ARISTOTE - Physique Livre 1 - Chap 7

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ARISTOTE

LEONS DE PHYSIQUE
Leons de Physique. Simplicius nous apprend, dans la prface de son
commentaire, que ce titre n'tait pas le seul qui ft donn l'ouvrage
d'Aristote. Selon Adraste, dont Simplicius cite le livre sur l'Ordre des oeuvres
d'Aristote, on intitulait la Physique de diffrentes manires. Tantt on
l'appelait : Des principes ; tantt : Leons de Physique. Parfois encore ou
employait des titres particuliers pour les livres divers. Les cinq premiers runis
taient intituls : des Principes ; les trois derniers : Du Mouvement. Ces deux
derniers titres sont presque les seuls qui soient cits par Aristote lui-mme ;
par exemple, dans le Trait du ciel, livre I, chapitre 5, dit. de Berlin, page 272,
a, 30 ; ibid. ch. 6, dit. de Berlin, p. 274, a, 21 ; id. livre III, ch. 1, dit. de
Berlin, p. 299, a, 40. Aristote parle aussi trs souvent dans la Mtaphysique de
son Trait sur la nature. J'ai prfr le titre de Leons de Physique tous les
autres, afin de conserver le souvenir de la tradition, au moins en partie,
puisqu'en gnral cet ouvrage est connu sous le nom de Physique d'Aristote Le
titre le plus convenable est celui que donnent quelques manuscrits : Des
Principes de la nature ; mais ce titre, que Pacius recommande avec raison, n'a
pas prvalu. Simplicius, loc. cit., pense que c'est de la Physique qu'il s'agit dans
la lettre d'Alexandre, o il reproche son prcepteur d'avoir publi ses
doctrines sotriques. Plutarque, dans sa vie d'Alexandre, croit qu'il s'agit de la
Mtaphysique. Simplicius, en rfutant Plutarque, ne dit pas sur quelle autorit il
s'appuie lui-mme. La question reste douteuse ; mais ce qui parait certain c'est
que les Leons de Physique, comme l'indique cette dnomination,
appartiennent aux ouvrages d'Aristote qui exigeaient du matre en personne
une explication spciale, pour tre bien compris.

CHAPITRE VII.
Du nombre des principes : les principes sont finis suivant
Empdocle ; et infinis, suivant Anaxagore. - Il n'y a pas un
principe unique ; et les principes ne sont pas infinis. Le
systme le plus vrai peut-tre, c'est d'admettre trois
principes : l'unit, l'excs et le dfaut ; anciennet de ce
systme; recherche de l'lment primordial.

1. Pour faire suite ce qui prcde, on peut rechercher si


les principes de l'tre sont au nombre de deux, de trois ou
davantage.
Ch. VII, 1. Si les principes de ltre, le texte dit simplement : Les principes;
mais la suite prouve bien qu'il s'agit ici des principes de l'tre en gnral, en
d'autres termes, des principes de tout ce qui est.

2. D'abord, il est impossible qu'il n'y en ait qu'un seul,


puisque les contraires sont toujours plus d'un.
2. Puisque les contraires sont toujours plus d'un, et qu'il a t prouv dans le
chapitre prcdent que les contraires sont les principes des choses, dans tous
les systmes sans distinction.

3. Mais il est impossible, d'autre part, qu'ils soient en


nombre infini ; car, alors, l'tre serait inaccessible la
science.
3. Car, alors, l'tre serait inaccessible la science, c'est un des principaux
arguments qui ont t opposs au systme d'Anaxagore sur l'infinit des
principes ; voir plus haut, ch. 5, 7.

4. Et, dans tout genre qui est un, il n'y a qu'une seule
opposition par contraires ; or, la substance est un genre qui
est un.
4. Une seule opposition par contraires, une seule contradiction, par exemple,
la substance et ce qui n'est pas substance.

5. Mais les choses peuvent bien venir aussi de principes


finis ; et, si l'on en croit Empdocle, il vaut mieux qu'elles
viennent de principes finis que de principes infinis ; car il
croit pouvoir expliquer par des principes finis tout ce qui
Anaxagore explique avec ses infinis.
5. Si l'on en croit Empdocle, voir plus haut, ch. 5, 14, o Aristote donne la
prfrence aux thories d'Empdocle sur celles d'Anaxagore.

6. Il y a en outre des contraires qui sont antrieurs


d'autres contraires ; et il y en a qui viennent de contraires
diffrents : ainsi, le doux et l'amer, le blanc et le noir. Mais,
quant aux principes, ils doivent toujours rester immuables.

6. Il y a en outre des contraires, cette pense ne se lie pas trs bien celles
qui prcdent et qui suivent, ou plutt elle n'est pas assez dveloppe. Il a t
tabli dans le chapitre prcdent que les principes sont des contraires ; on
pourrait en conclure rciproquement que tous les contraires sont des principes.
Aristote va au-devant de cette hypothse errone, en distinguant des contraires
qui sont antrieurs les uns aux autres. Par consquent, il y a des contraires qui
ne sont pas des principes. - Ainsi le doux et l'amer, le blanc et le noir, ces
exemples ne rpondent qu'a la dernire partie de la pense prcdente. Ce
sont l des contraires qui viennent de contraires diffrents; l'amer vient du
doux, comme le noir vient du blanc ; et a l'inverse. - Rester immuables, rester
ce qu'ils sont comme principes, et par consquent l'un ne peut jamais tre
antrieur l'autre, puisqu'alors le second ne serait plus un principe vritable.

7. Je tire de tout ceci la conclusion, d'une part, qu'il n'y a


pas un principe unique des choses, et, d'autre part, que les
principes ne sont pas en nombre infini.
8. Du moment que les principes sont limits, il y a
quelque raison de supposer qu'ils ne peuvent pas tre
seulement deux ; car alors on pourrait galement se
demander, ou comment la densit peut jamais faire quelque
chose de la raret, ou l'inverse comment la raret
produirait jamais la moindre action sur la densit ; et de
mme pour toute autre opposition par contraires. Par
exemple, l'Amour ne peut pas se concilier la Haine, ni en
tirer quoi que ce soit, pas plus que la Haine ne peut rien
faire de l'Amour. Mais tous les deux agissent sur un
troisime terme qui est diffrent de l'un et de l'autre ; et
voil pourquoi certains philosophes ont imagin plus de
deux principes pour expliquer le systme entier des choses.
8. On pourrait galement se demander, il n'est pas possible qu'un des
contraires agisse sur l'autre contraire, moins qu'on ne suppose un sujet
substantiel dans lequel se passe le changement d'un contraire l'autre. - Sur
un troisime terme, la substance, o a lieu le changement du contraire dans le
contraire oppos. - Certains philosophes, comme Empdocle qui a le premier
admis quatre lments.

9. Une autre difficult qu'on rencontrerait si l'on refusait


d'admettre qu'il y a une nature diffrente servant de
support aux contraires, c'est que, comme l'observation
nous le dmontre, les contraires ne sont jamais la
substance de rien. Or, le principe ne peut pas du tout tre
l'attribut de quoi que ce soit; car alors il y aurait un principe

du principe, puisque le sujet est principe, et qu'il est


antrieur ce qui lui est attribu.
9. Servant de support aux contraires, j'ai rendu par cette priphrase la force
de l'expression grecque. - Le principe ne peut pas du tout dire l'attribut de quoi
que ce soit, ceci contredit la thorie pose plus haut, que les principes sont des
contraires. - Le sujet est principe, la substance, en effet, est le principe et le
support de tout le reste ; les attributs n'existent pas sans elle ; et, par
consquent, elle les prcde, bien qu'il n'y oit pas de substance sans attributs.
- Antrieur ce qui lui est attribu, voir les Catgories, ch. 5, 5, p, 62 de ma
traduction.

10. De plus, nous soutenons que la substance ne peut


tre contraire la substance ; et, alors, comment la
substance pourrait-elle venir de ce qui n'est pas
substance ? Et comment ce qui n'est pas substance serait-il
antrieur la substance mme ?
10. De plus nous soutenons, voir les Catgories, ch. 5, 18, p. 68 de ma
traduction. Le caractre minent qu'Aristote donne la catgorie de la
substance, c'est de ne pouvoir tre contraire la substance, c'est--dire ellemme, tandis que, dans toutes les autres catgories, il peut y avoir opposition
des contraires. Ainsi, dans la quantit, le grand est le contraire du petit ; dans
la qualit, le chaud est le contraire du froid, etc.

11. Il rsulte de ceci que si l'on admet la fois


l'exactitude de notre premier raisonnement et l'exactitude
de celui-ci, il faut ncessairement, pour sauver la vrit des
deux, admettre un troisime terme outre les deux
contraires.
11. L'exactitude de notre premier raisonnement, savoir que les principes
sont des contraires. Voir le ch. 6 tout entier. - Et l'exactitude de celui-ci,
savoir que les principes ne peuvent pas tre des attributs ; et les contraires
n'tant que des attributs, il faut supposer un troisime terme outre les
contraires. - Un troisime terme, qui est la substance.

12. C'est du reste ce que font les philosophes qui


constituent l'univers avec une nature et un lment
uniques, prenant l'eau ou le feu, ou un lment
intermdiaire.
12. Avec une nature et un lment uniques, j'ai ajout ces mots : Et un
lment, que justifie la suite du texte et qui rendent la pense plus claire. Prenant l'eau ou le feu, voir la Mtaphysique, livre I, ch. 4, p. 984, a, 6, dit,
de Berlin.

13. Mais il nous semble que c'est plutt cet


intermdiaire qu'il faudrait prter ce rle, puisque le feu, la
terre, l'air et l'eau sont toujours, entremls de quelques
contraires. Aussi, on peut ne pas trouver draisonnables
ceux qui pensent que le sujet est encore quelqu'autre chose
que les lments ; puis, viennent ceux qui prennent l'air
pour premier principe ; car l'air est celui de tous les
lments dont les diffrences sont le moins sensibles ; puis,
enfin, ceux qui prennent l'eau pour principe de tout.
13. Le sujet, c'est le mot du texte ; peut-tre celui de substance serait-il
prfrable. - L'air pour premier principe, c'est Anaximne et Diogne
d'Apollonie, d'aprs la Mtaphysique, livre I, ch. 3, p. 984, n, 5, dit. de Berlin.
- Qui prennent l'eau, c'est Thals, id, ibid., p. 983, a, 20.

14. Mais tous ces philosophes s'accordent transformer


leur principe unique par des contraires, telles que la raret,
la densit ; le plus, le moins ; et, comme nous le faisions
remarquer un peu plus haut, ce n'est l, en rsum,
qu'excs ou dfaut.
14. Comme nous le faisions remarquer un peu plus haut, voir ch. 5, 2, et
ch. 6, 1. 45. Dans l'unit, l'individu, la substance qui a certaines qualits,
tantt plus et tantt moins.

15. C'est, du reste, je crois, une opinion fort ancienne


que de trouver dans l'excs ou le dfaut tous les principes
des choses. Seulement, tout le monde n'entend pas ceci de
la mme manire ; car les anciens prtendaient que ce sont
les deux derniers qui agissent et que c'est l'unit qui
souffre, tandis que quelques-uns des philosophes
postrieurs avancent au contraire, que c'est bien plutt
l'unit qui agit, et que les deux autres ne l'ont que souffrir
son action.
15 Les anciens... les philosophes postrieurs, d'aprs Simplicius les Anciens
seraient les Pythagoriciens, et les Philosophes postrieurs seraient reprsents
par Platon. Voir plus haut, ch. 3, 11.

16. Ce sont ces arguments-l et des arguments


analogues qui donneraient penser, non sans raison, que

les lments sont au nombre de trois, comme nous venons


de le dire.
16. Comme nous venons de le dire, voir plus haut, 8.

17. Mais on ne peut aller jusqu' soutenir qu'ils sont plus


de trois. Car, d'abord, l'unit suffit souffrir les contraires.
17. Car d'abord l'unit suffit, premire objection contre la thorie qui admet
plus de trois principes des choses. L'unit, la substance, suffit recevoir les
contraires ; et du moment qu'elle suffit, il n'est que faire de chercher au-del ;
car c'est un principe fondamental de la philosophie d'Aristote, que rien ne duit
tre fait en vain, et qu'il ne faut pas multiplier les tres sans ncessit.

18. Puis, si l'on admet qu'ils sont quatre, il y aura ds lors


deux oppositions par contraires, et il faudra, en outre, pour
chacune d'elles sparment une autre nature intermdiaire.
Or, s'ils peuvent, en tant simplement deux, s'engendrer
l'un par l'autre, il y a, par consquent, l'une des deux
oppositions qui devient parfaitement inutile.
18. Une autre nature intermdiaire, c'est--dire une substance susceptible
des deux contraires, prouvant les changements qu'ils forment, et ne
changeant pas elle-mme. Il y aura ds lors deux substances et quatre
contraires, se divisant en une substance avec deux contraires de chaque ct.
On revient ainsi au systme des trois principes. - En tant simplement deux,
ces mots que donne l'dition de Berlin d'aprs quelques manuscrits sont
indispensables, bien qu'ils manquent dans quelques autres manuscrits.

19. Enfin, il est galement impossible qu'il y ait plus


d'une seule opposition primordiale par contraires ; car la
substance tant un genre unique de l'tre, les principes ne
peuvent diffrer entr'eux qu'en tant que les uns sont
postrieurs et les autres antrieurs. Mais ils ne diffrent
plus en genre, un genre ne pouvant jamais contenir qu'une
seule opposition, et toutes les oppositions pouvant, en
dfinitive, tre ramenes une seule.
19. Primordiale, il faut admettre cette restriction ; car les oppositions
secondaires sont nombreuses dans chaque genre. On doit entendre par
opposition primordiale la contradiction la plus gnrale de toutes; "Une chose
est ou n'est pas telle chose." - Les uns sont postrieurs et les autres antrieurs,
voir plus haut, 6. - Qu'une seule opposition, toutes ces thories auraient eu
besoin d'tre claircies par des exemples.

20. Ainsi, videmment, il ne se peut pas qu'il n'y ait qu'un


lment unique ; il ne se peut pas non plus qu'il y en ait
plus de deux ou trois. O est ici le vrai ? C'est ce qu'il est
trs difficile de savoir, ainsi que je l'ai dit.
20. Ainsi que je l'ai dit, voir plus haut, 1, au dbut du chapitre, o il a dit
non pas prcisment que cette recherche ft difficile, mais qu'elle devait faire
suite aux prcdentes.

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