serbes et de Bosno-Croates.
5.
Notant que lun des objectifs stratgiques des Serbes de Bosnie prsents en mai 1992 tait dtablir un corridor
dans la valle de la Drina, savoir dliminer la Drina en tant que frontire sparant les tats serbes , le Tribunal
pnal international pour lex-Yougoslavie a constat que la direction bosno-serbe a compris et prvu que la
cration de territoires ethniques serbes incluait la partition de la Bosnie-Herzgovine ainsi que la sparation et le
dplacement dfinitif, par la force ou par accord, des populations ethniques des municipalits dsignes comme
tant serbes (le procureur contre Miroslav Deronji, jugement portant condamnation, paragraphes 57, 68). Au
e
cours de la 17 session de lAssemble des Serbes (scessionnistes) de Bosnie, les 24 au 26 juillet 1992, Radovan
Karadi a prcis que ce conflit a t dclench en vue dliminer les Musulmans .
6.
La carte du Groupe de contact, dans sa forme initiale, a t montre lauteure en juin 1994 Paris par le ministre
franais des Affaires trangres, Alain Jupp.
7.
Session du Conseil suprme de dfense de Serbie-et-Montngro du 30 aot 1994, cit dans : Florence Hartmann,
Paix et Chtiment, Flammarion, 2007, page 128.
8.
Hrvoje arini, Svi moji tajni pregovori sa Slobodanom Miloeviem, 1993-1995 (Tous mes entretiens secrets avec
Sobodan Miloevi, 1993-1995), Globus, Zagreb, 1999, page 187. En franais dans : Florence Hartmann, Miloevi, la
diagonale du fou, Folio Document, Gallimard, Paris, 2002, pages 443-444.
9. Hrvoje arini, ibid., page 178 ; Florence Hartmann, ibid., page 448.
10.
Le plan de paix alors en discussion prvoyait la transformation de la Bosnie-Herzgovine en une union de trois
rpubliques serbe, croate et musulmane la premire se voyant attribuer 52 % du territoire, la deuxime 18 % et
la troisime 30 %.
11. Jan Willem Honig et Norbert Both, Srebrenica : Record of a War Crime, Penguin, Londres, 1998.
12. Hrvoje arini, op. cit. page 184.
13.
Sur la position amricaine vis--vis du retrait de lONU de Bosnie et de lassistance attendue de lOtan le cas
chant, voir les archives des documents dclassifis de lpoque. Notamment le rapport Anthony Lake au
prsident Clinton du 9 mars 1995 : http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12418
14. Radio 1, mission Argos , partie I, diffuse le 22 dcembre 2006 aux Pays-Bas.
15.
Les directives oprationnelles sont signes par Radovan Karadi, le chef politique des sparatistes serbes de
Bosnie-Herzgovine, au titre de commandant suprme de leurs forces armes. Cependant, elles ont toutes t
o
rdiges par les dirigeants militaires en coordination avec Belgrade. La Directive n 4 de 1992 est le fait du gnral
Manojlo Milovanovi (TPIY, procs Karadi, audience du 29 fvrier 2012 et du 11 fvrier 2009). Le gnral
Radivoje Mileti est lauteur de la Directive numro 7, date du 8 mars 1995 qui enjoignait dexpulser la population
musulmane des enclaves de Srebrenica et epa (TPIY, Affaire Karadi, acte daccusation du 19 octobre 2009.). Les
deux officiers sont des gnraux de Serbie pays par Belgrade pour servir au sein de ltat-major de larme serbe
en Bosnie.
16.
er
Procs de Ratko Mladi, TPIY, audience du 1 dcembre 2014,
http://www.icty.org/x/cases/mladic/trans/fr/141201FE.htm
17.
Rsolution 819 du 16 avril 193 (Srebrenica), rsolution 824 du 6 mai 1993 (Sarajevo, Biha, Gorade, Tuzla, epa),
rsolution 836 du 4 juin 1993 (autorisant le recours la force pour faire respecter les six zones de scurit).
18. Rsolution 824 du 6 mai 1993, ou 836 du 4 juin 1993, point 9.
19.
Carnets de notes de Ratko Mladi. Ces carnets ont t saisis en fvrier 2010 chez Mladi Belgrade et remis au TPIY
qui les a rendus publics en octobre 2010.
20. Gnral Morillon, entretien avec lauteure, janvier 2011.
21.
Lengagement de lOtan sur le terrain ex-yougoslave remonte 1992. Les forces de lOtan ont dabord t
impliques dans les oprations de surveillance maritime de lembargo sur les armes ( Sharp Guard ) en 1992 et
de contrle du respect de linterdiction de survol de la Bosnie ( Deny Flight ) en 1993. LOtan est galement
habilite excuter des frappes ariennes pour dfendre les Casques bleus au sol. partir de lt 1993, lOtan peut
galement intervenir contre des parties ne respectant pas les rsolutions du Conseil de scurit de lONU
concernant laide humanitaire ou la protection des enclaves dcrtes zones de scurit .
22. Interview du Gnral Eisele, Radio1, VPRO, Argos, Pays-Bas, 5 avril 2002
23.
Jaspers Huub, Recherchieren am Extrem das Massaker von Srebrenica Confrence lAcadmie dhiver de
lAssociation des journalistes allemands (DJV), Sarajevo, mars 2005, http://www.bits.de/public/gast/jaspers05-
1.htm
24.
En 1993, lONU et lOtan staient entendues pour que le recours la force arienne de lAlliance atlantique se fasse
en cas :
1. dattaques contre les forces de lONU ;
2. de bombardements des zones protges ;
3. dincursions dans les zones protges ;
4. dobstruction la libert de mouvement des Casques bleus ou des convois daide humanitaire.
25. Selon le tmoignage de David Harland lors du procs Karadi au TPIY, audience du 7 mai 2010.
26.
Le procureur c. Miroslav Deronji, jugement de premire instance, TPIY, affaire, IT-02-61-S, paragraphe 54. Voir
aussi la dposition de M. Deronji devant les enquteurs du TPIY, date du 26 novembre 2003, paragraphe 17,
page 6.
27.
La poche de Biha tait dune superficie trs suprieure celle des petites enclaves de Bosnie orientale et comptait
200 000 personnes, parmi lesquelles 1/5 de rfugis, survivants du nettoyage ethnique.
28. Procs de Ratko Mladi, TPIY, audience du 1er dcembre 2014, op. cit.
29. Archives amricaines : NSC discussion Paper re Bosnia Strategic Choices , 17 mai 1995 ; DCI Interagency
Balkan Task Force (BTF) Memorandum re Principals Committee Meeting on Bosnia and Croatia May 19th, 1995 ,
18 mai 1995, Clinton Digital Library, http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12462
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12463
30. Ibid.
31. NSC discussion Paper re Bosnia Strategic Choices , 17 mai 1995, op. cit.
32. Ibid.
33.
Robert Block, UN left 8 000 to die in Bosnia , The Independent, Londres, 30 octobre 1995,
http://www.independent.co.uk/news/un-left-8000-to-die-in-bosnia-1580101.html
34.
BTF (DCI Interagency Balkan Task Force) List re Balkan Crisis Chronology of International Response, Significant
er
Events , 1 septembre 1995, page 55, Clinton Digital Library,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12527
35.
Anthony Lake to President Clinton re Policy for Bosnia Use of U.S. Ground Forces to Support NATO Assistance for
Redeployment of UNPROFOR within Bosnia , 29 mai 1995, Clinton Digital Library,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12471
36.
Cit par Misha Glenny, Washington Will Miss Skilled Envoy Whose Bosnia Mission was Repudiated , London
Times, 21 aot 1995.
37. The Times, 21 aot 1995 (cit dans : Florence Hartmann, Milosevic, la diagonale du fou, op. cit.).
38.
Department of State Cable re Ive Broken the Machine , 27 mai 1995, Clinton Digital Library,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12469
Voir aussi : Department of State Cable re Smith We Either Fight or We Dont , 28 mai 1995, Clinton Digital
Library, http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12470
39.
Anthony Lake to President Clinton re Policy for Bosnia Use of U.S. Ground Forces to Support NATO Assistance for
Redeployment of UNPROFOR within Bosnia , 29 mai 1995, Clinton Digital Library,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12471
40.
Derek Chollet et Bennett Freeman, The Secret History of Dayton, U.S. Diplomacy and the Bosnia Peace Process 1995,
U.S. Department of State, Dayton History Project, Washington, mai 1997. Ouvrage dclassifi pour les dix ans des
accords de Dayton et accessible dans : National Security Archive Electronic Briefing Book No. 171, chapitre 1,
page 5, 21 novembre 2005, http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB171/
41.
Anthony Lake to President Clinton re Policy for Bosnia Use of U.S. Ground Forces to Support NATO Assistance for
Redeployment of UNPROFOR within Bosnia , op. cit.
42. Rsolution 836 du Conseil de scurit de lONU, 4 juin 1993, paragraphe 10.
43.
Anthony Lake to President Clinton re Policy for Bosnia Use of U.S. Ground Forces to Support NATO Assistance for
Redeployment of UNPROFOR within Bosnia , op. cit.
44. Le 5 juillet 1995, Malcolm Rifkind devient le chef de la diplomatie britannique.
45.
er
Rapport de la DCI, BTF Report re Prospects for the Eastern Enclaves Following a UN Retrenchment , 1 juin
1995, Clinton Digital Library, http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12473
46.
Cble 2699 du 5 juin 1995, cit dans : The Secret History of Dayton, op. cit., chapitre 1, page 7,
http://www2.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB171/ch01.pdf
47.
Voir notamment NSC Memorandum re Foreign Policy Group Meeting on Bosnia [scheduled on] Wednesday June
21, 1995 , http://www.clintonlibrary.gov/bosniadeclassdocs.html
48. Holbrooke, To End a War, Random House, New York, 1998, page 65.
49. The Secret History of Dayton, op. cit., chapitre 1, page 12.
50.
Mark Danner, Bosnia: The Great Betrayal , The New York Review of Books, 26 mars 1998,
http://www.markdanner.com/articles/bosnia-the-great-betrayal ; Olenka Frankiel, Secrecy still shrouds
Srebrenica , BBC 2, 22 octobre 2009, http://news.bbc.co.uk/go/pr/fr/-
/2/hi/programmes/newsnight/8321388.stm
51. Entretien avec lauteure, 2010.
52.
Richard Holbrooke, interview par Elvir Camdic, Hayat TV, Sarajevo, 21 novembre 2005. Holbrooke a dabord
assur avoir rejet les consignes pour ensuite admettre stre seulement oppos contraindre les dirigeants
bosniaques labandon de Gorade.
53. The Secret History of Dayton, op. cit., chapitre 1, pages 8-9.
54.
SC Paper re Former Yugoslavia Policy Review , 27 fvrier 1995, Clinton Digital Library,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12413
55. Ibid. page 12.
56.
Une partie de larmement qui arrive alors en Croatie sous la supervision des tats-Unis est destine la Bosnie-
Herzgovine. La dcision a t prise aprs les accords de Washington de mars 1994 tablissant une entit croato-
bosniaque en Bosnie-Herzgovine mais aussi une alliance militaire entre les deux armes pralablement opposes.
Les armes sont livres via la Croatie et une partie est destine aux forces gouvernementales en Bosnie. Ces
dernires sont fournies par lIran, dans le cadre dun accord avec les tats-Unis. Do le nom d Irangate II .
http://www.hri.org/news/balkans/bosnet/1996/96-05-24.bos.html#01
Voir aussi les passages du rapport Srebrenica du NIOD, notamment pages 2752-2758,
http://publications.niod.knaw.nl/publications/srebrenicareportniod_en.pdf
57.
The Secret History of Dayton, op. cit., chapitre 1, page 4, note 13. Voir aussi la synthse de la runion :
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/12467
58.
Les carnets du gnral Mladi ont t saisis en 2008 son domicile belgradois et remis au TPIY qui les a rendus
publics.
59.
Mi-juin, La Presle informe Mladi de la nomination du nouveau ngociateur de lUnion europenne en la personne
de lancien Premier ministre sudois, Carl Bildt.
60.
Dclaration de Paul Barril en 2004 une personne connue de lauteure. Ltat de sant de M. Barril na pas permis
de recueillir directement ses propos.
61.
Cbles du gnral Janvier sa hirarchie au sein de lONU, du 14 au 30 juin 1995, Rencontre entre le gnral
Janvier et le gnral Mladi, commandant en chef des Forces serbes de Bosnie, Bosnie le 4 juin 1995 , envoy par
Akashi Kofi Annan New York, 15 juin 1994, No. Z-995.
62.
Rapport hollandais sur Srebrenica (NIOD), partie III, section 8, page 1467,
http://publications.niod.knaw.nl/publications/srebrenicareportniod_en.pdf
63.
Waarom Srebrenica moest vallen ? (Pourquoi Srebrenica devait tomber ?) , 2Doc, VPRO, Pays-Bas, documentaire
diffus sur la chane nerlandaise NPO2, le 29 juin 2015.
64.
Pour les liens entre Stanii et la CIA, voir le portrait de Stanii, in Dejan Anastasijevi, Notre homme
Belgrade , Vreme numro 948, Belgrade, 5 mars 2009. Inculp par le TPIY pour crimes contre lhumanit en
Croatie et en Bosnie, notamment pour avoir cr et dirig des units spciales charges de semer la mort hors de
Serbie, Jovica Stanii a t acquitt en premire instance. Actuellement en appel, le verdict a suscit
lincomprhension gnrale.
65. Selon un ancien ministre nerlandais, entretien avec lauteure, dcembre 2010.
66.
Les carnets de notes de Robert Bob Djurdjevi sont accessibles au public : le journal de Djurdjevi,
http://www.truthinmedia.org/Bulletins/tim97-1-7.html
67.
Rapport hollandais sur Srebrenica (NIOD), page 1454,
http://publications.niod.knaw.nl/publications/srebrenicareportniod_en.pdf
68.
Entretiens tlphoniques avec lauteure, dcembre 2009 (I. Roberts) et avril 2010 (S. Koljevi). noter que Nikola
Koljevi, le frre de Svetozar, sest suicid en janvier 1997, aprs la fin de la guerre.
69.
Kurt Schork, Reuters, 19 juin 1995, Washington Post, 22 juin 1995 ; Roger Cohen, France held secret talks with
Serbs , New York Times, 23 juin 1995.
70.
Parmi les premiers articles sur le sujet : Roy Gutman, UNs Deadly Deal : How troop-hostage talks led to slaughter
of Srebrenica , Newsday, 29 mai 1996 ; Srebrenica: A Bosnian Betrayal , Dispatches, Channel 4/BBC, 29 mai
1996 ; Frank Westerman, Slachting Srebrenica gevold van bewuste keuze , NRC Handelsblad, 29 mai 1996 ; Mark
Danner Bosnia: Breaking the Machine , The New York Review of Books, 19 fvrier 1998.
71. Rapport NIOD, partie III, chapitre 3, paragraphe 6.
72.
Cble dAkashi Annan, 19 juin 1995, numro Z-1020. Voir aussi Roger Cohen, France held secret talks with the
Serbs , New York Times, 23 juin 1995, http://www.nytimes.com/1995/06/23/world/france-held-secret-talks-
with-serbs.html
73.
La formule est utilise, notamment, par Madeleine Albright. Voir le rapport NIOD, partie III, section VI, page 1462,
http://publications.niod.knaw.nl/publications/srebrenicareportniod_en.pdf
74.
Bien que Carl Bildt ait t officiellement nomm ngociateur de lUE la mi-juin 1995, nombre de diplomates
amricains, comme Richard Holbrooke (To End a war, op. cit., page 63), suggrent quil a pris ses fonctions fin
mai 1995. Cette modification des dates vise occulter le rle des tats-Unis dans les trois semaines cruciales o
laccord secret avec Miloevi est conclu.
75. Op. cit.
76. Manfred Eisele, Radio 1, mission Argos , Pays-Bas, 22 dcembre 2006.
77. Op. cit., page 64.
78.
Andreas Zumach, Berliner Tageszeitung, 12 octobre 1995. Voir aussi interview de Andreas Zumach dans Vlada
Azinovic, Dok je svijet spavao : Medjunarodna zajednica i rat u BiH, 1992-1995 (Pendant que le monde dormait :
La communaut internationale et la guerre en Bosnie-Herzgovine, 1992-1995) , srie documentaire
radiophonique, partie Zapadne obavjestajne sulzbe i pad Srebrenice (Les services de renseignement occidentaux
et la chute de Srebrenica) , pisode 3, Prislukivanje (Les coutes) , Radio Free Europe, 2005,
www.slobodnaevropa.org/specials/djss/zos/zos_epizoda_3.htm
Voir aussi : Gordan Mali, Les transcriptions des coutes de la CIA concernant Mladi , Globus, Zagreb, 6 janvier
2006. Traduction en anglais de larticle : http://srebrenica-genocide.blogspot.com/2006/01/cia-transcripts-on-
mladic.html
79. Thom Karremans, Srebrenica : Who cares ?, Arko, Nieuwegein, 1998, page 149.
80.
Andreas Zumach, Dayton evidence withheld , Berliner Tageszeitung, 31 janvier 1996 ; Andreas Zumach, New
Evidence Further Implicates France in Fall of Srebrenica , Basic Reports numro 56, 11 fvrier 1997.
81.
Colonel Joseph Kingori, observateur militaire de lONU en 1995, tmoignage devant le TPIY dans, entre autres, les
affaires Radislav Krsti (31 mars et 3 avril 2000) et Radovan Karadi (2011).
82. Ibid., affaire Krsti, TPIY, audience du 31 mars 2000, T.1820.
83.
Joris Voorhoeve dans Spraakmakende Zaken (Questions notables), programme dirig par Paul Rosenmller,
tlvision hollandaise IKON, 9 juillet 2005. galement dans lmission radiophonique hollandaise Argos , Radio
1, partie I, diffuse le 22 dcembre 2006. Voir traduction en anglais :
http://www.domovina.net/archive/2007/20070110_argose.php.
Voir aussi Olenka Frankiel, BBC 2, Secrecy still shrouds Srebrenica , 22 octobre 2009,
http://news.bbc.co.uk/go/pr/fr/-/2/hi/programmes/newsnight/8321388.stm
84. Joris Voorhoeve, mission Argos , Radio 1, Pays-Bas, partie II, diffuse le 5 janvier 2007.
85.
Idem. Lancien ministre de la Dfense a refus jusqu prsent de dvoiler le nom des deux membres permanent du
Conseil de scurit de lONU identifis dans le rapport hollandais de 1996. Il sest content de dire quil sagissait
dun pays assez grand et dun beaucoup plus grand . Dautres sources, ayant eu accs au rapport, indiquent quil
sagit des tats-Unis et du Royaume-Uni.
86.
Florence Hartmann, Chronologie dune ngligence criminelle : le gnocide de Srebrenica , in LEx-Yougoslavie en
Europe, de la faillite des dmocraties au processus de paix, LHarmattan, Paris 1997.
87.
Herv Gobillard, entretien publi dans La Prise du pont Vrbanja : un acte de guerre par les soldats de la paix ,
Cits numro 32, 2007, http://www.cairn.info/revue-cites-2007-4-p-93.htm
88. Rapport du NIOD (Pays-Bas), partie III, 2004, http://srebrenica.brightside.nl/srebrenica/toc/p3
89.
Andreas Zumach, US Intelligence knew Serbs were planning an Assault on Srebrenica , Basic Reports, Londres,
16 octobre 1995.
90. Interview avec lauteure, 2002.
91.
Le subordonn de Tolimir, Momir Nikoli, a, devant le TPIY, reconnu que lopration militaire, lance en 1995 et qui
consistait a renforc le blocus de lenclave et lattaquer, avait pour objectif final llimination de lenclave ,
procs Tolimir, audience du 5 avril 2011. En dcembre 2012, Tolimir a t condamn la perptuit pour gnocide.
Lors de son rquisitoire, lavocat gnral a dcrit lancien bras droit de Mladi comme lincarnation mme du
gnocide commis Srebrenica .
92. Rapport NIOD, 2002, page 2928.
93. Rapport de lONU sur la chute de Srebrenica, 1999, paragraphe 264.
94. Chris Hedges, Serb Forces Fight Dutch UN Troops in Eastern Bosnia , New York Times, 11 juillet 1995.
95.
Audition du 29 mars 2001 de Daniel OBrien et Christina Schmitz devant la mission dinformation parlementaire,
op. cit.
96.
La premire reconstitution dtaille a t signe par les journalistes amricain Roy Gutman et britannique Cabell
Bruce, A Bosnian Betrayal, documentaire diffus sur Channel 4, Royaume-Uni, mai 1996. Suivra le livre du
journaliste amricain David Rohde, Le Grand Massacre, Plon, Paris, 1998.
97. Selon la formule de Christian Salmon, dans son livre ponyme, La Dcouverte, Paris, 2007.
98.
Rapport de lONU sur la chute de Srebrenica, 1998 ; rapport hollandais du NIOD de 2002 ; rapport dinformation de
lAssemble nationale, France, 2001 (http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/srebrenica.asp), rapport de
(lexpert militaire) Richard Butler pour le TPIY, entrin par tous les jugements relatifs Srebrenica (consultable
en anglais https://archive.org/stream/274491-srebrenica-military-narrative-operation-krivaja-95/274491-
srebrenica-military-narrative-operation-krivaja-95_djvu.txt).
99.
Voir notamment : affaire Radislav Krsti, jugement de premire instance, TPIY, 2001, paragraphe 120-121,
http://www.icty.org/x/cases/Krsti/tjug/fr/010802f.pdf
100. Ibid., paragraphe 33.
101.
Selon le rapport de la direction du renseignement militaire des Pays-Bas remis en 1996 au ministre nerlandais de
la Dfense Joris Voorhoeve, aux vues des coutes de communications entre les dirigeants politiques et militaires
serbes effectues par les services occidentaux avant et aprs la chute de Srebrenica. Voir rapport Srebrenica, NIOD,
page 1781.
102. Rapport ONU sur Srebrenica, page 108, paragraphe 502.
103. Gordan Mali, op. cit.
104.
En mars 1995, une unit de volontaires grecs est rattache au sein du corps darme de la Drina. Base Vlasenica,
lunit participe en juillet 1995 la prise de lenclave. Elle est constitue de membres de la garde des volontaires
grecs de Chrysi Avgi (Aube dore). Certains combattants grecs auraient galement particip aux excutions de
masse.
105.
Cornelis Nicola, gnral hollandais, ancien membre de ltat-major de la force de lONU en Bosnie, tmoignage du
19 avril 2001 devant la commission de lAssemble nationale, rapport Srebrenica, Paris, 2001,
http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/srebrenica/audition14.asp
106.
Selon la procdure dengagement de laviation de lOtan, Blue Sword correspond des frappes ariennes
rapproches (close air support), destines apporter un soutien des troupes de lONU attaques tandis que la
procdure Gold Sword consiste en des raids massifs et de dissuasion (air strike), non plus sur les troupes attaquant
directement la Forpronu, mais sur leur dispositif en profondeur, la logistique, le ravitaillement, les casernes, les
pices dartillerie, etc.
107. Joris Voorhoeve, entretien, mission Argos , Radio 1, Pays-Bas, partie II, 5 janvier 2007.
108.
Ils nont largu que quatre bombes sur toute la zone sans mme savoir sur qui ou sur quoi ils tiraient. [] Les
informations fournies par leurs services de renseignement ntaient pas bonnes et ils se sont plants , explique le
11 juillet 1995 dans laprs-midi un officier de renseignement de ltat-major de Mladi au rdacteur en chef
adjoint dune agence de presse belgradoise. Selon une interception tlphonique effectue par la CIA cite dans
Gordan Mali, op. cit.
109.
Les raisons de limpossible dfense de Srebrenica par larme bosnienne sont explicites par les experts amricains
dans les documents dclassifis de la Maison Blanche, 1995-07-18A, BTF Report re The Bosnian Army in
Srebrenica What, et aussi 1995-08-03A, BTF Report re An Evaluation of the Washington Post Article,
http://www.clintonlibrary.gov/bosniadeclassdocs.html
110.
Le ministre nerlandais de la Dfense, Joris Voorhoeve, a bien demand au tlphone, le 11 juillet 1995 vers
17 heures, Yasushi Akashi dannuler toute nouvelle srie de frappes ariennes ponctuelles autour de Srebrenica.
Sa requte na toutefois eu aucun impact, la dcision de renvoyer les avions de lOtan leur base dAviano, en Italie,
ayant t prise pralablement plus haut niveau, au sein de lONU et de lOtan.
111. NIOD, rapport Srebrenica, pages 1776-1787 et To End a War, op. cit., page 70.
112. Op. cit.
113. Sunday Times, Londres, les 7, 14, 21 juillet 2002.
114. Carl Bildt, Peace Journey : The Struggle for Peace in Bosnia, Orion, Londres, 1999.
115.
Anthony Banbury (assistant de Yasushi Akashi en 1995), notes issues de la runion organise par Yasushi Akashi le
11 juillet 1995 18 h 30 avec ses collaborateurs Zagreb.
116. David Rodhe, Le Grand Massacre, op. cit.
117. Anthony Banbury, op. cit.
118.
Herv-Michel Gobillard, entretien dans La prise du Pont Vrbanja : un acte de guerre par les soldats de la paix , op.
cit.
119. Rapport Srebrenica, NIOD. Voir en particulier partie III, chapitre 7, section 6, page 1779 et suivantes.
120.
Pierre Salignon, audition devant la mission dinformation de lAssemble nationale, rapport, France, 17 mai 2001.
121.
Phillip Corwin, Dubious mandate : A Memoir of the UN in Bosnia, Summer 1995, Durham, NC : Duke University Press,
1999, page 212.
122.
Robert Franken, audition dans laffaire Radislav Krsti, TPIY, 4 avril 2000. Voir aussi NRC Handelsblad, Pays-Bas,
21 janvier 2001.
123.
Pierre Salignon, audition devant la mission dinformation de lAssemble nationale, rapport, France, 17 mai 2001.
124. David Rohde, op. cit.
125. Joris Voorhoeve, mission Argos , Radio 1, Pays-Bas, parties I et II, 22 dcembre 2006 et 5 janvier 2007.
126.
Voir pour plus dinformation, ltude de synthse de Daniel Toljaga, Prelude to the Srebrenica genocide: mass
murder and ethnic cleansing of Bosniaks in the Srebrenica region during the first three months of the Bosnian war
(April-June 1992) , Londres, 23 novembre 2010, http://www.bosniak.org/prelude-to-the-srebrenica-genocide-
mass-murder-and-ethnic-cleansing-of-bosniaks-in-the-srebrenica-region-during-the-first-three-months-of-the-
bosnian-war-april-june-1992/
127.
Le procureur du TPIY, Richard Goldstone, a fait cette annonce publiquement le 25 avril 1995. Il inculpe Karadi et
Mladi de gnocide et de crimes contre lhumanit en Bosnie le 25 juillet 1995, une inculpation de gnocide qui, en
novembre 1995, sera tendue aux crimes commis Srebrenica.
128. Samantha Power, A Problem from Hell, lAmrique lge du gnocide, Paperback, 2003, page 410.
129. Rapport NIOD, page 1771.
130.
En tmoigne un cble diplomatique amricain dclassifi entre Washington et la mission des tats-Unis auprs du
QG de lONU New York, dat du 12 juillet 1995. Plusieurs tlgrammes diplomatiques dclassifis de lpoque font
par ailleurs tat des craintes relatives une rdition du scnario rwandais.
131.
Le 7 avril 1994, Kigali, la Premire ministre Agathe Uwilingiyimana est assassine par les milices gnocidaires en
mme temps que les dix Casques bleus belges qui tentaient de la protger.
132. Cble diplomatique amricain dclassifi. Voir : Intelwire.com, ibid.
133. http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/srebrenica/audition12.asp
134.
Voir dans la presse hollandaise le NRC Handelsblad, du 13 aot 1998 et du 21 octobre 1995 ainsi que le rapport
Srebrenica, NIOD, page 1769, page 1771, etc.
135.
Tlgramme dAkashi Annan du 11 juillet 1995, passage cit dans
http://www.tpiy.org/x/cases/popovic/trans/fr/071108IT.htm
136.
Voir les cbles diplomatiques amricains dclassifis de juillet 1995, ainsi que le rapport sur Srebrenica du NIOD,
Amsterdam, 2002, notamment la partie III, chapitre 7, section 6.
137.
Gnral Onno Van der Wind, compte rendu du dbriefing (du Dutchbat) sur Srebrenica, ministre de la Dfense des
Pays-Bas, Assen, 4 octobre 1995, page 75, paragraphe 6.40, http://www.slobodan-
milosevic.org/documents/debrief.pdf
138. http://www.refworld.org/publisher,UNSC,PRESSTATEMENTS,BIH,3b00f27920,0.html
139. Sylvie Matton, Srebrenica, un gnocide annonc, Flammarion, Paris, 2006, page 375.
140.
Cour internationale de justice, Bosnie-Herzgovine c. Serbie, arrt du 26 fvrier 2007, paragraphe 438,
http://www.icj-cij.org/docket/files/91/13684.pdf
141.
Dossier Bosnie, archives amricaines dclassifies, Clinton Digital Library,
http://clinton.presidentiallibraries.us/items/show/16187
142.
Jean-David Levitte, conseiller diplomatique du prsident Chirac de 1995 1999, audition du 30 janvier 2001,
rapport de lAssemble nationale sur Srebrenica, Paris, 2001, voir www.assemblee-
nationale.fr/dossiers/srebrenica. Voir aussi les archives du prsident Clinton,
http://www.clintonlibrary.gov/assets/storage/Research%20-%20Digital%20Library/Declassified/2012-0800-
M%20Bosnia.pdf
143.
Vincent Hugeux, Bosnie : Chirac dans la guerre , LExpress, 27 juillet 1995,
http://www.lexpress.fr/informations/bosnie-chirac-dans-la-guerre_608983.html
144. Cble de lambassade amricaine Londres, envoy le 14 juillet 1995 Washington.
145. La Croix, Paris, 8 juillet 1996.
146. Rapport des Nations unies sur la chute de Srebrenica, 1999, A/54/549, paragraphe 360.
147. Carl Bildt, Peace Journey: The Struggle for Peace in Bosnia, op. cit., page 66.
148. Op. cit., paragraphe 375.
149.
Samantha Power, lors de la Confrence scientifique internationale Gnocide contre les Bosniaques de la zone de
scurit de lONU, Srebrenica juillet 1995 leons pour les gnrations futures , Sarajevo, 12-15 juillet 2005.
150. Samantha Power, A problem from Hell, LAmrique lge du gnocide, op. cit., page 420.
151.
Rapport de mission, 1993, http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-
CF6E4FF96FF9%7D/s_25700.pdf, paragraphe 19.
152.
Le procureur c. Slobodan Miloevi, TPIY, 12 fvrier 2004, tmoignage du gnral Philippe Morillon,
http://www.icty.org/x/cases/slobodan_milosevic/trans/fr/040212FE.htm
153.
Plusieurs des tueurs du hangar de Ovara, prs de Vukovar, participent galement (au sein de lunit spciale des
Scorpions) aux excutions sommaires de Srebrenica qui se produisent quatre ans plus tard.
154. Samantha Power, op. cit., page 410.
155. Idem.
156.
Olenka Frankiel, Secrecy still shrouds Srebrenica , BBC 2, 22 octobre 2009,
http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/newsnight/8321388.stm
157.
Howard Adelman, Genocidists and saviour in Rwanda , Other Voices, universit de Pennsylvanie, fvrier 2000 ;
rapport de lOUA, Rwanda, le gnocide vitable , 1998 ; Scott R. Feil, Preventing Genocide, Carnegie Commission
on Preventing Deadly Conflict, Washington, 1998, page 39, etc.
158.
Lexpression vient du gnral britannique Richard Dannatt, lexpert militaire du parquet cit dans tous les procs
sur Srebrenica devant le TPIY, http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middleeast/iraq/11023847/Lord-
Dannatt-We-know-the-dangers-of-inaction-the-West-must-intervene-in-Iraq.html
159.
Pour toutes les citations relatives laffaire Radislav Krsti devant le TPIY, voir jugement, 2 aot 2001,
paragraphes 203, 361, 547, 572, 573, etc., ainsi que le rsum du jugement :
http://www.icty.org/x/cases/Krsti/tjug/fr/010802_Krsti_summary_fr.pdf
160.
Affaire Popovic et cons., TPIY, jugement, 10 juin 2010, paragraphes 1051, 1052,
http://www.icty.org/x/cases/popovic/tjug/fr/100610_1.pdf
161.
Miroslav Deronji a t condamn en 2004 pour crimes contre lhumanit par le TPIY pour son rle dans le
nettoyage ethnique de la municipalit de Bratunac en 1992. Il a plaid coupable en 2003 et sest vu inflig une
peine de dix ans de prison. Il a ensuite continu cooprer avec la justice. Il est dcd en 2007.
162.
Non seulement les juges du TPIY mais galement en 2007 ceux de la Cour internationale de justice qui, dans larrt
Bosnie-Herzgovine c. Serbie, assurent que lintention gnocidaire ne sest constitue quaprs le changement
dobjectif militaire et la prise de Srebrenica . Voir http://www.icj-cij.org/docket/files/91/13685.pdf
163.
Voir sur lvolution des actes daccusation contre Karadi et Mladi : Florence Hartmann, http://srebrenica-
genocide.blogspot.fr/2009/12/srebrenica-through-ictys-eyes-florence.html. Par ailleurs, la citation provient de
lacte daccusation contre Ratko Mladi, TPIY, 2011, paragraphe 44.
164. 164. Eau-de-vie de prunes.
165. Olenka Frankiel, Secrecy still shrouds Srebrenica , BBC 2, Londres, 22 octobre 2009.
166.
Journal personnel de Sra-Serge Trifkovi, cit lors de son tmoignage devant le TPIY. Affaire Popovi et cons.,
audience du 4 septembre 2008. Aussi : http://www.truthinmedia.org, journes des 13 et 14 juillet 1995.
167. Collection Bosnie, archives amricaines dclassifies.
168. Gordan Malic, op. cit.
169.
Jean-David Levitte, conseiller du prsident Jacques Chirac en 1995, in rapport sur la Chute de Srebrenica,
Assemble nationale, Paris, 2001.
170. The Secret History of Dayton, op. cit., chapitre 1, pages 19-20.
171.
Font partie de la dlgation qui se rend Belgrade : le commandant en chef adjoint du commandement des forces
amricaines en Europe, le gnral James Jamerson, le commandant en chef du commandement des oprations de la
Royal Air Force, le gnral William Wratten, le sous-chef des oprations ltat-major des armes, le gnral
Raymond Germanos, accompagns du sous-secrtaire dtat adjoint la Dfense Joseph Kruzel.
172.
Herv Gobillard, entretien dans Srebrenica 1995 , revue Cultures et Conflits, printemps 2007, note de bas de
page 81, http://conflits.revues.org/2221?lang=en#ftn2
173.
Voir entre autres : Robert Block, UN left 8 000 to die in Bosnia , The Independent, 30 octobre 1995,
http://www.independent.co.uk/news/un-left-8000-to-die-in-bosnia-1580101.html
174.
Tlgramme dclassifi de lAmbassade des tats-Unis aux Pays-Bas adress au secrtaire dtat amricain le
24 juillet 1995.
175.
Tlgramme dclassifi de lAmbassade des tats-Unis auprs du sige des Nations unies New York du 27 juillet
1995. galement cit dans : The secret History of Dayton, op. cit., chapitre 2, pages 25-31.
176. Laura Silber and Alan Little, Yugoslavia : The Death of a Nation, Penguin Books, New York, 1997, page 360.
177.
Mo Sacirbey, tmoignage, Al Jazeera, Sarajevo, 28 novembre 2011, http://balkans.aljazeera.net/vijesti/zasto-me-
holbrooke-cekao-u-sobi
178.
Voir notamment les documents dclassifis de la Maison Blanche sur linitiative Lake qui montrent que le plan nen
est pas au stade de sa conception mais bien des dtails de la poursuite de sa mise en uvre. noter aussi que cette
collection darchives ne contient aucun document produit entre le 23 juin et le 11 juillet 1995 1995-07-20A, NSC
Paper re Bosnia Endgame Strategy ; 1995-07-25A, Office of the Vice President, National Security Advisor Chart re
Schematic of Bosnia Endgame Strategy, http://www.clintonlibrary.gov/bosniadeclassdocs.html
179. http://www.foia.cia.gov/sites/default/files/document_conversions/1817859/1995-08-03B.pdf
180.
Mo Sacirbey, entretien tlphonique avec lauteure, 2008-2009. Voir aussi le tmoignage de Mo Sacirbey,
28 novembre 2011, http://balkans.aljazeera.net/vijesti/zasto-me-holbrooke-cekao-u-sobi
181.
Selon le rapport de onze pages tabli le 15 aot 1995 par S. Hunt lissue de la rencontre et envoy Robert
Frasure qui dcde le 19 aot 1995 sur le mont Igman, prs de Sarajevo, avec toute la dlgation amricaine,
http://poskok.info/wp/?p=14197
182.
Claire Tran, Des conclusions qui escamotent plusieurs moments cruciaux , Le Monde, 30 novembre 2001,
page 6.
183. Affaire Miloevic, TPIY, tmoignage de Wesley Clark, 16 dcembre 2003.
184.
Cette coute tlphonique na jamais t livre au TPIY malgr les demandes adresses aux autorits amricaines.
Son contenu reste ce jour inaccessible, les personnes prsentes ayant de surcrot t instruites de ne pas en
rvler la teneur.
185. Balkan Battlegrounds, 2002, page 353.
186. Hrvoje arini, op. cit., page 297.
187.
Laccord sur la Slavonie orientale (rgion de Vukovar, prs du Danube, la frontire entre la Croatie et la Serbie) est
agr par Tudjman et Miloevi le 12 novembre Dayton et fera ultrieurement lobjet daccords complmentaires
qui conduiront en 1996 la rtrocession pacifique de la Slavonie orientale la Croatie.