F. Van Steenberghen, Le Thomisme
F. Van Steenberghen, Le Thomisme
F. Van Steenberghen, Le Thomisme
Le thomisme
FERNAND VAN STEENBERGHEN
Professeur mrite de 1'Universit de Louvain
Membre de 1'Acadmie royale de Belgique
CHAPITRE IV
PHILOSOPHIE DE L'HOMME
L'homme appartient au monde de la nature et doit tre tudi en
philosophie de la nature. Mais sa place dans l'univers est si
unportante aux yeux de saint Thomas et it lui a consacr une part si
considerable de sa r flexion philosophique, qu'il est normal de
reserver un chapitre 1'anthropologie philosophique du saint
docteur.
I. La connaissance
Les tres connaissants se distinguent des autres en
ce qu'ils poss dent, outre leur propre forme, celle des
tres qu'ils connaissent. Non pas mat riellement,
comme si le connu devenait vraiment le connaissant
(comme 1'aliment devient celui qui s'en nourrit), mais
d'une manire immatrielle et intentionnelle. Voyons
comment cela se realise dans le cas de I'homme.
L'analyse de la conscience (ci-dessus, p. 10) nous a
fourni les donn es empiriques dont it s'agit maintenant d'inf rer les implications ontologiques. Et puisque notre connaissance nait au niveau des sensations,
it convient de commencer par 1' tude de la sensation.
Les sens externes. La facult de sentir (potentia sensitiva) est une puissance organique et passive :
elle s'exerce dans et par des organes et elle subit
l'action des objets sensibles. Ceux-ci produisent dans
les organes des sens des images sensibles (species
sensibiles), qui font connaitre fid lement les aspects
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comme l'intelligence adhere n cessairement aux premiers principes; ensuite la volont veut n cessairement le moyen qui s'avre indispensable pour atteindre une fin qu'elle se propose : celui qui veut
traverser la mer, vent n cessairement le bateau, seul
moyen d'atteindre ce but. Cette seconde forme de
ncessit pent tre compare l'adhsion ncessaire
aux conclusions dduites des premiers principes :
accepter ces conclusions apparait it l'intelligence
comme la condition n cessaire pour sauvegarder les
premiers principes.
En dehors de ces deux cas, la volont n'est pas
dtermine, car la plupart des biens particuliers ne
sont pas ou n'apparaissent pas comme des conditions
n cessaires de la beatitude ; la volont n'y adhere pas
necessairement, comme l'intelligence n'adh re pas
n cessairement aux propositions contingentes. L'indtermination de la volont est fond e sur le fait que
1'activit volontaire n'est pas dirig e par la nature,
comme celle des tres d pourvus de connaissance (la
pierre, la plante), ni par la connaissance sensible et
l'instinct (1'estimative) comme celle des animaux,
mais par le jugement de la raison. Car le jugement n'a
rien d'instinctif : it compare les mobiles possibles de
la volont , les biens particuliers et contingents vers
lesquels elle pent se porter, et it n'est pas determine
choisir 1'un plut t que l'autre. Bref, l'homme poss de
le libre arbitre parce qu'il est raisonnable.
La fonction propre du libre arbitre est donc le choix
(electio) du bien particulier vers lequel se portera la
volont . Ce choix relve la fois de l'intelligence et de
la volont : de l'intelligence, qui dlibre sur le motif
preferable (cette deliberation s'appelle consilium) et
de la volont, qui accepte le jugement ainsi formul .
Aussi Aristote a-t-il h sit quant la facult
laquelle it faut attribuer le choix libre. Mats puisque le
choix porte sur le moyen employer pour parvenir
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tre fini subsistant en soi, et non une r alit secondaire inhrente une autre : j'ai conscience d'tre un
en soi, incommunicable tout autre sujet; je depends
sans doute de mon milieu bien des gards, mais pas
en ce qui constitue mon identit personnelle, car tout
mon comportement atteste mon autonomic vis--vis
des ralit s qui m'entourent.
Nouvelle precision capitale : la substance humaine
est compose de matire et de forme. Tous les indices
qui nous ont permis de d couvrir la composition
hyl morphique des substances corporelles se retrouvent dans 1'homme. II est passif dans ses activits
organiques. Il est un individu de l'esp ce humaine. II
nait et it meurt, it est soumis la gnration et la
corruption, la transformation substantielle. Sa forme
substantielle est fame intellective, ainsi appele pour
marquer en quoi elle est sup rieure Fame vegetative
des plantes et Fame sensitive des animaux. C'est
l'unique forme substantielle de Fhomme, car toute
pluralit de formes compromettrait l'unit substantielle ou la nature humaine (ci-dessus, p. 61). Mai.'
cette forme unique contient la perfection de toutes les
formes inf rieures et elle pent done tre le principe
substantiel de toutes les activit s du compose human).
Celles-ci proc dent de la substance par la mediation
des puissances d'op ration.
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