H.martin - Histoire de France - Tome 16

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HISTOIRE

Dr F'RAI\{CE
XVI

Cct ouvt'age

a obtenu tle I'Acadmie des Insctiptions et Belles-Lettres en 48&i et cle l'Acadmie !.ranaise
en 4 856 et en 4 859

I-E GITAND PNTX GOBEBT

P.\RIS.

7' lllPBlMEntE DE J. oLYB' 8!E SATNT-DnN0II'

HISTOIRE

DT TRANC T
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RECITLES JI'SQU'EN lTSg

HEI\RI MARTIN
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tis telerun renotaltilur.

TOME -\ \-I

QUATRTN,[E

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PARI

F'URNB, LIBRAI RE-NTTEUR


St' ri'servt le tlroit de tratluctiun et tr,c teprtrduction

it l'trangt r.

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HISTOIRE

DT FRAI\CT
SEPTIEME PARTIE

DCADEI\CE DE

MONARCITIE

LIVRE XCIX
I-,E

II I L0

PHES

(s

rrl rE),

Carb Yoltaire Berlin et l'ernei. Yor,r.rrnn ET LEs HxgvclopDrsrps. Nltaphysique de Dveloppements de la philosophie du xvrue siclc. d,ide. Itlorale d'Ilelvtius. des sciences. D'Alembert. UoudiJlac. - \louvemeut Scienr'cs cle la Natrrre. Burrorr. I{rsrornp Nlrune r,r,p. Ilistoire et thdorie d,e la Terre. 1tor1:.rtt itre Ia Nature. Ilstoire tles animaun. Nerunrrl,lsllrE. Dronnot. Ses prerniers clits. Son association avcc cl'Alembert. Universalit de Diderot.

L'htcyclopidie. Le

Discowrs prdlimhni,re. Estlitique

de Diclerot. 1\Iatm,rr,rsun.

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cst tenrps de retourncr I'histoire des ides, qui, rlurant jlresque tout ce sicle, se clroule paralllement I'histoire dcs i'aits, I'une grandissant mcsrlre que I'autre dcrot. Quand on pilssc cles intrigucs politiqucs et des contbats matrieis au:r comllats cle I'intelligence, des gnraux et des favorites de Louis XY rix clivains, anx philosopltes, on croit passel' des pygmcs ux

Il

xyl.

I,BS PIIILOSOPHES.
Titans.

[,17

50-r?53]

tlace

Ici, les errcurs mmes sont des excs d'nergie et d'auelles attestent encore la vigueur des esprits dont l'lan

s'gare.

Pendant la premire priode du xvluu sicle, un seul homrne a occup presque incessamrnent la scne; espce de Briare de la philosophie, visant tout, pcnsant sur tout, frappant partout, comme s'il et eu cent ttes et cent bras. Il rr'en sera plus ainsi dsormais : Voltaire ne perdra rien de son activit ni de son gnie; il crotra encore en autorit parmi les nations; mais son autorit ne sera plus unique et inconteste dans I'arme des noyateuls: sa lrardiesse sera dpasse dans le bjen et dans le mal, el, de nouveaux hros vont se prcipiter tlcouvert, avec une iinptuosit plus errrporte, dals cctte arne toujours plus rernplie et plus tunulttreusc, oir 1\[ontesquieu, jusque-l son seul rivalo n'tait apparu qu' rares intervallcs, pas rnesurs et bien couvcrt d'armes d.fensives. La carrire de Yoltaire est ncttement tranche en deux moitis par son clpart pour Berlin en 1750. Nous n'avons point raconterce s(jour en Prusse, quil a retrac lui-inrne de sa plurne inirnitable, et nous n'entreprendrons pas d'esquisser I'histoire de ceste lunclrnie toute franaise de Berlin, qui a exerc sur I'esprit de I'r\llemagnc septentrionale unc si notable in{luence : ce sujet a t trai{ clans un ouvrage rcent avec tout le dvclopperneut dsirahle r. Ce qui irnportc constater ici, c'est que ce fut I que I'athisrle se produisit systrnatiqucmcnt ct sans voil.e, avant que d'oser le faire cn tr'rance, et 1 aussi que Yoltaire, qui n'avrit encore cornbattu, plus ou moins ouvertement, que contre ics

religions positives et le spiritualisme cartsien, eut un pretnicr engrgerent conlre i'athisrne et dfcntlit aprs avoir toujours attaqu, marqutnt ainsi le point {ixe orh il efrt voulu art"tcr Ic
mouvenrent de destruction. Dans ses cyniques ouyrages, La }lettrie, mdecin de n'rclric, combinant la physique rni:caniquc de Descartcs, spare de sa mtaphysique, avec le sensualisrne, tliaiL toute tnorale, toute conscience, toute distinction du bien et tltl rnal, et faisait clu monde un ensemble tcrnel de tnouvctnents L.
Histore de l,'Acadnrie des sciences de Berlin,

par II. Barfholmessr couronude pat

l'cadmie frarraise.

I I ? 50-I7531

VOLTIRB ET ITIiDIiIG sllls rnoteur, et de I'hotlltlle une macltinc sensitive. Voltaire leponclit par le poerue de la Loi, natu,relle, loquent manifeste du disme et de la tnoralc uuiversellet. n'rdric, jugc du camp, laissait toute liliert aux colnbattants, et toutes lcs opinions, le catholicisme except, avaient place dans son Acadmie : Ie christianisrne protcstant y tait reprsent avec gloire par le gomtre philosophe Euler, que la lfrance peut revendiquer jusqu' un certain point, puisqu'il crivit comme Leibniz, une partie tle ses
Ouvrges en fl'anaiS, notamment
n'tagna. Le got
SeS

Lettres

une princesse d'AlIe'

du matre faisait toutefois prdominer la philo-

temps quc I'Z'ssa i swr les mw's des n,at,otrs. Le feu jaillissait jet continu de sa plurne comrne de sa bouche. [-.,e prestige clura peu. C'est le cur et non I'csprit qui fait les licns durables. Le chartne que l{rdric saYait donner son conmerce ne pouyait longternps dguiscr la scheresse de son me: ' s'il et ptt puiser en unc soirc tout I'esprit de ses alnis, il les I et rejets le lenclemain comnle llllc corce vide; homme inconrprherrsiltle, n pour inrposcr I'tonnemcnt et non I'affcctiotl, aclmirable dans la converstion et dans Ia corrcspondance faniilie\re, mdiocrc la plurne la main' quand le rnonarque alletnartd, de",,enu auteur franais, se dbattait sons le gnie cl'une langue trangre 2, forant I'Europc au respcct par ses prodiges gu.crriers, pI sa stSeSSe aclministrative, et se rendant la fal-rle dcs
d.ogrnes chrtiens

sophie sccptique et railleusc, ce lui ne dplaisait pas trop au plus illustre de ses htes. Il y eut pour Yoltaire, dans cettc socit tincelante de verve et de gaict sarctsfique, cluclque$ lnois d'un vritable enchantelnent" Partag enh"e le travail et le plaisir, le plaisir de I'esprit, qui avait totrjours t le prernicr ct qui tait rnaintenant I'ttniquc pour lui, il n'avait jamais si pleincrnent vcu. Loin d'oul:lier la mrc-patric dans cette pctite France philosophique dont iI partagcait la royaut aYec Frdric, il devenait plus lratriote dc loin et aclrevait SOn uyre si nationale du Sic)cle cle Lou,ts XlI/, en lume

err 1756 et coniiamn pal' le parlenrent, quoique leo n'y iusscnt poirrt attaqus1 mais la secte jiirisrriste I'dtait. . S*- Nlmoires politrques e1 militrires, notre principele autorit pour les guerres il y de ce tenrps, sont infininrent, suprieurs ses uY1'es purernent littraires ; nrais a pourtattt loin de ltjr Csar et l{apolion.

l, Ecit en 1751, publi

e
rvoltant.

Llis PIIILOSOPIIBS'

t1753-1?551

courspardestraversclenrauvaispoteetpartrnviceignobleet la susceptibilit et la fougue L'goisme tyrannque de Frclric ' de tre Maupertuis, prsident tle \roltaire, les jalouses intrigues de cette colossale rcnornme' l'cadmie, qu easait lc voisinage cles cle mauvais procds ' arnenrent bicntl des refroirlissements,
hrouillessuiviesderconciliatiorrsmalassures.0nsaitquellc

rtrpturescandateuseaboutiten{ncetteamitisivante,Fr. sagedel,issuequ.a.ouientavoirtouteslesalliancesentrel'abso. lutismectlaphilosoplrie(1753).ToutlemondeconnatI'lristoirc delacaptivitdeVottaireF'rancfortentrelesmainsdcsrecru. teurscluroidePrusse:Alerattc]'retournaililDenysdeSyracu,sa, Frtlriceuthontepourtant;ilmitdel'adressee[delagrce et le roi renourent plus tard' rparer .., to't* te phitosophe

maisrlelu.in:ilsnepouvaients,empclrerd,avoirdugoritl'un pu'ona qu t d'emi' cornrne Ie pour l'autt'e; mais Yoltaire ot Mmoires secrets' irouvent scs tcrribles pas voulu prussiennes ' Yoltaire n avait griffes Echapp rlcs roi ne du peur la ou plutt ' tevenir Paris, oir l'antipathie ' en Lorternps erra quelque n i.orit. ,le poirrt pe'rnettuit lui par Ie clerg, iI se rendit Genve rane et en Alsace : inqrrit ville tI" it-i:*^tiit::-t"tie dernire par Lyon; l'ovation populaire

nom ct sa pense avaient fait en Iui manifesta le progrs que son "il France.Ilchoisittetieutlesontablissementdfinitifavecune et cle u.rrro deux maisons prs rle Genve grancle rrorril.i': Latrstnnc,puisunctroisimeclanslepaystle-Gex,leclrteaude hallitutte quelques annes aprs' Ternei, qui clcvint sa rsitlence lorsqrrelestrou]llespotitiquesleurentrlgofrtrlelavillede calvin.l}eutainsilepie,ltoutlafoissurlax'rance,surBerne mettre sa cas cl'orage, le temps de et sur Genve ; il s,assura, en surveiller e facilit ortllnai' la pers0nne l'abri, ct, en tenrps 'irnpressiondes0sceuvres'soitavoucs'soitanonYlnes'auxatrtant que l*- golt U"t ltlS q*ellcs l'i'trt clu commerce g'ararrtissaitlatolranceclesmagistratsgenevois.Descrrtesavait pour penser : Voltaire se Iit cherch iaclis une retraite obscure t]::lt tes netices et {er1ci lti trne soiituctre clatante pour ugi'; assls' loin' de voyait nrlrope [e cornltle un pctit ro]-ilrlue : toiitc'f

[1 755-r ? 501

VOLTAIRB A FEIiNIIT.

contrne le dieu dcs ternptes, cntre les Alpes et le Jura, et la philosophie eut son lieu de plerinage, or les adeptes des ides nouvelles devaient, durant vingt ans et plus, venir saluer leur patriarche, et o afflurent jusqu'aux souverains. Voltaire avait inaugur dignement sa prise de possession par sa lrelle Eptre Ia Li,t)err (1?55) : lcs Alpes etles hroiques traditions de I'Helvtie rpublicaine I'avaient bien inspir; cependant, cette priode fut Ia plus pnible de sa vie morale. Les illusions perdues auprs de Frdric avaient laiss de I'arnertume dans son me; les flaux qu'en ce moment mme Ia nature et les rois dchainaient I'envi sur l'humanit, branlrent son imagination et attristrent son cur. Un tremblement de terre, qui remua l'Occident depuis le Sahara jusqu' la mer du Nord, venait de ruiner lcs principales villcs du Maroc et de renvcrser Lisbonne sur des milliers de cadavres (novembre tTbb); la guerre de sept Ans commenait par les gigantesques pirateries cle ces Anglais que Yoltaire avait clbrs comme une nation de sages et continuait par I'extravagante invasion franaise que madame de Pompaclour prcipitait sur I'Allemagne. Entour de tant de malheurs, de crirnes, de folies, le disciple de shaftesbury et de Dolingbrohe sentit se briser dans son esprit cette thorie de I'optimisme qui avait t longtemps le lien de ses penses, et laquelic lc cours de la vie avait dj port bien des atteintes. De l, le porne sur le Dsastre de Li,sbonna et le roman rJe cancli,cle, mme pcnse exprirne sous deux formes si opposes : ici, un hymne de douleur rapide, dchirant, pathtique jusqu'au snblirnc, s'levant vers Dieu comme la plainte de Ia malheureuse humanit; l, une longue et cre satire, or) le towt est bi,en de I'optimisme devient le tcxtc d'inpuisables raillelics en aclion; rire amerr gaiet sardonique, qui mord le cur d'une dent aigu. cendide cst de tous les ouvrages de Yoltaire celui qui a t le plus mal jug : on lui en a fait un crime gal I'imparclonnabre garenrent de la Pttcelle; on y a vu un jeu cruel, une drision impie du genre humain, l'uvre d'un gnie sataniquc; on a tout fait mconnu l'tat moral de l'crivain l'poque o l'uvre fut conue. Cc livrc est assurment trs-pnible lire; mais le lecteur ne souffre que parce que I'auteur a soufl'ert. tette me si

LBS PilILOSOPHBS.
mo.nile,

lr 7sB)

si arrne par sa rnobilit contre la douleur, n'yrrouva pcut-tre jarn.ris de tellcs anxits qu'au moment o elle clatait ainsi en rircs couvulsifs. candide est, vrai dire, une dmission cre tout syslnre. voltaire abandonne toute explication de I'homne et de I'univers, ct reste suspendu dans le vide un disrne vague et obscur, sans
causes tinales, sans enthousiasnre et sans consolations.

Il n'a plus de systme : d'autres

lui, au del de lui, malgr lui;

vont faire un systme cl'aprs on var conclure de son sensualisme

inconsquent au fatalisrne et au matrialisrne llur, de son disme dpourvu de liase et de sanction I'athisme ou au scepticisrne universel. Des penseurs plus loquents et plus autoriss, rlcs curs plus honntes qrre La i\fettrie, \'ont suivre jusqu'au hout la vieille route d'picure et cle Lucr'ce, lc grand crremin du nant. 0n n'y marche pas tout droit. Le mouvemcnt est vari, compliqu, cmbarrass de contradictions singulires. Il faut nous ensager dans ce labyrinthe dont chaque cltour offre un enseigncment et signale un cueil la postrit. Ds I'cntre apparat la plns clatante des contradictions gue nous dnoncions. Un nouveau systme de mtaphysique est formul I'usage des sensualistes ct des fatalistcs par un philosophe qui n'est ni I'un ni I'autre, et qui, spiritualiste et prcsque idaliste, prte au rnatrialisrnc, sans le vouloir, I'anne la plus redoutable.
ouyrages des principes de Loche; nrais

principes et n'avait point publi son propr

Yoltaire avait introduit Loclie cn France et iinbu tous ses il n'avait rien ajout ces
e Trai,t de mtaphysique,

qui, d'ailleurs, n'r ni la rnthode ni la rigueur d'un systrne. those caractristique : I'homme qui clonne au xvrrre sicle sa formule mtaphysique, si minent que soit son rnrite, trop rabaiss de nos jours, n'est point un cles grancls gnies cle l'poque, un dc ces noms clatants qui retentiront jarnais clans la rnrnoire cles multitudes. c'est que Ie xvrne sicle cst un sicle polmique et politique bien plus que mtaphysiquc : ce n'est pas I qu;est .*a
gloire. L'abb de condillacr, esprit lucide, crivain colrect et pur,

l.

N GrenoLrte en 1715.

t7 L8l

CANDIDB.

COND tLLAC.

moins pratique, moins ml la vie active, mais plus dialecticien et surtout plus gomtre que Loche, semblait, par la nature de son intelligence, devoir se rattacher au cartsianisme plutt qu' la doctrine importe d'Angleterre. Dans le premier chapitre cle son premier ouvrage, l'.&'ssai swr L'origi,ne des connaissances hwmatnes (1746), il dbute, en effet, par rfuter le doute de Loche, reproduit satit par Voltaire : q Si le corps peut penser? I et dmontre, d'une faon solide et lumineuse, I'unit, la simplicit' I'indivisibilit de l'me ou dtr sujet pensant. Il va plus loin, et semble induire non-seulement que I'me existe, mais qu'elle est la seule existence certaine. < Soit que nous nous levions dans leS cieux, soit que nous descendions dans les abnres, nous ne Sortons point de nous-mmes, et ce n'est jamais que notre propre modifications de l'nte, pense que nous aperceYons. D - s Les qualits tout ce qui existe hors de les deviennent dit-il ailleurs, d'elle. r

point de dpart, sinon un dveloppement, ou, tout au plus, une rforme du rationalisme? un cffort pour relever l'cole mtaphysique franaise? S'il y a danger, on peut croire que ce sera du ct du scepticisme idaliste, de cette thorie qui refuse la certitude au monde extrieur, insuffisamQue doit-on attendre de ce

rnent dmontr par la raison pure.

Iltrange infirmit de esprit trumain! c'est ce mme philosophe qui va pousser le systme de la sensetion plus loin que Locke, le constitncr, du moins en apparence, avec une rigueur que n'a point eue celui-ci, et balayer de ce systme tout ce qui fait encore ollstacle au matrialisme. carter de Ia mtaphysique les hypothses etles ambitions trnraires; savoir se borner aux lirnitcs qtre la nature a fixes I'csprit humain, tel est le but que Condillac se propose. c Le prernier

objet, dit-il, doit tre l'tude de I'esprit humain, non pour en


dcouvrir la nature inexplicable, mais pour en connatre les oprations. trl faut remonter I'origine de nos ides, en dvelopper Ia gnration ct les suivre jusqu'aux bornes prescrites par la nature, pour fixer I'tendue de nos connaissances et renouveler I'entendement humain, en le limitant ses vrais ohjets. > Ds les premiers pas, a-t,on ohject, ne sommcs-nous point dj

tES

PHILOSOPTIBS.

ir7t6-li54l

hors de I'obset'vation et cie I'analyse, qui comlncngeraient, elles, par constater quelles sont et ce que sont nos icles, aYant d'en iechercher I'origine drns le berceau de notre obscure enfance? Rernonter par un , priori cette origine, qu'on ne peut observer directement, n'est-cr por prcisrnent dbutcr par une hypothse? s Mon dessein, poursuit-il, est de rappeler un seul principe

doute, tout ce qui concerne I'entenllcrnent hunrain. > Ici, point de nous sommes bien dans l', pr,ori, et dans I'hypothse! ce principe, cest que toutes nos ides, toutes nos connaissances, premire viennent des sens; que la percepiion ou sensation est la sucdevicnt Se transfortnant, qui, ea opration de l'rne et celle rmiIa I'attention, conscience, cessiVernent toutes les autres. La transfc'rme, niscence, ne sont que les trois clegrs cle la sensation
epasso.

puis suhissent cle nouvelles transformations' Lociie est ailsi

le

citcr tac, ..p.t dant, croyait I'activit propre de l'rne. 0n peut la de rlc actif le sur la force, sur de lui tel passage trs-explicite de forrnules les avec rflexion, passage qui parait inconciliable il son systme; c'est que, pour arriver son principe unique, et avait confondu I'actif et Ie passif, la rflexion ct la scnsation,

avait rserv, ct du principe passif de la sensation, principe actif de la rllexio1; ici, la se'nsation est tout' Corrdil-

ll

croyait la sensation rnme active. Mais ses disciples ne devaicnt pas s'arrtcr cette confusion cle tertnes et devaient pousser la thorie ses consquences logiques, en suivant lc serts col11mun guant la passivit de la sensation' te n'tait pas la peine d'crire un trait cles sys|bmps contre les systrnes (1749), d'attaquer si vivernent, au notn de I'observation *i A* I'exprience, les principes abstraits et les hypothses de Platol ou de Descartes, de l\fale]:ranche ou de Leibniz, pour"

alioutil. soi-mme un systme bcaucoup rnoins spcieux que ccux qu'on attaquait. Descartes, clu rnoius, avait aSsur son pretnier principe et ne fait d'hypothses qu'en partant de ce qui est audcssus cles hYPothses. 'est flans Le Trai,Iit d,es sensatfons (t?54) que Ia thorie de Condillac est acheve'. Nous ne le suivrons pas clans son fametrx
Ferranrl, 1^ Ce trait fut prpar en collabolation a,vec une fetnme, madernoiselle qui mourut avrnt la rdaction de l'uvre comlllure'

Ir ?54]

CO

NDI L I, AC.

ror])an mtaphysiquc de la Statue cu^ti,me. Un philosophc fataliste et rnatrialiste n'efit pas dispos autrement son plan; ce ne sont plus seulement les ides innes, mais les facrrlts essentielles de I'esprit tiui paraissent nies ici; I'esprit n'est plus qu'une table rase; l'me est absolument vide avant que Ia sensation soit \/enue 'crire sur cette table. Cette statwe, cette tendue inerte qu'il prend pour sujet et qui n'offre pas le rnoindre rapport avec I'tre rel, avcc I'homme naissant, nature active par essence et cls son origine, il l'veille la vie, on ne sait comment, par une prernire sensation, principe, non-seulement de toutes les ides, mais des facults mmes, qui ne sont que des habitudes acqulscs et non des dispositions prexistantes. Le dsir, la volont, ne sont, comnle lcs ides et les facults, que des sensations transformes. Nos icles sont toutcs relatives notre manire cle sentir et reprsentatives des objets de nos sensations : il n'y a donc point cl'icles absolues et gnrales. Le moi, de la statue, sa personnalit, n'est quc la collection des scnsations qu'clle prouve et de celles que la mmoirc lui rappclle. I.,es ides moralcs mmes ne sont point indpendantes des sens : la moralit des actions ne consiste que rlans lcur conforinit avec les lois; or, ces actjons sont visibles, et les lois galemerat, puisque les lois sont des convcntions faites par les hcmnrcs; conventions, il est vrai, qui ne doivent point tle arl-ritraires, mais dictes par la nature d'aprs nos besoins et nos facults. Tout cela est bien peu mtaphysique, si la mtaphysique est Ia science des principes et des causes : les lois sont autrement dlinies par l\Iontesquicu ! Nous n'ignorons pas que condillac sous-enrencl toujours I'r)trc un et simple, la substance sous les phnornnes; mais, aprs lui, on supprimera ce sous-entendu, et, d'aillcurs, cct trc, s'il existc, existe sans lihert. Condillac a beau se dbattre contre ccttc consquence: il a beau crire un trait dw Libre arb,tre et chcrclier prouver I'existence de Dieu; la sensation ne saurait clonner ni Dieu ni Ia libert; elle ne peut arriver ni au principe de causalit ni aux ides gnrales. Il a firllu que I'esprit franais frit absorb par une proccupation

sin3'uiire, pour qu'un tel systme rgnt cluasi sans conteste sur

t0

LES PIITLOSOPHBS.

r?541

la mtaphysiquc pendant ft bien clvoy clu chernin de la vrit abstraite et bien absorb par la lutte des ralits. Depuis un autre denti-sicle, la doctrine cle la sensation, chasse de la philosophie, mais rfugie dans les scierlces, n'a laiss que trop de traces dans les ides et dans les
habitudes des gnrations actuellcs. Quclles qu'aient t les erreurs de Condillac et leurs funestes consquences, il gardera sa place dans Ia chalne sacre de la phiIosophie; iI a eu le mrite de faire cesser entre les facults et les idcs une confusion o s'taient gars ses plus ilustres devanciers; il a cherch analyser les facults de fme et reconnaitre lenr lien et leur ordre, et, quoiqu'il n'y ait pas russi, on doit lui tenir compte de I'eremple et de I'effort. II a rendu un service plus grand encore; si I'on dgage sa vritable pense de ses formules errones, on reconnat que personne depuis Descartes n'a apport un appui plus efficace la doctrine de I'unit de l'tre hurnain. Descartes avait dit que tout le propre de l'me n'est que de penser; cette dlinition excessive et incomplte, moins de forcer le scns du mot tr)enserr laissait une certaine prise, soit la critique matrialiste, soit aux vieilles opinions scolastiques sur les clerrx mes, la raisonnable et la sensitiue. Condillac' en dtnissant frne une substance qui sent, une substance capallle de sensation, complte Descartes 2. It tablit explicitetnent ce qui tait

plus d'utr derni-sicle t; il a fallu qu'on

au fond dans Descartes, que l'me seule ssnt I'occasion des organes, que tout est dans fme, et applique franchement ce
l. Jusqu' La llomiguire, qui, tout en dfentlant Condillac contre I'imputation de matrialisme, renversa sa thorie, en substituant la sensation le principe actif et volontaire de I'attentiou comme point de rtpart de tout un systme des facults et des optations de l'me. Avec lui commena de se relever, en France la mtaphy' siqoe. Ou a trop oubli que La Rondguire a prcd Royer-Collard, et' que la Il lestauration. non de la et de lBlI, rerraissance philosophique date en France y a eu, au xvluc sicle, rles anneaux intermdiaires entre Condillac et La Romiguire. Ainsi, Euler, dans les considrations mtaphysiques que renferment les Lettres une princesse il,'Allemagna, dmle trs-bien I'attention cle la sensation; mais il se trouble aprs ce premier pas et n'arrive pesjusqu' un vrai systme des facults de l'me. Le naturaliste philosophe de Genve, Charles Bonnet, dans son Esscr,i ana' d,e l'me (1?60), reste encore en deg d'Euler et' plns prs tle tytique sur les
facwlts

Conillao.

2. Et Leibniz. Descartes ilit : Ime est une pense. Leibniz force, une activit Condillac dit: l'rue est une sensibilit-

dit : l'ure esi rure

.il754l

CONDTLTAC.

tlI

principe tous les tres aniurs quc Descartes avait relgus dans le rttonde de la mcanique. Je sens, donc je su,f,s, donc j'ai, une ne (ou, plutt, je suis wne .me), n'est pas moins vrai que je pense, t)onc je suisl seulernent, on n'en pcut pas faire la base d'une mthocle, puisque, pour philosopher, il ne sufTit pas d'tre une passivit qui sent, il faut tre une activit qui pense; c'est l que Condillac s'est tromp fondamentalement r. Condillac, homme de murs graves, d'esprit circonspect, n'alla peut-tre pas mme, pour son propre compte, jusqu'au disme et ne se rnil jamais en hostilit avec la religion dont il portait I'habit. il tait bien loin d'adrnettre Ies consquences lnorales qui se peuvent dduire logiquement de la rntaphysiquc sensualiste, et Ia sienne, colnrne on vient de le voir, ne l'tait que par malcntenrlu. Un autre tira ces consquences sans rserve et
sans scrupule.

[Ielvtius 2, homme d'esprit et de plaisiri d'un excellent naturel, rnais beaucoup plus propre jouer dans ie mondc le rle d'un riche bienfaisant, dcmi-littrateur, demi-llf-

Cet autre

fut

pnrr illustrer sa mmoire. On a voulu attribuer sa thi:orie sur la formation

Il n'est pas permis de quitter Conclillac sans rappeler deux ouvrages pleins rle vues profoncles et hardies, lu Grammaire et la Langue des Calculs, qui auraient sufr
tles

l.

langues et sur la ncessit es signes un caractre matrialiste qu'elle n'a pas. Il a fort bien vu, comme Rousseau, que les sigrres et les sons ntont rien d.'arbitraire, que Ies premiers sont naturels, et que ceux qui viennent aprs sont, imagins selou I'analogie. II reconnat, que, cle mme que les besoirrs prcilent lcs connaissances, les connaissances prcdent les mots, puisque nous ne faisons des mots que pour exprimer iles ides que nous avions dj; seulementles mots, les signes artif.cielt {non point orbitrairesl, sont ncessaires pour nous fournir les moyens d'analyser les penscs qui se prsentent simultanment tlans notre espritr pour dconposer les oprations de l'me et nous donner des ides distinctes de ces oprations. ainsi que des olrjets extrieurs. lln somme, sa thorie est que l'homme pensa, mais te rasonne por, sans le secours du llr.ngage ; que les ides simples qui nous sont comrnunes avec les anirnaux, prcdent le larrgage; que les ides gnrales, auxquelles les animaux ne peuvent s'lever firute de la facult qui dcouvre les signes, ne se rnanifestent c1u' I'aide du lanrage. f{ous ne discuterons pas, mais nous devons rnentionner son fameux axiorne : que toute science n'est qu'une suite de propositions irlentiques; qu'on oa du mtne au mme I qu'une science ile raisonnements consiste non dans un progrds d'ides, rnais dans un progts d'expressionsl c'est--dire que tout est renferm d.:rns I'i4e premire qu'il s'agit seulement de dvelopper. Son vaste cours d'mtles, cornpos pour l'ducation de I'hritier de Parme, offre-partout la fois les prceptes et les exemples de Ia mthode analytique ou il excelle. 2. N en l?15, et frls d,u clbre mdecin de ce nom.

t2

tES PUILOSOPIIAS.

[{ 75s]

cnc, qu' se lancer dans les liautes sp,jculations de la pcnse


abstraite. n'errnier gnral, il avait donn le spectacle tout nouvcau cl'un dfenseur du pauvre, dans ces fonctions qui ne montraient d'ordinaire aux contribuables que des tyrans. Retir des affaires avec une grande fortune dont il faisait le plus honorable usage, il cntreprit un ouvrage de thorie, oir il rsuma et exposa sans voiie les opinions qtri avaient cours autour de lui dans la socit. Le livre de l'Espritr parut en 1758. Le titre est mal justif. L'analyse de I'esprit humain n'est que I'introduction et non le sujet du livre. Le but d'Ilelvtius est de dterminer quel est le rnobile des actions et des jugements hurnains; en d'autrcs tennes, quel est le principe de la morale. Il dbute par rpter tondillac en le poussant I'extrme. Il avance que ia cause de notre supriorit sur les animaux cst dans la diffrence de notrc organisation physique, et surtout dans la forme de nos mains. Condillac n'et pu le dsavouer; car il avail, dit que, si les btes n'ont pas les mmes facults que nous, c'est que I'organe du tact est moins parfait chcz elles ; mais ce quc Condillac n et jamais accord, et ce qui se ddrrit pourtant logiquement du systure de la sensation, c'est que la libert morale est une chimre. a Nos volonts, dit I{elvtius, tant des effets immdiats ou des suites ncessaircs dcs irnpressions que nus avons reues, un trait philosophiquc de la lil:ert ne serait qu'un trait des effets sans cause. D Il va sans dire qu'Hetvtius soutient Locke et Yoltaire contre Condiliac sur la question : Si, le clrps pau,t penser? Il va plus loin. Le mot matire ne signi{ie plus que la collection des proprits conlrnunes tous lcs corps; c'est--dire, apparemnrent, quc la matire, comme I'esprit, ne sont que des mots; qu'il n'y apas dc substrnce ; qu'il n'y a que des qualits sans sujet. La proprit de sentil' est, dans son opinion, comlnune tous les corps mme inorganiques. De cctte mtaphysique, il se htc de passcr la morale. .[.,'hornrne n'tant qu'un tre se,nsfle (il veut dire sarsilif), ne peut avoir naturellenrent cp'un but, le plaisir des sens. Tout y

aborttit dircctement ou indirccternent. Le bien est ce qui contribue nos plaisirs; lc mal, ce qui blcssc nos intrts. L'intrt est

u75sl

t3 [rELVUrtus. nos actions' la vraie mesure cle nos jugements et le principe de

La vertu La probit est I'habitude rles actions utiles la socit. contraire I'intrt est ce qui est conforme, le vice, ce qui est

public; les actions sont incliffrentcs en elles-mmes, c'est--dire qu'il n;y a ni vice ni vertu par rapport nous-mmes ' notre irtrietir,ni vice ni vertu en soi. Ces sortes de vertus relatives par exemple)' nous-mmes sont cles vertus de prjug (la pudeur, pas au bien ce qui est vice au point de vue religieux n'importe
pobhr. II faut plaindre le vicieux d'avoir
ces gotrts et ces passions I'infortune d'autrui; dans qui te forcent cle chercher son bonheur

moral est Jar, enfin, on obit toujours son intrt: I'univers aux lois physique soumis aux lois de I'intrt, comme I'univers le bien pour le clu rnouvement. Il est aussi impossible cl'aimer bicn que d'aimer le mal pour le mal' d'auL'homtre humain est celui pour qui la vue du malheur specce s'arracher pour qui, et tr[i est une vue insupportable , malheureux' tacle, cst, pour ainii dire, forcit de sccourir le inhumain est celui pour qui le spectacle de la rnisre
L'hornme

vertu' colnme d'autrui est un spectacle agrable. La plus haute

plus ou moius le vice le plus honteux, cst en nous I'effet du plaisir n'est rien que nature La y livrer. vif gue nous trouyons nous I'hai,ritucle.

- Les rleux la fairn chcz lcs sauvages, I'amour (physique) -

mobiles presque uniqtres des socits sont chez les civiliss' en socit sans IJne lnultitude cle peuples vivent ou ont vcu ide de Dieu'. En apcoinmcnt donc parvenir perfectionner la socit? bonheur le dans prenant aux inclividus trouver leur avantage pulrlic. L'rlucation est tout. L'esprit tant we table rase cltez elgales' La I',homme naissalt, les intelligellces sont naturellement d'clucation fait seule leur ingalit. Le hasard scul

diffrence

0n voit par qucl enchancment d'icles [Ielvtius arrivc, politique, l,or.clrc rnoral, ,. prsser de Dieu; clans I'ordre

rleveloppe Ie gnie chez certains hommes'

dans

indroits des I'galit tinire irnplicitemcnt une galit qui n'est pas {il n'y a 1,lus ici ni clroits ni devoirs), mais une prtettdue idcn-

l.IIconnataussibienl'histtlirequelanaturelrumaine;c.csttoutdirel

tlL

LES PIIII.OSOPil[S.

il

?581

Iion pour commander aux loups. Il irnporte de signaler ici re premier germe rle Ia faussc clmo_ cratie qui devait tre, pour un temps que nous ne pouyons mesurer encore, I'obstacle capital I'institution de Ia cit nouvclle.
Dcs gnies fort s'prieurs Helvtius devaient s'garer avec lui darrs cette voie. Nous reviendrons r-dessus. Quant sa thorie

quelconque dans une socit sans idal et sans

Il arrive une dmocratie matd,r,ialiste par le mme chcmin qui a mcn Holibes, prus logique et plus profond, un despotisme athe. Hobbes avait bien vu fiue te pouvoir absolu tait seul capable de maintenir un ordre *utri.l
droit: il faut le

tit tie fait entre les hommes.

lui-mme; il scrait pur'il de discutcr sur ce point; mais, si l;on appelle gosme ou intrttout sentimcnt qui nous intresse rl'une manire quelconque, on fait viorence la langue; si I'on prtcnrtr quc tout scntiment qui nous intrcsse n'a qne nous-mrncs pour Ilut, on fait violence au sens commun. L'goisme, dans la langue de tout Ie mondc, c'est ce qui nous renfermc en nous-rnrnes, ce qui ne considre autrui quc comme la matire de nos jouis_ sanccs; tout ce qui nous fait aimer hors de nous, tout ce qui nous porte vers autrui ou vers les ides gnrales, {r,li se rinrnent toutes mdiatement ou irnrndiatcnent en Dieu, toute alfection dirige vers les autres cratures ou vers lc crateur, tout arncur individucl, collectif ou di'in, est re contraire dc l'goisureo
et nier la ralit de ces affcctions, nicr, par exemple, qu'on ai,ne le bien pour le bien, c'est ignorer prolbnde\nent la nature hu_ rnainc et h nature de l'trc cn gnral.

de i'goisme ou de I'intrt, contentons-nous dc quelques mots Il est bien sfir qtre I'homme ne peut partir que cle soi, et qu'il y a toujours dans scs sentimcnts un rapport quelconque

en pssant.

prjug

Le caractre distinctif d'llclvti.s est cette auclacc de logiq*e vulgaire qui dcle non pcint l'tendne , mais, au contraire, les bornes d'un esprit court et i'arx : les rapports complexes et rnystr"ieux des choscs lui chappent; iI nie ce qu'il ne voit pas ct n'es[ jamais retcnu par le scns conlmun, qu'il prend pour un

'.
lu
plIosopt.ie

l. Yoir uue bonne analyse d'Ilelvtius d.ans le Cowrs d'ldstoire de modenw, de 1\I. Cousin, I'" srie, t. III, lcons rv, v.

t5 IIBLvTlus. vaCe livre mdiocre ettl un effet qui dpassa de beaucoup sa avait qui leur propre : faut-il rlire que la socit contemporaine, qui po s ieoant auteur, reconnuf son image? < C'est un iromme u Oit le secret de tout le monde ! I Ce mot terrible d'une femrnc rl'espritt, qui conclatluait toute une gnration, n'tait vrai qo'ur de grandes rcstrictions. Une furicuse tempte clat'a dans Ls rgionr offiri.lhs : ce livre avait paru, sous le nom de I'auteur, uo.t privilge du roi, un censeur complaisant I'ayant lpprouv sans votl.loir le comprendre. La Sorbonnc et I'archcoqor de Paris fuhninrcnt; la cour dpouilla Helvtius d'unc chiirge honorilique qu'il avait chcz la reine; le ltitrlement allait dcrter contre lui; il se rtracta dans les termes les plus explicitcs et, I'on en cloit cont'enir, les moins dignes. Sa doctrine n'tait pas cle ceiles qui font les martyrs. Personne nc prit au srieux cette rtltractaitln, et ce rt'tait pas Iil ce qui pouvait arrter
.1758j

le mouvetnent d'ides auquei llelvtius avait scrvi d'organe. Tl'op de gens tiricnt heureux, SanS en vouloir Convenir, qu'on leur et clonn la thoric de lcur irratique. Jusqu o cette thorie pouvait-elle concluire ? Ilelvtius, s'il I'etrt bicn compris, et t plus pouvant encore que Concliliac ne clnt l'tre de voir ce qu Ilelvtius avait fait du systrne dc la sensation. Tous les vices et tous les crirnes taient irnplicitentcttt justifis. Ilclvtius, qui est bon par natui'e , fait et conscille le ti.rr, pare qu'il trouve plaisir le faire : tcl monstrc de tl-

mece, qui aura rttruit en lui-mrne les sympathics de I'instillcf, n'aura qu' appliquer lc mme principc en SenS inverse, p6ur cll fairc sortir I'iilal du criine rlans tel livre qui semble crit par Tibr'e tupre , et pour anantir, aprs la vel'tu, la nature cllcrnure; la nattire, en effet, n'est qu'un tnO[ cOltttne lercste, sciotl

lc livre tle I'Xspril. Il suf{it cl'indiquer ces extrmits d'une logique monstntettsr:; il n'cst pas besoin cf insister Sur de sinistres erceptionS. Le lili-l[ qui frappe en grand cctte socit de llltu's douces et ntollt's, n'est pas l'nergic clu crirne, la sut'excitation dcs sens tortrnc irtt 'llirs orgiaque et sanglant, cornme sous l're des tsars, tnais Ia
I lll,lrrrnc ,le LloulTlers.

IBS

PHI,LOSOPHBS.

u 7581

des curs, I'abaissesophistication des esprits, Ie desschernent itlal' Helvtius a tont cle rurent rles mes par la dcstruction Leibniz r' par prdite tttani,m,rpour ainsi dire, la dcadettce toute flatnme est-elle L'id.alit disparue cles sciences morales, tout ce qui lve I'csrlonc teinte ? tout ce qui chauffe le cur,

pritest-ilvanoui?Cesiecle,sipleitr,aprstout'demouvement etdevie,va-t-ils'affaisseretcroupirasphyxidansunmarais? imaginations et des C'est irnpossible ! L'ardeur inquite des : la passion, indesintelligences sur l:ien se crer un alirnent bien pu tre refoule' tructible au foncl cle l'me de la llrance, a

et les petits sophismes' Non' rnais non touffe par les petits vices

tl'e towt Ie nt'ond'e I L'enIgosrne sensuel n',est pas enc0r ele sacret monde des esprits, du thousiasrne, chass du clomaine intrieur, dans le grancl Nature, la cle se rfugie d'abord dans les sciences

spectrclerlecemond.eextrieurquisedvoilerleplusenplus sincre et quelle ner,ro, ,rgurcls. Nous aYons Yu avec quet zle popularis Newton et provoqu fi* voruire a chant, comment, thories nervtoniennes la vritcalion vrairnent sublime d'une des Voltaire n'est, Cn mais par nos cotli'ageux voyageurs franais; pas l le gnie n'est : ce physique, qu un brillant vulgarisateur Neturc. Il y initiateur qu,attenrl clrez nous la philosophie 1. Ju fait que la ne il rnais touche avcc clat, comme toutesihclscs; cle cette iittrature franaise traverser; il est irop lien I'hritier repri'analyse de I'homme, il est trop bien le

si absorbe dans de Ia civilisation raffine, sentant de l,esprit social, le type mme des harmonjes scutirnent p0ur trc l'irou]lnc clc la nature. Le la religion nolnlnr qu'on a pu m,vstrieuses de I'univers, et ce jamais son disrne ri:Ltioncl : il ne connut
de ia

vie, rnanqucnt laltatienceetlerecueillenrentncessairespoursurprendreles

scct ets cle I'Isis tclnelle'

science sans l'accrotre : les Yoltaire a contribu rpanclre la du sicle font avancer srvants francais cle la prernirc rnoiti lrumaine; mais auctln d'eul t]il,erscs pai:ties de la connaissancc et renouvellc I'enscrnllle noa cctte vue syntlttique qui ernbrasse dcs grrics crrteurs. tl,tttte grancle science : aucun n'a lc SCeilu
1. Voir notle

t. IVn

P' 319'

I? Nous avons dj nonrrn quelques-uns des hon rnes minents qui

u ? 43-t 749l

SCIIINCES.

D'ALEIIIBERT.

l'glise saint-Jean-le-Rond, recueilli et lev par une pauyre vitrire, Qui reste toujours pour lui sa vritable mre, quand I'autre voudrait en vain prus tard revendiquer un fils devenu illustre, il sort trs-jeune de I'obscurit par dcs talents prcoces au service d'un caractre indpendant et d'un esprif halite. En {743, vingt-six ans, son trait de Dynarnique leplace au sommet de Ia science contemporaine : soll principe de l,Egalit

soutiennent I'honneur de I'acadmie des sciences, les Mairan', les clairaut, les t'ontaine, etc. La t'rance savante garde la haute position qu'elle a conquise. peut-tre est-ce dans les mathmatiques qu'elle a encore une prpondrunce clcide. un esprit suprieur s'y est rvl : d'Alembert, destin plus tard ,rn iol. actif, quoique circonspect, dans une sphre moins paisible que eelle de la gomtrie. x'ils naturel de Ia fameuse chanoinesse Tencin, abandonn, par ordre cle sa mre, sur les marches de

lution dans la gomtrie appligue Ia mcaniquer. Iln 1746, invcnte un nouveau calcul, le calcul itttgral, aur d,iffrences pa,rtiell,es, instrument puissarrt pour les progrs ultrieurs. En 1749,il rsout le problme de la pr,oassion rles qui,nores; puis il publie

antre les ch,angements qu'prouae le mouaement d,es corps el, les foroes ernployes tt, prod,wi,re ces ch,angemen$, dtermine une vraie ryo-

il

des Recherch,cs

sur d,ifirents points importants

les hommes rares qui ont su marier la solidit dr;s sciences l'lgance des lettresl mais cet esprit clair, ferme , mthodique, qui n'a gue de la lumirc sans chaleur et de la raison sans imagination, est impropre aux sciences de la vie, comme Yoltaire, mais par d'autres causes. D'Alembert brille dans les mathmatiqucs appliques la thorie des sciences phy;iques, de i'astronomie, de la rncanique, de
On lui doit. outre ses dcouvertes dans les sciences exactes, d'avoir, le premier chez nous, fait connatre les vrais caractres tle la larrgue et ile 'l'critu cliiooir.., et prpar, sous plus d'un rapport, les grandes dcouvertes moclernes sur I'ido-

Il parvient au plus haut rang parnri

d,w systme dw motd,e.

I.

Il fut auprs de I'Europe le vulgarisateur des travaux du pre Parennin, ce jsuite qui joua un rle si important et, si original la chine, ori il avat t conserv comme mathmaticien, aprs la perscutioi ae nzz. 2. Penclant ce temps, tlans la mcanique pratique, les ingnieuses inventins ile -Yaucanson familiarisent le public avec les progrs de la seience.
graphie gyptienne.

t8

LBS PIIILOSOPTIES.

il ?bt-1?691

la physique gnrale. Les mathmatiques pratiques, au moins la gographie et la godsie, conservent galement lcur supriorit en n'rancc. Danville, continuteur de Delisle, recre la gograptrie antique et rend d'inapprciables scrvices I'histoire. Jacques Cassini lve une perpencliculaire la mridiennc commence par son pre et acheve par lui : la tr'rance cst ainsi
mesure de Coltioure Dunherque ct de Saint-l\talo Strasbourg. Le troisime Cassini (Csar-Franois) recti{ie les travaux de son pre ct cle son aiertl, et cntl'cprend , avec tamus et Montigni , la grande calte de France cn 1751 r. Dans I'astronomie d'observation, les trangers rivalisent avcc la France : il y a l une noble mulation. Les voyages scientifiques continuent. A deux reprises, en 1761 et 1769, d'abord

parmi lcs prils de la guerre, puis aprs la paix de Paris, des stronomes franais vont au bout du monde, dans lcs nters de I'Inrle et de la Clrine, en Sil:rie, en Californie, observer les deux p&ssages successifs cle Ynus sur le disque du soleit : on connat clsormais la rlistance du soleit la terre, trois cent mille lieues prs, c'est--dire environ un ccntime prs, tandis qu'auparavant I'incertitucle tait de huit dix millions de lieues. Les noms dc Le Gentil, du gnovfain Pingr, de I'abb 0happe, nrritent place auprs de ceux clcs llouguer' des La Condanline, des tlairaut. L abb Chappe mcurt urartyr de la scicncc dans ccs tttmes rgions o tant de hardis aventuriers doivent un jour arracher 1'or cles entrailles de la terrc au prix de moins nohles souf-

frances 2. Utt autre SaYant voyaseur' l'abb dc La taille, a donn la rnthocle la plus facile pour calculer la longitude en mer d'aprs I'observation de la lune (t?55). 0n commence, d'aprs son plan, I'Alntanaclt,nauliqwe, qu'on ne terrnine pas et que les Anglais nou$
un La premire organisation du gnie civil date tle cette poque. cassini forma fut aeheve l'ceuvre et t?84 en mourut Il carte. sa corps d'ingrrieurs pour excuter hr on tzgo p", ,oo filsn Jacques-Dominique. o a peu d'exemples d'une pareille ilit de talents sPciaux.

l.

( 1764autour du monde qu'ait excut un vaisseau franais, celui de Bcugainville expdil?66). Les nglais et les Hollantlais avaient ilj fait, une quinzaine de ces habitants, tions. La duouverte tle Taiti et les Otrsetvations sur les nrceur:s de ses qrri senil-rlait ce toub de et natura de I'elat de proccup si tait I'ou ou poque nne valut une granile populalit la relation de Bougainville. .'un

2.Alammepriodeappart,ientunautreYoyageclbre,-lepremierYo}'age

"approcher,

il?60-17751 c0GnApHIE. ASTRONOMIE

[9

prcnait part aux progrs de I'astronomie; ainsi Leroi et Bertaud, auteurs des montrcs marines cxprinrentcs sous toules les latitudes par Ic pre Pingr.

ainsi Lcpaute, {ui a fait faire de si grancls pas I'horlogerie, tandis que sa fcmme, colraboratrice cle clairaut et de L,ande,

la connai,ssance cles Temps (t?60-17?b). Meisier publie en !77!, , le catalogue des I{,buleuses. . L'histoire doit aussi un souvenir aux habiles artistcs qui perfectionnent lcs in'trurnents de Ia science, nouyeaux organes qui centuplcnt la puissancc des organcs que nous a donns la nature;

enlvent I'honneur d'achever (1267). Lalande, lve de La caillc, organise, pour ainsi dire, I'astronomie, en groupant les adeptes de cette belle science : il crit son grand Traii cl,i,strortomte ia4) ct prend, durant quinzc ans, la part principale la rclaction de

lcs dcouvertes essenticlles sur les gaz, sur les vrais lments clcs corps, se font l'trarrger. La thorie de la chinrie est cepcndant cncorc faire, ct la France doit prenclre avant peu une glorieuse revanche. Des doctes leons que professe Roucllcr au Jardin des Plantes, va clore ce Lavoisicr dcstin systrnatiscr la science qui introduit I'homrne crans le rnystrieux laboratoire de Ia nature, et qui lui rvle non plus seurement les proprits, mais la composition et la dcomposition des corps inorganiqucs. ce n'est pas non plus la n'rance que revient ia gloire cles clatantes dcouver:tes qui s'oprent dans la partie ta ptus obscure et jusqu'alors la plus insaisiisable de Ia physique, clans l,lectricit.

Da's quelqucs autres branches de la connaissance humaine, Ia fait pas une aussi gra.cle fgurc. La chirnie, cette science nouvelle qui sc clgage de plns cn plus des vieux rvcs alclriuriques, prsente chez nous des travaux cstimables; mais
France ne

Dt cependant, avant Franklin, un [ranais, Duhamel-Dumonceau, savant universel, avait aflirm I'identit du fluicle ellec_ trique et de la foudre z, x'ranklin dveloppe cette iclc, en fait la thorie, puis la prouve par de courageuses expricnces qu'cx2. Parmi d'innomhrabres travarix de botanique, d'agronomie, de mtorologie , de ph1'sique, de chimie, on lui doit la prenrir.e thorie ...ngruir. _ Sur ,.Jtitr.", vo.vez Iloffer, I/fst. de lu Clttnie, t II, p. Bgti.
1. C'est lui qu'appartient la classification
des sels.

LES PUILOSOT)t{ES,
Nous

10722 t7521

(t752)' cutent en mme tetnps en France Daiibard et Lernonnier et dite proprement touchons enfin I'histoire naturelle
sa branche le plus leve,

la science de la nature anime. 0urant Ia premire moiti du sicle, un esprit sagace, pratique, ingde Ia nizux et actif, avait jet un vif intrt sur quelques parties si appliquant cn signala qui se zoologie. t'tait ce Raumur, et I'industrie naturelle heureusetnent la physique et t'histoire ' ' platiques rciproquemcnt, les observations recueillies dans les convertir industrielles aux tudes scientifiques. II enseigne I'art de (1725)' contle fer en acier (1722\,l'art de fabriquer le fer'blanc que poursuivent lnence pour la porcelaine (1727- 1739) les essais Darcet et I\IacIes chimistes plus tard, avec un plein succs, il invente svres; de cration qo.r, et qui aboutissent Ia belle dc Ncwide d'une rn ro.ro.au thermorntre par I'allplication mystrieux ton (t?31)'; il a reconnu, aprs Palissi, I'intrt fossiles qu ofirent la science les vastes bancs de coquillages sur rctrouver se qui doivent et Touraine q*'on appelle falwn en mrnoires de fou[e une aprs tant d,autrcs points (t?20); enfin, ses clbres sur I'histoire natureil., il pu5lie, tle 1?34 L742, chef-d'Uvre' vrai Insectes, Mrnotres powr serpir it I'Histoire cles n'a rpandu plus d'attrait Personne incomplet. malheureuseruent que I'art avec sur la science : rien de plus fin ni de lrlus dlicat si vari des pctits lequel il pntre clans ce monde si nouveau et Ia mathrnatique seulernent plus non tres. on scnt en lui la vic et gnie qui va I'clatant de de la nature; il est un tles prcurseurs

' se levcr sur les sciences naturelles'

grands faits, des lois irnporLes dcouvertes se multiplicnt : de

tantes,quoiqueisolesencore,sontreconnus'st.'itdanslago. ainsi' logie, .oit durls la voie zoologique ouverte par Raumur; lc sicle, du levs plus les uri d** csprits les plus originaux et que cerencore' Genevois charles Bonnet, reconnait, toutjeune
(1740)' ct cotrtains insectes se reproduisent sans accouplement

lirme,prsesexliriences,Iadcouverteplustonnanteencore

l.

repose sur

en France pendant un sicle' La construction de cet instrument' seul employ savoir : la cong-

lation rle I'cau et l,bullition.


ttotttlrt'c clct rlcglds.

le choir" ao'o* points extrmes de'la graduation' le on n'y a opr qu'un changernent nominal dans

[t?40-1750) nnU]tuft. NATURAIISTBS.

Zl

de Trernbley sur les polypes et sur plusieurs espces de vers qui se reproduisent indfTniment par incision, la manire de ceux
des vgtaux qui se multiprient par boutures. ces tres singuliers paraissent, comme l'tablit le grand botaniste Bernard de Jussieu, relier les deux rgnes de la vie animale et cle la vgtation, tandis que Ia nattre inorganique elle-mme semble rattache la nature vivante par I'existence animale que constate peyssonel chez les coraux, Ies madrpores et d'autres immobiles habitants des mers.

une vive attention se porte sur notre terre et sur les tres qui I'habitent, sur les origi'es et les phases inconnues de cefie terre

les races qui Ia partagent avec rui, et sa propre race. c'est l vidernment gue doit sc manifester quelque grande intelligence qui relie synthtiquement tous ces f'aits et toutes ces itles, et qui fas_
cine les imaginations en faisant colnme un soleil de tous ces rayons pars. L,a naturc seule peut tenir licu d'iclal, en quelque

un regard plus hardi, par del notre atmosphre, clans ts prfondeurs du monde sidrar. Quand I'homme tend si loin, ses notions, il faut plus forte raison qu'il connaisse son habitation,

et dc ces tres. cette curiosit redouble mesure que I'on plouge

salutaire. un livre ml de rveries, de suppositions sans fondenrent et de vues profondes, le Teiliamed,, ou Entrel,i,ens
Iosophe i,nrlien auea

bannies des mondes suprieurs. A ct des dcouvertes, et surexcites par elles, les hypothses, tant honnies par voltaire et par l'cole exprimentale, subsistent dans les sciences naturelles et y entretiennent une fermentation

et rendre une posie aux mes inquites que le matrialisrne a

sorte,

marines rpandus dans I'intrieur des terres; que tous les tres vivants, I'homme conrme les antres, sont sortis de la rner. yo[_ taire se moque lleaucoup rJe L'lrcntme-ltoisson et des montagnes

mi,ssi,onrtaire frannis | vient d'exciter beaucoup d'tonnement et une espce de scandale. L'auteur y avance que les montagnes ont t lbrmcs par lcs courants de la mer' colnnte le prouvent les dpts de substances et cle coquiilt,s

un

d,'wn pl._

I'

ouvrage posthume

et qui avait dguis son nom

d'ur ancien consul

de France en gypte, rromm de sous I'anagrarrrme cle Teiliumii.Ilort eu r?Bg.

lfaillet,

LES PflItOSOPIIES.
forrnes par les coquillcs; rnais pas si ridicule tout le monde. clore.

lr?07-r

39i

le systrne neptutticn ne setnble

Tous ces cssais sont les prludes des grantles choses qui vottt Sur une hauteur que dominent de longttes collincs d'un aspect svre, au centre d'un paysge assez recur:illi et solitaire, quoique dans le voisinage de la petite ville bourguignonne de nlontbard, une vieille tour s'lt'e du rnilieu d'un bois d'arbres verls : c'cst dans ce dotnaine, quelques lieues de la patrie de Bossuet, qttc naquit, Ie 7 septcmbre fiA], I'enfant qui devait tte le rit'al en loquence dC fauteur du Dscours sttr I'ltistoire utiuerselle, Ie Bossuet du naturalistne.Georges-Louis Leclerc de Buffon, fils d'uu conseiller au parlement de Dijon, se montra rsolu, ds sa prcmire jeunesse, consacrcr aux scienccs la libert et lcs moyens d'action que lui assurait une grande fortttne. trlais il ne manifesta

point d'abord de vocation spcille, et il excra largement son esprit dans diverses pat'ties dc la connaissnce humainc o ne {gurait point la zoologie. Il parcouruf une partic de la France ct de I'Italie, et visita les Alpcs avec deux arnis anglais qtt'il accotnpagna ensnite dans lcur patrie : cc furent l tous les vo1'agcs de
cet homme qui dcvait parcourir inccssatnutent la terre cutit\re par la pense. Il tlbuta, aprs son sjour cn nglcterrc, liar tlatluire

la

Statique d,es ugttatm, de Hales, et

Newton. Conrtne

le trait tles Fluntons, dc llott payer son trillut I'csprit tlu temps, il

attflue les hypothses dans sr prface. Divcrs mrnoires de gomtrie, de physique, d'conotnie rurale ct fot'estie\re, le font connatre son retour d'ngleterre. 0n relnarque dj quclqttc chose de colossal dans son irnaginatin ct tlans ses procds : iI fait scs expriences sur ttne chelle norme; il veut renouvcler le tniroir avec lequel Archimde drobait les feux du solcil pour inccndicr lcs flottes cnncmics. L'Acadmic dcs scienccs I'avait appel dans son sein ds I'ge de vingt-six ans : Ies plus sgtccs parllli les savants pressentaient sou avcnir. En 1739, I'intcndant du Jartlin royal des Plantes, Dufay, physicicn et naturaliste estimallle, connu par dcs dcouvertes sur l'lectricit, se sentait dprir, jeune encore, d'une rnalatlie de langueur. Le Jardin des Plantes n'avait gure t jusqu' lui qu'une succursale de la ['acult dc rndecinel

[173e-1

9]

BU IIFON.

avait cornmenc d'en largir les collections et I'enseignement, et cornprenait qu'il y avait quelque chose de plus grand entreprenclre . Il signa, d'une main mourante, la demande au ministre de lui donner Buffon pour successeur. Bufion accepta ce noble Iegs, qui dcida de ses destines et qui lui fournit les moyens de Iixer et de raliser les penses vastes, mais vagues encore, qui s'agitaient dans son cerveau. Il rsolut de fairl du Jardin des Plantes le temple de la nature et de s'cn faire le pontife et I'lrfstorien. L'histoire naturelle devient ds lors le but unique de ses cla_ tantes facultd's. Dou d'une force dc volont extraordinaire r perdant prs de soixante ans, il conscre chaque jour le mme nombre d'heures au travail. Ni les praisirs ou jene ge, ni les infirmits de la vieillesse n'enrpitent jamais ,or l'tude. Dans sa jeunesse, il se faisait arrachcr violernrnent de son lit cinq heures du matin, quand il tait rentr deux heures des soupers de Paris. 0rganisatio' puissante, nrais inco'plte, ce qui lui manque rcnforce d'autant ce q.'il possrle. sa srnit, ion quilibre,

il

rei:osent moins sur I'harrnonie des lrnents essentiels de I'houune gue sur I'atrophie dc l'lrnent qui enfante les orages,
sencc des passions du cur. Tout est saclifi I'intclligence. La vie physiqne n'est pas colnprirne chez lui, comme chez lcs pen-

sur l,ab_

en l'clairanf , en largissant ses horizons. Il ne prendra ps pour devise, colnrne un autre grand homine plus tlvou et plus mallreureux : lritant, impendere Derlt; tout en se.ynt Ia vr.it, ou ce qu'il croit la vr'it, il la voilera guclqucfois; il nrnagela toutl il sacrilicra beaucoup pour obtenir tle poursuivre en paix son uvrc : la magnificence de cette uvre est son excusc clevant la postr.it.

la haine des abus sociaux, n'excitent ou ne troulilent son me. L'amour de I'hurnanit, au lieu de la forme militante du ternps, prcnd chez lui la fo'ne scic'tifique. Il airnc I'humanit

seurs asctiques: elle est livre, au contraire, I'instinct ayec insouciance, tandis que toute Ia vic morale se concentre dans la science, aime la fois pour elle-rnmc et comrne irstrument de gloire. La gloire est sa seule passion. Ni I'amour de la fcmme, ni

l.

Sacrifier sa vie la vrit, Devise ,Je Rousseau.

u?39-17491 LBS PIIILOSOPIIIS' la I'assaillir, lorsqtte nature Suelles prodigieuses visions durent f tui comme u' seul tre dont it avait dcrirc les se

formes et raconter les vicissitudes ! Iorsque terre ! Lo conception s'iance sur


d.es

lrsrnta

jaillit

de son cerveal

lepland,unehistoiregnraledeladerreetdelaviesurla
ailes d'aigle : I'excution

se

tranepasdetortue,mmepourteplusfortetleplusactif. la pense d'un seul Toute une existence ne suffit pas raliser

grand hiStoinstant, et Duffon ne rlevait, suiYant I'expression du quelques que parcourir ribn de la littrature au xvltte sicler, prpatudes Les trac. rayons du cercle immense qu'il s'tait puissance la par ratoires lui manquaient : il s'efforce d'y suppler fanal qui le travail et de ta mditation2; it voit devant lui un du

guiclerasurl'obscurocandestres;c'estcequ'onn0mmer ncessaires, vrai flatnbeau, en etfet, fittrs tarct la thorie des /ar,ls decemondeplrysiqueoirtoutestsoumisdesloisquis'en. mais d'une tmrit chanent ,igoorlurlment. 1le subtime, hroque:quetilhumainnesetrotrblcrapassurl'enchaine. perdu!... ce nest que mentdesfaits ncessai,resl Descartes s'y est par ces tmraires qdavance I'esprit humain' LesorganesphysiquesfontdfautBuffoncommelestudes I'observation; il se spciales : son ,uit inyope est irnpropre complteens,associantsoncornpatrioteDaubenton,haliile la main oit et infatigable exprimentateur qui est l'il et de la gnralits 3. Buffon est la pensoe Buffon traite seul lcs Daubenton ne gclogie, partage les tudes zo-ologiques avec ' et abandonne cette Iait qu'efft.or.ithoriquer'cnt la botanique et Bernard, bien science aux dcux frrcs Jussieu, Antoine ttignes,Pfleuresprittenrluetgnralisateur,dernarcherr' naturelle aux cts cle Buffon tlans la route de la philosophie
9. Le rneitlear creuset, disait-il, c't l'esytrit' r le premier compris le priil3. Daubentoo roi lr*ique chore de ptos : il avait de base l'arrsle lien .-*on de tous les falts qui devaient servir
1. M. Yillemain'

cipe gnral,

torniecomlrare.Ilavaitprisl'homrueporrttermederapport,e!lesanimauxpour' Etu:y,{'tp' rt'ou'aelle' t' VII' p' l'1' terme de srnpara,isstr. ' S""*e*, organo'trrlne'ap' rles
comme botaniste, et Goin au Prou.

ce qu'Lait 11 fi1'11ili6 4. La fmille a.rJo.ri"o ar"uit t.u, tlans la botarrique, fi're, Joseph, av:rit pa|trg' cassini dans l,astronomie et la goclsie. un troisime Il,rtguer t"" tfiiit ei"tes prils 6e I'expclition de La Co*arnine'

Il?.ls

17531 BUFITON. IIIST.OIIiE

NTUnEtLB.

25

Le Cabinet cl'histoire naturelle est cr par leurs efforts runisr. prs dix ans d'incubation, la pense de Buffon clt. Les trois
premiers volumes de L'Histoire naturella paraissent en {74g. Le public reste saisi d'tonnement devant la majest du sujet et celle du langage. Au lieu de la phrase hache, du trait jaillissant cle Montesrluieu, au lieu de la parole aile de voltaire, on relrouye
I'arnple phrase dcs anciens, aux larges et harmonieuses priodes, avec la clart franaise de plus : c'est la parole qui cxpose et affirrne, au lieu de la parole qui discute r t qui cornbat; ce sont les ides des temps nouyeaux exprimes ayec I'accent solennel du xvrro sicle et de I'antiquit rornaine. s'il n'est pas de gnie humain qui gale la majest de la l{ature, commc orr I'a dit de Buffon par une excusable hyperhole, on peut dire au moins que jamais les merveilles de I'univers n'ont t clbres clans une langue plus digne tl'elles. Bon nornbre de beaux esprits, par frivolit, et une partie des savants, par d'autres motifs, ne virent gure d'aborcl dans Buffon que le grand coloriste, que le style : Duffon lui-mrne y aida par sa maxime : l,e style a'est I'h,omrne,' mais il failait savoir I'entendre. c Le style n'est que I'ordre et le mouvernent qu'on rnet dans ses penses, n c'est--dire toute I'ceuvre, moins l'inspiration premire et le plan gnral. < Le style doit graver des penses et non rles paroles... Les ides seules formcnt le foncl du style : l'harmonie des paroles n'en est que I'accessoire... un beau style n'est tel que par le nombre inlini tles vrits qu'il prsente...2 r La rnasse du public, elle, se laissa aller I'irnpression de force et de g'randeur qu'elle reut, sans trop I'analyser; mais les homrues capables de comprentlre ce que Buffon appclle le fonrt rlu style,c'est-dire les conceptions qui revtaient cette forme magnilique, furent pntrs d'une consciencieuse et profonde admiration : leur sentiment claira et conquit celui de la foule, mesure que l'uvre colossale de Buffon s'tendait avec sagloire, durant prs de quarantc l. Ce n'avait t d'abord qu'un simpte droguier, ou coliection d.e plantes mdieinales. Dufay avait comrnenc d'y ajouter des minrauxl lluffon baua les galeries zoologiques, qui n'o't pris leur magnifique tlveloppernent qu'avec tieune Giorroy_
Saint-IIilaire.

2. Disiours tle

rceptiott

I'Acam,ie /r.trnaise,. l?JB.

tBS

PTIILOSOPTIES.

[{ ?4el

annes. Toutefois, Buffon ne devait tre compltentent et dfinitivement apprci que de nos jours. Ds le dbut, il monte seul droit au somlnet qui I'attire, en

signalant le danger des routes battues. Il voit dj les sciences ,'ngog.t dans ce labyrinthe obscur des faits de dtail ori elles menacent de se disperser en rompant le lien qui les unit. s La mtaphysique des sciences, s'crie-t-il, est nglige, plus peuttre que dans aucun autre sicte : on se perd dans les mthodes de calcul et de gomtrie, tlans les formules et les nomenclatures! I Et il attaque vivement les classifications, comme des divisious arbitraires de cc qui est li dans la Nature par des transitions in{inirnent multiplies. " II n'y a ni genres ni espces dans Erreur de croire que la Nature : il n'y que des individus ' ! D de son dessein et la varit plan : seul un sur travaille la Nature d'un tre de conclure [rreur infinie. de ses oprations est I'autre, d'un rgne I'autrc. 0n dirait, d,e telles paroles, qu'il n'aperoit que la varit et non I'unit cle la Nature; mais on S'abuserait sur sa Yraic pensc' Cette varit lui apparait comme forrnant un ordre' une chaine ' une srie ou des sries de clegrs presque insensibles, s'tenrlaut en tout sens de l'trc le plus parfirit la rnatire la plus informe' Ce sont lcs clivisions de cettc chane qu'il nie : il la voit continue et non subdivise 2. En tertues scolastiques, il n'admet d'autre wr,iuersel quc la Nature. Buffon a raison sur divers points dans ses critiques contre son

conternporain et son rival, le Sudois Linn, le prince des classificateurs, qui avait, en 1735, bauclt, aYec un gnie aussi profond que patient, une mthode gnrale tles deux rgnes organil.Ilenvintbienttuneopiniontoutopposequantauxespces. 2. voir [:list. Natwrelle, premier Discoursl tle la trIqnite tl,'tutlier et de traiter l'his' dans la conlenpldlion de lo Nalure, publie de 176{ 1765 toire naturello. - c'est que la par ctra"les Bonnet, un des plus minents adeptes de la philosophie naturelle, stie uilique' chalne tles tres est prsente sous I'aspect tl'une chelle eontinue qu'il dit contre Buffon n'a point tlveiopp d'opinion formclle cet egard; mais ee et favoBonnet de le systme d'avance carter semble natore la piao de ilu I'unit les riser la thorie formule rle nos jours par XI. Isirloro Geoffroy-Saini-I{ilaire sul I'art' cltoucqs I Hist' des srics parallles. Yoir aussi les inclications contenues dans dans la ngation otseaur, Quant I'itle de I'unit tle type, elle n'est pas implique cette ide' eftleur point encore u'avait Buffon nature. la de plan u de I'uuit

BtiFFON. IIISTOtItE NTUnELLE. 27 Ia Nature. lianmoins, la guerre faite par Buffon aux rurthodes est exagre et contraire, dans ses consquences cxlrrnes, aux intrts de la science. si les classifications n'ont
n ?491

ques de

pas une valeur absolue et ne peuvent embrasser Ia totalit des rapports natulels des tre s, elles ne sont pas cepentlant arbitraires, puisqrr'elles embrasscnt une partie de ces rapports, et valcnt d'autant plus qu'clles en embrasscnt davantage. ce sont des conceptions ncessaires de I'esprit humain, et Buflbn lui-mme est bien olilig de s'cn fairc une, puisqu'il classe les objets et les tres suivant les convenances qu'ils ont avec I'homrne, et spcialement avec I'homme civilis d'Europe, rnthode trs-peu scientifique; aussi finit-il par I'abandonner, dans h suite de ses travaux, pour se rapprocher de Linn et s'appliquer perfectionner de main de rnaitre ce qu'il avait dcri r. s'il ddaigne trop d'abord les mlhodes spciales, il pose Ia mthode gnralc et transcendante en termes dignes de Descartes, q La description exacte et la connaissance des faits particuliers n'est pas toute I'histoire natnrelle. Il faut s'levcr de l quelque chose de plus grand; c'est de gnraliscr les faits, de les lier ensemble par Ia frlrcc des analogies, ct dc tcher d'arriver :i la connaissance des effets gnraux, cruscs clcs faits particulicrs, causes secondes auxquelles notre esprit pcut du rnoins s'lever, puisque lcs vraies cuses lui sont insaisissal:les. r il applique imrndiatcmenf ces principcs : c]e la rcgion abstraite o il a plan un mornent, il s'abat comule un aigle sur son sujet et prend possession cle notre .globe avant de toucher auK tres qui le peuplcnt. Il rsume et coordonne, clans l,llistoire et Thorie de la Turc, les travaux et lcs observations cles Rd,aumur,
Voir son beau travail sur les singes. r,a mthode de Linn, pcrfectionne, a subsist dans la zoologie. Dans la botanique mrne, Linn ne s'taib arrt qu" p.ovisoirement une classification fontle sur un seul caractre, celui d.u sexe, .t chait cette mthode plus gnrale et plus nlturelle que poursuivait en mrue temps "tr*"chez nous Bernard de Jussieu, e qu'ils trouyrent tous dcux. Ce fut Jussieu qrri rapporta d'Angleterre, ans son chapeau, Ie fametrx cdre du Liban, l,an de tous les ctlres qui existerrt, en Franse. On lui doit I'acclimatation en Franee ,le beaucoun de vgtaux trangers. Un atrtre botaniste fraugais, Adanson, ar.r'iva galenrerrt la mthocle naturelle, celle qui s'attache aux caractres les plus gnraux, ler plus comprhensifs, rlans ses ?-anlles det plantes (iz63). avaii conu le plan gi. garrtesque d'une Encyclopdie naturelle complte.

l.

Il

?8

tES PHI[,OSOPIIBS.

n74e)

logie, depuis le vieux Palissi, comme il fera, dans I'histoire des tres organiss, pour les dcouvertes des Peyssonel, des DuharnelDumonccau, des Neetlham, des Bonnet, des Trcmbley, etc. ; il
ajoute ses conclusions, et sa Th,orie d,e Ia Terre, complte, trente ans aprs, pr s6n immortel ouvrage des Epoqwes tl,e ta Nattr,re, restera pour toujours le fonilernent de la science qui rvle

tles ourguet, des Buache et de tant d'autres pionniers rle la go-

I'homme les fastes des ges antrieurs I'homme, I'histoire d'avant I'histoire, I'histoire otr I'on suppute, non par sicles, mais par priodes inconnues, qu'ont crites sur I'corce du globe le
feu primitif on l'Ocan, son successeur. L'Hts1aire d,e Iu Terreest, en effet, colnrne le dit I'auteur' une thorie, c'est--dire une gnralisltion des faits connus, relis par des inrluctions vraisernblables, et non un sys[nr,e Cest--dire une hypothse arbitraire imagine pri,ori. Buffon n'y affirme pas

mme eltcore I'incandescence primitive du globe : il n'y avance fonnellcment que le long sjour de la mer sur nos continetrts, sjour tout fait tranger et bien antrieur au dluge biblique' et uttest par tant d'immenses dpts d'animaux marins, le dplacement probable clu lit de la mer dans les ges ant-historiques, la formation de la plupart des couches terrestres par les eaux, et quelques autres grands phnomnes procdant de la mtne cause neptwni,enne, t'est part, dans les mrnoires intituls Prewues d,e IaTluoria d,e (,a Terre, qu'il prsente, Sur la forrnation de notrc globe, une hypothse dont il ne fait nullement dpendre I'ensemhle tle ses vues positives sur la nature. Cette hypothse, c'est que la teme et les autres plantes ne seraient que des frag ments clu soleil dtachs de sa Inasse par le choc d'une cottrte. La science a drnontr l'irnpossiblit de la donne de Buffon. Une autre hypothse plus heureuse est commune Leibniz et Buffon : c'est que notre plante a t d'abord l'tat de liqufaction ardente et que c'est dans cct tat qu elle a pris sa forme ; quc I'intrieur de la terre doit donc trc une matire vitrifie et chautle encore. Ilais Buffon seul appartient I'histoire conjecturale du passage cle l'tat uulcani,en prirnitif l'tat neptunien, vraie rvlation du gnie. QueI qu'ait t, en effet, l'tat primitif, et quel que sqit l'tat actuel du noyau du globe, lcs dettx rgnes succcs-

lr74el

DUI.'ITON. TIIOITIE DB

I,A TENRE,

29

ne peuvent plus faire doute. homme, s'criait avee ptupeur le sceptique Hunre en lisant les premiers volumes de Buffon, cet homrue donne des choses gue nul il humain n'a vues une prollabilit presque gale
sifs du feu et de I'eau la surface
a Cet

l'vidence!..,
Ce

t mieux justifi encore par le livre vraiment sans gal dans lequel Buffon, septuagnaire, en 1778, donne le dernier mot d'un demi-sicle de travaux et vivife les conceptions dfinitives de sa science par une puissance d'irnagination inouTe. Les li,poques d,e la Nature semblent criles sur Ie granit par quelque Titan contemporain dcs rvolutions et des progrs successifs de notre plante. Ce ne sont plus I des discussions, des considrations scicntifiques : c'est la cosmogonie

cri d'adlniration efit

elle-mme voque cles ablrnes du temps. On voit bouillonner la la plante en fusion; on la voit s'affaisser vers lcs ples et sc renfler l'quateur par la diminution graduelle de cette chaleur immense. Les matires vitrifies se consolident. Les nlontagnes primitives s'lvent comme des boursouflures la surface d'un globe gigantesque de mtirl fondu. La chaleur continue baisser; l'Ocan arien de vapeurs qui flottait aulour du globe se condense, retomLre et couvre Ia face de la terre. La vie apparalt : les tres innombrables, dont les dpouilles doivent former les roches calcaires, closent dans les eaux. De prodigieuses caverncs, crcuses en mme ternps que les montagnes s'levaient,
masse ardente de

par un effet inverse, s'affaissent, engloutissent une partie

de

l'Ocan et dcouvrent les continents. Le rgne vgtal prend naissance | ; vgtation primitive qui se transformera en houilles, en

biturnes, en tourbires, comme les premiers animaux en terrains

coquilliers. Les volcans s'allument par la lutte des eaux et du feu intrieur. Les teruains nouveaux,les montagncs secondaires, sont forms par la mer, qui envahit et abandonne alternativement les parties diverses de la terre ferme, et qui dtermine la figure des continents par la direction de ses mouvements. La. sparation des deux grands continents, d'abord unis par le nord n la rupture de plusieurs isthmes, qui remet en communication avec l'Ocan de
1. Buffol fait naitre ainsi la vgtation aprs I'animalit, au lieu d'admettre pemire rgtation maritime correspondante aux premiers animauxuue

30

tES

PH ILOSOI'TI

IS.

lr?781

ou rncrs intrieures, achvcnt de donner la terreson aspect actuel. La vic, cependant, perfectionne ses formes : les quadrupdes et les aulres cratures terrestres sont ns prs des ples et descendent vers l'quateur, ainsi que les vgtaux, mesure que la terre se refroidit. Les proportions cle ces prerniersns de la terre sont gigantesques, forms qu'ils sont sous I'empirc d'unc puissance calorique encorc norme; mais Ja cration animale n'est point unique ni uniforme; Ia grande et primitive apparition des quadrupdes a eu lieu vers le nord de I'Asie, d'oir ils gagnent le reste de nolre hmisphre et le nord de I'Arnrique avant la sparation des continents; mais I'Anrrique mridionale demeurc ferme nos races animales; elle a sa cration part, plus rcente et plus faible t. Le grand et dernier uyre de Ia cration, I'HoMuE, apparait enfin, aprs les quadrupdes, sur les hautes terres du nord de I'Asie, ct ferme la gense de notre plante. Il n'y a qu'une scule race humaine, qui se rnodifie par les climats et les diverses conditions d'existence. Les premiers hommes, faibles et misrables, g'unissent, s'arment, s'emparent de l'lment du feu, se fixent
sur Ia terre par Ia culture. La premire socit humaine s'organise sur les hauts plateaux de I'Asie, entre les 40. et bb. degrs de latitude nord 2. Aux rvolutions de la Nature, aux guerres des lrnents succdent lcs rvolutions et les guerres du gcnre humain.

yastes golfes, lacs

Il a fallu si cents sicl,es

la Nature pour arriver un tat or-

surface du globe. 2' C'estprcisment ilans cette rgion qu'tait,la mystrieuse Arie, dont la philologie et l'ethnographie ont retrouv cle nos jours les traditions, et o, les aieux de notre race indo-europenne ont vcrr dans le voisinage des races smitique, chamitique etuongoliquc. - Buffon semble avoiremprunt cette donrre it I'Ilistoire de l'astronomie ancienna, de Bailli, publie en 1775 et anues suivantes. Bailii allait plus loin : il'aprs des conjectures ingnieuses dont la science a renvers les bases, il croyait entrevoir l les traces d,'une haute civilisation primitive, antrieure aux ges historiques. croit douc que I'Europe a t peuple par l'Asie, puis I'Amrique - Buffon septentrionale par le nord de I'Asie et de I'Europe; que les hommes ont franchi I'isthme de Ptrnama, dont les monta;pres avaient arrt les animaux, et se sont rpanilus de I dans I'Amrique utr.idionale.

l. ce grand fait, devin par Buffon, a t non-seulemeut confirm, mais ampli par les tlcouvertes moderues. L'Australie a aussi sa srie animale particulire, et lon retrouve quelque chose d'analogue dans I'ile do Madagascar, qui est peut-tre le reste d'un continent distinct de l'frique. Nous ne pouvon! mme indiquer ici tant d'autres belles lois rvleg par Bufon touchant, la distribution des tres sur la

tt??Bl

BUFroN. poQUES DE La

TURE.

3{

donn et paisible; combien en faudra-t-il pour que les hommes arriventau mtne point? Si le mottde tait cn paix, combien la puissance de I'homme ne poul'rait-elle pas influer sur celle de la Nature en s'y appliquant tout entire? Quelles modifications ne se sont pas dj opres par le dfrichement et le desschemcnt du sol, par la domestication des animaux, par la culture et la greffc des plantes, par le peuplement des terres vides ! Quels progrs m oraux ct physiques ne doit-on pas encore esprer dans I'espce humaine! Les terreurs superstitieuses qui la courbaient devant des phnornnes menaanls et inconnus se sont dissipes, tncsure qu'elle a vu le calme s'tablir dans la Nature et qu'elle a appris en comprendre lcs oprations. La crainte et le faux honneur ont d'abord dornin le gcnre humain; puis a rgn le plaisiraveugle et strite I I'homtne a reconnu en{in que sa vraie gloire est la sciencc, et la paix son vrai bonheur. Cette rnagnifique histoire de la Terre se termine'ainsi par un hymne la perfeclibilit hutnainc. Les errcurs qu'on peut signaler dans les poques d,o l,a Nalure tenaient l'tat trs-irnparfait de la scicnce r; les vrits sont
tsuffon. La puissance avec laquelle Buffon a rcssaisi, dans lcs tnbres des ges, la succession dcs cffets gnraux de la Nature, trstera sans donte son plus beau titre de gloirc. Il a voulu pntrer plus

avant et saisir ces causes, cel.te essence des choses, {ui, suivant lui-rnme, sout inaccessibles notre esprit. La grandeur est toujours la mme ici, mais non plus la clart. Lcs variations, les
La nature, suivant Iluffon, mourra par le froid avant quatre-vingt-treize mille ans. Il iguorait ce que la science a tabli depuis, que la chaleur propre de la terre, croissante mesure qu'on descend dans I'intrieur du globe, au moins jusqU' une prgfondeur inconnue, est presque nulle la surface, comparativement la chaleur solaire. Le refroidissemeut intrieur total n'amnerait donc rrullement une temprature polaire sur I'eusenrble de la surface terrestre. C'tait l\Iairan qui avait signal le premier la chaleur propre de la terre, en I'attribuant un feu central; mais il avirit cru tort cette chaleur actrrellement suprieure celle du soleil, et Buffon depuis le jour oir elle a s'tait gar sur ses pas. - Buffon suppose la terre, commenc de se refroidir, environ soixante-quirue mille ans d'existence. Les premiers tres organiss auraient commenc paraitre vers le milieu de cette priode. Ces chiffres, qui parurent normes I'imagination de ses lcteurs, disparaissent dans la profondeur presque incommensurable des teurps calculs depuis par I'ouriert
contme ncessaires ce mme lefroidissement.

l.

La plus grave de

ces erreurs est relative au refroidissement progressif du globe.

LBS PTIILOSOPIIES.

fl 753-t7781

contradictions o la force de I'irnagination emporte parfois cette


vaste intelligence, servent encore

du moins mettre

successive-

milieu de sa carrire scientifique, quelques annes aprs Ia publication de ses premiers volumes, et qui sont comme I'esprit
rJe

ment en vive lumire les faces diverses de tr'lsds aun rnille noms. on ne saurait ccrtes dire gue le gnie mtaphysique ait manqu Buffon; mris la mthode lui fait dfaut ; il n'observe pas toujours le prcepte de Descartes sur les ides claires et distinctes, ni le sien propre sur I'ordre et I'enchanement des penses. si I'on carte les voiles dont Buffon enveloppe ses conceptions, dsireux qu'il cst de ne pas suivre le parti philosophique dans sa lutte ouverte contre les croyances traclitionnelles r, si I'on veut savoir quelle est au fond la religion de ce prophte de la Nature, voici ce qu'on entrevoit : voici les ides, nous ne dirons pas auxquelles il s'tait arrt, mais parmi lesquelles il 1lottuit, vers le

l'Histoi,re des Ani,mawr.

La natnre est une puissance vive, immense, universelle, qui embrasse tout, qui anime tout. Elle ne cre ni n'anantit rien; elle change, dissout, renouvelle. Le temps, I'espace et la matire sont ses moyens. Elle agit sur la matire par des forces gnrales qui limitent et mesurent I'espace et le ternps. Les principales de ces forces sont I'attraction et I'impulsion, la seconde rductible dans la premire, et la chaleur. La matire est divise en molcules : les unes sont l'tat brut, soumises seulement I'attraction ct I'impulsion; les autres, pntres par la chaleur, se sont leves l'tat organique et vivant : le vivant et I'anirn est une proprit physique de la matire, et non un degr mtaphysique des tres. Les corps bruts sont de simples agrgats : pour les corps organiss, il n'en est pas de mrne; ici intervient un nouveau Principe; c'est hien I'action de la chaleur qui dtermine les molcules organiques se grouper en se combinant avec cles parties brutes qu'elles entrainent; mais la forme de ces groupe1. Attaqu vivement parle joirrnal jansniste lNouoelles
ecclsiastiqueay

rl fut cengur par la Sorbonne en I?54, aprs la publication du 4e volume de I'IIisl. !{aturelle. II protesta .de sa soumission I'EgIise, et fit la Scrbonne toutes les sltisfactions qu'elle voulut; par compensation, il souleva le voile un peu plus qu'il rr'avait fait encore. dans les volumes suivurts, ouse ttouvent les fue,r sur la Nuture,

ds 17b0,

SUR LA r'\rUI'UtiB' tl?b3-t??81 BUFFON' VUES

33

tnents'ladiversitdestres,estdtermineparuneautretause' prclesibrcesspciates,des-mowlesintrieaws,danslesquels par la gnraforme ccessivement et indfiniment,

pre'nerrt espce '' L:t indiviclus apparents tion, Ies indivitlus d'une mrne les ils ne sont rien dans I'univers; ne sont que des pJno*rnes : aussi perptuels., de la Nature, tres espces sont les'.*oru tres chaque espce'ne fait qulune qu'elle; anciens , aussi p,,tuotnts unit.danslaNature,quirnconnoitl**nombresclanslesindivi. ,o*** des ornbres fugitives dont I'espce
dus et ne les
est

ooit

le corPs

2.

0nvoitcombiensesconccptionsavaicntchangdelruisle la tt'y u ni genres ni esltces dans tentps o il protfu"tuit qu'il nie encore desinctividus. llai'tenant, il l{ature, quil il strbstitue mais "';;;;, tlans la grantle, les genres, Ics i,*rr* familles transition avait pass piltl-une ies espcm uo* indivitlus' Il rel l'tre ; c,cs[ que I'indivitlu est laquclle il etrt J u'urroter; concept forlcl un ncessaire, que i,esper, .r une abstraction

3; mais on peut tenrlre ceci des cspccs dans la nature J.s .Lo*.s aux genres; il Y devait revenir.' momen-

une association Si I'individuu"leut qu'un phaomne' par Le ntoule inlrieu,r, qui esr tune de molcol.u, et*rioirre qtte de I'espce, il est super{lu d'tablir ,:r11r}10 l,me colteciive cle point pirri rl'rne ou,l'u,rit, pr consqucnt,

r.i*clividu *,o spontanit,pointii'activitpropre.L'anintal,tlitBuffon'cotlltl}c

Descarles,esltoulnrcanitlue;rnaisBuffontr'entenclparlqttc dterrninfatalementdcnstoussesactcs,etnotrp.i".'.i"11.,]:li]iTlIaccorcleauconlrairel'arrirnal,dunoinsauxanitrrurstl[),Jcle l'hotlttrre. Des


tous les serrtirrrents t.ierrrs, toutes les passions, sans intlivichralit! dira-t-on? scntinrents, sans sujet r.nto,.i,
r" phitosophie aucienue et' scolastiquln ,rouuu q.e, si les ou forrues t"t't'""iitrit' au d'ernires consquence 2. En pouss""; t:;; fs"cipes - leurs

1'Lestnou|esintrieursdcBuffonnesontautrechosequelesforcespla.tiques

individusnesorrtqoud,,phrrontrres,lesespcesnesontque,lesforntes'rles si toutefois les molcules

tres queiles le sott'1; forces inforrnr,rla*1 les seuls ".urr'.i"ii"s-iiotccutes, (*t ro--etaphysique dmontre ne sont p^, iuaetnirent clivisible* u'i'erselle' la Nrture' ,obtto,t** i, nerit"r,,r, tre seul datts arrquel cas iI n,yiir",, sur lo Nt:lure, intelcles

I'I/rbt. des Anitrtaur'


3. [isr.
:IT

Notre rsum est tir, principateme';;;--rr"


rmtutelle, ' I\r,

;J;;

ch' tlc l''{na i l7i3'

I.

34

LtiS pilllosoptlEs"

t1753-t7?Sl

mais c'est l I'objection gnt1i"ale tout systme matrialiste, qu'il s'agissc de I'honrrne ou des anirnaur. Ayant de nier les individus, Buffon avait commenc par repousser I'hypothse de la prcxistencc des germes, conue par swamnrerdam et nfalebranche, modife par l.,eibniz, et soutenue par dcux conternporains rninents, Charles Bonnet et Haller. Il avait prtendu y substittrer iln systme ingnieux et complexc rle la gnration, otr les gnrations spontanes, tant railles par Voltairc avcc les montagnes de coquilles et I'hommc-poissonr, jouent un rlc trs-considrable. Pour lui, les tres infrieurs, anirnaux ou vgtaux, spcialenrcnt lous les animalcules, naissent par I'assernl;lage spontan cles molcules organiques, tandis que Ies trcs plus dvelopps, plns perfectionns, se reproduisent par une succcssion constante de gnrations. Si tous les tres organiss venaient disparatrc,lcs molcules organiqucs les remplaceraient bientt par I'apparition de nouvelles espces. A travers un mlange de vues profondes, de donnes chimriques, ou appuyes sur des observations insuffisantes, de rves ri semblent emprunts aux crdules imaginations du xvr. sicle ou de I'antiquit, on peut signaler Ia transition vcrs la thorie qu'on nomrne aujourd'hui dc l'pignse, et qui substitue la prexistence du genne, rle I'unit physique se dveloppant excentriquernent, la fomration concenlrique des parties vers un ceutre invisible 2. Buffon, malgr quelques yariations, est d'Accord avec Hippocrate et Galien, sur l'gal concours dcs deux sexes la

reproduction. Buffon n'aurait-il donc pas d'autre Dieu que la Naturc?

Ses

invocations splendicles au Crateur, mles de rntaphores bibliques, ne seraient-elles que des prcautions oratoires?... Il sernble qne le fond de sa pense recle le panthisme naturaliste otr physique, point de vue oppos au panthismc mathrnatique et spiritualiste de Spinoza; I'un, s'tant absorb dans la contemplase rappelle les plaisanteries de Voltaire sur les angnilles de Neeclham. Cette belle thorie, bauche par Harvey, reprise u xyrrlo sicle par Needham et \Yolf, n'a pntr tlfinitivement dans la seience franaise et ne s'y est dgage des obscurits et des hypothses tle son origine, porrr entrer dans sa priorle positive, qu' une poque qui dpasse Ies limites de notre livre. Y. le lurnirreux traitd d'Organognic, ile II. Serres, pubii dans l'ncyclopdde Nouvell,e,

1. On

2.

doifir, sont l en principe.

sans conscience d,ellcmute et ne prenant cettc conscience rflchie rlue clans l,1o'r're c'est parce quc Ie Dieu pcrsonncr et

Rhi., d'o elles revicnnent parmi nous. Le Dieu-l{atu'e, re crerateur itlentiliti avec la cration, la force divine libre,

ces ides prenttcnt un essor imrnense, mais cl'abord ourre

Hegel, corilrne toutes les coles tcndances analogues en France, doivent so'tir de spinoza com]rin ayec Buffon. spinoza n,avait Iaiss d'hriticrs gue quergues penseurs solitaires. Aprs Buffon,

\,I't'LliLtsiuti I)E BUl,'l.oN. 35 tion de l'tre en sol, de |unit; r'autre, ne consitrrant que r,tre manifest da's le rnurtipre; l'un, s'enfernrant crans |iclal, d.'s le rer. Tout le panthisme allemancr, Gothe, r,urre,
07s3- I 77s j

schelring,

jugd;

c'est ailleurs, dans un sujct beaucoup plus crairr Qre Buffon nranifeste u' spi'i. tualisure parihiternent clcitl. c'est dans le discours sur /a rtcrttrre tle l,'h,omme- Il est ici prus que carrsien. Ir dclare que l,cxiste'ce de i'rnc est certaine, que nous ne faisons qu'rn, certe cxisfence et nous ; qu'au contraire, r'cxistence de notre ,or:1.,* ct cles aulr.es oi;jets ertrieurs cst clouteuse pour quiconrlue raiion'c sa's pr-

ciens existant dans re r'o'tre inteiligifle, crans ra trc 0ieu, s'ils sont da's la Naturer-irs y sont on ne sait fensce , on ,e sait co.,rrent, inJpenda''ne'[ de toute tencrue. nlais

qui est tr.angre au matrialis're : celui_ci n'ad'rct que des incrivitrus physiques, les atoures, ayart en eu* toutes les proprits; Ies nzowres intrrieurs, au contraire , son[ des t.cs rntapliysiques; si cc ne sont pas cles arcrrtypes pratoni_

[t pourtant, ce naturarisme n'cst point le matrialisme. Deux p'i'cipes contratlictoires luttent crrei nuffon, sans pouvoir troul'er leur quilibre. Ce n'est pas seuiement son obscure
des moules i,ntrteurs
[hr-1o'ie

est al.isente.

et qui est aiur, man{Jue cet univers, cause et effet rout enseruble, qu'oll sent parfois, travers la resplenclissante Nature de Buffo', passcr un souffle gracial, colnnre Ie sourlle tle cc froid pu, l.quri uotre globe doit moulir. L'amoul n'est point l : l'me des c'oses

re Dicu

qui airne

il

tablit, a'ec la logique la plus serre, qu,il est inrpossilile


hunrain et de iui-urme,

1' r"homme individuer, dit B.ffon, par l'histoire, par Ia science, prencl co''ais-

;iiiJli:,iirue

et tlevieui iu gonru

lrurnain er l,u*ive's,

36

LBS PH ILOSOPTJBS.

It 75,]- r ?781

de druontrer I'existencc de la rnatir'e. I\ous sigualions tout I'heure lu transition de Spinoza Gothe et Hegel : nous trouvons uraintenant la transition du scepticisme de Berheley I'idalisme transcendental de n'ichte. 0n ne peut plus douter ici de la sincrit de Buffon, comlne dans ses hyntnes atr Dieu de llose. Il ne s'agit plus de figures potiques : il n'y a rien dans toute son uvre de plus fortement raisonn que ce qui regarde l'unit, la pelsonnalit de l'me humaine; il y a l de ces argulnents auxquels personne ne peut rpondre. [Jn illustre historienr a remarrlu, ayec tonnement, que Buffon sernble beaucoup plus persuad de I'jmmortalit de l'me que de I'existence de Dietr. Buffon, err effet, ici comrne en bien tl'autres choses, est au pr)le
oppos de Voltaire. La logique du sens commun ne s'est point arrte

ces ano-

malies du gnie philosophique : I'atlt,tsm,e2 et le mal.r'ialisrne sont rests unis pour Ia foule, quoiqu'il soit moins I'al'e de rencontrer en France des gens qui croient en Dieu et douteut de l'rnc, que des gens qui croient I'iime et ne croient pas la
personnaiit de Dieu.

Il est singulier que ce soit le philosophe de la Nature qui ait pr'tendu maintenir entt'e fhornrne et I'animal urte diffrence ahsolue que les mtaphysiciens tendaient supprimer dcpuis Leihniz. t'es[ que le spiritualisme de l]uffon est uu cartsianisrne exagr, pris dans la lettre plus que dans I'esprit et rejoignant de nouyeau le spinozisrne par ce ct-ci, savoir : que la raison, entcndue dans le sens troit du mot, est I'rne ou I'esprit rnme, I'unit rntaphysique attribue fhomme seul. Tout ce qui n'est pas la raison, tout ce qui est cotnmun I'horntne ct I'animal, est rnatriel. Scnsation ou sentirnent est pour lui une seule et nrne chose. L'rnc y derneure trangr'e. Les sensations ou sentirnents rt'aboutissent qn' un certain sens i,tttirrieu,r mat,riel,, commun I'hornme et I'anintal, et qui est chez Bufl'on unrl rminiscence obscurcie de la seconde me, de L'd,me setnitiue des anciens
l.
i\'I. Yillemain.

2. Nous employorrs regret ce terrue clans ltacception vulgaire; car le naturalisme prte au mot Nalure lln sens mystirlue beaucoup rnieux rendu par le terme de parrthisme que par celui d'athisme.

[I753.I778I

ilITAPIIYSIQUE J]B

BUFFON.

37

Il senrble parler cle peunl-s dchus, quancl il nrontre les races srqrrieurcs essayanr de s'crganiser., uou, un, lucur
I'hornrne.

plaint leurs tribus asservics ct clgnrant sous la tyrannic

la rneilleure rnoiti de l'nrc hur,aine, une intclligence sans affec_ tion 3. Il y a cependant encore ici, heureusement pour l,Histore nat*_ relle, des contradictions entre Ie thoricien et lioJrservateur peintre et pote. Aprs a'oir ni r'amour chez I'horrrrrrr, il le rr'tl'ouve et I'adrnirc chez certains 'roral anirnaux, surtout chez les oiseaux, dont il dpeint, avec tant de grce et rnrne cl,urotion, Ies attachements durables et les rnurs de farnille. Dans ses des_ criptions des aninraux, il oublie souvent les s,,,srmcs pour se laisser aller I'inspiratiorr nalvc des chcses. Ir s'i'tresse scs Irros, tous ces habitants cle la terre et cle I'air qu'il suit, a'ec les ycux dc I'esprit, au foncl de leurs riscrr.s et de lcurs forts.

des e.re.rs du se,s i,Lrieu,r mutricl.Notre 're nous a t donne pour connatre et non pour sentir. Le sage se suffit lui-r'rne. < Pourguoi I'amour fait-il l'tat heureux de tous les tres, et le rnalhcur de I'honrrne?-c'est qu'il n'y a que le physique de cette passion qui soit bon; c'est que Ie rnoral n'en vaut rie'. u Il'e voit dans le moral de I'arnour que la vanit. < [n voulant se forccr sur le sentiment,l'homme ne fait qu'abuse'cle son tre, et creuser dans son cur u' vide que rien n'est calrabre cle remprir s. L'homnre normal de Buffon serait ainsi I'homme dpouill de
D

et des scolastiques. conclillac, moins lev, moins sublirne, mais plus exact, plus logicien, plus rigoureux dfinir ses termes, le rfute parfaitement Jrien trans son remargrable Tratt des attin1eufr, et y montre clairernent que la sensation est dans l'me aussi bien que la pense; que, pour sentir, il faut avoir une rne, unc unit, et quc les animaux en ont uner. I-,a rntaphysique de Buffon a d'tranges consquences morales. _ Il condamne les passions du cur et de I'imagination, cornrne

Il

cle

cl,in-

ton urre lrassion.

Par compensation, Buffon tabrit trs-bien, contre corrdillac et Helvtius, que la supriorit de l'homrue sur les animaux n'est pas l'effet d,un peu prrrs de perfection dans les organes. 2, I)tsrour.* $ur ls polurt des animaur. 3' Jl fait grce tr.lutefois I'amiti, parce qu'elle est u1 attactreurerrt de raison
et

l.

38

LDS PIII LOSOI'IIES.

Ir 753-1 778]

tclligence, une sorte de choix, dc conr:elt ct de vues comrnnnes, puis disperses par la tcrreur de I'homrnc et climinuant de fact"tlts eI d,etenfs. s Ce qu'ils sont devenus, ce qu'ils deviendront encore, n'indique pcut-tre pas asscz ce qu'ils ont t, ce qu'ils pourraicnt tre cncorc. Qui sait, si I'espce hurnaine tait anantie, auquel d'entre eux pprtiendrait le sceptre de la terre! > Il leur accordc ainsi la perfcctillilit, et son irnagination I'cmportc jusqu' en faire dcs tres nroraux, des espces bonnes et gnreuses, d'aulres cruelles et perfides, quasi des espces vertueuses ou criminclles : il leur prte des sentiments ct une conduite en rapport avec le rang et le caractre que leur assignait le symbolisrne'antique,
d'aprs les conyenances cxtrieures.
C'est l prcismcnt ce qui fait el'I|istore natwrclle un livre unique, dont lcs dfauts rnmes, au point de vne cle la scicnce, sont dcs beauts incornparaltlcs au point dc vue littraire. Toutes les formes de Ia louange ont t puises sur scs tablcaux, de-

meurs comrne les typcs rnr1res de l'loqucnce. Une autre inconsquence, chez Buffon, a des rsultats plus hcureux cncore. Le gnie tcnd naturellernent la vrit, comme la plante au jour et I'air lible. Dtourn, ploy, il fait toujours un effort instinctif pour se rcdresscr c[ rcjoindre la lunrirc. Buffon tait arriv substitucr I'aveugle Naturc la Providcnce, et nicr, pour tous les tres, I'hornme except, I'unit animique, I'inclividualit rcllc; et cependant, il en vient, par la rnarchc synthtique d'un esprit qui gnralise et sirnplifie tont ce qu'il touche, I'ide la plus religieuse qtri puisse prsider aux scicnccs naturclles, cettc ide de I'unit dc type et cle composition organique, qui montre si clairement dans I'univers I'irnman I rce d'u ne intelli gence sn prm e ; loi si leve qne I'on conoit peine comrnent elle a t acccssible I'hornrne, et si sirnple et si claire rlue I'on conoit encore rnoins qu'elle n'ait pas t accepte univcrscllement aussitt qrr'apcr'ue; loi fondarnentale du monde physique, qni renfernte en elle une autre loi plus sublirne encore, transition du nronde matriel au mondc rnoral, la loi du progrs. Aristote, Newton, et dc nroins vastes grrics, I'avaicnt entrevuc'. Buffon la saisit ct I'enrbrasse

l.

Un esprit hardi et chercheur, 1\{aupertuis, venait, dans une disscltation latino

ltzss-tzzsl

UN

ITD DB

T Y PE.

39

d'nn large coup d'il; il la rduire I'tat de sciencer. L'essentiel

tait rserv un de ses successeurs cle


de la

tholie, I'analogie

ou corrcspondance des ot'gancs clans les aniuraux lcs plus divers, est trs-clairement nonce, ds 1753, dans utr tles prernicrs chapitrcs

de I'I/isloire des Quad,rupdes (art. Ane); aprs des considrations puissarnment rnotives, Buffon conclut, qu'en crant les aniutaux, <'l'Etre-Suprme semble n'avoir voulu employer qu'une ide, et la varier cn mme temps de toutes les manircs possiblcs. > II est,

peu plus tard 2, utr plan toujours Ie tnure, toujours suivi, de I'homrne au singe, du singc aux quadrupdes, dcs quatlrupdcs aux ctacs, aux oiseattx, aux poissons, aux rcptiles. Ce plan est un exeurplaire lidle de la nature vivante... et, lorsqu'on veut l'tendrc ct passcr de ce qui vit ce qui vgte, on voit que ce plan se dfonne par degrs des reptiles aux insectcs, des insectes aux vers, des vcrs aux zoophytes, des zoophytes aux plantes, et, quoique altr dans toutes scs partics cxttit'ieures, conserve nanrnoins Ie rnrne fond, lc mrne caractrc, dont les traits principaux sont la nutrition, le dveloppcnrent ct la rcproduction, traits gnraux et cornrnuns toute substance orgauise,

dit-il un

traits ternels et divins... r


Cornmcnt courprendre qu'il ait eu un pied sur ccs sourutcts lumineux et I'autle dans les bmmes obscures du rnatrialisnrc ! Au reste, Buffon, toute sa vie, fut corubattu entre des itles opposes : sa tte sernble un chaos sublirne, sillonn de ruille clairs et plcin dcs gerrnes des tnondes futurs. A ct dc la grande

il pose une autt'e conception, dduite, s'y laisse rattaclter en rigoureuserllcnt sans tre eui, volontiers s, tnais qui est absolutnent inconciliable avec le rle fondarnental que Bufon attribuait, vers le urtne temps, aux espccs, aux moules intriewrs. i,a nature des anituaux, dit-il, peut se varier et mure se changer absolurnent avec le ternps et soris
pense de I'unit du type physique,
imprime en Allemagne soun un pseuclonyme, de matrialiser cette itle, en avanant que toutes les espces animales sortaielt d'un premier animal, prototype de tous les autres. Ily soutieut aussi que toutes les rnolcules sont scusibles et intelligentes. Y.Eu,:ret de l)iclerot, Paris, l82l; t. II, p. 149-197-

l. iltienue Geoffroy-Saint-Ililaire.
2. En l75ti ; Hist,. des Singes. 3. On peut adruetre I'unit de type
sans atlutettre

la mutabilit des

espces.

IL{l

LES P[IfLOSOIJTIBS.

[,r

?53. | 7781

I'influence du climat. Les espces se dilnaturcnt, c'est--dire se perfcctionnent ou se dgradent. L'espce, ce point de vue, n'est plus une ralit positive et mystique la fois, nais seulement le premier degr de la srie des classifications : pour que cette opinion ne rduise pas la Nature n'tre qu'une illusion univcrselle, qu'une succession d'apparences travers lesquelles Se joue la sttbstance unique, il faut qu'elle soit jointe une fcrme croyalrce dans I'individualit des trcs persistant sous les variations des formcs. Il n'cst pas facile de s'atrachcr ce gnie qtti exerce une fascination pareille celle de la Nature ellc-rnme. Terminons en rappelant que Buffon prvit, appela, prpara tous les progrs ultricurs de la gologie et des autres sciences naturelles, et particulirement cette mystrieuse palontologic par laquelle Cuvier dcvait nous rvler toute une cration cnsevelie dans les entrailles de la terre. 0n peut dire que Buffon contenait en lui les grands naturalistes destins illustrcr Ia science du xtxu sicle par leur rivalit ntme : ceux qui I'ont t'eni, aussi bien que ceux qui I'ont avorr pour leur matre, procdaient de lui, comme tous les mtaphysiciens moclernes ont procd de Descartes. Si son il s'est troubl sur les hauteurs vertigineuses de la mtaphysique, il a vu clair dans I'imnrensit du monde extrieut', ct le ternple qu'il a lev la Nature restera jamais I'ohjet de I'adrniration des hommes, bien qu'un nuage cn voile le sanctuairer. Les thories de Buffon n'eurent pas immdiaternent une grande expansion directe : la plupart des savants spciaux, qu'il avait blesss par son injuste ddain pour les classifcations cle Linn, repoussrcnt son autorit; le public I'adnrira ltlus qu'il ne le cornprit; mais I'enthousisrne de la Nature ragit d'une tnanire gnralc sur la philosophie militante. Le natttralistne, derni voil par la prudence de Buffon et cornbattu chez lui par un reste dc mtaphysique cat'tsicltne, clata cltez un atrtre crivain d'un caractre bien diftrent, aussi imptucux, aussi dbord, aussi I.
Snr

lluffon,Y. sorloge,parYicq-d'zyr;-id., parOondorcet;-Etienne Geof-

froy-Sairrt-Hilafte, Iittcgclopddie nouuelle, art. BumoX; - Cuvier, Biogruphie umiaerYillemain, Tableau d,e la littdrature l-louren s, Vie de Buffon I selle, at1.l3urrroN I Ilrault de Sohelles, [/r're fltrrroise nu *tt,t" srcle, t. Ier, tte partie, p. 351.
uisite d ilontbard

;-

I\Iadarne l{eclrer', Mintoires.

lr7r3-17451

DlDEROT.

ltl,

relnpli d'abanclon et d'audace, quc Buffon tait solennel et rserv; crivain, tl'ailleurs, inspir par sa propre spontanit plus que par I'exelnple ou influence dc qui clue ce ffit. Denis Diderot, n en t]t3 d'uncoutelier de Langres, lev chez les jsuites, colnllle Voltaire, et destin d'abortl l'tat ccclsiastique, puis clerc de procureur Pttl'is, tmoigna de bonne heure un gofit trs-vif poul' les langues ancienlles ct modernes' pour les mathrnatiques, pour toutes lcs connaissances accessiblcs I'esprit humain, en mme ternps qu'trne insut'tnontable I'pugnance

s'enfertner dans un cadre spcial qtlelconquc. Abandonn de son pre cause de son refus de prendre un tat, il vcut longtemps cl'expdients, prouvant contre rnille petites misres le procligieux ressort de son indpendante natul'e, supportant l
pauvret tantt aYec une insouciante gaiet, tantt avec des amer-

tuincs vite oublies, ct prfrant la


avec ule fille

libre fantaisie tout'

Sorl

aussi pauvre que lui, honnte crilture' mal'iage rnais trop infrieure lui par I'intclligcllte et d'une humeur diflicile, atnena Sa rconciliatiol aYec sa f'amille, lnais ne fixa pas longternps la rnobilit de scs passions.Il avait collllnenc d'crire. A la sollicitation d'une metresse avide et besogncuse ' il lit llour un libraire une irnitation plutt tlu'une traduction de l'-dssoi sur
Ia L\ri,te etla Yertu, de Shaftesl]ury, I'atlti de Loclie (1745)' singu' licr rlltut cl'une carrife rernplie de contrastes. Les principcs de

Shaftesbury, auxqu.tls Diderot seruble alors adhrer, Sollt cctlx du wai thi:isnie, coultlte il I'appelle, c'est--dire non pas du disulc rnatr'ialiste et inconsquent dc Bolingblolie et de Yoltairc, rnais rlu disrne spiritualiste et platonicien, tel qu'il va liicntt t'e1taraitre glorieusernent en France; Shafteslrury est un prcurseut'
de Rousscau. ( Point de vertu, dit-it, satls croire en Dieu; point de bouheul'SanS yertur. > Diderot n'a pas beatlcoup d'accctrt dans ce livle; ce n'es[ pas l ie cripassionn clu cur, ui I'expt'ession

d'unc profonde rntlitation de I'itrtelligence. Un sccond ouyrage, oliginal cetttr fois, dict par lcs mrnes nl. Shaftesbury, cornme Nelton, avait presseuti les consquences du systme de Loshe et fait de graves rservesl il etrt avou, s'il et veu, l'clatante protestation de Clarl<e contrc le sensualisme. Y. le Cours cl'Mstoire ile la lthilo.,ophie noderne, de M. Cousiu, lre srier t. IV; cole cossai:te, lntroiluction. -Y. I]ssad su,r le trIrilerctc., daus Ie t. l''t des )Ewres cle Didelot I Paris, Brire. IB3l.

*l

LBS PIITTOSOPIIBS.

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cessits pcuniaires, parat lrientt sons I'arronyme : ce sont les Pe'nses pltilasaph,iples (1747), anintes de cette vigueur de ton, de ce chaud coloris qui sera le caractre distinctif de I'auteur. II y a. encore du disme dans les Pens,es. C'cst l que se trouve ce mot tant cit : Etargissez Diew; < nrontrez-le I'enfant, non dans le temple, mais partout et toujours! > Cependant, au fond, le scepticisme dornine. Le sens spiritucl,le sens de I'abstrait et de I'invisilile, uranque alrsolument I'autcur, quoiqu il soit mathniaticien; le sens de la nature extrieure, du visible et de I'imaginable, est trs-puissant chez lui; on sent partout frmir, chez Didcrot, la chair et le sang, comme, chcz Voltaire, Ies nerfs et les esprits les plus subtils. La philosophie de la ,raison pure tant incompatible avcc ses tendances natives, il efit pu s'arrter celle clu sentiment, comrne faisait en ce rnornent, sous Hutcheson, la naissante cole cossaise, et comme allait faire en l'rance un plus clatant gnie; rnais la fougue de la chair et du sergr I'esplit de clisptrte et dc paradoxc, la fausse mthode qui veut soumettrc les choses de l'mc soit aux drnonstr"ations de Ia gourtrie, soit I'oJ-rselvation exprimcntale des scienccs physiqucs, enfin, cette espce de vanit qui pousse instinctivement certains esprits vouloir toujours dpasser cn hardiesse les plus hardis, lui firent mconnatre non pas le principe du sentiment, mais ses consquences et ce qu'on peut nomlner sa rnthode, et I'entranrent
clans tous les cxcs d'idcs. IJc vastes projcts bouillonnaicnt dans sa tte : pcndant qu'il en prparait I'cxcution, deux remarquables crits lui furent suggrs par lcs expriences que le gnie philanthropique et scientifiquc du temps essayait alors pour rendre au corrllrerce de leurs sernblables des malheureux que Ia nature tnet, en quelque sortc, lrorsrlel'hunanit. Ce sont la Lettre swr l,es Aueugles (1748) ct la Leil,re sur les Sowrds et, IIucts (t751); la prernire, I'occasion des oprations que Raumur et autres faisaient avec succs pour I'cnlvemcnt de la cataracte; la seconde, propos des travaux de Pcrcira, le pr'curseur de I'illustre abb de l'pe, qui avait pr'sent I'Acadmie des sciences , en 1748, des sourds ct ruucts

instruits par ses soins. La Lell,re swr les Aueugles renfcrme utte
foulc cl'observations

ct

de considrations aussi savantes qu'ing-

tt? 48-r?5ll

DIDB ROT.

l*3

il s'y mle des vises malsaincs ct Pul'ement ngatives. Diderot y fait attaquer, par Saundcrson, savant aYeugle '
nieuses; mais

Inort rcemtnent en ngleterre,

les preuves de la Providence fon-

des sur I'orclre du monde. Il lui fait mettre en avant un prtelldu chaos d'o la Nature se serait leve peu peu un ordre irnpar-

fait, force de cornbinaisons cliverses, conlnre si la Nature tait un tre dou de rflexion, un clrniurge d'intelligcnce borne qui
apprt rnieux faire force cl'coles. La conclusion en favcur clu Dicu tle 0larke et de Newton ne setnltle gure qu'une prcaution oratoire. Cette Lettre, dont I'anonyrne avait t pntr par la police, valut Diderot trois tnois d'emprisonnetnetlt Vincennes; captivit clbre dns les annalcs de Ia philosophie, ct sur laquclle nous aurons revenir. L'chappe irrligieuse de Saunclcrson avait t le prtexte, et la vraie cause, une plaisanterie qui alait
piquti une maitresse du cotnte d'Argcnson. La Lettre swr les Sowrcls et llttels offre deS vucs intressantes sur I'orclre dans lequel les ides apparaisscnt au sourd-fnuet, et que Diclcrot appelle ordre naturel ou de la langwe animale; il cst probable que I'abb de I'pe cn a prolitr. Ces crits, mls de travaux de ntathrnatiques, n'avaient 1 que cles pisocles pour Diderot, alors attach une colossale cntrcprisc qui devait rcster sa principale gloire. Des libmiresn

en 1748,

avaient propos de traduire l'Enc11clo1tdie anglaise de Chanrbers, colnpile, en rna.ieure partie, Sur des livres franais. Une glancle pense illumina le ccrveau, chauffale cur de Diderot. IJlus tI'une tentative avait eu lieu, ds le xvru siclc, et rtttne ds le rnoyen ge, pour runir dans un mtne cadre lc tablcau gnral cles connaissances ltumaines; mais lcs scicnccs taicnt alors trop pauvres ile fhits et trop dnucs de rnthorle, pour que ccs prcutires encyclopdics fussent autle chose que des ctubryons inlbrrnes. Les immenses progrs accotnplis depuis cent cinquante

Iui

1. Cette Lettre c<tntient, aussi une apprciation trs-fralipante de la langue franmoins la portsie et rise, . plus propre, dit-il, aux sciences ct la philosophie, iloqo*n.", que le grec, le latin, l'italien ou I'arrglais. O'est la langue tle I'esprit et d1 bo1 seusl les autres sont les langues de I'imagination et des passions. Notre langue sert celle cle la vrit, si janrais elle revient sur la terre. " Y. UEuvres de Ditlerot, t. il; 1831. ll y aurait une rserve faire quant l'loquence.

&L

LES PIIILOSOPTI85.

[ ?50]

juger Didelot que le monrcnt tait venu de rassem. bler, de consacrer les fruits de ces progrs et de mettre le dpt du savoir de I'homrne I'abri des rvolutions, pour I'assurer la postrit, ,tre qui ne meurt pas. L'imparfaite publicaticn cle charnbers ne pouvait scrvir que cle point de dpart. Ditlerot s'asans fircnt

socic d'alernbert, I'lronrrne le plus apte, par sa science et par son csprit ordonn et persvrant, partager la direction de ce prodigieux ouvrage. Tous deux rclament le concours des crivains d'lite en tout genre et russissent former Ia plus imposante
association littraire lalque, destine faire, pour I'ensemble des connaissances humaines ct dans I'esprit des ternps nouycaux, ce

qu'ont fait, pour la thologie ct l'rudition, les congrg.ations savantes du catholicisme. Tous les grancls noms du xvlr" sicle sont l. te n'est rien moins que le rnonument universcl cle I'esprit hunrain, la Bible de la perfectibilit, que I'on rve. Le prospectus del'Encyctopctie est lanc par Diclerol en novembre 1750. Le scntirnent del'utile, desapplications et dcs anrliorations positives, cst ce qui domine dans ce lnor.ceur d'une

large facture. Diderot

lo

l'Encyclopidie proprelnent

y tablit que l'uvre a un doublc objet : dite, c'est--clire I'arbre gnalo-

gique, I'ordre ct I'enchanement des connaissances huuraines; 2" le dictionnaire raisonn dcs scicnces, des arts et cles mtiers; ce second objet est I'cssenticl et I'autre n'err est que I'intr.ocluction. L'ordre crrcyclopdique est arbitrair.e, ses yeux : il lc trajte commc Buffon traitc les classillcations; la nature est une, a ilit Buffon ; la science cst une, ajoute Diderot avec Conilillac. Cela cst

vrai; mais, dans I'unit de la scicnce comme dans celle cle la Nature, il y a tles divisions fondarnentales tenant I'cssence des choscs; la vrit, pour saisir ces diversits essentiellcs dans I'unit, il faut une autre rutaphysiqne que celle de Loclie ou de condillac. Diderot, pour le systmc qu'il a adopt, cornure le meilleur relativt'ment, s'en rfre Bacon, << cc gnie extraorclinairc, qui, jctant le plan d'un dictionnajre uni'ersel des sciences et dcs arts, dans un ternps o il n'y avait, pour ainsi dire ni , sciences, ni arts... dans l'inrpossibilit de faire I'histoire de ce qu'ou srvait, faisait celle de ce qu'il frrllait apprenclre. r C'est le plus bel loge et le plus mrit qu'on ait fait de Bacon.

u750-t?5ll

Dt

DEITO'|

ENCYCTOPE

DIB.

45

La matire du dictionnaire encyclopdique peut se rduire trois chefs : les sciences, les arts libraux, les arts rncaniclues. Diderot expose noblement les vues d'utilit pratique qui ont port les autcurs rattacher aux principes dcs sciences et des arts libraux I'histoire de leur origine et de leurs progrs. L, les matriaux, du rnoins, abondaient, sauf quelques exceptions; mais les arts nrcaniques, jusque-l enferms dans Ie secret de leurs obscurs atdliers, avec les hommes qui les cultivaient, taient comlne un rnonde inconnu dcouvrir. Iliderot y dployait une activit, une varit, une souplesse de facults, vraiment incornparables. Il pntrait dans toutes les fabriques : il appretrait, il c.xerait qtiasi tous les mtiers pour pouvoir les dcrire. Ii rtlsuute, en deux pages de son prlspectus, dcs lravaux d'Hercule : lui, trolr souvent cxagr, emphalique, il est simple, ici. par(:e qu'i[ est vraiurcnt grand. Il sent bien lir haute rnoralit d'ttne uvt'e qui est la r'habilitation du travaiI tnanucl, du travail qu'on appelait autrefois serui,Ie; il se fait I'historien, auhrnt qu'on pettt l'tre. cle cettc longue suite de gnrations sacrifies qui n'avaicnt janrais eu il'histoire et auxquelles la civilisation tloit son bien-tre, et I'intelligence ses intlispensables instrtunrrtrts : il lve utl ltlontlllcnt aux classes ouvrires ( par I'expos de Ia sr:iqnce tles ru{iers, legs adrnirable cles gnies anonyrlles de ces classes humiliires r. r Par un instinct prophtique, Diderot se dvotte la glorification de I'industric, au tnoment oir elle ya entret' dans cette

carrire de prodiges jusqu'ici plns clalants encore, peut-tt'e, que profitables au bonheur rel de I'hutuanit, rnais qui fourrrirontaugenre hurnain de puissants instrurnents debonheur, quantl il saura remettre le progrs tnoral au niveau du progrs mat-

riel 2.
Les deux prenriers volutnes d.e I'Encyclopt,die suivirent de prs \e Prospectus de Diderot. Le Discou,rs prIintmuire de tl'Alembert,
1. J. Reynavl,
EncycloTtilie nouaelle, a,. Encyclopedie.

les divers systmes eucyclopdiques proposs depuis Bacon jusqu'ir, celui dont il prsente son tour I'esquisse.

1\{. Reynaud rsunrc

Z. De 1?65 date la premire des grandes inventions pnr lestluelles I'Iicossais Jamcs 1Yatt, perfectionnant, les dcouvertes et les machirres de Salorntln de Caux, de Papiu, de Nc'rveomen, appliqua la vapeur I'irrdustrie et cupla la puissartce mattufacturir'e tlc I'Angleterre, d'abor,l, puis tle tr-rus les peLrples civiliss.

LBS I'il ILOSOPIIES.

il

?511

qui sert dc pristyle ce vaste difice, fut reu avec un grantl applaudissernent. Il dbute, cela va sans dire, par rsoudre, dans le sens de Loche et de Condillac, le problme de I'or.igine de nos connaissances; ccpenclant, sa mtaphySique est bien rneilleure qu'on nc devrait s'y attendre. Il tablit qu'une espce d'instinct, plus sr que la raison rnure, nous fait affirrner I'existence des objets extrieurs, y cotnpris notre propre corps, la raison nc drnontrant rien cet gard. t'cst une bonnc rectification de Descartes et la se.ule rlutation possible du scepticisrne idaliste. D'Alembert part donc dc I'existence induliitable de nolre corps et de lu ncessit de le conserver, pour montrer I'engendrcment tles notions humaines. Nous ne le suivrons pas dans sa gnration
historique de nos connaissances : I'ordre en est fort discuter; tout systnrc sur cette question dc fait sera toujours contestable, bien plus que I'ordre encyclopdique mrue, qui peut tre ramcn des principes mtaphysiques. Quant I'acquisition des ides d'csprit et de rnatire, et de celle de Dieu, iI reste dans les donnes reues et va jusqu' quelques mots de prudence et de prcaution sur la ncessit de la rvlation; mais on ne saurait attribuer la rnrne cause les opinions qu'il rnet ensuite sur la certihrde, lorsque, avec le mrne sens qu il a montr dans I'affirrnation instinctivc de la ralit des corps, il pose le principe du sentinrent ctri dc l'vidence ralionnellc. Le sentirnent est dc deux sortes : lo la conscience ou sentiment du bien, qui s'applique aux vrits nrorales, et qui nous subjuguc avec le mme euriiire que I'vidence de I'esprit attachc aux vrits spculatives; on peut I'appeler l,'utdence d,w cur, coulrne on peut appeler l'vidence de I'espr:it le sentiment d,w urai; 2o le sentiurent du bcau, qui nous devons le gnie et le gor':t : lc gnie est le sentiment qri crc, et le got, le sentirnent qui juge '. Tout cela est excelleni; c'cst Descartes rectifi et complt l'aide de Pascal: ce sont les mnles principes qu'Hutcheson enseigne en ce moment I'Ecosse, ayec moins de prcision et de lurnire peut-tre que nc fait cl'lcrnbert.'Il sernble quc la voie vritallle soit rouverte: iir doctrine du sentirnent, appliquc
l. Diderot,
de serrtimen

dans I'artir:le Beaur'tie celrendanl que le et non de raison e d'entendement,

Beuw soi| exclusivement, affaire

U?5I]

I)'ALTi[IBI,]RT. DISOOURS

PRBtt[IINATRB.

ILT

iuterroger la conscience du genre humain, suflit pour fail'e retrouver toutes les vrits ncessaires; mais les princi;les abstraits ne portent pas d'eux-mmes leurs fruits, si I'tne vivante ne les fconde de son soLrf{le: partis de telles prmisses, d'Alcnlbert n'aboutit qu au scepticisrnc, Didcrot, qu' un naturalisrne confus, et les vrits qu'ils ont nonces n'cmpcheront pas Hclvtius, quelques annes plus tard , de nier, ainsi que nous I'avons vu, le sentiment comme tout le reste. Les vues leves et justes dt Di,scowrs prIirninnire n'art galdent pas moins leur valeur, et il irnportc de signalcr les arnliorations apportes au systme de Bacon par les deux directerirs d"eI'Ettcyctoltd,ie. La thologic rvle n'est plus en dehors de Ia philosophie hurnaine. < La ttrologie rvle n'est autre chose que Ia raison applique aux faits rvls : elle tient I'histoire par les dogrnes, et la philosoplrie par les consquellccs. > La posie, anssi, n'est plus une simple imitation de la Nature, une sinlple filte d,e mmoire, mais une facnlt cratrice : totts les beaur-arts sont fi'res dc la posie et q se relvcnt dc I'injure qu'ils souffraiertt dans le systrne du phil6sophe anglaisl. > Les inathmatiques, au licu d'tre juxtaposes colltlne appendice la suite de la science de la Naturb, sont places eu prernier rang dans la mtaphysique de la Nature. 0n voit bien que Descartcs a pass cntre Bacon et d'Alernbert. Celui-ci, au reste, dans son beau tablcau du progrs des sciences, rcnd Dcscartcs, sinott toute la justice qui lui est due, an moins toute celle qu'il peut olttenir au xvllle sicle. Il y a loin cle ce respectueux langage aux railleries de Voltaire. En soullre, la classification de d'Aleurbert et de Didcrot, faite par un sccptique et un matrialiste, est lleaucoup plus spiritualiste qtte celle du religieux Bacon 2 : Ie Discours prtliminuira n'est point au-dessous de la renotuure qu'iI a obtcnuc parmi les contemporains; malgr les objections qu'il pcut soulever, ce travail tl'un esprit judicieux, sagace, tendu, qtti s'exprinre dans une languc
'
Enryclopd,e nourell, a. Encycloltdie. encore fl'observer que d,'lernbert blme le dtlain de son sicle pour l'tu,Ie cs anciens, reconnat, comme le fait sans cesse Yoltaire, que les otltrdges f

. J Reynauil,

p. Il est bon

d'esprtt, (tle pure littrature) sont, en gnral, infrieurs ceux du sicle prcdent et en donne trs-bien les raisous.

48

LB

PIIILOSOPIIBS.

[1751-t ?53J

lgante, claire et sobre, reste un des meilleurs ouyrages que nous possdions aprs ceux des gnies de premier ordre. L'immense entreprise ne narcha paslongtemps sans encombrc : les adversaires de la philosophie avaient compris la porte de l'Encyclopdie; ils voyaient que les novateurs se disciplinaient en corps d'arme, qu'ils avaient un camp, un quartier-gnral. L'loigncrnent de voltaire, la vieillesse anticipe de ilIontesquieu, qui dclinait, avaient donn de vaines esprances: le destin de la philosophie ne reposait plus sur une ou cleux ttes, pour illustres
qu'elles fussent. Les jsuites avaient demand tre chargs tles articles de thologie : cette espce de transaction avait t refuse. Les jsuites saisirent la premire occasion de prendr.e I'offensive.
En novembre 1751, un abb de Prades, collaborateur, e l'Encycloptlie, s'avisa de soutenir, en sorbonne, une thse o le clisme

voltairien et le sensualisme taient peine cl'guiss; I'abb, censur par la Facult, s'enfuit Belliu, or Frdric et voltaire lui firent fte. Pendant ce temps, Paris, on rnettait la thse sur Ie conrpte de Diderot. Les adversaires eurent beau jeu : I'irnpression rJe l'Encycloptlie fut suspendue par arrt tlu conseil du 7 fvrier 1752.0n saisit les papiers de Diderot : les jsuites cornptaient s'en ernparer et finir le livre leur'guise. Le cri de I'opinion s'leva. Lamoignon de n{aleshelbes, premier prsident rle la our des aides, directeur de la librairie et, par consquent, tle
l;r censure, tait dvou de cur la libert de penser et d'crir.e : il agit de son mieux; le conrte d'Argenson, gui avait perscut Diclr:r'ot, puis patron, puis abauclonn l'Encyalop,ctie, fut r.egagn. Ll cour cda : les auteurs furent pris de continuer Lnw

Lnre honorable , Ia nar,ion, et le troisirne volume paru[ en novembre 1753, avec une prface o Diderot constatait la vic-

toire.

La victoire n'tait pas cornplte dlinitive : on n'avana quelque temps en paix qu'au prix de concessions et de mnagelnents clue Ie prudent d'Alembert irnposait Diderot et qui faisaient gmir Yoltaire. s Vous adrnettez des articles dignes du Jowrnul de Tr,uottrI > criyait Voltaire. < Il y a d'autres articlr:s, moins au jour, oir tout est rpar , r rpondait d'Alembr:r't. a Le ternps fcra distirrgrer ce que nous at'orrs pens de ce que nous

ni

u754-r7571

L'ENCYCIOPIiDIE.

'

grande destine.

la philosophie de l'histoire, la rntaphysigul et ra ringuistique; mais ce n'est pas non plus encore Ie lieu de s'tendre sur ce norn de TuRcor, auquel on pouvait ds lors prdire querque

personnes et de leurs doctrines. sur les confins des deux groupes philosophique et conomique, un jeune magistrat, dont la vaste intelligence tait applicable tout et s'intressait tout, enri_ clrissait l'Encyclopdie par des travaux de ra prus haute porte sur

velle, allie des prrirosophes sans tre confondue avec eux, Ia secte des corr'oursr'S. Nous aurons parrer plus tard de leurs

philosophe Dumarsais, mort pauvre et obscur en 17b6. Dans les colonnes d,e l, Encyctop,tti,e avaient apparu non pas seulement des no'rs nouveaux, mais une

homme minent et malheureux, qu'il n'est pas permis d'oublier dans une revue des penseurs et des crivains franais, au grammair.jen

des nombreux coilaborateurs d,e riEncyclopd,i,i. saisissons seure_ ment I'occasion de donner un souvenir un

I'article Droit s'lve dans de plus hautes rgions. Il y pose la du droit : a La voront gnrale (la volont du genre humain)', dit-il expressment, est toujours bonne. > Le principe clu Conrn.lr socrar est l. Il est inrpossible mme d'indiquer ici les principaux travaux _
conscience gnrale comme base

avons ditr. r sa's mconnatre I'excuse de gens qui crivaient cntre la censure et les lettres de cachet, il est tirn p.r.is de dire que ce n'est point ainsi qu'on rgnre Ie monde. ni,rr.ot, fui eut toujours l'me et ra main ouvertes, se tenait Ie plus qo'it po,rvait en dehors de ces dissimurations et, s'il ne disait pas toute sa pense, ne disait rien contre sa pense. plusieurs de ses articles qui touchent ,la phirosophie poliiique, trs-rernarquables en euxmrnes, le sont encore davantage par leur rapport avec de prus grandes uvres qui vont bicntt se lever a t'horizon. Dans l,article Autorit, trs-rrarfi de rangage, il n'en est toutefois encore qu, Ia doctrine transitoire du contrat entre le peupre et le prince, contrat que ni le. prince, ni le peuple , n, pruoent changer, Mais

[tt

cole, un* secte nou-

v' la correspondancede voltaire et de tl'Alembert. D,Alembert .1' contreilit, luinme, sur plus d'un point, son Ddscours prt,ninaire.son articre Fortuitrpar exemple. branle le libre arbitre. yoltaire n,en demandaib
pas

tant.

LIS

PTITLOSOPHES.

u?57-r7591

Le parti dvot, sur ces entrefaites, ayant repris quelque ascendant la cour aprs I'attentat de Dauriens (1757), I'orage reconrnlena contre la philosophie. IJne dclaration royale, d'une violence inoue fut lance contre les autcurs, irnprinreurs ,

libraires, colporteurs d'crits attentatoires la religion .ou I'autorit royale : c'tait Ia mort chaque ligne. Lc sirnple dlit
de publication sans autolisation pouvait conduire aur galres perpcTtuellesr. C'tait moiti atLoce, moiti ridicule; car il tait peu prs sr'qu'on nc pendrait personnc et que, si I'on envoyait aux galres quelques malhcnrcrtx colporteurs, des lettres de cachet taicnt le plus grand pril qui menat lcs crivains. La dclaration tlenreura un vain pouvantail. Tout se borna, durant guelque tcmps, unc guerre de plurne, une pluie de pamphlets arrtiphilosophiques, soudol's liar la cour et par le clerg, et rdigs en gnral par des nrercenaires aussi dpourvus de talent que de foi religieuse 2. 0n essava de retourner contrc les philosophes I'arme du ridicule, et Palissot les traduisit sur la scne tlans une couidje prtentions aristophallesques, {ui aftila de terliblcs lepr'saiiles de Yoltaire. Le parlcntent et I'arclrevque de Paris s'attaqurent eufin clirectetnent . l'.E'ri cyclopdie : le parlcmcnt et le conseil du roi frappreut la fois; le -avait privilge dcs diteurs fut rvoqu (nrars 1759). 0rdre t
donn au directeur de la librairie, Malesherbes, comrne en 1752, dc saisir les papiers de Diderot. Nlalesheres se hta de le pr'venir sccrternent. < Je n'ai pas le ternps d'en faire le tliage, >
nciennes Lob franaises, t. XXII, p.272; 16 avril 1757. ces pamphltaires tait le critique !-rron, rdacteru tlu jourrral l'Annde liltratre et prototypc cle ces crivains sarts moralit qui dfendent par spculation, aves une fureur de commande, les croyances qu'ils n'ont pas. Il n'tait pas absolument sans talentl mais on a fort exagr sa valeur dans I'espce r1e rhabili-

).

2. A la tte de

tation paradorale qu'on lui a faite. {Jn adversaire plus honorallle de Yoitaire fut Lefranc de Pompignan, homme de conviction, qui se ridiculisa par une excessive possde un bien vanit, mais qui rencontra quelques clairs de haute posie, - On curieux monument de f esprit de raction la cour : ctest une lettre o{r se trouve le passage suivant : . Qu'est deveuue notro nation? les parlements, les encycloptlistes, I'ont change compltement. Quantl on nranque assez de prirrcipe pour ne reconnaitre ni divinit ni rnaitle, on devient bientt le rebtrt de la nature, et 'est ce qui nous arrive! On ne devinerait pas quel est le svre champion du trne et " de I'autcl qui revendiquo ainsi les principes rle Bossuet : ce u'est rien moirrs que
madame de Pompadour!

- Lettre auduc d'Aiguillon,

1759; ap. Lacretelle,

t, lV-

Tr?5e-l?651 LES ROIS ltT

L'ENCYCLOPDIE.

Sl

rpondit le philosophe dsol. < Dnvoyez-les chez moi ! n Qui fut dit fut fait, et I'on ne saisit que ce qu'il plut Diderotr. L,es vellits de perscution d'un gouyernement servi de la sorte par ses propres agents ne llouvaient aller bien loin. Le nouveau ministre dirigeant, M. de Ohoiseul, n'aimait pas et craignait un peu les encyclopdistes; mais il aimait encore moins le clerg et il mnageait beaucoup Voltaire, {ui tonnait contre la suspen-

sion du grand ceuvre, pendant que le pape Clment XIil y applaudissait dans un llref de septernbre 1759. Fernei I'emporta demi sur le Yatican. 0n obtint que la police ferrnt les yeux sur la reprise clandestine de I'irnpression. d'Alernbert, cependant, fatigu de cette longue lutte, ne voulut plus participer la dircction : Diderot, plus courageux et plus constant, supporta seul le fardeau jusqu'au bout. F'rdric II, puis I'irnpratrice de Rnssie, Catherine II, galement dsireux de se faire honneur aux dpens cle Louis XY, ofl'irent, I'un apr's I'autre, Diderot de venir achever l'Encycloprlie dans leurs tats (1?60-t?63) : I'habile Catherine, peine assise sur un trne rougi du sang de son poux, conlmenait, envers les hommes qui rgnaient sur I'opi-

nion europenne, ce systrne de flatteries que \ioltaire paya si magnifiquement par le Yers :
C'est du Ncu'tl aujourd'hui que nous vieut la lunrir'e.

Yoltaire pressait Diderot d'accepter les propositions de Catherine : il refusa par loyaut envers les libraires, gui , pcndant ce ternps, le trahissaient en ntutilant ses articles son insu pour les rendre moins ofensifs. L'ouvrage fut entn termin, tant bien que mal, en 1765; mais le clerg le condamna dans son assemble d'aofit 175 et dnona la distribution secrte dcs cxemplaires : le gouvernement enjoignit aux souscripteurs de livrcr la police les exemplaires qui ne leur avaient t adresss qu'avec sa permission; puis il les leur rendit en partie aprs des incidents assez piquants 2 : il tait impossible de montrer rnoins de
dignit et de volont que ne faisait ce triste pouvoir.
1. trImoires sur Diderot, par sa fille, madame de Vandeul, ap. trl[moires , CorresponI"', p. 31, Y. aussi l'Auerdance et Ouorages indits de Diderot, 20 dit., 1834, tssernent en tte clu t. XIII des OEuures de cle Diderot; lB2l. ?. \r. Y<iltaire llllanges, et l'.ilrr/isscmt.nte tte du t, XIil des 0fuurascle Diderot.

t.

[,t 54-t769] tES PIIILOSOTJHES. Des supplments furent ajouts au corps de I'ouvrage; mais, lolsqu'en 1769 on voulut rimprimer le tottt, le parlernent I'interdit. Les clitions, par compensation, se multiplirent au dehors,
?

et toute I'Europe lettre put conternplcr plus ou moins librement la Babel difie par les philosophes franais. Babel , en effet, mais construite avec ltien des matriaux prcieux. Il y cut autre chose qu'un orgueil irnpie dans cette espce

il y eut I'amour sincre de I'humanit, cette religion terrestre qui survit la religion de I'idal et de l'ternel et qui permet d'en esprer le retour, tant qu'elle n'est pas elle-mme touff(:e sous l'golste sccpticisntc et le matrialisme pratique. Les auteurs avaicnt prvu et espr que leur uvre serait dpasse par le progrs des sciences : le cercle des connaissanccs S'tendant indfinimcnt, on peut dire que I'Encycloqtdd,ie doit tre refaire de siclc en sit\cle; il n'y a donc point reprocher celle du xvttt' d'tre incomplte; I'esprit de critique ngative qtri domine dans une Srande partic tles artit:lcs et le manque Cl'unit morale dans l'ensemble sont des reproches
d'apothtlose cle I'esprit hutnain :

mieux fonds.

n'tait pas dans une publication, en quelque sorte officielle, conlne I'Encyclopclie, qtte les novateurs pouvaient expritner toute
Ce

leur pense. Les ouvrages que Diderot publiait sous I'anonyme ou faisait circuler tnanuscrits ont une grande irnportance cet gard. Telle estl'Inttrytrltution de Ia !{atttre (anonyme; 1754). Il
commente et s'approprie les ides les plus hasardeuses de Bttlfon, de Nlaupertuis, du grand mdecin vitaliste Bordeu, en t'ettforant, par ses propl'os lncubrations, tout ce qui prte alr panthisme naturaliste. Pour carter la ncessit du moteur univcrsel, il suppose, ainsi quc les anciens alomistes, lettr imaginaire rnolculc active par elle'rntne et ayant toujours agi, et ne s'cmbarrasse pas d'expliquer comlnent est Yenue I'irnpulsion premire, esSentielle, SanS une volont, sans une cause dterminante; mais, abandonne les atomistes, comme tous les autres mtaphysiciens, sur cette homognit de la rttatit'e' qui aboutit, dans le panlhisme, I'unit de la substance et de l'tre: il prtend, au contraire, la matire diversifie I'infini, non plus seulement tlans les phnolnnes, mais en substance : la Nature

en mme temps,

il

PNTHBISIiIB I]B DIDEROT. 53 r 7b4l n'est plus pour lui que la combinaison des diffrentes matires
htrognes. atteint ainsi, bien au del de Buffon, le ple oppos au spinozisme, ne voyant plus que Ia diversit et perdant absolument de vue I'unitr : le Dieu-Nature disparait aprs le Dieu intelligent et libre; mais le rappelle par la plus bizarre conception qui soit jarnais entre dans I'imagination d'un philosophe. lIaupertuis ne s'tait pas content d'attribuer le sentirnent (dsir, aversion, mrnoire et intelligence) toutes les molcules, mme l'tat brut : dans I'animal, faisait perdre chaque molcule la conscience de soi, pour former de toutes les consciences confondues des molcules la conscience du tout. Ditlerot adopte cette ide incomprhensible2, et insinue, tout en ayant

Il

il

il

I'air de protester contre la consquence qu'on en peut dduire, que la collection tolale des molcules, ou I'univers, a une conscience totale, et que le monde est Dieu. C'est I le dernier mot
du naturalisme et ce mot est lui-mme la plus obscure de toutes

les nigmes

conscience et individuatit n'tant qu'une mme

chose, Qui pourrait dire ce que signifie une conscience collec-

tive ou totale?

Bien des clairs brillent toutefois dans ces tnbres : l'ide que tous les phnomnes de la pesanteur ou de I'attraction, de l'lasticit, du magnlisme, de l'lectricit, pourront tre ramens un jour un mme principe, saisit I'esprit par sa grandeur,

en mme temps qu'elle contredit implicitement la prtendue multiplicit des substances. une autre donne, QUe Diderot
emprunte Bordeu, savoir que chaque organe est, en quelque
1. Bulfon n'ailmettait entre la molcule brute et la molcule organique et sensiSle qu'une diffrence de degr, qu'uns clistance franchissable. Diderot croit toutes les molcules serrsibles, et, en mme temps, par une tonnarrte contratliction, il veu que I'animalit ait eu, de toute [eruit, ses lrnents particuliers pars d.ans la masse de la matire. 2. Jl la dveloppe plus tard dans son trange Roe de d'atembert et prtend que les alomes, pour former un c()rps organis, non-seulenrent s'associent, mais se confortdcnt. Se conftindre, c'est mler ses parties: des tres siniples, tant ncessairemenl, impntrables les uns aux auttes, rie sauraient se confondre. Si les prtenrlus atomes ont, Ces parties, ils ne sont point es atomes, c'est--clire des dndiod,)ibles; ils ne sont que des colpuscrrles, des agrgats indtirriment divisibles : ils ne sont point dcs tres rels. Cette itle est Ia ugation e toute existence distirrcte et abutit, aprs avoir ni Dieu et i'me, nier rume les atorues, en sorte quril ne reste plus ,1u'trn inconcevable mlange de nants cornbins.

6t,

TES PHITOSOPIIES.

[1754-r756J

sorte, un animal distinct, mrite une sl'ieuse attention. La vieille erreur de I'me sensitive, balaye par Descartes, enveloppait une vrit dont Paracelse et Yan-Helmont avaient con]ruenc de

soulcver le voile avec leurs arcltes ou mes locales ou organiques. Si le spiritualisme a raison de mettre dans l'me toute Sensation, toute irnpression dont le ntoi, a conScience, Ie natul'alisrne, ou plutt le vitalisme, a-t-il tort de dire que la scnsibilit est partout dans l'tre organis et que les organes ont une vie propre, quoique subordonne la vie centrale, et probableureul
des centres secondaires dont le rnoi n'a pas consciencc ? Ce livre singulier tait termin , dans le rnanusct'it,

par une invocaque une le reste, tout espce d'invocation plus singulire tioir un grand peu,t-tr"e,
<

0 Dicu ! je ne sais si tu es;

mais

je

penserai comtne

si tu

voyais dans mon me; j'agirai colltllle si j'tais devant toi!... > Ce peut-tre est le vrai dern'ier mot de Diderot, Pr del le dogrnatismc naturaliste. Jouant, en artiste, en cnfant! avec ces arnres terribles qui branlent le nrondc, il n'eut jarrrais la cotlviction absolue, le lanatistne des doctrines qui passionntient SoIr irnaginatioll, et la rlate cotnpare de ses ouvragcs nous rnontre des chappes de disme au plus fort cle la propagande nlatria-

liste et athe. Il s'tait arrt, pour tnettre sa conscicncc eD repos, ce paradoxe: que les opinions sur cette matire sopt indiffrentes la conduite de la vie. Au reste, il n'y avait point pour lui , vrai dire , de condu,ite d,e ta oie, puisqu'il n'y avait point dc lilrre arlritre. a Il n'y a de vertu et de vice, r dit - il dans. une lettre intirne ', (ltrc la bienfaisance ou rnalfais.lilce natives. > 0n voit ce que var.it dalls sa bouche ce rnot de vertu, qu'il rpte sans ccsse avec un ent|ousiasme si sincre : ce n't'st que le gotrt et I'activit du bien, sals effort, Sans mrite et sans choix. Il adrnirc un hotnme vertueux cornme un hcau produit de la ttalurc. Pour tre juste envtl's Diclerot, il faut voir en lui non point un hornute de mthode et de logique, urais un hotnrne do spotltanit et de passion : esprit ct ctu clont la pcrptuelle jeunesse
1. Insre dans la
Corresponclanca de

Grimm, anne 1756.

[,r

75?-l

?581

RSTTI,rtquE DE

DIDEIior.

:iB

livres, I'autre moiti,la plus grande, faire les livres et

n'aura jamais nne ride jusqn' son dernier jour; ycrve toujours jaillissante au sen'ice de toute ide et de tout homme qui rclame le sccours de son temps et de sa plume. La part faite ses passions prives, il donne, du reste dc sa vie, Ia moiti faire ses
les

affaires de ses amis, des inditerents, de tout le monde : mtaphysique ou morale, physique ou mathmatiques, romans licencieux ou contes moraux, fantaisies de toute forme, thtre, critigue littraire ou critique rles beaux - arts, tout est bon au ltottttophile Diderot, comme I'appelle si bien Voltaire. Ainsi, entre l'Encyclopclie et l'Interprtation de la lVatu,re, il rve la gloire du thtre : il veut enrichir la scnc franaise d'un nouveau genre, ou plutt de ditferentes nuances de drarne interrndiaires entre la tragdie et la corndie : ce sont la comdie srieuse, Ia tragdie bourgeoise, Ic clraure moral et philosophique. ses propoiitions sont soutenues par des raisons plausibles, sans exagr'ation ni dclanration, et il se garde lricn d'insulter nos chefs-d'uyre nalionaux, colnre le feront aprs lui de ridicules imitateurs, les Le Tourneur, les nlercicr. corldie pcut-elle enseigner la - Lala vertu au lieu de faire seulcment guelre au vice?-La tragclie peut-elle s'tendre aux malheurs privs? En d'autres termes, la scne pcut-elle eurbrasser la vie hunraine sous tous ses aspects? - Il y a l au foncl le scntiment d'un art et cl'un thtre dmocratiques; mais peut-tre la rponse ces propositions ne doitellc tre affrmative rlue sous une rserve : - oui, Ia scne peut erubrasser la vie huuraine sous tous ses aspects, mais pouryu que la posie dramatique reste posie, qu'clle se maintienne la liauteur de la vrit itlale et ne s'ouvre pas au lirosaTsrne cl'une ralit confuse et sans choix. La corndie larmoyante de La chausse tait dj dans la clilection indique par Diderot; rnais la force drarnatique ct la hauteur des vues avaient manqu. Diderot essaya de prcher d'cxernple. Il choua (1757- 1758). Lui, si chaleur.eux, si piquant, si color., si entranant dans la fantaisie, dans la critique, dans les mlanges, si touchant et si siurple parfois dans I'anecdote, il n'est pas recontraissable au thtre : son pathtiquc tourne en emphase, ses

moralits en pdantisme, son naturel en purilit.

Qur.lclues

$6

Lris PillLosoPilBs.

u 76{ -l 78r l

annes aprs, lrn autre profitt de ses leons mieux que lui-rnrne et r'alisa en partie ce que Diderot avait conLr. Ce fut Sedaine, cet artisan illcttr que la nature avait fait crivain drarnatique et

qui s'ernpara du thtre en dpit de tous les obstaclcs. L'accueil enthousiaste que Diderot fit au Philosoyth,e sans le sauoir (1765) est

peut-tre le trait de sa vie qui lui fait le plus d'honneur et la preuve la rnoins contestable de son excellent naturel. De nouvelles sources d'intrt furent ainsi ouvertes la scne,
au rhoment o le changement des murs et dcs ides refroiclissait le public pour notre grand thtre du xvtt" sicle : bientt les irnitations de Shahspeare par Ducisr et la traduction des uvres de ce prodigieux gnie, si inldle, si dfigurclc qu'elle ft, donnrent ces tendances une irnpulsion que Voltaire s'effora d'arrter en ragissant, au nom du got et de I'esprit national, contre les irnportations trangres dont il avait t le premier promoteur. Les suites de cette rl'olution littraire, qui fut suspendue par un rctour vers ce qu'on nolnlna le classiqwe, c'est-dire vers I'antiquit plus ou moins bien comprise, puis qui reprit son cours et poursuit ses phases de nos jours, dpassent les limites de notre cdre ct appartiennent I'histoire de la France nouvelle.

La critique, soit littraire, soit artiste, ne doit pas moins Didcrot que la thorie de I'art drarnatique. I[ en a f'ait un art de sentirnent et d'irnagination, au lieu d'une froidc anatomie littraire. Il a sem des richesses infinics d'images et de penses dans la Corrcspondance de Grimm, dans les Salons, etc.2 : sa nature sympathique lui a fait inventer Ia critqu,e des heauts\, plus hasardeuse, mais plus fconde peut-tre que I'autre. 0n nc

peut s'empcher d'adrnir"er la puissancc, la fcrtilit, la varitn,


l'motion perptuelle et universelle de cette me toujours viblante, et, pourtaut, on se sent plutt bloui par des rntores tourbilluu1. A partir de 1769.
rles orrvrages des peintres et des sculpteurs membres de I'Acadrnie avaierit commenc en l?57. Ditlelot crivit, partir de 1761, une sr'ie

2. Les Expositions priodiques

de Solons I trois seulement avaient t publis aprs sa mort; cinq auti'es orrt t rcemrnent mis au jour par un diteur pass,onn pour la gloire de Ditlerot, M. Walferdin. Y. Reaue (le Pa,ris d'aot noverubre 1857.

3.

Sainte-Beut'e, art.

wr

Diitrerot,

[1

76r-1 ?8 1]

ESTntlQUE DE

DlDgftor'

ti7

nant dans un ciel orageux, qu clair et conduit par une lumire sereine; c'est que Diderot est panthiste dans I'art cottltne dans la philosophie; c'est que son principe n'est point I'idal, mais la vie sous toutes les formes, SanS prfrenCe ' SanS degrs ' SanS r. hirarchie. [l ne distingue pas les rangs entre Raphal et Rubens 0n doit pourtant lui rendre ce tmoignage que' malgr la liccnce trop souvent cynique de son langage, il n'approuve pas la peinture libertine, la profanation de I'art : sa sensualit est celle de la nature et non du Parc-aux-Cerfs, de Rubens et non de
Boucher. Ce serait chose fort difficile que de dessiner avec quelque prcision cette tigure si mobile de Diderot, de modelcr, pour ainsi dire, cette tte imrnens, la plus encyclopdique du sicle, qui

contient tout, mais qui ordonne si mal ce qu'elle contient. Le sentirnent qui s'enferme dans les choses finies, qui s'y tourmente, s'y exagre, s'y boursoufle, faute de savoir s'lever dans les sphres sans bornes pour lesquclles iI est fait; la passion sans flcin, I'activit sans rgle, I'expansion aveugle rlu cur et des sens, et cependant I'admiration exalte de la vet'tu; un gofit trsrlouteux dans les uvres perscnnelles, le manque de mesure et tle convenance en tout, et cepcndant un sens souvent exquis dans I'apprciation des uvres d'autrui; I'ernphase et la sincrit; une vracit naive et Ia facilit de s'chauffer cn comdien sur des icles d'emprunt; une licence outre et la facult de comprendre

lcs nuances les plus dlicates de toutes les sortes de pudeur; on n'en finirait jamais si I'on voulait rassernbler tous les contrastes de cct tonnant caractre. L'atnour de I'humanit, [a haine de I'oppression, la croyance la perfectibilit du genle hurnain, plus nette et rnoins flottante peut-tre que chez Yoltaire, I'unissent au patriarch,e tle Fernc I il en est I'oppos quasi tout autre gard. Yoltaire dit : fiafsoru (raison pratique, expr'irnentale); Diderot di|: Natwre. Diderot se rattache, cotnrne tradition, quelques incrdules de la prernire rnoiti du xvtt' sicle, aux Cyrano, aux
Thophile.

Il procde de ceux-l, comme Yoltaire

de Cltaulieu et

l. L'universalit de sa sympathie f'ait que, le premier depuis la Renaissance, il recomrnence conprendte quelque chose l'architeci,ure gothiqwel il a une vue tineet profi.rude sur Ia nature de I'cffet qu'elle produit.

58

LES PHILOSOPHBS.

[|761-t

78i j

de sainvremont; mais, par-dessus leur tte, il clonne la main, dans un pass plus loign, quelque chose de plus fort, RabeIais et la prernire gnration du xvru sicle : il tient Rabelais,

ainsi que voltaire Montaigne, mais par un lien prus serr et


plus apparent. Otr marche-t-on, cependant, avec des guides tels que Dirlerot et ses amis? Comme presque tous les novateurs, ccs homlnes, bouillonnants de vie, sont bien meilleurs que leurs icles. 0n voit un spectacle contraire et liien plus triste clans les poques o I'ide du vrai, ressaisie en vain par l'esprit, ne produit plus le fruit rlu bien dans l'me tcinte, et ou le sentiment de I'homme est audessous de sa pense. ux philosophes du xvrn. sicle, le cur fait illusion sur leurs doctrines. l\Iais, les hommes disparus, les icles restant, o mneront-ellcs? Yoltaire tclre, sans succs, d'enrayer le char lanc sur une pcntc tcrrible : il n'a pas lcs parolcs sacres qu'il faudrait pour arrter les coursiers effrns, Diderot luirnme, qui a montr, clans le Rue de cl'alentbert et le sw14tl,ntettt aw |'oyage de Bougainuille, jusqu'oir pouvait aller en fait de dvergondage d'imagination et de logique matrialiste, Diclerot

il

est dbord ! Il dlend I'amour moral contre Buffon : il df'encl, contre Helvtius, qui il avait fourni ses rneilleures pages, les ides gnralcs de justice et de probit; il nie que le plaisir cles sens soit le but unique dc I'homrne; il rfute la moralc de I'intrt au norn du scntirnent'. Impuissants efforts! Qu'cst-ce que I'idal partiel et abstrait de la justice, spar de I'itlal universcl et vivant, qui est la justice cornrne il est toutes les perfections ?
Que scrt la rserve du sentirnent sans libert et sans irnrnortalit'?

Point de libre arbitre, point de moralc; pointcle persounalit, d'irnmortalit, point

de vertu; car point de sacrifice2. De qucl

admirables et inconsquerrtes lettres Falconet, et .Irnoires sur Did,erol, par Naigeon. Yoltaire, propos rlu livre tle I'Esprir, avait protest, de son ct, avec uu grand -sens, en faveur tlu libre arbitre, au nom du sentimerit, de ce prirrcipe auquel Dierot en appelait sans en vouloir tirer les consqueuces lgitimes et que Yoltaire n'tait point habitu invoquer. 2. Il y a rle .qnreuses iuconsquences I mais elles rr'autorisent pas nier Ia lo-

En particulier, du moinsl car les encyclopdistes n'crivaient pas publiquement rfute galeurent le saruldr, c'estr juger, d'ILelvtius. - Diderot Il pose la distiuction du physique et du moralr s ilussi solide, dit-il, que celle cl'animal qni sent et cl'anirnal qui raisonne. oUuvres de Dirrerot, t. III, p. 251 ; les
les uns ctrntre les autres.

l.

"Y.

tl.76r-178t1 OU YA-T-ON? droit demander un tre qui va tre ananti demain, de sacrifier ses satisfactions aux lois d'un ordre social qui n'a point de cause

finale au del de ce rnonde? si aucune voix ne s'lve, assez puissante pour rappeler l'me hurnaine elle-rnrne, en vain I'enthousiasnre confus du naturalisme, en vain les besoins mystrieux de notre essence rnor.ale essaieront-ils de se faire illusion en donnaut forme au culte de la Raisorl' et de Ia l{atura; en vain iront-ils jusqu' d'tranges retours vers les thogonies naturalistes dc I'antiquit, et enl'anteront-ils des sectes oir les apptits nratriels s'envclopperont de fonncs mystiques ! Tout cela passera corulre cles ornl_rres : r'ien ne restera debout. La passion, dont la flamme ne saurait subsister sans I'alirnent de I'idal, disparatra aprs lui; les idcs s'eflhceront aprs les sentirnents; lc naturalisrne thorique lui-rnrne s'affaissera sous le ddain de toute thorie. La socit dcrpite, alors, tchera de retourner vcrs son berceau. L'impuissance, la dmission des rnes, r'arnnera non pas la foi, rnais la fonne des

vieux rites traditionnels; on aura les anciennes croyances la surface, et, au fond, I'indiffrence absolue, d,ernicr enfanternent du scepticisme. Le rnatrialisme pratique r'gnera seul dans lc vide sur le rnonde molal dtruit. L'abus de I'esprit aur-a tu I'cs-

prit

r.

gitlue. Il ne faut pas uon plus olrjecter le panthisme spiritualiste des stoiciens ou dc Spitroza, suivant lequel l'me raisonnable, l'me du sage, se rejoint sa souL.ce, I'Arne Suirrme. Une telle docttirre, altrant, sans la dtruire, .la notion d'imrnortalit, dtruit la nature et non la vertu. 1. Rieu n'est plus dcisif sul I'impuissance de la philosophie rnatrialiste que les aveux qui chappent Voltaire et Ditlerol. "L,infdma est bonne pour la carraille, grande et petite ! " s'crie \roltaire dans une de ses boutad.es. Dierot, tlals sou - fait pour urr rretit Proiet d'inslructionpublitlue pour la lluss, rec<lnnat que I'athisrne, nonibre de penseurs, ne saurait convenir urre socit. est la conclusion - Quclle logique de ceci, si ce u'est l'sotrisme et I'hypoclisie olicielle ?

TIVRE
&oussnru.
,Discours

tES PIIIIOSOPHES (surrr).


<lmocratique.

Le Spiritualisme ramen par le sentiment. Philosophie religieuse et


Origines et jeunesse de Rousseau.
Lettres ile
il,es langues. Nounelle HIotse.

sir l,'Ingatiri. Esscr' swr I'orirline

Discowrs sur les sciences.

urLP. Ie

Yrcrrnp sYoRD. Coxrnrl 6ocrAl.

la Montogne'

[7h9

1767

Au bord du plus gl'and lac, au pied des plus hautes montaglles


de I'Europe, s'lve, entoure des plus admirables spectacles de la nature, une cit dont le rle historiqtre a t, depuis la Rforme,

hors de toute proportion avec son troite enceinte et sa faible


population. C'cst Genr'e, cettc colonie r'publit:aine du protestarltisme franais, fonde par la prelllire rnigration au xvte sicle, Sous les auspices d'un geinie intolrant et dur, lnais nergique et persvrant; puis agrandie et transforlne par la seconde rnigration au Xvne sicle, sous I'infl[ente plus hurnaine de I'csprit d'exauren et de la libert de conscience. Un large dveloppement moral, intellectuel et rnatriel avait concid, Genve, avec I'af'faihlissement tlu vieux firnatisrne calviniste Cettc ville rle vingt mille mes renfermait dj une multiturle tl'homtnes distingus non plus seulement, comrtte auparilvant, dans la thologie et la prdication, mais dans les lettres, dans les sciences, dans lc haut cornrnerce : parrni ces hotnmcs, prcurseLrrs de gnrations bien plus clafantes, il suftit de citer le Languedocien Abauzit, vrai typc de philosophe religieur, de libre penseur qui conserve le

vritahle csprit chrtien. La science et la libert, Genve, Ire repoussaient pas le sentiurent religieux en nlllle ternps que le

lr7t2-1722)

6'1 DE ROUSSEAU. de passer fanatisrne; le protestantisrne ne sentait pas le besoin philosophie' par I'incrdulit pour aboutir la

ENIIAT,ICE

vangile' tranais ct'origine, et de la tille d'un ministre du saint Le pre tait un artisan habile, cultiv, passionn, intelligent, : la mre, rnais de pcu d'ordre clans I'esprit et dans Ia conduite de cur et dticat d'esprit artistes, charmante femrne, de gofits R0usJaaN-Ja,couES jour I'enfant' tendre, mourut en donnant le o dlicats, des organes sEu naquit avec des nerfs irritables et physique vie sa couvaient les gerrnes des maux qui devaient rendre

Le2sjuintllZ,unenfantnaquitGenved'unhorloger'

prcoce presque aussi tourmente gue sa vie tnorale : sa sensibilit elle fut et drl tre contenue par la cultule de la t'aison pratique; livra sans dfense surexcite par une ducation Dral dirige, qui le I'empire conqurir pomt apprit son inragination, et qui ne lui il romans, des lecture par la sur lui-mrne. a six a-ns, absorli dont imaginaire rnonde un avait dj pris I'habitude de vivre dans il ne sortif 3arnais cornplternent, et qui devait lui faire la ralit le prserver du si difficite et si rpulsive, mais aussi contribuer ide des matrialisme theorique ct pratique. .( Je n'avais aucune dit-il, que tus les sentiments m'taient dj connus. Je

n,avais rien conqu;i'avais tout senti . > (confessiotts,

choses,

liv' I')Aussi,

jarnais, dans le comavec un sens naturel admirable, il n'acquit justes rapports des choses pramerce de la vie, le sentiment des tiques, de leur valeur positive et respective'
aux Aux romans succda I'histoire : Plutarque' aux d'urf, avec les hros scudri et aux La calprencle. l\'tme identification

tlrez cet trange cnfant, ce de I'antiquit qtr.'avec ceux des romans. mnoire : ce sont ne sont pas des faits passs qui entrent dans la un jour qu'il I'me. dans tles actes immdiats qui se renouvelle't de le voir effray fut I'aienture de scvola, on

racontait table pour reprsenter avancer et tenir la main sur un rchaud ardent I'action de son hros. ge travers les Deux grands courants, Yenus' I'un du moyen deux idasltarte, de et Rome romans du xvu* sicle, I'autre de

litsquisemblentopposes,maisquisepeuYentconcilierune vertu politique, sc certaine hauteur, I'amour chcvaleresque et la t l'lve de rnlertt douc pour folrner cette me. Voltairc avait

LES PHILOSOPilES.

1r722-1728J

sentirnent profond, I'intelligence tendue et pronrpte; mais la volont tait failrle; le caractre ployait sous le faix des ides et
des passions, et ne devait se raffermir un jour que par une rgnration de la volont, achete au prix d'angoisses de mort. Dj, dans les alnours enfantins cle cet tre qui s'ignorait encore lui-mnre, se rnanifestait cette tendresse mre de sensualit qui devait faire le tourment de toute son existence. Bientt I'adolescent se heurte aux premiers angles de la dure ralit : l'mule d'-4rIu,m,ne et dc scvolacst mis I'apprentissage d'un vulgaire mtier. Il s'y dgrade trs-vite. tette nature, clocile toutes les impressions, se laisse facilement modifier par I'atmosphre qui I'environne. Cet enfant idaliste, tendre et fier contracte de petits vices de clissimulation, de fausse honte, d'habiturjes seryiles. La passion

refuge de l'me. nlais l'quilibre tait dj rompu dans cette belle organisation morale. Le dveloppement prmatur de la sensibilit avaitaffaihli les ressorts de l'me, comure une croissance trop prornpte affaiblit le corps. L'imagination tait d'une puissance irrsistible, le

Bayle et de Ninon : Rousseu est indirectement l'lve de ptrarque et directement calui de Lycurgue et de phocion. D'autres lments se combinent avec ceux-l. La tradition protestante genevoise, claire par le libre exarnen et dgage de l'troit esprit sectaire, confirme, par une sanction religieuse, les maximes rpublieaines des grancls hommes de plutarque, et entretienI I'enfant dans le rnilieu le moins loign de ra libert antique que pfit offrir ce sicle. Le got des champs, du silence, de ia rolitu,l., antrc rapport avec les anciens, annonce dj cet amour cle la nature qui sera chez lui, non pas une thorie ou une science, colnme chez cl'autres, mais la source mme de I'inspiration et le

de la lecture, qui lui reste de ses jours meilleurs, le sauve cles grands vices et des mauvaises murs. 0n sait comment I'apprentissase se termina par une fuite err savoie, et comment son vasion le jeta sous le patronage de la femme singulire qui exera tant d'influence sur sa tlestine, de madame de warens. Il change de religion Turin, dj trtiscapalile, seize ans, de sentir I'odieux d'une alrostasie, puisqu'il ne changeait point par conviction, rnais trop faihle de volont

[tzsot-ll

l]

JBTjNESSE DE

ROUSSEAU.

63

pour chapper, par un nergique effort, la situalion fausse dans lacltrelle iI s'cst tourdirnent engag. Il tombe dans la domesti cit. il semble aller sa perte. Tout le moncle connalt I'anecdote clu ruban, enfantillage qui aboutit, par le vertige de la mauvaise honte, un vritable crime, remords de sa vie entire, expi par

un aveu hd:roque.
La Providence lui envoie une main secourable qui I'arrte sur le penchant de I'abirne : c'est ce pauyre cur rvoqu, cet abb Gainre, qui derpose les germes de la philosophie religieuse, ct du principe rornanesque et du principe rpublicain, dans son me trouble, gar'e, mais non pervertie; le grand homme paiera un jour Ia dette cle I'enfant en imrnortalisant son bienfaiteur. L'abb Gairne dcviendra le Yicaire sauoyard,. Revenu de Turin en Savoic avec. un cceur nouveau, pour ainsi dire , il promne son humeur inquite d'Anneci Lyon, en Suisse, Paris, se monlrant sans aptitude aux camires suivies ct rgulires, s'enthousiasurant successivement pour les objets les plus divers; mlange d'aventuricrr, d'hornlne projcts, d'enfant et de rveut';rnais le rveur dominc toujours. Drrer, en laissant un lihre vol scs rvcs, travers une nature pittoresque et sauyage, est pour lui le bonheur suprrne. La misre I'effleure peine : il oublie la faim de la vcille et ne songe pas cclle du lendemain. Que de pornes inconnus jaillircnt de son me, emports sans retour par le vent des Alpes avec lcs nuages du ciel ! quels torrents d'irnagination et de passion, qui n'ont laiss qu' peine arriver jusqu' nons quelques chos lointains travers les bosquets de Clarens et les rochers de l\Ieillerie ! C'est en voyant de prs, dans ses prgrinations vagabondes, la condition du paysan franais et en la cornparant au bien-tre de Ia Suisse e, qu'un prenrier genne de haine entre dans son cur contre les oppresseurs du pcuple et contre I'injuste rgirne politique et Iiscal qui pse sur la France. L'arnour idal de la libert

il

l.

D'ar:enturier qui ne fait point ile dettes et qui ne

ne faut pas

I'oublier.

fait d.'autre ilupe que hri-mme

2. Y., dans le livrelV des Confessions, I'anecdote de ce paysan ais qui affecte la misre, cachant son rin cause des aitles, son pain de fr:oment cause de la taille, et se jugeant perdu si I'on pouvait se douter qu'il ne mourt pas de faim.

6L

LBS

pHltosoptlEs.

vants

toujours ceux qu'il nomme < ra nation Ia plus vraie, toute lgre et oublieuse qu;elle soitr; r il souffrirn ifo, qu'eux-mrnes de leurs revers mitaires. t_.,. pi,,s Franais de cur entre nos phirosophes, cerui qui doit combattre les effets dissor-

Jacques,

balance le mauvais effet des manires des nranais : l,Europe hait Ies x'ranais quand eile les voit et res aime q,*nurre res lit. Jean_

ses crits. Notre littrature est le principe de ce qui est chez lui une passion, de ce qui est un gorlt vif dans toute l'gurope, o r'amor des iettres franaises

Ia France, pour ra nation en gnrar, sympathie qui vivra toujours au fond. u *or, me, Iors mrne qu,il nous traitera le plus svrement dans

ardente synrpathie pour

antique commence ainsi prendre pied sur la terre. En mme temps que Ia piti pour nos campagnards, s,veille en lui une

u74o_t74rl

lui, aimera

gine de bien des contradictions dans la vie de Rousseau. Une telle situation ne pouvait le satisfaire : son rne se rvoltait et se dvorait elle-nrme. II tomba marade : son organisation. fortement branle, fit natre ces penses de rin prmature q'i I'obsdrent si long'temps ct tourna son esprit vers Ies ides reri_ gieuses. Madame de rvarens I'ernpcha de succonrber aux terreurs dujansnisme qui l'avaient un rnoment saisi : elle rui prcha u' catholicisme de sa faon, o re purgatoire rempraait l,enfer. Ir
1. ' Je *'aperois pas chez.res Franais plus ri.e vertus que chez les autres peupres; mais ils ont conserv un prcieux r.o" u,ru,,"... Il ne faut jamais dsesprer d'un peuple qui aime_ encore ce "urtJdu qui est juste et honnte, quoiqu,it ne le pratique plus". ou est encore forc de les_ tromper: pour res rend'e injustes, prcautio' don t je n'ai pas vu qu'on ctt g.rancl besoio poo" d,autres p"oir.". ,, co*espotrcrunce. an. 1770; lertre II. de Beitoi.

lui fut avantageux beaucoup d'gards, mais artra en fait chez lui la dlicatesse norale quani mo.,r et jeta un nuage sur son idal, sans pouvoir toutefois lui faire parger r* triste systme qu'on lui avait inculq' elle-mme. L est l,ori-

sentiment de la patrie, le pre nourricier de cette gnration qui sauvera notre nationalit, est un tranger par Ia ! Il tait reveou de nouveau cham.i, o,inaissance il menait cette bizarre existencc que lon sait entre madame de warens et craucre Anet' cette femme, doue de toutes les quarits, moins celre qui est le caractre essentier de son sexe, exera sur Rousseau un ascendant

du cosmoporitisme prch par ses pareils et rchauffe'le

qui

v7

4r-1'.147)

ROUSSEAU

PRIS.

se'plongea dans la philosophie et les sciences, et se fatigua en vain accorder entre eux les mtaphysiciens modcrnes; puis il se rejeta sur son vieil ami Plutarque et sur l\{ontaigne. Illontaigne, si terrible Pascal, fut pour Rousseau un nourricier bien-aim, sinon toujours salutaire : des mes diverses peuvent arracher les oracles les plus divers ce Prote aussi vari que la nature
mtne.
Nous n'avons point retracer les pripties la suite desquelles, refusant de renouveler une situation intolrable pour sa dignit et pour son cur, mais gardant une profondc reconnaissance l oir ne pouvait tre I'amour, il quitta sans retour la Savoie et prit, pour la seconde [ois, l.r route de Paris, afin d'aller faire fortune au profit de madame de Warens. Son moyen de fortune (il en avait dj invent beaucoup ! ) tait une mthode pour noter la musique en chiffres. Sa vocation dcisive tait, ce qu'il cruyait, celle du musicien (1741). La mthode ne russit pas, mais lui valut quelques relations dans le monde ltarisien. Il tenta une autre aventure et partit pour Venise comme secrtaire de I'ambassadeur franais. II se tira des fonciions diplomaticlues beaucoup rnieux qu'on ne I'erit pu croire; mais la brutalit de son ambassadetlr, grand seigneur aussi plat qu'inepte, lui ferma brusquement la carrire. Son retour Paris nrque une d,ate funeste dans sa vie (1?45 ), I'poque de sa liaison avec Thrse Levasseur. I\Ialheurcuse union entt'e I'idal et la vulgaire ralit, qui, par une raction invitable, spare absolurncnt, chez Rousseau, la vic de l'rne et de I'imagination d'avec la vie extrieure, au lieu de chercher Ieur hartnonie. La pauvrct vient rendre plus pesante la triste chane qu'il s'est donne : le,'

contraste s'accuse tle plus en plus poignani etttrd I'hotntne qui sent sa valeur et la condition que lui fait la socit. ['ier et tirnide, il s'entend lnal parvenir. Ses plus belles annes s'coulent en vain; ses essais d'opras n'arrivent pas jusqu' la scne : il est rduit, pour ne pas rnourir de fairn, trente-cinq ans, se fairc le secrtaire de la femme et du tils d'un fermier gnral. De ce ternps clatent les fautes tant reproches, qui doivent peser sur le reste de sa carrire et laisser dans l'avenir une otnbre sur son nom. Deur cnfants, rrs de ses relations ycc Thrc\se, sont ellYoyd)$
xvr.

LES PHITOSOPHES.

Ll7 47 -17 !+9J

I'hpital (1747-1748). 'La misre le pousse : les exemples rl'une socit corrompue I'enveloppent; autour de lui , peupler les Enfants-Trouus paratt chose toute simple.; n'ayant que des sentiments et des tendances sans principes arrts, I'esprit d'imitation I'emporte. Le ternps des fautes prcde de bien peu celui de la gloire " Jamais Rousseau n'avait song, jusqu'alors, chercher dans la littrature sa subsistance ou sa rputation. Il ne se croyait ni le savoir ni la facilit ncessaircs, et n'attachait aucune irnportance quelques yers, quelques essais de jeunesse. cepcnclant, ti arec presque tous les gens de lettres, il s'tait attach surtout Diderot avec la passion qu'il portait en toutes choses et s'tait charg, sa prire, des articlcs de musique pour IEncyclop,die. Sur ces entrefaites, Didcrot fut eurprisonn au donjon cle Vincennes, I'occasion de sa Lettre sur les Atsetrgles. L'heure dcisive tait arrive otr Roussean allait se rvler lui-mrne et au nronde. Il allait et revenait sans cesse de Paris vincennes, Ia tte chauffe par la perscution de son arni, qni ravivait toutes ses propres souffranccs. lJnc sourde ferrnentation I'agil,ait; son esprit flotlait dans un chaos plein de germes et de rayons, qui dernandait la forrne et la vie. un jour, il parcourait, en marchant, le journal littraire le xlercwre cJe France .' scs yeux reucontrrent une question mise au concours par une socit littrair"e de province, par I'Acadrnie de Dijon:
Le r,tablissem,ent des sciences et d,es arts a-t-i,r, cot'ribu, it ,pwrcr
tres ,rnu,rs?

Un clair illumina son cerveau: tout un monde cl'icl'cs clbordrent, I'assaTllirent avec une telle inrptuosit, qu'il se laissa tomber au pied d'urr arbre dans une sorte d'extase. Il vcut un sicle en unc demi-heure. Toutes ses sympathies pour la natnrc, pour lcs murs simples, pour la vie indpendante et solitaire,
toutes ses douleurs, tous ses griefs, toutes scs irritations vagues contre une socit savante, lgante, dticate et dprave, rafline d'esprit et dessche de c(Eur, qui analyse tout et ne sent plus rien, qui mconnat les mystres de l'me en voulant tout rcluire en observations et en expriences, qui, lbrce cle donner tles

[t7

4e

DTSCOURS SUR LES

SCIENCBS.

6?

nombre, contre une socit, enIin, perl'ectionne, florisruniu uo dehors, mine au dedans, pareille ces arbres creuss et rcluits l'corce, qui cachent leur destruction imminente sous les feuillagcs et les fleurs; tout prend corps; tout se coorclonne I'inspira; tion jaillit : elle jaillira sans interruption comme un torrent cle {lamme pendant douze annesf . L'Acadrnie de Dijon n'avait entendu poser le problrne que sur le rtabli,sscment des sciences dans l're mod.inr. Rousseau ne
r. confessions, l. vrrr. seconde Lettre M. de rlalesherbes. Rousseaw juge de Jean-lacques, second Diarogue. une question prjudicielle est, juger ici. une accusation grave'a t porte contre Rousseau. luo..ttut, I\Iarrnoniel, La Harpe, macllme de vandeul, ont rpdt sur tous les tons, d,aprs l,assertion de Diderot, que Rousseau n'avait rsolu la queslion par la ngatile que

ses viccs, a appris n'en plus rougir, qui touffe Ies supriorits naturelles sous des supriorits de convertion absurdes et honteuses, qui fonde les jouissances et les connaissances de quelques-uns sur Ia misre et l'ignorance du grand
noms dcens

d'aprs l,avis de Diderot et contre sa premir'e impressiol' Si ce ftr,it tait vlai, Ie rcii de Jean-Jaeques serait ; sa thorie un long jeu d'esprit, et ser vie mme un paradoxe calcul et dramatis' ll y a des exemples d'auteurs fameux qui orrt chang de thme initial par. calcul d'ellet, par choix tl'artiste, et sont arrivs une esp"ce de roi littraire et conventiotrnelle dans leur thse ; mais ces auteurs n'ont peint qu,avec leLrr irnagination et ont tout tir de leur tte1 I'homme et l'crivain taient spars chez e.x, chea Roussean, I'homme et l'crivain sont absolument identifis c,est, cornme I Pascal, avec le sang d,e son cur qu'il crit, et, comrue il I'a dit cent fois lui_rnme, il n'est crivain que lorsque I'iuspiration tle l'me le force <l'crire : sals inspiration, il n'crirait qu'en rhterrr vulgaire, otr plutt il n'crirait pas, il ,re poo*rait pas crire. 1l est absolumerrt le mure tlans ses relations intirnes, un, ,o correspontlance la plus fantilire, que dans ses grantles ceuvres, et plus cl'un trnoignage ^arrtrieu. son premier crit atteste les tentlances qui le menaient ou il arriva, par exemple, une-lettre de 174, lHistoire de llottssto,u, par J\{usset-pathay, t. II, p. 863.} Au reste, le doute est inip,rssible pout tluicorrque a eit ellleur. Ie uroirrs u monde pa" tes angoisses moralcs qu'explime si puissarnmeui Rousseau : il y a la un accenl q.e ne saurait mconnaitre I'homme qui a pass par les preuves intrieures. Les rheteurs et les sophistes rr'ont pas le seuret d'uu tel laugage. ce qui est prolrable, c'est que, si liotrsseau couseryait quelques scrupules, quelques htlsitations. Diderot, avec son goirt naturel pour le pu"oo*u, n'aura pas manqu rle Ies comtrattre et de pousser rentire la solution aussi exsessive, aussi absole que possible. Rousse:lu corrvient qtre Diderot mit quelque peu la main ses preqriers uvrages et en exagta les couleuls. L'tourdelie de Diclerot et sa mauyaise huureur contre Rousseau depuis leur ruliture arrront trornp sa urmoir,e sur. les circonst.rnces: Ia malignit de ses amis aura fait le reste. ., sur ce dbat tarrt de firis renouvel, deux pages admirables de sagacit et d'quit dans le beau chapitre que II. \'illemain a consacr Rousseau. du xvllre sicle, t.II, xxtve leon. ) Y. aussi, rians ce chapitre, tout ce quilTileau regarde la fbrruation tlu talerrt d.e }ious.eau.
un roma

LES I'H ITOSOPHIS.

u 74el

s'enferme pas dans ce cadt'e historique ; c'est l'tablissement ttttne des lurnires parrni le genre humain qu'il considr'e, qu'il juge...
et

qu'il condanrne

mcsure que nos sciences et perfection. C'cst une loi gvers leur avancs arts sont se nos I'esclavage ont t de tout et Le luxe, la dissolution nrale. que avons faits nous temps le chtinrcnt dcs efforts orgucilleux pour sortir de I'heureuse ignorance o la Sagcsse ternelle nous
< Nos mes se sont corrompues ne la superstition, l'loquence avait placs. - L'astronornie est de de I'arnl,rition... Toutes les sciences, et la tnoralc mttle, de I'orguerl huntain : les sciences et les arts doivent donc leur naissance

affaiblit les qualits guen'ires, L'irnprimerie, cause de dsorcncore plus les qualits urorales. tlres affrcux et toujours croissants en Durope..., est I'art d'ter* niser les extravagances de I'esprit hurnain. > Le vrai sens de ccs hyperboles clatu bientt : < Tous ces abus yicnncnt de ce qu'on 1trl're les talcnts aux vertus. 0n substitue I'ignorancc un danget'eux pyrrhonisme. Nos lettrs vont sapant les lbndeurents de la foi et anantissant la vertu. Ils sourient ces vieux urots de patrie ct de religion. La fureur de se distinguer est leur seul dogrne. - Dans nos maisons d'ducation, I'on apprend tout la jeunesse, cxcept ses devoirs. Le nom de putrie anciens politiques pallaient ne fi'appe jamais son oreille. - Les que de cotumerce et ne parlent les ntres ct de vertu : de nrurs r. d'at'gent l
nos viccs. La

culture

des sciences

Puis un cri de regret mal contenu pour ces ar'ts qu'il fltrissait tout I'hcure : < La dissolution des lnurs, suite du luxe, cot'rornpt lc gorlt.

frivoles et effrnins!Dites-nous, clbre Arouet, cotnbicn vous avcz sacrifi de beauts rnles et fortes i trotre fausse dlicatesse

Mallreur aux artistes qui naissent tlans des teurps

!... r

l. Il regarde comme contribuant la corruption, autant que les sciences, " tout ce qui facilite la communication entre les diverses nations et, altre les mceurs propres leur cliruat et leur constitution politique. Tout' changerneut dans les cou-

turnes tourne rru prjudice des nlurs. " lbid. C'est la raction contre le cosmopolitisme pousse I'extrrne. \Iais il est remarquer que ceci n'est applicable qu' un peuple la fois libre et primitif, et, par consquent, ne peut ooncerner aucun des graruls tats europens, qui tous ont pertlu leur forme et leurs murs premires.

u7el

DfSCOURS SUR LE.q

SCtEtriClLb.

69

moins rnarqu pour toujours : la rvolte du sentiment ,orrtr* I'esprit critique, la raction de la conscience contre |abus du raisonnement, I'appel la simplicit prirnitive contre le raflinement
des murs. Rousseau est debout,
< Le Discot,rs prend par-dessus res nues, > crivait Diderot, qui pardonnait Rousseau, cn fayeur des paradoxes, les vrits svres, La socit fit colnme Diclcrot : elle applaudit au coup qu'on lui por tait; mais la plupart crurent

passions. > Rentrer en soi,+nme : c'tait ra plus grande parore qui errt t prononce de ce sicle. Descartes avait rappel l'sprit lui_mme: Rousseau y rappelle l'rne, L'exagration et la rhtorique altrent parfois I'expression d,une colre si sincre au fond; mais le caractre essentid ,r'.n
est pas

prs rne nouyelre pointe contre les phirosophes incrdurcs, il te'nine ainsi: < La vraie philosophie, c'est de rentrer en soi_ mme et d'couter Ia voix de sa conscience dans le silence des

Le prix de Dijon fut enlev.

chir.
a

pour lui de bien tudier scs devoirs, et chacun a reu toutes les lumires dont il a besoin pour cette tude. > < La science n'est faite, avait-il dj dit, {ue pour quclflues gnies privilgis qui doivent tre pracs la tete de la socit par les gouvernants. r <r L'homme est fait pour pcnser et pour agir, non pour rflassez
>

Plusieurs rfutations furent tentes, cependant. Jean_Jacques rpond tous, s'anirnant par la lutte et s'attaqhant avec opinitrct aux parties les plus hasardes de sa thse, mais accusant en mme temps son vrai but avec une nergie croissante. < La science n'est pas faite pour I'hornrne en gnral.
c,cst

n'applaudir qu' un tour de force harcli. c'tait la sensation d,mes blases qui se plaisent parfois tre rudement rveilles.

rrrodcrne, filLe cle l'orgu,eil humain,, qu'il sernble accuser en rnasse d'un sotr'is're ar,irie. Il revient plus roin sur cet e'rporternent,

suit une attague outrance contre Ia piilosophie ancicnnc

dit ce qu'elles devraient faire. L'tucle de I'univers devrait lever I'hornme son crateur : clle n'lve que la vanit humaine. >
e

< 0n croit toujours avoir dit ce que font les sciences quancl on

LES PTIILOSOPTI

BS.

[r 74e]

en montrant comment les fau,n philosophes ont succd aux urais: < Les lrremiers avaient enseign les devoirs et la vertu : les autres se distinguent en se frayant des routcs contrairesr. I

On et pu s'inaginer jusque-l que c'tait un liuissant auxiliaire qui arrivait la religion tablie; rnais il frappe Ia thologie rles mmes artnes que la philosophie. c La scolastiqtre substitue I'orgueil scicntifique I'humilit chrtienne et avilit la sublime sirnplicit de l'vangile. L'vangile est le seul livre ncessaire un chrticn et Ie plus utile de tous quiconque mme ne le serait pas. s Il est vrai que la philosophie de l'tne conduit la vritable gloire; mais celle-l ne s'apprend pas dans les livres. <r L'ignoranee raisonnable... est celle qui nous rend intliffrcnts pour toutes les choses qui ne contrihuent point rendre I'hornme meilleur. Tout en reconnaissant que les peuples ignorants peuvent n'en tre pas moins vicieux, il vante heaucoup les peuples prirnitifs. rt A travers I'obscurit des temps, on aperoit chez plusieurs fl'entre eux de fort grandcs vertus, surtout une grande horreur portr ta dbauche, mre fconde de tous les autres vices. L'homme et la femme sont faits pour s'airner et s'unir ; mais, pass cette union lgitirne, tout colnlnerce d'amour entre eux
est une source affreuse de dsordrcs dans la socit et dans lcs Les femmes seules pourraient ramener I'honneur et murs. parrni probit nolls; mais elles dclaignent des mains de la la

vertu un ernltire qu'elles ne vculcnt devoir qu' leurs channes; ainsi, elles ne font que du mal 2. r Yoici la morale de Rousseau nettelnent dessine' Ce ton ressernble peu celui de Yoltaire.
Dans ses attaques contre la philosophie, il fait des rserves en faveur d'uu ph lequel on reconnalt Montesquieu. Il garda toujours ce penchant pour I'auteur de I'Bspril iles Lois, dont il avait compris la pense fond et qu'il ne considra jamais comme un adversaire. ll mnage aussi beaucoup I'historien de la Nature, Ruffon. ?, " Cet, ascenclant cles femmes n'est pas un mal en soi, avait-il dit dans son Ddstours; c'est un prsent que leur a fait la nature pour le bonheur drr genre humain: rrieux dirig, il pourrait produire autant de bien qu'il fait de mal aujourd'1tui..... Les hommes seront ioujours ce qu'il plaira aux femtnes. "

l.

losoqthc illwstre, dans

{r.?4e-t?531
Ceci est plus

DISCOLiUS SUR

tBS

SCIBNCES.

1^

loin encore de I'autetrt da Mondain. < Le luxe peut tre ncessaire pour donner du pain aux pauyres ; mais, s'il n y avait point de luxe, il n'y aurait point de phypauvres. - Tout est source de mal au-dessus du ncessaire sique. Multiplier ses besoins, c'est mettre son ure dans une plus grande dpenclance. r Aprs des prmisses si rigoureuses, ses conclusions ne sont pourtant nulletnenf d'un enthousiaste ni d'un utopiste. < n'aut-il r'duire aujourd'hui les homtnes au sirnple ncesne saire? - Pas plus que brtler les bibllrthques. - Nous ferions que replonger I'Europe dans la barbarie, et les murs n'y gagneraient rien... [n vain vous ramneriez les hommes cette premire galit conservatrice de I'innocence et source de toute vertu : leurs curs une fois gts le seront toujours. Il n'y
a plus de remd t , , rnoitts d,e qwelqwe grande ruolu,ti'on, presqwe aussi , arahd,re tue le rnal, qw'elle ytowrrait gwri,r, et qw'il, est bl, mable d,e dsirer sciences

et irnqtossible d,e pruo,r. - Laissons donc les et les arts adoucir, en quelque sorte, la frocit des

hommes qu'ils ont corrornpus. D 0n renrarque enfin, dans unc de ses rpliques, un axiome auqucl il donnera plus tard un immense dveloppement. Avant que ces mots affreux < L'hontnte est natwrell,ement bort,. de tien, et de rnien fussent invents, avant qu'il y ct des matres et des esclaves, avant qu il y et des hommes assez abominables pour oser avoir du superflu pendant que d'autres hommes meurent de en quoi pouvaient consister ccs vices , ces crimes qu'on faim, reproche avec tant d'etnphase au genre humain | ? u En 1753, I'acadmie de Dijon propose une nouvelle question beaucoup plus brlante que la premire.

Est-el'tre Quellc est I'origine d,e l,'in,galit parmi' l,es hommes? par Ia loi, natu,relle? Rousseau va s'cnfoncer pendant huit jours dans la fort de Saint-Gerrnain, mditant, ravivant les ges couls, retrouvant, par la puissance de son imagination, la fort primitive dans le

utorise

ftdponsa M, Bordes. V. aussi Lettre trt, l'abb Rainal. Letl,re sur ue now,e[[e rdfwlutiotr, roi il,e Poloylne. cornrlie de I{ arcisse, ( 1751 -I7 53.)

l.

Rriponse aw

Lettre d' tr(. Grimm. - etc. - Ptface de la

72

LES

I'}IIILOSOPHES.

[l?531

parc royal dont lcs vieux chnes abritent sa rverie. Il en sort arm de son second Discowrs. Il a frapp d'aborcl sur I'esprit, sur le progrs intellectuel; iI va frappel' maintenant sur la richesse, Sur le progrs matriel, sul l'conomie sociale; il ouvre ntme lc Di,scowrs swr l'In'gnli't par quelque chose de bien plus excessif encore et sernble condamner toute socit. ll dfute par montrer I'homnte pritnitif, le sauvage, plein de force, d'ad.resse, de corage, vivant solitaire, le cur en paix et le corps Cn SAnt, SanS vices ni vertus morales, puisqu'il ne sait ce qLe 'est que devoir et que justice, mais ayant pour aertw netwrelle cette piti inne enYers son setnblable, qu on remarque rnme chez lcs animaux, et qui tait beaucoull plus imprieuse dans l'ral de natwre que dans I'tat de rai'sonneme,tt; I'arnour mme troublait pr:inc sa paix, heureux qu'il tait < d'ignorcr les ravages de I'imagination et les prfrences qui font le ruoral de I'arnour, sentimenl factice n de I'usage de

la socit. p

Il

rpte sur ce sujet, avec une amertume passionne, lcs

tranges principes poss gorntriquement par le calme Buflbn. < En somme, l'tat sauvage c'tait I'imrnobilit de I'espce, sans ducation

' ni progrs, c'est--dire l'tat anirnal. - La vie anirnule, avait-il dj dit dans sa lettre n'I. Bordes, n'es[ point le pire des tats pour I'homrne : il vaut encore utieux ressembler
utte brebis qu un rnauvais ange. )) L'hornme, cependant, mme dans l'tat animal, tait distingu 2 des anirnaux par deux qualits spci{iques : l libre activit et la perfectillilit. a Il scrait triste pour nous d'tre forcs de couve-

nir que cette facult, plesque illirnite, est la source de tous les Si la nature nous a destins tre malheurs dc I'hotntne. j'ose presquc assurer que l'tat de r{lexion est un tat sains,
I. Dans sa prface, il fonde le droit naturel sur cleux principes antrieurs la raion, I'amour de soi ei la synrpathie pour Ie sernblable. Le droit naturel s'tend, daus
une certeine nresuret aux animaux, comme tenaut en quelquc chose notre naiure par la serrsibilit dont ils sont dous. 2. L'lurmrne qrri vivrait de la vie animale n'aurait, cette libert que vittuellement et n'en aurait pas la conscience rflchie : il n'aurait en fait que la spontanit et non la libert uorale , n'ayant pas d'ides gnrales auxquelles lilpporter re*
actioDs.

DtscouRs sun L'lNcrr ltru. ?B contrc nalule, et que I'houune qui mdite est un animal dplav. - Le premier qui se fit des habits ou un logement se donna en cela dcs choses peu ncessaires, puisqu'il s'en tait pass jusqu'alors. - En devenant sociahle et esclave, I'homme devient faible, mchant, craintif, rampant. > Partant de cette ide : que les communications entre les hommes n'taient pas ncessQ,i,res, et que la perfectibilit avait besoin, pour se dvelopper, du concours ft-rrtuit de plusieurs causes trangres qui pouvaient ne janais natre, il juge insolulrle le problme de I'origine des langues. < Aprs avoir prouv que I'ingalit est peine sensible dans l'tat de nature, il me resle montrer son origine et ses progrs dans les dveloppements successifs de I'esprit humain. Il me reste considrer les diffrents hasards qui ont pu perfectionner la raison humaine en dtriorant I'espce , et, d'un terme si loign, amener enlin I'homme e[ le monde au point ou nous
lr? 53
)

les voyons. > tette histoire conjecturale de la civilisation et de I'ingalit est I'objet de la seconde partie du Discours. < Le prcmier gui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est , moi, et trouva des gens assez sirnples pour le crire, fut le vrai fondateur de la socit civile. Quc de criures, que de misres, n'efrt point pargns au gcnre hurnain celui qui, arrachant les pieux et comblant le foss, et cri ses sernblables ; Gardez-vous d'couter cet irnposteur : vous tes lierdus si vous ouhliez que les fruits sont tous, et gue la ten'e n'est personnc'. > Cette farneuse phrase contre Ia proprit a bien des fois retenti dans les luttes redoutables o se sont dbattus, de nos jours, les problmes fondamentaux de I'association hurnainc. II sut'fit de renarquer ici que le sentirnent qui l'a tlicte, tant un regret rtrospectif de I'indpendance sauyage, n'a rien de cornmun avec
Comparer avec Pascal; dit. cle M. E. Havet, lB52i p. Lrrr, 94.- Boileau, xt, vers 143-17.3. Fnelon, utopie de la Btique, Ttilrnaq,te, l. YII. Diderot, contre le ti,en etle mien; Encyclopd,ie, art. Bacchoriles. Qui- Cervantes, dorL chotte I discours de clon Quichotte aux chevriers, trarl. de nI. L. Yiardot. Id. de M. Futne, tB5B. C'est Cervantes qui ouvre la marche.
Salr're

l.

l+

LBS PHTLOSOPHBS.

Ir 753]

les thories qui attaquent la proprit au point cle vue d'une


colnrnunaut organ ise. Rousseau, au mornent o il vient de l'crire, avoue qu'alors les choscs en taient trs-prollahlement arrives au point cle ne pou voir plus durer comme elles taient, cette ide de proprit, dernier terme de l'tat de nature, dpendant de beaucoup d'ides et de progrs antrieurs.

Il passe donc en revue ces progrs et dcrit la transition cle l'tat sauvage l'tat des peuplcs barbares; la fami[e, puis la tribu formcs; I'amour, la jalousie, I'arnour-propre ou ide cle la considration et de la distinction, avec ses consquences, la civilit, le point d'honneur, transformant les hommes levs au sens moral par Ia multiplication de leurs rapports. Il commence corrigcr un peu les excs de sa thse : ce n'est plus la vie animale, c'cst la vie de tribu, c'est Ia vie des chasseurs et dcs pasteurs qui a t la vraie jeunesse du rnonde, l'poque la plus
heureuse et la plus durable, malgr les cruauts et les yengcances qui I'entachaient et qui avaient affaihli dj la syrnpathie pour le

semlrlable,la uertw naturelle du sauvage. Il approuve maintenant les premircs industries, celles qui ne dernandaient que la main d'un'seul hommc ou d'une seule famille. < Les hommes vivaient

alors libres, sains, bons et heureux, autant qu'ils pouvaicnt l'tre par leur naturc. > Le mal comlnence ds qu'un horrrnre fait travailler pour lui d'autrcs homrnes en se chargeant de leur subsistance. < L'galit disparat; la proprii s'introduit; I'esclavage et la misre germent et croissent avcc les moissons- La mtallurgie et I'agriculture furent les deux arts dont I'invention produisit celte grande rvolution... Ce sont le fer et le bl qui ont civilis les hommes et perdu le genre humain. r La culture arnne le partage des terres : de la main-d'uvre nait la proprit; la proprit, son tour, amne les premires Iois. L'ingalit croissait, mais aussi les ractions des pauvres contre les usurpations des riches; Ie droit du plus fort disputait incessamment la terre au droit du prenrier occupant. Les riches, dans leur intrt et sous le prtexte de I'intrt cle tous, proposent et font accepter l'tablissement de rglenrents de justice et cle paix. < Telle fut ou dut tre l'origine rle la socit ef rles lois, qui

{r 7531

DTSCOUIIS SUR

L'INGALII.

75

dtruisirent sans retour la Ltbert naturelle (c'est--dire I'indpendance) et Ixrcnt pour jarnais la loi de Ia proprit et de I'inga-

lit. I

loi de nature n'a plus lieu qu'entre les diverses socits qui partagent le genre hurnain et qui luttent entre elles comme se faisaient auparavant les individus. Des lois prirnitives, iI passe la formation des gouvernements chargs cle uraintenir ces lois. II nie, comme l'Iontesquieu, que la socit ait cornrnenc par le goulernement absolu et tlue ce gouvernemcnt et la socit mtne drivent de I'autorit paternelle, le fils adulte tant naturclletnent l'gal de son pre et ne lui devant que du respect et non de I'obissance. Le pouvoir arbitraire n'est pas le comlnencement, mais la corruption, le terme extrme dcs gouvernements; au reste, la date ici n'irnporte pas; Ie pouvoir arbitraire tant, par sa natut'e, illgittnze, n'aurait pu, en uctln cas, servir de fondement aux droits de Ia socitb, ni par consquent servir rendre stable et lgitirne I'ingalit d'institution. 0n voit c1ue, tout en regrettant I'tablissernent de I'ordre social, il n'en nie point la ltgitimtt,, ane fois tabli : ceci est essentiel
La constater. Si le pouvoir arbitraire est illgitime, plus forte raison I'esclavage. s La libert (personnelle) cst un don que nous tenons de

la nature en ralit d'hommes; les parents n'ont aucun droit d'aliner celle de leurs enfants un despote, un rnaltre. Les jurisconsultes qui ont gravement ltrononc que I'enfant d'ttn esclave naltrait esclave, ont dcid, en d'autres termes, qu'un
homrne ne naitrait pas homme. > Des diverses formes de gouvernement, la dmocratie est la mcilleure, parce qu'elle cst la moins loigne de la nature; toutes les magistratures, dans les divers gouvernelnents, sont d'abord lectives, puis, Ies dissensions amenes par les lections amnent le peuple permettre aux chefs de se rendre hrditaires; puis

les chefs hrditaires transforment leur oflice en un bien de famille, en une proprit. L'ingalit a donc trois degrs principaux : l" tablisscment de la loi et de la proprit lgale; 2o institution de la rnagistrature; 3o changement du pouvoir lgitime en arbitraire, appuy sur les artnes pertuanentes et mercenaires.

LES PHITOSOPTIBS.
..

[,r753]

A ce dernier terme de I'ingalit, le cerclc se referme : on retrouve l'galit dans le nant; les notions du bien et du juste s'vanouissent derechef; on revienf la loi du.plus fort et un nouvel tat de nature, Qui est le fruit d'un excs de corruption. La force maintient le despote, la force le renverse... jusqu' cc que de nouvelles rvolutions dissolvent tout fait le gouvernerrrent, ou le rapprochent de I'institution lgitime. n Aprs les ingalits politiques, il analyse les ingalits civiles et conclut que la richesse est la dernire des distinctions entrc les hornmes, < laquelle toutes lcs autres serduisent la fin; observation qui peut faire juger de la rnesure dont chaque peuple s'cst loign de son institution primitive, et du chemin qu'il a fait vers le terme extrme de la corruption. > En rsurn, < un espace immense spare l'tat naturel de l'tat civil; l'me et les passions humaines s'altrent insensiblernent
dans ce long passage. L'homme originel s'vanouissant par clegrs, la socit n'offre plus qu'un assernblage d'hommes artiliciels et

de passions flactices, gui sont I'ouvrage de toutes ces nouvelles relations, et qui n'ont aucun vrai fondement dans h nature. L'homme sauvage vit en lui-rnrne; I'homrne sociable ne sait vivre que dans I'opinion des autres. >

comme dans le Discours contre les science.s, il est moins absolu, toutefois, qu'on ne pourrait s'y attcndre, dans scs conclusions. Il parait admettre implicitemcnt que le droit civil n'est pas toujours et ncessairement oppos au droit naturel. Il reconnat que la justice clistributive veut que les citoyens soient distingus proportion de leurs services. L'ingalit sociale est contraire, suivant

lui, au droit naturel, lorsqu'elle ne concourt pas en rnme proportion avec I'ingalit naturclle. < Il est nranifesternent contre la Ioi de nature qu'un enfant comnrande un vieillartl, qu'un irnbcile conduise un homme sage, et qu'une poigne cle gens regorgent de superlluits tandis que la multitude affarnc manque clu
ncessaire.
n

si excessif au dbut, il semble donc se rcluire finalement condamner, clans I'ordre politique, les fonctions ct les chstinctions hrclitaires, ct, dans I'orclre civil, l'excessive ingalit des
fortunes.

t?53j

DISCOUITS sUR

L'INGALIT.

77

dans Rousseau le sentirnent inspirateur d'avec qui est le mme dans lcs deux Discowrs sous deux le tlrrne positif, aspects diffrents; mais ce n'est point assez. Ce thme

Il faut distinguer

si para-

doxal, si offensant, non pas seulement pour notre orgueil, rnais pour nos aspirations les plus lgitimes, si durement ngatif de ce grand dogme du progrs, qui est le foud mme de I'esprit moderne, on ne doit por'tant pas le traiter Ia lgre. Dans la dcadence des socits, il existe une tendance ncessaire du gnie remonter allx sources de la vie, treindre , comtne I'Ante cle la Fable, le sein de la terre nourricire, de la II[re Nature, pour raviver son contact une force puise. Le grand historien latin oppose les Murs des Germaens, des barbares, en exemple Rome corrompue; les philosophes et les potes grecs et rornains retournent plus loin, l'ge d'or, l'tat d'innocence. Les anathrnes contre la civilisation revendiquent une origine plus haute encore et plus rnystrieuse. Dans les symboles de Ia Gense sont identifis la prernire chute et le premier progrs : I'lrornme perd son innoccnce et son bonheur pour avoir goirt du fruit de I'arbre de science et ntlglig le fruit de I'arbre de vie. Par un contlaste que signale Rousseau ', tandis que les Grecs diviniscnt I'inventeur de I'agriculture et le chantre inspir qui fonde les villes par I'harmonie, 'Iose, arrachant son peuple du milieu de la srvante gypte, rnontre, dans le pasteur Abel, le bien-aim du Seigneur et, dans le maudit Can, tout la fois Ie pretnier

homicide, le premier agriculteur et

le prernier fondateur des

cits 2. L'horr1r0, oscillant de raction en raction, n'a jarnais etnbrass simultannent jusqu'ici les faces opposes de I'universelle vrit. Rousseau

suit la loi commune. Il proteste contre tout progrs, parce gue le progrs intellectuel, spar du progrs rnoral 3,,
iles Languet, au contraile, reprsente I'acte de semer de fortsgrans swr laterrcbten Djemchiclr. 1,rpare comme I'octe le pluspwr de lq loi e Dieu. Vendidod, fiugard III. tre ddf richeur, est bni d'Ormuzd. Ibitl. , fargaril II' 3. Il y a ici quelque rserve faire. Le progrs moral n'avait pas suivi le progrs des connaissances : la socit avait recul moralemeut certains gards; mais elle ayait ayanc sous d'autres; I'erpausiou tlu sentinrent d'humanit tait un incotrtestable bienfait de la philosophie.

1. Dans un autre livre, I'Essaf sur l'orginc

2. Zoroastre,

I,ES PHITOSOPHES.

[,r

?53]

oulrliant son point de dpart et les bases imrnuables des choses, est arriv mconnaitre sa propre raison d'tre; que I'homnte, en{in, s'est spar de la Nature et de Dieu.

Avertissement prophtique, cri d'angoisse de I'me, qui ne pouvait se transformer en thse rationnelle sans se heurter I'impossible! Condamncr tout progrs,chez un tre perfectible, c'tait vouloir que le Crateur etrt fait une uvle vaine; c'tait s'obliger remonter au del de l'tat de tribu, auquel Rousseau tait entrain par son irnagination et qui est dj le rsultat d'une

intnit de progrs, jusqu' un tat priniitif et absolu. Rousseau


pousse donc rsolrnent jusqu' I'anirnalit

I mais,

1, sa raison

lui rnontre les diffrences essentielles entre I'homme et I'anintal, qui ont fait que cet tat n'a pu durcr, n'a peut-tre iamoi,s enist, cotnme iI I'avoue dans sa prface. Ce qu'il ne voit pas, c'est que I'homme-animal, s'it a exist, a d tre la plus misrable des cratures, prcisment parce qu'ii tait la seule perfcctible. La
Nature mme, en lle vtissant pas I'homme et en le rendant moins fort, moins agile, moins arm quc les grands animaux de proie, le forait provitlentiellement sortir de la Nature et dvelopper ses facuitS endormies. Le chasseur sauvage, tel que nous le con-

naissons, dj

fort loign de cctte condition primitive,

mne

encore une existence lricn prcaire, et Rousseau Se fait d'tranges illusions, encore partages par bcaucoup de ses coutemporains'

sur la procligieuse population des sauYages ct des lrarbares, population, au contraire, infinirnent moindle quc celle des socits civilises, par la raison toute sirnple que les subsistances sont chez elle infinirncnt plus rarcs et moins assures, Il serait inutile d'insister sur dcs erreurs historiques ou des abus de logique que Rou:iseau a rpars ou amoindris singulircrnent dans ses ouYragcs lrostricurs, si la gucrre qu'il avait faite la civilisation, aux scienccs ct aux lettres, aux lgances de I'esprit et des mttrs, intcrpr'te par des natures violentes et grosiiOt** ou par cles intelligcnces fausses, n'efit pu fournir un jour des prtextes la barbaric, prte sortir de I'cxcs ruute de la civilisation et de I'i1galitri. Lcs crivains ne saYaient point clltore (et c'est I'excuse de bien dcs trnl'its) quelle puissance et quelle responsabilit emporte la parole, et que le ternps approchait ot)

[t

7531

DTSCOLTRS

SUR

L'INGALIT.

?9

juges de Lavoisier ! De mme quant cette condamnation du ticn et du nr.r.en, qui n'est chez lui qu'un vague regret cL'utopie rtrospective. Le mie, est la consquence du moi : la proprit sort logiquernent de la personnalit. Le mal moral est n avcc la proprit et Ia socit : rien de plus vident; il n'y aurait pas de mai moral si I'homrne n'avait pas de relations avec autrui ni de conn;rissance de soi, et si, par consquent, il n'y avait point cle moralil dans les actiors humaines : le mal est n avec le bicn. Ds gu'un homme a eu donrpt ou dpouill un animar, un autre hornrnc n'a pu lui enlever sa conqute sans injustice, et le droit de proprit a t raIis, droit qu'il ne faut pas confondre avec la proprit lgale ou
reconnu,e) comme

tout vere allait se faire acte. Oui sait si telle proposition sirr I'inutilit des sciences n'a pu servir d'argument ou d'cxcuse aux

dit

Rousseau. Rousscau nc fait pas

tinctions qu'il faut fai.e cntre le clroit ou la loi qui drive de la nature des choses et la loi conventionnelle, ni entre le droit cle proprit en gnral et la proprit foncire, application particu_ lire du principe de proprit qui n'a eu lieu, communment, que par institution sociale. La proprit mobilire est antrieure la socit et contenrporaine de I'humanit mrne : la proprit foncire, base de nos socits occidentales acttrelles, a son origine dans lcs ges historiques. Rousseau dit : r,a terre n,est it, personnel il fallait dire : La terre est au genre humain. Ds les prerniers ges de I'histoire, les tribus, les nations, ont courmenc se partager ce commun domaine; bien des sicles aprs, les clomaincs des nations les plus avanccs cn civilisation ont t partags leul tour entre les individus. L'appropriation du sol n* ronriito, pas un droit absolu et sans conditions : la prernire rles conditions est la culture; un peuplc nornadc ct qui ne cultivc pas n'acquiert point dc droit rel sur la terre; la seconde conclition, llour les nations assises sur le sol, est de reconnatre, en quelque srte, la suprruatie du genre humain par le respect des lois clc I'hunianit et du droit desgens.0n doit i'tlanger. Ie libre liassage,la libre rsidence, le librc clrange, sauf les rserves qu'exige la sret clc i'Etat. De mmc. que la nation qui occulre une rgion de la tcrre a cles devoirs envel's le genre liunrain, ies part,icuticrs,

ici les dis-

LES P}I ILOSOI-,I,IUS.

?531

plopritaires, ont des devoirs en\rers la nation et envers les nonpropritaires : ils doivent Ia nation, garante de Ieurs proprits, une part de leur revenu, et, leurs concitoyens nou-propritaircs, des moyens de travail et d'existence qui rendent indirecteurcnt ces dshrits une part du commun hritage. Ce n'est pas le lieu de toucher une autre question souleve par Rousseau, celle de I'origine du pacte social : sr solution n'tait pas srieuse; il reprendra bientt ie problme avec plus de cahne et de profondeur. Il y a encore une rserve faire relativement aux attaques de Rousseau contre les philosophes ses contemporains' : non-seulerncnt, tout en frappant justernent leurs doctrines, il est injuste enyers leur caractre et leurs intentions, mais il les voit cause l oir ils ne sont qu'eflet; Ia philosophie scelttique ou matr'ialiste tait Ia lille et non la mre de l'goisrne licencieux et de I'incrtlulit, issus eux-rnmes du bigotisme et de I'hypocrisie. 0n a pu reprocher Rousseau des exagrations de langage comrne d'idcs : son style, si plein et si fort, rsonnant d'une mle lrarmonie qui donne la prose franaise un rlrythme et un nonrbrc inconnus, et dont I'accent rappelle ce qu'on raconte du rnode dorien de scs chers Spartiates, ce style sans rival, rttais non pas toujours gal lui-mnte, cst liarfois tendu jusqu' la rr-rideur, ernport jusqu' la dclamation, ou entach d'entphase par I'abus de I'apostrophe et de I'interjection. L'admission un lleu tardive dans cc rnonde parisicn , {ui tait I'unique et ucessairc cole du bon got; la difficult naturelle qu'il avait au travail , car , cn tout I'oppos de Voltaire, il n'arrivait qu'avec effolt t I'explession de sa surabondante pense; le dsir de frapper fort tout prix, t la manire des prdicateurs, pour rnouvoir les ttes durcs et les mes molles de ses contcmporaius, en{in, et surtout peut-tre, I'influence et I'exemple de Diderot, durent tre les causes trs-diverses qui le firent trop souvent forcer son style, en nrme temps que dpasser son sentitnent vrai. On aperoit airrsi eornrnent le plus passionn de cur, le plus sincremelt inspir entre lcs crivains du xvIIIe sicle, & Po corttribuer, avec Didcrot,

l.

Et

ses

streurs historiques au prjuclice tles philosol,rhes ancieus,

U753-175I
tral, de passion

T,ISCOLItS SUI" L'INGALIT.


de tte et

84

rhtorique dclamatoire, d'effet thfroid, qui ne tardrent pas pntrer dans les lettres franaises et parodier, pour ainsi dire, I'atlmiral,le et nouvelle expression que Rousseau lui-mme avait donne tous les sentiments nergiques et profonds de notre me. Bien des qualits charmantes de I'esprit franais, celles que rsume voltaire, manquaient t Jean-Jacques; mais elles taient compenses par d'autres gualits d'un ordre suprieur; des dfauts contraires notre gnie national, peu sensihles ou glorieusenrent rachets chez le maitre, dclbordrent chez les lves t. Ces dfauts, chose plus grave , devaient, apr's la littraturc ,

enfanter les habitudes de

envahir la vie relle, la vie politique qui allait clore en France, on cn vit lcs consquences dans la Rvolution. Quand I'exaltation
et I'enthrusiasme deviennent des fonnes convenues et habituelles, oir ni les auditeurs ni I'actcur politique ltrirnrne ne savent plus distingucr le sentirnent rel d'avec I'hyperbole de conyention, ni renlrer dans I'un en se dgageant cle fautre. Il en est alors de la'vertu civique comme autrefois de I'arnour chevaleresque. Le froid du doute yous ressaisit au cur : vous chancelez sur le pidestal gigantesque o yous yous tes imprudeuunent hiss; I'esprit critique, relevant sa tte railleuse, vous appelle au fond de I'ahrne, et vous retornbez d'une chute eli.oyaItle aux bras tlu scepticisme et du nant. Nous ne poursuivons si rigoureuseurent les traces et les chos de Rousscau qu' c.use de I'immense porte de ses paroles : nous aurons bientt d'ailleurs reconnaltre quel point la balance du bien et du mal lrenche en sa faveur, dans le jugcrnent porter sur son influence. Xloins par ses propositions tbrmelles que par son accent, cet hornme , ds qu'il a ouvert la bouche, a rarnen le srieux dans le mclnde et rappel en luimme I'honrrne dispers dans les choses extrieures. Il ne s'agit ptus l de jeux rl'es* prits forts ni de maximes de vague bienveillauce et de tolrance inclilfrente pour le vice currle pour la vertu. Le Connais-toi tointme de Socrate et de Descartcs retentit de nouveau. Pour retrou-

il arrive un moment

1. Pas chcz tous r de grancls crivains ont nraintenu la belle tradition de Rousseau, depuis Bernarclin de Saint-I'ien'e et madame de Stal jusqu' la gcinratir.rn actuelle.

82

LES PII I LOSO

t'TI E S

[,r.?551

uer l;lomme , ce| autre Diogne, inspir d'une plus pure idalit que I'ancien, fouillera jusque dans les delnires profondeurs et soulvera les mon tagnes. Le Discou,rs sur I'In,gnlit, pulrli seulement en 1755, n'avait pas eu le mrne retentisserncn[ que son devancier. L'clat, le succs de scandale, s'tait fait sur le Disrcwrs contre les saiences.

L'lonnement dissip,

il et fallu maiutenant mclditcr, juger fond: c'tait trop fort pour le pulrlic. L'acadmie de Dijon eut peur de sa prop!:e audace et n'osa couronner I'auleur potrr la seconde fois : le pouvoir, cependant , ne prit pas trop garde aux harcliesses clc Rousseau, qui avait irnprirn son livrc en lTollande, et se tint pour satisfait de quclques rserves sur I'autorit de la Gense et sur la sanction divine accorde aux puissanccs. Les philosophes, moins mlltraits que tlans le premicr Discours, se partagrent : Diderot applaudit; Yoltaire garda clcs ninagcrncnts , mais fut effray et irrit. I[ avait accueilli I'attaque arrx sciences, comnre un paradoxe original, par une plaisantcrie inoffcnsive (Timan); rnais, cette fois, il fut bien oblig de prendre au srieux cette gnerre syslmatique I'adoucissernent tles nrurs, au progrs du lricn-tre, tout ce qui faisait pour lui le channe tle la vie. Il prit en aversion ce barbure loquent. Il n'tait pas firit pour juger quitablernent de tclles cltoscs : il voyait tr's-bien les exagrations et les erreurs de la sut'face, et ne se clonnait pas la lteine de rcgardcr au fond t. L'opposition fut ds lors clcide cntre eux. Rousscau se dessinait de plus etr plus. Ds la publication de son premier ,crit, il avait rsolu d'offrir la rneillcure prcuve de sa sincrit et de soutenir sa parole par son cxeurplc. Il avait vcu jusqu'alors selon le sentiurcnt sans rglc; il vcut vivle dsorlnais sclon la vcrtn et dans la plus grarrde sinrplicit quc puisse

comportcr I'tat social.

Il examinc

quels sont ses devoirs.

Il

consicll'c son uttion avec

l. Dans une rponse Charles Bonnet, qui I'avait attaqu sous Ie uom ile Pilop,lis, Rotrsseau venait ceperrdant de faire une glande corression. Il avait reconnu
(( l't:rt de soeit dcoule de la ntture du genre hunrain, I'aitle rle circonstances extrieures qui pouvaierrt tre ou rr'tre ps, ou, rJu moins, arrioer plus trit ou 1tlu,+ larJ.... L'tat de socit ayarrt un tentre exti'nre auquel les honrmes sont les nratres d'arriver plus ti ou plus tard, il n'est pas inutilc de lnuu nrorrtrer le tlariger d'aller

qur,

si vite. "

par ses chutes rnrnes, ra lgitimita o* Ia raction gu,il prcrrait au nom rdu sentirnen[cont'c'abus

donc les envoyer r'hpitar et s,tour.dit en se persuaclant gu,il agit comrne ( un mernrrre de ra Rpurrrique cre Flaton. r L,e repentir vint, cornme l'attcsten[ liien des passages touchants de la correspottd,ance et cle |Entile, et le cur, trup tard cout, rfuta res
soptrismcs cre resprit r. Rousseao uunit prouv,

DE IOUSSEAU. 83 con*le un vritable nrar,iage; mais, hlas! ds les premiers pas dans cette nouveile route, Ie raisonnement r,gare aufant qu'auparavant l'irnitation irrflcrde. oou roire des enfants naltre ? It est pauvre, forc au trayail; il se croit menac d,une mort prrnature; il ne lieut les rever iui-rnme : sa femme en est incapable; la mre de sa fet des aventu.ir., er rles,n*ouiJTT,'.t#iff L:T-,:#,j;lXi adopte pour e' faire des ouvr.iers ou des paysans. _ Il continue
Thrse

[I?53-I75] VIE I'RIVU

Il efit pu' cependant, sortir de cette pauvret qui Ie jetait clans de si


dplorables cxtr.niits
pren clre l,u

cru'aisonner,cnt.
:

u. caissie,..'

cs'

mtier'; crire pour vivre ct e toufr' I'inclpen,ronr. de son gnie; il Iui lallait, l)our tre rui-rnrne er pour tre utile, se crgager de tout intrr, tie rour_rresoin tle prair', et ;

irincipes taient rou, Ia tyrannie fiscale Il renona son emploi, comme toute chance de fo'tu'c. Il ne voLrlait pas non plus se l.aire un garnepain de sa pru're : crire tait pour rui un sace.doce et uo' un qui opprirnait Ia n'rance.

aux obligations rnatr'ielres, aur ariaircs, quu incornlratirrres .vec lc nrlier rre pubricar,r,-

Iade. son naturcr tait eussi antipailrque

.rro

yuli,;i:,,i::t;tilj:
or* soin,

*,

rguliers,

Il se fit t'opistc.,e-rnusiquo,

s'nne rlue d*

mme ge, vcrs qua_ rante ans. c'est le prus ruouvant contraste qu,on puisse v'ir cluc cclui dc ces'eux iigures, admirabres toutes deux, I,une de

adopia ce siurpre costume sous lequer l,a reprsent Dclatour- Le grand port'aitiste du xr'r sicle a peint tour tour voltaire et Rousseau peu pr.s au

le luxe, rluc le uroncre ir'posait urrne l,inrrigence ,e l,artiste et de l'crivain, et gu'ir

pou1.1iur* ,on, ctqrenore rrc perpublic. ce fut alors qu'il quitta t'efe], Ia crorure,

;-;;i.nd,.,

cru suc_

*."r.nt1..",T,::i"lij_j.,i_50

r?55; puis il rsorut de ne prus s,expo-

'ayon-

tt?52-l?541 LES PIIILOSOP}IES. grce charrnante et nement extr'icur, d,e verve tincelante, de moqueuse;l,autre,debeautrecueillie,dedouceurnlanco.

Iique et de flamme intrieure'


entendait mettre don, sa vie.

alta abjurer Genve, clans ['ge au sortir de I'enmrlr, la religion romaine qu'il avait embrasse Nous verrons bientt furr.e, et reprit le culte deia patrie (1754). concitier la philosophie aver ce qu'il regarcomment il entenclait dait comme le fond du christianisme'

[InautreacteplrisSraveattestelaconsciencequeRousseau

Il

genle de succs qui contrasRousseau venait de rernporter un pousse jusqu' une nouvelle, tait avec sa rforme et son austrit et de la dfiance dc rutlesse affecte, qui n'tait que de la tirnidit avec la tnodc, mme soi-rnme. Devenu la mode par sa rupture

iI

du monde pour repoussait presque brutalement les avances cepeudant, fut etfin n,en pas redevenir I'esclare. Iln de ses opras, reltrsent,surcesentrefaites,d.'abordlacour'puislaville Deuhr, de (aL rzrz 1?b3). Les simples etgracieuses nrlodies du 'uiLlaga nortd'un I'occasion furent trs-gotes la cour. te fut il par principes, s'exveau sacrifice : Inoitie par timidit, moiti refusa pas les prsents (espce cusa d,tre prsent au-' roi; il ne de
tlrots rJ',aretr,rs)

qo* recevaient d'ordinaire les auteurs des oupoint d'une yrages reprsents tlevant la cour, mais il ne voulut p*rrriott qui etrt enchain son indpendance' guerre entre la uttton tait alors au comlncncement de cette qu'Avait suscite l'arrivc sique franaise et la rnusique italienne, jLrsqu'aux apirroches de dis Bau,ffes paris, et qui devait .urer Lcs pius recloutables, jusqu' la veille de la Rvolution.

luttes concessionsdeRarrieauauxrnthotlesultramontainesn,ilvaietrt rien d'italien dans Ie pas sufli, et ce rnatre n'ar,ait, d'ailieurs, gnie.Rousseaupritparti'avecdesformesaussitratrclranteset contre les scien'ces, dans sa aussi aSsolues qo* atit*a d* Discor.r,rs Lettreswrlaltwsl,qw,fran,aise(1753):iIprtenditquelal'rance rnlodiedpenclanl.ducaractredelalangue,etlalanguefrann tant que mlodie , la ne pouvait avoir de musique, la musique popuavec toute rnlodie. Nos vieux airs aise tant incompatible bien donnaient laires, Lulli et son cole, et le Deuinlui+n[re ,

rlrrclquesdmerrtiscettethse,{uisorrlevaautantdescandale

1r753-t7551 DBVIN. LBTTRBS SUR

LA IIUSIQUE.

gs

et bicn plus de colres que la thse contre la socit. Des dmentis plus glorieux devaient peu se faire attendre. Grtri et Gluck n'taient pas loin. Le paradoxe de Rousseau n'tait que I'application contestable d'une ide ingnieuse et profonde; aussi vit-on sortir clc ces dbats un trs-beau livre, qui dpassait de bcaucoup la porte de la querelle, assez mal dlinie peut-tre en elle-mme par Jean-Jacquesr, et qui relic les travaux de musique de Jean-Jacques sa plrilosophie : ce fut I',Essai swr r'7r,gi,ne des langues et swr le princi,pe de

la mlodie.

I'esprit de Jean-Jcgues, puisqu'il essayait de rsoudre un problurc qu'il avait nagure jug insoluble. Remontant pour la se_ conde fois jusqu'au berceau de I'hunanit, mais ayec un csprit rnoins irrit et moins 1rrvenu, Jean-Jacques montre I'honrme , ds qu'il a reconnu dans I'homlne un tle qui scnt et qui pense comrne lui, saisi par ]e dsir ou pr lc besoin de lui communi_ quer scs sentiments et ses penses. L'homme invenle d'aborcl les
signes reprsentatifs , Ics gestes qui peignent les objets 2. La langue du geslc efrt pu suffire si nous n'ayions eu que des Jrcsoin, piry_

ce double titre annonait I'idenlit essentielle de la parole et de la mlodie dans la pense de Jean-Jacques : I'ide fondamentale du livre allait plus loin encore; c'tait I'unit prirnitive de la parole, de la posie, de la musique et de I'art plastigue. ce livre annonait aussi les moclilications q'i s'opraient dans

sens propre), chantantes et passionnes, elles runissent tous les arts, toutes les expressions de la vic daus leur principe, I'art plastique dans le geste, la musique dans la parole, [a posie dans I'un
1. Il s'agissait, en effet, surtout, d'un dbat enre la musique d'expressio', de dclamation clramatique, et la musique d'imagination et de libr fantaisie. 2. ' L'inveution de I'art de communiquer nos ides dpend cl'uue facult propre I'h<.rmrne. Les ani[raux ont quelque sorte de langue naturelle, non acqqise et invariable. La langue de convention n'appartient qu' I'homme. Voil poorquoi l,homme fait des progrs, soit en bien, soit en mal, et pourquoi les animaux n,en fult poipt. r - Cornparer avec la Gruntntaire cle Condiltac et avec Bufforr.

sigues. ce n'est ni [a fairn ni la soif, mais I'amour, Ia hain, ia piti, la colre, qui ont arrach aux hommes ]cs premires voix. Les premires langues, celles d'0rient, n'ont rjen de mthcdique ni de raisonn : vives et figures (le sens figur naquit uouni l,

86

LBS PITILOSOPH]1S.

t,l

?53-175l

langucs ne et dans I'autre et en toutes choses. Les prenrires y durent tre furent point arbitraires. < La plupart des raclicaux de I'effet des es sons imitatifs ou de I'acccnt tlcs passions ou intrinsque' valeur une ainsi y ettrcnt objets sensibles. Les rnots taient nature' la de qtti sont Les sons, Iaccent,le nolnbre, (consonncs), trs-varis et laissaient peu faire atrx articulations parler. qui sont cle convention : on chantait donc au lieu de
< A rnesure

qne les besoins croissent, qtte les affirircs s'ctltcle cabrouillent, {u0 les lurnires s'tenclent, le langage change aux ractre: il devient phls juste ctrnoins passionn; il substitue raison' la mais cceur' au plus parlc sentimcnts les ides ; il ne la langue dcPar l mme I'accent s'teint, I'articttlntion s'tend, et vient pltrs exacte, plus claire, mais plus trainante, pltts sourde
plus froide. > L'art d"'crire est le dernier tertne de cette transfortnation' a L'criturc, qui semble dcvoir lxer la langue, est Jrrcisrnent le gnie;elle ce qui I'altre; elle n'en change ps les rnots, tnais sentitnents ses rcttd sultstittre l'exactitude I'exprcssion : I'on r' quand on parle, et ses idcs quand on crit > Il y a donc cu trois priodcs tlans la formation des langues : parle; 3o la langue 1o la langue chante et mime;2o la langue
crite.

Les sur les mmes paroles n'a point d'accent musical dtermin' clans moins au langues de lnurope moclerne sont toutes du plus notr plus que italienne, langue La I'italienne. le mme cas, rnine la la franaise, n'cst point par elle-mtne une langue mtrsicale ; que et musiquc, Ia prte sc une que f difrencc est seulement I'autre ne s'Y Prte Pas- D hutnaine, Si Ia musique n'est que I'accent mrne de la parole dc savoir cst il est clair que Rousseau a raison. Ifais Ia question parole, se sufsi la musique peut tre une langtre distincte de la vcrs la nal'rne de incltennin l'lan fisant elle-rnrne clans

( Toutc langue oir on peut mettre ptusicttrs airs de musique

I. ,. I,es climats
coritlttit'e.

du Nord,

dit.il plus loin, enfantcnt Ia seconrle espce de langues,


au

ccllesquirraissentdesbe;trinsllepremiermo!n'yestlrlus:adrnel.rnoi,nrais parles : les larrgues d'Orieut' didez-ntoi. Nos langues valent mieux crites que

il 753 r7551

ESSAI SUlt LBS

L/IN(iUBS.

b?

tnrc, r'ers I'idrral, vers I'in{ini (symphonie), ou se compltanl, et s'cxpliquant par les intlications clu gesle ct de [a parole dans I'exprcssion dcs sentirnents dtcrnrins (rnusique dramatrque). Lcs grandes crations de I'art musical rpondent affirmativcment. Les alts, y conrpris celui de la parole, n'ont pu se dvelopper qu'cn rompant I'unit prernire de la vie : c'cst l unc conclition de notre ihible et inrparfaite nature, incapahle de rien dvelopper
autrcment qu'cn dcornposant! Ouclle adrnirable pnissance, tou-

tcfois, dans l'crivain qui , du sein dcs socits vicillies, voqne ainsi lc printenrps de I'humanit et, par une facult inconnue de son sicle et du sicle prcdcnt, retrouve le pass lc plus lointain
scs sources, dans [e fonds ternel dc l'rrommc ! Nous revoyons lui les prernires fanrillcs vgtant d'unc cxistcnce purement physique sur ces tcrres luxuriantes de la llaute Asie, o I'homme peut se passer dc I'homme puis, dans res rgions ardentes et arides, la nccssit rapprochant les groupcs pars; I'amour moral, la posie ct les langues naissant aux rcnclez-yous des puits du clsert en nrme temps que la tribu, {trCI la socit; I'homme adolescent, enfiu, prenant possession avec iyresse de lui-mme et de la nature dans cctte vie pastorale oir la tradil,ion univelselle, trarrsmise d'chos en chos jusqu'aux romans et aux pcintures qui la travestissent si trangement, a toujours plac l'gc d'or. c'cst l que Rousseau fixe son idal; il continue de jeter I'anathme aux grandes villes, aux socits compliques; mais il n'en est 1rlus, cornrlle dans le Discowrs swr ingalit, rcgrctlcr qu'on n'en soit pas rest la langue de gestes et condamncr la rflciion, qu'il avouc ncessaire, mmc pour dvelopper le sentiment primitif de sympathie pour le semblable.
avec

La prrtie du livre spciale sur Ia musique renferme des considrations de Ia plus haute esthtique: il rfute victoricusement le matrialisrne qui ne voit dans les cffcts dcs bcaux-arts que Ihranlement physique de nos organes. ( Les objets sensilrlcs tirent leur principal pouvoir des affections de l'me qu,ils nous
reprsentent. n L'Essai sur I'origine des langues rclame une place importante dans I'lristoire de la pcnse de Rousseau : ce beau travail marque,
avec I'article Ecottomie potittrlwe, crit en i75b pour l,Errcycl,oltitlie,

88

LBS PflTLOSOPHES.

?561

Ia transition des deux Discours l'En,te et force

iI se tempre ct s'assied dans son uvre. ne donne point au tertne Eaonomie potit'qwe Ie sens spcial que d'autres lui assignent en ce moment mme; son article est un trait de politique, qui sera dvelopp et complt dans une uvre plus dcisivc sur laquelle nous ne tarderons pas revenir. Nous rcmarquerons seulement que les traces de I'utopie sattuage ont disparu en prsence des guestions prati,ques et positives, et que la loi et la proprit sont ici
Rousseau

gnie de Rousseau ni de sa flamme;

au Cattrat soci'a,I. Le perd de sa fougue sans rien perdre de sa

pleinement acceptes.
Sn mme temps, Rousseau donne une sanction nouvclle et dfinitive sa rforile personnelle, en quittant cette socit parisienne hors de laquelle il semblait impossible de vivre, ds qu'on en avait got les fhriles dlices. Divers motifs I'avaient dcid : I'extrme difficult de rester fidle ses principes au milieu de Paris, [e peu cle succs qu il avait, de sa personne' dans le monde (trs-aimable dans I'intirnit, loquent dans le monologue ct dans la haute cliscussion, il manquait absolurnent du trait, de I'-propos, de I'esprit de saillie qui donnaicnt la royaut des salons ), enfin, et surtout, Son profond amour des champs et de la nature. Il avait er un moment la pense de retourner dans sa patrie : il

y relon1, en partie parce qu'il se croyait plus libre d'crire I'Lranger que sous la main des patriciens genevois, en partie parce qu'il voyait Voltaire s'tablir en ce monrent mrne Genve et

qu'il pressentait son impuissance I'cmpr:her d'y intro-

duire les murs de Paris. Une anrie, madatue d'pinai, lui offrit une retraite quclques lieues de Paris, dans un parc voisin de Ia fort de Montmorenci (avril 1756). C'tait cet Ermitage oil
avait contpt trottver cur.

la paix et qu'illustrrent les orages

de son

Les vastcs travaux dans lesquels il s'tait plong, les grands ouvrages philosophigues et politiques simultanttlent ltoursuivis, ne suffirent point pour absorller son ute. Uue uouvelle rnodification morale s'opra chez lui. L'ivresse de vertu, allume dans sa tte, avait pass dans son cur, et il nc dcvait jamais se drnentir quant la simplicit des murs et au nrpris des vanits mon-

It756-t

7571

NOUYETLD IIUIOISE..

daines; mais le rude stoicisrnr: qu'il s'tait irnpos tait trop contraire sa nature ardente et tendrc; il lui restait encore trop de jeunesse pour soutcnir cet effort jusqu'au bout. La vie de Paris I'avait fortifi en l'irritant, la vie des champs I'attendrit. Il sentit alors le vide profond d'un cur que I'inepte Thrse ne pouvait rcurplir : la puissance de passion, les exquises facults de sentirnent qu'il avait reues de la nature se tournaient contre lui pour
son tourment ;

il plcura sur lui-mme,

ne porLvtnt se consoler de

n'avoir pas aim vr'itablement une seule fois, de vieillir sans avoir t jeune et de mourir sans avoir vcu. La Nowuella Hl,oise sortit de cette crise de tendresse, cornme les deux Di,scowrs taient sortis de la crise d'hrosme qu'il avait eue
sept ans auparavant. Ses uyres ne furent jarnais autre chose que I'expansion de sa vie intrieure. Pour donner le change ses douleurs, il avait appel I'imagination son aide; il s'tait enr.ironn de crations idales qu'il ne songeait point d'allord faire descendre sur la terre. Peu pcu ces doux fantmes prirent corps et action; il saisit la plumc, il crivit peu prs sans plan les deux prcmircs parties de son roman; puis la honte de drnentir ses maxines svres lui {it cherclrer un but moral: de I les dernires parties, ou le rgne du devoir aprs Ie rgne de la passion. L'on comprend qu'une Guvre ainsi compose n'ait pas I'unit de conception et d'excution , Ie dveloppement savant et logique, I'irrprochable ordonuance d'une Clarisse, et qu'clle n'en ait pas davantage la varit, la proprit des caractres; qu'clle ne soit pas, cmme l'pope bourgeoise de Richardson, lc miroir universel de la socit : une uvre seurJ:lable n'est le rniroir que de son auteur. Ln acteur qui serait ernport par son motion, au lieu de la domincr, ct qui s'identificrait tout entier ayec une seule passion et un scul caroctre, ne scrait pas un acteur: il nc seraif quun personnage; il est vrai que ce personnage pourrait tre suhlime. Tel est Rousscau, surtout dans les premires parties : incapable des qualits dramatiques qui font que I'on s'ideutifie successivemcnt avec toutes les varits de la nature humaine, il est sans gal dans ce long ttc--tte avec lui-nrrne, lfalgr quelque empreinte dcs dfauts qu'on lui a reprochs, une foule de lettres de sa Jwlie sant des chcfs d'ruvre d'loquencc, cle 1-rassion

Lrls pUILOSOpIIES.

il 756-l?571

et cle profondcurr, et les dernires parties sont signaies pal'une puret rnorale, une sSeSSe de Yues et une lvation religieuse, bien nouvelles pour la I'rance du xvttt" sicle. Si fuellcs que soient la plupart des portions du livre, I'ensemlrle, le nud, est iRcceptable. Rousscau n'a pas russi rclier les deux moitis de son uYre. I{anmoins, le rle de Wolnrar, qui

fait le nud et que le sentiment et la raisou

repoussent gale-

ment, offre un grand intrt en dchors de I'action du livre. Rousseau, qui attaquait nagure les philosophes incrdules avec tant d.'amertume , fait ici un appel la tolrancc et la conciliation, lorsqu'il peint, en face de philosophes religieux, le sccptique ou mrne I'athe honnte homme, satlYant par une hcureuse inconsquence la morale pratique du naufrage dc I'idal. La conclusion est : Supp ortez-uows les uns les autres. On ne I'aCcepta d'aucun ct, ct lui-rnme n'y fut point assez fidle. nhlherreusement pour Rousscau, il ne put s'enfermer dans le monde imaginaire qu'il avait cr. Au milieu de ses rves, < ivre d'amour sans objctr r) url objet rcl lui apparut et devint le but de scs vagucs trnsports. Il ne s'tait pas trornp dans son choix. nladame d'Houdctot se montre, dans tout ce que nous SYons d'elle, la plus sincre, la meilleure et la plushmnte entre les fcmmes du monrle o elle vivait. il I'avait connue ou apprcie trop tard : elle tait cngagc, et ces natut'es-l ne s'enggent qu'une fois et pour la vie ; c'est parce qtt'elle tait digne de lui qu'elle ne pouvait tre lui. Rottsscau ne devait jarnais s.voir ee que c'est que I'amottr parlag. Il nc s'arracha aux treintes de cette artlcnte et doulourcuse passion qu'vec le cur dchir et le corps bris par les ractions de l'tne. Des incidents atnens

par son amour comblrent ses chagrins en le brouillant avec madame d'pinai, et, par suite, avcc le groupe encyclopi:diste, la ttc duquel tait son meilleur ami, Didcrot. L'tourderie, i'exagr'ation, I'incliscrtion de Didcrot et la susceptibilit ombragcuse de Rousseau lcndirent les torts, tnais non le malhcur, l. Les leitres de Sailt-Preur sur les n)rpurs et sur les fi:mmes rle Paris, toui f'ait pisoliques, peuvent, tre consi<Ires crimme le cornplment, mais comme un com' plnrent suprieur, des Currsdddra,rons sur les llurs, de l)uc]rls. Rousseau s'y lnontre non point censeur morore, mais observateur nussi quitable gue prttt'ant.

[4.757-r78j LETTIiE SUR LES SPUCTACLBS.


au cul de I'hiver,

9t

rciproques. Lorsquc Ronsseau quitta l' Ermitage, malade, puis, il avait perdu aulour, anriti, tout ce qui donne du prix la vie'. Son gnie lui restait, et les devoirs qu'impose le gnie. II accepta la destine sr're qui lui tait faitc ct se replongea dans ses grandcs uvrcs; puis il s'interrornpit un momcnt pour servir sa patrie dc sa plume. D'Alernbert, aTin d'tre agrable Voltaire, avtrit vivcrncnt engag les Genevois, dans I'ar-ticle Ge,nue de I'nncyclopdie, introcluire parrni eux les jcux du thtre. Rousseau rpondit par la Lettre , d'Alemberl sur lcs sltectaclcs (1758). Il y reprend conlre le thiitre le thrne des jansnistes et de Bossuet, avec le rnure principe: moins sentir, moins vivre, pour rnoins pchcr; avcc le murc excs d'austrit ct avcc les mmes injustices, cn particulicr, contre lUolire. Cependant il ne condarnne pas lcs passions en cllcs-mmes, coutmc faisaient les jan-

snistes: < L'arnour cst louable en soi, dit-it, commc tolrte passion bien rgle; rnais les cxcs cn sont dangereux et invitablcs. > Il nc denrande pas plus la suppression dcs thtres, dans les grancles cits et lcs socits trs-ayances, que la dcstruction des bihliothques; mais il nc vcnt pas qu'on tablisse les jeux scnigucs dans lcs pctitcs villcs et dans lcs pays qui ont conserv des murs sirnples. c Les ftcs et les spcctacles qui conyiennent
l. Le'g monuments de Ia pnssion de llousseau, s& corresponclanee aec marlame d'Houdctot, n'ont pas t dtrrrits, colnme on I'avait cru longtemps. Une gran<le lettre, qui appartient la fin tle cette crise, et qui en retrace en traits de feu les circonstl)ces les plus morrvautes, a t publia, en 1892, dans Ia deuxime rlition ile l'Ilistotre de Jean-Jueques Rousseau ( par }lusset-pathrl' ), t. II, p. 5.15. - c,est " cette lettre qu'est emprurrt le mob sublime des Confessions (1. IX| : Je I'aimais trop " pour vouloir laposstler! " - Un billet, crit drns le proxysme de la passion, a p:rrtr,le l" janier lB,1B, tlans lalliblio.Traphie unbcrsctle, Jourrnl ilu libraire et de l,amw leur de /dures. [nfin, il existe en manuscri une troisime lettre oir Jean-Jaeques, guri, ou du nroins rsign, exprirne les sentirnents les plrrs toucfuants et les plus dsilittlresss, et clonne eclle qu'il avait ainre des conseils d'une granrle dlvaiiol morale. Un grand uombre de lettres de matlarne d'IJoudetot Jean-Jacques srrbsistent galement et Ia prserrtent sous urr jour trs-avantagcux. Ngus r1evons la eontmunication de ccs pr'cieux doculrents ]I. J. liaverrel, qui a prpar depuis Iongternps les rnatriaux d'une nouvelle tlition de Jeau-Jacques, {ition vraiment dfinitive, et dont nous ne saurions trop hter de nos vux la publication. Les lettres de Jean-Jacqucs n'otrt pas t conrpltement publies jusqu'ici, et une foule de celles qui lrri ont t adre.ses, et qui sont toutes indites, offr,errt, uu vif intrt pour I'histoir.e de sa vie et de son poque.

LES PHILOSOPfIES.

[t?60

4.?6r]

aux lreuples libres, dit-il, sont les jeux guerriers et gyrnnastiques, les courses, les exercices de force et d'adresse, lcs bals et les assembles publiques des jeunes gens des deur sexes, aussi convenables que leur mlange intime et habituel est dangereux. > A travers quelques exagrations et quelques paradoxes, il y a dans sa Lette bien des vues saines et fortes. Jwli,e, ou la Nowel,le HIose, termine aprs les malheureuses amours de Rousseau, imprime en Hollande, puis introduite en X'rance sous la protection de M. de Malesherbes, parut enfin dans I'hiver de 1760 1761. Le succs fut immense et ettleva toutes les femmes. Les plus corrompues, les plus artificielles; sentirent

la nature et la vie vritable murmurer au fond de leur cur : q Il n'existe plus ni murs ni vertus en Eurcpe, a dit Rousseau; mais, s'il existe encore quelqu amour pour elles, c'est Paris qu'on doit le chercher. > Le sicle tait touch fond. Le sontiment, cette me de la n'rance, se rveille sous la tyrannie du
scepticisrne et de I'analyse dissolvante. La socit franaise, plus ploye peut-tre par le vice que le reste de I'Europe, mais plus capable d'lan pour se relever, vibre puissamment. Un livre qui erit t dangereux pour une socit innocente et simple produit un branlement salutaire sur une socit vicie : il la fait remonter

it

l,'amou,r, suivant le mot de Jean-Jacques.

Les uvres capitales de Rousseau, cependant, s'taient acheves parmi les agitations de son me : il avait resserr la carrire d'abord si vaste qu'il s'tait trace, n'esprant plus que Ie souffle de l'inspiration prlt se soutenir assez longternps pour tout raliser. II avait renonc des plans bauchs, dtruit des parties d'ouvrages commencs, et s'tait restreint deux livt'es, dont I'un, le Cantrat sacial, n'tait qu'un fragment d'un ensemhle abarrdonn, d'un grand travail sur les institwtions politiqwes ; I'autre ,l'ilmile, n'avait dtr tre d'al:ord qu'un simple mrnoire sur I'ducation, destin une jeune mre qui voulait levtlr son tils elle-mrne: ce sujet, fcond, agrandi par la pcnse de Rousseau, dcvint une vraie thorie morale de la nature humaine, de la forrnation et de Ja vie de I'horntne, une immense analyse des dveloppements de l'tre hurnaitl depuis Ie berceau jusqu'
l'ge mtlrr.

Ii

? 691

,lr r l n.

93

l'ducation.

Rousseau avait t conduit tout naturellement crire sur L'hornme est gt. Comment refaire I'homrne?

S'il y a un moyen, il n'y en a qu'un seul : l'ducation. Toutes les rvolutions qui changeraient la socit sans changer I'individu, l'me, l'tre rel, seraient absolument inutiles. L'me change, tout change. Lducation seule peut atteindre l'me. C'est I'homme vici par le paganisme, c'est l'ne humaine et non pas directernent la socit que l'vangile est venu rformer il y a dix-huit sicles. L'homme est gt de nouveau : il faut que de
nouveau

il se rfclnne. 0u plutt, qu'est-ce que I'homme? Qu'est-ce que I'enfant? Comment lever I'enfant? L'ilmile est la rponse essaye ces deux questions. Il ne s'aqit plus, comrne dans la donne primitive du livren tl'nne mthode pratique et imnrdiatement ralisable : s'agit d'une conception leve la plus haute gnralit, et par consquent place dans un ensernble de conditions peu prs irnpossibles runir en fait. Il s'agit de s'lever jusqu' un idal accompli, qu'on proposera eusuite pour Lrut approxirnatif la pratique. La pltrpart des critiques sur les impossibititi's deI'Enrite sont donc

il

rnal foncles r. Il y a des objections plus lgitimes faire Rousseau. Il ( dbtrte par une rechute dans sotr utopie saLlDage ' - Tout est bien, sortant des mains de I'auteur de la nature; tout dgnre entre les mains de I'honttne... il dnature le sol, les animaus, I'homme mme... il le faut dresser pour lui et le contourner sa modc... sans cela tout irait plus mal encore, dans l'tat otr sont dsormais les choses... n Il a I'air de ne conclure l'clucation que comme un mal ncessaire 2. Il oppose donc encorc ici une nature abstraite et faite pour I'immutabilit cette nature relle et progressive de I'homme qu'il sait pourtant fort bien
l. " Peut-tre les difficults sont-elles insurmontables dans le monde tel qu'il est.,. Je montre le but : je ne dis pts gu'on y puisse arriverl mais celui qui en applochera ,lavantage aura le mieux russi. " \Emilerl. II.l 2. l\.[aclame d'Epinai raconte dans ses Mmoires, si hostiles Rousseau, qu'un joul rl la scandalisa fort, en prtendant que " I'errfant u'tait pas fait pour tre lev, rri les parerrts pour l'lever. rr ("[1*i1 l un de ces accs d'hurneur qui le faisaieut rtrogra,ler parf'ois veis sor). tlebLit.

{f

,i

LES PHILOSOPTIBS.

I ?621
que I'adrnirahle

rlfinir ailleurs r, et clont l'Emile n'est lui-urme


ruise en scne.

Plus loin, il oppose I'une I'autre, non plus unc abstractiorr et une ralit, mais deux ralits, deut ordres d'existence galement ncessaires : I'homme et le citoyen. ( Il faut opter entre faire un hourme ou un citoyen : on ne peut faire la fois I'un

et I'autre. > La raisou de cette antithse, c'est qu'il conc.oit I'homme naturel cornrne absolument indpcndant , I'homrne social conrrnc entirernent dpendant; en sorte c1u'il faut, suivant lui, anantir le prernier pour crcr le second. La patrie, la cit, ne se prsente lui que sous cette fornre an[ic1ue, dans laquellc le citoyen n'existait plus que cornme membre de l'litat. II nB conoit aucune transition naturclle entre l'tat cle naturc et I'tat social, et il nc peut en concevoir, parce que Ia cit,la nation, est, ses ycux, une cration, cntircnrent libre, de la volont humaine, une purc uvre d'art, un pur clntret d'association. Il ne voit pas ce qu'il y a de naturcl et d'instinctif dans le groupement dcs raccs, la part de la Providence dans la fbrmation des nationalits. Il est au ple oppos cetl,c cole fataliste, dite hrlstoriqwe, qui ne voit dans les nations que des espces de vgtations naturclles, soumises des lois de dveloppement
ncessaires.

te n'est pas seulement vis--vis de ses membres, mais vis-vis des autres socits, rluc la putric lui apparait cxclusivement sous la fornre et dans I'esprit antitlucs. S'il nc contprentl pas quon soit la fois I'homure de la nature et I'honrme de Ia cit, il ne cornprend pas davantage qu'on soit Ia fois citoyen dt-' la patrie ct citoyen du gerrre humain. Des pan'iorcs, scs disciplcs, colrigeant ses leons par celles des philosophcs, ses rivaux, I'elont un jour entrevoir au rnorrde I'idal des nationalits fratcrncllement associes dans I'ltur^rmit, en mme tcmps qu'ils proclaurel. g Tanilis que chaque espcc a son instinct propre, I'homme, n'en ayant peuttre aucun qui lui applrrtienne, s,.r les apploprie tous.... Il est rltidomrnag de celui qui lui mnque peut-tre par des facults capables d'y suppler tl'abortl et de l'level crrsuite fort au-dessus de cell{i. " (Ddscours swr l'tnigaliti, IrG partic.) Ou - " ne peut douter que I'hornme ue soit socirlrle par sa nature, ou du moins, fait pour le *leverrir... Il a tlonc des sentinrents inns relatifs son espce. " (Emite.)

[17621

Ij

iL

E.

95

ront dans unc formnle irnmortelle lcs riroits unis de l'lwmme eL du citoyen | , L'origine des erreurs de Rousseau est dans la logique toute mathrnatique qu'il appiique aux choscs de ia vie et qu'il pousse eq avant sur une seule lignc, l ou la rsultantc devrait sortir cle la combinaison de lignes diverscs. ll ne veut pas voir,que le moncle en gnral, et chaque olganisrne en particulier, n'est
gu'une cornbinaison, par consqucnt une transaction perptuelle entre des principes divers. Il n'apcr'oit qu un principe exclusif dans chaquc chose, clans chaque tre, et n'arrive pas la conciliation des contradictoires, c'est--clire rles vrits qui sernhlent
opposcs, des devoirs

linites sont obscures, sans cloute, rnais cornmc cclles rie la libert et de Ia Proyidence, Ie contradictoire par excellcncc, ct comme tous les rnystr'cs de la l'ic. Il n'arrivc pas, disons-nousl mais il entrevoit cependant la solulion, lorsqu'il chappe la logique pour rcntrer dans sa vraie nature, dans le scntiurcnt ct dans lc sens pratique. prs avoir Pos I'homrne naturel et lc citoyen cornme incornpatibles, it finit en effct par se denrander si pourtant on ne poun.ail, pas les runir, et renvoie la rpunsc aprs qu'orr aura tudi I'hornme dans tons les tlegrs de sa formation, c'est--clile la conclusion de 1'Emile .Il rPond clj rmpliciterncnt en reconnaissant qu'un pre
doit dcs horurnes son
des citoycns I'litat
2.

famille, la llatric, I'humanit, doivcnt pourtant

qui scrnblent se comlrail.r.e. L'individu, la se concilier : Ies

cs1,rcc,

Ia socit tlcs hommes sociables,

Il y a, poursuit-il, deux formes d'clucation : l'une publique et commune, I'autrc particulire et tlonresticlue. L'clucation publique n'existe plus ct ne peut plus existcr; il n'y a plus ni patrie ni citoyens clwz les moc\emes (dans les nrorrarchies europenncs).

Il

ne dveloppe donc pas ici ses ides sur l'tlucation publique

1. un philosophe de nos jours a tlorr' une belle formule la mme pense : I'homme contplet dans kt' sol compita. (Pielre Lerou.x.) La valeur de cette lormule est tout filit intlpendarrte rles doutrines partieulires de son auteur.
2. c'est l que se trouve une allusion to*chante ses propres firut,es. . Il rr'y a ui plul'ret, ni travaux, ni respect hum_Rin, qui disperrsent un pre tle nourrir ses cuthrrts et tle les leyer lui-mroe. " l,nite,l. I.j

LBS PTTTLOSOPfIBS.

Lt1 621

on les entrevoit parses dans d'autres critst. II voudrait qu'elle fiit surtout une gyrnnastique; des exercices d'adresse et de force ; des travaux rnanuels rendus attrayants; des notions pratiqucs donnes par les choses mmes I le chant, le dessin. Dans lc.s

notions d'un aul,re ordre, celles dont I'enfant peut sentir I'utilit pratique, cornme lire, crire, compter. Les notions d'histoire nationale, sous forme de rcits, sans livres, sans dates, doivent venir la fin, avec celles de morale, de religion naturelle, de devoir en gnral. L'instruction doit tre donne par des instituteurs laiques et, autant que possible, maris. Tout ceci se rapporte, comrle on voit, ce premier degr cl'instruction ncessaire tous, QUe l'tat doit tous, et que l'tat en France, comme dans les autres pays catholiques, ne donnait alors personne, ngligence dont la socit franaise a port et porte encore cruelleurent la peine. Reste l'ducation domcstique ou naturelle. C'est celle-l qu'il va dvelopper, en se faisant le prceprteur d'un lvc itnaginaire, qu'il choisit d'esprit rnoyen et de corps sain, dans un clinrat moyen, en France, de manire en faire un type de I'hornme aussi gnral gue possible. lIais une autre Guyre doit devancer celle du prcepteur. Il avait rappcl tout I'heure les fenrmes l'amour vritable : il les lappelie rnaintenant la maternit. Dj Buffon avait, au norn de la raison et de Ia nature, protest contre le barbare esclavage du maillol et reproch aux mres I'oultli qu'elles faisaient du devoir d'allaiter leurs enfants; mais la raison avait parl en vain. La voix du sentiment devait tre plus puissante. Il n'y a ricn au-dessus de ce fameux morceau qui corntnence ainsi : tr Youlczvous rendre chacun ses premiers devoir.s; comDtencez par les mres, etc. r t'est avec un rnlange de passion et de iogique irrsistible que Rousseau montre les murs se rformant d'ellesrnmes, la farnille se recolrstituant et, avec elles, toutes les vertus qui lui forrt cortge, ds que les mres da,gneront now'rir
leu,rs enfanis.

Donner I'enfant plus de lillert et moins d'eurpire sur autrLri;


1. Dans I'article liconomie potitiquel daus Pologne, e|c. les Considrulions sur
Ie gouvernutenl tle

lt7$21

Iil L

r.r,

lui commtrnder et nc pas lui obir; le gouverner, non par le raisonnement, mais par le possible et I'irnpossible; qu'il ne
ne pas dpende que des choses; que I'exprience soit sa seule rnaitresse:

que la premire ducation soit purement ngative; ernpcher plutt que faire; eurpcher les habitudes de se former, pour rserver la lihert; empcher les vices de natre; il n'y en a point d'originelsr; garantir Ie cur du mal et I'esprit de I'erreur, au lieu d'enseigner tlirectement la vertu et la vrit : tels
sonl les prceptes les plus gnraux que donne Rousseau l'gard de I'enfance. La ncessit des premires notions morares arrive, laut d'abord les borner I'utilit immcliate. L'ide de la proplit, fonde originairement sur le travail, et I'ide clcs engagernents, des conventions libres, sont le point de dpart. Ainsi Rousscau,

il

qui condaninait la proprit quand il condarnnait la socit, maintenant qu'il se rsigne la socit, met la proprit Ia base: cela est trs-logique. seulement, il associe I'icle de la proprit celle de I'assistance obligatoire aux llauvres 2. Le r'ritable emploi de I'enfance a t cle prparer des instruruents l'me en fortifiant le corps par une espce de physique exprirnentale toute d'instinct : les turlcs ne cloivent conrnencer gue vers douze treize ans, lorsque la curiosit de savoir s'veille, avec Ia prvoyance, chez I'enfant touchant I'adolesqu'il dernande l' qwoi bon d,e toute chose. Les tudcs doivent porter d'abord sur les objets sensibles, snr lcs phnornnes de Ia nature, puis sur la pratique des arts naturels ou individuels, qui mne celle des alts industriels ou collectifs. Que I'cnfant apprcnne estiner les arts en raison dc reur utilit, et non de leur raret ou de leur diflicult. Ici, mme volution d'ides que pour la proprit : I'agriculture et la mtalcence, et

l.

Rousseau tranche

ici un peu vite une bien ruystrieuse question, L'hontme cst

vrai, abstractivernent, cle I'espce; mais d,e I'individu? (-|uelles diversits natives les enfauts apportent n ce moude ! religiorrs de - Lesd.e l'(lrient et de la Gaule, et toute I'artcienue philosophie spiritualiste, Socrate t-)rigne, avaient essay de rsoudre le problme de ces diversits par l'hypothse de

rwturell,emertt llon. Cela est

rail. ,, (.mile,liv. II.)


xYI.

2. " Quand les pauvres ont bien voulu qu'il y et des riches, les riches ont promis de nourrir tous ceux qui n'auraient d^e qucri vivre ui par leur bien ni par leur tra-

Lt" 1u'dentstence.

tBS

PTIILOSOPIIES.

$?69

turgie,mauditesnagurepoul'avoircivilislegenrehumlin, des arts' L'lvc soni prconises ,o,o* les plus respcctablcs < L'enfant trttier' ttu tnanuel, iOeut I nmUe, apprendra un art de la actuel I'ordre fiez est riche!- 0uirnporte!." Yous vous socit'Sans,ong*quecetordreestsujetclesrvoltrtions ni de prvenir invitables, et qi'it t irnpossible de prvoir de l'tat celle qui peut regarder vos enfants"' Nous approchons pour irnpossible de c'isc et du sicle des rvolutions. Je tiens longtemps encore aient I'[urope tle quc les grandes monarchies
durer. > que Dix ans upravant, Rousseau n'apercevait la Rvoltltion n'tait il sur laquelle comrne une possibilit vague et lointaine ' regards. Les choscs ses Iixer chercher de pas mrne permis
avaient fort avanc dePuisr. yoltaire, et bien rllautres , rirent beaucoup du gentilhomme pas couls, {ue menui,sier de Rousseau; trente ns ne s'taient ne pas savoir de personnage eut regretter

plus tl'un haut trouver un gagne-pain dans la scie ou Ie rabot


Ce

2'

par clevoir, qrt',mile n est pas seulernent ltar prudence, rnais Rousseau, doit, en est instruit au travail. Tout citoyen, suivant 8' la socit, le prix de sou eutretien

travail ltersonnel,

La sensation a rgn seule dans le prcLa jeunesse approche' -ta raison s'est veille; le setrtirnent va parler mier ge ; puis un tr'e agissant ct son tour. a Nous aYons fait, dit le prcepteur,
1.
PuouSSu

pssage ,le

,u cor"*,p;;dj;;; ou-ilexprime I'opiirion

aprs, dans urr parle bien plus rrettemerrt encote' quelques annes que la Guerre ile Sepl ans ett

amenlacatastropheimmdiatedelamonarchiefrangaise'Sanslestalensdurrlinistre Choiseul. social o{r l'artisan trouve toujours que le lalrouleur est esclave. ,, Il suppose urr tat pas les grantls encombrements de la prvoit ne et bras, *a, a" bout au du travail nouvelle socit inilustrielle' t"t." ce travail doive tre ncessairement manuel..P", 3. Il De prtenrt paie que l'ltrtat . Un.rentier pssage ..rivement teproch l,exagration de certain vit aux dpetls des brigand,qui d'un yeox' mes grrre, diffire ne faire pour ne rien

2.Rousseaufaitsonlveart,isanet,nonlaboureur,parceque'l'artisanestlibreet

;;; il;

passants.uAssurmetitune*pareiltehyperboteesiinjustifiable;maisellen'apaslc de la terrte
sens qu,on lui a donn

: Rousseau ne solrge pas discuber la lgitinrit prt ri ,,o,' p.,." qu'il touche le revenu tlu capital c1u'il a attaque re "u,'ti.", pouf ne rierr faire, pour rre pas payei' reveuu ce de p*onte qo'it parce *ui* l,lLtat, cons()m", t*ot procluite. comme oD dirait ausa dette de travail la socit, pour jourd'hui.
1

iI

tr7czj

urln.

pensant; pour achever I'hornrne, reste faire un tre aimant. u Il est observer que I'ortlre de dveloppernent assign I'homme par Rousscau est conforme I'ordre du grand ternaire
psychologique : force, i,ntelligence, &mou,r. Voici l'ge des passions, l'ge de la vie vritable! ['aut-it touffer les passions? faut-il les empcher de natre? Folie! Les passions sont de la nature. ilIais towtes les passions sontelles de la nature? Non. Ici se marque I'opposition radicale entre Rousseau et les tho-

riciens qui ont prtendu organiser I'hurnanit sur la satisfaction de toutes les passions factices et nes de circonstances accidentelles, sur I'abandon toutes les fantaisies enfantes par I'irnagination drgle, et qui ont effac toute distinction entre les passions. Rousscau n'a pas proscrit la fantaisie chez I'enfant pour l'autoriser chez I'homme. a Sentir les vrais rapports de I'homrne, tant dans I'espce que dans I'individu; ordonner les affcctions de l'me selon ces rapports, en dirigeant I'imagination, voil le sommaire de toute la sagesse humaine dans I'usage des passions. > suit Ia gnration des passions on naturelles ou lgitimes, car il en est de lgitirnes qui ne sont pas immdiatement naturelles: lo Amour de soi, d'o procdent I'amour du semblabre et tous les sentirnents bienveillants, et c1u'il ne faut pas confonclre avec I'amour-propre ou sentiment de Ia distinction, pre des sentiments haineux et jaloux; 2o Amour de la fcmnre; Ie penchant de I'instinct et de la nature n'en dtermine pas I'objet : c'est la raison qui le cltcnnine notre insur. < 0n a fait I'amour aveugle, parce qu'il a de mcilleurs yeux que nous, et qu'il voit des rapports que nous nc pouvons apercevoir. L'arnour n'est pas une passion naturelle, il est la rgle et le frein des penchants de la nature. r

Il

rponcl

ici et Buffon et lui - mme

2,

2. V. ci-cssus, p. i2. a limit jusqu'ici le sens du mot nature a la force - Ilpas instinctive; mais il ne le fait toujours, ce qui jette parfois de l'quivocpe. Tout I'heure, il enteudra par uature, ce qui nous semble bien prfrable, I'ensemble dcs facults de I'homme, et non plus seulement la base ph1'sique.

l. Il entend, non pas est du sentiment.

la raison rtlchie, mais une sorte de raison intuitive, qui

r00

LES I)ftILOS()l,ilI'S.

[{76!l

3" miti. DIle rsulte indirecternent de l'veil donn l'rne par la sensibilit sexuclle encore sans objet : elle prcrle en fait la passion essentielle, I'alnour, mais elle procde de lui en
principe. 4o Amiti gnralise ou amour de I'humanit. Cette revue des affections du jeune homme se tcrmine par des rflexions d'une grande beaut sur cette ncessit d'attachements, qui est la fois le rsultat de notre irnperfection et le principe de notre bonheur. < Dieu seul jouit d'un bonheur absolu et solitaire. Si quelque tre imparfait pouvait se suffire lui-mme, il serait seul: il serait misrable... > Vrit applicable tous les degrs de I'tre fini, si perfectionn qu'on le suppose. L'tre fini

n'est pas destin vivre seul, face face avec I'infini; il est cr incomltlet pour se cornplter par Ie sernblable et le diffrent la fois. C'est I la cause linale de I'indestructible diflrence des sexes. Lorsque Rousseau, plus tard, rve I'autre vie sous la forme rl'une tcrnelle contcrnplation solitaire, ce n'est plus le philosophe

qui parle, ce n'st que I'amant malheureux et I'ami dlaiss, l'me fatigne et blesse qui aspire au repos. Rousseau est galement admirable, quand il montre une soci't dissolue les consquences de la puret des murs, conscrve jusqu' une poque avance de la jeunesse, et qu'il enseigne dtourner I'ardeur tles scns par I'activit mtne du corps, de I'esprit et du cur. Pour cet ge critique, dont dpend la vie entire, il a rserv, accunrul, tout ce qui peut saisir, enlever une jeune nte, laquelle totrt est nouYeau dans le monde de I'esprit : histoire, posie, tttotale, linguistique, tudes du bien et du heau, et, enfin, la cirne rayonnante de cet difice intcllectucl
qui monte jusqu'aux cieux, lcs suprmes rvlations de Dieu et de l'me irnmortellc.

0n a pourtant combattu, et avec raison, le systme d'aprs


lequel Rousseau conduit son lve presqlre I'ge d'homme avant de lui faire connattre et son Crateur et lui-mrne , cause de I'irnpuissance or) il croit I'enfant de se faire de Dieu une ide raisonnable. C'est l une exagration de la mthode n,gatiue adopte existe une objcction dcisive: par Rousseau enYcrs I'enfant. dals quelque condition que I'on suppose I'enfant, moins de le

Il

[{?2]

tE YTCAIRE SVOYRD.

{0,1

principes qu'il applique audveloppement de I'homme, et, puisqu'il gouverne I'enfant par I'ide de force, de ncessit, lui prsenter Dieu d'abord sous cet aspect, puis comme intelligencl et
comme amour,. Quoi qu'il en soit, s'il a err, quel magnifique rachat de cette erreur, que la Pnon'nsstoll DE For DU VTCATRE SYOYARD ! Le lecteur ne

squestrer de toute communication avec les hommes, il est absolument impossible que, jusqu' seize ou dix-huit ans, il n'entende point parler de llieu; par consquent, on ne peutlui pargnerainsi Ie danger redout par Rousseau, de s'en former de fausses ides. Peut-tre Rousseau efit-it pu dvelopper I'ide de Dieu d'aprs les

peut se dfendre d'un vritable saisissement, Iorsque le philosophe, lorsque I'homme, rejetant les fictions de l'crivain, entre directement en scne avec le prtre de Turin, son premier rnaitre,
de I'esprit humain n'avaient pas yu de moment aussi solennel, dcpuis I'hcure o le doute de Descartes s'tait rsolu dans son immortelle aflinnation. I,,a philosophie du sentiment alrait avoir, comme celle de la raison pure, son Discours del,a m,tltocle. La raison s'est obscurcie de nouveau : le doute est revenu; l'me cn souffrance {lotte dans I'inlnie vaiit des opinions hu-

et se pose, en face des Alpes et du soleil levant,les questions fondarnentales de la na{ure et tle Ia destine hurnaine. Les fastes

maines. Que faire? Borner nos recherches ce qui nous intresse immcliatement et savoir ignorer le reste. Laisser l les philosophes et leurs raisonnements, qui ne nous.donnent que des rsultats ngatifs,

et prendre

plus l'vidence rationnclle et mathmatique, qui clcvient le principe de certitude. La route que prtencl ,i"r. Rousscau n'est pas la route transcencrante de De.scartes, mais celle qui

Adrnettre pour videntes les ides auxquelles, dans Ia sincrit de notre cur, nous ne pourrons refuser notrc consentement, pour vraies celles gui nousparaissent avoir unc liaison ncessaire avec ces prenrires, et ne pas nous tournrenter cles autres, quarrtl elles ne mncnt rien d'utile pour la pratique. c'est donc l'vidence du cur, l'vid,ence morale, et non

un autre guide, Ia lurnire intrieure, la .o.rrri.n...

,l02

LES PIIILOSOPIlBS.

u?621

est la porte cles simplcs, la grande route de I'esltrit humain


<

t'

Dlais, que suis-je, continue-t-il, pour jugcr les choses?... il faut avant tout tn'examiner moi-mme. > Il ne se dpouille pas de toute contingence colnme avait fait : Descartes : il se place immdiatement entrc les phnomnes

'

c J'existe, et j'ai cles sens par lesqucls je suis affect. D II cherche prouver que lcs causes ou objets des sensations qui se passent ,n noo, sont hors de nous : il etrt t plus fidle son principe en affirnrant la ralit des objets

sentiment. rriv plus ou moins lgitirnement la ralit de la matire (c'est-h-dire de ce qu'il sent hors de lui et qui agit sur actif , par Ia ses sens), il rcntre en lui et y dcouvre un principe r avait-il dj passivs, ( sont firculf de comparer. Nos sensations principe d'un crit, q mais nos perceptions ou id,es naissent

, dtt non+noi, cotnme

vrit rle

actif. > Nous voici loin cle Condillac et de la sensatiott, transforme. Voii le point de clpart de la renaissance mtaphysique ! Seulcment Rousscau ne remonte pas encore la preurire rnanifesta2 tion rlu principe actif et laisse un philosophe plus rnthodique de clrnontrer I'activit de I'iirne clj cn cxercice dans I'attention

qui prcde la cornParaison. je s Assur de moi-mne, de mon activit propre, poursuit-il ' regarde hors de moi. Cette matire que mes Sens lne rvlcnt, le mouvement n'est pas de SOn essellce; Son tat naturel est d'trc
en I'epos. Je reConnais cleux sortes de tnouvelnent dans les col'ps
:

I'un corurnuniqu, I'autre spontan et volontaire; le preruier est celui de la matire inorganise , tiu nronde dans son ensetnble, assujetti dcs forccs gnrales qui ne sont llas des tres , tnais ct, des lois constantes; le second est Ie tnien, celui de I'llotDne, prernires Lcs animattx. des celui je crois aussi, par analogic, causcs du rnouvement ne sout pas dans la rnatire. D'effets en effets, it faut toujours rernonter quelque volont pour prelnire
qrre |. La raison pratique, que Karrt opl)ose h|a raison pure, n.est pas autre chose de Kant, le sentiment oo ta corrscience de Rr.lusseau. L'ceuvre puissante, mais outre, r-le I'ceuvre de Rousseau' Iiant sort La Critigue de la naisonpure, est urie exagration et de Buflou' de Spinoza et Sr'-hellirrg Ilegel colnme de Rousseau' toutes les 2. La Rouriguire. - lt,orrrr.uo voit tres-bien que I'ide de notnlxe et par le prilcipe passif de Ia serrsatiou' icles de rapports ne nous sunt pas donDts qur_rique la snsation e' fournisse les occasiorts et les matriaux.

LB YICAIRE SVOYAND. TO3 calrse; car supposer un progrs de causes I'infini, c'est n'en point supposer du tout. Le principe de toute action, de tout
lr762l

meut I'univers et anime la nature r. p La matire mue tmoigne une volont. La rnatire mue selon de certaines lois montre une intelligence. L'unit du systme du monde atteste une intelligence unique. Il est d'une monstrueuse invraisemblance de prtendre que I'ordre de I'univers rsulte d'une combinaison fortuite des lments : il est irnpossible que la matire passive et morte ait produit des tres vivants et sentants, qu'une fatalit aveugie ait produit des tres intelligents, que ce qui ne pense pas ait produit des tres qui pensent. peut-il y avoir dans I'cffet plus qu'il n'y a dans la cause? Intclligence, puissance, volont, bont, sont les premiers attributs que je reconnaisse dans cet l.re actif par lui-mme, eui meut et ordonne I'univcrs, et que j'appelle Dieu. Nouveau retour sur soi-mure. Ouel est le rang de I'espce humaine dans I'univcrs ? - Ici apparait un douloureux contraste. Ilelativcment I'univers, I'espce hurnaine tient Ie premier rans, au moins sur la tcrre, et couronne I'ordre gnral; relativement elle-mrne, elle n'offre que confusion et dsorclre. r'aut-il accuser la ProvidenceT L'hornme est libre s. Il peut cboisir. -Non. Il pcut errer. De l le mal sur la terre. - l\{ais d'oir vienncnt les en'eurs dc I'homrne? De sa dualit. 0n entrevoit en lui deux principes, dont I'un l'lve au vrai et au bien, dont I'autre Ie ral. Il dclarelle pouvoir comprendrelesmolcules organiqrres yiyantes (Ruffon), plus forte raison la matire brute, serrtant sans avoir des sens {nlagpe.tuir, Oiderot), Il nie avec raison aux prtendues molcules le mouvement spontan. commntr en effet, sans volontr sans raison d'impulsion interne, se mettlaielt-eiles en mouvcirietlt? trIoutenetnticessdre estuu terrne vide de sens. Quaut aux mots d,eforce uniuerselle, de force aueugle ripandue ilans Ia nalure, ils rre sont pas dprlurvus de tout sellsr commele dit Rousseaul mais ils ont un tlouble sens. I'orcc dsigne, dans son sens le plus prcis et le plus profoncl, un tle dans un langage moins ex1ct, I u1e loi. Ferce unittersel/e sigrrifie : o lre untuersel, unit d,e la nature, ce qui supprime la ralit tles molcules, ou loi n'tande d,e l'lrc uniuersel, ee qui ramne la volont ini. tiale : panthisme ou disme. 2. Etre libre, c'est r.'tre dterrnin par rien d'tmnger soi. a p6ur. empcher - ! La proviclerrcs I'honrtne rl'tre mchant, fallait-il le borner I'instinct et le faire bte

mouvemcnt, est dans la volont d'un tre libre : donc une volont

pouvait-elle donner le prix d'avoir lrien fait qui n'ett pas le porrvoir c1e mal faire ? " O'est la rponse de Rousseau lui-mme aux regrets exprirns dans les deux Discours sur l'tat cle nature ou I'on ignorait le bicn et le mal.

tl0lL

tBS PIIIIOSOPIIES.

i7621

baisse en lui-mme et I'asservit aux sens. L'un est la substance pensante ct sentante, simple et indivisihle, I'esprit; I'autrc est la substance tendue et divisible, la rnatire.

Si Rousseau erlt tudi davantage Leibniz, il n'et peut-tre pas t aussi aflirrnatif sur lcs deux substances et sur le rle qu'il attribue la rnatire. La solution qu'il donne de I'origine du mal se rattachait une hypothse sur la nature des choses, qui erit 1, fort dplace dans la Profession de fo dw uicai,re et qu'il s'est bien gard d'y introduire, mais qu'il nonce diverses reprises dans sa Correspondance r. Rousseau, chose singulire, inclinait au dualisme des anciens philosophes Srecs; it penchait croire la Matire incre et coternclle I'Esprit, et voir en Dieu, moins le Tout-Puissant, l'tre absolu et infini, que le Dmiurge, I'Arrangcur de la }fatire; si ce monde n'tait pas meilleur, c'tait apparemment que la Matire y avait mis des obstacles que I'Esprit n'avait pu vaincre: Dieu n'tait vraiment souverain que dans Ie monde spirituel de Ia vie future, oir tout sera son uyre. Rien ne montre si bien la faihlesse de I'esprit hurnain que de voir le

restaurateur du sentiment religicux faire rtrograder I'ide thologique de vingt sicles, mconnatre la suprrne et ncessaire unit de la cration, pr un excs oppos celui du panthisme, et naufrager sur cette folmule riuivoque de Dieu pur esprit, dont Malebranhe et Fnelon avaient pourtant si bien
signal l'cueil. En dehors de cette opinion trange, Rousseau rpond, {rant aux maux immrits, ou paraissant irnmrits, de I'homrne, par la ncessit de l'preuve, Fr le progrs moral achet au prix de la doulcur, par les cornpettsations de I'autre vie. < Quelle est, poursuit-il, cette vie de l'me par del la rnort? L'me est-elle irnmortelle par sa nature? Ie I'ignore; toutefois, je conois comrnent le curps se dtruit par la division des parties, tandis que je ne conois pas comment l'rne, tre simple, peut rnourir. r Il et pu ajouter que le terme de m,ort, ne signiIiant clue dissolution des composs, n' aucun sens, appliclu un tre sirnple; anantssement est un mot, ce n'cst pas unc ide;

l,

Lettre Volaire, d'aott L756.

Lettre nf. ***, janvier l?69.

lr?621
car
<

tB vtcalnE savoTARD.

{05

il

est absolument impossible

de concevoir qu'une chose qui

est cesse d'tre.

Le souvenir du bon ou du mauvais emploi de


des bons et

la vie actuelle

le tourrnent dcs mchants, qnand, dlivrs des illusions des sens, nous jouirons de la con' templation de I'Etre suprrne et des vrits ternellcs en lui. J'ignore si les tourments des mchants scront ternels : j'ai peine le croire. n Ce doute est une rserve difficile comprendre dans un livre si hardj ; car il pose la ngative d'une faon tr's-dcide en Inaint endroit de sa correspondance. Cette partie de la Professi,ort, de foi clw uicaire doit tre complte par deux lettres de la plus haute irnportance, I'une Yoltaire, d'aofit 1756, Iautre un anonyre,
fera dans I'autre la flicit
de

janvier
<

1769 r.

poursuit-il, ainsi dduitcs de I'impreset du sentirnent intrieur, reste chersion des objets sensibles j'en cher qLrelles maximes dois tirer pour rernplir ma destinatiort sur la terre, selon I'intention de Celui qui rn'y a plac. Ces rgles, je Ies trouve au fond de mon cur crites par la nature. Nous croyons suivre I'irnpulsion cle la nature, et nous lui rsistons : en coutant ce qu'clle dit nos sens, nous rnprisons ce qu'elle dit nos curs... Il est au foncl dcs mes un principe inn de justice
Les vrits essentielles,

et de vertu, indd:pendant de I'exprience, base de nos jugernents, malgr nous-mmes : je I'appelle conscience. Lcs actes (intmdiats) dc la conscience ne sont pas des jugements, mais des senl. La lettre Voltaire fut crite au moment ou celui-ci abanclonnait I'optirnisme pour lrn scepticisme dsolant. Rousseau y propose de corriger la ms,xime optimiste : tout est ben, qui semble nier le mal particulier, trop certain, en Ie towt e.*J bienr c'est-rlire : tout est bien par rapport au taul, Il croit que a h4qus tre matriel est dispos Ie mierrx c1u'il est possible par rapport au tout, et chaque tre inlelligent et sensil.rle, le mieux qu'il est possible par rapport lui-mme. Nlais il frrut appliquer cette rgle la dure totale de chaque tre sensible, et non qnelque instant particulier de sa dure, tel clue la vie hunraine, ce qui montre sornbierr la question de la Providence tient celle de I'immortalit de l'me..... et celle de l'ternit des peines, que rri vous, ni moi, ni jamais homme pensant' bien de Dieu, ne croirons jamais..... Si Dien existe, il est parfait; s'il est parfait, il est sage, puissant et juste ; s'il est sge et puissant, tout est bien; s'il est juste e puissrnt, rnon me est irnmortelle. Il recon" nalt qu'on ne peut donner la dmonstra.fion lncontestable, ntatltrimatique, de Dieu ni tle I'me immortelle I c'est le sentirnent qui prouve ces deux vririts fonrlamentales. Sur l'ternit iles peines, V. aussi la lettre M. Yernes, de fvrier 1758, et la lettre II.
***, janvier 1769.

IBS PIIILOSOT'IIES. [t 76rl tinrents. tes sens nous garent : la raison tnrne nous trompc; la conscience lle nous trompe jamais. r La morale de I'intrl, est
{06

contre nature : nous sommes naturcllement rcmplis de sentiments tout fait trangers I'intrt matriel, de sentiments qui nous emportent soit vers nos sernblables, soil vers I'idal sous tous ses asllects. ll n'esl, pas vrai que la rnorale varie du tout au tout selon les temps et les lieux : scs principes essentiels sont les mmes partout travers la diversit des coutnmes. - Lcs sentiments naturels parlent pour I'intrt colnmun : la raison rapporte tout I'individu; on ne peut tablir la vertu par la raison seule. Le mchant (c'est--dirc celui qui n'coute pas la conscience) rapporte tout lui et se fait centre de toutes choses : le bon s'ordonne par rapport, au tout, au centre commun , {ui cst Dieu , et aux cercles concentriques , qui scint les cratures. Si Ia Divinit n'est pas, s'il n'y a pas dc centre, le mchant a raison et le bon est
inscns r.

Le vrai bonheur n'es[ pas de ce monde : cn attendant la vie vritable, contemplons, mditons Dieu dans ses uyrcs, sans ltti rien demander, ou, du rnoins, ne lui demandons que de nous redrcsser si Itous tonrbons de bonne foi dans quelque erreur datlgereuse. En s'levant Dieu , l'ttte se donne elle-nrlne, par son propre effort, ce qu'elle dernande son crateur. Il y a au fond de ceci unelendalrce vel's la thorie plagienne, qui considre la cr'ation tnorale comme une fois faite, et gui, absorlre pr un seul ct du vrai, le ct de la libert, nc voit pasle concours, le support ncessaire de Dieu en tout, ne voit pas, en un ntot, Diea inmtanent dans le monde. Si I'on peut contester qu'il soit raisonnable de dernander Dieu de moclifier

ilotre bnfice individuel les phnomncs de I'ordre physique, de I'ordre de ncessit, gouvern par des lois gnrales, c'est prcismenl, dans I'ordre moral, dans I'ordre de libert, qu'il faut ltti
dernander assistartce ; Dieu n'est pas seulement un ocan o l'nre puise volont, mais un ocan vivant o I'me cst plonge , et sans I'action perptuellernent viviliante duquel l'tne ne ponrrait rien, ne scrait ricn. D,ewcstl,elieu desesprits, disait lllalebranche. l. Le dfaut de sanction dans la morale des philosophes (inctdules)r dit-il plus loiu, rend, cette morale irnpuissante.

LB VICAIRE SAVOTARD. 40? Rousseau, nous I'avons dj indiqu, tornbe parfois dans I'excs
It762l

oirpos au panthisrne.

Il n'cn a pas moins ramen triomphalement les deux seules ides ncessai,res, Dieu et I'iime immortelle, et il les a ramenes , courrlre il se l'tait propos, uniquement par lcs moycns qui sont
la porte individuelle de tous les hontrnes, per I'impression des objets sensibles ou I'observafion de la nature, et par Ic sentiment intrieur ou la conscience. Il a laiss volontairement en dehols de sa rnthode un ordre de preuvcs d'une immense autorit, rnais qui exige unc science au-dessus de la porte cornrnune I c'est-dire les preuves historiques fondes sur le consentement du gcnre humain, sur le sentiment universel, qui nous montrent ces deux ides servant de base aux socits humaines dcpuis I'origine des
chose r.

La religion naturclle, c'est--clire rsultant de la nature rnorale de I'homrne, une fois tablie, iI se demande conrnent une autre religion que la naturelle peut tre ncessaile; ce qu'elie peut

ajouter d'utile Ia morale. - Si I'on n'et cout que ce quc Dieu dit au cur de I'homrne, il n'y aurait jarnais eu qu'unc religion sur la terre. Dieu veut tre ador en esprit et en vrit; I'essentiel cst l; le culte extrieur est affaire de police humaine. - Les trnoignages hurnains sur les points de fait sont nuls quand ils ne sont pas conllnns par la raison; lors mrne qu'ils n'y sont pas contraires, ils sont prodigieusentent difficiles vrifier. Il renouvclle contrc les nriracles les objections de Spinoza et soulve des difficults contre I'autorit absolue des rvlations contenues dans des livrcs ; <r L'autorit infaillible de I'Dglise, argue par les catlroliques, n'ayance rien, s'il faut un aussi grand appareil pour prouver cette autorit que pour prouver dirccternent les livres saints. r Il ne conclut pourtant pas forrnellernent au rejet de la Rvtation positive et ne rejette que I'obligation de la rcconnatl'e pour tre sauv. C'est l que se trouve ce uragniTique tmoignage rentlu I'Iivangile ct soii autcur', qu'il lve au-dessus dc tous les

l. On a cherchquelques exceptions pour I'immortalit del'me; iln'yen a pas pour l'existence de Dieu. - Rousseau en vient aux preuves historiques dans sa treltre l'archevdque de Puris.

t08

tES

IJHTtOSOPITBS.

lr,762l

livres et de tous les hommes'. ce trnoignage n'a jamais t dmenti, mais il est expliqu par des crits postrieurs, par les Leltres de Ia llontagne et par Ia lettre du t b janvier l z69. Il aclmet, sur les prewues morales, la Rvlation (de Jsus-christ) comme mane de I'Esprit de Dieu, s sns en savoir la manire et sans se tourmenter pour la dcouvrir r. Il admet que l'histoire de Ia vie de Jsus n'a pas t essenttellernent altre, et, tout en cartant la preuue par les mi,racles, ne nie pas ( les choses extraordinaires que Jsus, clair de I'Esprit de Dieu, a pu oprer par d,es uoies nature[,les, inconnwes ses d,isciples et , nows u. Il distingue entre le christianisme de Jsus-Christ et celui desaint paul, < qui n'avait
pas connu Jsusu.

insi, son dernier mot, sa pense intimeo est la reconnaissance du christ, et, par consquent, du gouyernement de la Providence sur la terr.e, combin avec la suffsance de Ia religion naturelle pour le salut. 0n sent quelle distance il y a du disrne chrtien de Rousseau au disme picurien de voltaire. Le disme de Rousseau diflre peu de ce qu'on appelle aujourde la mission divine

d'hui l'uni,tarisme.
Rousseau convient que les religions particulires peuvent avoir

leurs raisons d'tre dans Ie climat, dans le gnie

des peuples,

qu'elles sont bonnes qLrand on y sert Dieu convenablement; mais il condarnne, au nom de la rnorale, celles qui sont bases sur I'intolrance et sur le dogme que hors de I'Eglise il n'y a point de salut, ou, en d'autres terrnes, sur le dogme de I'infaillibilit combin avec celui des peines ternelles. ( Tenez votre rne en tat de dsirer toujours qu'il y ait un Dieu, et vous n'en douterez jamais. !vitcz I'orgueilleuse incrdulit colnme I'avcugle fanatisrne. 0sez confesser Dieu clrez les philosophcs; oscz prcher I'hunanit aux intolrants ! vous selez seul de votre prti, pcut-tre... il n'importe... Dites ce qui est vrai, faites ce qui est bien : ce qui irnpor:te I'homrne est de rern-

l. on retrouve uo peu trop, dans ce passage si justement clbre, la terrtlance exagrer les oppositions pour renforcer les conclusions. Pour glorifier le Clhristr il n'tait pas ncicessaire de dirninuer socrate, ni de tant mpriser le peuple jlif le , peuple des trIachabes' pour faire ressortir la sublirnit de ce qui en est sorti. Les pieux coutemplatifs du dsert, les Essriiens, n'avaierrt pas t iudigrr.g' d.e prparer le berceau du l\Iessie.

lt762)

LE VICAIIiE SAVOYAIiI).

i!

plil

la terre, et c'est en s'r-uilliant qu'on travaillc pour soi. L'intrt particulier nous trornpe : il n'y a que I'espoir du justc qui ne tronrpe point! r
ses devoirs sur Professi,on de xvrrre sicle. Est-ce dire que le disme de Rousseau, mme si I'on s'alrstient de toucher

Telles sont les hautes et religieuses conclusions de cette clbre fai,, Ia plus grande chose que nous ait lgue le

la question

des religions positives, suffise satisfaire

I'esprit humain? Cette croynce est vraie; elle est pure, mais enfcnne dans d'troites lirnites. Ces limites taient nrlcessaires : il est des temps o I'esprit doit se resserrer pour concentrer ses forces : il fallait, pour rsister au matrialisme, et surtout au scepticisme, se replier sur les dogmcs certains et fondamenlaux, sauler Ie tronc aun dpens des brancltes I et se retrancher dans ce qui est directement et imrndiateurent ncesstrire la vie morale. L'me humaine n'est pourtant ps destine rcster emprisonne dans ce ccrcle irnmuable, Frs plus que Ia socit s'irnrnoJrihser dans cette vic pastorale tant regrette par Rousseau. Pour le progrs de I'intclligence, pour le dr'eloppement mme du sentirncnt moral et religieux, il faut que le regrrrd de l'me cssaie d'entre-

voir ce qu'il ne lui est pas donn d'ernbrasser. Dans la vie pratique, en tout ce qui n'cst pas devoir positif et certain, nous dirigeons-nous antrcment gue sur des probabilits et dcs hypotlrt)scs?

Et nous les llannirions de la vie idale! nous nous abstiendrions d'tendre les inductions de notre esprit , de dirigcr les lans de
1. Ce mot, rpt par Rousseau dans mile, est de Duclcs, dans une lettre indite Rousseau. Ceci I'a entlain bicn loin ! II ne se contente pas cl'omettre, il rejet'te totis les dveloppements de la thologie, et ne voit que cles mots sans ides dans tous ces dogmesmystrteur panni lesquels il range la Trinit mme, Il n'en parle pas autrement que l\Iontesquieu ou que Voltaire : iI est vident qu'il n'a pas voulu cherEn cartant la thologie chrtienne, il ne tire pas cher s'ert rendre compte. mme les consrluences ncessaires de I'idalisme platonicien. Il considre Dieu come I'auteur de tout bien, pas assez comme tant le bien mrne; justice, vrit, bont, n'tant autre chose que Dieu mme, ou le Parfait, considr sous des points de vue particulicrs. Faute d'approfondir cette ide, Rousseau n'explique pas comment de prtentlus athes ne sont souvent que des mes qui vivent moralement de quelques fragments de Dieu, si I'on peut le dire. IJn athe qui croit h aettu ou a l'ord,re, n'estpointathe: il appelle Dieu oerlu ou ordre: voil tout. Seulement' ne connaissant de Dieu que ce point de vue, son idal isol et fractionn n'est qu'une abstraction sans support, sans lien, sans complment, et sa foi a I'ail d'une iuconrquence, puisqu'elle n'a ni sanctiou ni cause.

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tEs PfrrLosopilES.

[r72]

morale dans Ia dive'sit des fonctions. II rfute la fois, tement ou explicitement,les traditions vulgaires

les degrs pressentis, vers l'chelle sans Iin cle la vie future ! Quelle Iacune immense Iaisse Ia vie prsente, si l,on n,a une conception un peu dtermine de I'autre vie et si I'on ne conclut des rela_ tions prsentes aux relations d'outre-tombe! Le clornaine de h certitude est-il d'aileurs immuabre pour |homme ? Aprs ce vaste et subrime pisode, Rousseau rentre dans son sujet et achve son uvre. It a rev l'homme, il va reyer Ia femrne et les conduire tous deur jusqu' Ia crise dcisive o leurs existences s'uniront pour former l'tre humain compret. une partie des premiers livres d'Emile s'appliquait aux deux sexes par ce qu'ils ont de commun : le cingui're livre, intitul sophie,iar un souvenir touchant de madame d'Houdetot, renferme tout ce qui regarde spcialement l'ducation de Ia femme. Les diffrences entre les deux ducations sont caractrises avec une haute saga_ cit- La conclusion de Rousseau surles dcux scxes, c,est l,galit

notre cur vers ra sphre cre l'ontologie et de Ia thodice, vcrs

imltici-

I'anliquit, ou qui voudront, aprs lui, asirniler Ia femme I'hontme et I'appeler aux nrmes fonctions civiles. Erreurs sous
1' La raison tle I'infriorit attribue par les anciens la femme tait prise srrrtout dans I'ordre physique. L'homme t"it poo" eux re principe actif, la femme Ie pri'cipe passif; d'o, par une drluction en apparence logique, I,homme tait l,esprit, Ia femme la matire. La question a dt changer ae face- avec le monde moderne, quantl on a reconnu, que la femme a la prponilrance dans l,ordre tlu sentirnent, si I'homme a le mme avantage dans l,orre de la raison. L,rromme a la supriorit daus rleux

sur I'infriorit de Ia femrner, et les erreurs des utopistesqui ont vouru, crans

des attributs essentiels du teruaire psychologique, la force et l,intelligence; la femme dans un seul, I'amourl mais cet attribut, le ernier dans l,analyse abstraite de la gnration mtaphysique, est le premier daus l,ordre de la ralit; il est le gouffle urtne de la vie' A-l'homme appartiennent et la dtermination scientifique des iddes et I'administration des choses l,action, r,ceuvre en gnral; aussi Ies grands politiques, les grands thologiens "it"i"o"ar, et mtaphysiciens, res grands moralistes dogmatiques, et mme res-grands artists, sont-ils en grrral des hommes et non des femnres l I'h'mme donne la forme tout; mais la feme donne le fond presque tout, inspire presque toutl elle ne fait pas; ele fait faire. ce n,est, du reste, que dans la raiso'thorique, dans les facultls rre gnrarisation, que ra femme est inf_ rieure I'homme : elle a, comme le montre Roo.sea,r, r" ,"'pr"rtr dans la raison pratique. La raison pratique, la rogique cres causes sec.ndes, spare de la raison - et des principes mtaphysique gnraux, se transforme trop .oo"uo, en espri c'itit|re et ugati et les tleux lments essentiels d.e la femme, sentiment et raisorr praique, sont alors en lutte chez elle.

Ir?62J

SOPTItB.

M4

iesquellcs, en cherchant bien, on retrouverait cette ide aussi absurde au point de vue physiologique qu'au point de vue moral, que la fernme n'est qu'un liomtne imparfait. Ronsseau, cepenflant, accorde I'hornme la formule du comtnandement dans le mnage et lui maintient son titre de chef (l'homme, en effet, est le ch,ef, la tte, comme [a femme est le cwr du couple humain); mais il commente l'ob/issance de la femtne d'une faon trsrassurante pour sa dignit, tout en dfinissant admirablement la nature de I'esprit fminin. < La raison des femmes est une raison pratique qui leur fait trouver trs-habilement les moyens d'arriver une fin connue, mais qui ne leur fait pas trouver cette fin. Dans la socit des sexes, la femtne est l'il, I'honlme est le hras , mais avec une telle dpendance I'un de I'autret, {tre c'est de I'homme que la fernme apprend ce qu'il faut voir, et de la femrne que I'homme apprend ce qu'il faut faire. Dans I'harmonie qui rgne entre eux, on ne sait lequel met le plus du sien; chacun suit I'impulsion de I'autre; chacun obit, et tous deux sont les matres.,.. L'hourme cornmande, la femme Souverne celui qui commande... elle rgne en se faisant commander ce qu'elle veut faire.
< La rccherche des vrits abstraites,les gnralits des sciences, ne sont point du ressort des femmes. Leurs tudes doivent tre toutes pratiques. C'est elles faire I'application des principes que I'homlne a trouys, et c'est elles de faire les observations qui mnent I'hornme l'tablissement des principes. Les homtnes turlient les ides et Ia nature extrieure : les femmes tudient les homrnes. Les choses de gnie appartiennent I'homme : les fcrnrnes sont les meilleurs juges des choses de gorit. Les hommes pltilosopheront mieux que les fetumes sur le cur humain; rnais elles liront mieux qu eux dans le cur des hommes. C'est aux

femmes trouver, pour ainsi dire, la ruorale exprimentale, nous la rduire en systme. La fernme a plus d'csprit, e[ I'homme plus de gnie : la femme ollserYe et I'homme ralsonne.
1. " La dpenrlance rles sexes est rciproque, dit-il ailleurs; cepenclant la femme dpeud plus de I'hommc. clue I'homme cle la femme. . Cetle diffrence incontestable tielt galement chez Ia femme et ir son infriorit tle force physique et sa supriorit de frrrce aflective. Elle dpencl plus, parce qu'elle a plus besoin et d'assistance physique et cJ'affections morales ; elle dpend plus parce qu'elle aime plus.

u2

I,BS I)HII,OSOPItF]S.

lr762l

De ce concours rsulte Ia lumire la plus claire et Ia science la plus complte que puisse acqurir de rui-rnme I'esprit humain. u

La question cntre l'ducation publique et la prive n'existe pas quant aux fernmes, suivant Rousseau. Toute fille doit tre ler,e par sa mre. a Une des raisons pour lesquellcs, en gndrral, les mcpurs sont meilleures dans les pays protestants, c'est qu'on n'y connatt pas l'ducation des couventsr. > L'ducation maternelle se concilie trs-bien, chez Rousseau, avec une antre idc essentielle, c'est que les {illes doivent jouir d'une grande libert, d'une grande latitude de vie extrieure, et les femmes maries vivre dans leur intrieur; que les assembles, les lieux publics, sont faits pour celles dont le choix n'est pas encore arrt ct non pour celles dont I'existence est fixe. Dans tous ses ouvrages, il appuie nergiquement sur cette ide : il oppose sur ce point les couturnes
des anciens Grecs et celles des Anglais aux coutumes de la n'rance,

tout en insistant sur la ncessit d'embellir parles arts, ct pilr une certaine lgance dans la simplicit , cette yie domestique o il veut renferrner les femmes, et d'ou il voit leur lgitime influcnce se rpandre incessamment sur les choses extrieures, interdites leur action directe. Rien deplus dlicat et de plusjuste que sesvues sur ce principe, que les femmes sont les juges naturels du mrite des homrnes. Ouand elles ont perdu leur ascendant et que leurs jugements ne sont plus rien aux hommes, c'est, suivant lui, le slgne certain de Ia dcadence sociale. Le dsir de conqurir leur approbation, et, plus forte raison, leur amour, est ce grand rnobile des actions des hommes qu'Helvtius dfigurait grossirement en le bomant au dsir de conqurir les plaisirs des scns. Il y a cependanl ici une contradiction apparente dans Rousseau, lorsqu'il dr,eloppe les grandes choses qu'inspire I'enthousiasme de I'aurour. et, pourtaut, avoue ( que tout est illusion dans I'amour D. C'est qu'il donne deux sens au mot amour de mme qu'au mot natwre. Il ne voit ici dans I'amour que l'[an vers I'idal : on prend I'objet airn pour le type de perfection que I'on a dans I'rne, alors, ce n'est pas la matresse, c'est I'idal qu'on aime. c'tait bien l,

l.

Fnelon, au fontl, pense de mme. Y. le

lirre del'itucation

des

liilles.

I i ?{12]

soPH

t E.

4t3

d{inir claire'rent sa pense; c'est que , se bornant consicl(:re' l'arnour darrs lcs relations tle rrvie actueile, il ne re suit pas audela du 1emps, et que ce sentimcnt, comrne tout ce qui tient rJe I"infini, n'a point sa causc finale ni sa loi clans ce monde. Ilo's_

'ratio' fi'alt' de la cliversit des scxcs. Rousseau n'ar.ril.e pas nrettrc en hannonie sa crouLrle conccption de I'arnour, ni a
table cause

amour o I'on airne une personne et non plus un type, une personne inrparflaite et qu'on sait imparfirite, mais perfcctible. ce scntirnent cst I'amour vritable et co'prend en quelquc rna'ire I'autre espcc d'amour, car nous n'ai'reriorrt po* si la pelsonne airne n'offrait un ccrtain rapport ayec le typL oe son sexe, [el que notre naturc particulire nous disposc le concevoir.. L o I'affinit entt'c dc'ux trcs cle sexe diffr-ircnt serait cornplte, l o ils s'iveraicnt I'idal cl'nn eflort absolunrc,nt pareil, ils ne 'crs seraient pour ainsi dire qu'unc seule personnc morale, et la for_ dc cette association i'clestructible est sans doute la vri-

en effet, le caraclre dominant de I'arnour chevalcrcsque. I,lais Rousseau avait dj incliqu une autre espce cl'amour., ce sertirnent d'affinit ou de srmpathie foncl non plus sur les illusions de I'iirne, mais sur les corryellnces cssentiellcs cle nature, cct

le ironheur du ura.iage et les bonnes rnurs sont sacrifis I'or_ tlre apparent tle la socit r. >
1. " Lcs parcnts choisissent l'poux de leur fille et la consurtent pour Ia fornre u'est le contraire qu'on cloit faire : la fille doit clroisir et cousulter ses parerrts. \-ottlez-vous faire d'heureux mariages ? oubliez lcs institutions irumailes, et c()rrsullez la ltatut'e. I.es rappot'ts cotrverrtionnels ne sont pas irrdiffi'ents; mais l,iDfluence des rapports natulels I'cuiporte tellcnrent sur la lu", qou c'est el.lc clui ddcicie du sori tle Ll vie. r Il tieut 'ailleurs tout le compte que I'ou doit te.rir rlcs rapports d'ducation.

la seule essentielle, est P'ir'e par lcs co'venauces d'institution et d'opi'ion, e[ ti les mariages sc fontpar I'autoril. dcs

rr'a point accornpli cctte uvre. ,Il rnontre du moi's une grancre sgesse pratique dans fapprication.au r'ariage cle ce p'incipe cles con'erinno., natu'elles qu,il avait reconnu dans I'ainoul'. ( L o cctte sorte cle convenancc,
1lr.cs,

'rais y avait dvclopirer, complter Dantc et ptrarrlu0 au del du cercle des croS'ances clu moyen ge : Rousseau
dcs clairs;

sualr a l-dcss.s des clair.s dans sa

il

,Ittlie,

cc

,e

sonl tlue

4,1&

LES i,iIILOSOPIIBS.

{r162i

C'est

ici, au momcnt

de luarier son lve, qu'il rsout la ques-

tion

dclar'e d'abord insoluble, I'accord de I'homme et du ci-

toyen, en reconnaissant qu'il faut tre citoyert avant d'tre rnari Il ne dpend pas toujours de nous d'excrcer les droits ct de remplir lcs devoirs du citoyen; mais rien ne peut nous dispenser de les connaitre : quand nous n'avons plus de patrie , dc patrie libre, il nous reste au tnoins un pays ; le pays peut reclcvenir la patrie r. Le rnaitrc rvle donc l'lr'e les principes tlu
et pre.

droit politique,

il termine son ouvrage par des conseils ct dcs considrations d'une dlicatesse eI d'un bon setrs adnriralrlcs, slrr les droits et lcs devoirs des jeunespoux, ct sur lcs rnoyetts d'assulrr le bonhcur domestique autant que le pennet I'irnperfccticn huuraine. C'est bicn ici la vraie civilisation, la civilisatiou du progrs moral, qui redlcsse la brutalit rclle clguise sous llos
Contrctt socin|2, et raffi nenients sociaux
3.

{te nous allons retrouver

dvelopps dans le

L'Emi.[e, uralgre lcs olijections que souivent ccrtaines de ses

piirties, est peut-tre la plus profonde tude qui existe clans notre langue et dans aucune langue trtodet'ne sur Ia nature humaine : il est ccltainemcnt le livre qui fait le plus penser, lors tnrlne que I'autcur ne pense pas juste. QLrcl gnie n'a-t-il pas fallu pour arriver de tclles conclusiolls en partant du dhut impossible des deux Discours, et pour faire du paratloxe ln route de la sagessc ! 0n pcut dire, sans exagration, {u0 ce }ivre a t unc arche de salut lancc par la Providencc sur lcs {lots du scepticisrne ct clu mttrialisttte, et qu'il a recueilli tous les seutirucnts essenl,iels, tous lcs principes fondaurentaux de la vie morale
l. Il traite d'ercrubld le proverbe
2. u Le droit politirlue
z Ubi ben, ibi pntria. est encore rraitre..... Grotius a, au fond, les mmes prinsenl modetne en tat de crcl cette sr'ience et t ltillustle

cipes que Ilol-rbes. Le Montesquieu; mais il n'eut garde de traiter des principes du droit politique. Il se eontenta du droit positif des gouvernerlents tablis. " lEmilerl.Y.l 3. Compller Rousseau sur la femule, pour suivre le diveloppement des itles, avec les publir.ations de notre temps qui ont trait ile la fcmme en p|nral, du maria3e, rle l'ucation des filles, partlculirement l'admirable livre de IImo Necker de Srriisure, de l'tluccrtion prolr'essduel le .florrge chrt)tiert, de llne de Gasparirl , ou se tr{)uve ce grand mot: r I-c marilge cst le but du malirrge; n l'llistoire rnorale tles fentntes, tle lI. Ernest Legouv, ouvrage sain et solide, la fois trs-firvoral'rle la vritable nrrrcipation des femmcs et trs- oppos aux utopies qui dnaturerit ia fernnie soris prtexte t1e l'affranchir.

tttTg2l

COI\TItAT SOCIAI,.

4tb

prts s'abTmer. - Qu'on suppose Rousseau de moins clans le xvlre sicle, et qu'on se dernandc srieusement, sincrernent, or'r

aurait abouti la marche de I'esprit humain ! L'EtniIe rsume vritahlernent l'uvre entire cle ftousseau, car son autre monument, ce Coritrat social, destin une si clatante influence sur cette Rvolution qu'il venait de prdire ct qu'il prparait, n'cst que le clveloppernent d'une partic deI'Emle. Emite est le livre de I'homme en gnral, de I'homme sous totrs ses aspects; le Contrat sotial est le livre dc I'homme politique, du
citoyen.
Rousseau

ne s'y propose point un tvpc ahsolu et abstrait;

ce

qu'il rccherche, ce sorrt < les lois tcllcs qu'clles petivent tre, avec les hommes tels qu'ils sont r:, et la conciliation de I'utile et du justc. < I-,'ordre social, dit-il, ne vicnt pas de la nature : il est
donc fond sur des conventiotls. Peu d'axiomes ont donn licu cles clbats aussi solennels. 0n a protesl contre le principe du Contrat soc.tal, des conventions originaires, u nom clu dveloppernent ncessai,re de I'huuranit, ou des lois proviclenticlles. Rousse,ru lui-rnrue a reconnu
r>

dans l'nula que I'homme < cst

n sociable, 0u, clu nroins, firif

D; on en a corrcln qu'il s'tait contrcdit. Il ne s'cst pas contreclit; mais il a en le tort cle ne pas s'crpliquer. L encore se retrouve i'tcrrrelle dLralit : oui, la Proviclence avait fait lcs hornrncs ponr la socit, nrais elle al,ait fait les hourrnes liltrcs, et lcs horumes se sont associs vulonfairement e[ non contraints par les lois plrysiques cle la natnre; la libre socit cles hornmes n'est pas la socit fatale des abeillcs. Les hornrnes

polrr

le del'enir

s'tant associs volontairement, il y a donc un contrat social explicitc ou irnplicite, et ce contrat, irnmuablc clans ses principcs et toujours.morliflrable dans lcs applications, cst ou doit tre la fois I'uvre cle Ia libcrt hnnraine et Ia manifestation de ces lois ternellcs de justice et de rtison que I'hornrne n'a pas crcs et ne saurait changer. La plus ancienne socit et Ia scule naturelle , poursuif Rousseau, cst ccllc de la farnille. Encore lc dornaine des convcntions apparat-il ds ce prernier clegr. Sitt quc I'hornrne a l'gc de raison, lui seul, tant juge dcs rnoycns propres Ie conseryer,

il6

LBS PIIILOSOPIIIiS.

[,1769]

devient par l son pl'opre firatrt, ct,

si les enfirnts

deyenus

Itomrnes continuent de rester unis au pre, ce n'est plrrs naturellcment ou pr ncessit, c'es[ volontairement. Si douc la pcrmancnce de la farniile clie-mme est dij un fait de volont ct d'orclt'e moral, plus fortc raison la socit ne pcut-elle avoir d'autre origine que les libles conventions. La force, tant le contraire du droit, n'a pu fonder le droit soc:ial. Quand oir admettr'ait qu'un peuple pcrrt s'alieluer un roi, une dynastie,l ne serait,pas

la socite : pout'que le pcuple 1tt s'alifallait l-rien gue le peuplc prtic:iistt. La loi dc Ia pluralit des suffi'agcs, en vertu de llquelle on prtend que lc peuple pourrait se donncr, cst elle-rnrne ulte convcnlion, ct supliose , une fois au moins, I'unanimit. Quel est lc uroltilc de ccttc con* vention preilire par laquelle un pcuple est un pcultie? Ce rnobilea t < lanccssit (urorale et non phlsique) dc s'associcr pour vaincre lcs ol-rstacles qui, dans 1'tat de nature , nuinon plus I'originc de

ner,

il

sent la conservation de I'lromnre.

))

Ce n'est 1',lus l I'lrtpothse plradoxale ni I'atncr langage clu Discours su,r l'httgalit : ce n'cst plus le courroux du nrisanthropc, c'est la raison du sage qui parle '.

Le problmc du Contrat socia! cst de <r trouvcr nne forure d'as* sociation gui dfendc et protge de toute la force coiumune la llelsonne et les biens de chaque associti, et par laquclle chacun , s"unissant tous, n'obisse pout'tant qu' lui-nture et rcstc aussi lilrre qrr'auparavant. Le Contrat slcia,l cn donne la solul.ion. Lcs
clauscs cle ce contra[,

bicn qrr'elles n'aicnt pcut-tre;aruais

f'orrnelleurent nouccs, sunt, partout l,acil,encnt adurises ct reconnucs, jusqu cc que le pacte sociui ait tri viol. Bien entcnducs, elles se r'duiscnt une seule: i'alination totalc de chatlue associ ayec tous ses dloits toute la conrmunaut r e[ I'engagerucnt rciproque du irublic avcc ic's particuliels. L'honrme cst donc tout entier absolb par le citoyeu ?
l.V.ci-dcssus.p.T2etsuiv.,,Aulieutledtruirel'gelitnaturelle,lepacteforrun galit morale et lgitime ce que la rrature avait pu mcttre d'ingalit physique entle lcs hommes... Pouvant tre iugaux en ltrrce riu en guie, ils deviennent tous gaux par conveutiou et cle droit, , lContrat srr,'iai. I. J. ch. 't'til.)
darnerrtul sulrstitue au corrtraire

Ir?621

coNTl T

SoClAL.

147

Il

est inclispensable de bien tudicr


rscrve

la

pense

de

Rousseau

avartI de la juger.

qu'il est peine ncessaire d'indiquer, lorsqu'il s'agit de I'auteur de la Confession du uicatre sQ'

Il y a une premire

ioEard,. L'inclividu n'a pu aliner la communaut que lcs droits qu il avait. Il n'avait pas le droit de transgresscr les lois ternellcs, les lois de la conscience; la socit n'a donc pas le droit

lui prescrire contre ces lois : une telle prescrilltion serait la plus clatante violation du contrat social, et I'individu reste rlonc, dans le for intr.ieur, juge de la socit ellc-tIrme. I[ailtenrnt, quelle cst la nature de la souverainet attribue la.rpublique ou corps politique, cette llersonne publique forme de I'union cle toutcs les autres ? Il ne s'agit pas, est-il besoin
de rien de le rptcr? cle la souverainet al-rsolue, qui ne peut tre qu'ert

Dieu, mais d'une souverainel rclative et purement politique. Cette souverainct s'cxerce-t-elle' en gnral et en particr-illcr, sur tous les actes de la vic de tous et de chacun? - lion. Le pacte social clonne bien au corps politique un pouvoir absolu sur tous
que le souverain ou l'tre collectif est seul juge tles sacrificcs c1u il impose ses mctnbres dans I'intrt cornrnun; la patrie a droit d'obliger tous lcs citoyens sacrilier lenrs affections, lettrs biens et leur vie pour son salut; tnais la volont gnrale cloit tre gnrale dans son objet comme datls son esscnce : en d'autres tertncs, le souverain ne peut Se ntattifester que par cles lois, et la loi est ce que fait le peuplc quand tout le peuple stattre sur tout le peuple. Le souverain ne peut statuer sur des faits particuliers ou des pcrsonncs. S'it s'agit d'un fait particuses rtretnltLes, clans

ce

SenS

lier', ce n'cst plus alors qu'une affairc contenticuse ori lesindividus intresss sont une des parties, et le public, rnoins ces particulicrs, cst I'autre partie. Le souverain ne peut ni favoriscr ni lser

un particulier. Le souverain ne peul rien imposcr nontinativemcnt un particulier r. c Une Sculc injustice videute faite urr
1. Si l'trt a besoin cle la terre d'un parliculier, il ne peut la lui enlever pal' un acte cle souverainet; il peutI'exllroprier par un acte adnrinistratif, erl vertu de la supr.rnatie du ilornaine pulrlic sur le domaine priv, mais mo"rettrtatrt une intlelnrrit, et cette irrtlernlit, il ne lui appaltient pas de la fixer lui-lnme, puisqu'il tst ici parlic et on p&s unit souveraine; I'irremnit cloit tre frxe par des arbitres'

448

LES PHILOSOPIIES.

U762j

l)rrticulier dissoudrait le pacle social , en droit r.igoureux, et si I'on n'avait gald la fail:lesse humaine. Qu'on nous dise t1u'il est bon qu'un seul prisse pour tons, j'aclmirerai cette seutencc dans la J-rouche d'un digne et vertueux patriote qui se consacre volontairerlent et par devoir la mort pour le salut de son pays; rnais, si I'on entend qu'il soit permis u gonvernement cle
sacrifier un innocent au salut de la multitucle, jetiens ceil,c maxime pour une des plus cxcrables que jarnais la tyrannie ait inventes, et Ia plus directement oppose aux lois fondamentales cle Ia socit. >

IIel'-tius avait crit: i)our

le salut public. r Rousseau mel en note : tr Le salut public n'cst ricn si tous les particuiiers ne sont en sret ,. > 0n put juger si c'est Rousscau ou l'cole qu il a tant combattue que reutonte la responsatrilit de l'interprtation clonne dans nos tenptes la doctrine du salut public. si les disciples mrnes de
Ilousseau, ernports par I'excs des passions et cles clangers, ont appliclu lcs' maxirnes qu'il avait condamnes, ce n'est pas lui qu'il est juste de s'en prendre.

Tout devient lgitirne et mme vertueux

Avouons-le pourlant, cette seconde r'serve, si consiclrable qu'elle soit, n'cst pas suffisante et ne peut l'tr.e. L'absorption dc, I'homure par le citoycn tant pose cn principe, les clroits cle Ia personne hurnaine ne sauraicnt tre suffisamrnent sauvegarcls. Le souverain , tel clue le dlinit Rousscau, nc pent lscr spciale* rucnt aucun particulier'; nrais il peut lciser la libcrt en gnr.al. < Le souverain, rpond Rousseau, n'tant forrn que des particuliers qui le cornposent, n'a ni ne peut avoir cl'intrt contraire au leur. > Il est vrai, la volont gnrale est toujours droite quanrl elle est vrairnent gnrale, mais cllc peut trc touf[c, con]rne Rousseau Ie reconnat, par les volonts prives, quand il se folrne des socits particulires, cles intrts spciaux, dans la socit gnrale, et que I'unit rnorale se perd. D'ailleur.s, c'cst le prinl. L[,;la.nges : Rfutu,tiur du liore de l'Esltrit. Le passage qui prcde est tir rle - e.st, en p"i,tie, I'articie liconomte politique ,Jel'Encyclopdie, qrri l'a,,che rlu Cotttrat social' - Rousseau, dtus les Lellres de la trlonttgnc, s'lve rrergiquerne.rt corrtre les emprisonnemcnts arbitraires, et blrue Geuve cle s'tre trop occupe , de I'aulrrlit du peuple en griral et pas as;ez tle la libert. ,

U762]

CONTIiAT SOCIAL.

,t,r

cipe mme de Rousscau qu'il fant rcpousser en tant qu'exclusif ; on nc s'aline pas tout entier, on n'aline qu'unc portion de soirnnrc la communaut. La sonver-ainel du peuple n'cst que la

souverainet individuelle rnultiplid'e par elle-rnmc : la souverainet de chacun, ou Ia libert, n'est lirnite que par la souverainet d'autrtri, ou l'galit. Dans toute dcision collective, I'inrperfcction lrumaine ne pennettant pas d'attcinclre la vritable expression de Ia souverainet par I'unaniinjt, mais seulcrnent I'approxinration trs-imparfaite par la majorit, la liber{ individuclle, la vraie souverainet, n'cst donc point assnre si I'orr ne lirnite exprcssment les droits dc la rnajorit par Ia conscration dc droits iudivicluels irnprescriptililes, le clroit d'allcr et de venir, ledroit dutravail, le droit de proprit, le clroit de comnruniquer sa pensc scs semblablcs, la libert de conscience avcc toutcs scs consqucnces, lcs droits dc la famille r. Ser-rlement le salut pulilic, qui ne peut jamais autoriser sacrificr injustenrcnt une personnc humaine, pcut lgitirncr la suspcnsion momcntane de certains des droits individuels, clans lc cas extrme oir la patric, menacc dans son cxistencc par l'tranger, suspcncl les lois nomrales de la paix pour les lois exccptionnclles de Ia guerre dfcnsivc. La question de la proprit offre I'applicatign la plusimportante des principes que nous vcnons de discuter. Rousseau fait natre la proprit lgitirne du contrat sociar : < par le passage clc l'tat de nature l'tat civil... la possession, elui n'est quc I'cffct cle la furce ou le droit du premier occupant, devient Ia proprit fonde sur un titre positif. , Ne de la socit, la proprit pourrait, suivant lui, tre al:roge par la socit, qui n'a nul droit de touchcr au bien d'un ou de plusieurs citoycns, rnlis qui pourrait lgirimernent s'ernparcr des l-ricns de tous, cn changeant les bases cle I'organisation sociale, c comrnc ccla se ft sparte au tenrps de Lycurgrrczu. Le droit existait avanl ra roi, pcut-on rpondre; Ia
1' La difficult est tlans la limit'e entre ces droits ndlviduels et te droit col'lectif; mais cette difficult est partout clarrs ce moutle, qrri n'errt qn,un assemblagc de principcs se limitant les uns les autres. PoLrr nc citcr qu'un e:*eruple, en fait di,lrr."i,on, les sectaires qui nent le droit de la famille n* ue t'tat, ou le dloit dc I'tai ",r au nom tlc la firmille, sont galement dans le ftux. 2. T.
,niter

l. Y, plus explicite

que

le

Contrat socul.

{90

LES I'ilTI,OSOIIIIES.

[ | i62]

proprit tait lgitime avant d'tre lg'ale. Il est vrai que, en fait, la proprit foncire es[ clrez nous trs-postrieure la socit; mais le contraire et pu tre; supposons qu'un honrme et
occup isolment, Irar la culture inintcrrornpue , un espace de terre correspondant sa puissance lle travail et aux bcsoins de sa famille; n'y aurait-il pas eu l dj un droit vritable, avant tout

j\{lis, sans dcontraf entre cet homrne et d'autres hommes? battre davantage les origines, quancl on admettrait que le droit de proprit ftt n de la socit, s'ensuivrait-il que la socit pfrt I'abroger prlr une dcision prise Ia maiorit des suffragc's ? Rousseau lui-mrne est revenu irnplicitcment sur cette asscrtion, la plus prilleuse qui soit chappe sa plurne. Dans un ouvrage postricur, {ui est, sous bien des rapports, le correctif du Contrut social colnme celui-ci est le correctif du Dscourc surr l'ingalit, dans les Consitlraliotts swr le gou,ue.rnement de Pologne, iI reconrrat que I'unanirnit doit tre reguise pour toucher aux lois fondamentales qui tiennent I'cxistence du corps social, tandis qlr'une forte majorit doit suffire pour les changernents cle forutes politiques. La loi fondarnentale par excellence, comle il Ie dit en vingt endroits, c'est lil loi de la proprit. Donc,lous les citoyens, nroins un seul, voudraient mettre leurs hiens en corlrmunaut, que I'uniqre opposant devrait tre respect dans son droit. u reste, I'unanirnit elle-mIne ne saurait changer la nature cles clroses : elle pourrait bien motlificr, rcstrcindre les objets auxquels s'applique la proprit , lui enlever le sol, Ilar eremple, mais non pas supprirner le droit de propt'it en essence; il renatrait toujours r. Il y a donc cles droits, soit de la conscience, soit de la nlture, que le souvcrain ne peut supprirner, pttrce que ce n'cst pas lui, rnais un autre souverain, le souverain ternel et absolu, qui les a institus; mais toulesles lois que le souverain a faitcs, ilpeut les dfaire. Rousseau ici est eutit'ernent d;rns le vrai, quand il proclame la souverainet inalinable, < Nnl n'est tenu aux engrgel. Il ne fau,lrat pas croire, de ce qrri prcrle, que la communaut des biens ft Itidal social de Rousseau : le meilleur tat sociel tait, ses yeux, celui ou tous auraieut quelque chose, at ou persenrre n'aurait rien de trop; uue rpubiiquc de petits propritaires agrieulteuls. (Corrtrat soclal, iiv. I, ch. urt.)

Ir

i62l

CONTN

AT

SOCTAI,.

t'21

civil cst applirnents pris avec lui-trir1e.rr Cctte tnaxiute flu droit Le sollver.able au corps politique aussi bien qu'aux particulicrs' rvotluer de '' droit plus n'ait qu'il rain ne pent s'iurposer de lois le entrc contrat un point clu gouvemement n'est

L'institution donnc.

pas, souverain et ses JOtOgues. Le souverain ne cotttracte

il

or-

< A I'institnt cl'obir un hornrne, se dissoudrait par cet acte. corps poli. Ie et souverain pltrs de a , qu'il y a un tnatre, iI n'y

un

peuple

qui proructtrait ltttretncnt et

sill.plcttrcnt

on peut remarquer que I'axiome dmocratique de Rousseau de Louis xIY : est la contrc-prrou* cle I'axiorne monarctrique q La nation, en France, ne faitpas c\rps; I'tat, c'est le roi. > qu'itlaLa souvcrainet, polrsuit Rousseau, est inrlivisilrle ainsi qualit potlr linabte. Le souverain, le pcuple en corps, a seul d'admiltistlation, cl'excution, faire des lois; mais tous'lcs actcs paix, n'tant mrne le droit de clclarcr la gucrre et de faire la

ticlu,e est

dtruit.

>

point dcs lois, des actcs cle souverairret, peuvent tre dlgus que par lui,lt,s rilogirtrats. Le souverain ne peut tre reprsent des rnrue; il ne peut avoir des reprsentlnts , rnais seuletnent que le petrple en comrnissaircs qui prparcnt la loi : < Toute loi

personne n'a pas sanctionne est nttlle' > Po' FlUs tarcl, dans les Cortsitlt'cttlotts sur le gou'uernement de ( La alrsolue. rigueur l,ogne (chap. vl), Rousseau revicnt sur cctte quiiois obligent Ioi de la rrature, dit-il, ne perrnet pas que lcs p&,|' S(s mohts, d,w 0L|,, personnelletrrcnt, vot a conque n'y ltas moyennant rtrandats reltrscntaLtts I r> ct il arhnet la rcprsetltation, dans la suffisamtnent ainsi entre Il iurpratil's et cornptes rendus. pas sctrl qu un rcste irri il ne ct protiq,r., pour les tats fdratifs, 2 inrpratif ntandat le , foirl pout les tats unitaires : remplacer
avec d'autres s ru' seuls actes obligatoires pour le souvetaiil sont les traits pareilles ses collectives, personrtes verains, d'arttres frarrchi ce pas ; 2. Trop rerDpli de l'icla] cle ia cit nl1lique, il ne semble poirrt avoir grand tat libre' 11u'ti ,lu moius, il n's,ilntet' avec bien de la peirre, I'existelce d'url de crrpitale. Les restes de son atrcie.ne .topie coincirlent co'dition qu'il n'aura qu'il a sous les yeux pour lui faire maudire Paris eb toutes 'as rels trop avcc les maux de la miste des campagnes le, grur,,]., villes. Le conti'aste du luxe tle la capitale et plus choqualt ellcore que de nos jonrs, et rentlail sa colre ttop

l. Lcs

tait alors bien

excustrble.

gouer La rpublique f,lrative resta son irlal : il leisse un plan de pas r]o ne craigilit corrfr, qui il I'avait d'Iintraigues, qu'un cornte uement ftlral,

fonne d'adrninistration.

vernements peuYent convenir. au rnme pcuple en d.ivers tcrnps. La rpublique est l'tat o re souverain, Ie pcupl. .n .orpr, n conselv ses dloifs, et qui est rgi par des lois, quclle que soii ta

LE^5 PIIILOSOPIIES. [{:62J contraire la dc ces tats, par la frquence dcs lectio's, 'alure gui ramnent le reprse'tant crevant res rcp'esents et cronne't ii ccux-ci le moyen indirect rle sanctionne'o, d, dsavouer Ia loi. Lc principe de la souverainet, poursuit-il, est partout le rnrnc. ceux qui ont voulu distinguer tliverses cspces de souveraincr. ont confondu la souverainet, qui est une, avec les gouvernc_ meuts, qui ileuvent et doivcnt t'e divers selon les temps et les lieux. Le gouve'rernent n'es[ pas le souverain : il n'est gue le minist.e du souverain.Il n'y a qu'un scul bon gouyernement pos_ sible pour un peuple clans un mo'rent clonn; rnais divers gou-

t22

n'y tait pas consult; clle n'tait r'gie que par les dcrets d'un r'agisat Lrrlitaire qui avait I'exercice de la souyerainet, li pou_ 'surp voir lgislatif '.
La dfinition de la rpublique, selon Rousscau, n'exclut aucune forme du pouvoir excutif, pas la forme rnonarcirique h_ 'rnrc rditaire, sauf le droit inalid,'abie du peuplc de rvoquer son p'e_ rnagistrat; toutetbis, Ia rpubrique lnonarchique, de mrue 'ier que la rpublique aristocr.atique hrditaire, nc sont point pour lui de lionnes rpubliqucs, parce qu'il juge ra libert du peupre et I'hrtlit des chefs natur.cliernent incornpatibles.
dtruire, en I7Bg, de peur que cet ouvrage ne nuislt la rnonarshiu, _ It est re_ marqucr que les disciples cle Roussearr sont, prr*r la plupart, de'enus, dans Ia Ii_ volution, les adversaires les plus violents du fdralisme et les soutiens rJe la rpu, blique une et inclivisible.

La loi tant I'acte gnral par. leq'el 'tout le peuple statuc sur tout le peuple, il s'ensui'ait irnplicitement cle ceite rlfinition que la Fra,ce n'avait pas de rois, puisque re souverain

l'Angreterre trs-loigrrc je l,idar politique, pas absolurnerrt cette corrititution, ou deulx lrnents hrtlitaires se tiennent en chec et ou l'lment le.ctif ouvre et ferrne le trsor public, si les lections

Dernetnet de PoIo lne, et,

l' Il avait c''sidr d'abord ltAngleterre elle-rnme comrne n'ayant pas de vr*ies ' Le peuple anglais, dit-il, n'est libre que dura.nt l'lectio' des merubres du parlemerrt; sitt l'lection acher'e, il redevieut esr:lave. n (contrat social, l. III ch' xv') Il dsavoue cette exagr'atiorr d.ans les .f,elr,res ile la llortt.tgne et dans
lois.:

il ne condarnucririt

tout

eri jugearrt

le

Go,-

talent aruruelles et le suffr.age uuiversel.

u?691

CONTI

AT

SOCTAL.

{23

0n a 1irtcndu que Rotrsseau n'atltnettait de gouvcrnelnent lgitime que la dlroclatie pure : nous venons de montrcr qu'il n'en est rien; on a prtendu, d'autre Part, qu'il avait dclar la drrrocratie intpossiblc.

dit, en effet, que, rgourettsema, il n'it jamais exist de vritahle deimocratie et qu'il n'en eristera jarnais. C'est qu'il appelle ici drnocratie, conformment I'tltymologie, lc gouvernement o tout le peuple, ou la plus grande partie du peuple, exercerait dircctement le pouvoir excutif; aristocratie, le gouYernement oir quelques-tlns elercent ce tnme pouvoir; monarchie,le gouverncment conccnlr dans les tnains d'un seul magistrat, dont lcs magistrats infricurs tienncnt leurs

Il

pouvoirs r.

0n voit que les termes de Itousseau ne sont pas du totrt ici ceux rlu langage usuel, qui nomme drnocratie toute constitution oir le peuple lit le pouvoir lgislatif et Ie pouvoir excutif, et peut modilier ses lois. Le gouvernelnent le plusperfectionn, le plus propre raliser le but linal, la libcrt ct l'galit, est, suivant Rottsseau, celui o le peuple exerce le pouvoir lgislatif (on a vu qu'il finit par
admettre les reprsentants), dlgLre I'excutif un petit nottrJlre de magistrats et charge un col'ps sptlcial (trilluns, pltorcs?) de veiller la conservation des lois ct de maintenir lcs droits lespectifs du lgislatif et de I'excutif. I1 adrnet toutefois, dans le Gortucrnement cle PoloEte, qu'ttn grand tat puisse trc olrlig de concentrer I'exctrtif Sur une sculc ttc, Inlne viagreurcnt,

pourvu qu' mesure que I'excutif Se conccntre, on renforce les moycns de le contenir. La frqucnce dcs assemlrles du pcuple est 2. le plus essentiel de ces moyens Les questions de formes politiques sont lrs-clveloppes; d'.1utres ne sont qu'indiques dans le Contrat social. Sur la pnalit,

l. insi, une rpublique administre par un prsid.ent gui nomme les autres firnctionnaires est pour lui une monarchie, 2. Il y a, dans le Corral social, une proposition singulire, contradictoire avec toutl'orjdle d'ides de l'rnfJo et avec tout le mouvement du monde moc'lertre; c'est Ia ncessiLr:,, pour une socit qui se forme ou se rifornle, d'un lgislateur unique qrii se dgnne comme inspir du ciel; espce de 'r'ision rle l'Iose traters Ctlvin, exhumation de I'antiquit et folme mystique de cette conception qui voit ilans la socit une (Duvre d'art qu'un seul hourme dot mouler tout dtune picc,

personnification de sa natiorrautcr. Jsus, en ta]ilissant sur la terre un royaume spirit*el, spare Ia thologie cle la politique; rnais bientfrt, I'ernpire ayant pass aux chrtie's, au cirristia'isrne rle Jsus se s*J:stit*e le christianisrne dcs p.pes, qui crrer.crre rcs_ saisir I'unit, et le royaume de l'atrtre rnonde recrevie.nt, sous un chef visible, Ie plus violent despotisrne dans celui-ci. cepe'rlart comrne le prince et les lois civiles snbsistent ct, un pcrptucl corrllit de juridiction rcncl toute bon'e poritie irnp'ssible crans
n

progressif, c'est I'arJlitraire contre les riches. Rousseau arrive enfin ra grande question cre la relig.ott ciuite ou religion de l'tat : < Jaurais tat ne fut fbncl, que la religion ne lui serr't de base, r Dans I'antiquit, Ies clieux et les lois, la trrologie et le droit public, taicnt identifis, chaque peuple voyant dans son dieu la

Rousseau, qui efit voulu r1u'on tcht de prouenir l,accumul;rtion dcs richesses, mais n'n pas qu'on sporit res r.

LES PIIILOSOPIIES. i17 $el su' lcs inrpts, Roussc,tr se rapproche cle llontesquicu, mais il est rroins pratirlue; c'mme lui, il aclr'et la lgitimit de la pcine de rnort (il fltrit nergiquement la tortule clans les Lettr"es rJe la rontagne). Pour les inrpts, il faut se rcporter l'article Ecottontie po i itiqwe de l' Ency cloprtie. Il reconmane les inrpts sourptuaires et les droits de douane , appuie sur |irnpt pr ogressif , cornme l\Io'tesquieu : < celui qui n'a que le sirnple nJessaire ne cloit rien payer du tout : la taxe de clui qui a rlu superfru peut alrer, aw besoin, jusrlu' la concurrence de tout ce qui exccle son ncessaire. > Appliqu au salut de Ia patrie en danger, ce principe est lgitime; mais, si l'on prtend l'appriquer * besoirts ordinaires, on ira des consquences fort eloignes de Ia pense de
{P4

riches

L,impt

mesure que le gouvenlement se reliiche. L,arhnirristration rles doit travailler avec beaucoup prus de soin prve'ir res Lresoins qu, arrgurenter les reveuus... sinou, la frn, la rratiol s'obre; i" p"rrpt" est foul; re go*veflrcment perd toute sa vigueur, et ne fait plus que p*" o ,ho.u uu** bearrcroulr
finances

t' La Dickt'r'lion t]es Droits, propose ra co'verrtion par Robespierre, mais rron vote, senrble procder rre cette m.xime hasarde*se de Rousseeu. La prop.it y est clf ir : Le clroit de jouir de la portion d.e " biens que nous garantit la loi. , - Il y a, da.s L'Eronomie lnli.tique.le iiousseao, un passage reurarqrrrrrre sur res finances' Il y rnolrt'e cornlnettt un tat ne peut subsisier si ses reveuus n,augnrerrtetrt sans cesse' s De nrrnc que les tlistinciions sociles teritlent se rsrrmer tlals la riche';se, L's civers ressorts d.rr gouverernent tenderrt s,absorber daus le ressort firraneier,

d'algr:ul.

tt?r;r1

co

TliaT socr A L'


essa-v

1;;

l chrlit'nt. Plusieul's pcuples ont

rle rtablir I'utritti ett

suborcloun l'tat ' scns inverse cles Irapes' c'est--clire le ctllte il est ntatt'e et lrnais cn vain. paLtout otr le clerg fait co|ps,

et gislateur dans sa prrtie. (eci est crron tluaut I'Anglctcrre 1'titlt' ) ia Russie, oir le clerg cst vl'itlbleurctrt suboldorrn l'homtlle ou dc rcligicrn la lo leligion: Il y a tr.ois espr-\ccs clc thisme, vrai le l'vangile, de religion intrieurc,le clu'istianistrte polireligion citoycn, le droit divin naturel; 2o Ia religion tlu positif ct , tel tiquc, extrieure et nationale, Ie d|oit divin civil rolnilitr otr q.re te connaissaicnt lcs auciens; 3o le chlistianistllc duux li'gislatiolrs, religion citr pr'tle, qtti, tlonttant aux ltotlrttrcs ct citoyens' Folidvots fois la cl'tre d.* patr-ics, lcs enrpche tlauvaisc' La al-rsoltturettt est tiqLregtelt, ce.tte troisirne lcligion tl&uviiise ga|cls, ct'rtirins seconclc est bonne politiquentcnt rles la socicte c'est nroralcrnent. La prenrire cst saiute ct vraie; I'csprit luit clle ruais ures, q1e la morlt tnure nc flsunit pas; dcs choscs tlc la citoycns des colurs les social, en rltacliant

tcrre. Il scrnltle contraclictoire qu'une rcligiotr sainte ct vraie puissc de la logiquc allnuil'e lr socit. Il y a lii encot'L' lln clcs al'rus entrc lc clr|issignale solire cl* RoLisscau. La contradiction iiu'il lc patIiotisrne cntrc tiiurisnre ct le patliotisme, il 1'llllit aillcurs pas cltirclttcnt et l'|ulranit. Toutcfois, histoliqtrcurctrt, il n'a toujours trop presque eslll'it' nutt'e cle tort. Par I'irnperfection Ia vrit, le dc tlivcrscs faccs les fois Ia f;riltle p0ur ernbrasscr on a tlit cOlnlllc lL"L'lltr,n"tr.nitaire, clrrtien, ainsi que le cosmopoli pour I'un patric, la oublier de nos jou.s, snt trop clispos(rs le cicl, I'autre Pour I'humarrit' l'lr,ontrirc insuffis;ttrte Ronsseau parat clonc jtrger la reliqion de moraletncttt pour I'tat. D'une autre part, en clciarant rnaui'aisc ;:a religiott dw citoyet't,,l,t relig'ion d'tat, il sernllle imposer ulle I'homure dans le nouvelle et ca1-ritale restrictiort I'alisorption de
citovcn.
I'antiqtiit Oue veut-il donc ? - Ccci. Prendre

le principe

de

la religion civile, rnris

le limitcr

ces tlognes g(rnratrx

les cultes, manarlruns toutcs les socittls, fonclement de tous ccs dogtnes tion ncessaire ile la 0olrscicnce humaine; substituer

'

cotll-

f96

LEs PIIIIOSOpIrES.

nelrcut tre cito;'en. cette professiort, rte foi ciuile est la base co,r_ munc sur laquelle chacun peut di{ier tel systr'e cre croya'ces que bon lui se'rble; lcs scctes sont libres; rnais ic souvcrain a tlroit de bannir quiconque ne souscrit pas " ra profession d,e foi ciutl,e non comrne irnpie, mais colnme insociable : il a ,roit de ' pr.noncer mme Ia pcine de mort conrre quiconque I Ia re'ie aprs ' I'ar,oir professe.
Les plus hautes vrits sont ici rnles cle clangereuses crreurs, proctlant dc Ia mme cause que toutes les erreurs du cotttrat

de I'hom're et ceile du citoyen, et procramer ces croyances ess.n_ tielles au nom du souuerain, non comme dogrnes religieux sarrs lesquels on ne peut se sauver crans l'autre viel ce qui ne regarcrc pas l'tat, mais comme senr,iments cle socianiiite sans Icsquels on

de I'hu'ranit aux dog'res rocaux et partiers, Qui rencraient lcs peuplcs ennemis les uns cles autrcs; fonclre ainsi

Ln6zl

la religio'

nrande contre quiconque


<

mettc ct de Clootz! 0' pcut appliquer Ie mrne principe au ban'issemenf qu,il deose

r'enseigne*rent clc ces clogures. cfii'oi les quelques Iig'cs sement enrllru'tes pl.to' sur la peine tle 'railreurcu_ rnort contl,e les alhes, s'il crit entrevu se dresser r'hoiizon l'chaf.aud cle chauRousseau efrt efrhc avec d,ire : IIors tre I,Egtise Ttoint rJe sarut !

des fonctio's

de.rancler cornptc a.r citoyens que cle leurs actes, et non cle lcurs croyances- I-,e cifoyen qui aur.ait trnoign ne pas croire aux dogmcs g'raux re doit e'courir d'autrlc pcine que l,exclusion

n,a , point inrposcr de profcssi'n de foi aux i.ilivitrus ni pntrcr dans les consciences pour sayoir si on la croit. Ir ne ctoit

social,I'insuf{isance de gara'tics pour. la libert indivicluellc. Oui, l'tat a ie droit cf Io devoir cre proclamer Ies prinripes g'r.ux de Ia morale religieuse; ce tlroit ct ce clcvoir n,orrt p,, Iui tre dr-l'is que par |qrarrLie absolue ou [)ar une secte rlui aspire toulfer la nationalit sous une thocratie trangc\re : l'tat doit rgler sur ces principes la relgislation, et |enseigne_ meut; il doit res enscigncr, ies rnettre en action mais

il

qui tien'e't

attcndu que i'i'tolrance thoiogique e[ la civi sont inspa_ rablcs, ct r1u'il est inrpossible que ceux r:1ui croient cette uraxiur., rcspectc't la libert civile des autl.es el, se regardent
cornnle Ieurs

tr?6el

co

I'f li,\T

SOC t

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L'

127

que soient leurs confrr)res. > Les opinions spculatiYes, quelles rnatrielle : elles ne squcnces, n'encourent point de pnalit qui sont dans la nadoivent exposer qu'il 4e crhrines exclusions nient les drOits de qrri exelnple, ture mur.,1., choses; ceux, Par la patrie les dede enfants la patrie, ne lreuvent enseigner aux voirs du citoyen.
lgu deux moLa philosophie politique du xvlllo sicle notls a quoin*me,nts, sinon oiuor,io rnoins tous deux imprssables, de livre q'e imparfaits come toutes lcs uvres de I'homme : le conffat social' la libert et celui de fgalit,1'Espri,t cles los etle

Rousse'u fait reculcr la thorie en de de [lontesquieu pas de gant' et surtout tains points; ailleurs, il la fait avanccr prudence il ctchire les voiles tlans lescFrels s'tait enveloppe la gottveret du de i\I0ntcsquieu; les tluestions de la souverainet

sur cer-

qui ne s'tei'dra nement ont t claires par ltri cl'une lulrire des P[ffcnllobbes, des Grotitts, clcs plus. Les tnbres des Doclin, Spinoza, de tl'Althusitts, orf, sont janrais dissipes par I'hritier souvela dsorrnais plus de Loclie, at sioney : on ne confonrlra si Montesqrrie*, et rainet de clroit et lL pouvoir rle fait. Rousscau rltirils' les clans diffrents rle plysionrnie, si contrlires parfois Les partis cornpltent' se ne qu'ils rnoins se contrcclisent au fontl I'utrc I'autre ces rleux grantles tntnoires : I'histoire

cnt oppos doit les r'nir' hri^rfinn de rlc ses ( deux {uvres capt tales, Rottsscau Jusqtt'r ia publication

prives. I/es jours de la n,aYait souffert que dans ses affections potrr l*i' L'autorit pc,..sctrti'' politique ct religicuse sc levaient pefsonaait ferm tcs yeur sur lcs hartliesses de l'f/dlotsa " dcs dans voir qui pensaicnt droit , nagcs cl'un riiug lev et d'un scns uvaient socit, la de la irouvelle pirilosoplie religierrse le salut C'tait le cru pOuvoir rassurer galcmenl Rousseatt stlr L',Entile; une nrarchal de Luxernbourg , qui avait ofl'ert Jeln-Jac{lucs perdues; c'tait un sincre arniti a la place tle cellcs qu'il avait dcs lcttres prince du sang, conti, qui chcrchait clans Ie cottrtnercc
srieuses quclque aliment I'activit granrls ernplois de la politique; c'tait

d'un esprit fait pour

lcs

le magistrat tlltnc charg jusqu' obligct' de la ce'surc, It. de }laleiherbes. Celui-ci alla quc le Cont'rat Rousseau d'imprirner l'Entile ctr lrance, trndis

.tr8

Ltts I,IIILSOPIIBS.

11?621

social, cornrne lcs prcdcnts ouvrages de Rousseau , s'impriurait en Hollande. Le contrat,social parut au comnrencement de 1761. La circulation en fut d'abord tolre. L'Emile suivit quelrlues scrnaincs ck distancc. La premire irnprcssion du public fut l'tonncment et I'incertitude : on ne mesure pas un pareii monurnent clu prerniel" coup d'il ! Des admirations profondes et d'amres critiques clatrent la fois. Pendant que les rnatriaiistc's dogrnatiqucs affectaient un ddain qui couvrait mal leur colr'e, le sccpliquc d'i\lcur-

bert, malveillant pour Rousseau, rnais judicicux avant tout,


avouait que ce livre mcttait Roussc aa , Io, tte de tows les ryiuairts. La question ne fut pas laisse aux tibats de I'opinion, et les esprances dcs protectcurs de Rousseau furent tronrpes. La cour et lc l,rarlcnrent, au rnoment oir ils accablaient les jsuites, aprs clcs pr'iprltics sur lesquellcs nous reviendrons plus lard, sc cnrrent tlans la ncessit dc ne plus urnager les crivains gui attaquaient la religion romaine. Rousseau, pr un prirrcipe trc\s-digrre cle rcspecti, avait toujours sign scs livres, au lieu de sc couvrir, corme Yoltaire et autres, de I'anonyrre ou de pseudonynles transpalcnts, et de fournir prtexte au pouyoir d'pargncr I'autcur en prohibant les ouvrages. Ses arlis furent sans force pour le prot.{er. Lc prince de conli ne put errrircher qu'on lanct un clcret de.

plise dc corps clntrc lui et ol-rl.int sculement qu'on fennt lcs yeux sur sa fuitc. Rousscau nc se dircida partir qlle pour nc l)('ls comprotttettrc son hte, le rnarchal de Luxernbourg (juin l?6?i. Il se retira en suisse, Yverdun, afin d'atterrdle ce qu'orl ferair Gerrve. L'Ent,ile fut brril e'[ I'autcur d,crr.t,, Genve conrrne . Paris! Ilnc raction peu s;ncre d'orthocloric calviniste parmi clcs pa.stel.u's et des anciens, socinicns au foncl llour la plupart, dguisa Itr rancunc dcs patliciens genevois contre le ci:oyen qui rappelait la drnocratic ses droits. Rousseau, comure'il I'avait prdit , sc trouva seul sous le coup d'un douJrle orage, entre les champions des rcligions of{icielles et ceux du ruatr'ialisrne. Expuls du pays de Vaud par ies oligarques bcr.nois, il se ri'ugia sur les terres de F'rtlr'ic lI, IIoticrs, dans la principaut
l. " Yitarn irupcudere yfo. '

It?69-1?ti4]

TBTTRBS DB LA

NIONTGNB.

,I]9

de Neufchtel, et put y respirer quelque temlts sous la protection du monarque philosophe. tc fut I qu'il rcut la nouvelle de sa condamnation par la Sorbonne, aYec un mandement habilernent rdig contre lui, au nom de I'archevque de Paris, par un ecclsiastique de quelque talent. Sa rponse fut un chef-d'uvre, la Lettre it, M. rle Beawmont, c1rnplment da Yicai,re sauly1,rd (novembre 1762), Sur ces enlrefaites, las d'attendre en vain que ses concitoyens rclarnassent contre la conduite arbitraire du conseil genevois son gard, il abdiqua son droit de cit , faisant ainsi
irsage dc ce

droit extrtlle de renoncer

sa

patrie, qui ne nous

sernble lgitime que dans deux cas : lorsque la conscicnce est viot. lcnte, ou la subsistance impossible Genve sentit alors, un peu tard, cle quelle aurole elle se dpouillait : I'opinion se souleva, et la polrnique qui eut lieu sur cet troit thtre, devenu si clatant pour la secoude fois depuis deux siclcs, enfanta les Lettres de la llontagne, supplment et correctif. d'Emi,Ie et surtout du Contrat social ( 1?4)
'?.

Ici s'arrte
sans

ce

torrent d'loquence et de passion qui avait coul

intelruption pendant pr's de quinze annes, et dont la

Lettre,1'archeuque de Paris et Ies Lettres dela Montagtte taient Ies

derniers flots. Rousseatt tait rsolu ne plus rien publier de son yivalt, mais non pas, heureusetnent, ne plus crire. Il croyait avoir pay sa tlctte ses conternporains et projetait d'employer scs dernires annes une uvre sans modle, au moins panni les rnodernes, et qui servt de preuves morales et de comlnentaires ses livres devant la postrit' It erit souhait d'achever sA vie, dans la contemplation et les paisilrles rvelics, au foncl des valles du Jura, ou dans quelque lle sotitaire des lacs de la Suisse rolnane. Son indigne comPagne
Rousseal, si ferme sur les devoirs de citoyen, admet peut-tre trop facilement cle renoneer ce titre, par suite de son opinion sur la natute toute voloriil taire du paote social : il rre voit pas asseu que Dieu notts donne une patrie comme a nous dortne un pre. Inutile d'observer qu'il interdit de quitter la patrie lorsqu'elle besoin de nous. (Contral socr'al, liv. IIIt ch. xvlrr') Z. C'est ilans la vtl l"ellre que se trouve le ptrssage si souvent ct ; " Quanrl les arbihommes sentitont-ils qu'il n'y t point de dsordre aussi furieste que le pouvoir traire cveclequel ils perlsent,y remtlier? ce pouvoir est lui-mme le pre de tous les dsorclres i employer un tel moyen pour les prve'ir, c'est tuef les gens afirr t1u'ils

l.

la facult

n'aient pas la fivle'

xvI.

"

t30

LES I'HII,OSOPTIES'

u?65-1767l

ne

ltri permit pas de raliser ses Yceux. Thrse, qu'ennuyait la me solitude, abusa de la disposition otnbrageuse de cette une imaginaires, dangers blesse pour lui faire croire des

quitta le pays, Ie perscution de la part dcs bigots protestants. I1 d,*o, navr, I'espr;it obsd d'une noire mlancolie. Il s'tait 1{urne et s'tacid accepter Is offres du philosophe cossais lui inspirait que syrnpathie tle blir en Angleterre, malgr le peu dcret du du coup le Ie peuple anglais. il truu.r*n la x'rtnce sous fut Paris pltis pnrt.rn*rrt, t I'accueit qu'i1 reut Strasbourg' ' ministre raviver son affection pour les Franais. Le
tle nature
rle hter son dt3part.

arrtcr, I'obligea thoiseul, qui ne voulait ni le soutenir ni le faire

: aprs les condamn passer par trois degrs rle souffrances perscules aprs douleurs prives, les perscutions publiques; cruels cle tous' Pcuttions relles, les maux irnaginaires, les ltlus dtr spleen 0ontre le climat de I'Angleterre, la terre brumeuse ' qu'avaient I'hypocondrie de tribna-t-il dterminer I'explosion bien dcs syrnptrnes incoutpris. La rnaladie
dj pronostique

Rousseau tait La fatale issue de ce voyage est asscz connue.

Il traversa la mer en jawier

1766'

*rui. qui

forrne envahit Jean-Jacqtres se nranifesla sous cette lgrets qu,on peut nommer la rnanie de la rlfiancc. Quelques de I'exil en un conrplot de Hume se transformrent dans l,esprit tonn et inclign se Ilume' perdre et le dshonorer' pour ' -htu, le Rousseau comme un dnoncer sans plus d'examen, de

monstred'ingratitutleetnetrouvaquetropd'chosparmilesanpardonn Rousselu ciens arnis de I'auteur d'Emile, qui eussent pas ses principes' IIs le sa gloire, mais qui ne lui pardonnaient stiti'otts et rappelaient confondaient avec les dfenseurs des supcr il sauvait Ia philoso. o moment Ie d,sertewr d,e la phi'Iosophia' au de Rousseau, puis malheurs phie. Voltaire, dbord mu par les
dcs Lettres renclu son aversion par quelques attaques
d'e

Ia Mon-

vit folgue 4e son caractre. Le malheurcux Jean-Jacques

Iagrte,sejoignit,poo'l'accalrter,aupartiathe'avectoutela se for-

rnercontrelrrirrneliguetroprelle,ntaisquesOnirnagination granditdansclesproportionsgigatrtesques,impossibles.Ilse dans laquelle fgura tre cnvirorrri tl-'une conjuration uni-vcrselle, contemDorine h gnration ' ses ennelnis a'aie1t entran toute

u.?67-t?

701

}IALIIRUTiS DB

ttOUSSsAU.

4:}4

il

pour avilir son caractre et fltrir sa rnmoire devant la postrit. Bicn loin de s'exagrer son influence, il s'exagra son isolement au milieu de son siclc; il n'entendit pas les nombreux chos qui rpondaient sa voix, ou lescrut rnenteurs et railleuls r ;

hommes r. ce fut l, sans doute, une svre expiation des fautes qu'il avait pu commettre en ce monde. De retour en France (1767), or Ie dcret qui subsistait contre Iui ne fut ni rvoqu ni apptiqu, ct o le pouvoir ne songea plus I'inquiirter, vcut trois annes en province sous un pscuclonyme, puis revint ouvcrtcrnent Paris, pour se justifier en personnc des imputations de ses ennernis et lutter contre ce qu'il nomrnait le gran"d can"tplot: il apliortait avec lui les picc-r du procs destines la gnr'ation future, le rnanuscrit des con-

un cur tel que le sien,

mconnut Ia sincrit de la plupart des disciples passionns qui af{luaient vers lui et ne gota 1:as la consolation suprnre, pour
de

jouir du bien qu'il avait fait aui

il

l. A son retour d'Angleterre, Amiens lui fit une rception triomphale l les auturits municipales voulurent lui envover le rsirt. ile Ia ailte.Il fut d'abord touch1 puis, en rflchissant sur cet accueil, il s'imagina qu'on s'taib raill de lui. 2. Les oriSines d.ela maladie nore cle Jearr-Jacques dataient de loiu I ses ancienr amis, devenus ses ennemis, citaient comme tles preuves d'gosme, d'ingratitude, de fausset, d'exagration mertsongre, beaucoup d'incidents qui n'indiquaieni que la surexcitation d'une me jete au del des rapports moyens de la vie et incapable de lesjuger au poirit cle'r'ue cornrnun. - Que ferait et qutplouverait, au milieu du mortde physiqrre o nous vivons, un tre dont les sens seraient dix fois plus illicats et plus irritables que les ntres? Il endurerait des souflrances continuelles et insupprlrtablc's1 le moindre ra;'on lui blcsserait ies yeux; le nroindre corrtact lui braulerait tous lt's nerfs. Tel est Rousseau clans le monde moral. Si sa sensibilit et t contenue ct modre par une autre ilucation, il ett toujours t malheureux : Ies tres trop puissammenl dous quant la passion et t'idatit sont ncessuirement nralheuleux ici-bas ; mais il n'etL ressenti que les gr.andes et invitables douleurs, et il n'ett pas t tortur par ces misres fantastiques de toutes les heures qui finircnt par rompfe sans retour I'quilibre de ses facuits. - Uue lettre touehante, tle mars l?68, atbeste qu'il avait par moments Ie sentimeut de cette situation anormle: " Quelque altration qu'il survienne ma tte, crivait-il, mon cceur rester toujours le mme. " Plus tard, il avoua un ami, Corancez, qui nous a laiss la meilleure relation que nous possdions sur ses dernires annes, qu'il avait quitt I'Angleterre dans un vritable accs de folie. Se croyant poursuivi, en Angleterre, par les agents du ministre Choiseul, ce fut en I'rance qu'il vitt chercher un refuge { Cette crise mentale cota la postrit urre dition d'nrile, revue et augmente, avec un travail sur l'ilucation publique. Rousseau brla le manuscrit dals ur, ransport de frayeur sans motif. - Avec les causes mor.ales avaient cor)colrru, pour dteruiner I'hypocondrie, des souffrances lrhysiqrres de la nature la plus propre i afecter le systme uel'veux, et des iusomlies cor.rtirri',elles.

t39

TES PHILOSOPHAS.

lr 7701

fessions. L'lat maladif qui troublait, la rectitude de son jugement sur les choses particulires, tout en lui laissant la plus arlmirable lucidit sur les choses gnrales, et la rsolution de se montrer sans voile, de tout dire, penses et paroles, actions et relations, excute au pied de la lettre, expliquent, excusent, sans les justifier, les quelques dtails', inutiles et repoussants, qui blessent la dcence et le gorlt, les rvlations sur les faiblesses d'autrui, la complaisance ayec laquelle I'irnagination du pnitent ravive les souvenirs des erreurs que la conscience dsavoue, enfin cet orgueil qui s'exalte, sous I'oppression du rnalheur et de I'injustice hurnaine, jusqu' dlier devant Dieu aucun de ses semblables d'oscr se dirc meilleur que lui'. Il y aurait trnrit entreprendre dc caractriser, quant au point de vue littraire, I'inconcevable rnagie de cette cration o Rousseau est Ia fois et Ie pote et le pome. Personne n'avaif jarnais crit, personne n'crira peut-tre jamais

de pareils mmoires

l{ous retrouverons Rousseau dans ses derniers jours. Nous ayons yu ses uvres et sa vie. Nous allons constater les effets cle sa parole, au moins les effets immdiats qu elle produisit sur ses contemporains; car les consquences ult'rieures de cette parole dpasseraicnt de beaucoup le cadre de notre histoire ; elles dpasseront la gnration au sein de laquelle nous vivons; I'action de Rousseau sur la ['rance et sur le rnonde n'est pas
terrnine.
faut pourtant observer qu'il dit meilleur et non plus oertucuo, ce qui est bien - On a trop oubli que Rousseau avait dfeudu de pubtier ses }Imoires avant le comrnencement, du xrxe sicler poque laguelle il pouvait croire que tous ses r:ontemporailts auraient ilisparu. La famille de madame de Warens tait complterlettt teinte ds 1745, et les faiblesses systmatiques de cette femme trange
diffreut.
,vaierrt t, en quelque

l. Il

solte, publiques Chanrbirj.

TIYRE

CI
1sr.rrra1.

LES PHILOSOPHES

Iiorssseu ET LEs prrrr,osopnEg. Lps coxoursrns,

sur les crivains. Voltaire modifi par Rousseau. Rfirrmes rclames par Voltaite. Yoltaire et les parlements. Calas. - Rsistanee de la philosophie mat& rialiste. Propagande athe de d'Holtrach.- Communisme. Nforelli.- Ilatrli. Ses les et ides politiques et scciales. - Influence ile Bousseau sur les mceuts sur arts. Grtri. Gluck, Louis David.- conomie politique. Pnvsrocnlrns, Quesuai"

Influence

ile

Rousseau

Gournai.'Iuncot, conomiste et philosophe.

t762
'77b.
Norrs avons essa]' de dcrirc l'tat de la socit avatlt la venuc des philosophes, puis lc rgne des philosophcs avant I'ar'netnent de Rousseau : une troisime priode s'ouvre partir de la lu,lie, d,eI'Emil,e et du Contrat social. vant d'indiquer les effe{s de cette clatante apparition sur la socit, sul'le pultlic, il faut en collst&-

ter I'influence sur ceux-l mutcs qui taient habitus diriger I'opinion publiquc, sul' les crivains. Rousseau tait tornb au milieu d'eux colrrrne un projectile enflamm.
Les effets produits par Rousseau sur

h phalange

philosophique

furcnt trs-divers, trs-opposs mtne, mais trc\s-puissants. Lcs oscillations, lcs moditications dc l'me de Voltaire se suivenI de
prge en page dans ses crits. Dans le temps mme o[r il tmoigne une malveillance croissantc contre la pcrsonne de I'auteur cl'Enle et gontre ccr(aincs de ses ides, il est entlan invinciblcltrent ycrs les principales doctrincs de Rousscau ; il entre, cotnure nralgr lui, dans dcs voies o il n'avait jarnais port ses ps. 0n dirait que c'est pour se roilger de cette salutaile violence qu'il poursuit

43&

I,BS PTIILOSOPIIIS.

Il7tz

17741

il

Rousseau de son avengle colre. sous cctte agitation passionne,

tions, les contradictions, rerloublent. Dans le gros du batnillon matrialiste, on ne se contredjt pas : on a la logique de la mdiocrit; on enchrit sur I'athisrne de la veille par esprit de raction. Le patriarche de n'ernei a toujours la supr.rnatie norninale sur
I'arme encyclop'dique, mais cette arme est peu tliscipline : elle il s'agit de tirer ou sur les religions positives ou sur Ia personne de Rousseau, et aussi, il faut bien Ie reconnaitre,

y a pourtant un dveloppement logique dans les changernents oprs chez voltaire. Il n'en est pas ainsi chcz Diderot, le plus grand, le seul grand de la secte encyclopclique; l, les fluctua-

obit quand

quand il s'agit de dfendre I'hunranit ; mais, cluand le chef veut mnager les ides de Rousseau ou rnaintenir son propre disme, les lieutenants passent outre. Il ne s'agit ici que des irles religieuscs ou mtaphysiques de Rousseau; quant ses irjes
politiques, tous en subissent I'influence un trs-haut tlegr. seuIernent, ccux-ci les restreignent, ceux-l les faussent ou les
exagrent.

L'avnement, I'invasion de Rousseau, dtermine donc, dans la vie de Yoltaire, une troisime phase trs-fconcle, trs-essentielle tudier. Dans la prernire phase, voltaire avait eu pour fbnds, pour point d'appui, I'optimisnre tle Bolingbrohe. Dans la seconde, il avait pcrclu ce point d'appui sans en retrouver d'autre. Dans la troisirne, raffcrni par un secouls qu'il n'aloue pas, enflarnrn d'une rnulation qu'il se dissimule lui-rnme, il s'assimile en partie les vues de son illustre et malheureux rival, et ravive en mme temps ct dveloppe, avec une nergie soutenue, toutes ses aspiralions propres, toutes les donnes qui sortent spontanrnent de la nature de son esprit : le vieil arbre reyerdit ayec une puissance de rgnration adrnirable et porte de nouveaux fruits, qui auraient peut-trc sclr en serme sans [e bienfaisant orage qui a pass sur son front. tln crit politique anonyrle, les Id,es rpubticaines, p(w w.r cttoyen d'e Genue, est le prcmier cho de Ronsseau chezyoltaire. Il attare avec aigrcur le contrat social, le rfute juste titre sur quelques points, tort sur d'autres, or il n'entencl pas la vraie pense de Rousseau; mais, au fond, il le subit en le cornpltant par ce grand

4',15 voLTAIRIJ. IDI!BS RpuDtlcINES' libert de principe: a Dans une rpubtique digne de ce noil' la donc u c'est citoyen. publier ses penses est le tlroit naturel du formul d'avoir oltaire, ce qu'il sernble, que revient I'honneur fondamental' lI nettement la Iibert de la prcsse comlne un droit

1176|,-17'1t+l

recommandcs combat, au nom de la libeitO, les lois sornptuaircs odieuse ct < la clistinction lui, cotlme par Rousseau; iI btme, la souveaccept r avait roturiers. irumiliante de nobles et de civil est ( gouvernement le que rainet du peuple, en tablissant vertu en plusieurs par ou la volont de tous, excute paf un seul

Il

des lois que tous ont portes. > llais

il

restreint cette participation

a une socicit de tous par une singuliore dfinition de la socit. terrains qui tant conrpose de plusieurs rnaisons et cle plusicurs soit le homme seul qu'un leur sont attachs, il est contraclictoire nature la dans est il et terrains, matre de ces maisons et de ces ceur que chaque ruatre ait sa voix pour le bien de la socit' y avoir doivent-ils qui n oni ni terrain ni rnaison tlans cctte socit pay leur voix? - IIs rr'en ont pas plus de droit qu'ttn cornrnis ilS marcltands n'en aurait rgler leur conrtrlerce; rnais

par des

peuvent tre associs.

au Yoici donc Ia rnonarchie ct la dmocratie nies ertsettrble coTnsocit La prolit de la rpublique cles proprits foncires. pensait que Ia posOe cle maison, *i dc terrains !"' Rousseau l le germe tle socjt est compose d'hotutues ! - 0n 1-reut voir rcconnaissant d'une maCes opiniOns quivoques, qui, tout en exclucnt syst,iatipeuple, clu nire abstr.aite la suverainct motiver cette exclusans quementt la plbe des droits politiqucs' sion aussi crmcnt que Yoltaire' t, l,Ialgr cette ngatlon ctu droit des non-propritaires Yoltaire, Brutws cI reyenu aux sentiments qui lui aVaicnt autrefois inspir guert'e excllla pour oublicl paru qu'iI avait la trlort c)e Csar,et d':s occasion, mainte [ sive au fanati,sme, r1it dsorltais., tle ci,toyen, d'wrt, /des les dans maximes rpublicaines. Il avait dit,
l.Nousdisonssgstimatiguernent;galonpeutadrrrettreleprincipeiluvoteuni. rlo le croire immcliatement applicable tout peuple claus tout tat

versel , sans socit.

tlui ue seluient 2, Non-seulement des proltaires, mais tles capitalistes et inclusbriels pas proPritai res fouciers'

t36
Genue, que (

LES I'ilILOSO PtI

BS"

t17 62-177 Ll

Ie plus tolrable des gouvernements est Ie rpubl! cain, parce que cest celui qui rapproche le plus les homrnes de l'galit naturelle. r Il rcvient r-dessus, dans I'articlc Duocnrrra de ce Dctonnaire philosophiqwe, par lequel iI prtendait suppler
aux rticcnces de l'Encyclopt,die et donner franchement le dernier mot sur toutes sortes de matires. < Le peuple, D dit-il, comme Rousseau, (( n veut jarnais et ne peut vouloir que la lillert et l'galit. r II oppose les crirnes des monarchies ceux bien plus trares des rpubliques. L'article potitiqwe, du mm e Dictionniire, contierrt une allgorie trs-r ive et trs-leste sur la fin des monarchies, sur les manuvrcs trop rnaltraits qui finisscnt par chasser le matre. < Tou[ ce que je vois, dit-il clans une lettre c]u 2 avril 1761, jette les semences cl'une ryolution qui arrivera iurnranquahlerncnt, et dont je n'aurai pas le plaisir cl,tre tmoin. Les Franais arrivent tard tout, rnais enfin ils arrivent. La luurire s'cs[ teilement rpandue de proche en proche, gu'on clatera la prernire occasion, et, alors, ce sera un beau tapage. Les jeunes gens sont bien heurcux; ils vcrront clc bellcs choses. r ces bel'les ch,oses dont Yoltaire parlait d'une faon si dgage lui eussent inspir autant cl'pouvarrte quc cl'acluriration, s lui et t donn d'en tre le spectateur. ce n'tait llas sur ce ton que Rousseau avait annonc les imnrenses commotions gui s'apprtaient. voltaire ne se pique llas toujours d'tre consqucnt avec luinrne; ct du rpublicain, du rvolulionnaire, le grancl propritaire, le scigneur dc paroisse, se fait jour parfois tout a coup
par une boutadc guasi fodale. <, La prtendue galit clcs hornrnes esl une chirnre pcrnicicuse. S'il n'y avait pas trentc nranuvres pour un matre, la terre ne scrait pas cultivc. J'ai tabli tles coles sur mes terres, mais je lcs crains. > (Art. Fertitisation.) tes fantaisies seigneurialcs I'ar.rtcnt peu: en dpit de ses lgrets et de scs contradictions, il avance toujours; son ardcur et son activit sernblent crotre avcc lcs ans. Rousscau avait, suriout pos dcs principes ct fait appel dcs scntirnents gnraux : Voltairc, aprs avoir fait si longlcmps, de son ct, de la critique gnralc, se met rclamer incessamment dcs r.fonr:res positives, dterurines, particlles, rnais rnanant toutes d'un mrne esprit

u 76rjl

VOL'T'AIRB ET

I}BCCARIA.

{37

de l'hunanit dans les et allant un mrtre but, Ie progrs I'mancipation de Ia socit laque' venait de publicr' avec un jeune l\lrlanais, le marquis Beccaria, et d,es lleines, rellet dt'its un grand retentissement, Le Trait t]es r rapidcment I'Europe ' de cette pense tianaise qui envahissait cette uvre, qui voltaire accueille bras ouverts et commente la chalcur Ia plus rsume, sinon avec profbndeur, du moins avec

lois et

vraieetlacandeurlaptussympatlrique,touteslesaspirations plus hurnaine rle la philanttrropie moclerne Yers une lgislation pas le jeune suit ne vieillard rlu et plus juste (17d6). L'exprience pas, comme Bcccahomme dans tous ses lans; voltaire ne croit

ria,lapcinedemortabso|,wmenlillgitirrte2,maisilinvitele lgislateurenrendrcl'applicationlaplusrarepossibleet enrployer,etrgnral,Icscritninelsauxtravaurpublics'Point dans lc conseil d,excution capitale qu'aprs rvision du procs
jadis en F'ance.

ccla eristait du prince : cela existe en Angletet're et cn llcmagne; pralable : qu,estion plus d.e qu,estiorr, snrtoul d,e

tats suivent ,Angteterre l,a depuis longtemps abolie; d'autres 3' rnort pour vol son exenlple avec succs Point de peine de condarnns (clle domestique; plus dc con{iscation cles biens des rotnain' ni dans n'existaii 1ro, un, la plupart des pa.vs de droit Yolla le Bouronnais, lc Dcrri, le N{ainc, le Poitou, Bretagne). le fanatistDe' par taire attaque toute Ia partie de la pnalit tlicte atroces contre les lcs peines contre lcs }rtiqucs, les supplices clcs suicicles; iI sacritgcs, la rvoltartte exctrtion clu caclavre la pnalit ' glisse en passant une note sur un abus tlanger mutilation I'inf1re sur iluis plus oclicu)i encore I'hutuatrit,

dessopralripourl'usageclelacliapclleclupape.Ilcornparerrotre

Franois I"" procdure secrte, i,nite tle I'inquisition sous contt'c le clur traiIa procclurc publique des Rornains, rclatne
Le lirre
cle Beccaria

et fut traduit et remani par I'abb l\forellet. conomiste

'. philosoplrediste,quiverraitdepublier,enlT6?,|etrIanuelJesllrluisi/eu'''l'l-u:.
aiusilemonstreael'I,rq..isitio,rlrorsdesonantrepourl'exposer'al'Irorreuruntverselle.

n'a t

2.IIestretnarquerquecetteopirrionclel}eccaria,quiaeutarltd'chosdepuis, des grands grries du xvure sicle' prof'esse poi

S.Lallussie,l,Autriclre,laProsse,lal]esse.IlnRussie,larforrnen'iaitpaa remplacer les intrumcnts classiques bien srieuse, le knout se prlant facileruefit, de la torture.

"u*'t

4'B

LES PIItLOSOi,t]ES.

entre poux, sans facurt de se re'arier, est contraire et au bon ordre.

doivent rentrer dans le pur droit civil. La sipa*rtion de corps

paix, tablie en Hollande. Quant cet autre grand objet, I'affranchissernent de la socit civile, il y revient sans cesse dans re Dictionnatre phIosoprrtqwe et partout. Il avance que c'est l'tat entrete'ir res rninistres des autcls, sauf disposer du supcrflu des bie.s ecclsiastiques, s'il y en a 2, et qu'on ne doit pas souffi,ir cl'ortlrcs rerigieux ayant dcs suprieurs trangers. il erna,cle que l'autorit sculire ne se mle prus de Tirire observer, par force, r,abstinence du ca_ r're et le rcpos des jours tre ftes. Le rnariage, quant ses effets ci'ils et en ta't que contrat, lc's testarne'ts, res inhuurations,
la morale

v.x I'unifbrrnit. de jurispruclrn.u, puis celle rle lgislation r. Ailleurs, il prconise le jury angrais, te jugemcnt cJu citoyen par scs pairs: il avait, ds 1742, va't l'institution desluges ae
ses

s'indigner encore t) Ir fltrit Ia vnalit cles charges de judicature, gui n'existe qo'L., x,rance. Ir appelre de
aurait

lutions,

formepour tout le r'yaume, senrlire, a iien cres gards, avoir pour but la perte des accuss, et non la dcouverte de la vclrit. Il s'indigne que I'accus reconnu innocent ne soit point indernnis tle sa captivit ni de ses souffrances. (Aprs

avocats aux prvenus de sinrples drits et tle les aux prvenus de crirncs : ir montre que I'Trcronnq,nce 'efuser criminer,Ie de 1670, qui a beaucoup aggrav celle cle 1539 et qui est la seule loi uni-

rr:,rc.f infrig a.x accllss et contre l'injusticc d,accorder

[17 66-r77 4l

des

il

soixanr,e ans de ryo_

Il

matires

provoque galement des rformes en toutcs sortcs cl,autres

: dans des questions

d'd'it, c'hygine

publique,

de dimes sur

l. P'ur apprcier ce qu'on doit vortaire et ses auxiliaires d.vous, il faut se rappeler ou en taient encore, quelques an'es auparavan+,, iio-... Ies plus mi_ nerrts parmi les lgistes; parexempre, d'Aguesseau adrnettant l,utilit de la question et fir'isa't renouveler ces barbares-o"ioono""s du xvle sicre, 'rr-i, qui condamnaie't ntort les cou'ables de rapt de sduction, sans distinctt""- a" Iiest-a-ai*e qui menaaieut tlu supprice une liile qui se se.ait fait pouser pu" *io"ur margr ses pareuts (dcemble t7B0 l. Lois f ranaises, t. XXII, p. "n B3B. - Anc. 2' Pour juger ce srstme, il faut le comparer, non pas la tirorie qui rejette l,entretien des curtes sur la lihre contributionies particuliers, mais l,tatde choses ou le clerg catltol'que possdait uue tr's-grande partie ao sor r*nais et g0 millions
le reste.

439 YOtTtRD. REFORl\I ES. comlne le retour I'usagc dcs anciens Sur la translation dcs cimetires hors des villes; clans les questions d'ducation ' collrllle I'introduction d.es tutles historiques et mathmatiques au sein
[1?62- i? 7]

des collges.

suffit de rsumer les propositions de Voltaire pour en signaler I'importance : la plupart de ses d,esiderata sont devenus les lois de la X'rance nvelle; quelques-unes des amliorations qu'il appelle sont encore tablir ou t rtablir, Sur le terrain des rfonnes civiles, il marche du pas le plus ferme et le plus assur : rien n'gale la justcsse de son coup d'il. juger. La qustion religieuse n'est pas si simple ni si facile d'ttne : chez Yoltaire L, deux tettdances inverses se manifestent croyauces des part, il se raffermit dans le disme et se rapproche ncessaires quit avait repousses; de I'autre part' colilme pour ri se faire pardonner sa reli,g'on natwrelle par les matrialistes, la contre et positives les religions redouble d'acharnernent contre

Il

Bilrle. Il ne

se

contentc pas de secollt'ler la guerre de Rousseau contre

la religion rotnaine, religion, dit-il, {ui, a se choisissant un chef hors de ltat, est ncessairement dans une Suerre publique otl secrte avec l'tat; maladie qu'il faut gur'ir par dcgrs en abolissant les taxes honteuscs qu'on paie I'vque de Rorue, en dirninuant le nomlire des couYcnts, en supprintant, avec Ie tctnps, les confrries, les p(:nitents,les fausses reliquest. > Le fatneux mot d'ordre : rtuasons l,'infdmel nc rnenace pluS Seulement le fartatismc ct la superstition, rrrtis enveloppe le christianisme tout entier, que Voltaire confond avec les sectes chrtiennes; il ne distingue mrne plus la morale du clogme; il foule aux pieds les sentirnents les plus t'espectables; iI fltrit les traditions les plus touctrantes et les plus saintes avec une licence qui ne rappelle que

trop I'auteur de la Pwcetrle. L'excuse de tels excs,

si quelque chose en lteut attnuer le par lesquels le fanatisrne humili s'efblme, est dans les crimes force de venger sa dfaite et de ressaisir I'etnpire. De 1762
I. Ides de Lamothe-Ie-Yayer.- Parmi les dfenseurs ile la Bibte et de la tratlitiont gott dans l,on ne peut gure citer que I'abb Gune, homme d'esprit, qui ruet clu etc., stlrrt quelques de Juilr, leflres polrnique. Ses dans la I'urbanit de l'rudition et peu prs le seul livre de talent gu'on ait crit cotrtle Yoltaire.

,,ttl

tIIS

PHITOSOPIIBS.

u762-17661

Le 9 mars 1762, un autre rform toulousain, le ngociant calas, expire sur ln roue : le parlerncnt de Toulouse I'avait concla'rn cornme assassin de son propre fils, qui, selon toute apparence, s'tait donn la mort Jui-rnrne. suivant une fable ernprunte par le parler'e't la crdulit(: grossire des confrries de pnitents, calas avait tu son firs pour |empcher de se faire cathoIique ! La veuve et les enfants de la victime, aprs avoir pass eux_ nrmes par les horrcurs de la qaes,ton, se rfugient Genve et vont i'rplorer la piti dc voltaire. 0n sait le reste. L'histoire ne peut avoir trop d'loges pour la magnenimit avec laquclle ce vieillard, dj en butte aux crergs de toute I'Europe, os entrcr en lutte ouverte avec cette magisl.raturc si redoute et la fit recu_ Icr devant lui. Il sut eurployer toutes les armes, mure cclle de la rnodration, pour pcrsuacler, pour cntraner Ie public, le barrL'au; la cour cnfi' : il obtilrt, aprs excutio'! I'application de ce principe de rvision qu'il rclamait thoriquern.rrt entre la con-

et d'entranement tel que yoltaire. Des minorits bigotes et furieuses s'imposent dans les parlements des majoritJs flottantes ou sceptiques, et les obligent, cornme compensation de Ia guerre mort que Ia magistrature fait en ce moment aux jsuitcs, fouiller dans I'arsenal des vieiltes lois, plcin d'instrurnents d'exterrnination, ( pour venser la religion dcs hrtiques et des impies. > Le 19 fvrier t762,le pasteur protcstant Rochetle est penclu, pr sentence du parlernent de Toulouse, pour avoir exerc en Lan_ guedoc Ie niinistre vangrique. Trois jeunes gentilshornmes protestants, lcs frres Grenier, sont dcapits en rnme temps, sous prtexte de rbellion, pour avoir pris les armes dans un moment o ils craignaicnt d'tre gorgs par des catholiques ameuls au son du tocsin l'occasion cle I'arrestation de Rochette.

jette le dfi I'esprit du sicle, par une sr'ie d'atrocits judiciaires bien propres lancer hors cre toute mesure un homme de passiorr

1766, le vieil esprit routinier et iurpitoyable des cours de justice

dam'ation

et I'excution.

tnatrcs dcs rcqutes cassa l'arrt clu parlcrncnt de Toulouse, r_ habilita Ia de calas ct ordonna quc sa famille ft i'rlern'rr'oire nise (9 rnars 1?tb). Janrais Ia justice et la vrit n'ayaicnt rem_ polt une plus belle et plus dilTicilc victoire.

un tribunal ext'ao;.clinaire de cinquante

u762-r7661

CLAS ET LA BAtiIiE.

l4,l

L'anne mme du supplice de Calas, les mrnes abominations avaient failli se renouvelcr dans le mme licu. Une jeune lille protcstante avait t enleve ses parents, d'aprs lcs ordonnances toujours eu vigueur, et enferme dans un couvent pour la forcer cltanger de religion, pour l'instrwre, comme orr disait. Ellc s'chappa et, dans sa fuite, elle prit par accident. Le pt'e, appel Sirven, fut accus du mme crime que Calas: il s'enfuit, avec sa femme et son autre fille, travers les neiges des Cvennes. La femme y mourut de nrisre et de douleur; le pre et la fille re-

joignirent la famille Calas Gcnve. Ils y trouvren[ la mrne protection, tandis qu'on les condamnait par contumce Toulouse;mais leur affaire ne futpas si promptementvide et, avant que leur innocence et t judiciairement reconnue, les parlcments s'croulrent. Ils avaient eu le tentps, auparavant, de se souillcr de nouvellcs cruauts. Eu 1?66, un crucifir plac sur un pont d'Abbeville

ayant t mutit pendant la nuit, l'vque d'tniens cria vengeance. Deux jeunes officiers de dix-huit ans, La Barre et d'talloncle, fnrent accuss de ce sacrilge. D'tallonde s'enfuit; La Barre fut condamn par le prsiclial d'Abbeville., sur de Yagues prsornptions, tre brl vif, apr's ayoir eu la langue et la nrain droite coupes ! ppel fut polt au parlernent de Paris. Le parlement confirtna la sentence, en accordant au condatnn la faveur d'tre dcapit ! Cette fois, Yoltaire choua. La tte de La Barre tomba Ie lu. juillet 1766. Les tribunaux semblaient frapps de vertige, lors mme que les passions ou les intrts religieux n taient pas en jeu : Yoltaire, cotnme nous I'avons dit ailleurs, ne russit pirs mieux leur arracher une victime plus mineute , le comte de Lally; mis il prpara la rhabilitation de ce malheureux gnral, et sauva la vie ou l'honneur plusieurs autres accuss prts succomber sous d'injustes prventions; il semblait aspirer se faire le rparateur de toutes ces erreurs ct de toutes ces iniquits jucliciaires qui l.rrouvaient si bien la nccssit des rforrnes qu'il invoquait. trl pratiquait ainsi l'vangile en fait, pendant qu'il I'attaqtrait
de norn. En urnre tctnps, son disme prenait

un caractre de plus

etr

rines en faveur de sa foi Ia providence 2. son langage s,lve, rf)rnrue sa pense, dans ies mles et Iires ptres enfantes par la verve inpuisable de ses vieux ans.
J'ose agir sarrs rien craindre, ainsi que j,ose crire
!

tre heureuse par ce grand Etre mme r. n Ir avoue que, partout ori il y a une socit tablie, une rerigion (il ne dit pas uno retigion ,l'Etat) est pourvu que te culte soit sirnple, et le sacer_ 'cessaire, doce sans superstitio' i <t Les lois veilrent sur les trimes conn's, et la religion sur les crimes secrets. > Les rornans, Ia posie, qu,ir a tant de fois emproys ra critique dissorvante, devien'ent
des

homrne mconnu mme de Rousseau. En approchant du seuil cre I'autre vie, il incline enfin I'immortalit de l,me. Ir aclmet la ltossibilit en nous < de cette monade inclestructible qui sent et qui pense, n si souvent en butte ses railleries. c Esprons que notre monade qui raisonne sur Ie grand tre tcrnel, po*i.ra '

I,BS PTIILOSOPIIBS. 1r762-t77 4l plus prcis et providentiel. II se dcrare trs-nergiquement en faveur des causes finales et contre le naturalisme. < Je ne vois dans la nature comme dans les arts, que des causes finales. ' il n'y a point denature: il n'y a que de l'art. r Il veut dire que Dieu est Ie grand artiste, et le monde une uyre d,art (Di,ct. pnil., art. Drru; Il oppose spinoza lui-mme au naturarisme -N.Lrunn). nratrialiste : c'est Ie comrnencement de la justice p'ur ce grand
4'b2

Le vengeur de caras pouvait se renclrc ce noble tmoignage,


Un jour tout sera bien, voil notre esprancel Tout est bien aujourd'hui, voil I'illusion.

si,rrr dsole du Dsastre

'est ainsi qu'il corrigc, dans les ditions nouvellcs, la conclu_


cle

Lisbonne.
:

so'

dernier mot est un acte de foi pour la religion du progrs


Que

tout soit mal ou bie ,, faisons que tout soit micux


ses

0'tait contre
1'
Ds

allis accoutums que tous ces traits taient

1758, au lendemain de canid', il ar-ait vu crair sur la question de i,opti_ r.rslre. * c'est l'ternit venir rlui firit I'optimisme, et no' le moment prsent, n crivait-il un pasteur de Genve, rsumant ce que lui avait crit llousseau. Ilais,
aette ternit oenir, ir uren avait gure e.core le sentiment cette poque, 2' v'1'll,ist.tlelenry1 ;r'riptre I'awreurd,esTrois rrnposteur.rr. r,Epirra Boileau.

tI?02-1?4] VOTTAIRE

CONTRE LBS

ATHIIES.

{'i}

dirigs; c'tait contt'e lcur athisine qu'il protcstait cn gravallt sur le fronton de I'glise de ['ernei I'inscription fanieuse : Dco eret[t Voltai,re, oit I'on a votrlu voir tort la rvlation d'un tmraire orgueil r. Il hsita longtemps avant de faire une gucrre directe leurs ouvrages : le pacte contre I'ennetni commun le retcnait. Enrmntes, d'aillcurs, malgr la colre fanatique qu'avait soulevc parmi eux I'attaque de Rousseau, ne se hasardrent que peu peu enseigner dogmatiquemcnt dans leurs livrcs les maximcs professes depuis bien des annes dans leurs salcns. Il fallut qu'ils sentissent le vieux montle de plus en plus branl et qu'ils crussent la puissancc de leur secte singulirement agrandie. Il fallut surtout qu'ils eussent un centre d'action trs -fortcment constittr. Pour crer ce centre, d'Alembert tait trop prudcnt et trop sceptique ; Diclerot, trop mobile, trop clairvoyant aussi, n'avait pas une foi assez fcrme dans Ie nant et apercevait parfois I'irnpossibilit cl'unc socit athe. Un homrne d'une rnoindre porte' urais qui joignait une pcrsvrance passionne les conditions de fortunc et clc position ncessaires pour agir sur unc grande chelle , s'ernpara cle cc rle : ce fut le baron d'Ilolbach, Allentand tallii en France, trs-inStruit dans les scienccs naturellcs, I'at'ance' ment clesquelles il efrt pu contribuer par des vues originales, mais qui ne fit de sa physique gue le support d'une mauvaise mtaphysique. D'Holbach runit autour de lui ct met l'uvre des hommes de savoir et de talcnts il1fgaux, rnais associs par une urtne soif de destruction et par une mme sincrit dans leur fanatisrne ngatif. Il s'empare de Diderot, non pas exclttsivernent, mais du moins autant que I'on peut saisir ce prote {rrl personne n'enchana jarnais. Le fougucux directettr de I'Encgclap,dia crit la fois, pour lulmrne et liour ses atlis, des livres
distes et cles

livles athes '.les Atltlttions awr Penses phtlosophi' ques,le Trait d,e Ia suffisance cle l,a Retigion natwrelle (17i0), d'ati-

t. Il est regrcttable que ce souvenir soit gt pat les scnes, les unes purlles, les autres contlamuablu., qoi se passreut Ferrrei , lorsque Yoltaire s'mttsa se faire affilier au tiers-orch'e de Saint-Franois, prtentlit recevoir la commuujon iles mains de son cur, en bon seigneur d.e paroisse, malgr I'opposition {e son vt1uc, et souscrivit cet effet urie plofessiotl de foi catholique, pour se mettre couvelt tlu cf des tribunaux franais. Rousseau ne jouait las aYcc ces chgses !

4 4t+

LES I'IIILOSOPIIES.

u7701

tres productions de Diderot encore, pourr.icnt tre avoues par voltaire, sinon par Rousseau mme; r'Histoire philosophiqwe

esprit.

sophique et littraire; inpuisable, infatigable, il crit,presque tout ce qui a une certainc supriorit dans les livres cle ses u,nir; homme trange, {r'on ne saurait accuser de mauvaise foi, mais qui a le don prilleux de se passionner en artiste pour dcs icles contradictoires, selon qu'elles se succclcnt la surface de son

comme cette correspondance par laq'eile Grimm arnuse sept ou huit p'inces trange.s du mouvant spectacre qu'offre la n'rance philo_

niqucs fantaisies, et prodigue sa verye aux lucubrations matriaIistes de d'I{olbach, de sonlieutenant Naigeon, cl'Helvtius,

Rainal (1770), qoi doit niderot-r., pug*, les plus vivernent coloresr, est encore une uyre de clis're; mais, penclant ce temps, Diderot esquisse pour son compte de cy-

deu,r Indes, de l'abb

des

certitwrle des prewues dw ch,ristianisme, quoi un cham_ 'ouvcau pion rplique par la certttwd,e des prewues clu mahomtisme: celui-ci, Allernand francis comme cl'Holhach et Grirnrn, est ce cloatz, depuis clbre dans la Rvolution sous le nom d'nacharsis, 1' Le vaste ouvrage de Rairral, trop vant autref<ris, trop ddaign aujourd,hui, est diffus, tlclamatoire, palfois incorrst1uent, mais plein de faits et anim cl,une

vieilles marirnes de I'intolrance, I'abh Bergier, rpond un de ces li'res, r'Euamen critque cles aytologi,stes r\w christianisme, par la

: un thorogien ruounf et laboricux, mais lourcl, et qui dfcncl, avec les dogrnes clu christianisme les
tendances suspectes

rvler leur pense de leur vivant : les principaux sont mis sur le cornpte dc l'rudit Ie plus profoncl du sicle,e Nicolas Frc3ret, rnort en 1749. Les premiers de ces ouvrages tant surtout dirigs contre lcs dog'res rvrs, vortaire les approuve, malgr .,

tlne foule de livrcs agressifs sortent de la secrte of{icine de d'Holbach, pour aller recevoir la lumire en llollande ct revenir se faire brler en -France, o le bricher n'est plus c1u,un lnoJrerl de propagation 2. 0n les fait passer pour les uvres posthumes de divers savants ou acadmiciens qui n'a'aient os, disait-on,

passiorr sincre.

l. 0n en brla vingt-cinq ou t'erte en r?70. nar I'Acadmie des Inscriptions sur Frret.

v.

le curieux rapport de

lI.

warcke_

u770-177 4j

PROI'AGANDB ATII8.

/1,\

discipte de Diderot qui doit tomber sous les coups des disciples de Ro'sseau, quand les ides seront devenues des glaives ! Le systnte de Ia Natwre lve enfiu tous les voiles (l??0) : c'est la thorie, expose magistralement, de ce naturalis're rnatria-

liste insinu dans |Inierprtation d,e Ia Natwre et dans quelques autres ouvrages antrieurs de Diderot, et relfut par Rousseau. a ce coup, voltaire clate. Pour la premire fois, il conclamne puhliquernent une production mane cle la confr,rie philosophique et se trouve rang, bon gr, mal gr, ct de I'auteur
d'Emite. ces rnmes livres, si hostiles la religion de Rousseau, subissaient I'inrpulsion de sa politique, tout en partant de principes si diffrents. Rousseau ayant condarnn tous les tablissemcnts

rnonarchiques ou aristocratiques qui nrconnaissaient le droit du lteuple, il fallait bien trouver rnoyen d'enchrir sur lui. Il avait donn les raisons : on prit les dclamations,. ce fut contre le dcslrr.rtisnre une rnulation de cris dont le diapason alla toujours montant, jusqu'au distique farouche de Diderot;
Et ma nrain ourdirait les entrailles du prtre,

dfaut d'un corclon pour trangler les rois !

Fureur dithyrambique qui n empcha pas le tyrarmctd,e Diderot de professer une adoration nalve pour catherine II, I'impratrice philosophe, qu'il alla voir en Russie et qui le combla de caresses et de bienfaits calculs. 0n rencrntre, dans un ouvrage posthume de Diderot (la pol,i,ti'que des sowueraitts, crite en 1774, publie seulement en t?gg), des passages plus srieux et plus rflchis que cette sauvage bou-

tade d'un souper philosophique. < sous quelque gouvernement que ce frit, le seul moyen d'tre libre, ce serait d'tre tous scldats. Il fauclrait que, dans chaque condition, Ie citoyen et deux habits, I'habit de son tat et I'habit

nrititaile. r
ce n'est pas qu'il n'y ett dans ces livres * querques principes vrais d.e droit ' comrne le reco,rnat un historierr qui n'est pai suspect de favoriser le matrialisrne, [I. villemain; mais ces principes, dpourvus de lien et do
public et de libert,
XYT.

l.

sanction, ne pouvaient faire une doctrine.

,t0

r46

TES PFIILOSOPHBS.

[r770-177 L]

voil I'institution dc la garde nationale formule. < Il n'y a de bonnes remontrances que celles qui se feraient la
baionnctte au l:out du fusil..
>

Et,
phtie
JAMAIS.

e.nfin, ce mot terrible, {ui renfermait une lugubre proSUppLICE PUBLIC D'UN

a Ln

RoI

CHANGE

I'nspntt

D'UNE NATIoN PoUn

la raison d'lat et dit: a Le Inoins' du monarehique et catholique. Rousseau,


C'est la raison d'tat rvolutionnaire succdant
>>

supplice d'un

prdiet catherine, tl'aillcurs, redoutait peu Pour ses mowgilis les jugea cations de la propagande franaise. un autre monarque lcs servit de second son moius inoffensives. C'tait Frdric II. du Syslnre de la rfutation ancien arni Yoitaire et composa une librc arbitre, du Na,wre, au point de vue du disme, et mme

roi couPable. L* aittiqoe n'avait pas t publi' non plus que ces axiomes'

il

qu'il avait autrefois combattu. II tuit bien d'intervenir ainsi en le pt,itosoptre et non en roi; rnais on peut garantir qu'au fond roi auait t plus bless que le philosophe' par un livre oit I'on rclamait pour les sujets le droit de dposer leurs princes et I'abolition des grandcs armes qui soutiennent les trnes' Frdric s'tait dj trouv fort dpass par Rousseau, quoiqu'il erit lui-mure paru tablir, dans un crit thorique, la supr'ioriti:' de la rpublique sur Ia monarchie' : lui qui avait comtnenc si l-rruyarnment la rvolution phitosophique parmi les rois, il s'arrte, cotnmence pl.esque la raction, ou, tout au moins, il s'ilnercculepas,pendantquelemouvementgagnelescours

mme la cottr de Russie, d.'Italie, rnnre d'Autriche et d'flspagne, de Rorne !... au sein des cours, ne pouvait s'tendre que
dans de certaines

Le rnouvenrent, lirnitcs; mais les crivains avaient franchi toutes attaqu Ia les lirnites : aprs les religions particulires, on avait

religio' natuielle;

aprs les fo'nes passagres des socits, on attriburi attaluait le fond. Un liyre, le Cod,e d,e Ia Natwre, q.oi a t

Dirlerot,quoiqu'onn'yrenconlrepasplussesidesqueson l. Il en donne une raison trs-remarquable : c'est qu'il y a plus de suite et d'unit
dans la politique des rpubliques'

[174eJ

lloREf,tt. coNiluuNts|\fE.

ltLT

style, dnonait la proprit, non plus comme lie la socit qui a remplac I'indpendance sauyage, mais colnme ayant renvers la vraie socit , la commwtawt, Ioi providentielle de la
sociabilit hunraine. Le vritable auteur, clenretrr fort obscur,
se

nommait trIbrelli. C'tait un rr'eur solitaire, fort en dehors de tout sens pratique, comrne I'attestcnt les nalvets de son livre; mais la porte de ce livre en dpasse de beaucoup la valeur intrinsque, quoique tout n'y soit pas rnprisable. c'est l le point dc dpart du babouvisme, du cornrnunisme moderne et de tous lcs systrnes fonds exclusivenrent sur le principe de la fraternit. La thorie communiste, hritire des franciscains du
moycn ge et des philosophes utopistes du xvr' sicle, rre procde pas du nratrialisme, qnoiqu'elle puisse devenir un effrayant 1lau en s'y combinant. llorelli est religieux : il professe la perfectibilit providentielle du monde physique et rnoral; il pose comme principe dc tout dveloppernent moral le scntiment de notre insuffsance individuelle, du besoin que nous avons d'autrui, par consqucnt de la bienfaisance, et montre I'icle de la bi,enfatsance, de la bont, leve au dcgr suprme, veillant cn nous la notion de la Divinit, plutt et plus sfrrement que le spectacle mnre de I'univers. Il fait un grand loge du christianisme primitif et voit fort bien que la tendance la comrnunaut y a exist, mais rnoins bien pourquoi elle a ccss d'y tre. La tendance I'unit et l'galit socialc absolucs est une inr,itable raction de I'esprit

hurnain dans la dcadc'nce dcs cirilis;rtions, o une extrme ingalit cst associe une extrme corruption; mais cette tendance se tempre et s'quilibre avec d'autres forces quand la socit se rassoit. Les chrticns fussent sortis du rgime de la communaut, quand mme I'Ilglisc n'ct pas dvi rle I'csprit vanglique, conllne le lui reproclre Morelli. C'est que la libclt, la libre disposition de soi-mme, le plus indomptable de tous les besoins de I'homme et le grand nrobile de tout plogrs, de toute activit, est incornpatible ayec cette rglcmentation universelle o aboutit ncessairement le communisrne, et qui est dj complternent formule dans le Cotl,e de Itforelli. L sc trouve dj, presque dans les mmes terrnes, le
fanre

ux ariorne de

clinctnt, selon ses facults;

it,

ch,acwv,

selon

ses

{48

IBS

PTIILOSOPIIBS.

ltz to-l zssl

bcsoins, idal vers lcquel il est tre)s-juste de tendre, mais clont on ne saurait faire unc loi positive, une loi excutoire, sans anantir toute personnalit sous le despotisrne du magistrat. L aussi se rencontre ceLte doctrine : que tout mal yicnt des inslitutions de la socit actuelle; que tout mal disparatrait si les institutions sociales taient rforrnrlcs; doctrine qui supprirne la responsabi-

lit individuelle et qui dilfere totalement de ccllc dc Rousseau : I'auteur d'Emile voulait rformer I'homrne pour rforrner la socit. L encore on s'efforce de cornbiner I'abolition de toute proprit avec le mainlien du progrs social dans lcs scicnces, dans les arts, dans lcs plaisirs et les comrnodits de la vie, et aussi avec le maTntien de la famille; l\lorclli fait rnrne rgir la socit tous les degrs par les pres de farnille, et s'il adrnct le
divorce, ce n'est Frs sans dcs restrictions svr'es. La transition cst naturellc de l\forelli un philosophe infermdiairc entre lui et Rousscau, ct qui, presque aussi dpourvu dc talent littraire que I'auteur du Code de la Natu,re, s'est lev une grande renoulure par la seule force dc la pense et surtout du caractr'e. L'abb dc tlal-rlir, rnule et ncn disciple de Rousseau, mrrchant paralllement au ctoyen, de Genue, le seconde contre le matrialisme et la monarchie, le cornl,lte sur ccrtains points,l'exagre, le restreint ou le faussc sur d'autres. ll avait dbut, ds 1740, par un livre oir il vantait l'clat de la civilisation moderne et relevait la socit de son ternps au-dessus des anciens. Scs ides se tlansfomrrent librement, consciencieusement : il publia deux ouvl'ages sur le droit pubiic de I'Europe; il prtendait fonder la politique internationale sur la morale et la justice; aussi, pour tre consquent, avait-il quitt la diplcmatie activc, dans laquelle il avait eu dcs chances de fortune (1748-17b7). Ses Obseroations sur les Grecs et sur les Ron"tai,ns (1749- 1751) professent, sur la sirnplicit, Ia pauvret, les murs rigides, des marimes qui ont t celles de I'abb de Saint-Pierre et qui deviennent celles de Rousseau. 0n y remargue cet axiome : c L'galit est le seul principe solide de la libert. > Eu 1758, il crit un trait des Drofls et des deuoirs, si vigoureux, si original,

l.

Frre tle Condillac, n en 1710.

r7581

1\I A

BI,I.

Ir9

si prophtiqne, que, publi apr's la mort de I'auteur, en plcine rvolution (1i89), il aura I'air cl'un livre cle circonstance! mrne plus absolu contre toute magistrature hrclitair.e, ou mrre viagre ; nrais lc haut intrt du livrc est dans les appli_ cations. I\Iabli aflinne que le citoycn a droit, dans tout iat,

Lcs principes politiques sont ceux de Rousseau

: rlahri

est

narle cl.i^'cyance. Aprs avoir ercit lc parlerne.t et rous les coIIJs ct o|dres dfcnclre ce qui lcur reste ct tchcr .e recouyrcr ce q*'ils ort perrlu, nor clans leur in1rt,'rais comme exerrple a' pculrle, il dit que le parlcrncut peui tre Ic grancl insfnunerrl. Le parlerncnt auririt dfr (cn f ZiOl ( avouer. qn,il avait otitrc - pass scs pouyoils cn co'senla't de no.ve.ux i'rlrirls et tablir le principc qric Ja nalion seule a droit de s'iur|6sg1", tracer un talrlea' hisiorique des rrsurlrations dcs rois ct, cn cousquencc, dcltalcler la tenue tlcs litats-Gnr.aur...

Il ne voit pas que ces privilgcs servent d'arcs-bo'tants Ia royau[i', to't cn lui rsist'nt, ct quc le clespolisme, une {bis isol, crouk.ra plus firc'ilc'rent; nrais il rccrevic't bicntt
cl,une ton-

tance contre le dcspotisme.

d'asllircr au gonveLnement le plus propre faire Ie bonheur puhlic et qu'il cst de son crevoir de traviillcr I'tablir. Il part de 1 pour rdiger ulr vr'ital-rle rnarucl l'usage des rvoruliors. 0n doit passcr par degrs dc ra monarcrrie la rpubrique. Le prcrnicr des rnoycns est de s'clairer. Toutes lcs agitations pro_ fitent la libcrt, si la nation est claire, ou au ciespotisrne, si elle est ignorante et alirutie. II ne faut pas faire cornme ces gens qui s'eff'aicnt du mointrrc lnolryement tlans le corps politique ct n'aspi'cnt qu' un repos qui est la mort rnorale de ce coris. La gucr'e eivile rnme est prfrable au clespotisme. Les ,{nglais doivcnt passcr dc la la- rpublicluc. lts f ont 'ronarchie 'rixtc manque l)our ayoir t trop vite sous cromrvcll : ils ont tr.op fait en 1()40, pas assez en 1688. Les Francais doiyent cornurencer par rtaLlir lcurs anciens tats-Gnraux. poi.t de rfo.rncs llar_ tielles, {ui ne portc'aient pas sur le pr.i'ciirc tlu rnar, su're despotisrne royal, et q'i supp.i'rcraicnt .., lor.., sccondaircs, ces c.rporations, ces privilgcs, mauvais cn erx-mc\'rcs, ulilcs tcnrporaircrneut pour nrai'tenir quelclucs points 'rais dc rsis_

{50

IES

PTTI

LOSOPIIES.

lr 758-t76til

vous auriez vu I'effet prodigieux qu'auraicnt fait sur le public


de pareilles remontrances. Vos plus petits bourgeois se seraient subitcment regards conrme des citoyens : le parlement se scrait vu second par tous les ordres de l'tat; un cri gnral d'approhation aurait constern la cour... Les occasions revienclront. > ce ne sont pas l des conjcctures. c'est cle I'rristoire critt'
d'avance
!

llabli

est convaincu que le parlement cn viendra demandcr

les litats-Gnraux, tout jaloux qu'il en soit. sa seconcJe l)we I'abandonne en ceci , qu'il ne prvoit pas, trente ans de distance, la force et I'auc'lace avec lesquellcs lc Tiers abolira les ordres privilgis et, plus forte raison, re par.lement lui-mme. Il croit que le parlement mner.a les litats en se plaant la tte du Tiers. Il trace un plan dc rforme progr.cssive o I'on rduirait la royaut peu prs au rle que doit lui assigner la constitution de 1791, oir on lui terait rnure la nomination la plupart des fonctions, nrais ou les privilgis conserveraient d'abord lcur rang comme individus, sinon comlne ordres spars, dans les tats-Gnraux priodiques. < Il faut, dit-il, retremper, refaire par degrs un peuple anolli et corrornpu. )i l\{abli fait ensuite une nouvelle excursion clans I'antiquit par les Entrettens de Phocion, (1763), livre qui offre un confrastc assez lrizarre avec le Trait dcs clroits, ct gui cst tont clu pass commc I'autre est de I'avenir {, sauf sur la qucstion dc I'harmonie tahlir entrc le patriotisrnc et I'humanit. Mabli cst ici en avant de Rousseau, cluoiqu'il n'ait pas cncorc sur les nationalits ccs icles pr'cises que personne n'a eues au xvrrre siclc ct qui ne sc sont
trerlpes que dans le feu des bataillcs. ll revient bientt sa grancle pense, pl'ovoquer le rtablissernent des assenrbles nationales, et veut donncr I'histoire pour apptri la lhorie drnocratique. De l res ?bseruatiotts stw, l,histotre d,e France, ouvrage oir une interprtation nouvelle rcrnplace les donnes de Boulainvilliers, rle Dubos, de n{ontesquieu, en prcnant chacun des syslmes antrieul's ce qu'il a de favorable

l. Il y professe le culte exclusif, absolu, des anciens, et tmoigne un mpris tont fait anll'gue pour les artisans et les mercenairesl il veut, comme \roltaire, qu'on
n'allpelle aux droits politiclues que les
posse$.reurr.

tr765-r7881

ITIABLT. DRUDITION.

rs,l

aux institutions libres

vritables, au rnonde celtique, comtne on le fera, pendant la Rvolution, avec plus d'instinct que de science : il est induit Lricn des illusions par le' parti pris de retrouver I'unit nationale et les assembles gnrales du pcuple dans des ges o la nationalit n'existait pas, or) il y avait
tuais o
des tr'ranks et des

'. I[abli ne sait pas rcllronter

nos origines

Gallo-Romains,

n'y avait pas de Franais, Il ne voit pas que le pcuple, proprement dit, ne s'est fornr que par le mouvernent social du xr' au xrre sicle, et qu'il n'y a point cu cle vraies auseml-rles nationales franaises avant le xrr" sicle. La gnration contemporaine n'y rcgardc pas de si prs : affranchie moralenrent des chanes du pass, habitue par ses matres juger les traditions du haut de sa raison, elle ne sentait plus trop le besoin d'tayer
ses

il

doctrines de preuves historiqtres; elle n'cn accueillc pas rnoins

avcc

joie et reconnaissance le secours qui lui arrive, et le ntou-

vemcnt de I'opinion cst tel en faveul de l\Iabli, que les rudits de profcssion n'osent pas rnrne conteslcr lcs parties lcs plus erronecs de son systrne
e.

1. l?65-1788. Sur les Oserr)olions, etc., voy. Aug. Thierry, Consldirations sttt l'Hist. de France, ch. rtr 1 ODuurcs cornpltes, t. VII, p.81. 2. Les granrles publications rudites, Iegs tles gnrations prcdentes, se poursuivaieut alec persvrance, sans exciter beaucoup d'intrt chez uu pul-rlic proccup de questions plus brlantes. Un deruier monument de la scierrce bndictine, I'lrt dc orifor les (latet (1,c d., 17491; 2e, 17?0), ferme <lignemerrt la longue srie des travaux de ces iloctes congrgations, prtes clisparaitre avec I'ancienue socit. Des rudits laiques, la tte desquels il faut, placer Lacurne de SaintePalaie, commencent rechercher curieusement les monuments priuritifs de la chevalerie et de la p<lsie d,u moyen ge, enfouis depuis des sicles sous des imitations qui orri faitorrtrlier les originanx. Le Cabinet des Chartes est fond en 1762, par Berrn, ministre de la aisorr du roi, pour rciurrir tous les monumeuts de lgislation ro.vale, seigneurialeetmunicipale, pars dans Ies archives publiques et prives, et Brequigni commence, avec La Porte du Theil, la collection de Dipllmes, Clnrlet, etc., interrompue par la Ilvolution et reirrise en 1831. Lc pre Lelong, cle I'Oratoire, - hislorique tle la avait entrepris, en 1?19, sous le titre de Bliotlrye I'rance, la table
grrrale des documnts relatifs notre histoire: cet immense travail est complt par Fevret de Forrtette (u68). Des crivaius d'un grand savoir, d,e Guignes, Lebeau, I'un d,ans son l/dslodra d'es Hunsr l'autre clans son Hisl,ore ilu Bas-Enqtire, tudient les sicles obscurs o les invasions iles barbares d.'Burope et d'Asie ont boulevers et rerrouvel le monde. de France, entreprise fort la lgre par I'alrb -L'Ilistoire Yelli, bien que continrre avec de plus srieuses tudes par Yillaret et Garnier, pche trop par la base pour tre range rlans la mrne catgorie. n'est pas per- Il(du mis rl'oublier, dans les fastes de l'rudition, Ie prsideu de Brosse parlernent de D,jon), qrri n'tait pas seulement un savant profund. mais un crivain du talent

tt52

LBS PlIILOSOPIIBS.

[, ?76-r7E4J

C'est dans la Lgislation, prrblie en 1776, que Mabli runit I'ensentble de sa thoric. Son idal utopique est trs-voisin de celui de l\Iorelli. S'il ne condantne pas absolurnent toute proprif, il attaque la proprieit foncirc corntle tant le principe de I'inelgalit sociale, et ne s'pcl'oit pas que cette ingalit, au moins dans de certaines lirnites, a pr'cd le partage d;s terrcs. Il se figure, de mrne que Morelli, le rclgime de Ia communaut organis dans la socit primitive, et ses arguments sur la possibitit de cette socit, sur le poini d'honneur employ comme stirnulant et rcompense du travail, au lien d'avantages matriels, sont la source de tout ce qui a t crit de notre tenrps sur le rnme thme. Lri differcnce capitate, c'est qu'il n'espre pas que la proprit, une fois enracine par le ternps, puisse tr.e supprinre ; it s'accorde avec Rorrsseau porlr recounatre que [e lgistateur doit dsorrnais la faire respcctcr c,otnnre sacre, afin d'viter des maux plus glancls ct la dcsl.ruction mme de la socit. Il ne croit pas, surtoutr {u'on puisse associer I'galit ahsolue avcc les jouilsances d'une civilisation raflinet. Loin de

l : por-rr se rapl)rocher

siblc,

ii

cle ccltc tlgtlit dans la mesure du posjuge ncess;rire de sinrlrlifier extrmenren[ lcs nrurs

publiques, cle rduire les {inancc; et lcs clpenses, d'tendrc partout le rscau dcs lois somptuaircs, d'cntraycr, de dirninucr le corunercc et I'industrie 2. Panni bien des propositions irnpraticahlcs ou incompatibles avec lr liltert inclividuellc, il rnet des vucs,les nncs au moins spcicuses, Ies autrcs saincs et fcondcs, ct dcliuis rahses cn
le plus rare et le plus original , trop peu lu aujourrl'hui. V. les pages intressantcs que lui rt, cotrsacres II. Villernain; Tat,Icau tle Ia Liltdruturc frunaise au d,t,-lritinte .sfr'/e, r"e pzrrtie, t. II, p. 191, 1. Dans ses Frinpes d,e llorule (17u1 ), il comt'at ceux qui prtendent qu'une bonne pulitique " rerrdrait I'c-xpansion cle toutes les passions utile Ia socit, f " setuble d'ltvartce rfuterFourier. ll n'est, ceperrdant pas storcien: il repousse le siqui cisme civique f<rnde la morale sur le dvouement la socit, de mme que le myslicitrtte clui la fonrle sur I'arnour de Dierr ; il prend pour base l':rmour de soi et veui qu'on aill.e de I'antour tie soi I'amoul de ses corrcitoyeus, de I'lrnrnanit et tle Dietr, conrme tant la vraie route du bonlreur. Aiusi sa ntorale estutilitatre, autant qu'utre nrrrrale spiritualiste peut l'tre. Au fon, c'est ceile de Frauklin. 2. Le chef de secte qui tenta tl'tablir la cou'rmunaut pzrr la foi'ce, (ir,rrltus Babeuf, s'cartant du Code de la Nature pur se rapprouher des prceptes de }lal-rii, repoussait les arts et les raffinerents sosiaux.

u77E\

[IAI}LT.

,l53

partie : il vcut I'assistance de I'Etat contre les aecidents dc la nature (unc espce d'assurancc mutuelle nationale) ,l'gnlit des partages entre les mfants , I'abolition des su,bstitu,lions; il veut qu'on borne tcs successions collatralcs un certlin degr, etc. t. a Il y a une preuve infaillible pour juger de la sirgesse d'une loi : clle consiste se detnander si la loi propose tcnd trtcttre plus d'galit entre les citoyens. r Il souhaite que lcs granclcs monarchies se transforment en rpubliques fdr'atives, dont les diverses parties s'administrcnt sprrment, mais se gouvernent par les nttttcs lois, se conccrtcnt par assenrblrles centrales e[ ne fassent qu'un corps vis-vis dc l'lranger. Il fait un pas au del de Rousseu en reconnaissant quc les grandes drnoclaties reprsentatives peuvent tre

rgies avcc plLrs cle raison et de stabilit que les petites rpule mainticn bliques ou la loi se vote sur Ie foruur. - Il adntet Il vcut I'artnecle la pcine de rnort contre les grands crimes. ment clcs citoyens, colnrne en Suissc ; I'ducation publique et gnr'ale sur le picd de i'galit, et, comurc Rousscau, la foi en Dieu ct la vie future potrr bascs de I'clucation ct de la socitir; mais il va plus loin et, trop souvent entrain par I'irnitati,on avcugle des anciens, il vcut nne r'ritable religion d'litut, une rcligion politiquc au tlclt du thisrne, et rctonrbc dans totts lcs abus qu'c'ntraue infailliblcrncnt ce principe. ln rsuur, nlabli rcste un dcs chefs lcs plus mincnts de l'cole politique et sociate qni cherche I'unit et l'galit tout prix, nrmc au prix du clveloppernent individuel; on ne peut toutefois le donner sans rserve ftux courmunistcs; son irnagination cst ayec cux, rnais sa raison s'alrte un socialisrne nritig['. Nous a\rorls dj signal les grands grrics qui penchent du ct oppos, Ilontcsquieu et Yoltaire, ;nAis llar clisposition naturelle et sirns systme erclusif. l{ous verrons tout I'hcurc se fbr'rner une colc systrnatiquc, unevraie sccte, qui, si on la dgage tle cellaines inconsquenccs dc son origine, apparat tenclant la libcrt inclil,iduelle absolue, mrrre aux clpens dc I'unit natioI. Il rcconnat que la tlop grrrnde abondance d'hommes est un mal comure Ia dpopullition. ('eci est rel.Ilalquirl)le et urarque uue pliase rouvelle de l'conomie polilique : dcpuis le moycn g.c, ou aviiit toujours cri la tlisette tl'homtrres

164

tES

PH

ITOSOPHBS.
xvrrre sicle.

nale et de l'garit. c'cst par la scctc crcs couo'rsr's que se ferme I'immense cercle intellectuel du
res modifications qu,a subies la socit depuis Ia premire moiti du sicle. Nous l,avons vue jadisbrillante, farde, insoucieuse, comme aux clarts factices du bal de l'Oprar. Nous la retrouvons toujours

tn%.nso)

Nous allons toutefois, auparavant, jeter l'tat des murs et des arts, et rcconnaitre

un coup d,il sur

de.. Ieurs

entre toutes lcs influences cru cier et crc |abme, et flottant travers tous lcs extrrnes, entre rc disme stoque et civique de Rousseau, l'picurisme dlicat, hu'rain et libral de Yoltaire, r'athisme et i'expansion sans frein des horbachicns. Partout des contrastes ino.L , un. ricence syst'ratique succde, dans les romans de Diderot et cre son cole, la frivolit libertine
. devanciers

aux lueurs de I'orage, vers un avenir inconnu. La vieilre socit, bla_ se, raflne, a. fait prace rapidernent une socit rajeunie et ardente, dispute

d,eilemme, mais d'une ivresse bien diffrente, pleine d,lans im_ ptueux, de penses harcries et contradictoi.*r, d,esprances illirnites, et s'avanant, avec la confiance dc la jeunesse,

enivre

I,uioour, i,i,teol, sont de retour parmi nous; les ternelres divinits du ,Ln, et cre l,ima_ gination sont restaures clans leurs tempres avec tant de ferveur, que la lgret goiste et vaniteuse ou Ia sensualit banale n,osent plus s'avouer dans les liaisons cru nroncle. c,est gue tout mainte_ nant se fait ou prtend se faire srieusem.nt, nr*e re mar. Le scntiment, Ia passion, Ia natnre, sont les dieux auxquels on sacrifie ou sincrement ou ptr rnocle. Le clevoir mrne retrouve cles autcls. L'amour lgitime, s'il ne rgne pas, n,est prus ricricule. Les murs de farnille recomrnencent rl't., vantes par Ia prupart et pratiques par prusieurs. La voix de Rousseau a t entendue : Ies mres nourrissent leurs enfants; la libert naturelrc r.entrc dans I'ducation du prernier ge; Ies vielles et clures
mthodes

des rficences de bon got, qui prservaient les con'enances en immolant la rnorale; qai avait scanclalis lors cle son _la _Pwcelir, apparition, en 17bb, dcvient un de groire aux yeux d,unc grande partie du public, et, cepentlant,

; rn

cynisrne audacieux s,affrancrrit

tit*

l. Y, rrotrc t. Xv, p. BZ7 et suivantes.

n ?62-1?801

LA soclETE.

rar uoRAL,

d55

qui opprimaient, qui touffaient la spontanit de I'enfance, sont


discrdites, abandonnes. Cette gnration de transition prpare une gnration plus virile de corps et de cceur, ou tout sera nergique et fort pour Ie bien et pour le mal. Les ides de rnovation sociale sont dans toutes les ttes, la surface dans les cerveaux lgers, fond chez d'autres, qu'elles enflamment jusqu'au fanatisme. Les hornmes ont un but nraintenant : cela seul change toul. Les mots de libert, de citoyen, de patrie, d'gaiit, ont la vogue

parmi tout ce gui pense, tout ce qui lit, tout ce qui parle; l'hourme la mode s'appclait hier Riclielieu, il s'appellera tout
I'heure La Fayette.

Aucun sicle n'avait t moins dpendant des traditions : le mot

d'ordre universel sernblait tre: Guerre toute autorit; guelre


tout prjwg. Cependant I'hurnanit ne peut vivre dans I'absolu ni s'affranchir de cette ncessit de relier I'avenir au pass, qui est la loi mrne du progrs. Connaitre ses prcdents en les jugeant est une grande partie dc la science de la vie. Le xvur* sicle rtchappe point cette loi. a volontiers accueilli I'ancienne France hypothtique de lllabli; il tudie, avec l\{ontesquieu, I'Angleterre contentporaine ; mais il se rattache surtciut, avec Rousseau, et aussi avec Montesquieu et Xlabli eux-nrnes, une tradition plus authentique que la plernire, plus directe, quoique plus lointaine, que la seconde. L'aduriration pour les anciens renat de toutes parts, non plus littr'aire, cornme au xvue sicle, rnais politique, colnre au xvre, et avec bien plus de force et d'efficacit. Le bon Rollin a prpar, sans s'en douter,l'uvre des philosolihes politiques. Ce n'est plus aux littrateurs latins, courtisans des Csars, ntais aux citoyens romains de I're rpulrticaine et leurs devanciers des cits hellniques, que I'on ya denrander des leons ct des excmplcs. Phase nouvelle de la Renaissance, ou I'immortelle antiquit, aprs nous avoir aids refaire notre pense et nos arts, va nous aider refaire nos lois et nos socits, et dli-

Il

l're moderne du joug dc l'ge intermdiaire! l[ouvement li'gitime, malgr les elreurs, les excs, les maladrcsses d'une imitation qui se prend trop souvent la forrne l oir il ne faut cherchcr que I'esplit, que le souffle moral. Si proiitables gue puissent rlous tre les excellents exenrples de la libert anglaise,

lrer

r56

Lris ptlrLosopil

ES.

Ll? 48-t7121

notre ligne nationale vient d'ailleurs. Bien des esprits supr.ieurs, tout un grand parti, s'puiseront suivrc Delolure, le vulg'arisateur de la conslitution anglaise, en croy:nt suivre nlontcsquietr , et tenter de transplanter sur notre sol les fornres rnlanges d'hrtlit et d'lcclion, d'aristocratie ct de dmocratic, particulircs laGrande-Bretagne, quc la race anglaisc clle-rurne rejette ds qu'elle s'tablirt hors de I'Angletc.r're clans cles conclitions nouvelles r. La monarchie, qui a fait notre uniter rnat('rielle, tait fille de I'empire romain s. La dtlmocratic, qni a mission de faire notre unit nrorale, doit rctrou\rel'en ellc-rnme la Gaulc primitive rnodifie par la Gr'ce, par les deux Ronres s et par lc christianisme,
1. Les Anrrlo-mricains ontbien conserv les deur chambres;nais en les renclaut toutes deux lcctive's. 9. Non pas seuiement, toutefois, de I'enrpire ronraiu : deux autres tratlitions strtaient combines avcc celle-la; la traclition fodale et gennanique, et, lil tradition hbraque des 0frrfs dw Selgnewr, irrtroduite la suite du chl.isti&nisrne. 3. t-elle do I'ancienue rpubliclue et celle des jurisconsultcs, de ces hommcs arlrriirablcs, qui ont sauv I'horrrreur du genrc huurain parrni les iguomiuies de ltr'e dcs csars; aptres ,1* f ilquit, qui out fond le tlroit civil, pour consolcr le montle du droit politique mornentirncment perdu. l)ans le cours dc I'6istoire du xvtlc sicle, nous avons rappel les titres d.n -plus illustre successcur de ccs grarrds hontmes, tle notre Dourat, Le jurisconsulte cartdsien et jarrslistc avait eu, sott tour, un hritier au xvlIIr sicle, I'irrl'rtig:rtrle Pothier. tlanger s,rrt temps par ses mcelrrs, par ses cloyances, ptr ses prtjugs rnrucs, Poth.ers'y l':lttachait par les services qu'il rentlit la cause clu progr's. Tarrdis que la thorie rch mait lcs rf<rrnres jrrridiques par la voix des phikiscphes, la pr,atique en prpalait, avec I'othier, la rrilisation. C:rhne, sirnl'ls et picux Jomnle l)onti, dont ii avait les opiniorrs et lcs sentitneuts, utoitrs la profoudeur mtaplil'sique, Pothicr passa toute sa vic ir, Orlans t1ti99-1772), d'abord rlarrs les ruor-lestes forrcticns du prsirlinl, puis dans la chairc cle druit ftanais, otr il atait t rronuni' par d'Aguesselu, qu'il avait beaucoup aid drns la cotrflertiorr ele ses nolrbreuses ordorrnarrces sur I'upit {e la jurispruilence. Polhier publia, de 1?18 I?5?, ses Pnntlectas justinienrres, r{tlirleles d'ans un rrcuuel ordre, sous les auspices et avee I'assistauce de d'Aguesseau. Do,nat avait tlbute par la pense de ritalliir I'orclre daus I'irrforrne compilatiou de Tlrbonien, et c'est de L qu'il tait pftrti pour s'lever la thorie mrne rlu drgit civil : Pothjer rtlisa la prernire pense, moins haute, mais mincurment utile, de l)ornat. Pour la prernire fois, on eut le vrai corps clu droit romaiu, restairr et courclolu d'aprs la nrl,liritle ltt,ionnellc et gcnitrique. Apr's lcs ulrcs rle glric, ce sr)nt I les plus beaux travaux de la scierrce et tle la p,rticrrce au setvice d'un esprit 6roit et d'rrne rne juste, Dn 17fi0, Pothier publie lit Cot,tutne d'Orlttans, aaec Conunenlair'es. Ces 0ttnunenloires, qui erubrasserrt toutes lcs diversits tle notle dtsit coutumier, err furment peut-ue le trrit le plus corrrpiet et le plus mthodique. Le ft'uiti es OhltgLttions par'.rit ur l?til , puis tous les utres traits sur les corrtr':lts. La iinrplicit rrglige, la bonhom,e de I'utbier, hjsse.ut dsirer.rrn l)eu pius cl'lvatiort eb d'i'lgancc; mais ce qui assure ce jrlribcousulte le respcct de la pgst-

[1 ?60-r7801

DIiOIT. POTIIIEI. TIIIiATN[. ti gland te mouvement cl'opinion se trilduit par.tout dans lcs

hal-ritudcs. A ct des indices que r)ous en ayons signals se produiscnt d'antres synrptrnes moins gravcs, rnais que I'histoire nc

doit pas ngligcr. Ainsi, le costunre cornlnence devenir moins fastucux ct rnoins artificicl, la fois par une modification sl)orltane ct par I'irnitation dc.s Auglais. Les toffcs unics, les couleurs srieuses, rcltaraissent chcz les hornrnes, ct, chez les femntcs, cctte lgantc sirnplicit tant cll-rre par Rousseau dans ses hrones. Les panicrs et les vastcs coifirres auraient dj disparu, si l'tiquette de cour nc les uraintenait contre I'esprit novateur. Lcs fenrrnes ne tardcront pas rc'ndre leur chevelure sa libcrt et ses couleurs naturelles. Lc rctour la nalure cst invoqLr dans les petites choses coluole dans les grandes. Les signcs les plus marqus d'une r.volution morale se manifcstcnt dans lcs arts. Les sentiruents tle patriotisme, de nationalit li'anaisc, se font jour dans la tragdie, applaudis par Rousseau , malgr la folure monarchique qu'ils revtent cncore, et quoiqu'il n'y ait gure louer que I'intcntion chez le poete de Belloi. Les tendances nouvelles sont exprimcs avec plus de bonhcur sur une autre scne. De 1700 1780 s'panouit dans tout son clat cette cole si frunaise de I'opra-cornique, ce draure faurilier en prose nrle de cliant, qui ralise en prrtic les vux de Diderot et qui tlment le systrne de Roussealr sur I'incapacit lnusicale dcla tr'rance, tout en puisant pleinesmains I'inspiration
chez Rousseau trui-mure , mais chez Rousscau ternpr ct adouci,

sedaine et d'autres crivains prtent un heureux concoru's aux musiciens, au gracieux Dalairac, llonsigni, artiste tout dc serrtirnent , qai chante cl'i,nstittcr, comlne.le dit son illustre rnule, ce Grtri', dont les simples et rapides mlo,lies, brillantes d'une tcrnclle jeunesse, ncus ravissent encore par le contraste mrne avec les ceuyres colossales de cette nrusique moderne qui succombe sous les complications de sa science et sous le poicls de scs
ce n'est pas seulenent sa logique et sa lucitlit ; c'est surtout le caractre ' esseutiellement moral de sa mthode: fidle la tradition tle Domat, il procrie ttrujours du for intrieur, tlu trilrurral de la conscierrce, du jusfa ensoira:udroit positif. Il sera la source principale du Conn clvrr, pour les coltlats, la meilleure parfie de ce Code, et il en restera le meilleur conrmentaire. f . N Lige en 174I. rit

,t

s8

tES

PTIILOSOPilES.

u 760-1 78ol

nonnes machines. Les caractres essentiels de Grtri et de scs rivaux sont le naturel, I'esprit vif et charmant, sans subtilit, sans emportement ni insolence de verve, la passion pntrante, naTvc et tendre. Il n'y a plus l rien d'une soclt corrolnpue. 0n croit sentir tlans cet art rajcuni la fraicheur d'un souffle printanier : c'est comme ccs chants d'oiseaux qui, dans une des crations du grand symphoniste alleurand, prcdent de si prs les clats de
la ternpte.
[Jn tranger, un Allernand, vient complter la jeune cole franaisc en faisant vibrer des cordes plus svres et en s'emparant du

grand opra. Gluck ayait lutt longtemps contre I'insignifiance des canevas italiens; son gnie tout drarnatique ne se rvle que lorsqu'il a enlin trouv des sujets dignes de sa pense et un librettiste capahle de le cornprendre. a J'ai voulu, a-t-il crit, rduire la musique sa vritable fonction, celle de seconder la posie pour foi'tifier I'expression cles sentirnents et I'intrt des situations, sans intcrrolrlpre I'action et la refroidir par des ornernents supcrflus. Je pense qu'elle doit ajouter I'action ce qu'ajoutent un dessin correct et bien cornpos la vivacit des couleurs et I'accord de la lumire et des ombres, qui anirnent les figures sans en altrer les contours. r Il s'tait irnpos I'Italie, trs-contraire ses principes, mais tonne de sa grandeur. Il sent son affinit avec I'esprit franais : il vient s'tablir Paris; il pouse notre
langue, qu'il achve de relever des anathmes de Rousseau (1?74). La llrance accueille avec enthousiasrne ce glorieux fils adoptif, ce Poussin de la rnusiquc ; mais l'Italie, reprenant I'offerrsive, dis-

pute la France

Glucli,

ou plutt

elle-rnme,

sur le grand

thtre de Paris (1778), etla guerre des glurkistes et des pi,ccini,stes, du systrne franais et du systme italien, se prolonge chez nous iusqu' la veille de la Rvolution. Grtri et Gluck avaient des gnies bien diffrents, rnais leurs vues taient lcs mmes. < nla musique , crivait Grtri, n'est pas aussi nergique que celle de Gluch; mais je la mois la plus vraie de toutes les cornpositions dramatiques : elle dit juste les paroles suivant leur dclarnation locale. Je n'ai pas exalt les ttes par un superlatif tragique ; rnais j'ai rvl I'accent de la v,rit que j'ai enfonc plus avant daus le cur des hommes. p Pour lui aussi,

{r?60-r 78ol

GNTRI. GtUCK.

rb9

I'expression tait tout : il ne pouvait se faire I'ide de sparer un instant la musique des paroles; dans les ouverLurcs mmes et les ritournelles, il voulait qu'elle ne cesst pas d'avoir un rapport direct avec ce qui prcdait ou cequi allait suiyre, et ses airs de danse mrne participent I'actionr. Le systme franais pur imposait sans doute de trop troites limites I'inspiration musicale : on a vu I'excs contraire dans cette cole italienne qu'un blouissunt gnie a fait triornpher de nosjours et que I'esprit franais n'a pas tard modifier de nouyeau en se rapprochant de ce milieu qu'avait trouv le grand Itlozart.

Au point de vue philosoptrique, s'il fallait choisir entre les deux donnes exclusives, le doute ne scrait pas permis. La question de systrne techrrique tient de trop prs la question de caractre moral, Gluch entend la musique comme les anciens Grecs; sa verve austre prsage celle qui fera retentir, non plus l'Opra, mais les champs de bataille, des accents de nouYeaux Tyrtes. Le mme esprit apparat dans lcs arts plastiques. Si les Pigalle, les Falconet, {out en maintenant la sculpture franaise une supriorit relative en Europe 2, ne lui donnent pas une impulsion

bien dtermine, le mouvement est trs-tlcid dans I'architecture aprs 1760. 0n vise la svrit, la simplicit des lignes antiques; les forrnes'contonrnes et fantasques, les ornements bizarres et manirs, sont bannis. Pour citer des exemlrlcs, I'htel des Illqnnaies, les beaux difices de la place Louis XY (GardeMeuble et htel de la [{arine), et, dans des proportions plus grandioses, sinon irrprochables, la Sainte-Genevir'e ou Panthon de Soufflot, attestcnt la profonde modification du gorlt, rnais n'annoncent point encore le travers o donnera plus tard 'cole classique, lorsqu'elle se mettra purement et sirnplcment
1. Il dit dj de llozart ce qu'on doit dire plus tard de Beetbovcn et des autres Allemans du xtxe sicle ; c Il met la statue dans I'orchestre et, le pidestal sur le thtre. . Y. sur Gluck et Grtri la Biogruptde uniocrsLlle. 2. Les principau-x ouvrag:es de Falconet furent commanrls par des gouvernements
trangers. Le plus clbre est le colosse questre de Pierre-le-Grand, Saint-Ptersbourg. - l)errdant ce tenrps, la sculpture de genre et de buste gardait toute sa nesse et sa vrit : lfoutlon est le Delatour de la statuaire.

,t

60

LBS PII I LOSOPIIBS.

u ?60-r ?89]

calquer les templcs grecs, cornrne s'il y avait en architccture un lype absolu qui ne drt pas se transformer suivant lcs clirnats
et les usages.

lllrne rvolution dans

la

peinture. A la licence vulgaire

de

Boucher ont succd la grce spirituelle et voluptueuse de Fragonartl et la sentirnentalit bourgeoise de Greusc, qui transporte sur

Ie drame tel que I'appclait Diderot. Les paysagistes d'opra, qui avaicnt garcl le conuenw de Watteau saus sa posie, disparaissent devant Joseph \rernet, le pcintre de la rncr ou du moins des ports de mer, rnodle du talent srieux, conscicncieux, achev, s'il n'est pas celtii du gnie naif ct inspir r. Ce ne sont l que des prlrrcles. La grande peinture historique, morte depuis plus d'un dcrni-sicle, va renatre avec un clirt cxtraordinaile. Ilar un jeu trange de la Providc.nce, c'cst le petitnercu du peintre clv Parc-au,r-Cerfs qui peindra la foudle clatrnt sur les dmes de Yersailles ! Un jcune hornrnc, tl'une nature pre et forte, parent, lc\ve de Boucher, mais cherchant dj par d'autres voies un lrut cncore ural dfini, est envov Rorne comrne laur'at en 1775; il y lrouve les tudes rcleves sous I'in{luence de \4inclrehnann et de son Ilistoire d,e l'art clwz las anciens (publie en 1761). C'est I, sous le double cout'ant tle I'enthousiasrne esthtique de lYinckehnann et de I'entltousiastne rpublicain de Rousseau et de nfabli. que se forme Louis David. Les uns lui donnent ses sujcts et son inspiration; I'autre lui donne sa forme et cctte tendance faire de la statuaire cn peinture, comnre les sculpteurs du commencement du xvuro sicle avaient I'ait de la peinture
ses toiles en statuaire. Nous n'ayons point dvelopper ici les mrites ni les dfauts de ce grand artiste. L'auteur des I{oraoes, de la IIIort d,e Sowate, e Brwtws, da Serment dw jew cle pqunw, dc Lotzidas, I'ordonnateur de ces ftes inrites de I'antique que les souvenirs ne savent point
assez dgager

des circonstances lerribles panni lesquelles on les


la peiuture de genre : l'lgant
de

l.

Beaucoup cle noms distingus sont citer clarrs

f,ancretl Desportes, habile peintre d'animaux; Chardin, excelleut dans les scnes
fanrilieres

flcrrrs; Ilubcrt Robert, le peirttre des ruines roniainesl Lantara; Loutherbourg, si rarrt par Diderot. L'inventiorr du renloil4e p&r Picaut venait de fournir un grancl
secours pour sauverles ancicus chefs-d'ceuvre, rrenacs, altrs par le temps.

; Lpici, portraitiste i Oudri, pcirrtre de chasses ; Bachelier, peintre -

(1,775-1?891

PI' t N'TUR[. DAVID.

r6l

a clbres, appartient

I'histoire de la France nouvelle. Nous

n'avions ici rappeler que ses origincs. Il nous faut revenir des beaux-arts celle des rgions philosophiques qui est ta plus loigne de la sphre du beau, l'conoutn oor,r,gou. Les philosophes dont nous aYons jusqu'ici expos les

tloctrines n'ont fait, cotnme les anciens, de l'conomie Sociale qu'une dpenclance de Ia politique. L'cole dont il nous reste parler subordonnera, au contraire, la politiquc et tout le reste

i'conornie, mais

une cOnomie transcendante qui

s'efforce

tl'iclentifier le juste et I'utile, les lois morales et les lois physiques' Lespttysiorz:a,l,es sont la dcrnire phalange passer en revue dans la grancle arme de I'esprit franais au xvttte sicle, Venus les dernicrs, ils seront appels les prerniers exprimenter leurs doctrincs, parce qu'ils Sont ou paraissent les moins opposs, sinon au fond des choses existnntes, du moins la forme du pouvoir tabli. Durant de longs ges, tout ce qui conccrne la formation et la tlistribution de la ricltesse a t livr I'empirisme, la routine, aux prjugs populaires, aux intrts plus ou moins bien cornpris, plus ou moins mobiles, dcs SouYcrnements et des corporations inclustriellcs, aux interprtations plus ou moins arbitraires tles pr'ceptes religie ux. La scicnce de la richesse n'avait pas mrne tle norn parmi les connaissances humaincs ct I'on ne semblait pas souponner que ccttc sorte de phenomnes pt avoir des lois qui lui fussent propres. Les rpubliqucs comrlerantes du moycn
ge rnontrent les preDrircs une ccrteine suite dans les rglentents qui portent I'enrpreinte de leurs pres rivalits; clles bauchent

systnte protecteur, ou ptutt prohilritif , {u0 leur emprunte la rnonarchie espaguole et qu'un nrinistre italien, le chancelier Birague, introduit de [outcs pices en France sous Catherine

le

de

ltlaicis. Sulli ragit aYec force' au nom de I'intrt agricolc,

toutre une lgislation cornmerciale qui prohibe l'exportation des rnatircs prcrnires. Le tnouvelnent tttermntil,c a toutefois Ie clessus. L'opigion publique est pour ILli, comrne I'attestent les caftiers ,lcs tats-Gcniaux cle t61 1.Le systrne, non plus de pfohibiti'n absolue, ruais de clroits diffcrcnticls, qui dveloppe, PI la proteCtion cte
xvl.

t'Iitat, lcs tnanttfacturcs et Ie conrmerce marititne,


ul

est

LUS PIIILOSOPTIES'

0?50-l?59i

en plcine viguegr au xvrre sicle alec cromwell en Anglcterre, les ur. Coilrert en n'rance. Les rivalits de comlnerce envenimcnt Le systnte partout. cst ricilles rivalits politiques : I'antagonisme qui rncrcantile a cles forlunes tliverses: sur trois grands tats pro1'appliqucnt, I'Espagne se tuine, la france et I'Anglctcrre par lc *pl,:.ui. La llollanO*, it est vrai, a russi,6e son ct'
des s1,stme de libert que rclame son rle de comrnissionnaire

nations.

prolrlme Le comurcrce extr'ieur n'es[ qu'un dcs tertncs du mtnes lcs suivent dc la richcsse : si la France et I'Angleterre

diffretltes erreurcnts cct gard, ellcs ont tlonn des solutions intricure de I'in dcux autrcs qucstions capitales : I'organisation pr's liblc dans dustrie et I'assictte cle I'irnpt. L'incJustric, peu ge a t uroyen du pri[ritive cles corpolations

la constitution

'

cheznousrrrr*tr'.,parque,garrottetoujoursplustroitcment faire tourner dc siclc en sicle : iculcnrent Colbcrt a chcrch typique de au profit dcs intrts nationattx et cl'une perfcction goiste les rtrglelncnts restrictifs invents par f intrt
fabrication

Il a russi d'abord; dcs artisans priviicgis ct cle la lisculit royale. pcndant que les irnrnolilcs rcstant nrais, aprs iui, scs rgleme'ts
besoins
est ct les g,fits ie modificnt, I'instrument de progrs que eu n'vons nous I'ir*Pt, bicntt dcvc'u obstaclc. Quant

trop souvent insister sur

$a tnauvaise assiette

r sur son modc de

perceptionbienpirccl]coreetsurlesiniqucsprivilgesqtricn

classes inl-ricurcs' conccntlcnt le farcleau pl'esque cntier sur lcs et toutcs lcs s.vstme, le changcr d'en coll-rert n'a pas t rnatrc avcc lui' dispartt ont y introcluitcs a arnirliorations pratiqucs qu'il a rclIlollanden la de L,ngletcrre, au.ttoit., I'cxetnple lDoycll dtr ch, puis lrris prcsquc partout les chanes industricllcs

ge:l'irnpt,*tor*ttt,mieuxassisetmieuxpcru'neYapoint le lalrourcur turir la richcsse ptrbliclue sa source' ell crasaut eI: tcs i,npots dc consollllnation sont tnoins
sa part des charges publiques sur

sur son sillOn et non toi'cs c1u,e' France; I'irnpt foncicr portc sttr la llropt'it cle privilge hontctu le pas srr. le tr.avail. Lc riche nc rclame

rrjt:ter

le pattvre' landis que la France ' Aussi I'Anglctclre coutinue s'ctlricliir, lnnguit, n'avtlnce une fois la brillante poque dc colbert i'clipsc,

fi

750-1759J

tlcono ftu B p0tITle

{,,

o.

t63
sa

plus que lentcrncnt et pas ingaux, et se laisse dpasser par rivalc.

pelrils;

I'antagonisrnc dans les raJrports inl,crnatiolrrlln, sonl l r.evlc1s avec toute lcur grandcur, toutc lcur vr'it al:sl.raitc ct lous

donns la lil-rre con(:ul'.r'c'cc des indir-irlus; cn urne tcrups, il affirrnc que non-seuleurcnt tous lcs cilolcns d,un nrrne peuple, tous les peLrplcs de la tcrrc, sont soliclaires cl'irtclrlt; qu; 'tais tout change doit tre garer,c't profltaliie aux deux parties; qu'on ne peut vendle sans achcter I qu'on ne pcul lser autrui sans se lscr soi-rnme. Loin dc d*rs la co'curl'ence lc cornbat univcrscl, il proclarne ainsi, 'oir cla's I'orch.e co'ornique, aunonl des intrts, la tntuc loi de solitlalit humaine que le christialisrne et la pliilosopl,ie proclatuent tlans I'o'd'e nro'al au nour clu de'oir.. ce gnie si'gulier ct hardi csf le pre cles co'o'ristes. 'rai Les dcux p'iucipes cssentiels auxquels sc rartache toute l'cole conourique sans disti'ction de nuanccs, la substitution de la libcrt I'autorit dans les rapports incliviclucls ct de la solitlarit leurs d'atrtr.cs vcles

proteclion extrieure de la rgleurentation intrieurc : les 1itatsGnraux de I6l4 avaient rclanr Ia ubert cle I'industrie; dcs rloutes avaicnt t plus d'une fcris mis, clcvant colbert mure, sur la valeur du systnrc rglcrrrcntaire et restrictif; Ia rraclition a conserv Ia rpolse du ngociant L,cgenclre au grancl ministre. o Ouc faut-il faire pour vous aidcr? tai,sser fai,e. > peu - rous d'anncs aprs, Ibis-Guilebert protcste la fois contre les rglenrcnts intrieurs et contre la protection exti:rieure : il rnontre que lc sysl.me nrcrcantile l'cpose sur une base fausse quaut au rle attribu aur rntaux pri'cieux; qu'il y a clc grandes illusions datrs ccrlu'on'ornr)e labarance crw comntercc,. qu'un tat s'enrichit, non point en attirant et e' rete'ant chcz lui la plus grande quantite; possible d'or et d'argcnt, en ruultipliant-les fruits de la terre 'rais et les bictts d'ttrwstrie, ct en facilitant la co'sommation. Il souticnt que la police des relations iuclustlielles ct comrnercialcs appartient la rrature et non aux honrrncs en d'autres terrnes, ; que les phno'rncs conomiques doive't tre absolumcnt aban_

L'opinion pulllique, cependant, avait, ds longternps, spar la

rits; pril, si la libert i.rplique la ngatio. dcs droits et

pril

, si I'on rcnd cclte vrit exclusi'c

l6&

LES PIII LOSO PIIES.

[{750-t?b$]

devoirs collectifs; pril, si la solidarit internationale dsarme prmaturrnent la nationalit au prott du cosmopolitisme. Les thories gnrales de Bois-Guillebert, mles de beaucoul de bizarreries et d'erreurs historique$, ne sortent point d'aborcl d'un petit cercle d'esprits mtlitatifs : Ia thorie spciale de Vauban sur I'impt (abolition des privilges, abolition de la plupart des impts dc consommation, irnpt direct assis proportionnellement sur les revenus fonciers et autres , ) se rpand davantage; la thorie spciale de Law sur le crdit, qui emporte avec elle toute une rorganisation de l'conomie sociale, arrive jusqu' l'preuve de I'exprimentation, exalte, puis boulevcrse la ['rance; les ides de crdit sont balayes de chez nous pour longtemps par la raction qui suit l'chec de cette tcntative colossale, tandis que Ie crdit fonctionnc heureusement en ngleterre, o il s'est introduit avec moins de fracas et de tmrit. L'ide dc la libert indus-

trielle n'es[ point entralne dans cette droute et gagne incessamment du tcrrain parmi nous, en mme temps que les violcntes rvolutions survenues dans le clomainc des valeurs conventionnellcs rejettent les esprits vers la source inpuisahle des richesscs relles, vers la terre, vers I'industrie du sol. Sur ccs entrefaites,
les doctrines de Bois-Guillebcrt sur le libre change international et sur I'inanit de la balance du commerce ct de I'accaparement des espccs mtalliques, pntrcnt chez quelques crivains anglais,

puis nous reviennent d'outre-mer ayec les ouvrages de David Hume t't de Josias Tucker. David Hume, mtaphysicien , conomiste et historien, runit I'appel Ia lihcrt avcc la dfense du

luxe, qu'il soutient par un argument tr's-neuf et trs-spcieux ; c Ce sont, dit-il, les arts de luxc qui ont enfant la classe industrieuse ct commerante , la bourgeoisie, et c'est la bourgeoisie qui a pris I'initialive des rfortnes, et qui les a fait prvaloir malgr I'aristocratie. r II rfute trsJticn la vieille maxime i < Lc proit de I'un fait le domrnage de I'autre ! > et drnontre qu'une nation comrnerante a plus d'intrt tre entoure de nations riches que de nations pauyres, ( par la mme raison qu'on petrt faire de meillcures affaires avec un homme opulcnt qu avec un homme sans rcssources r. r
l. D. Ilume,
Essai svr le omnrcrce, etc"

,16 1r750-r75el LAISSEZ FAlttE. tAtSSBZ l'ASSfiR. L,e noml-rre dcs penseurs qui se pr'occupent de ces problmes va croissant parmi nous. Le moment est venu o I'esprit systmatique du xvlrro sicle et dc la X'rance doit invitablement s'en emparer pour s'efforcer d'en faire une science mthodiquc et positive. Dcux hommes puissants par le caractre, I)ar l'nergie des

convictions, et favoriss par leur position dans la socit, prennent la direction du mouvement. L'un est I'intendant du commel'ce Vincent de Gournai, I'aulre est le doctcur Quesnai , r decin du roi. Gournai, habile et loyal ngociant avant de devenir nrembre du bureau du commerce, n'cst arriv la tlrorie que par une longue pratique des faits; c'cst cn vivant, comme tmoin el acteur, travcrs lcs mille accidcnts et les variations incessantes du cornrnerce extricur et intrieur, qu'il a cru reconnaltre s des lois uniques ct primitivcs, fondes sur la nature mrne, pr lesquclles toutcs lcs valeurs existant dans le commcrce se balancent entre elles et sc' Iixent une valeur dtennine, comme les corps abandonns leur propre pesanteur s'arrangent d'cux-mmes suivant I'ordre de lcur gravit spcifique'. r Si la nature rgle les rclations conolniques par dcs lois ncessaires, I'homme ne doit point inlervenir par des lois arbitraires : Lerssnn FArnE Er
LAISSER PASSER.

Laissez faire et la.ssez passn ! c'est--dire, plus de rglcments qui enclranent la fabrication et font du droit de travailler un privilge : plus rlc prohibitions qui ernpchent les changes; plus de droits exccssifs et multiplis qui entravent la circulation et restreignent la consomtnation; plus de tarifs qui fixent les yalcurs

des dcnres et des marclrandises. Le bl est une marchandise cornme une autre : il doit circuler et sortir librement. L'argent est une urarchandise comme une autre : Ies ccnditions du prt d'argcnt, les conventions'qui rglcnt ['inti'rt, doivent trc librcsl l'tat ne doit pas plus tarifer I'argcnt que lcs autrcs rnatircs n3ociables; il ne doit travailler faire baisser I'intrt qu'indirectcrnent, en vitant d'auglnenter, par scs propl'es emprunts, le nornbre des dernandeurs de capitaux. La libert,le latssez-fah'e, est-ce la ngation absolue de I'actiqn
1. Turgot,
Eluge d,e Gournai.

{66

LI'S

PIIII,OSOPITBS.

lt?50-r 75el

au plus grand nornbre des citoyens; car il met le pauvre Ia merci du riche. La libert gnrale clc fabriquer, d'achetcr et de vendre cst le scul moyen d'assurer, d'un ct, atr vencleur., un prix capable d'encourager la procluction, cle I'autrc, au consornmateur, la meilleure marchandise au plus bas prix compatible avec la juste rmunration du producteur. Tels taient les principes que propagca pnissamment l[. de Gournai, non point par ses crits, car il n'a publi aucun ouyrage originalr, mais par sa parole et par son action personnelle. Le chef du bureau du cornmerce, son supricur hirarchique, M. Trudaine2, tait gagn scs cloctrines, I'aiclait en cssayer quelques applications partielles et prudentes, et I'autorisait tes rpandre au sein des administlatons provinciales et dcs classes

cle libcr.t saura, beaucoup mieux que le rgime restrictif, accroitre la richcsse publique et prvenir les variations brusques et violentes clans le prix es denres ncessaires, vtrriations qui sont si cloulonreuses pour. Ies peuples et si dangereuses pour lcs gouvernernents. Le systme restrictif et rglernentaire est galement prjucliciable l'tat et

arbitraire des agents de l'tat. Le rgime

publique, de I'intcrvention de l'tat en matire d'inrlustrie ct de commerce? ce n'est point la pensrle de Gournai, qui approuve fort les encouragements, les rcompenses, lcs primes. L'ht ne doif pas entrayer; rnais il ne lui cst nullement interclit d'excitcr et d'aidcr, d'claircr et de soutenir la libre activit des citoycns. Hommes d'tat, donnez des lumir'es, clonnez un appui aux hommes de travail, mais laissez chacun uscr colntne i[ I'cntend de ces lumires et de cet appui. L'intrt des particuliers tant le mme que I'intrt gnral et tout hornlne connaissant rnicux son propre intrt qu'un autre honrme, qui cet intrt est inrliffrent, I'intrt gi'nral sera rnieux servi par la libre activit individuelle cles intresss que par Ia clirection insouciante on

la Rvolution.

l. On ne possde de lui que deux tratluctions cl'ouvrages ang,lais, mais il a inspir de nombreu.x crits contre les entraves de I'irrdustrie.-Parmi les publicistes sa suite, on remarque le nom de Roland. tle Ia Plurire, inspecteur des nranufactures, auteur de I'article Maltrises, dans l',Eneyetopld,ie; c'est le futur ministre et martyr de

2. C'est sous Trudaine, directeur des ponts et chausses, que furent construits les ponts d'Orlans, de Tours, de Saumur, de }Ioulins.

l ? 50-t

7591

GOURNt. QUESNI.

I ri?

commerantes et industliellcs, dans les tourncs fcondes qu'il {it dc province en province durant plusieurs annes. Ce fut dans

un de ces l'oyagcs qu'il provoqut l'tablissement de la

Socit

bretonne pour le pcrfectionnetnent de I'agriculture, de I'industrie et du cornmerce (175), socit dont I'exemple fit surgir un grand nombre d'associations analogues dans le reste de la tr'rance r. Gournai tnourut prrnaturtncnt, quarante-sept ans' en 1759, et la postrit et pu mconnaitre I'irnportance du rle qu'il avait rernpli, si ses rnrites n'eussent t mis en pleine lurnire ct ses vues cxcelletnment rsumes par I'homme illustre qui devait tenter de lcs raliser en grand et qui avait t, tout jeune encore, le cornpagnon de ses voytges et de son apostolat conomique, par Turgot, lI. de Gournai, quoiqu'il efrt I'esprit gnralisateur un trshaut degr, avait t surtout I'homtne pratique. Lc thoricien, I'organisateur systntatique dc la science nouvelle, fut le tndecin Franois Quesnai. Gournai et lui avaient march, d'abord sparment, puis de concert, dans des t'oies parallles, mais non pas itlentiques. Les origines de Gournai taient commerciales : celles de Qucsnai 2, agricoles. Bien que {ils de jurisconsulte, Quesnai avait t lev en paysan, et le gofit de la campagne, la proccupation des intrts ruraux, I'avaicnt suivi constamment dans la carric\re ou il avait t engag par d'autres penchants et d'autres aptitudes. La chirurgie tit sa fbrtune : il aida son clbre confrre La Peironnic lirer leur art de la condition subalterne oir le retenaient les mrlccins; secr'taire pcrptuel de I'acadmie de hirurgie fonde en 1731 I'instigation de La Peironnie, auteur cle trs-bons ouyrages de pathologie, il pratiqua avec un gal succs Ia chirurgic et la mdecine, et, devenu prernier mdecin rlu roi et mdecin de madame de Pompadour, il profita des fonctions qui lui donnaient accs dans I'intimit du roi et de la favorite pour ouvrir ses doctrines conomiques I'oreille des maitrcs de la n'rance. Ce fut une existence bien singulire que celle de cet homrne simple, dloit, ouvert et absottt, parmi tous ccs typcs

l.

Socts rle Tours, de Paris, de Lyon, de lfontauban, le 4

etc.; 1761.

2. N Mrei, prs Xlorrtfort l'Amauri,

juin 1694.

{68

LBS I'TIITOSOPIIBS.

il

750- r 774J

de corruption et de mensonge qui pcuplaient Yersailles. Louis et sa maitresse l'aimaient autant qu'ils pouvaicnt airncr quclque chose : il leur plaisait par le contraste avec les autres ct avec eux-mrnes. L,ouis, si rnal dispos pour tout le reste des philosolrlres, appelait Quesnai son perisou,rt, l'coutait volonticrs et,
chose rare chez lui, ne l'coutait ps sflns fruits, comme I'attestent des dits royaux dont nous parlerons plus tard et qui furent dus

I'influence personnelle de Quesnai, autant qu'aux avis de ce bureau du commerce dont Gournai tait l'rne : ces fruits, it faut le dire, ne tardrcnt pas 1re empoisonns par la dpravation de Louis et de son entourage. Le ct politiquc du systnre de Quesnai explique la diffrcncc que faisait Louis entre les (:conomisl,cs et le resle des novateurs. Quesnai prtendait consolider le trne et ne touchait pas l'autel,. 'Ce n'est pas ccrtes qu'il soit un novateur timide : aucun ne manifeste une sernlrlable intrpidit de certitude dans lcs conceptions de son ccrver; aucun n'a dcs arnlritions aussi colossilles. Cet aptre du g)w)enlemmt plllsique est lc dogrnatique le plus abstrait, commc le plus tranchant, de son sicle. Ce thori cien de la richesse malriclle s'est form I'esprit en tudiant le spiritualisme transcendant de l\Ialebranche !
C'est qu'il ne prtend point f,rnder la scicnce spciale de Ia richesse, rnais la scicnce gnrale dont relvent toutes les autrcs, la science de la vie sociale et des rclations humaines. La scicncc de la richesse n'est pour lui qu'une drivation de la connaissance du droit naturcl. C'cst toute une philosophic sociale qu'il veut asseoir sur la connaissance des lois naturello's qui rgissent les rappolts de I'hornrne avec la matirc et de I'homme avec I'homme

relativement la malire.

La sor:it humaine est un fait ncessaire; la Providence lui a assign dcs lois ncessaires, du moins des lois qu'elle ne peut transgresscr sans se blcsser elle-mme. L'utile et le juste sont identiques pour toute socit : la morale et I'intrt, le droit et
1. Il lui donna des tettres cle noblesse, avec trois fleurs rJe pesda pour blason, et la devise i Propler cogiklonem meris. C'tait, du rcste, un anachrorrisme dans le fond et un assez mauvais jeu de mots dans Ia forrue. Y, des dtails curieux sur
Que'srni dans madarne du I'lausset.

[4.7 5 0-

7i

4]

QUBSNAI. [)HYSIOCIT

\TtE.

{69

Ie devoir, sont esscntiellement unisr. La rnission du gouvernetncnf, de I'autorit, est, non ps de faire des lois, mais de dclarer, de proclarncr lcs lois nccssaires e[ naturclles, et d'en assurer. le main(ien. L'utdence est le principe qui cloit concluire gouvcr nants et gouveln's, c'est--dire qu'on pcut rcnclre les lois natude lois arbitraircs 2. L'enscignement public est le grand ntoyen d'initier les homrncs l'uidence : I'cnseigncmcnt cst le prcmicr devoir de I'Iitat, le devoir fonclamental, IIIais quelles sont ces lois naturclles e[ nccssaires? Le droit naturcl est le droit que I'honlnle a aux choses propres sa jouissance. - L'ordre naturcl est Ia constitution physique que Dieu lnnre a donne I'uniycrs, et par laquclle tout s'opre dans la nature. Lcs lois naturelles sont lcs conclitions essentielles auxquclles les hornmcs sont assujettis pour s'assurer tous lcs avantagcs que I'ordre naturel peut leur procurer s. De ces lois drivcnt la socit ct les rgles dc la socit. Le droit naturel de I'hornrne cst, en fait, augment ct non dinrinu par la socit. - L'ordre naturcl social fonde sur I'exprience incontcstable du rellcs tcllemcnt videntes, que [a socit ne puisse plus supporter

bicn ct du mal physique la connaissance uirlente clu Iljen ct rlu tnal moral, du juste et de I'injuste par essence. L'ordre lgitime consiste dans le droit de possession assur-ct garanti, par
Ia force d'une autorit tutlaire et souveraine, aux homnres runis en socit. Lc droit naturel aboutit donc directcment au principc cle la propril ct s'y rsurnc tout cnticr. La proprit a trois phases engendres Igitimernent I'une de
1. " Pas de droits saus devoirs, pas de devoirs sans d,roits, , dit trs bien Lemercier de La llivir'e, un des principaux disciples de euesnai,

2. " On pcut rduire ti une science ph'ysique, exacter doidvnte et comirlts, celle du drr.iit, rle l'ordre, des lois et rlugouver.nernent naturel. , * plrytitcrLttie, t. 1er; l76z; Discours de l'tliteur (DuJrout de Nernours), qui a ruui, sous le title e plt"ysiocrotie, ou Gorrverrrement de la Nature, les principaux crits de euesnai. - La triysiocrario a t rdite dans Ia colleetion tles Ecunouristes; Guillaumirr, 1g16, 3. I.es lois naturelle; sont ou physiques ou morales. . On enterrtl par loi physique le cours rgl de ttrut vnemeut phl'sique de l'ordre naturel uid.enmerrt tu piot aYatltiti{eux au gente hunrain, Orr eutend par loi morale la rgle tle toute actiuu humairre de I'ordre moral ccnforure I'orclre lrhysique itirl,,:mmeril le plus avan_ tageux tu g'en.e hrrmaiu. Quesnai, Droit narurelr' ap. p/rysi,craresr lre part., p. Fg; '
Guillaumin,
t8,16.

tt70

LES PIIITOSOPTIES.

[,t

50- 1?7 4]

I'autre: 1o proprit, personnellc, iilcntiquc la libert, ou proprit des facults que nous a donnes la nature et qui sont I'instrument de travail ncessaire notre conservation; 2o proprit rnobilire, ou proprit des olrjcts consornmables acquis par notre travail; 3" proprit foncire, appropriation du sol qui produit les objets consolnlnables, acquise par les avances de dfrichernent et par la culture continue. L'allpropriation du sol rentre, comme les deux autres espces de proprits, dans les lois naturclles, en ce sens qu'tant plus productive que la proprit collective, elle tait nccssaire pour assurer aux socits le plus grand dveloppement dont elles soient susceptibles r. L'appropriation individuelle augmcnte beaucoup sans doute I'ingalit que la nature a mise entre les hommes; mais I'ingalit des conditions nc blesse pas l'ordre de Ia ju,stice par essr'nce. < La loi de la proprit est bicn la rnrne pour tous les homures. Les droits sont tous d'une gale justice, mais ils ne sont pas tous d'une gale ualewr, prce que leur valeur est totalement indpendante de la loi. thacun acquiert cn raison des facults qui lui donnent les moyens d'acqur'ir; or, la rnesure de ces facults n'est
pas la mrne chez tous les hommcs 2.

r En d'autres

termes, l'ga-

lit que rclament les lois naturelles, c'est l'galit des droits et
non l'galit cl.es bicns. La socit, une fois fontle sur la proprit, cornment s'organise-t-elle? comrnent se gouvernc-t-elle ? La terre produisant au del de ce qui est ncessaire la subsistance de celui qui la cultive, et certains des propritaires ayant en outre accru leur portion du sol par hritage, par achat, etc., ils ont pu cesser de cultiver eux-mmes et confier la culture cle leurs terrcs d'autres citoyens tnoyennant le paltage des fruits. D'autrcs encore, n'tant ni propritaircs, ni cultivatcurs, se sont mis manipuler, transforrner', faire circuler les produits du sol pour I'usage des propritaires et des cultivateurs, et donnent
1. . Le bonheur de I'espce humaine consists dans la multiplicit d.e ses jouissances. Pour rendre les.iouissances communes, il faut que les proprits soient exclusives. , brg des principes de t'conwniepoliliquer l??? {attribu au margrave Ch. Fr. de Bade); ap. Physiocralesrlt. part., p.368.

2'

I-emercier de La llivire, OIrc nalurel et essentill des

socits politdguas.

ch. rr.

il750-l?741

QUlisN

I.

1"i

leur industrie en change rle leur suhsistance' Il s'est donc form trois classes: lo la classe productive' ou des cultivateurs; 2o Ia libclasse propritaire ou ctisponible, disponible pour les tudes ou des str1e, classe la 3o rales, ies fonctions publiques, etc.; inutile, soit qu'elle artisans et des trafiquants, strile' non pas mais parce que, la terre seule tant prodtrctriee de richesse, le travail des artisans et des commerants ne sert qu' conserver 1A
richcsse produite et n'y ajoute point de richesse nouvclle. La terre seule tant productrice de richesse, les charges publigues ne doivcnt tre assises que sur le produit de la terre. trfais ii faut distinguer, dans ce produit, le revenu brut et le revenu net, ce que n'a pas fait I'I. dc Yauban dans sa Dme royale. Du reyenu brut, il faut dduire les frais de culture et d'amlioration sol, la subsistance du laboureur et de ses aides, et sa juste

du rmunration. Rcste le revenu net du propritaire, seul revenu disponible qui existe dans la socitr. C'est sur ce revenu net ou rentc foncire que cloit portcr exclusivement I'impt. L'impt lev sur les antres classes retombe toujours finalement sur le propritaire, qui touche un moindre revenu si Ie ferrrier est appauvri, et le mauvais systme de perception cre, dans ce cas, on. no,,oelle classe non plus seulcment strile, mais nuisible et parasite, la classe des financiers et des agents fiscaux. II ne doit por t. faire de fortunes fnancires dans I'administration de I'impt. Le crdit clcs {inanciers est une mauvaise ressource pour

i'tot, qui doit subsister par I'impt et non par I'emprunt. Lcs fortunes pcuniaires sont des richesses clandestines qui ne connaissent point de Patrie.

L'tat, le souverain, est copropritaire du revenu net avec les propritaires particuliers : c'est la raison, I'uidencer" fixer la part qui lui revient lgitimenrent sans lser les particuliers. Les cultivateurs doivent disposer peu prs des trois cinquitnes du revenu brut, deux cinquimes pour lcurs frais, leurs reprises, leurs agents agricoles, et un cinquirne pour solder les travaut de la classe strile qui leur sont ncessaircs. Les deur cinquirnes restants forment le revenu net partager entre les propritaires et I'tat. La part de l'tat solde, les droits du propritaire sont illirnits

t72

LBS PTIILOSOPII

ES.

[r750-t77 4)

sur I'usage du reste de son revenur et sur la clisposition de sa terre, de mme que les droits du cultivatcur, dc l'arlisan, de tout homme en gnral, sont illimits sur les fruits de son travail, qui sont sa proprit mobilire, et sur l'emploi de ses facull,s, qui sont sa proprit personnell,e.Toute entrave au travail, I'industrie, au commercc, est une violation des lois naturelles, dcs lois de Dieu ! Le rtablissement des lois naturelles aura pour consguence d'accrotre le revcnu net du propritaire et les reprises du cultivateur, de dirninuer les profits des chefs d'industrie et des commerants, levs artilcicllemcnt par le systrne protcctcur, et d'abattre les industries factices au Ilnfice des inclustries naturelles, de cclles pour lcsquellcs la nature a dou clraque pays d'une aptitude spciale. Le gouvernement ne doit favoriser que les dpenses prod,uu tiues et le cornmcrce dcs denres du cru. Les travaux de maind'uvrc et d'industrie pour I'usagc de la nation ne sont gu'un objct dispendieux et non une source de revenu. Ils ne peuvent procurcr de profit dans la vente l'tranger qu'aux sculs pays o la rnain-d'uvre est bon march par le bas prix rles denres,

condition

fort dsavantageuse au procluit cles biens-fonrls,

et

par consquent au revenu net ct l'tat. II faut songcr I'accroisscment dcs revcnus plus qu' I'accroissement dc la population. ce sont moins lcs hommes que les richesscs qu'on doit attircr dans les camprgnes; car, plus on emploie de richesses la culture, moins elle occupe cl'homrnes, plus ellc prospre et plus elle donne de revenu. La culture ne prosPre que par les grandes exploitations et les liches fcrrniers.
l. Toutefois, il mnnque un devoir essentiel , s'il thsaurise , s'il laisse dormir son argertt au lieu de le faire rentrer dans llr circulation annuelle, ou s'il I'cnrploie des dperr'es de fantaisie, at lwzc de dcordtion, tant, qu'il reste faire cles di'penses utiles I'accroissernent clu capital social car . I'augmentation des capi,

gnrales d,u gouaernentenl cononique d,'un royeume agrtcotel ap. plryriocnrles,


p. 9{.

taux est le principal moyen d'accloitre le travail , et Ie plus gi'a1d. irrtrt de la socit. L'argent, en ralit, appattient, noo aru( particuliers, rnais aux Sesoirrs de lttrrt, la rration: personne ne doit le reteuir., c'est le langage de Law; mais la perrse diffre en ceci que, l otr Larv voyait un droit tle soutrainte dans la main tle l'tat, Quesnai voit seulement un devoil moral pour le particulier. lVarinws
lre part.,

u?50-r??{t

ti

sN A I.

'l?3

Les lois naturelles et ncessaires dternrinent, non-seulement goule fond de I'organisation sociale, mais la forme du meilleur tous propre et pour I'homme vernement, du gouvernement fait proprotger la de les clirnats et tous les peuples. La ncessit prit personnclle et rnobilire oblige, ds I'origine des socits, cotto' a etot tir des chcfs, des magistrats; mais le gouvernement proprit la qu avec s'tablit ne normal, mique,Ie gouvernement

foncire, qui donne la socit de bien plus grands intrts dfendre ct lui fait scntir le besoin d'une autorit plus cottcentre et plus forte. L'autorit tutlaire et souveraine (Ouesnai ct ses disciptes cmploient le terme de souuerain dans la vieille acception et contbndent, commc lcs publicistes antrieurs Rousscau, le souverain arec le gouYernelnent), I'autorit souveraine doit tre unique, c'cst--dire runir le lgislatif et I'excutif' Point de contre-forces (de distinction ou de balance des pouvoirs)' Point d'aristocratie. La division des socits en diffrents ordres de

citoyens, dont les uns exercent I'autorit souveraine sur les autres, dtruit I'unit de la nation et substitue les intrts de classes I'intrt gnral, qui est la prosprit de I'agriculture' Le souverain tloit tre investi d'une autorit despoti'que pour transformer les lois de Y ui,d,ence en lois positives et en assurer I'excution. Sculement, les magistrats ont charge d'examiner si lcs ordonnances du souverain sont conformes ' l'oidence, et les rnagistrats eux-mmes doivent tre surveills par l'uidence pwbti,rlwe. Chez unc nation claire par une bonne instruction publique sur lcs lois naturelles de I'ordre, le gouvernemenI ue voudrait ni ne pourrait vouloir tablir des lois positives nuisilrles la socit et au souYerain nrme. S'il le faisait, il y aurait garetnent d'esprit : ni les magistrats ni le peuple ne devraient
obir.

nait, il serait suspendu dc fait, et que le pouvoir passcrait son hritier, le pouvoir souverain, selon les physiocrltcs, devant tt'c hrditaire, afin que tous les intrts prsents et futurs dc son d[,positaire soient intimernent lis avec ccux de Ia societ par le
partage proportionnel du procluit net" Lr ou rgncraitl'uidence,

impliciQuesnai et ses disciples ne disent pas, mais il rsulte s'0bstisOuverain si le ce cas, terncnt de leurs principcs que, dans

LOSOI'IIES. loutes les garantics politiques, commencer par t1L

LES prlt

1r,750-t7741

l'lection,

seraient en ef{'et superllues. Nous avons tch d'incliquer crr quelques pages, d'aprs le chef

tte l'cole et ses cotnmcntateurs, les lignes principales de la science nouvelle laquelle Quesnai applique le titre, jusqu'alors
vague et {lottant, d'canune palitiqwet , et qui, absorbant la politique et la morale, est pour lui la scicnce par excellence. On ne peut se dfendre d'une profonde impression, mle de sentiments bicn divers, devant le vaste et audacieux difice lev par cet csprit puissant. 0n cst tourdi, troubl par cct analgame de vucs ncuves et sublimes , de hautcs vrits, de conjcctures hasalcleuscs, de donnes arbitraircs ou tnnre chimri1ffis, trausfolrncs en dogures prtendus udcttts.0n scnt que tous lcs combats cononriques de I'avcnir aut'ont lieu dans la lice ouverte par Qucsnai, colnrne tous les combts de la rnd'taphysique se sont

iivrs et se lirreront sur le terrain de Descartcs. Si I'on tche de drnler cette prernire irnpression, de juger aprs avoir senti, on reconnat, d'une part, Que la thorie nou* vellc n'cst autre chose que le principe fondautental de llontesquicu : <r Les lois sont lcs rappolts nccssaires qui drivent de

la natule des choses. > dr'clopp au point de vue spcial de la libcrt humaine applique I'approprjation de la tnatire et I'organisation conornique; de I'autre part, on voit, en face du
Contrat soci,al de Rousseau, s'lcver une conception diffrcnte du pactc primitif 2 : c'est la socit fonde irnrndiateuteut sur lc droit individuel, et non sur cette alination de chacun tous, pose il la lrasc pat'Rousscau. 0n a nourtn Ia loi chrticnne la Itti de grace ; la loi des conotuistes est la loi cla iustice. A chacuu son droit. Lcs conomislcs reltoussent I'opposition tablie par
L. Littralement : lod de la mai'onpolitique, loi sociale. 2. Le terrne de /or's nalurelles ei ,tcess(rires, employ plr les conomistes, semble
inrlrliquer la ngatiorr du Contral social; mais ce terrne dpasse lertr vritable pen-

se; il s'agit pour eux de ncr,t,sitd morale, et non de fatrrlit, puisqu'ils avouerrt tlue la socit primitfue, avant, l'tlblissernent de la proprit foucire, tait bonne, liris seulcment moins bonne que la socit o l'apltroptiation est trrblie. C'est donc pour obir librement la loi providentrelle du progrs que les hommes ont pass d'une forme e socit une autre. Y. Dupont de ]iemoutsl Phgsiocralie,
Discours dc l'diteur.

11750-t??41

ucolt()u

ts.l.BS.

{76

tants sont ccrtaineurent ceux chez lcsquels ta propriet cst ie plus solidement assise, et, avec elle, la fanrillc. l,a proprit avait t, cn gnral, imparfaitcrnent rcconnue ct fhilrlcm.nt
nous ayons cit cct gard les nraxirncs dc Louis pas besoin dc corumentairc.
les liuissanccs lalques ou eccisiastiques dans lcs tats catholiques;

principe pouss un molnent jusqu' cette exagr.ation rle nier le droit d'exp'op'iation pour utilit publigue. ics peupres protes_

d I'individualisrne, ou, pour micux clire, a ta utrcrt protcstante,

tcstantisme avait puissamr.cnt mis cn pratique, Les nations protcstantes avaien t d velopp sirnul tanrnen t I'indi virlualit h unaine ct h proprit, et montr ainsi cle fait que I'un est I'appenciice de I'autle, comme devaient I'cnscigncr lcs conomistes. tc aonetopllement agricole antique avait colncicl avec l'tablisseruent cle ia proprit foncire; le clveloppenrent inrlustriel moclcrnc coincide a'cc Ie nou'eau mouve'rert clu principc de proprit

lit nllurclle I'ltonttue ; lcs conouristes le rattachent clircctement aux lois naturelles. c'est au mornent o comlnence contre le principe de proprit une guerre clestine se rcnouveler plus habile ct plus opinitre, plus passionne et plus subtile tour lour durant plusieurs gni.rations, {u0 ce principe est aflirm ayec une nergie doguratiquc ct une pr.cision mathmatique sans exenrple, en sorto quc la dfense se propor.tionne cl'avance I'atlaque. Lcs corromistcs donnent la thoric de que cc le pro-

la dlinition du principe cle proprit. Rousscau, tout en re recon_ naissanI pour le fonclcrnent c]c la socit, Ie faitplocdcr des lois positives, sans nier qu'il ait son origine indirect, dun, Ia sociabi-

Rousscau cnt.e I'tat de natu'c ct l'tat social : I'un est pour eux la drivation naturelle et ncessaire de I'autre. ccttc diffrence dans le point cle clpart doit se retrouver dans

.rrprrte par
qui n'oni

xly,

celle qui sc rattachc ir I'cspr.it de la proprit rourainc, qui triorn_

Lcs cono'ristes se l'elicnt galcrncnt, quanr au principc rlc proprit, nnc tradition plus ancicnne, ia traclition rlu pcuple esscrrlicllernent juri,diqu,e et ltropr[tairc, du peuple rorooin. {lourmc }lo'tesquicu, co'me Rousscau, coulme illabli, iis ont ,tussi lc picd dans I'a.tiquit rpublicainc; mais ils y cntrcnt par rurc autre portc. c'cst 1lrcisrncnt ccr,te partic clc leurs doctrines,

r76

tBS t)fl tLoboPflBS.

[1750-r77 4)

phera la prernirc dans lc mouvernent dc 89 et dans le toun crvrr., sorti dc ce mouyenent.

L'origine des erreurs qui obscurcisscnt les grands horizons qu'ils ont ouverts n'est pas difficile pntrer. C'est Ia confusion qu'ils font de I'absolu et du relatif , du ncessaire et du rneilleur,
de l'vident et du probable, de Ia perfection et dc Ia perfcctibilit. Ils saisissent un instant la loi du progrs, puis Ia perdent en voulant la Iixer dans les faits sous une forme irnrnuable. 0uoi de plus tmraire que de prtendre raliser une fois pour toutcs Ie gow)ernement d,e la nature, les loas ncessuros,I'uidence? Il n'y a quc Dieu qui sachc pleinementla ytlr,ysiocratie. Dieu n'a donn I'hornme que la facult d'entrevoir succcssivement ce qu'il lui faut de lumire pour avncer pas pas dans sa longue route travcrs lcs ges. Les conomistes ont eu la gloire d'apercevoir de grandcs lois, rnais ces lois sont destines s'appliquer non point des phnomncs purement physiques, mais dcs tres libres et passionns; elles sont, de plus, destines se cornbiner dans le monde rcl avec d'autres lois non nroins esscntielles, avec les lois

qui partagcnt lc gcnre huurain en nationalits distinctes. Tout incontestable que puisse tre leur vidcnce abstraite, leur application, modifie par des lrnents d'une autre nature, ne peut
donc jamais s'oprer que selon les rgles toutcs contingcntes de la probabilit. Il est chirnrique de prtendre appliquerl'uidenae au gouyernenrcnt et d'en chercher le type absolu,, quand les philosophcs politiqucs les plus hardis, Rousseau lui-mme, reconnaissent le gouverneruent rnodi{ialrle sclon lcs ternps et les lieux. I,a politique des conornistes est I'anantissement dc toute science, de toute exprience politique : Ies adrnirables tudcs de l\Iontesquicu ct de Rousseau sont pour eux non ave* nucs; lcur fonnule de gouvernernent, dans son inconceyable navet, sc rsurnc en quatre nrots: le tlcspotisrne ternpr par unc rttaison de fous. Despotisrne fort difcrcnt, il faut en conv('nir, de cclui de Louis XIV ct tle tous les despotes connus; car'.

l. Ce type, suivarrt eux, e$t ralis depuis quirtre mille ans la Chine, et rlr compterrt qu'une granile impratrice va en offrir un second exernple err liussie'l V. D,rpont dc Nemouls t }rigtne et progrs d'wte science nouuellel ap. Pysd,rcr<.rler, lre partie, p. 3ti{.

{175 0-t 7?41

P II

YSI OCRA TES.


d.e I',utclence

t77

pour cux, une fois le glulernement

bien dfni ct bien

constitu, le prince qui portcrnit une atteinte quelconque la proprit, ce qui comprend la libert individuelle dans toutcs ses applications, ce prince serait u,demment fou et n'aurait plus droit
I'obissancc.

n y &, dans leur


logique :

despotisme rationnel,

plns qu'un abus

cle

sont certainemcnt eutrans, leur insu peut-tre, et par les vicilles hallitudes rnonarchiques et par le dsir de gagner le pouvoir tabli ; car, s'ils eussent raisonn en toute indpendance et cn toute rigueur, ils fusscnt arrir's non point au clespotisme, urais la libert politique illirnite, oll, llour mieux dire, l'anarcltae, dans le sens ctymologique du rnot. quoi hon un gollyernement, si I'on est n possession de l'tttclence? si la rarsul T)w,e rgnc parmi lcs honrmes? I1 suflit d'coies pour inilier l',uiclenca les jeunt-.s

il y a rnanque dc logique. Ils

gnrations, et d'une marchausse pour mcttre hors d'tat cle nuire les fous clui attenteraient l'tidence. Des conornistes rlincuts de la priode suivantc, plus consquents que Quesnai, que Dupont cle l{emours ou que Lernercier de la Rivire, arrir'rcnt, cn cfl'et, sinon cette extrrnit, du rnoins considrer le gout'ernerrrent comilrs un Tnul, ttitcessai,re dont il faut restreindre I'actiorr clans les plus troites liurites possililes. Cc sont lcs propres terines de Jean-Baptistc Say. C'cst encore par la conftrsion de I'absolu et clu relatif, par la recherche exclusiye d'un scul ct cle la vril,, {e les conomistes, qui tout I'heure proclamaient Ie despotisurc, au moins dans les mots, al'rivent rnconnatre les droits et les intrts cle

l'tat. <r S'imaginer, dit Turgot, qu'il y a dcs rlenrcs que l'[tat doit s'attachcr faire produire la terre plutt que d'antres; qu'il doit tablir ccrtaines manufactul'es plutt que d'autrcs, et, en consquence, prohiber cer[aines productions, en col]]n)ander rl'autres... tablir certaines manuf'acturcs aux dpens du Trsor public, accumuler sur elles les privilgcs, les grces, c'cst sc rnprendre grossiremeilt sur les vrais avantages du cornuterce; c'est oublicr que, nulle opration de comrnerce ne pouvant trc qnc rciproque, vouloir tout vendre aux trarrgers et nc rien acheter d'eux est absurde. 0n ne Sagne produire une dcnre
x\ I.

t2

4?S

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I)IIILOSOPFIDS.

Ui50_r7?41

plutt qu'une autre qu'autant que cette dettre rapporte, tous frais dduits, plus d'argent celtri qui la fait produirc sa terrc ou qui la falrriquc. insi, la valeur vnale de chaquc dcnrc, tous frais dduits, cst la seule rgle pour juger de l'avantage que retire I'Etat d'une cet'taine espce de productions; par consquent, tonte mauufacture dont ltt valeur vnale ne ddornmage pas ayec pro{it dcs frais qu'elle exigc n'est d'aucun aYantage, et les sommes employcs la soutenir, malgr le cours natl-

commerce, sont un inpt mis sur la nation en pnrt r. perte > Ces principcs sont trs-vrais abstractivcrnent au point de vue

rel du

biner

Conolrique; ntais , f conomic devant ncessairement Se comavec Ia politique, lcur application liltttrale peut tre errone et priltcuse dans certains cas. L'tat peut avoir intrt ne pas clpcnclre d'un autre tat pour ccrtaines denres ou marchandises, et il se peut qu'elt augmentant sa scurit par les mesures qu'il prend pour assul'el' la production nationale de ccs rnarchandises, il doive inclirectement de bons rsultats conomiques dles rnesures contraires atrx principes gnraus dc l'conomie. L'tat

lait galenrent unc rnauvaise opration conornique, quant au procluit direct, en taltiissant de certaines manufactures dispendieuses, rntis, si ces manufactures dveloppcnt le gotrt et donnent I'inrlustric libre une irnpulsion et des excmples utiles, I'Etat "v relrouvcra Son avantage. De mtne encorc, trn grand lltat doit

totrt prix : si des droits diffrentiels lui sont momentanment ncessaires, il fait l:ien cle lcs tabiir ou de lcs rnaintenir. Sur lcs questions capitales de la richcssc, tle I'impt et dc lil hirarchie des classcs socialcs, les conotnistes s'garent en tirant, llar une dduction spcieuse et subtile, d'ur axiome banal dcs consqucnces arbitraires. De ce que la terre, Iconde par le tra2, vail de I'hornmc, scrait la source de totlte richesse conclure qtie I'industric n'ajoute 1:oint de vaieur cette valeur 1tt'etnire, gue la classe industrielle et commerantc est strilc, et que l'irnpt ne
s'assurer une marine
1. EtarJe cle Gountai; ap. 1liuores de Turgot, t. Iu', p.274; Guillaumin' 1f)14' p. IIf'auclrait<lit'ela nrutire ctnonluterre, carl'txiotue est fauxr pris alrpieddo
la lcttre. La pche est Source
dC rir:hesse aussi bic'n

tlue

lo'ouroge ei. pulutage.

[1750-i77{J

PHYSIOCRATBS.

,,i9

doit trc assis que sul' la rentc foncire, ce serait, cn ralit, sacrifler cette proprit terrienne, quc l'on glorifie, cette industrie que I'on ravale. Le reveriu net, dans la langue comntunc, dans la

la rente foncielre , c'est tout revcnu, tout profit qui ercde les frais du travail , cn comprenant dans les frais la suhsistance du travaillcur. Le reyenu net, quelle que soit son origine, peut tre lgitirnement soumis I'impt t.
Suant ia distinction de classe procluctive et de classe strile, une seulc ol:servation suffit en montrer tout le chirnrique : l'lromrne qui achte et I'homme qui conduit la clrarrue appartienrlraient Ia classe productive; I'homme clui la fabrique, la classe strilc I Qucsnai et. toute l'cole rtrogradaicnt fort en cle de Gournai, qui avait clonn sur ces nratires des dfinitions parfaiternent saines. a Les scules richesses r'elles de I'iitat , tJisait-il, sont les p|ocluits annuels dc ses terrcs et de I'iutlustric clc ses hallitants. - un ouvlicr qui a fabriqu une pice d'toffe a ajout ra rnasse dcs ricliesscs de l'[tat une richesse relle. La somme que l'tat pcut emploJer nnuellement ses besoins-cst toujours une partie aliquote de ln somrne dr.s revenus qui sont annuellement procluits dans l'tat, et la sotrlme cle ces lei,enus est cornpose du revenu net de chaque terre et tlu produit tle I'industrie rlc chaque parii-

langue du bon sens, ce n'est pas

culier 2.> Gournai, cependant, chose singulire! avait t amerr par'tagcr I'opinion de Ouesnai, que les iurpts sont roujours, en dernire analyse, pays par le proplitaire foncicr et que I'imirt devrait'tre exclusivementreport sur le fonds. Il n'tait pas consquent evec sa doctrine, sur la ralit dcs richesses produites par I'industrie. ce ne fut pas dans l'cole conomiquc franaist'. que cette inconsquence fut redresse : I'honncur en apprtint un tranger, f illustre Adam smith : le philosophe cossais, adopt par les conornistes franais de la gnration suivauie , lit voir le principe de la valeur clans le travail d.e I'homrnc, apirliquc
1. Il n'esl ps exact de ilire que le tltenteur de capitaux mobiliers stulait toujou:.s retrouror, dans la-hausse r1u loyer de son argent, la cornpensatiou de I'iurpt qric lui demanrlerait l'tat. Le capitaliste ne fait pas {oujours la loi I'emprunteur,, pas, plus que i'entrepreneur rre fait l,ottjours la loi au salar.i. ccla dpent d'unc prop-.r: tiorr variable errtrc I'offr.e et la deruancle. 2. toge de Gournail ap. 0fuures tle Tur.got, t. I.., p. :tr 2?8, 27{.

r80

LES PIIILOSOPIJ]iS.

lt 750-i?741

ou non au sol , rtablit en principe, daus la science nouvelle, I'gale fclcondit des cliverses applications du travail et la lgitirne participation dcs diverses sortes de reyenns aux charges de I'tat, admit enfn, clans cle certaincs liruites, la modification des principes conomiques par Ia raison d'Etat '. Quesnai ct scs disciples avaient erlcore profess des rnaximes dangereuses sur Ia grande culture , sut' le comruerce extricur', snr le salaire. Ils vantent la grande culture exclusive et le systme du minimutn de bras, et ce systrne a dpeupl lcs carnllagnes
irnrndiatement
anglaises pour cntasser dcs lropulal.ions inrmenses tlans les villcs ! Ils prtendent que le cornrnerce extrienr et maritiine nc pro{itc

point la nation, que les lichesses des commerants ne sont pas des richesses nationales, et les commerants anglais ont dix fois sauv l'ngletell'e par leurs richcsscs ! L'intrt social n'cst pas tant cle tirer du sol Ia plus forte rente possible qne cle firirc vivlc
cle la terre et sur la terre le plus d'ltomrnes possiblc :. La plns forte des socits serait celle o. dominerait l'lment des pctils propritaires cultivateurs, asscz clairs pour cornltiner lcul's travaux dans certains cas et sur certaines terrcs 3. Il va saris cTire que cet lrnent doit tre touteibis quilillr par ulle rnasse suffisante d'industriels changeant leurs fahrications contlc les pro1. rlam Smith: de Ia
Richesse des nations

(publi en ang'lais cn 177ti; treduit cn

fi'auais en 17Bl). ?. f,'axiome de Quesnai, d'ailleurs, est arbitraire : les avantages rciproqr-res de la grancle et cle la petite cullure se balancent suivant toutes sortes de circonstanees rnolales et physiques. On peut consulter, sur cette matir'e, les escellentes tucles

dc II. H. Passy. 3. Rousseau I'avait bien vu, et urr hotnme singulier, nrlange nesprit novateur et d'esprit rtrograde et fodal ., qui avait commenc d.'baucher l'conomie politique pour soil propre compte? en mme temps que Gournai et queQuesnai, le martluis tle llirabcau, avait tl'abord prch la petite culture, coufofure aux traditions et aux habitudes des campaqnes franaises I nuis Quesnai I'avait gagn, et ii s'occupait dorenavant dlayer les cloctrines communes cle l'cole dans un fatras nolme otr hrillent bien des lueurs que personne n'a plus le courage il'y chelcher aujourd'hui. De ce chaos devait natre le grand 1\{irabeau, lve et victime d'un pre qui

fi

l'am dcs hommes en gnral et le tyran de sa famille en particulier'. Les ouvla,ge$ les lrlus cits du rnarquis de I\(irabeau sout : l',{mi d,es hontnrcs {l?56),la Thdorie de l'mpd, (1760i, qui le tt mcttre pour un moment:i la Ilastille, etla Philosolthie rurale (1763 l. la thorie du pain cher, il ne faut pas la reprocher - Quant Quesrui : il entend seulement par l qu'on ne fasse pas baisser artificicllernent Ie prix des grains et qu'on n'empche pas le producteur agricole d'obtenir une iuste rmunration.

u7L0-t77

4)

PI] YSIOCRATES.

4 8,,l

duits clu sol. Le senlinient de Quesnai tait juste cet garcl, si ses fbnnuies taient mauvaises: car il adrnet que les agcnts de I'agriculturc, clans unc socit hien constitue, doivent tre, vis--vis des agents cle I'industrie et du cornmerce, dans la proportion de 2 t. Quant an salaire, Quesnai et Turgot prtendent que I'ouvrier ne produit pas au dcl de sa subsistance, ce qui mne logiquement nc pas lui accordcr plus qu'il ne produit, et ils soutiennent r1u'cn fait, par Ia concurrence, il ne grgnera jamais beatrcoup au del de sa stricte subsistance. Le principe est faux et Ia consquencc serait une iniquit sociale. Ce n'est |as seulement l'huuranit, c'est la stricte justice qui veut que I'ouvrier gagne au dcl dc sa suhsistance. N'a-t-il pas, lui aussi, des avances qu'il doit retrouver dans son salaire? avancc cle ternps et de subsis-

tancc dpenss

apprendre son mtier, attendre le travail,

\-ance d'outils, etc. ? Lcs maxirnes des premiers conornistes, pousscs la rigucur, ragiraient de I'ouvrier industriel sur

I'ouvrier agricole, sur I'entreprencur d'industrie ) sur I'entrepreneur rnme d'agriculture, pour aboutir concentrcr dans les rnains clu propritaire foncier tout I'excdant de la production sur la consonrnlation. Rien n'est certes plus loign de leurs intentions, rnais ils sont engags, p;rr leur malheureuse dfinition cle la richesse, dans un cercle vicieux d'oir ils ne peuyent sortir. < Il faut I'aisance pour les derniers citoyens, dit Qucsnai, afin qu'ils puissent consornmer et aider la reproduction par la consonrnation. > C'est vident, rnais contraire aux propositions prcclentes. Au fond, ces hommes justes et humains sont dvous I'intrt cles masses. Gournai, Quesnai, Turgot, sont convaincus quc les systmes contraires la libert conourique, au librc usrlgc des Iacults individuelles, < favorisent toujours Ia partie richc et oisive de la socit au prrljudice de la partie pauvl'e et laboricuse.) Dupont de Nemours va jusqu' dircqueles hommes sontbeaucoup plus malheureux dans les civilisations mal constitues, o I'on mconnat les lois naturellcs, qu'ils ne l'taient dans l'tat d'association primitive, parce que, rlans ces socits rnal civilises, Ie pctit nombre des riclres porte sans cesse atteinte la proprit du grand nombrc des pauvres r.
l. Plrytitcrutiel
Discotn's d,e l,'ditcur,

p.BB.

- Un fait inpor:tant attcste

cornbien

{81

IES

PIIILOSOPIIES.

u750-177 4)

Nous ayons essay cl'analyser les doctrines des physiocrates : nous les retrouverons totrt I'heure essayant dc fairc passer leul.s ides dans les faits et de prvcnir, par une transformation pacilique, l're des rr'olutions qni approchc. Avant de reprendrc lc rcit des dernires annes cle la monarchie, arr.tons-nous quelques rnolnents sur un hornme qui dirigcra cet essai de rfonne ct qui sera la principale gloire cle l'cole conomique, mais qui, sans tre exempt d'erreurs , lrop grand pour tre entiremont absorb par aucnlle secte, tient la fois r\ tout ce qu'il y a de bon et de vrai dans les diverses tenclances clu x\ lue sii'cie. Turgot, l'hornrne d'{at dcs d'conolnistes, se clistingue de ses confrres, non point en ce qu'il jugc leur thorie lrop hardie, rrrais en cc qu'il posscle au contrairc une thoric plus largc. Il aclrnet, colutnL, eux, la libert cornplte chez I'indiviclu et I'unit clans le pouvoir; rnais il ne conoit pas cette unit sous unc seule forrne, et, qui pis est, sous unc forme infrieure. Ce n'cst pas lui qrri irait s'enchaner au tenne odieux de despotisme.Il ne croit pas qu'on puisse raliscr, cl'un seul coup et pour toujours, le progrs intlfini du genrc lrurnain. L'ui,clence, ce rve mathrnatique clcs conornistes, se transforrne chcz lui cn une foi claire au pcrfectionnernent de la raison. Turg'ot n'est pas sans doute le gnie le plus fort et le plus oliginal, mais il est peut,tre l'esprit le plus cornprhensif de tout le xvrue sicle. Les autres conouristes, malgr leurs prtentions la philosophie gnrale, sont destriommes spcinix: lui, est un philosophe dans toutes les acceptions du mot, un homme vue cornplte. Il rnanquerait quelque chose de tout fait essenticl I'histoire des ides rnodernes si I'on n'tudiait circz Turgot le philosophe, avant de sr-rivlc le politique au travcrs des vneces nergiques dfenseurs de la proprit taien loin de vouloir sacrifier le riroit des mlsses I'irrtrt cles propritaires. El 89, lorsclu'ou proposa I'abolition gratuite des dimes, I)upont de Nenlours, le commerrtateur, Ithritier tle Quesnai, se leva, ct de Sieys, pour dtonrner I'Assenrble cle faire aux propritaires ce prscnt immense aux ilpens de la nation, et rclama le rachat des cllmes ct I'application du prix de rachat tles usages d'intrt social" I)uporrt et voulu qu'on payt vec ce prix les dettes de I'Etat l nous ne pensons ps que ce ft l I'eniploi le plrrs lgitime. J,e bierr tI'glisc avait t primitivement le bien des p:r,uvres I le grand connnunal clrrtien. Il fallait le rendre sa destination, faire des dirnes Ie burlget rles mrrsses plolltaires, la dotatiou cle I'instruction primaire et de I'assistance publiquc, le fonds primitif des caisses de secours et de tetraite, et de tous les scrvices destins attnuer les ellcts de I'invitable ingalit des biens.

lr?48-17501

TUNGOT.

,l

B:)

rnc'nts. Une des prernircs phces tlans I'itnposantc galcric clrl xvitt. sicle apparfient cettc belle ct nolllc figure, si nttstt)re et si sympathique, si placide et si nergique la {bis. A;rrs tant et de si clatants dbats, c'est Turgot qui dontte la conclusion la plus gnrale. Le plus jeune des grands penseurs du sicle, ,Anne-RollertJacques Turgot, tait

n Paris,le 10 rnai 1727, d'uII prc tltti avait exerc longtentps avec honneur la clrargc de prvt tlcs marchantls '. Destin d'al-rorcl I'Eglise, il passa des jsuitcs de Louis-le-Grancl au sminaire de Saint-Sulpice, puis la Sorbonne : homme fait au sortir dc I'enfance, il tait dj ce qu'il devait tre toutc sa vic; galernent loig'n d'nne soutnission aveugle arlx crovances dc ScS matres et ci'unc raction avellsle contre toute croJ'ance, il n'avait, ds sa prcurire jcunesse, qe deux procculiations : le bien public et la science, la scicnce dans son Llniyelsatit. A vinqt etun ans (1748), il aclresse Buffon les objections d'un profond physicien sur ccrtaines partics tle son systme encore indit : vingt-deux (1749), a'/Ant de connaitre Gournai ou Quesnai, il crit un de ses atlis strr une des questions lcs plus irnportantes de l'conomie politiquc, stlr le palrierrnonnaie, unc lettre qui rfuteinvincilllemcntla thoric dc Larv : il y rnontre la diffrence essentielle entrc la tnonnaie rntallique '

valeur ri est Ia tnesure colnlnune deS autrcs valcurs, et la mon' naie cle crclit, sirnple signe, sirnple prolilesse, sans valcur intrinsque. Il prouve l"'abstrrclit du systnre qui prtendrait remplacer I'impt lrar des rnissions priodiques de papier-llonnaie, I'avilissernent rapidc de cette monnaie ct tous lcs dsordres qui s'ensuivraieut. prs cette lettre, on peut encore soutenir le papiermonnaie cours forc comme lnesure polititlue dans certains caS extraordinaircs, mais il cst impossilrle de le soutenir colllmc mesure co?lomiqwe. L'anne d'itprs (1750), il prononce, en qurlit dc prieur de Sorbonne, deux discours tels que ces volites gothiques n'en tlnt jamais entendu. te n'est pas du bruit et du scandalc comme fera l. Ce fut le prvt Michel Turgot qui fit ctinstruire le grand gout c1c la rive ilroite, rcbtir en pierre le pout au Change, graYer le grand plan de Paris, vrai
chef -tl'uvre du genre, etc.

8&

LBS PHILOSOPIIES.

u ?501

nn peu plus tard I'abb de Prades : c'est la philosophie dc I'histoire rpanclant une lumire sereine dans I'obscur refuge de la
scolastique.

Lc prcrnier de ces discours expose a les avantages que l'tablissement du christianisme a procurs au genre hurnain. > C'est I'arnlioral,ion morale de l'hotnute et de la socit, Ie progrs de I'humanit et de la justicc claus les relations prir'es, publiqncs,

internationales, I'introduction du principe de I'amour de Dieu dans le moncle t. Il rfutc d'avance I'admiration outre de Rousseau pour la socit tout arti(icielle de Sparte et fait la critique des lgislateurs qui ont lix les emeurs de lcur sicle en voulant fixer leurs lois, et qui, presqne tous, ont nglig de rnnagcr une place aur corrections ni:cessaires, ne laissant que la rcssource des rvolutions. C'est l'alrt de toutes les constitutions qui ne portent
pas dans lcur sein leur propre rvision. Lc scconcl discours a ponr sujet < les progrs successifs de I'es-

prit huniain. > C'est le dveloppement historique de la grande parole de Fascal; mais Ttrrgot ne lirnite pas le progrs intltni trux connaissanccs : il l'tcncl Ia moralit huruaine, protestant
ainsi contre la ngation tle R.ousseau au moment tntne o celui-ci la forrnule. Turgot nc fait de rservc qlre pour lcs lteaux-arts. < La connaissance de la nature et de la vrit est infinie tolnllle clles. Les arts, dont l'objet est de nons plaire, sont borns cotnme nous. Ils ont un point Jixe de perfection que Ie gnie des langucs, I'imitation cle la nature, la sensibilit de nos orsanes, dterminent. > Cependant il reconnait que la posie, parfaitc chez les anciens quant aux imrges et au style, cst susccptible d'un progrs continuel sur beaucoup d'autrcs points. Il en cst dc mnrc des autres arts : Ieur dornaine s'tend avec l'homrnc lui-tnme. On ne peut voir sans atlmiration ce sminariste dc vingt-trois ans tracer d'unc main fertne I'esquissc de I'histoire universelle,
1. Le christianisme a immensment dvelopp ce principe et en a fait lc fonrl la religion I mais I'asscttion de 'urgot est cependant trop absolue : jl nc faut pas nier entirement l'amour de Dieu I'antiquit. * 'Iurgot ne dit pas un mot qu'il ne pensc; meis, devant la Sorbonne, il ne peut dire tout ce qu'il pense. " Je
norne cle

reconnais, crit-il ailleurs, le bien que le christianisme a fait au monde, mais le plus grand cle ses bienfaits a t d'avoir clair et propag la religion uatureile. n (Lel'tres swr Io l'olruncc; p. 1\uures de Turgot, t. IIr p' 687.)

[,r

750-t 751]

TUIiGOI"

485

noll plus en vue cl'une tradition spciale, cornrne Bossuet, nrais cn vue tlu genre hunrain tout cntier, comme Yoltaire, ct avec nnc dignit et une autoriti' uroralc clui manquent trop souvent Yoltajrc. L'-0ssaj sur l,es n1,L;r"s cles nati,ons est encore indit en 1750; il faut lc rappelcr pour constater l'originalit de l'uvrc ele Turr got. La scule objection srieuse faire Turgot, c'est qne, influenc pal la rntaphysiquc de la scnsation, il voit trop dans le progrs le rsultat dcs plrnornucs extrieurs et pas assez la rnanifestation des nergies internes de I'homme. Des plans immenses s'ag'itaient darns cette jeune tte : il voulait dvelopper tout ce qui tait en gerrrre dans scs deux Discours; il vonlait rcfaire l'Histoire uniuerseLle de Bossuet au point de vue

philosophique, et n'cn faire que la prcrnire partie d'un vaste cnsemble cornprennt cie plus un Trait de gt,ograJthie potitiryrr et un Trai,t clu, gou,uentcnrcnt.Il voulait montrer < le genre hulnain toujours lc mrne dans scs houleversernents, colune I'eau de la rurer dans les temptcs, et marchanI toujours rerssa perfection. > 0n possde les plans dtaills rles deux prernires parties. Dans tra Gograph,ie politicptc, il lhit cles rserves trs-fortes, excessivcs rnrne, contre le principe cie ilIontescluicu touchant l'inftu,ence dcs cl,ntats, < influence ignore,D dit-il. < Il faut avoir puis les causes morales avant d'avoir dloit d'assurer quelque chose de I'influence physique des climats r. > Il voit lrsicn I'erreur de liontesquiu sur l'ercessiue poptulatiott du Nord barbare. Il jette en avlnt des vues gratlcliriscs sur les moycns quc doit chercher le genre irurtrain dc tiler cle notre glolte le rneilleur parti possible, fr la cornbinaison dcsdiffrents principes qui composent les terrains (engrais minr'aux), par la distribution des eaux, etc. L'esrluisse de l' Histoire u,niucrsel,le est dessine par I'optirnisrne
1. C'est dans eette mrne esquisse que se tr<tuve le passage suilnirt:,, ()hnq6g peuple qui a devanc les autrcs daus ses progrs est devenu rrne espce tle centre autour duquel s'est fornl comnle un monrie politique compos des nations qu'il connaissait, et dont il pouvait cornbiner les intrts avec les siens : il s'est lbrm plusieur.s dt'ces nrondes tlans toute l'tendue du globe, indpendants les uns tLes autres, et inconnus r'ciproquementl en s'tendant sans cesse autour d'eux, ils se sont rcontrs et confondus, jusqu'ii ce qu'enfin la connaissance de tout I'univers, dont la politique saura combiner tcrutes les parties, ne fbrmera plus qutun seul monde politique, dout les limites sont confondues avec celles du moncle physique. " C'est toute I'histoire en quelques lignesl l)Euares rle'Iurgot, t. II, p.616.)

{86

LBS PHII,OSOPNES.

[?50-175t

Ic plus hardi. a Il a t bon que les passions rgnassent avant la raison dans la politique, parce que la raison aurait t moins lruissante si elle efit rgn plus tt. Comme elle est Ia justice tuttne, elle erit enrpch la gncrrc, et, avec Ia guerre,la formation des grands tats, et, par consquent,le progrs des ides, des arts, de la police ou art du gouvernc,rnent. Le genre hurnain scrait rest iamais dans tra rndiocrit. La raison et la justice auraient tout fix ; or, ce qui n'est jamais parfait ne doit iarnais tre entirernent fix. Les passions tumultueuses, rlangereuses , sont devenucs un principe d'action, et, par consquent, de progrs. Tout ce qui tire les hornmes cle leur tat, tout ce qui rnet sous leurs ycux des scnes varies, tend lenrs ides, les claircit, lcs anirne, et, lalongue,les concluit au bon et au vrai, or ils sont entrans par lenr pente naturelle. L'univers, ainsi envisag en grand, dans tout I'enchanement, dans toute I'tenclue cle ses progrs, est [e spectacle le ptus glorieux Ia sagesse qui y prside.
>

Il n'y a rien de plus grand dans le xvrrre sicle que ce procs plaid par Turgot contre Rousseau sur la clestine du genre
humain. A chaque ligne on rcncontre dcs apcr"us sagaces et profoncls snr les phnomnes principaux de I'histoire. < L'ingalit entre Ies sexes esf en raison de la barbarie; clle est extrurc dans les tats despotiques. La condition des fenrrncs s'arnliore clans lcs rpubliqus. - c'est dans les petits tats et dnns les rpubliques que la science du gouvernement s'est fonne, que l'galit s'est conserve, {tre I'esprit hurnain a fait tles progrs rapiclcs, etc. Il s'agit icide l'galit des droits, cr, ailleurs, il justifie, cornrne une condition du progrs et sans en mconnatre les consquences I'unestcs tant d'gards, I'irrgalit sociale amene par la clivision des travaux. I[ avoue nanmoins que cette division ncessaire fait que Ia plus grande partie des hommes, occllpe de travaux obscurs e[ grossiers, ne peut suivre le progrs des autres hommes. c'est l le terrihle problme qu'il ne rsout pas, et le plus for.t argument de Rousseau. c'est cette ingalit sociale, qni, aprs avoir amen le progrs des lumires le plus sonvent aux dpens de la justice, ernpche le progrs de porter ses fruits en se gn>>

tr?'io

r75ll

TUIT

GOT.

tB?

ralisant, met obstacle au maintien ou l'tablissetncnt de Ia lihcrt et de l'galit politiquesr, et trop souvent atltne ou ramne le despotisme: incgalit qui trouvera pcut-tre un jour son rerncle dans ce qui I'aggraYe auiourd'hui, dans I'extension dcs moyens cl'action tle I'homme Sur la natLrre. Les machines, cpti asservisscnt I'homme, pourront I'affranchir un jonr.
Une dernire page est caractristique. O'est ic talrleau des dcvoirs difficilcs du lgistatcur dans Itat actuel dc I'Etlrope. Cepenclant, conclut-il, <r il est si vrai quc lcs intrts des nations et les succs d'un lron gouvernetnent Se rduiscnt au respect religietrx pour ia liltert tlcs persollncs et du travail, la conservation inviolable dcs droits de proprit, la justice enllers tous... qtlc I'on peut esprer qu'un jour la scicnce du gouverncmcnt deviendra fhcilc.,. Le tour du tnonde (politiqtrc)est encore faire; la vr'it est sur Ia routc, la gloire et lc bonhcur d'tre utile sont au bout. ) L'avenit' clc Turgot est dans cette page : il essicra d'tre cc

lgislatcur.
Nogs Avons vu Turgot cornbattant, cn partie d'avattcc, les dctrx Dtscottrs dc Rousscatt. Dans une lettre aclresse une femmc

ulrur, matlatne de Grafiigni, et qtti n'cst pas destinc la publicitel, il devance au contrilire Emite; ii attaque I'tlducation reboul'S, qui commence par les abstractions et qui enchaine les cnfants que la nalure appelle clle pat' tous les objets. < nlettcz les enfants en plcine nature, I s'cric-t-il dans ces quelqtlcs pag'es otr il setnble rsttmer I'icle prcrllire de l'uvre imtnortcilc du Genevois (1?51 ). Sur les tnariagcs d'intrt, sur lcs rnaximcs Contraires aux nrarilges d"irtcl.nat,ort, Sur les atttres prjugs de ce genre, tlui dtruiscnt les rnurs ct la farnille, et, cn gnral, sur tout ce qui est lnortle ou sentiment, on cl"oirait
entendre Rousscau
3.

1. " Libcrtl je le dis en soulrirant, les hommcs ne sont peut-te pas dignes de toi ! galit ! ils te dsireraient, mais ils ne penvi'nt t'atteindte. " \Lettre a rri.ailltme de Grafftgni, I?51; ap. OEuures de Turgot, t. II' p. ?86.! 2. Et aussi sur les limites des droits patcrnels. " Dans les chnses ou il s'agit' du bonheur rles enfants, le devoir des pres se borne au simple conseil. O'est Ia faon d.e penser contraire qui a fait tant de rnalheureux pour lewr bien, qui a produit tant ile nrariages forcs, sans compter lcs vocations, etc. " Y. la seconde Let\e sur la Tol' ronce. Le Cocle civil a rclalis la pense cle Turgot'

4BB

I,

S PII ILOS

OP II BS.

il

753-17541

danger. Il corrige ainsi d'avance ce qu'il y aura d'excessif clans les conclusions du contrat socinl, qui prcscrira d'appliquer aux
croyances intolrantcs leurs

tres, tout au nroins, seront forcs de devenir inconsquents et de donner leurs dogmes des adoucissements qui les re'dront sans

droiT la protection exclusive de l'Etat; toutes ont clroit la libert, moins que leurs dognes ou leur culte ne soient contraires I'intrt de l'tat. Il se hte d'expliquer cettc restriction, dont il serait facile d'abuscr', en disant qu'on doit tolrer un dogme, nrrne un peu contraire au bien cle l'tat, pourvu qu'il ne renverse pas les fonrlernents de la socit. une religion fausse tornbera plutt par le progrs de la raison et I'exlmen paisillle r-lue par la perscution, qui fanatiserait ses sectateurs; ses rninis_

IJ'autres lettres particulires, heureusement conserves, et qui sont dc vritables traits dogmatiques, exposent Ie foncl de la pense du jeune sage sur les droits et les clevoirs de I'tat en ma_ tire de religion. ce sont les Lettres swr Ia Tolrance (l7b3-17b4), titre impropre, car la libcr{, des cultes n'est pas pour lui une tol,rance, mais un droit positif. Aucnne religion, suivant lui, n'a

l'tat.
Aprs

llrol res rnaximes et cle les chasser

de

avoir tabli que la

sociL, foncle en yue cles intrts

communs des hommes pendant la vie prsente, n'a aucnn clroit d'irnposer ses memhres une rgle, une religion en vue de la vie future, ni de la leur interrlire, sauf Ie cas prcit, il admet cependant que la socit doit au peuple une ducation religicuse, et qu'il est de la sagesse des lgislateurs cle choisir une religion pour I'offrir, non pour I'imposer, I'incertitucle de la lllupart des hornmes , tout en protgeant la pleinc libert des autrcs
sectes.

Il

cherche Ies conditions gue

doit o{frir cettc religion

d'tat, ne les trouve pas dans le catholicisrne romain, doute que le protestantisme , mrne arminien, quoiquc prfrable sous le rapport politique, lcs remplisse encore tout fait, et se clcrnande si Ia religion naturelle, mise en systme et accompagne cl'un culte, en dfendant moins de lerrain, ne serait pas plus inattaquable t.
1. Comparer avec la corresponclance
possibilttd d,'une religion diste, de Voltaire

la

et rle Frilric, anne 1766; sur

[1i53-l t4]

TTJRGOT.

t8c

Ici Turg'ot, son tour, excde les lirnites que Rorrsseau posera et clui sout les vraies. La socit doit I'enseignetnent aux enfants cotnmc elle doit Ia justice aux hontnes : elle tient de Dicu, son premier auteur, puisqu'il a fait I'hottlme sociable, lc dt'oit et Ie devoir de prenclre pour base de son euscigllelllent ct de ses lois

la religion

naturelle, c'est--dire la mot'ale religieuse et lcs cl'oyauccs gnrales qui sont lc foncl rnure de la conscience clu genre hutnain ct le principe de I'ot'dre en ce monde, mais ellc n'r:st pas comptente pour tablir une religion positivc' un culte avec des prtrcs et des rites, pour donnet' une forlne dterrnine au seutiment religieux. Ceci dpasse le tlornaine de la raison
publitlue
:

il

faut un souffle rnystrieux dont le corps politique ne

dispose pas. Jarnais les principes cle droit, de justice et de libcrt n'ont t plns noltletncnt exllrims que dans la seconclc de ccs Lettres. Jarnais on

n'a pltrs firement dni tout clroit aux lois positivcs contrail'es l'cltrit. ( L'intolrance est une t1'rtnnie, et passe le ch:oit clu princc colnme toute loi injuste. Si les sujets d'urt prince intolrant, comme de tout autre tyran ' sont en tat cle lui rtlsister, leur rvolte Sera jlrste. Ce princiile, que rien ne cloit
borner les clroits de Ia socit sur le particuliel que le plus grancl bien cle la socit, me parait faux et dangereuK. Tout homtne cs[ n libre, et il n'est jamais permis cle gner cette libert, rnoius qu'elle ne clgnl'e en licence, c'est--dire c1u elle nc ccsse d'trc lihert en devcnant usurpation. Les lillerts, cornmc lcs proprittis, sont limites les unes par les autres. La libert d'agir sans ntlit'c ne peut tre restreinte que par des lois tyranniques. 0n s'est lleattcoup trop accoutum dans les SouYernernents irnmolcr touitlurs le bonheur des particuliers de prtendus droits de la socit. Ort oublie que la socit est faite pour les particuliers; ciu'ellc n'cst institue que pour protgcr les droits de tous, en assul'ant I'acr. complissement de tous les devoirs tnutuels >

l. Dans une lettre bien postrieure, il accuse " la fausset cle cette notion rebattrre par presque tous les crivains rpublicains, que la libert consiste a n'tle soumis qrl'aux lois, cornme si un homme opprim par une loi injuste tait libre. " Cette rrotron. a une vrit relative, si I'on compare l'tat despoticlue, otr I'homme est sournis I'lromure, r\ I'tat rpulilicain, ou il n'est soumis c1u'ii uue rgle gnrale et abstlaite; mais elle n'a urrc vrit absolue qrte si les lois positttes sont con-

{$0

LES PflIIOSOPII

BS.

u 754-r 7551

nements. Le prince, disait-il, n'est pas iuge clu pch enycl.s


Dieu, mais seulenrent du dlit enyers la socirit. Il vouclrait que, d'une part, on tolrt les protestants et res jansnistes, qu'on ne ft pas de diffrence cntre cnx et les autres citoyens, et, de I'autre part, clue I'on ne fort point les prtres adrninistrer les sacrenrents malgr eur; mais que, Ilour pouvoir rendre aux prtres ccttc libert, on tt aux sacrements tout effet civil,' et que la constatation de la naissance, i'acte cle rnariage et I'inhumation f'ussent indpendants des actes religieux. Il demandait, en un tnot, avant Yoltaire, cette fondation rJel'tat cdui,l,, que del,aient raliser lcs institutions manes cle Bg. ce n'tait pas au gouvernelnent de Louis xv qu'il appartcnait d'accomplir de telles choses; seulement un faible essai tle paci_ lication religieuse, en 17b4, sernbla coincider avec l'uvre clc Trrrgot. ce fut sur ces cutrefaites gue Turgot s'adjoignit l,Encyclopitclie (vers 1755). Tout ce qu'il y insr'a sur des matires trs-diverses, plrilologie, mtaphysiclue, physique, droit pulrlic, est au premicr

e[ lcs tho_ rics de Turgot. Le jeune philosophe, avec la gnreuse conriance qui le caractrisa toujours, ne crut pas ce gouffre impossilrle cornlrler. [n 1754, au plus fort cre la guer"re dcs billets de confessiori, parrni les querelles du parremcnt et du clerg et les perscutions ravives contre les protestants, il imprima, sous I'ano_ nyrne, un crit intitul le conciliatewr. n I'envoya aux conseillers d'litat, aux rninistres, et le it parvenir jusqu'au roi. Il n,y rnontrait de ses principes que ce qui tait ncessaire pour le but pratique qu'il poursuivait. Il distinguait entre la tolrance eccrsiastique, qu'il reconnaissait impossible demander aux prtres, et la tol'rancecivile, qu'il dernandait comme ncessaire aux gouver-

Il y avait uu ahime cntre lcs faits contemporains

Eni,sletrce, comme daus

et les rvolul.ions des langucs (art. Etynrotogie); rlans I'alticlc tout ce gui, chcz lui, touche la nrta-

rang de ce vaste recueil. Il dploie des connaissances profoncles, tles vues aussi ingnieuses quc sagaces, sur I'origine, lc urlange

physique, sans dpasscr Ibrmelleurent conclillac, t. II, p.


B0ti.

il

manifeste des

formcs aux lois iternelles. Y. Ia lettre au docteur price, 1??B; ap. uure.l de Turgot,

[1?55-I;59J

TURGO'T.

,t9t

qui, s'ii et apptiqu plus spcialenrcnt sa ferrne et lucide intelligence la sciencc des principes, I'eussenl vraisembrabrement conduit o arriv;l La Romiguire, un demi-sicle aprs. L'article Erp,mstbilit, ren_
l'ermc, suivant un jtrge cornptcnt, conclorcet, << une plrysique nouvclle, une physique mathmatique foncle sur les princiPes et

tendances analogues celles de Rousseau, et

lcs

dcouvertes

de Newtonr. > L'article Fontlaliott, montre le

thoricien de Ia libert aussi fenue sur les vrais droits c]e l'tat que sur ceux dc I'individl.:. Il y balaie les sophisrnes par lesquels on essaie de transforner en propritaires des tres cle raison, tlcs corporations, cornme si la proprit tait autre chose qu'un dveloppement de I'indiuidualit, et cornme s'il y avait place pour un troisime droit entre le droit de I'indivirtru et te clroit de Ia socits. Le gouvernenrent, dit-il, a le droit incontestajrle < de disposer des fondations ancieuncs, d'en diriger lcs foncls de nou\reaus olrjcts, ou, mieus encore, de les supprirner tout fait. L'utilit publique est la loi suprrnc et ne cloit tle balance ni par un rcspect superstitieur pour ce qu'on appellc f itttenti,on, d,s londateurs (comr-ne si des parficuliers ignorants et Jrorns avaient eu droit d'enchaner t lcurs volonts capricieuses les gnrations qui n'taient point encore), ni par Ia crainte de blesser lcs droits prtendus de certains corlls, comme si lcs corps palticuliers avaient quelques droits vis--vis de I'tat. Les citoyens ont des droits, ct des droits sacrs pour le colps mme tie la socit; ils existcnt indpenclamment d'elle; ils en sont les linents ncessaires, et ils n'y entrent que pour se rnettre, avec tous lcnrs droits, sous la protection de ces mrnes lois, qui assurent leurs ploprits et leur libert. l\Iais les corps particuliers n'existenI
1. Il y voit trs-bien le parti ou'on peut tirer de la vaperrr,
e*"

grandes applications de J, Watt. 2. Lc seul tre collectif qui soit dans une catgorie ir part, c'est la socit, pr'ce que soll existerrce est, ncessaire et petptuelle; qu'elle est la seule associatiu" qoi ne doive jrrmais se dissouclre ni se liquitler. Les juristes de Ia monnrchie avaierit, au frrnd, h rnnre opinion; ils ne reoonnaissaient, en droit, que deux sortcs de proprit: celle de t'tat el celle rles patticuliers. Les eccldsiastiques et autres gens " de ruain-morte ont t censs dans tous les temps incapables de possdcr :lgcul)e sorte d'immeulrles dans notre roya"umel c'cst ce qui a donn lieu ftux roiso 1os prtlcesseursr de les assujettir au priement des droits tl'amortissement, pour les lelcr-cr de cette incapacit. ' (ordonnance du 14octobre 1704, cite par l{. l_afcrriere, Itrsl, d,u droit frana[s, t. II, p. 40.)

ceci avlrrt lcs

J{}
socit, et

point par eux-mmcs

ils doivent
>

IES PIIILOSOT)IIBS. t1?59-1?6T] ni pour cux; ils ont ,1 forrns pour la


cesser cL'exister au mornent qu,ils cessent

d'trc utiles. appliquer.

Yoil les principes poss

: la Rvolution n'a plus qu' lcs

avait rcnonc aux dignits et aux richcsscs que semblait lui pro_ mcttle l'tat ecclsiastique, Il n'tait pas hornrne rnetlr.e cn halance sa conscicnce et sa fortune. sa vertueuse arnbition s'ouvrit une autre voie. Il traversa la rnagistrature pour arriver au conseil d'litat. Itatre des requtes en LTbg,it fut nomm, en l?61, I'intendance du Limousin, or il put essa,ver loisir ses facults d'hornme d'tat et se prparer une plus clatante, mais non unc plus respectable mission ; car il devait tre, durant treize ans, le bienfaiteur de cette province; il y offrit vritablement I'idal de I'adrninisfrateur. son amour des sciences et des letires ne se refroidit jamais;

chie sur Ia pente de sa ruine. Ds t7bl, bien que cadet cl'une farnille noirle dc Nornrandie, et par consquent sans fortune s, il

se jugeait appel rendre de plus grarrrls services dans un antr.e rle que le rle d'crivain. La nohlc liassion d'agir, la seule passion qu'il ait connue, s'enrpnlait cle lui, et, dj, peut-tre, il aspirait, dans le secret de sa pense, tenter d'arrter la monar-

Turgot ne continue pas jusqu'au bout sa ccoprationill,Encygrand ouyrage en 1759 I'arrtrent. son rnle courage, sa volont inbranlable, le dfendent contre tont soupon de faiblesse. s'il ne voulut point s'engger plus avant dans la guerre philosophique r, c'est qu'il
clopc|ie. Les perscutions renouveles contre ce

mais il dut al,iandonner ses vastes plairs d'hisfoire et de philosophic; il concentra ses travaux thoriques sur une seule liranche de la sciencc, l'conomie politique, dans laquelle il croyait voir la
la
moutt-a bien ses amis qu'il ue les avait point aban<1onni:s, lorsque, en l?r-i7, Sorbcrnne s'avisa rle conrlamnerle Dtilisaire de }farmontel poul des propositiorrs contre les persicrttions religiensc's. De tou.s les coups pods rlans cette occasion

I. Il

la -(olbonue, le plus rude fut celui de sou anrien agrg, 'rurgot. Il mit cu regard, sur' eux colonnes palallles, les propositions rprouves par la Sorbonne et les 1-rropositions ttpposeles, dont I'approt,atiorr implicite par la Sorboune rsultait 6e la cotidarunation des autres. On ne pouvait rien voil de plus odieux ni cle plus absurcls, Y. Mdm. de 1\IarDrontcl, t. III, p. 4i. 2. Le dloit d'ainesse tait trs-r'ig()urcux daus la coutume cle Normantlie.

7i]9

TI.r'l GOT.

,l93

t'est lc urieux fait et Ie plus durable de tous les livres qu'aient prodnits les conornislcs franqais: sauf sur Ie point, essentiel il cst vrai, de la proclu,ctiuit des travanx intlustr.iels, Turgot pose tous lcs prirrcipes qui seront dvelopps par clam Snrith. Son
sul," Ies prts d'at'grnt (1769) dvcloppe la qnestion de I'intr't djir dciile rlans le prcclcnt ouvrage. Il y rlute invinciblcrnent lcs doctrines clcs thologir:ns scolastiques, adoptes par les iuristes sous la prcssion clu droit canon, ct Ieurs subtilits ahontissant I'absurcle expclicnt des constitntions de rente avec

.q-r'an(lc chancc clc salut pollr la socit croulante. Ses Rflcrtons sur l,o fcrmattott, et la dtsl,ribution, cles riaitesss l]ar[rent en 1769.

JIimoi,re

alination cle crpital | ; il montrc lcs lois contrc le prt ilrtrt toulncs, luclcs, r'enverses par la force des choses, et distinguc tt's-bien Ia rluestion de bienfaisance et de charit chrtienne d'avec la rluestion de proprid't, tle droit et de libert, deux ordres dc r'rit non pas contr.aires, nrais clistincts. Le problure a t clbaltu clc nouvean; il I'est cncore, avcc plus dc passion et d'opiniiitret que jarnais. De lnrissants clialecticiens ont chcrch, dans le dloit natLrrel et social, dlns I'conornic politiquc rctourne contre ellc-utrne, des arguments opposer ceux de Turgot et dt: son. colc ; ils n'ont pas r'ussi prouver qu'ou puisse al-rolir

intrt snns portcr un collp rnortel la liberte cles et la fbrrniition dcs capitanr, pal' consquent u la richesse nationalc, et sans atteinclre la proprit clans son
1rr't

lc

transactions
CSSCNCC.

lJuant la limitalion dn taur tlc I'intl't par la loi, Turgot et lr:s atrtres conorrristes condirrunent tonte intervention de l'trt, et ii c'st dit'licile dc nier la yaleur tholiclue de ieur sentcnce; nrais il cst galernrrnt cliflicile de ne lles reconntitre quc lit I.qislation qui a maintenu la liuritation de i'intrt d'aprs urie
cles causes cle I'irrfririolit courrnetciale et iudustrielle clcs catholitlues. L'absurdit consistait eu ceci, que, si I'intrt ri'tait pas lc'it!me, l'etripruttteut 5 pour 1t)0 et d tle libdr au btrut tle vilgt ans ; ltr rerite per'1rtrtclle, clans cc cas, tait uue usul'e pclptuelle partir du jour ou I'eurpnrrrtuu.r avtit nchev de rembout.er le crpital lrar aunuits. I1 est trnnge de roir ec rllle - esprits. peut I'empire de la tradition, nime srrr de trs-bons Pothier, si savant , si droit, si clair, tant 'auttes tigrr'.. rnrris tiuride en tout cc quitouche a la thologie' est tl'ttrre iticrrl\able faiblcsse sur cette uratir.e, et ne trour.e cpre des ar.guties
1rtt.'1.s

1. Cc srstemc tait urte

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rhotntiqt rcs.

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Lrts piltLosoPilli5.

Lrt'781-177 4l

moyennc ilpproxirnative a perl ti'inconvnicnts pt'fltirlues, ou (lu moins que s supprcssion cfli'irait, ct pour longtemps peut-lre, dcs inr:onvC'nicnts lx.aucoup plus. grrvcs. Il faut cncoro citer, parrni lcs travaur cononriqucs dc Tui:got. son lleau trlmotre sur l,es mines et currieres, o. il se montre galemcnt supr'icur et la lgislation de son tcrnps, ct, du rnoins cornmo logiquc, cellc qui lu reruplacerar. Tulgot il:vait crlploycr lcs dcrnir'cs annccs du r'gnc de Louis XY collrmencer I'application de scs tloctrincs , scion son pouvoir, sur une pctite clrelle, et tchcr d'cn fairc pn-

trcr l'influcnce dans le

gour'1"11g1ucnt

ccntral. Le pettscur el

I'hoururc pratique ne faisaiurt qu'un clrez lui; nous rctt'ortvcLons bicntt I'hornure politique aux priscs ayct lcs vncrncnts. Le pen$eur cst tout cnticr cn dcux mots : libert, perfcctiltilrti. Nous aurons r'cvcnir sul la lacuue qui subsistait dtus I'applicalion de sa doctrinc la libcrt politique, lacune llicn ntoinclro toutcfois que chcz lcs autrcs conontistes; quant la llcrfcctibilit, son disciplc e[ son arni Condolcct a rsun-r scs icles cn quclques lignes ; a Turgot rcgardait une pcrf'cctilrilit indlluic courrne unc dcs qualits distinctivcs dc I'espce hurnaine... Cette pclfcctibilit lui paraissait appaltcnir au gcnre hultain en gnral ct chaquc indiviclu en particulier. Il croyait, pr cxcrnplc, rluc lcs
1. L'ancienne lgslation, d'aprs le droit imprial romain, rtiscrvait la proprit
au dornrrine comme droit rrlgalieu I en fait. I'Etat n'exploitirit pas et concrlait dc's morropoles avee tous les abus ordirrailes. La lgislation actuelle commence p{rr poser ce prtendrr prinoipe : que l:r proprit du sol t'trtporte la proplit du clessus et clu dessous (Code civil, art.552), pui-s, dans la loi spciale rles mines (la toi de l8t), elle rtluit a fblt peu rle cho.-e, au plolit ele I'litat, ce droit du propr.itaile r1u'elle vicrrt d'exagrer si trangenierrt err tlrorie.'I'urgot, r'ec une tout aulre logiqueo d'trrblit qu'il rr'y n aucun rflpport rrnturel errtre la proptitrl d'un clremp et celle de la nriue gui est dessous; que le ptopritaire a le dloit exclusif de fouiller dans son chanlp, rrxris quc, s'il trouve urre mirte, clle lui appirltierrt, uor! colrlme n*1sn5ion de sa proprit, mais par rltoit de premicr occuJrarb: que, s'il est prr'enu dans cette occtrpation par uile autre fouille pttie d'un chatrp tranger et pouss( sous le sien par voic souterraine, il n'a t'ien rclanrer. lielltivcnreut ii l'[itut, on pert rlire qu'il eu est r"lu tlessous comme tlu dessus. I,n socit autait pu urairrtenir I'irrtlivision dc la surfitce; elle peut nrainteuir I'irrdivi.iiorr du trfuudsi nr;ris, si elle nc I'a pas f,rit par urte loi positive, le droit de preruier occupaut est lc plus naturel, rnoyenuaut que ee ptetnier occupirnt rlotrttc la soriti les girr.arrties uccssailes. ll va sans tlile que l'lit:rt corrservc, vis-a-vis rltt lrlerrricl occupant, et du propritaii-e de la sulfirce, Ie tlroit exucptionrtel d'explopriatiuu lrour
dee mines

cause

tl'utilit publique.

yl,Ttit-177

4)

TUNGOT.

495

progr's des connaissanccs physiqncs, ccux clc l'ducation , ccux dc la rnthodc dans lcs scicnccs, ou la dcouvertc de tnthodcs nou vcllcs, con tli lt ucraicn l, pcrfccti on n cr I' o rgani sati on, rcnd re lcs ltotntttcs capablcs dc rtrnir plus tl'idcs dans lcrrr rrrrrroire,

et d'cn urultiplicr lcs cornbin:risons : il croyait qnc lcur scns tlit galcnrcnt capablc dc sc pcrfcctioncr. Sclon ccs principcs, toutcs lcs vrits utilcs dcvaicnt finir un jour par tre gnr'alcnrcnt connucs ct ndoptics par tous lcs hontnres. Toutes
rnoral
lcs ancicuncs crl'cnrs dcvaicnt s'irnantir peu peu, c[ trc rcmpluci'cs par dcs vr'its rrouvcllr:s. Cc plogr's, croisvrut toujours dc siclc cn siclc, n' point dc tcrnrc, ou n'cn a qu'un absolumcnt inassignablc dans l'tilt actucl de nos lumires. - Il tait convalncu qLrc la pcrfcction dc I'ordrc, dc la socit, cn arn'nerait nccssaircrncnt unc, non uroins grandc, dans la rnorale ; que lcs lrornnrcs dcvicntllaicnt continuclicmcnt mcilleurs, rncsure qu'ils scraicnt plus cluirsr. > Porrr r'surncr cotnpltctnent 1'urgot, il faut rasscrnblcr toutes lcs itlcs du siclc : sur la tolr'ancc ct I'hurnanit, c'cst Voltaire; sur la rcligion, la rnoralc ct l'ducation, c'cst Rousscan; sur I'cconoinic polil.iclue, c'csI Goulnai ct 0ucsnti; sur la libcrt, c'cst Yoltirilc, ct, avcc lui, crrcorc Gournai ct Qucsnni; strr la mtaplrysiquc, c'cst tondillac, avcc unc tcndancc sttpr'icurc; sur la pcltbctilrilit, c'cst plrrs ct uiicur quc Voltrirc ct quc Didcrot, c'cs[ lit serrlc r'ponse sr'icusc Rousscau. [lousscau rafi'cnnit I'hotunre individur:l sur scs dcstini'cs irnrnoltcllcs ; il trouble I'lrorrrurc sociul cn lui nrontnrnI la clrutc uroralc dans le plogr's intcllcct,ucl ct mltricl. Turgot, silns r'soudrc l-rcaucoup prs plr soll tflirmation toutcs lcs lrrolbntlcs objcctions dc Rousscau, nous console c[ nous raffcrrnit. Il donne Ia pcrfcctilrilit des cncl'clopi'distcs la se ulc basc solidc cn I'unissant an driisrrrc spiritualiste dc Rousscarr, ct se tlouvc ainsi lc trait d'union url.rc lcs colcs opposcs2. Gnic rnoirrs clatanl, lnoins irnptucux, mais plus urtivclscl quc scs grantls cclul,curporains, il nralquc lc point
1. Conrlorcet, llie ile
Tury1ol,

p.273.

l.e prolrlcnre de lir perft.ctibilit n':r fas, en effet, plus que eelui de I'optimisnrc, sa solttiorr rlinrs llt vie actutlle iso11"1'. Lcs errc.tckDrlistt,s rre ponr':ricrrt lt,rrisourlrc, eir\ rllti t'e vo,\':tit'rrt tlne l;t pcr'fct'tilr;lit rlc I'r'spce ert ce rnontlc, et ut-ut hr pclt'cctibilit tle l'ure iutlividuelle au el e ue murrr.le.

?.

196

LES I)TIItOSOPilUS.

lr7 Gl-117 4j

culurinant de csprit hurnain au xyllle sicle, et ferme cct ge philosophique par un h5 urne cl'csprauce e[ d'irnntortalit sur la tombe dj entr'ouvct'tc de la vieille socit ! Turgot n'est infr'icur quc sur un scul point, srtr la politique propremcnt dite : d'unc part, lc principe de I'intproductivit clc I'industric le mne utconnatre les droits politiques des nonpropritaircs ; dc I'autrc palt, l'exemltle cle ses atnis les conornistcs, il nrconnait les distinctions esscntiellcs poscs par l\Iontcsquicu et par Rousseau, ct rcproduit ce qu'ott peut nornurer I'errcur nationale de d'Argcnson sur I'unit du pouvoir confbnrlne avec I'unit dc la souvelainet r. Sa conance esccssivc dans I'ernpile de la raison, du bien et du vrai, I'eurpche cle voir conrbien cettc unit est peu cornpatiltle ayec la liberl. Lui qui chr'it la libert avant totrt, il en ofli'e moins lcs ttroycns pratiqLres (jue Rousscau, qui I'ott a reproch dc la sacritier l'galiti'. La gloire de Turgot, dans son cnselnble, n'appertit'nt qu' la I'rance et la philosophie; ttanrnoins unc partie dc ce'ttc gloiuc

Iui est conlrnunc avec ses ttta{res du groupc conomiclrrc. Le rcspect de la postr'it est bicn ctr aux houtnres qui ont fonuul ces
granclcs nrasitnes:

L'autorit n'a pas de lois faire; clle n'a c1u' r'cconuaitlc les lois naturclles. t'est--dirc : la fonction de la socit, conltue celle de I'honrnrc, cst d'adhrer et cle concourir librerncut aux lois de la Plovidencc.

Aucune autorit huntaine n'a droit de faile violence la nature


dcs choses.

O'cst--dire : toutc loi conti'aire la natnrc, lii jusiice, ir. la rurolale, la rvlation de Ilicu dans Ia consciencc hurnainc, toutc loi contraile l'a loi, cst nuilc dc lllcin droit : il n'1' a p,ls de clroit rrontre le droit. IIs ont rnl aux vrits qu'ils ont proclarnr's cles elrcurs que Turgot lt'a l)ils toutcs partagcs : aliuss par lcur chiurre de
l'utcletit't,

ils rr'ont pas vu quc la libert et l'galit politiques

i:taicnt la condition dc toutcs lcs autles liberts, et lc'ur tti'gation


I. \'.
Ia

lcttre au doctculPrice; l?78.

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la scicnce politique, la fornrule de despotisme gouYernemcntal, si bizaruement imaginc par ces chatnpions de la lihert conomique, ont t d'un funeste exemple pour 1es sectes qtri, depuis, ont pris les questions sociales au point dc vue oppos
I'conomi e l,ibrale et qui Ont trop souvent montr polrr la libert politique unc indiffrence plus logique chez des coles fatalistes

que chez une cole cle libre personnalit. Ils se sout tromps en s'irnnginant atteindre I'absolu, mais ils

n'en ont pas moins cltermin le but vers lequel les socits cloivcnt avancer progressiventent. Si, en effet, on sc demande : faul-il marcher Ia libert conorniqtre ou aux restrictions? i\ l'change pacifique ou aux luttcs cle tarifs, mr'cs des gnerres dc cornrnerce ,? I'halmonie ou I'antagonisme ? - La rponse pourra-t-elle tre doutcusc? - Il en est du libre change

lniversel tottttne de la paix universelle; c'est un iclal ct non ttne chirnre; c'est un but tinal dont il faut chercher s'applocher le plus possible, quoiqu'on ne cloive peut-tre jamais I'attcintlre
cornpltcnrent. Lcs conornistes ont eu t'aison de vouloir la libcrt; on peut mtne clire qu'ils n'en ont point assez voulu ou du ntoins lroint ilssez dni les rnoyens ncessaires. Un llon gotlverncmcut ne doit pas seutetnenl reslteuter la litrcrt' colnrlle dit Tulgot; il doit I'asnr,,rer.La socit cloit assurer Ie libre dvcloppentent dcs factrl!, pat' la ts cle chacun tle ses metlbrcs par I'instruction pulllique protcction accorde aux faibles, aux mineu,rs cl'ge ou de condition, par les restrictions, lcs scules lgitimes, quc prcsctivt'nt,

en matire cf industrie, la tnorale, I'lrygine, la justice. Eile doit rparcr, clans la Inesure du possible, par les institutions, les efl'ets de I'inevitable ingalit factice ctue I'hr'ittrge, ingalit si souvent inverse cle celle cles facults naturelles. S'il n'cst pas I't'iti que lcs out,riers ne cloiuent gagner tltte leur subsistance, il est vrai c1u'cn fait, la plupart ne Sagnent pas pltts, rprnncl ils lrt
exclusif.

1. ce que Tu|got appelle " Ia purile et slnguineire illusion d'nn commeree , )Euu, tle Trrrgot, t. II, p' 802. 2. .es physiocrates n'oDt point du tout i cette vrit. Iout le xvltle sicle' sa's distinctiqn d'co.le, a deurand I'iustttrrtiort publique pal l'tat. Il llrut bierr se

rle gar'(ler d'attribner. aux prenriels couonrrstcs Ia resporrsabilit des aL,ei'ratiung hritiers. leurs cle certains

INS PIIIT, OSOPII BS. t7()7-177 t+l gagllent, et qu'cn gnral, ils gagncnt Jreaucollp tnins rJu'ils ne prydwis(1lt. La socit letrr doit toutcs lc's rparatiorrs, toutcs lcs coml)cnsalions cornpatilllcs avcc la lilrert ct lc droit d'aulrui.I,n lillelt, en{in, vcut que la socit assul'c le clrarnp I'irrdlstrie honntltc contrc la concurrcncc de la flaude. La lil,rcrt vcut - conlre guc l'tat proti'gc la concurrcncc individuellc lc nronopole; en d'aulrcs tennes, que l'tat lhsse ou rglgncntc tout ce qrri nc Dcut tre fait par lir librc concurrcncc. A I'Btat clc 1rr('parcr, dc nivclcr, cl'cntlctenir la cnrric\rc or sc dploie la libcr'|.; l'tat d'ltloucir lcs chocs trop violcnts clcs for.ccs liblcs tlans cctle t:arrir'c; l'tat d'assurcr la libcrt cle chacun par I'aLrtolitti
t98

dc tous. Alrrs avoir pnrcouru cn dhil lc champ irnnrense clc Ia philosoplric du xruro siclc, si l'on glavit sur un point culurinlnI pour enbrasscr d'un coup tl'il I'cnsenrblc du mouvcurcnt dr.s csln'its, en car'{anl lcs.conlnrcliclions,lcs houtadcs incliviclur:llcs, lcs itli'cs ecccssoires, on distinguc trois courants lrrincipaux d'idcs socialcs, gu'on pcut nommcr lcs dcur d'rnocraties ct lc lili(,ralisrnc. L'une des cleux colcs drnocratiques vcut purcr, confcnir, simplilicr et fol'tifier I'homme; cllc rcl)oussc la royaut tcrnpor.ello ct I'aristocratic cornme in.iustes et clrinroralisantcs, la royatrt spir.ituclle commc inconrpatiJrlc avcc la raison et avcc la rcsponsallilit pcrsonnclle dc I'lrornrne vis-ii-vis cle Dicu. L'antrc colc rclarne la libre cxpansion dc tous lcs penchants hurnains, sans clistingpcr les passions csscnticllcs des artificilllcs, lcs sirnplcs des courposcs, ct nc repoussc lcs vicillcs autoriti's quc corlrmc tout fr.cin guelconque. L'unc cornprcnrl la souvcrainct du peuplc con)l)re rcssortissant au vrai dloit divin , c'cst--dirc I'indivitlu soumis au pcuple, lc pcuplc DicLr, la justice, la nroralc, la rlrar.it

univcrscllc. L'antrc n'adrnct u-dcssus dc l'hournrc d'autre loi qu'un progrs ftrtal ct nirccssairc, ct al-routii la souvcrainct absoluc du nornbrc ou de la forcc : clle ne vcrra gurc clans la Rvolrrtion guc la conqute dcs jotrissanccs malr'icllcs pour lcs dshr'its, tanrlis que la prernirc y chcrchr,rra surtout ll conqute tlc I'i'galit politiquc ct dc la dignit hunrainc. La drnocralic spiril.ualistc inclinera tlolr rcstreitrrlrc, cn vuc de l'('gllit et dc la rformc urorale, cctte c.rlltnsion inrlividucllc quc la

499 ltlislr It' totrt cn l'totrffalt de sccopdc cole fait dbolrlel cl'trne main, la troisinte colc, rscrr' est l',nutrc sous ta loi clu nottllrt'c. Il non ltlus par lc firit, mais l,colc libralc, dc tlfiniI la lillcrl' posi'e ltar par lc flt'oit, clc la tlcluire cle la rcsponsallilit nloralc par la libert ia clrnocyltic spilitualiste ct clc la lirnitcr seulctnent la vicd'autmi. Dans les scctcs fatirlistcs scra le grand ollsttrclc tetnps toire ct l'organisation rli:finitivc dc lil Rvolution' Les

tt??4t

filtaliste, dguinolll,cilux nc s'rcc0rDpliront pas avattt qLrc I'colc rlrntrialistes' et sc sous tilnt de for'rncs, tottr tour rnystitlucs divine et n,ait cddr dcvanI le doublc p|incipc cle Ia personnalit le pain quc Iru'raine, ct n'ait co'rpris qire ccltri qui ne rcchcrcltc pns avant cltr corps n'a pas nrurc le pain. Ils ne s'accoutp.iront clans cont'ontlns soient se nc quc lr: liltralisurc c[ lir clrnocratie qui religicux soul'flcs ccs plus laygtr, Sotts un de

upc cloctrilc rcnouvcllcut lc tuonclc,

LIVTT

E CII
r,-/N)

L0UIS XY tsurrE r-r


Mrxrsrhnn nn Csorsnur,.-Proc;

<l.u pre La Yalette. Compttes renrlu.s sur les corrstitutions des Jsuites. LBs JsurtES Auor,rs px lin.Lxcn. Suppressiorr de I'orrlre par le pape Clnrent XIV. Luttes de la cr-rur ct dcs par.leurerrts. nlort tle madame de Pompadour. Invasion des conomistes dans la politique. Ilreutiers essais de liliert comrnerciale et industrielle. Nouyelles - dauphin. rluelelle's avec les par.lenrents. Procs de La Chalotais. Ilorl du l'r'ojets de Choiseul poul relever la Flance.'Amlioratiou. ilur,, I'arme cl -la niarirre. c0ursition de la Corse. I'aoli. Affaires de l'ologrre. Catherine et l-rtrdric 1I. Confctle- de I'Ul<ririne. Les Polonais etJ.-J. Ilousseau. ration de ar. I'Iassacres L)urnouriez en Pologne. Guerre des liusses et dcs'Iulcs. I)rojets eltre la ltrusse ct l'Autriche p<lur le partage de la Polcrgrre.-Ilaliage du rrouveau dauphin ct de.flor.re'Ierrai, coutr'leur-gnral. Systrrre de banquerorrte. Antoinelte. Chute de choiseul, Ttrurr\-rlrT lo ll,r.urr:rori,- 'ruRrr,rr r,;r - I'.gne de Ia DuB,rrin.r. I'Atcurr-lo\*. DEsrRUorroN DES panLttuD,\..Ts. La Russie adhre aux plarrs de Frdric II. I',rnr,l.cp DE LA Por,ocxs. Le miuistre tl'Aiguillon ablucloirne la ltologrre. L'Angleterre complice. Pacte ct"e funtine. Le loi accaparcur'. Mort tle Louis X\'.

1763

L77h

Il nous reste parcourir les dernires vicissitudcs politirlues de I'ancienne socit franaisc , rlui sc prcipite d'un tnourcrnent de plus cn phls accklr' ycrs la catastrophc. L fin tlu rg'ne de Louis xV ne montre que des ruines qui s'accullrulcllt et prl),rent la Srandc ruine : les arcs-boutants et les contrc-fbrts s'crouient; le corps de l'dilice ne tar.dera pas
s'abmer. La prcnril'e de ces ruincs est celle de

la

compasinie de Jsus,

arc-lloutarlt, non llas sans doute de l'tat,

llais au moins dc

l'glise l'olllaire. Le progrs des doctrines philosophiques ne con-

ir

5ol

T,ES JBSUITES.

201

tribue c1u'inclirectctneut ce grand vnement, qui n'a point t, comtlte on I'a prtendu, prpar longtcmps d'at'ance et qui sort de causcs occnsionnellcs, loignes ct intprvues.

sur Ie rIe dc scs membres, qu'on a vus continuellcrnent I'cuvre clans cette histoire depuis tleux sicles : leur action politique et religieuse est aSSeZ connue; setllement nous n'avons pas eu jusqu'ici signaler leur action comlllerciale, si tencluc et si envahissante, et qui tlevait leur det'enir si fatale. Lcs rnoines prirnitifs avaicnt t dfricheurs et laboureurs, au profit de la civilisation : les jsuites se faisaient trafiquants et monopoleut's, ltorl ps au prolit d'un progr's industriel e[ comtnercial qui n'avait pils besoin d'eux, mais au prolit de lctrr richesse , dc leur puissancc cot'lloratiye. es dfenseurs dcs dogmes du pass, ces prtendtts restaurateurs du moyeu gc, qui rcssemblaient si peu au lnoyer iige, ne S'accommodaicnt que trop bien aux tcuclances matr'ielles du monde tnoderne. Ils trafiquaicnt un peu ett France, o la vigiIance de la lrlagistt'ture les contcnait, rntis heaucoup dans nos colonics; ils c-reraient R.ome des tnonopoles vrainlent otliettr, car ils firisaicnt sttspcudre, par voic d'autorit, totrs les plocs qu'on leur intcntait et payaient lcurs dettes quilnd bon leur scnrlttait; Goa, clans I'niriquc cspagrlole, au llrsil, ils crasitic'nt

Il

n'est lias ncessaire de revcnir ici sur I'esprit de I'institut ni

le cornmelcc deS laciues, ttott-setrlement pilr une Conctll'rence qui s'arrogcait tous lcs droits et t'epotlssait totttes les c:ltat'gcs,
mais plr la corilrcllancle, facile qui n'avait point redoutel les visites douanircs. IIs lsaient ainsi la fois lcs gottvcrnetncttts c[ les particulicrs, et une sourde ilritation couvait contre eu)i au
foncl de bien des cuiurs.

Ils ne sc conteutaient pas tle douriner l'rlrr'iquc espitgllolc ot poi'tugaise : ils avairtnt dpass par leurs uiissious lcs lirnitcs cle la colonisatiort cul'opcnttc , ct, ce qu'ils u'avaient pu failt' att Oanada, parmi lcs intlornptablcs tribus clcs PcnLlr Rouges, iis I'tccorrrplissaicul au Paraguai , chcz dcs races f'aibics et dociles. Ils avaicnt convcrti, organis, civilis leur uranire lcs saui'ages tle ces contr'cs; ils avaient ltout ttn I'oyaunlo jsuitc, cinquatlte
grandcs paroisses gonvcrncs dcspotiquctttent par autant dc 1lrers de la liission, I'cssof tissallt eux-Iutrtcs u PI'e pt'ovinciul , vrai

202

I,OU

tS X\'.

fi 750-r

?561

habitants serlient transfir.s

Le Pa'aguai, ccpcndant, appartcnaiI nonrinalcmcnt la cou_ ronnc cl'llspitgne. Dn 1750, une t.ansaction cut licu crrt'e l,Espagne et le Port.gar p'ur rin changc cre tcrritoirc : l,Espagne cda le Pa'a.q'ruri co't.c ra coro'ie du sacrarncnto (rivc o'icntiirc de la Plata); clle ccla Ia rcn.c s;rns rcs hourrrcs ct stipula quc

exagi'rations ct se gardcr dc prscntcr commc une socit rnoclle un pcuple ctrfattt, dcstil par son clucirtion une tcrncllc cnfance, une socii,t oir la pcrsonnalit lrur'ainc tait natrc, oir la proprit n'cxis!'iI pas, oir la farnille cxistait pcine, Ic paterncl tant tout cnticr.clarrs lcs rnains rlcs rrruirr.r-rois, llouvoir avcc Ie sol et arcc lc collnnet'cc cles procluctions clu sol r.

mcillcurc quc la vic misral-rle ct quasi-aniurale c1u'cllcs rlcnaicnf auparavant dans lcs J-rois, ou que ccllc q*'aruicnt rc'contr.r: d'aut'cs I'di.ns sous Il ty'an'ie dcstr.ucti,ice crcs conqurants espagnols' Si la moralc avair blmcr aillcurs lcs opr'atio's cornrrrcrcialcs dc la socit rlc Jsus, ici, I'huma'it n'avait clonc qu'ii aplllauclir scs succs, rricn qu'ir rhiile se grer crc ccrririrrcs

la cultu|c, ils rcur avaicnt ftrit une contrition incorrparablcrnent

chcz ccs llcuplades, en lcs attachant au sol, cn lcs rnurtipli*nt par

roi drr Paraguai; trange gouvelncrncnt, fon6 sup, cornrlu_ tho,'ariquc qu'irs scnrbraiert avoir ir'it cre l,ancicn cm'isrnc pirc rlu Prou sotts lcs lucas. lln introduisant le christianisme

dispc'sr'cnt da's lcs forrs

un corrSal contre lcs t'oupcs cspagnolcs, ct, poursuivis, t.irclus aycc ba'baric, sc

encoLtrags par lcs ji'suitcs, rcfusc\rcnt c]e sc laisscr cnrmcncr loin de leur pays comlnc clcs lroupcau-x, sorrtinrcnt

sur tcr'c cspagnolc. Lcs Intlicns,

les

L'i'cha'ge, na',roins, l]:rr suitc clc conrplications no,r'cllcs, ne fut pas ralis; rnais lcs clcux gouvel.n*rncnts garcrrcnt

ct

clans las pantpas 1r:sJ-riiol. ranc*le

les jsrrites, du 6
avaierr es-a5'

l' une hulle cle Benolt xly, du ?5 dcembre r741, attcste quc res jrsnitcs, paternels au Pargrrai, n'tuie.rrt pourtarrt point prrttout sans leprrrches errvers le, Irrdierrs. Cette brrlle leut dtlferrcl:rit . rle rrrcttrle err .seruitu,le lesrliis lrr,liens, les vcrrrlr.e, Ie$ acheter, les clrarrger..., les sparcl rle leurs f,,mmes ct, rle leurs errfirnts, les tllrrluiller rle lt'urs bierts et rle leurs,eff'ets, , etc. \r. I'A'rt a,, aott l?ir : Ap. Artctcnnes rois fntnaisas, t. x.\II, p.35?. co.tre - Ils la tlaitc dcs rroirs:. En Afriq,rc, its'avaieni lent d,crtlr6l.r des
p"rto**,,t tle I)aris!

darrs l'lnrle. " l)esalles. llisroire iles Antilles, dtails trcs-irrtr'essa,nts sur les affires cles

comptoirst Ilour forrrnir tlcs esclnvc's anx pchcries cle perles, qu,:ls exlrl'itaie.t t. V, p. +lS. _ Cet crivaiu d*rune des 1suires aux llcs.

[{.756-1?58]

P.\tiAGUr\L POnIRAL.

905

aux ji'suitcs, quoiquc la Soiit efit dsavou aprs coup utrc r'sistirncc assut'tncnt fort lgiti.nc. Lcs cabincts dc Xladr-id ct dc Lisbonnc avaicnt, commc on I'a monl.r' tout ii I'ltcurc, dcs glicfs ttricttx fontts. Cc fut cil Put'lttgat quc I'oragc clata d'altot'tl. C'tit lc pays dc I'Eulollc oir lcs ji.suitcs cxct'aicnt la dourittiition la lrlus aLrsolue, ct lcul' introduction dans cc royulttc, si brilllnl au xllo siclc, si al.iiriss cleprris, avlit concjil avcc lc collltcllccurcnt dc sa clcadcncc; ils avaicnt touff lc gnicactil'ct haldi rJe lt ltatlic dc Garua cI d',\lLruquct'quc; tcllc tait du tttoitts la conviction qui, longtcrnps mriric au lbnd d'unc iitue [ot'l,c ct sornbre, diligca lc cotrp qui les crasa. Lc ruinistrc qui rgissait lc Portugal sous lc notn clLr laible roi Joscllh Io', le uralrluis tle Pottil-rll, n'appat'tcnait poirtl, cette colc voltairicnnc qui avait pnl.r', vct's cctte poqtrc, dans les conscils dc la plupart dcs gouvcrnetncttts : rforrttatcur aussi, mais rlbrnratcur dlns un scns put'cutctrt natiottal, it tait si pcu

philosophe, qu'il prit I'inrluisition poul' contrc-poids contrc les jsuitcs ct sc scrvit plus d'utte fois dcs auto-cla-f colltmc lltoycn dc po1'ulalitt. IJne doublc hainc rcurplissiriI son tttc; lcs glantls entlavaicnt sa politiquc ct fi'oissaicnt, par lcur at'rogancc, son orgucil clc plrvcnu; il lcs haissiril conllrc Richclicu lcs avait hais, ct il hatssait lcs.iirsuitcs comrlro [)lrilip;rr:-lc-l]cl avait hai lcs tcrnplicrs. Il clata contrc la Socitri, ilu ct,nltncncctncnt dc 17i8, par dcs rnanifcstcs otr il drroncait lcs,jrisuilcs ru papc,lcs accLrsait

d'avoir drog aux pt'incipc's tlc lculs fottrlatcut's pr dcs h'alics illicitcs ct dcs cortrplots c<;utrc I'litat. Il lcur inlcrdit lc cornmcrce, puis la prdication ct la cottlcssion, 0n sc scrvant contt'c cux dcs vqucs ct dcs tlorninicains, rlui cotttposaicnt lc tril.runal dc I'irtquisiliorr : ils avaicnt tout opprim; tout lcut'dcvcnait hostilc. Le pirpc Bcnot XIY tnourut avanl d'avoir donn unc rponsc d{ini. live au gouvcn"tclncnt portugais (mai 1758). Sur ccs cntlcfiritcs, unc tragdic tlornesliquc, ti entraina I'cffi'oyablc luine dcs dcux 1tt'ctnircs fanrilles dc Poltugal, pt'ci1. T,a proedure de I'irrquisiton portugaise avait t morlifie, cn I?98, par I'introt|gction rles avocats et lt courmurricttion des chefs rl'ltcctrsirt,ion et rles trotns deg trnoirrs ['accus, et l'oruLral la nrodia encore en 1758 I urais la pualit n'avait pas charrg.

201*

[ours xv.

u?58-176 rJ

pita, pur contre-coup, la destruction des jsuites clans ce r.oyaume et cn renclit les circonstances plus cruelles. Le roi Joseph I.'promenait Ie dshonneur dans les plus illnstres maisons, par cefle fureur de volupts qu'il avaithrite de son pre, rnais que celui-ci avait du moins rcnfennc dans I'enceinte cl'un couvent chang en harem. Dans la nuit du 3 septembre l?bB, le roi, en allant voir
secrtement Ia marquise de Tavora, nouvelle victime de scs sductions, fut atteint au bras de deux coup de feu. Trois mois s'coulrent : on croyait les recherches sur ce rgicide irrfluctueuses et abandonnes, quand , tout cou1r, on arrta tous les Tavora et les d'Aveiro, qui avaient partag avec lcs Tavora les

outrages duroi et avaient voulu partager la vengeance. Le l3 janvier 1?59, sept memtrres ou allis de ces tleux nraisons, y cornpris la belle-nrre de la rnaitresse du roi, conclamns pal une commission extraorclinaire o sigeait Pomhal, prirent tlans d'afli'eux tourrnents. Tous les jsuites, penclant cc ternps, taient galds vue dans leurs maisons; trois d'cntre eux avaient t dclars coupablcs, par les juges des d'Aveiro et des Tavora, d'avoir autoris, comme confesseurs ou casuistes, le projet cle rgicide. Un brcf fut dcrnand au nouyeru pape clment xIII (Rezzonico), pour auto-

riser leur dgradation ct leur supplice. Clrnent xIII cliffrant I'envoi du bref, le ministre fit saisir, embarquer pour les tats romains et jeter sur ia plage de civita-Vecchia lous les jsuites portugais, au nornllre de plus de six cents (septernbre l?bg). I-.,e pape, courrouc, lit Lrrfiler en place publique le rnanif'cste de Pombal. Le rninistre rpondit, en confsquant les biens dc la socit et en rornpant toutes relations diptomatiques avec Rornc. chose bien caractd'ristique, aprs de lelles violences, ponrhal n'osa pourtant dchirer lc,s privilges ecclsiasticrres, et, au lieu de faire condaurner pour lsc-rnajest le principal rles jsuites inculps, llalagrida, il le fit dctarer hrtique par I'inquisiticrn et livrcr corurne tei au bras sculier. nfalagricla rnonta snr [e bfichcr d'un auto-da-f {20 septcrnbre l?61)!0n lajssa mourjren
prison ses dcux colnpagnons d'infortune. Les ac[r's extraordinaires de Pombal n'obtinrent point au c]chols

I'applobation que scurlllait proincttre I'antipathie clc i'opirriorr dorninante contre les jsLritcs. Dans cctte priode clu xvure sicle,

t.7tt
cr.isic

pOI'IBAL IIT tE's

JIiSUITES'
t'r-rrt

20:i

justice tirit plus l,csprit d'hurnanit et cle

qu'aucun espt'it de

lrurti.L,utilitclubutneparutpasjus|ifir:rlabarbarieetlhypone vi'ent I qu'une gtlerre des rnoyens. Les pttitotoirttes

d'un cftt, les jirsuites' civilc entre le dcspotisme et f inquisition, que, clans le-plocs de ]'Iadc l,autre; yoltaire clclar.a haute[rent joirrt l'cxcs cl'ltort'eur. > ce laSr'icla, < I,cxcS clu ridicule tait que les O*t^ti., ccs farouches qu il y cut cle plus curicux, c'est un aSSeZ vif rni:corttetrteclu papisme, laissrcnt lrercer
entlettlis

rnent clc i,cxpulsion

cJe

faisaient onu I.r.rotive corilebancle. colps qui ce qu'on laisst subsister un sc croyait-clle intirresse

laquelle ils la grandc socit paPiste ' avet peut-trc aussi leur politique

lrour.aitbicntreutrefot'cepoul'lepapc,rttaisquitaitunecausc cathoiiqtres' d'affuiblissetncnt poul lcs ttatious

L,cxctrrpleoonneparPornbalctttltottrtiltrt]esrrrttlesrsul* tatsqtrcsil,onctitapprottvlaconr-!tliteo'.:listr'e.0nrpu. reconnut pas tltoitls avcc joic c1u'il

gnait poDrbal; mni* on lt'cn lcs jsuitcs clu'oll n'et ptr I'iruagituit bicn plus lacile tl'al-rattre I'a1'aut os, cotnlrletrt la ncr. un si petit (rtat, et si superstiiieux,

Fra'ccnel,oserait-cllcpas?0equoipel'sonrlcncpensait'laveille' dcs cleux cts y pcnse r'ai.tc'nni. L'uttuque r-ic't. tout le ruption
eJe

'ro'clc lafois,dclafavoritectilupat.lcrlent:lejarrstitrisrrrcet]acor' oflerrsive. Notrs

cour cotltractetit rrrtc ].rizar,re alliancc ttrat]utue tlc Porilrtlout" iol'sr1u'cllc avorts dit plUs hartI corttttrctrt la trailsf'ortnir cle tuaitrcsse ctr arnie opr,a I',r,olntion lrabitC clrri

t}]ettre en r'gle avec cten consciilretlu roi, csstya dc se ct cotl.ttncnt cetr](-ci, etrg'ages et tle s,cntcnrlt'c avcc les jsuitcs, favot.ite, r'epoussrerrt lcs avatrces de la
avcc le par.ti clu tlauirlrin,

l'gii'sc

quidutaceelrtcrh.gucr'rc(1752-175?).C'taitdorrcparrigopout' scs utariures accoltllllorisutc que la socit", tant bl}ltc r' tlantcs, s'trit mic cct[c lois cn tlattgcr rlans le pr'it : une action I.rnc action rroJrorrr* I'uvail cngage Lir Yalctte, supt'icur gr'rr'al ruralSou't* f'y .ofon.. Le pre ctesjsuit,sdan,IcsilcstluYcrrt,at,Aitfaitdelatrtaisotldesotr ordre,Saint-Pierretletaxlartiniqtrc'unvastetalrlisserrretr[drl
leurs pirs

l.Plustard,ccpendartt,,leselrefsrlelaSocit,Paris,essavr'elitdereverrirsur e Puntpaour', *ruis il etfire't fair:e quelquc, ",,."r,"oJr*r'at"s irrnaame p' L03' Barrire' it' tait trop tura. ui'n' au"ouo** du llausser'

206

scs su|iricLu,s. Lc sans gnr.alat dc la rt y.", ai"c,roir* '.c''r: acrrir; ;:r",r.liru:: ';.t';';i"ii'ricnt' r.lil'rci rrrlrosr;; biran (rv'icr gcnr,al liicci, tlilllold ,fri,fC paycr. et Irir.r: corrtinucrvcau rnarions ,".trgl;.t', rcJ'anl l'cclat rair ci ,t'ouir., ,.crin]
alo's

ctr

pas auto'is au.r rrcsurcs n,ir.rsaire,


r'l'r.cr.

'F'ilrr.c' cr'i ro.11nit ,r;rrrrri'gL.tq,,.,

a- .i,r,*, ili:i,,ii ;;;;iii, lou.serrrcrr, au prc rrc s..illr,'o.u..ur-gnrar nou,. rcur rcrnpar rcs '\nsrais

crr 't'r''rrcc afin dc ,ouu,'i,-

scs'rinci'aux cor.rsrrondanrs.,nombrcus., ,.,,1.1ifi:::-1::, Lionci ., rrri,ii:llJiJ, dc -. 'raiso' co"rrc'cc dc rlarscilrc,


rcs'lar.crrand.

t o J tre s'occupcr d'aulrc 11;li,,11,ll nu* ou lnini;t,,.;. cccrsiastiguc. tcnu parscs supdricu.s, souir,c'tc'ait coru,tc ,c ia aar.nsc. [n 1?55 le pre La \rarcrtc ovun,;l;;:;;

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banqr.rc et crc conrrlrrlrc. cn err.""::_r^p r u s r'r p o r' rar r c s cr c r n u'op,i x1:i, conrnrcrcial dcs pc.litcs_Arrtllcs i', ti.anaiscs. Lc I

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pou' clonncr rflcxion aux .is.i,.r, ,uri, l. grn.,,aiil; ulurs dc Romc, o :r,,:i,ijiri; lcs jsuitcs taic't 'uri ou_J**u, rrcs rois, ct
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crcs,1 i' pnycr lrrus trc 1,500,000 t'r. au.x oyont, droit aJo',r'nc'lcnt en cc qui Jugcs ct cr.ancirrr 'eg.r'dait Jc-saci r,trui.i,,i.",..u"s

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Lccontt'c.cotlptlcccttcaffair'csefitbicnttscntirarrloin.Lc lirt fcrtrr par lc gottq,,t tt" ii;;'ut- o:i|tt1 Gncs

vcrncl}lc]tgtnois:Ycnisccli'tcntlitauxjsrritcsvrriticnsdcrecc. voirdor.(lnAt,tn[clesnoviccs.BnF,'nn..,Jclicutcnant-gf'nt.alde phartnar..o ir,t.rtlit lc dlrit c'lcs tltlrchanrliscs


police, sgtir,

cctrtiqucs; r'ono'n"

ir a;u1'uthicaircric qu'ils avlicnt

t,lifiiiii,i,.,,,
Il leur
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et nris opposirion ra

sc'rc'cc tlcs consuls' tlt's ri;^ttlic's tirient unc dcrnrc chanct' Lt*p'ocs

lcs attribtrspirrlrrivil3ear-rgr'alldconscit'tribtrnrlcl'cscelltiott, etlt sans cloutc chclch ct f'avoralllc aur gens tl'glise' lui les lilirc pilycl' I'nutialtle' intr"ots ct clailcr uur 1.,r, vrais Unpr'clircY,jsuiteclcllt'is'quipnssaiIpour{inpolitiqtrc'lcs il la ,. p,:irit.ge ct poltcr I'ir{laire dcid. r ne pas uscr de itssur' dc pnii* I Lcur t'iomp'c, grand,c.a,ut,r.",f, i,n,.i*r,rcntsi strivantl.ri,n,cnue,aitqtrcpltrsclatnrrtclcvanttrnparciltr,ibu. cnrpar clc'ccttc corporation

nal! L'cs'rit ti*t'tigt ''aioii


bicnveiltiln,, o]*Guent

r.cnottrt.trcpotlrsapr'ttdcnc.,non.l^ine.Ellercrrrcttaitcntr'clcg cattsc quc lcs jugcs lcs lilus

ctrttctrtis ittlc nririns dc scs plus grands toute pu lui luire gngncr sans {br'{uirc
cle potlr altattre cour ::::i';l;: '"T:i;'.t's oo"iit la :::: sur le succs d'une *nrrnr.

Ia socit, ir Paris.'

tt'tlltl'l:

rnorncnt

choiscul ct rirircr

l.

cc |rince ' pooroir, la cotclic tlu tlattphin'

donIlcsvcrtuspr'ivcsscrrt|rtaicnttrnct'i'actioncttrneprotcstaloute son pre ' tnriritait pcrsonncllcttretlt nt tion con{rt l; '*t* clc tl'inslltrction l\it toin tlc lllilnrluor estiruc' ; mais, llicn qu'il tln mtrtcd,cspt'it,iIs,tlritilsscztltalctrtottr,ctslclvo|"itrlttr.crite scrvir ilar dc pctits l))ocns pron.niions I'cutruinr.cnt
et scs
rle sil *tt'*'u"i"t*;;-i;*' abrrr(1,)rrtrirr att rl4ttitnettt u11g a,turs t. ttu' t,rle touslrt pius jaruais

g'ts' 1.A1'rrrrtetr-lema.lherrrrlelr]esser,rrrortellr"merrt.lrtchascettnrlcsescrr1.ers,il qui r,it le plus viflde ses

2{i8

LO

UIS

XV.

u760-t

i0ri

0e qLr'il v eut de piqLrant dans cettc afTnire, c'es[ rlue choiscul, jusquc-l, quoique attach aux intrts de maclaure cic ponpa_ dour, s'tait fort licu occup des jsuitcs, et qu'il prit .n g.o,irl.,
r:ontr"e eux, sans y apporter toutcfois, beaucoup prs, I'acharDement dont ils I'ont accns, car il n'tait point clu tout vinclicatif. La uragistratur.e I' mit bien autrcmcnt cle passion.

lbrcer le roi dtruire la socie r de Jsus, le tout assaisonrr clcs dtails les rnieux calculs pour piquer I'aurour,- propre dc Louis xY. L'inrrigue choua. Le ministr.e sortit victorieux cl,une crplication ayec lc roi , explication suivie cl'une scne tr,s-vivc avec le dauphin. te fut aro's gue choiseul laissa chrppcr ce 'rot qui dcvait lui fenner le retour au pouvoir aprs ll rnolt de Lquis xY : < l{onsieur, je puis avoir le rnalheur d'tre votrc sujet; nrais je nc serai jarnais votre scrviterrr! r (Juin lz60) '.

nottt d'un conseiller au parlement. C'tait nne clnonciation contre cht-riseul, qu'on accusait de conspircr avec les parlernents pour

phin qu'il rcmt au roi urr muroire crit l)ar un jsuite

corrlplot peu digne dc son caractre. Le duc de La vatrg'yon", gouvcrncur des enfants de n'rance, I'anatique haineux et inti.igant, dont Choiseul avait froiss I'ambition sournoise ol-rtint clu clau-

sous le

pa'tie dans leu'pl'.pre nrr'oire I'icle clu plan qu,il suivit ilepuis

Le procs de lla'scille, cepcnclanl, tait arrir, au parlc'rc't de Pa.is. Le g'ral cn pcrsonne, cette fois, avait t rnis e,' cilr.lsL, ptrr lc synclic cle la f'aillite Lionci. Lcs jsuites nirelt [a solitlalit prtendue irar leurs aclversailes et souti'rent cluc chacune clc leurs uraisous, ou coll.q'es, tail. aclnrinistr.c lrart, qnrrrl au tc*po.el. c'tait leurs co'stitLrtions cle clcider Ic point de lirit. Le par{crncnt ordonna i'apport clcs 0onstitutions sa Jr*r.r,e (17 avril 1761). l.,e I rnai, en pleine conn.issancc de cruse, sllr. lcs conclusiols dc I'avocat-gnrai Le Pclletier cle saint-fargcau ), ii colfirrna la senterrce dcs juges-consuls. ce n'tait l que lc lire'ricr:.oop. tinr: tbis lcs constitutions clr-,
L, lkim. de choiseul, t. f r', p. 1-5ti. ne sotrt pas tles mrnoires suivis I c,est - ce un recueil de divers rDorscaux crits rlc la main de choiseul ct dont plusieurs

sorrt trs-iutressants. - ildm, de Besenval, t. il. 2. Pre de celui qui-, aprs avoir j'u u' rle tle querque irnpo'tarrce dlus ra . !-.ottr-eIrt'ion uatiorrale, fut irlmol par un poignard. r'oyaliste a-ox nrrres cle Louis XVI.

il7l)

CONS'l't'I'tr1'IONS DES

J0SL;tTIS.

909

la Socit ilrl'achcs atn tnbrcs clc ses archil'es, le pat.leineuI de Paris lle les lcha plus, ct presque tous les ptrletnents des lirovinces, son cxernple , notnntrent tlcs cotntnissions pour csaruincr fond tout ce qui regartlait I'institut cl'Ignace. Le g'n't'al Ricci complit eutin la situation. A la nonr clle de I'cxamcn ordotrtr, il crivit ttrriiscul la lcttre la plus curicuse (13 rnai l76l ). Il y laisse clrapllcr I'aveu que plusieurs poiuts tlcs Constitutions tlc la Socit, telles quc lcs a fonuulercs le louduteut, sont ittcotttltatibles avec les principes politicltres c cct'tutrts ttats; ruais il rcpr'sente que, corntlte la Socit abanclotrttc lcs points en qucstiorl

lii clir les souverains I'erigcnt,

On ltc doit lras l)l'ononcel' sttr Ia h politique qui I'expliquc ou lit suns consultcr lois tlrrorie cle scs rnoclitier. Le pape Clrnent XIII aclt'essa itu roi les lrlus vivcs irrstunccs pour le salut cle laSocit (9 juin l7til ). L,otris rporrclit llvornl-rlenrent au Saint-Pre; il prorrtit tl'at't'teL I'at'dcuL dc sott pallcnre.rrt ct dc se t'sct'vcr clc prollotlCL'r Strr lcs Corrstitutions rks jsuites. Choiseul lui-rnrue tt'allit point encol'c tlc parti lrris : it avait tlit au roi, en apprellallt I'at'rt, tlu parlcntettt sttr i'c'lamen tles Constitutiols, qu'il pouvait cncore choisir cntre la ttc'structiou ou le rttaintien cles jsLritcs; tttais tlue , s'il ne voulait prs les cltruire, il devait alrter lc lrat'Lttuent aux ltretttiet's 1ras. l,e roi 1, tait dispos[' : ce fut lc chatrcelir-'r dci Luroignorr rlui lc yrrit de tcmporiscr 2. I-,ottis sc fit l'ctltL'ltl"c lcs CrtnStitutiorls ct l),)1nnta des cotntttissitircs clans son conscil poul'iui cn t'etttlt'c rornpte; urais il n'irttcldit pas au parlctuctrt dc cotltinuer, tle sott

ctjt. sou e-\ittllctl. Le prrlenrent tle Pitris alla cn at'itttt. Lc


couscillet'-clerc, pefsonng'c q u'attetrclait

juillct, I'abb Tt't'riti,

nc liicheuse cibrit,

fr.serlta aul

ralr;rort < snt' la docti'ine soi-clisant dc la Socit coliers prtres ct des nroLule et lrratiquc lut chargc par Ie pat'lt-* rlc JJsus. r; Lttc trouvr-'lle coinltlissiOlr rnelrt de rcriiir-'r' lcs assertiolls accablairtt'S du rallpolt. Le loi r'-csit]'ft clc gagntr dtt telnpS. Lc lr aoftt, il cnvOla au lritt'lcutettt unc dclarittion clui surscl,ait pour ult iut toute ctcision sttt'tottt cl' rlui Conccrnait h Socitc. Le pat'lctttcnt cnrtgistt'a, ttrais tt'elt
cir,ltiitbres osscrtrlics url

I. l:lt.sert, l!i:Ioire tlc la f)il,iotrtolic I-t'.rrr ri'e, t. \'I. 1r.'189. ?, JIerrr. tle Ilcseural , t. II , p. 56; d'apl'' lc tirr:oigrrrge dc Ciroistrui. taI I\'I.

2,10

louls

xY.

[,]

761]

conrposs par des jsuites depuis dcux siclcs,'rultitude colnrne enscignant une doctrine meurtrire et abominable contre la sret de la vie des citoyens et mme des souverains, dfcnclait provisoi'crnent totrs sujets du roi d'entrcr dans la socit ou de s'y affilit,r., interdisait to utes fonctions d'enseignernent a ux prtres, colicrs, etc., de ladite socit, partir du iu" avril prochain, sauf ceux qui se prtendraient eutoriss par. lcttres patcntes vriflcs en parlement, de reprsenter ces lettres'; dclarait tous tudiants qni, aprs les d(:lais fixs, confinueraient de frquentcr les colcs cles jsuites, en quclque lieu quc ce pfit tre incapables d'aucuns , degrd's ou fonctions puhliques; clcmantlait aux universits, aux autorits municipales et judiciaires, des mrnoires sur lcs moycns de pourvoir l'ducation de la jeuncsse qu'instruisaient tes jesuites. Le seconcl arrt recevait I'appcl colnu)e cl'abus intcrjet liar le procureur-gnral contre toutes les bulles et brcfs n.i pupes qui avaient fond ou conlirm la Socit, et contre < les Constitutions d'icelle; > notamnreut quant au pouvoir tlespotique attr.ibu au gnral, pouvoir indpenclant de touttl autorit tcnrporcllc ou mnre spirituellc, puisque la papaut s'tait lic envers la Socit au point de lui accorcler qne, s'il intclvcnait cle la part du saintsige quelque acte de rvocation ou cle rformation, lit socit pourrait tout rtal-rlir dans I'ancien tat, clc sa propl,e aurorit et sans autorisalion du sainf-sige ! Le 29 aorit, des lettres-patentes rlu roi suspendircnt pour un an I'excution des arrts du 6 aot. Le par.leurent enrcgisLra, la charge que la sursi'ance n'ert licu que jusqu'au tu'avr.il, et qu'aucuns Yux ni affiliations lte fussent rccus clals I'intervallc;

publia pas moins deux arrts fouclroyants qu'il avait prpars (6 aot). Le pre'rier condarnnait au feu nne de livres

c'est--dire qu'il maintint peu prs ses arrts.

[In premier essai de transaction fut tcnt, sur ccs entreflaites, par la cour de France. Le roi envoya au saint-pr.e un projct cle dclaration qui sclait sign par les supricurs clcs rnaisons de la socit, et qui contenait,, cntre autres articlcs, une adhi'sion aux liberts gallicanes. La scule concession qu'on put obtenir du pape
huit) s'taient tablis
1. Plus tle 1a moiti dt's collges cles jsuites (quatre-virrgts sur. cenr qurantesans

titre lgal,

Lr76L-1762)

ARRTS CONTRII

tBS JSUITES.

2II

et du gnral, ce fut tle ferrner les yeux sur I'adhsion que donncraicnt lcs jsuites li'arrais, nrais sans le leur pernettrc par crit, afin de se rscrvcr', dans un ternps meilleur, d'anantir la dclaration comme swbrelttice |. L'espdient tait drisoire. Le roi ne voulut pas rompre encore. Les conrrnissaires du conscil consultrent les archevques et vfiques prsents Paris sur I'utllit dont pouvaien[ tre lcs jsuites ct sur les moyens de rerndier au dcspotisme de leur chef. L'esprit du haut clerg tait bien chang par la longue dornination rnoliniste: sur cinquirnte etun prlats, un seul se dclara pour I'alrolition des jsuitcs; cinq, pour qu'on les maintnt seulemcnt conlme collges et non cornme institut; tons les autrcs supplirent le roi dc les conserver, ( cornrnc la rcligion elle-mme, r mais avourtlnt la ncessit de graves modilications dans lcur institut. 0n s'arrta proposer au gnral de dlguer ses pleins pouvoirs pour la Francc cinq vicaires provinciaux, qui prtcraicnt sermenl aux lois du royaume enlre les rnains du chancelier, s'engageraient fairc cnseigner les Quatre articles de 1682, n'achnctlraicnt aucun jsuite tranger en tr'rance sans pennission du roi, subilaient I'irrspcction cles parlements dans leurs collelgcs (janvier 170?). Un dit rdig sur ccs bases,lc 1l nrars 1762, fut envoy an parlement de Paris, commc si I'on eril, t assur que cct ultinratum selait accept t\ Romc 2. 0n sait la r'ponse attrillu['c au gclnral Ricci : Sirrt rr,t suttt, aut rion stnt/ (Qu'ils soient ce qu'ils sont, ou ue soicnt pluss!) Le mot a t contest; ce qui cst sfrr, c'est lc refus. L'acceptation tait impossible. Pour une thocratic cosrnopolitc, s'crrcatlrer dans trn tat ct dans nne glisc nationalc, psser sous lc joug des lois civiles, c'tait le suicidc. n{icux l'alait rnourir cn courbattant que mourir cn sc reniant soi-rnrne. Le pape cherclra r(rveiller' ce qui pouvait subsister de fanatislne en I'rance : n'osant recourir aur foudt'cs teintes du moyen ge, il tcha du moins cle le-

p. CLII, p, 362. - tr[ercure historique, t. CLI, 640; t. 3. I-e nrot est accept colllne authentitlue par les historiens diplornatiques, Flassan, Saint-Priest: le Mercure de la IIaie I'attrilrue non ir Ricci, rnais i\ Clurent )iiII
lui-nrrue.

l. Flassan, t. YI, p. 494. 2. Flassan, t. VI, p. 498,

!'2

LOuls x\'.
dcs

[,r762j

ltt(lcl'I'ordre ecclsiastiquc eu fiti'eur

jisrritcs et clc se rneltrc r.n comnlunication directe, contrairenrent aux lois du I'oyaume,

al'ec I'assernble priodiquc du clerg runie Paris au printernps de 1762. Le cardinal de la Rocbe-Ainron, pr'sidcnt de I'asscmlllc, refusa de recevoir le bref papal et le remit au roi, qui te fit rcnvoycr au Sain t-Pre.

Louis XY s'tait dcid, ou plrrtt rsign, avec son insouciancc ordinaire | ; Choiseul, une fbis son parti pris, avait second la Pompadour avec sa vivacit accouturne. La lutte avait t arclcnte i\ la cour; la reine, le dauphin et lenrs amis avaient fait clcs efforts dscsprs afin de sauver la Socit. De vieillcs hallitudes dr: l:ienveillance dvote pour les jsuites se cornbinaicnt bizarrerrrcrrt clrez le roi avec la peur d coLrtcaw de Cttd,tel, ravir'c par It., rg,cide de Portugal; Choiseul le prit pr une autre pcur, cellc cles parlcments et du peuple, qu'il lui montra exalts contle lir Socit jusqu'au point de soulever ulle nouvclle Fronde, si I'on rrraintenait les jsuitcs. En fait, il 'tait trop tard pour rcculer. u,:uri homme d'tat n'efrt pu le conseillcr'. La vraie politiquc, la sculc digne, et t de frappcr du haut du true, et d'en finir pirr trnc dclaration royalc qui devaniit les arrts des parlcurents. Louis XY airna micnx laisser totrtc la rcsponslbilit et tout I'honrlcur aux cours de justice. 'I'or-rt I'hiver de l7l 170? avait t re.nrpli par ces farncur cctnlttcs rendus aux clivers parlcurcuts, oir s'taient panchs, avcc une passion arile'nlt', inpuisaf-rlc ct par'[bis loquente, lcs rt'ssentintents sculailes cle lir rnag'istmture contre la grancle cong'rrgation. Les nollls parlcrnentaircs dcs Chauvclin (fils du nrirristre), des Terrai, dcs Laverdi, dcs C;rstillon, surtout cles l\{ontclar et dcs La Chalotais, galrent un instant en popLrlarit lcs grands noms philosophiques du sir;le. IJne gnclration ciui tle cloyait 1-oint au christianisnrc se renrit prc.ntlre parti, avec les accusatcurs ofliciels dc la Socil, clans les vicillcs controvcrses qLri clni ricnt au,r jsuites cl'tre des clrrtiens olthodoxes. Pour
tur de ccs hommes, du moins, la populalitc est reste. de lagloire
:

1. Il clortnr son ven pilt une plirisantetir.: " Je re selnis pas firuh cle voir le l r'e l)r'snrrletz cu abbi (err petit collct arr lieu de lrrbo lolrgue), " Desntittetz trrit lc cortf'es-seul du r,ri. j[!m. t1e Rt,.ern'lil, t. 11. p. 58.

Ir

?62]

CO|\IPTES REI{DUS BT

ARRfJTS.

213

lc caract.re de La Cltalotais soutiut dignement la renotntne quc

lui alaient I'alue sa br'lante polrniclue contre la Socit et son I'crnarquable lssai sur l,'iltlttcatiott, nqtiltl&Ie. C'tait en palriote et r. en homme d'tat qu'il avait condalnn les jsuites Le parlement de Rouett n'avait ltas attendu la permission du loi pour frapper. Ds le 15 fvrier, il avait annul et condamn au feu les statuts de la Socit, et ordonn tous les jsuitcs de ridcr leurs maisons et collges situs dans son ressort; puis il
leur avaiI irnpos, comme condition d'adrnissitrilit individuelle des fonctions quelcongues, un serlnent d'adhsion aux Articles de 1682 et de rupture avec Ia Socit et le gnral. Tous les colItlges d.u ressort du parlement de Paris furent vids le 1" at'ril,
confonnment aux arrts du 6 aofit 1761, et livrs de nouveaux professeurs, ol'toricns et autres. Des alrts analogues ceux de Rouen se succdrent Bordeaux, Rennes' \[etz, Pau, Pcrpignan, Toulouse, Aix. Le 6 aot,le parlement deParis fngea par dfaut, contre le gnral de la Socit se disant de lsns, I'allpcl comme d'abus, rcu un air auparavant, et dclara < ledit institut inathnissible, par sa nature, dans tout tat polic, colllme contraire au droit naturel ct tendant introduire, dans l'glise et clans les tats, Ilon un ordre qui aspire vritablement et uniquernent la perfection vangtique, lnais plutt un corps politirltre tlont I'esscnce consiste dans une actiYit continuelle pour parvenir, par toutes sortes de voies, d'abord une indpendance altsolue et succcssivement I'usurpation de toute autorit; n0tarnrnent en ce que, pour former un col'ps immcnse rpandu dans tous lcs tats sans en faire rellement partie... ladite Socit S'eSt constitue monarcltique... en sorte qu'autant elle se pl'ocure de lrernbres datts les differentcs nations, autant les sottveraitts perdcnt de sujets qui prtent, entre les nrains d'un ntonal'que l. ,,Je prtend,s rerendiquer pour la nation une
ducation gui ne dpeude que de

l'tat, parce qu'urle nation a un droit inalirrable et imptescriptible d'instruire ses rnembtesi parce r1u'errn les errfants de I'tat iloivent tre Ievs par I'tat.,

Il Rapport dw Ttrocureut'-gnral Carad,cuc d,e La Cltulotais au Tturlernent d,e Bretagna. inrporte de remarqtrer que la question est posde ici non point entre le monopole et Ia litrert, suivant la forurule dont on a tant abus de nos jours, nrais entte Ia Le rapport de lloutclar, dit IU. Yilleurairr, est patrie et la thocratie trangr'e. un chet-d'ceuvre cle mthode et de clart.

2tL

I,OUIS XV.

Lt1 62)

exclue du royaume. Il di'fend toutes personnes cle proposer ou sollicitcr jarnais le rappel de la socit, peirre oe pourruites

morbide darrs le corps national. Le parlemcnt tc'nine en clclarant les vux des,isuitcs non valahles et la socit dcrrue cle sa premire admission et de son rtablisse'rent (sous Henri IV) (aux concritions duquer eile ne s'tait, d'ailleurs, jamais conforme), et irrvocabrernent criminellcs.

un tat dans I'Iltat, un corps tranger clont la pr.sence parasite est, comme le parlement Ie dit trs-bien, un principe cle risso luliott, un principe

systrnatiquc cle tous les vices et de tous les crirnes. Q*oi qu'il y ait di'e sur la rnorale des jsuites 2, leur vrai crir'e est d'tre

gration mrne, d'un amas norrne de citations conrbincses arin d'imputer la socit cles ji;suites la,iustification

tranger, le se.'cnt de fidlit le plusabsolu ef le plus illimit..., corps qui, par son existence mme au milieu de tout tat o il serait introduit, tend vidernment effectuer ra dissorution de toute ad'rinistration et dtruire le rapport i.time qui for're le lien de toules les palties du corps politiquer r. Lc parlement et pu se crispcnser cle falre prcder ces srieuses et solides conclusions cre prurisses qui ,* rJ,futoi.nt par

lcur

exa_

, et impose ceux d'entrc eux qui aspireraient cles fonctions quelconques, le mrne sermcnt qu'avait dict re parlement dc Rouen.
L'arrt fut promulgu au norn clu roi. IJn autre arrt, du rnme journ corrfirm et moclifi, quelques mois aprs par un rgre, ment du conscil, pourvut I'adrrrinistration cles collg.r, ou* pensions allmentaires des cx-jsuites et au paiement dcs crd,an_ ciers, qui, pourle dire cn llassant, ne furent jamais cornpltcrnent
pays.

en,ioint tons les membrc's de la socit rre vicrcr reurs maisons sous huitaine, sans pouvoir se runir de nouveau

Il

restait dcs jansnistes, ct, cn gnral, la vieille bourgeoisie, semigallicane, seuri-voltairienne, battait des mains ou., trunrport. Iies philosophes et les politiques voyaient clans Ia chutc jd,suites
des

L'cffct sur I'opinion fut immense : avoir vu crouler si facile_ menl ce colosse aux pieds d'argilc, cela senrblait uu rve ! ce qui

le

t. XXII, p. B2B. 2. Y. nos t. VIII, p. BIB-320, et XI, p. ZB_?S.


A,neiann lo;s franaises,

l.

tr72-r7641 JsUtTllS ABOLIS nN FnANCB.

2{5

prcmiel coup port l'difice du pess et le prsage de la ruine prochaine de tols les moines, de tous ceux, du tnoins, qui
menaicnt la vie active et relevaient de chefs tranget'sr. La joie, cependant, n'tait point unanitne : il y avait de I'opposition, des plaintes amres, une agitation sourde parrni les notnbreux affilis ou pnitents des jsuites, parmi lcs esprits qu'c frayait le progrs de I'incrdulit et qui regat'daicnt lcs jsuites cornmc kes grenadi,ers de I'arme d,e la fod. Les parnplrlets pleuvaient. Qn sut que le pape avait cass, en consistoire secrct, les alrts des parlements; rnais il n'osa donner aucune pulllicit son allocution. Quelques vques publirent des mandctnc'nts Itosl.iles, et, ce qui tait le plus grilYe, quclques parlcuents hsitaient suivre leurs confre\rcs et n'avaient pas encore fait vicler les collges de leurs rcssorts ; les parlctneuts de llctz, de Grenoble, de Dijon, garilaient des mnageruents; celui d'Aix n'avait vot la suppression qu' une voix rJe majorit;lcs parlernents de Besauon et cle Douai taient tout fait favornbles la Socit' avaient Quelques arrts clu conseil, sur les questions d'excution, Palis et scs de plrlernent le un caractre dihtoire qui inquitait le rninispar second Paris, allis rles provinces. Le parlernent dc tre, n'parsna ricn pour pousser Ie roi un acte irrvocalrle. Le parletnent tit brler une virulente instruction pastorale de I'archevque de Paris, {ui avait compar la socit de Jsus la sainte ait cle Jrusalemz. Le roi relgua I'archevque quilrante
L'esprit monastique, avai dit nyme) i et Correspottrl1,nce ile Voltuire, passim. - " La Chalotais au parlement de Bretagrte, est le flau des tats : de tous ceu.t qrre cet espri[ arrime, les jsuites sont les plus rruisibles, parce qu'ils sont les pltrs puissantsl c'est donc par eux qu'il faut comlnencer secouer le joug de cebte nation penricieuse. t Aprs la suppression des jsuites, le gouvernement s'occupa de remdier quelqoer-,,n. rles a6us du monachisme. Un tlit ile rnals 1?ti8 rlflendit de s'errgager dans la profession monastque, avant vingt et un arls pour les hommes et rlix'huit alts pour tes filles. On appelait cela un remde! quoon jtrge <le ce qu'tait le mal! - Le mme dit tend diminuer le nombre des couvents par des runions; la plupart n'avaient plus qu'un petit nomhre de religieux. Une partie tles tnoitres allaierrt tl'euf,mmes au-devant de la scularisation. Il y eut ehez les brrdictins urre espce de 'la sultpressiott ile ce sclrisme ; beaucoup d'entre eux dernanclaient au pouvoir civil qu'il y avait, dans leurs rgles de plus contraire I'esprit du sicle. Le pouvoir civil
ret:ula.

L V.

le livre de d'Alembert, Dela Destruction des Jdsuiles, 1765 (pnbli sous I'ano'

2. Parmi de nombreuses apologies

des

jsuites, contlamnes au feu parle parle'

2,16

LO

UIS XV.

fl76f.j

lieues de Paris (janvier 1764) . Le 22 fvrier, le parlemerrt ordouna quc tous les jsuitcs, silus distinction, prtassent ser.ment, sous huitaine, de ne plus vivre sous I'empire de leur institut, cl'abjurer les maximes conclamnes et de n'entretenir aucune corresponclauce avcc leurs anciens chJfs. uir petit nomltre seulerneut obirent. Le lo, juin, le parlcment supprinra deux brefs du
papc.

Le parlernent I'emporta. La mort dc madame dc Pourpadour (15 rnars 1764) n'branla pas Choiseul et ne profita point aur jsuites. Une clclaration loyale tle nove'urbre 1764 supprirna entirernent la Socit cn lrattcc, permcttant aut anciens rnernllres de la Socit cle vivre en particuliers dans le royaume, sous I'autorit spirituelle des ordinaircs et en se confr-rnuant aux lois. Le parlernent aggravr leur position pal un arrl qui les assujcttit rsicler clans leur diocse uatal, sc prsenter tous les six rr:ois devant les substituts du procureur-gnral aux baiiliages et snchausses, et leur interdit d'approchcr de Paris plus prs qLrc clir lieues '. Apr's le Portugal, la France avait frapp; aprs la France, cc fut lc tour de I'Espagne. Ici, lcs rnotifs purenrent nationau-r qui avaient pouss le gouvernemcnt porl,ugais se combinrenI avec les inspilations philosophiques de I'esprit tlu sicle. Le roi tait pourtaut, de sa personnc, fort tranger ces iuspiraLions : charles III, le scul uronarque estirnable et quelquc peu sens quc les Bourbons aient donn r\ I'Espaguc, tout en lernplaant snr lc trnc I'hypocondrie fainantc tle ses tristes pr'tlcesseurs pal.une activit salutait'e que sotttenirit lc sentiurcnt du devoir, ar.ait cgpserr, des traditions de sa farnille une dvotion rigoul'euse ct minutieuse; rnais sa clvotiou n'tait point servile vis--vis de Rourc et ses ministres avaient de la philosophic pour lui. Les d'Araucla, les campon)anes, les Roda, les lloniiio (dcpuis plus connu sous lc norn de f'lolida-Blanca), taient plus ou moirrs cornplternent envelopps dans le rnouvcrnent clcs ides franaises. Ils n'eurcnt
merrt, orr renrque un certain Jp1,tI la Raison, par Llaveirac, I'apologiste de la Saint-Balthlemi. Une autre,{pologfe 1,lus clbre est celle du jeune j,uite Cerutti, espr)t ardeut et passionn, qui devint depuis un rvolutionnaire de 1?g.
L. Ancienrcs lois f rwttti,-'es,

t. XXII, p. .121.

[t 765- l 76l

CII,\RLI]S

Itt

B'T'LBS JSUITES.

2t7

pas l)csoin dc sugg'r'erau

roi, contre lcs jsuites, des prventions

il rgnait Naples : lcs souyenirs de I'affaire du Paraguai, antrieure son avnernent au lrne d'Espagne, avaient t ravir's par les plaintes des viccrois de l'mr'ique espagnole sur les accaparements comrnerciaut tlt s jsuites. Charles III, nanrnoins , hsita beaucoup avant de
qui eristaient daus son esprit ds le lernps o

Il comrnena de s'irriter, lorsqu'en 1765, crut re'conuatre la on ruain des jsuites, en rnme tenrps quc ccllc dr's Anglais, dans les trouJ"rles gl'rles qui clatrent panni Ie s populations hispano-anrricaincs, I'occasion d'un nouveau s1'stme d'inrpt. L'Espagne eut bientt le contre-coup de ces mollvements : un dcs ministres de Charles III, I'ltalien Squillace
pr

cttdle un parli violent.

s'taiI rendu irlpopulair e la fois contrne tranger, co]]trr)e novatcur et conrnie tlespotc, chez un pcuple lier et routinier, peu dispos acceptcr le progrs pal' le tlespotisnre; Squillace s'tant avis de prohibcr les grancls cltalleaux rabattus et les grancls ntanteaux (cltanugls, cepas), ces dcux pices cssentiellcs du costuute national, nlaclrid se souleva en fureur;la garde drt roi fut mise en droutc; le roi fut oblig de capittrler avec l'ureute, et le nrinistre tlut rluittel I'Itrspagnc (23-27 nrars li06). Le caractl'c espagnol ctit pu suflirc', Ia rigucur', pour expliquel naturelle'ntent la sLlition; ccpendant Charlcs III, profondruent ulcr', attribua son affi'ont Ia Socit tle Jsus. Ce ne furcnt point, colnme ou I'a iuragin, des rnanu\rl'es secrtcs de Choiscul qui circouvinlent le roi tl'Espagrre; ce fut Ie rsultat d'une enqulc I'ort sricLrse, poursuivie sccrtement par ordre de Charles, clui persuada ce plince de la culpabilit des jsuites. Leur plan, ce quc harles allirma I'arnbassadeur de lirance , tait de lui fairc imposcr par la rvolte de tout autres couditions quc Ie renvoi d'un rninislre et de Ie mettre en tutelle dans les urains d'un 1'n1'1i qui voulait enlevcr I'Bspagne le linlice du pcu clc progrs c1u'elle avait cornuterlcde fairer. Lesjsuitcs auDeux concordats passs en 1737 et en 1753 at'aient port quelque atteinte donrination ultraruorrtaine: un dt,ret de 176?, qui futabrog, lruis rtabli, avait beatrctrup rnodifi et affaibli l'Inquisition. Y. \V. Coxe, tr'E.*paLne ious lcs Br.twrbons, t. Y, p. ei8; et, dans Saint-Priest, De la supy'essfon cle Ia sxiit d.e Jsus, l'aualyse rles dpches de I'ambassadeur de !'r'arrce lI. de Choiseul.

l.

ll

9f8

LOUTS x

v.

raient vis se dclommager

Il?6?J

pagne n'en tint cornptc. 0uand les prerniers navires espagnols, chargs de jsuites, arrivrent clcvant civita-vecchia, ils fu'ent rcus coups de canon ! La colre et le dsespoir avaient donn le vertige Ricci ! Les Espagnors, ne pas enrproyer la force 'oulant contre le pape, reprircnt le largc et a1rent ,, prj*.nter successivement devant Li'ourne, crcvant Gnes, creuant les ports de Ia corse, occups par les tr'r'anais on les refusa partout, jusqu, ; ce qu'crnfin choiseul, sur les instances de charles III, et con-

clrne't XIII, la cour cle Rorne rponclit III qu'clle ne receyrait pas les ba'nis, guoique charlcs III et pronris cl'asssurer. leur subsistance. L,[s-

sous le norn du vieux

tant, cn ralit, ses sujets et non ceux de la couronne d,Espagne. A I'instigation du gnral Ricci lui-rnrne, qui rgnait Ror,e
cle charres

la mona'chie d'Espagne, avec crfense i tout nrpognot d; ;ir;;;;; la mesure p'ise parre roi, rn're pour l'approuver, peine de lse-majest, < parce qu'il n'appartient pas *ui particuriers, clisait la.pragrnatique, de j.ger et cl'lnterpr,tcr les volonts clu sollycrain. > La violence de I'excution rponclit cet tr,nge rangagc. Le m're jour, ra mrne heure, dans toute l,teucrue clcs possessions espagnolcs, cl'un bout du monde l'autre , res jcrsuites furcnt arrts e[ embarqus ou dirigs sur z. des ports cle Tous les vaisseaux qui les po'taient {irent 'rer voile pour res por.ts cle l'tat romain. charlcs III renvoyait res jsuites au pape comrne

f'rance et de Portugal t. ce qui est sfir, c'est que clrarres III, roin d'fre du cabinet de versailres, n'&vcrlit Louis xv 'jnstrument et choiseul qu,au rnoment mme ori agir, aprs un an de prparatifs mysti] rieux. Le 2 avril 1?67, une pragrnatiqn, ,oyr,l, non-seurerncnt supprirna la socit de Jsus, rnais expulsa les jsuites tlc toute

en Espagne de leurs dsastres de

atft

la notification

la correspondance tle Charles III et les autres docunrents

l' Les Jsuites juts les rors, ret tc1ues et re 1tnyn, publi par L. viaraot, .p.ar p. 1B-25; 1857, in-I2. c'est la trarluction oe t.ut ce qui cor)cerr)e res jsuites dans l'Histotre espagnole 'Je charles ItI, d,e don Ant. Ferrer el Rio, t,i"rolru crite 4,aprs
des archives de simancas. d"ailleurs trs-catholique, couclot, par les fairs, ta culpabilit

il::iiTagrrol,

2' It n'y eut d'cxception que pour les vieillards d,ge fort avauc et les malades. Instructiorr du corrrte d'A.unOoi ibid. p.
Ba,

ll.77)

Ji'SUITES

Ct] ASSES D'BSPAGN E.

?'19

malsenti accordcr un asile en Col'Se aur bannis d'Espagne' Ces propre cltef leur de , barbare heureuses victirnes cle I'obstination btides bord entasses plus encore que de la durct cspgnole, rnents cle transport, avaient tri ballottes durant plusiettrs lrlois travers Ia Mditerane : on assure que beancoup d'entrc eux
succornbrent aux fatigues et aux ansoisscs de ce lugubre Yoyilge' La cour de Rorne se relclra enfin de sa cruelle rsolution ct reut au lnoins ceux des jsuites qu'on arnenil d'Orient ct d'Amrique' Lenrs conffres dc F rance venaient d'l.rc frapps d'un nouvcau coup. Ils s'taient fort peu Sounris aux prescriptions des parlernents et ils avaient cssay de profiter des qucrelles renouvelcs entre lcs parlements et la cour pour suscitcr des crnbarras c[ des prils lcurs vainqueurs. A la nouvelle de la pragrnatiqtre cspilgnole, lc parlcment de Ptrris dclara lcs jsuites cnlrelllis publics, ieur cnjoignit de sortir tous du I'oyarlme sous quinzaine et stlpplia Ie roi de s'entenclt'e avcc les princes catholiques afin d'obtcr. nir ao pape I'extinction totale de la Socit (9nrai 1767) Toutes les ntesurts diriges contre I'existence de la socit taient ratifies par I'opinion; mis les rigueurs contre les personnes dpassaient lc sentirnent public : si les jansnistes taient irrlplacablcs envcrs leurs pcrscuteurs hrditaircs, les phitosophes , plus

huurains, pltts chrticns, pour ainsi dirc, de scntilncnt quc les chrticns olthotloxes, ne rcfusrcnt pas lcur piti ni tnrne, Ptfois, leurs secouls tant de proscrits, dont la plupart n'vaient t que les irtstruments passifs de la politique dc lcur ordrc. Les philosophes commencient d'aillcurs craindre que lc dur gnie du janscnistnc, raviv par la chute de la f'rction rivale, ne dcvint plus dangcroux pour Ia libcrt et la tolrance quc le ji'suitisnre lui-mrrre. Chose singulire, ce fut, en grande partie, pirr hulnanit, que Choiseul entra dans les Yrlcs des parlcrncnts, rclative-

rnent I'abolition totale de la Socit. Fort loign de la haine irchar.ne que les apologistes des jsuitcs lui ont suppose, il pensait au cotttrairer {r'trtte fois I'ortJre aboli ltrr le Saint-Prc' on

poulr.ait laisscr partout les llannis rentrcr'paisiblcment et vivre en particulicrs chacun dans leur liays natal.

l.

M*rcure hislorigue,

t. CLXII, p. ti35.

gr(l

touts xv. Le roi d'Espagne, si viorent conrre les jsuites

[{?68-r 769]

cordelier Ganganetli, d'opinion doutcuse, fut lu par une rnoyen lerme (tg rnai l769). Bien rliffrent cle son prtLlcesscur, du rigide, mdiocre et opinitre Clcrment xI[, le nou_ 1-cau pape, clment xIY, tait spirituel, instruit et tolrant, urr autre Benot xIV, avec moins de rivacit d'esprit et des manires plus douces : il n'avait cornmis pcut-tre qu'une faute dans se vic, c'tait de s'tre laiss aller au mal co'tagieux des cardinaux, Ia fureur de Ia tiare (rabbia papale)! son arnbition lui cota cherl a peine install, la terlible affair.e des jsuites lui tlevint
L,e c:spcc de

voir.

tra c1u'indiffrence et que ddain, non-seulernent Ia socit, mais au sacr' collge. Le palti jsuitique nianqua I'lcctjon cle dcur

irnplor'rent la protection du nouvel ernpereur Joseph II, qui Iit un voyage Rome, i,ncognito, pendant le conclave. Joseph nu irrorr-

tife' fi'app au cur, rnotrrut dans la nuit rnrne qui procr,dait le consistoire or la question devait se traiter (s fvriei. l769). Les jsuites fire't des efforts dsesprs pour enlever l'lectiorr d'un pape zI (zelal'Lte) i ils frapprent toutes les portcs; ils

rnent xIII s'attaqua au plus faible et dclar.a le duc de parme excornmuni de fait et dchu de sa principaut, par la bulle /ir cnd, Dontin i, comme un vassal rebelle cle l'glse ( 20 ;anvier l ?6g) . Ds lors ce fut charles III qui pressa Louis xy d'agir. Le roi d,Es_ pagne tait lent se dcidcr, mais inbranlable dans ses rsolu(ions une fois prises. La prise de possession d'Avignon et clu cor'tat par les F,'ranais, I'invasion de Bnvent par les Napolitains, vengrent I'affront de la maison de Bourbon. yenise, Moclne, la Ba'ire mrne, ce foycr du jsuitisure allemand, chasse\rcnt les jtrs*ites. Ilarie-Thrse ne s'y dcicla pas; toutcfois, les clraires de thologie et de philosophie ayaient t enleves aux jsuites dans les tats autrichiens. Les 16, z0 et 24 janr.ier !769,les ambassadeurs d'[spagne, de Naples, puis cle France, prsentrent au pape la clernande de suppression de la socit de Jsus. Le vieux pr"_

vint en aide aux ennernis cle la socit par .ne irnpruclente pro_ vocatio'. Les dcux tats bourboniens d'Italie, Naples par.Le, et avaient suivi I'exernple de I'Eslragne et chass les jsuites. ci_

lui proposrent de se concerter contre I'ordre entier. Le

hsita cepenclant lo'sque choiseur, d'nne

de ses tats,
pape

pori, pombal, de l'autre,

il76e-r

7701

LES I'iOURI}ONS ET

NO}IE.

22I

un perpttrel cauchelnal' r. Il ne Songea qu' gagner du teutps, sans rien rlteriliner, et Se trouva bientt cntre les menaces ouvertes de charles IlI, clont I'impatience excitait I'indifferent Louis XY, et les menaces sourtles des jsuites, qui I'alartnaient sur Sa vie par de sinistres rulneuls. Le poison devint son ide lixe: Choiscul traita ces alartnes avec sl lg'ret accouturnc2; Voltaire avait mis la mode I'incrdulit en nratir'e rle lloison. Le roi cl'Espagne offrit att ptpe des soldats pour Ie dfenclrc, comme si le genre cle pril que retloutait Clurent se pouvait repousser avcc des baionnettes. Afin d'obtenir un nouveau dlai,

le Saint-Pre crivit Charles III une lettre ou il s'engag'eait lbrrnellement I'abolition de la Socit et rcconnaissait quc ( Ses mctnbres avaient inrit leur ruine par I'inquitude cle
leur esprit et I'audacc de leurs menes (avril 1?70). > Cctte prolltcsse crite le rnettait entirernent la discr'tion dcs Bourlrons. Il fit unc autre concession, ell Stlpprintant la fanreuse J-rulle /ir' ntagisc,ttit, Dontini, qui excollllntlniait de fait tous les pt'inces, une pgrtaient ou l'glise de bicns attr touchaient trats, etc., qui
al,teinte quelconque ses priviicges. Les jsuites lutl.rent jusqu'tru hout avec l'ncrgie du dscspoir. Lcur gnral rechercha la protection des puissances h'rtfqrars ott sgr,i,smatiqilcs hostiles Ia nrai-qon cle Ilourl,ron : iI tettta d'intr'esscr Frdric II, la tzarine ct I'An3'lctcrre utttle la cause de la socit. sur ces entrefaitcs, choiscul tornl-rt du urinistre, pat' tlcs eauses

qui se'ront indiques plus loin (dd'cetnltrc 1770) : la So-

cit se crut sauve et vengc. Les jsuites pr'sentrcnt Louis

xv

un urmoire o ils clernandaient la ntise en jtrS'cmcnt de clivers jr-rstltl' agents diplonratiques de choiseul, esltraut art'iver ainsi I'ancicn ministre lui-rnrne. Leurs illusions thrent bientt dissipes. La cout' tl'Espagne tait bien plrrs acharne que Choiseul leur lterte, ct Louis XV n'osa colllllromettre lc Prcte cle' fantille en
refusant la continuation de son sccours cltalics
1. Il avait pu Orrner:
(-'har.lcs

lII.

Les jsuiles

<les esptarrces aux <leus pal'tis' miris l'historierl esprgrrol rle I1I, do1 Arit. Ferrer, ttl)lit qri'il n'avait pirs pris ' contmc ort I'a dit, avrttt jugds, cte ', p' (i0't-i3' soir lection, I'ettSagcrnertt de supplimcr les jsuite;. l-es Jdsr.ri"cs ?. * I'er.so11e ne serait srcle tloutir rfltlrs sglr lit, sitrlus lcsiutrigailts eveitili(ll)L .les assrrssiils. Dpche cle Choiscul , iite ptr Saint Pliest : -srr1ilrt'rssiort de la

Sucill,t fls Jr-rus.

" -

222

LOUIS XV.

UTTt_1l?/t.t

s'efforcr'ent aro.s de redoubrcr les terreurs cre clme't xlv. Les prdictions cle mo.t preuvaicnt dc toutes parts : re g'ral Ricci s'tait abouch sccrtement avec une devincresse qui prophtisait la vacance prochaine du saint-sige.

Ia supprcssion de Ia socit. Le

illarie-Thrse, entrane par l;eurpercur son firs, avait conscnti 1773.

trent toutefois. Le dernier prtexte cre rsistance rnanquait :

Les cours ligues l,ernpor-

dre furcnt fer'rcs : le g'ral Ricci fut enfc'n au clrteau saint-Ange, c[ la cour cle \rcrsaillcs restitu. er]core une f,ois a. papc Avignon et le comtat venaissinr Ohoiseul avait cu lin_ Q.e tention de gardc' et que la Rvorution devait bientt rd,unir d11niliverlent la t'rance. Les prvisions de crd'rnent xIV nc se r,arisrcrt pas sur-lccha'p. Durant querqucs nois aprs ce grancl rcte, sa sant se soutint, sa gaict tait revcnuc. IJn lour qc'tait vcrs la fin clc Ia scrrrai'e sainte rle 1774), ir sentit une co''rotion intrlricure suivie d'un grancl froid : dcs syrnptnres fLrnesres se succtlrent et ne lc r|rittrent prus; tout le systrne physique se dso'ganisa; la raison s'gara : I'inforlun poniife na-r*.ouura ra posscssion de lui-'r're que pour monrir apr's cle longues tortures (22 septernf rre 1774). Le cri de Rorne fut qu'il mourait l,aqu,a to[na. ltar La questio' est reste inccrtaine. Le cardinal tle Bcrnis, arnbas_ sadeur de lrance Rorne t'poque de la catastroprie, apr.s u,e enquritc secrte sur res ci'constances de Ia et clc ra 'raraclie de 0lurcnt xIV, avait rtrig une reratio' qui 'rort devrait se r'ouvcr. au.r irrchives des affaircs ctrangrcs et qLri a disparu,; le carclinal de Be'rnis tait convaincu de I'ernpoisonnenrent de clrnent xIV, et, d'apr's son trnoignagc, le pape pic yI, successcur ctc clrucnt, n'cn doutait pas prLrs que lui r. r\Iais, d'une autrc part,
lc.

contrc les jsuites, et, sans les admettrc absolument, 1 reconnaissait qire a les mernbrcs de cettc cornpagnie n,ont pas peu troubr la rpublique chr'tienne, etclue, pour re J,rien cre ra crrrticnt, ir valait :rieur qne ['ordr.c dispartrt. Lcs tle,rnires rnais,ns de l,or_

ll'ef d'abolitionlo,.ut re p0 juiilet Le saint-prc y pirssait en revue les accusntions


portes

de sa rnorb, rb't croi'e cotntttrttttittlent r1u'ellc tr'a pas it riaturelle... Lcs qui ont assist u. I'ouverture tlu cadavr s'expliqunt u"""-p,:ua*r,ce, 'rtleci's et les chir.urgiens avec moins

l'

Le genrc de maradje rru pape, ct surtout

les circonstauces

la conccn_ tration, I'elTort vers I'unit lout prix da's l'glise aprs les , tet'rifrles coups cle la Rr'olution; I'aut'e tait llinsul.fisance clu rsultat qu'eut dans I'orirrc religieux ct rnoral la philosoplrie du xvttle sicle, les principes, ou fatalistcs ct matrialistcs, ou llLrre_ mcnt critiques, ayant gn I'exparrsion ct entrav lcs clvelppements des principes de rgnr'ation et de vie. De lir, pourl un
' Dpche de Bernis, 28 septembre. ,r euand on ser instruit, aut:rnt que je Ie suis, pal les clocumerrts certuius que le -feu pop" *'u cornmu'iqusj on trouver la suppression {de la Socit1 biejurte et bien rrcessaire. Les circonstartces qui ont prcd, accompagrr et suivi la rnolt du derrrier pape, excite.t la fois l'holleur et la comliasslon. Dclpche du pi octobre I774. u Je n,oublierai
de circonspection.

cles peuplcs catholiques ultrarnontains. ce n'tlit point llar leur propre for ce quc lcs jsuites devaient et cnvahir I'elglise .otntiqn., nrais par 'enatre la fhiJ-rlesse d'autrui, prr" l'affaissernent cres .imcs. Dc.x causes clevaient produire lenr retour : I'une tait la tcndance

cl{initive. Les jd'suites taient dcstins repa'aitre et voir s'effacer rreyant eux le jansnisrne et presquc entic\rernent le gallicanisrne lui-mme, cette tradition qui avait autrefois prsclv la France cle partager la dcadence profoncle des royattmes d,'obtlience,

battre Ie libre essor de l'esprit et cle la personnalit humaine n'tait pas termin : la victoire du xvr'. sicle n'tait pas

uanter cl'un criure qu'ils n'ont po, ao-rnis pour sc faire croire lrlus redoutablcs qu'ils ne sontr. Le rle de la grande association cri.e au xvre sicle pour c'm_

' mais par un svste\me cle tcr.reur org.anisil autorrr cle lui, ct cle se
pape

tain Tanucci n'y crurent point ct pensrent que clrnent tait mort de peur du poison, et par I'trbus du co'tre,poison, non par le poison; ils accusent lcs jsuitcs cl'avoir 'rais vraiurent tu
le

ct[,rFjNT XtV. L'OnDRE ABOII. ministre espagnol l\fonino (Floricla-Blanca) et le rninist'e


u77
4)

223

napoli-

' jamnis trois ou quatre e ffusions .le eur.que le pape ( pre vI ) a laisses ch*pper avec moi, pat Iesquelles j'ai pu juger qu'il tait fort instruit ,ie la frn malheureuse de stln_prrk'cesseur, et qu'il voudrait bien ne pirs courir les mmes risques. , Dpche dtr 28 octobe 1777. V. Saint'Priest, Suppresson ele lu Sucit't tle Jrjsus. nI. de S.rirrtPliest a fait de vaiues reclterches lroor. i',ltrouver la lelation annonce a. mirist.e par le cardinal de Belnis, dans sa lettre tlu 26 octobre l?24. Ii est l,emarq'er que Bernis n'ttvatt poiut d'arrinrosit personnelle contre les jrlsuites, et que, darrs le cours des ngociations, il avait montr assez de lorrgarimit u l*o" gald pour s,attir.er de vifs reploches de la cour d.'.Espagne. r' Les Jsuites juls \wr ret rois, er,c., p. l?.3-r78. Le pre Tlreiner, crans son Ilislo're dw ponrificat de crt;ment.yI[, parrgyriclue de -.u p,,n1if'*,et par corrsquent, livre trs-conoraire aux jsuites, rr'admet [u" ,o,, ptus lL poison.

uutrc, unc lnasse tr's-considrable cre rcntes viagrcs et cle ton_ tincs, sans parler de Ia clette flotlante ct des alinations cle rcvr-.lrus' Lcs anticipations sllr los rcvcnus futurs allaient B0 rnillio's. 0n n'cltrit pas urrne q*itte dcs crrarges crtrieures cle l'g'c*e. on dut llilycr, dc r?62 t?69,3s 3{ l,arriro

dcrni, an capital de 2 milliarrls 1b7 millions, ct

l'r'nouvclc I'occasion des {inanccs, cornme cle coutume, rnais irvcc de lrlus larges llloportions, ct, apr's unc courte trve, avait i't lron.suivie jusqu'au bout cornme le courlrar de clcux s1,strncs dc gou'c.nemcnt, do't |un lirit par terrasser l,a'trc, ra tlc s'abmer lui-mrn:. 'eiire Le rcit de la Gu,e*e de srltt Ans a cl suftTsa'r'rent faire Pres_ scrrlit' dans quel tat pouvaicpt se lrouvcr les {inanccs l,issue clc cctl.e clPlolable guerre. Les charges annucles r-itaicnl 'or.'res : lcs rcntes perptucllcs, ellcs seules, s'lcvaicnt g3 rnillio,s et

natrer! une aurre srie d'vnernents s'tait clroule paralllc'rent I'aflhirc des j'suites, pour aboutir une catast.ophe e'core plns clatante et qui devait branler bien plus profonirucnl ra socit frarraise. La lutte dc la uragistraturc et tle la cour 'icilre s,tait

proptrtique de Bossuer. avait yue par det Ie x\.rrre sicle cncorc

rences , est seul capable de se prter. cctte socit que

tl'enthousiasrne, mais cle clcour.age.rent, tl'impuissance et cle peur, raction religieuse la surface, dguisant rnal u. fbncl d,incriff_ I'ence Pourles intrts mot'aux ct pour lcs closes clu rnoncle intrieur. Le christianisrne dcs jsuites, celui qui ss co'r,cntc crcs a|pit_

LOUIS XV. ll7d3J tcrnps, une raction vc's le pass, raction non de foi vivarrlc ct

221

le ,,.i.i,,.]

il existail, cn

'rilions

Dour

crcs

BuchaurnonL, tr[:nt. sc..rei\, pitssint. _ \roltlire, Sicie dc - yturre,nenr zouis-{l'1 * Iltstoire du tre paris, ch. ll,rr. Ilint. de l.abbi ccorgel {c,r.jsuite)r t. Ier. L'accord.tlu. jdsuitt-' Ger-rrgel et de I'Anglais Coxe contrc Choiseul est cn'ie'rrx' I'es jisures_.jugds \nr les ,'oi.s' etc. putrl; par L. rriar.clot. , pontiiicut dc Clhtent XIV, par le I'. Theiircr, prtre de - //i.\/. .t,i i,Orato;re.

dn Ilausset,- p. J6ti,

clrap'

1iB - Surles |tirilrrtics tle l,affaire tles jrisuites, \r. Ic I[ercure isl'' annes 17tj-17?4) t. r+o-rzo- : Ies tables de charlue volume inrliq.erit ttrrrt ce citri se rapporte aux jsuites. Sai,rt-Plie"t, ,srrpTrr ess,:o11, (Je 1,.r. sorili de - corlespo Jlsrrs,' travail firit prirrcipalement sur les rtlarrces ii,tumatiques indites. Il:rssarr , flist. dt la Diplomatie fr*ttoise, t. \,'I, liv. rv. _ l:ir-t-,rirl, r1e Io,rds l -]-, t.1V, p,41-63, \\r. r,^oxer uist, d,Esp,g?re ro/ts L:s Bau'bt,s, ,. f V','.ir. r'xv'
De

l. Y. notre t. X\rlr.p.

- ta Deslructtort

iles Jsuilts en I:ratrce,

h suitc

;#;'i.\:;

des

-lt!nt. clc marluriic

7631

FIN A N CI.]S.

228

dc la Francc, a{in clc soutcnir une gucrre tout autrichierrne ! 0n paya dcs spculateurs anglais les dcttes du canada, QU'on n'avait pas payes aux nralircuroux Canadiens, et dont les titrcs ayaient t raclrets vil prix llar ccs trangers. Le gouvemernent s'acquitta cnvcrs les trangers, mais il dbuta par rnanquer ses cngagemcnts envers la nation. Dcux clits ct nne diclaration du roi supprinrent les doubleurents et triplerncnts de capitation et Ie troisirne vingtime partir de janvier 1764, rnais prorogrcnt pour six ans le second vingtirne, {ui devait anssi finir Ia paix, et les dcux sous pour livre clu dixirne, qui avaient survcu au disimc lui-mme; on prorogea galemcnt pour cing ans les dons gratuits des villes, qui devaient finir en l75, tcrme api's lcquel, suivant les propres par.oles de I'dit qui les avrit cxigs, < ils nc pou'raient tre continus sous quelque prtexte que ce pfit tre. > 0n rtablit le centime dtnicr sur les nrutations des irnnreubles fTctifs, plus six sous porlr livrc. Tclus
ccs fonds ne devaient pas mrne trc ernploys I'alrortissement

suhsiclcs octroys I'r\utriche avec le sang

clcla dette, mais bicn tre verss au Trsor: c'r3tait le plenrier. vinil'tirne, r'alu 20 nrillions par an, r1u'on ail'ectirii au rlablisserricnt de la caisse d'arnortissenrent cr.e en lTlg; pal' consrlrrcnt, le pn:micr vingtinre, au lic'u de finir dix ans airr's la piris, confr-rrnrureut la parole ro5'alc, tait prorog incl(,linilucnt, ou, du rnoins, il scruittransfbuu en unnouvcl inrpirt ftrncicr',clontla juste proportionnalil serait tahlie, ainsi quc l''g.ali* sation dc la taille, iu nro\ cn d'un carlaslle gnral dcs lriels-folrls, cluc I'on cxr'utcrait en srpt ans. La prolticsse d'excution d'un catliistre, projet d.j conr:u sous Dul-iois, ne l.eposait sur aucrlue galil.ntic. Errlin, Ius dits roytux ordonuaient la liciuidation, c'cstir-rlirrt ia r'duction lblce et lc rcurboulsculel)t des rentcs autrcs qrLu cellcs de i'lltcl dc Yille, dcs clrargcs ciiverses, arr(:r'ages, rr'Tltcs viagrcs ct tontincs; ce qui tait une violation rnali('cste cle la tbi puhliqrre'.
Le parlcrncnt clc Puris, au lieu d'cnlcgistrer,
nr

fit de vives rt,-

onl.rances, dcnrancla que les oprations de la caisse tl'anr orf issc-

I. Baiili, llisl,
tr

ltzaidre de

lu l'ntnc:,

1".

II.

f'I

,lj

226

LOUtS X\"

{17 63 ,

rncnt et dc cclle dcs arr(:ragesfttssctrt lilaccs Sotls S srirveillancc; qu un tcrttte prochain ft assign aux deur pretniers vingtirltcs ct aux dons gratuits. Il rcpotlssa lcs nouveaux irnpts ct la liquidation force (19 mai 1?63). Le roi irnposa I'etrrcgis'etltcnt tl,rns un lit de justicc (31 mai). I.,'opinion publique s'indi3na. sur ces entrefaites, la statuc qucstre du roi, ceuvrc de Bouchardon, fut irratiSurc su.r la place,

depuis si tragiquctncnt fattrettsc, qui portait alors lc non de Louis XY. Aux qnatre angles clu pidcstal taicnt adosstles la Forcc, la Paix, la Prudcllce et la Justice. lln rnatin, on trouva aux picds cle I'r-'ffrgie I'oyalc I'inscriptitln stlivante :
O ta t-relle statue! le beau pidestall Les Vcrtus sont pied et le Yice sheval.

Puis cettc autrc

est ici comme Yersailles I est sans cceur et sans entrailles.

L'opinion applaur.lit avec nergie aux nouvelles remolltrallccs qrri suiviren lc Iit cle jtrsticc (24 juin, 10 aorlt). Le parlement dc Palis y tenait un langagc qu'il n'avaif jarnais fait entenclre unc orcille royale. Il y fltrissait, dans lcs termes les moins mnags, < I'infraction manifeste des ctlggements les pltrs authcnliqucment contracts, des ltarolcs les plus solenncllentcnt clonncs par lc roi. l II attacluait fond les lits de justice colnllle renversant

tout ordre lgal '. Il aflinnait que < la vrification des lois au parlernent est une de ccs tois qui ne pcuYetlt tre viol:es sans viler ce!,le ltar larlu,elle les rois mntes sont.... 0n y compromet I'aulririt clu roi aYec la constitution la plus essentielle et la plus sacre cle la lnonarchie!.., I Les retnontrances de la cotlr des
aicles accompilgnrcnt cellcs

du parlerncnt de Paris (23 juillct

Ce tribunal spcial, sous la direction d:claire et gnreusc clc sol:

l. trIercure hisiorique, t. CLV, p.47, 137. - Les plaintes clu parlernent attestertt qu'au moment mr1c o l'conomie politique remettait I'agticultule en hotrueur, L's (-olbcrt .et par tous le s a-gents du fisc foulaieul aux pieds les principes admis par jourh"O^n',e* d'Btat dignes de ce nom en favelr des classes ag|icoles. ' On voit nellement des ruailrcureux contrairrts au paie[rent tl'impts par la vete tle ]'''t"t|s grains, de leitrs bestirux, mrne de leurs outils' " Ib'd', p' 117'

i,r?631

I'ANLB\IENTS. COUR DES AIDES.

qt1

prcmicr pri'sidcnt tllalesberlles, prenail une autoril ntorale toute nouvclle. <La cour des aidcs se refuse, clisent les remontrances, croirc que, si l'on erit rcrnis sous les ycux du roi ses prol)tesses solcnnclles, il et jamais pu prendre sur lui de se contreclirc aussi
ouvcrl,ement. > Il'lalesherbes prsente cnsuite, au nom de sa Cour, un tableau largernent trac du dsorclrc dc la perception ct du mlange d'anarchic ct de tyrannic qui calactrise I'aclministration des finances; il montre les honteux secrets de cctte admiuistration drobs par tous les nloyens la connaissance clcs cours supC'rieures et de tous lcs corps rgulicls. La royaut avait jadis tabli des tribunaux sptlciaux, afin d'cnlcver les proci's d'irnpts

aux tribunaux ordinaires; maintenant ccs tribunaux spciaux eux-mmcs taient paralyss par lc dcspotisure pur et sinrple cles intendants et de leurs dlgus. Si les triltunaur voulaient 1:rendrc connaissancc des concussions ct des I'iolcnces fiscales passes en habitude, le conseil d'Etat cassait letrrs arrts ou voquait lcs causes pour les touffcr. I-,a cour clcs aidcs ajoute que, si I'on
osait accuser d'exagration lcs peinturcs, tant de fois prsentes, de la misre qui acca)rle les calrpag'nes sous cc rgirne arltitraire, les cours alors supplieraicnt le toi d'couter ses petLples cur-n'tntes par la uoir de leurs dtpttl,s clans Lu'te clnL\lcatiott, cl,:s Etats-Gnruwn
dw rayawnet.

C'tait le premier cho cle la pense de l\fabli, le prernier appcl officiel aux jouls de 891 Les purleurents rles provinces relevrent dignernent I'exemple que lcur avait donn Paris. Les rernontrances dn parlerncnt cle Roucn furcnt au rnoins aussi rentrrqubles par lcur caractrc lcv ct philosoirhique, que celles qnr nou:; \renons cle citcr (5 aofrt\. Cc parlcrnent, ds 1760, cn redcrnan:lant scs Etats Provincialx clc Nornranclie, supprims deiruis un sicle , avait revendiqu avcc force, pour la natioir en gnral, le clroit nttticptectint,presulptiblc d,'uocepter librcmcnt la loi, droit qui apparticnt aux rnagistrats dans I'intervalle cles tats. Les remonstranccs de t?63 manifestenl, I'influence des conomistes, dans ce qu'avancent les magistrats I,
trlmoi,res

pour sertir

gud s'esl pass de plus dnliress.rnt

itt-{o, p. 108 et suiv.

cn rnalire d.'impdts, ou Reetteil de ce de I?56 1775; Brurelles, l7?f), Bailli, I/isl. $nancire de la l;rance, t. II, p. 159-1G4,

I'hist, du droit public


la cour dts

adrle.s,

228

LOUIS XY.

[[ 7ri3l

normands sur ce droit dc propl'iI. < antrieur tout tal-rlissoment politiquc. r., La rlfinition tlu tlroit tlu citoyen et dr:s }imilcs du clroit cle l'1at est dans I'esprit lc pltls tibral. Le parlement tlt'. il Rouen rcvcncliquc I'tat des ret'enus et des chargcs pullliqtrcs;

prie le roi tl'abolir la honte et lc scandale dcs acqults de contpl'urtt',


et tle rcluirc la urnltitucle inclfinie et irrextricablc des inlpositions une seulc ct tttlique, c'cst--tlire de dctnandcr la Norrnilndie la Iui sa contril-rtrficn proportiorllclle aux llesoins de I'tat et tle {. laisscr rpartir sur elle-urtne Le parlt:nrcnt de ltouen soutint sOn oppOsition avec plus dc Yigucur encorc guc les cours tle Paris. Les dits ayant t inserits

de lorcc sul' scs rcgistlcs pur Ie gouYerlletrr dc la proviitt'c , il


pt'otesta et tlfent'lit I'excutiotr clcs tlits dans son ressort, 1:ciirc

i*

concussi6' (1g aot). Son alrt fut anntrl par le c<-r.seil i,c cJ'litat et biff cle fcrrcc; il rpoDclit en annulant I'anuulation. durisRouen de Le violcnts. itarlcrnent conseil ripostacntcrlnes

t' sioutra ctt lllassc ( 19 novctnbre ) i\ 01 vit urirtne t'sistiincc et incidcnts analogucs ' Toulottse, ilrt'c d'uccot'cl Grcuol-rle, Besanon, ctc. L'esilrit rtlogl'de tait l'csprit uovatenr liour la rsistance. Le lhnatiquc ltat'lertlelrt clc r1r-t T,lrilouse, f*r1ani en'.re tlu satrg cle Calas et clcs 1r*stcut':i
11lscrt,

il avait tu les llrctt'svitlrcut au pcitrf titir' en choscs Lcs tants, au n0tn clcs traclitiotls. cousiSlllt it's Fitz-Jalnos tle duc l* grirncrtlcur tlu L;'rg*cdoc, le ' Lcs illlt'iclcut's ttlaisons. mc-urlrrcs du parlernenI arrx arrts tlans
courllatlait lc clcslrotisnrc coll-ll]lc

cli:tii-c rnflrts tl'Aix et tlc Bordeaux pt'otcstrcut avcc intlignalitltt p|it cct orutrngc ittowi t'ilit l justice. Le parlernent de Borclealrr

ccll|* I'ol'fr:nsive contrc I'aclurinistration par l'talllissetncttt d'uttC Il{i;i.) (novcntl;r'c excsrlcsa3'cntstlLrfisc ,-lissi.n pourrplirncrles transigca. La poiitiquc dc Cltoiscul, llltts tltr:-

s't ['iti:snrc et plus prfontle qu'on uc I'et prt prsurllcr dc


l.Fltrqrret,tlist.d,upurlemerltdeNormandie't.VI,p'370.381.-||Iertttre]Li::,,.

Le gottYerllelDellt

L CL\r' Ir. :l{i3-

qu'il t''icl:t2. I)ans la protert;rtinil contre I'enrcgistrcment fore, il nvlit 'lchrrd aSSocic.lt lr' lllr'qui rol'aumc, du fontlanlelrtalcs lois rles I'altoritti nri,r'lrit sal)s cesse t' CL\r, p. 297. \r. lti'ssi, tl;tn; lcrrrcrrt eu *rirristrc tle la ligislrtion, ,l/elc. hisloriqtrc,
scs rcmontr.rrrces, les

cl,jtrils polgants sur lcs initlrittis ta galrelle' tr|,'rc- hittor'quc t1e scptcmbrc 1763'

t'le la ferme dcs

aitlcr

ct

dc

[.17631

TNAN,SACTION. LAVER DI.

229

rct inrpricuse, tait de rnnager les grands corps qui pouvaiclt tre les tais comrne ils taicnt les obstaclcs de la nronarclrie cn ilclin. La paresse de Louis XV subissait cette politique contre laquelle se rvoltait son orgueil. IJnc dclaration du 2l noyembre dcrnanda aux parlernents, chambres des comptes et cours dcs aidcs, des nruroires sur les moyens de perfcctionner et dc sinrpli-

fier.l'tat

rles linances, plomit quelques diminutions sur lcs cJons gratuil.s et sur d'autres impts, supprirna le centime dt'nier sur

lcs succcssions collatrales, impt que le parlenrent clc Roucn avaiI attaqu , avec une eragration toutc physiocratique, corr)nre rttenlaloire la proprit. Le gouvernement donira des csprances sur I'abrviation de la dure des vingtines et reyint aussi sur la rduction force de ses dettcs, annonce sous le nom cle liquidation. Le parlement de Paris enlegistra la dclaration, bien que I'irrflexiJrle parlement de Rouen lui crht crit pour I'en cltourner. Lc systnre de transaction continua. I-ln nouveau contrlcurgi'nc1ral, lI. rle Lavercli, fut pris sur lcs hancs du purlcrnent de Paris, ou il s'tait signal clans I'affaire des jclsuites (12 dceurlire 1703). Il dbuta par enyoyer au Trsdr une forte sortlme, que lcs fcrmicrs-gnraux ayaient coutuure d'offrir en prsent aux contrleurs-gnraux leur entre en charge. Il constata que lcs fcrmicrs-gnraux avaient bn{ici dc l8 millions en six ans sur les appoirrternenls de leurs ernploys, cn leur letcnant les trcis vingtirnes et d'autres iurpts, sans cn tenir cornpte au Tr.srrr.. ce trait peut fhire cornprendre o en tait Ia cornptabilit. Les bonncs intentions ne nlanquaient point Lavercli pour rtablir I'ordre; rnais iI l'allait autr.e chose que des intentions! L'orage parlementaire ri'tait pas conrl)lteurent apais. Les cours provincialcs fi'nrissaicnt encore. Le piu'ierncnt cle Tonlolse dcrta de prise dc corlis son enncmi, le rluc cle Fitz-Jarnes, gouyerncur du Langucdoc ct pair cle France (11 dcembrc). Le ministrc prolita dc cette cntreprise f our cornrnettrc le parlenrent de Paris avcc lcs cours provinciales. 0n poussa le parlemcnt clc palis relpriurer cet empitcnrcnt sur scs tlroits cxclusifs de cour tles pairs, dloits exclusi[s quc ne reconnaissaient pas les aulres par.lerncnts, qui se prtendaicnt scs gaux en tout. Le par.lcruent cle Paris cassa I'arrt du parlenrent de 'fouior.r"se, tout cn iaisan tle

230

LOI]IS XV.

u ?641

vivcs rernontrances cotttrc lcs excnteurs d'actes albitraircs et ett s'attribuant la connaissancc de I'affaire. Lcs autres parlernents protestrent cn faveur de leur conffre de Toulouse (dccrnbre

janvier 1764). Le gouvernelnent rpondit aux relnontranccs du parlernent cle Paris ptr une di'claration du roi, otr Louis XV se dfentlait d'avoir voulu rguer autrement quc ltar I'obscrvation des lois e[ des formcs Sagement tablics dans son royaume. II oldonnait le silence sur toutce qui avait donn lieu la dclaration du 2l novembre 1763. Le parlernent de Paris enrcgistrar. Les arrts du conseil qui avaicnt occasionn la drnission du parlerncnt tle Roucn furent annuls, et cettc coul reprit scs fonctions colltme en triortrlihe (10-14 mars 1764), aiusi quc les parlements de TouIouse et de Grenoble, qui taient tlans le tntnc cas. C',tait Ie pas rcrtrograde lc plus humiliant qu'erit cncore fait Ie gout'erneutent de Louis XV. La dclaration qui demandait aur cotlrs supricurcs
1763, dcs nrmoires sur les finances, et lcs demandcs semblaLrlcs aclresses ensuite par ces cours aux tribunaux infrieurs, aVaicnt imprirn aux csprits uu mouvcrnent dont le cabinet s'effi'nya

bientt. Les crits politiqucs pullulaient. 0n se vantait dj d'tre aussi libre qu'ett Anglctcrre. Le caltinet arrtr cette eflervesccnce par unc dfcnse dc pultlier ucun crit concernntrt I'achninistratiou des financcs : les auteurs de ces crits taient sculemcnt autoris(rs le s rcmcttrc aux ( personncs tlestincs pc,r tat en juger
(28 rnars 1764). I Le gouvernement continua, Pr compensation, ses avances et

SeS concessions

il la magistrature. Le contrlcur'-gnral 0rri, dcs fcrrnicrs-geinraux, qui tt'oulaient demande la vers 1?30, et trop lcntes tlans la rpression molles les cours dcs aidcs trop des di.lits en lnatire d'irnpts, avait fait 't'iger quatrc commissions extraordinaircs dont les juges, aux gagcs des fcrrnict's, expdiaicnt les procS sans appcl ct gagnaient leur argent par une clrit qui n'avait d'gale que leur barbarie. L:'t Cltant"bre cle Va'

l.

Le procs

royale

cliration qo" ,oo* fore de

grdce accorde par le rcri' ce qui laissa le duc enlach'Il n'en devirrt pas moins marshal de France. ,l/iin. du duc d'Aiguillon, p, IB.

ilu cluc de Fitz-James ne fut pas termin l; mas une dclaration n.,itpar I'assoupir (janvier 1766). Le parlemerrt de Paris tr'enregistrc la de-

[r 76 1-t05]

TO NCESSION

S.

93t

lence, surtorit, avait chi unc odieuse cl(rblit un juge, Collot, qui passa par la plurnc vcngeressc de Yoltaire r. Trois dc ces contrnissions, partir de 1764, flurent remplaccs prr de nouvclles

cotnmissioris prises dans les cours clcs aides, et offrant au moins des garanties de rnoralit et d'indpcndance personnelle. La cour

dcs aides de Paris n'euregistra l'tablisscnrent de celle de ces


comrnissions qui lir corrcr.nrait qu'en reprsentant au roi que, si les rnol,ens cxtraordinitiles cle rprcssion taient ncessits par la ruultiplicit des frauclcs, les fraudcs clles-rnlncs ne se lnnltipliaient que par I'cxcs ct la nrauvaise assiette des impts, sur'tout clc Ia gabclle force. Un dit de dccmlirc 1764 sur I'amortissement et sur le paicment dcs dettes arrires laisse encorc perccr le dsir de gagner la rnngistrature. Cet rlit transflonnait la dette erigihle, qnc le gouverncment tait hors d'tat de rernltourser, cn dctte consolide, ordonnait, pour augrncntcr k: fontls de I'amortissernent, la rcteuuc d'un clixirne sur tou-" lcs cffets an liortcur, arrr'ages de rcntcs, bnfices des fc.rmicrs, dcs trsoriers, ctc., gagcs, molumcnts, < except srl' ceLix des officicrs de justicc et de police. > Une chambre tait tablie dans lc p;rrlernent de Paris porlr rgler tout ce qui concernait I'amortissernent. Lcs dons gratuits taient encol'c dirninus. Le sccond vingtirne devait ccsscr d'tre pcru au 3l dcernbre 1767, et le prernim au lu' juillet 1772. Cctte priode de conciliation ou dc trvc filt encore signale par rur dit qui rglait I'adtninistration des villcs ct bourgs ct leur rendait I'lcction de leurs magistrats municipaux (aotit l?64). tet dit, remarquable prr le cirractre d'uniforrnit qtr'il impose

I'adurinistration financire dcs corps dc ville, I'cnfcrrne

de

bonnes dispositions sur I'intcrveution dcs assemhles tlc notables dans tous lcs actcs irnportants dcs ofliciers ruunicipaur; meis il soustrait aur charnbres des cornplcs la rvision des comptcs mu-

nicipaux pour I'attribuer aux bailliages el snchausscs, ct, en appel, aux parlemcnts; la cornptabilit n'y devait pas gagner. LTn autrc dit de tnai 1765 cornplta le premicr, rserva au roi la nourin,rtion des uraires sur prsentation de trois canclidats, et
1, Y. l'ffonrrne uufi quarante
ticus,

"r32

LOUIS XY.

[1

?4]

rgla la composition dcs asscrnbles de notal,rlcs, qtti ne dcvaicnt tlc focrncs clue de clix quatcrze tuctttJrrcs lLrs au second clegr dans dcs coirtlitions trs-alistoci'atiqucs. Ce qu'il y avait de bon tlaus le prcclent dit ne fut point cxcLrt, et lc dsordre ne fit que s'accroitre clans les inances des cttttttnuncs I. IJn personntge dont I'importance tait trne grande hontc pour la France venait de disparatre pcu aprs ie rapprochcrnent de la cour et dcs pat'ictnents. t\Iaclatne de Ponrpatlottr tait morte le 15 avril 1764, quarante-tlcux ans. L'ltabitucle avait assur st-rtl rgne jusqu' sa dcrnire heure. peine eui-elle lcs yeux fcrnri:s, qu'clle fut oublie. Louis XV vit avec une profonde inclillrcnce la morl, trancher ce lien de dix-nertf atts. La disparition cle la favot'ite n'cut point de cons'quences irurndiates dans le gottvct'nerrrent : Choiseul ne semblait plus dsonnais avoirbcsoin d'oppui. 0rr er-r[ pourtant plus tarcl regrettcr cctfe fernrne ! elle avait

fait tout le mnl qu'ellc pouvait I'aire; on n'avait plus licn

crainch'e cl'ellc, ct I'on tlevait tomber plus l-ras ! illle avait fait cluelqde bien duns ses dernircs anncs, en appl'ochant d1 roi son ndccin Quesnai, et, Pr lui, les ides cononriques 2. Il n'est pas probable toutefois que ces ides ettsst'nt obtenu grand rsultat auprs de f insouciant lnonarque, si ellcs n'eussent en tnme temps liltr' dans ses conscils par d'autt'cs canirur, colnme nous I'avons incliqu ailleurs. Quoi t1u'il en ft, une srie cle mesures trs-significatives et de grande portc anIIoIlaient que la Selle des sectcs ttovatrices qui lt acccpte de la royaut et des parlements cotnmcnait pntrer du dornaitrc cle la thorie dans celui des faits. Ds le 17 septernbre 1754, le niiL. ,lnciennes lois franaixes, t. XSII, p. d05, 434. 2. Ellc protgea aussi Len:crcier ile La Rjvijre, qui n'tait pas seulement un dcs disciples les plus distinguds de Quesnai, un couorniste nrirrent, mais aussi un aclministritteur rrelgique , habile et patriote. Il se colrilui.it adrnirablctttettt aux Antilles, ou il alzrit t nourm intendaut des iles du \rent au plus fort des ds:rsti'es de la guerre de Sept-Ans, en I?59. Le crCit du loi tait mort; il y substitua le
sierr;

il cmprunta, en sou uortr priv, plrrsieurs milli<ins I'aide ,lesquels il r'-'leva la }lartirrirlue peine sortie d'urr sige glorieux, mais luitteux. Il rre put cepe)rderlt em1.,cher h nlrrrtilique de succomber lors d'un secottd sige entrepris par le" ni;lais avec 4es forces crasarltcs, e1 l?2; mais ce tnalheur lui fournit de tlorrvellcs oceasions do mauifester uu tlvouemerrt et urr dsiutiressernent sans borncs. Il se ruina pour tc|er tlc climirruer les pertes de l'tat, et fut tr's-inrpatfaitement ct trstard,ivernent ilclenuiis de ses avances. Il y eut l du Joseph lJuplcix sur uue uruiudre

tl?{-t7$11

tlOl'f nE PO}It'ADOUR. LIiS GIiAIi\S.

933

nistre , frapp d'cntetrtlre tolrjours rC'pter que I'Angleterre dc-

vait sa prosprit agricole la libre erportnlion, avait accord I'entire libert du colnlllerce dcs grains dans I'intrieur du
SanS passe-ports ni pcnnissiotts de province provitrcc, lilrcrt cl'expoltation l'tranger pour lcs cletrx pleine avec la $nrlrlits clu Langllcdoc et itour cclle d'r-rch. 0n aYait lc dessein cl'tenc'lre successivcmcnt la librc cxportation aux autres pt'ovinces. En 1758, un arrt du consbil avait pclrtris le cotnuterce et

royaumc,

la circulafion des laines, tant uationalos qtt'tltrangres, dans tout lc royaumc, SanS droits d'entre ni dc Sortie. Le Lrurcau du cornmerce et SeS agents fcnnaieut les ycur Sur les innovations rlui s'opraient clans les fabriques, en dpit des rglcl)lcnts, Lyrin, Nirncs ct ailleurs. Des cncotlragetuents ftrrcnt clonns au cltlichenrcnt cles terrcs incultes (aotit 1761). Une dclaration de tlcernltle 1?62 rduisit un terule de tluiuze aunes les brevcts ci'invention, attliaravant illirnits tloLlr l. plupalt, la grande gne de I'industlie. Le 25 rnai 1?03, la penrrission de lilrre circulation dcs grains I'intrieur, SanS droits, fttt renouvele, vec pcnnissiou dc fonncr des magasins de bl. Enfin, le clbre dit cle

juitlet

1764, prcd de considrants toat ph'ysilmati4wcs, accorda

la plciue lil:crt tl'erportltion par navit'cs fi'anais ct d'irtrpcrrtation par tous navires, &\'cc un dt'ait d'trn pour cent I'importa'{ion, d'un dcmi pour ccnt I'exportation. La libcrt d'cxportation devait tre suspendue sur tout lioint du telritoire oir le bl aurail t, durant trois mat'chs, douzc livres dix sous le quintaI. 0n faisait prcssentir que cette restriction ne scrlit (iuc pl'ovisoire, et jusclu' ce qu'on e[ aSsez llicn cotnplis les avatltilges
chelle. Aprs la paix, rerrvol la Xlartinique, ily esstSa, avec succs, I'application ile la libert du commelce pr'che par les cortotrtiotcs, Les irrtr'ts cot,tla;t'es ce plirrcipe obtinreut sa rvocstion. Voici une lettle qtri donrre une ide rltt cat'itctre et tle Ia valeur morale de I'homme; il rpond au duc de Choiseul : " J'tais au lit, la jeurl.'e ouvet'te, par les suites d'une fivre rualigue, lorsqu'eu l75tt, je rerrs le preniier ordle de m'etubartluer; je ne vis que les or'dlcs du roi, et jc paltis. Je suis elcole au lit, la janrbe ouvelte pal'un louvel acci,.letrt, au morertt ott je reois yotre lcttte pour ul)e opr'ation senrblaLle; je ue ven'ai que lcs ordrcs du rui, et je partirai. Quant nres afluires tlomestiques, elles tle lre feront certainetuerit pas balancer, lor.sqrre rna sant mrue u'en a pas le pouvoit. Je suis utt, uronseigneurl tout saclifice de ma part pour le seryice rlu roi ne me cotcta.iatnais rien. " - Inutiie d'olrselver que le roi, ici, veut ,ireyta;rie. - Nous plenurls ces dtails dans I'intr'es" sarrte lVcrlrce sur Lenr,ercter de La Riciro, par AI. F. Joublcau; I'aris, l88.

23'L

LO

IS

V.

t{?6b-l?r8l

de la libert du commcrce. Les entrepts intcrnationaux taicnt auloriss r.

Lc l3 fvrier 1765, dcs lettres patentes peru:irent aux habitants des cirrnpagnes et des lieux oir il n'y avait point ele rnaitrises e[
corps de rntiers, de filcl toutc espce de matir\res, cle fabriquer ct apprter toutes sortcs d'toffes, en se conformant aux rglctnents, et de les vendre clans les villes nrmcs o il y avait cles corps de nrtiers, en lcs faisant visiter et narquer au Jrureau des tnarchands dc chaque villc. Le Jiruit courut, tl'unc part, qu'on allait abolir les malrisc's; dc I'au{rc, qu'ol} allait rcndre l'tat

civil aux protestants 2. Le vcnt sorifilait aux choses nouvellcs I Toufcs les rnesurcs du gouvernerncnt n'taient pourtant pas conformes aur doctrincs conomiqucs. Ainsi la rduction dc I'intrt quatre pour cent enlre partictrlicrs (juin 1706) ne pouvait trc a|prour'e ni par les tlroricicns, qui niaient toute intcrvcntion de l'trt clans Ia firation de I'intrt, ni poi I.r hourmcs pratiques, tlui voulaicnt qu'au rnoins l'tat ne ft que sccondcr le coul's naturcl cles choscs. L'argent valiiit, en ralit, plus cle qualrc pour ccnt, et lc rninistre n'avait eu cl'autre but que cl'attirer I'argcnt tlcs parliculiers dans un nouvel crnprunt cle b rnillions de rcntcs viagres, en rcndant lc placernent snr l'tat plus avantageux que le placcnrcnt prir'. L'tahlisserncnt d'unc nouvelle cornpagnie pour la traitc clcs noir.s (t?67) tait encore que que chosc dc hien plus conlrairc aur principcs de la libert conomiquc comrne de toutc philosophic et de tclute hurnanit. Lcs conomistcs avaicnt fait de tcls progrs, qn'ils faillirent emporter la lilrert de commerce pour les colonies, c'est--clire le renvelsemcnt de tout le systme colonial. ta question fut dbattue, durant deux anncs cntires, dans le bur.cau clu commcrce. Le conseil du roi maintint, cn gnral, lc rgirne de Ia navigatiou
rscrvc, rnais fit quelques concessions : deux ports francs furent tablis Saintc-Lucie ct Saint-Nicolas des Antilles; les droits fureut dirninus enlre la Francc et les colonies, ct, en mai 1708,

l.

Mercure historiq..,

t. CLYII, p.

143.

les lettres patentes, ilans le lllerc.historiqua, t, CLYII, p. 421. les -Dans dits, on n'appelle plus les pt'otestarrts les nouueaus converlis, mais les sujets du roi tutaieni dtd de la religion prdtendue rfcrrme.

2. Y.

[r763-1 768]

nrrs

ucon"or'lIQ uriS. cu yaNB.

235

la pleine lihert de cornmerce fut octroye la Guyane. c'tait un faible ddomnragement pour les dsastres que la coupable imprvoyance du ministr\re avait rcernrncnt attirs sur cette colonie, Aprs la paix de I763, choiseul, rvant des compensations
pour les pertes de la France, avait jet les yeux sur le vastc terri-

toire tropical qu'on avait autrcfois nournr France Eqwin,ontale, et s'tait figur gu'on pourrait trouver l de quoi rernpiacer la ouuelle Frunce du nold, le Canada. L,'cntrcprise, si chanceuse dans tous les cas, fut contluite avcc une iruprudence dplola]ile.0n
ne prit pas la pcine d'tudier ccs bclles et dangereuses contres, o la puissante fconclit de la nature recle tant de piges pour I'hornme. 0n attira, par de brillantcs prolnesscs, des cultivateurs de diyerses provinccs, e[ surtout des Allemands et tles r\lsaciens , plus disposs I'rnigration, selon lcs tendanccs des races tcutoniques, {uc les paysans de langue franaise : on les ernbarqua ple-nr0le avcc bon nourbre d'cnfants lrerdus des grarrdcs villes, propl'cs, tout au plus, ces intlustries de luxc irnpossibles clans une colonie naissante; on les jcta sur les lives du Kourou et lcs llots clu Saltrt, dans la saison des pluics riiiuviales du tlopique, sans avoir fait les prparatifs ncessaires pour lcs rccevoir. Atr lieu dcs mlisons en bois qui lcur taient prorniscs, on lcs en(assa dans de mauvais hangars; Ies vivrcs qui leur arrivrent taicnt tvaris; la uiortalit se niit enlre ces rnalheureux, et leurs trjstcs campenrents ne furent bicntt plus que dcs cimetircs. Sur environ 12,000, peut-tre 2,000 au plus chapprent; ils cornmuniqurent lc flau qui les dvorait aux ancicns coions de caycnne, qui furcnt dcirns et plcsquc tltluits leur tour (t?0s-li6{).

Yers le rnure temps, unc pareiile tcntative, sul une uroinclre chelle, cota la vie quelqucs cenl.aines de pauvres gens qu'on

voulut tablir,

sans prcautions, Sainte-Lucie r.

La prosprit de Sainl.-Dorningue, de la Guadeloupe, de la


lfartiniqr"re, dcs iles de France et de Boulbou, qui s'taicnt relcves aussitt aprs la pair et dont les riches derrrcs coloniales allaient toujours se mnltipliant, fit oublier trop facilcmcnt la France ce luguble pisode de la Guyane, cette terre aux tragiques

l.

Y. Desallcs, I/r'st. des Anlillts, t,V, p. 868-889.

Mdm. tle vergennes, p. p5E,

236

LOUIS XV.

u.763-.17671

destincs. Lc progrs des Antilles franaises ne fut point arrt par

quelques trouhles qu'occasionnrent tlaus ces les l'tablissernent de la rnilice et deux causrs plus gnrales,les tendanccs arbitraircs des gouverneurs et I'esprit rnal endurant des crolcs. A I'intrieur de la France, I'agriculture s'anrliorait en dpit des c'ntritves fiscalcs et autres : les pays d'lections, plus opprims par le fisc que les pays d'hts, taient prcisrnent ceur ou le progrs sc manifestait, grce la supriorit du systrne de f'ernrage adopt dans le Nord sur le syslrne de rntayage, conserv dans le llidi. Depuis que les conomistes afaient mis le labourage r la mode, que les socits agronoruiques se fbrrnaient de toutes parts, I'eremple et les secours des grands propriertaires, Qui se tournaient de nouveau vers le sol, encouragelient les {'enniers, et la libert du comrnerce des grains leur inspirait une trrdeur toute nouvellc, siguale par I'exhaussenren[ gnral des baux. Le pauvre paysan sc resseutait des mnagements qu'on avait pour le felmier ais. La population croissait, quoiclue lenternent et failllement : trop de causes sociales entravaient son essor! En 177, le savant et ialrorieux abb Expilli, aussi bien renseign qu'on pouvait l'tre avec les ressources statistiques irnparfaites de ce ternps, l'vuluait 2? rnillions d'nres (iI ne donnait que six ccnt mille habitarrts Paris); dcux autres statisticiens, hlessance et La l{iclraudire , I'estimaie nt 22 millions et clenri. Elle dcvafr

s'accrotre encore de 3, pcut-tre de 4 millions d'rnes jusqu' la Rvolution, grce aux arnliorations dues I'csprit du
sicle r.

La paix intrieure, cependant, n'avait pas t de longue dure, ou, plutt, elle n'avait jarnais t compltcrnent rtahlie. Il rgrrait en l}'etagnc, dcpuis plusicurs anucs, une agitation qui finit par nc plus se.contertir ditns lcs lirnites de cettc pt'ot'iuce ct pal'g'agntr lout le royauure. Cctte agilation avait, dcux causcs: I'afaire des jd'suites et la violation tles vieilles liberts brclonncs, r1ui, tant tle lbis I'ausscs et courprirnes, ticrlt toujours rcven1. Lav<-risier et Lagrange valueut la population, de l7ti9 1791, vingt-cinq millions d'ntesl Dupont de Nemours, en l?91, vingt-sept millir-rns. Paturi les amliorations pratiques dues aux phil<lsophes, il faut citcr la translatiorr des cinretir'es hclr-s ties viilcs. L'alrt tlu parleuieut dc Paris ce sujetest de nrars l7ti5.

tt?02-1?641

AGnICU t TUliE.

BP.ETA{'iNIl.

'237

diques avcc une opinii\.re constAtlcc. Qlriittl aur jsuites, c'tait

le pa5's o ils avaietrt rcu les plus terriblcs coups, nlitis attssi cclui oir ils avaient les plrtisns lcs pltrs obstins et les plus rennants. Le gouvct'ncur, duc d'Aiguillon, courtisan ttoir ct profoncir, qui teuait la fois aux cOffor)tpus et aux dr'ots de la corlr, ct qui tait tout ensemble le dignc neYeu dc Richclit'tt 0t lc protg du clauphin, s'tait trouv errgag dans les inti:rts des jsuitcs, pour lllaire au prince son liatron. Avnnt tlrtc la qtrns{ion

ft clfinitivernent tranche, il al'lit tlonc organis' clans lcs litats Provincjaux mlttes, une opposil.iort contrc le parlcrnent or dominrit La Chalctais; ntnis il poursuivlil. un doulilc llut inconciliallle : clorniner I'opinion dc Ia Brctagne et lui art'rcllcr scs privilges. L,cs litlits, oir il avait d'abord exerc une in{luencc prponcltll'anlr', grce I'usage ri'celttutct-tt introdlrit d':rsl,r'cindrc les villcs I'agrrnent des cotlrnlissitil'cs rcliatl\ ptll' lc ciloi.r de leuls clllut(:s, Ics Etlts se rctournrcnt bientt contrc lui avec violence ct s'unirent au pl'lclllcnt. Un ordrc cluconseil, du l2 octolire 1762, a1'ant porti' de nottvellcs et profontlcs attcintr's aux conslitltions de la Bt'ctagne, I'hostiiit dcvint lrrcstJtlc ttttltttitlle. Le parlernent de Rcttncs, clc conccrt avCC les tats, atlrcssa au roi, eu juin et noyCtttbre |i64, des remrlnlrancc'S trs-ftlrtctne trt lnOti\'eS contre I'aclrlrinisiration rlu cltrc d';\ignillon ct ctltltLt- lcS mCSru'cS qtlc ce Sotlvcrllctlt' avait StiS:3'tirt:es atr conscil cl'tat. Imurixtion iltgale clcs cottllnis:;ail'cs rovatx clans lcs lilclions municipalcs et provincialcs ct claus le clroix des rpar'titc'trls ct collectcurs provinciilux, pcrcelrtion arltitrajrc d'!lnpts nott vots par lcs tats et tton cnreg'istrs au parlctrcnt, dilapidal.iolls' collstrpctions ths{ucuses elttrcpl'iscs daus lcs villos aux cli'pells d{' lil
plovinCr,. endette, pcndant quc les clllpSllcs sont ci'ls(rcs sous le poirls des cort'es I et qu'on viole, cct gard, tops lcs cnga-

gcmcnts pris cntre lcs lXtats ct les conlnissaircs rovalix : tcls sotlt l. Il avait dtrbut dals
sfl,

carrire rle coul'tisan par stcrifier

madame de La Tourrrelle, depuis duchesse tle Chteaurotlx.

^o

,o, a* maitressq

!, ,, fT1 malherl'enx c()rr\olJenr, qui paie qrrerlnte sotts tle crpitatirln, ct qui rr':r pour vivreqtre ce qrr'il peut gft!{ner clatrs la j,rurnc.scl' tc})utl'euttcterrir envit'ott sili toises cle chernirr, entleticn vllu neuf lirr-e:i chaque arttt,l'e. * l)e lilus, ott le tlr,nsll[err. /rt.rloriquer t. CLVUT portit cl'11e route sur une autre, Ioin de chez lui, etc.
p.632-ti{7.

LOUIS XV. u ?651 principaux gricfs articuls. Lc fontl de toutes ces remontranccs, dc quelque part qu'ellcs vie'nnent, cst invarial_rlernent le rnme; c'cst Ie rvcil de ce sentinrent cle justice qui ne veut pas qu'un peuple soit soumis des chargcs qu'il n'a point librement consenties. Le droit philosophigue rveille ici le droit traditionnel. choiscul n'aimait pas d'Aiguillon, qu'il regardait comme un aspirant au rninistre : il I'ctrt volontiers sacrifi; mais cloisepl
238

Ies

loi reprscntaicnt Louis la cause de d'Aiguillon comine tant cclle de I'autorit royale. Les Bretons n'obtinrent ricn. Le llarlemerrt de Rennes suspendit son service. Le roi le manda en corps \Icrsailles et lui signifia de reprendre pralablement ses fonctions avant qu'il frit rponclu scs remonlrances. Le parlcrnent de Rennes dmissionna en grande'rajorit
les farniliers tlu

n'tait pas tout-puissant, et d'Aiguilon tait fortement appuy. ce n'tait pas Ie dauphin qui pouvait grand'chose pour lui; rnais

(mai

1705 ).

Le parlernent dc Pau en fit autant, le mme mois, par suite de qucrclics aycc son premier prsident, livr la cour. IJn prd,si-

dcnt

cntir'e s'ruut

ct trois conscillcrs furcnt arrts pau. L,,a magistrature : les cours supr.ieurcs protcstrent I'envi. pcn-

danL ce tcmps, lc pallcrucnt de Paris s'eugageait clans une qucrclle avcc le clcrg, qui, dans son assemllle prioclique, vcrrait de nranifester ses rcgrets tlc I'cxpulsion des jsuites et de transgresscr la lot dw silence en revcnan[ sur l'ternelle question de la

Lrulle angentws. Le parleurcnt cassa les actes de I'assernble du clerg de 1705, ct mrne, rtrospectivernent,les actes cle I?60 et
saicrrt ces assemblcs de s'occupr, sans la pcmrission clu roi, d'autre chose que des intrts conorniqties du cterg. Le conseil
cassa i'arrl du parlemcnt : le clerg avai{, accorc] 12 rriillions de don glatuit au roi. Lcs acfes de I'asseurble du clerg furcnt envoys dans tous lcs couvcnts d'honunes et de femmes, pour lcs faire souscrire. Le conseil linit pal- renouveler Ia |oi clw silettce et par voquer au roi tout ce qui regardait lcs actes cles assembles du cicrg. La ferrnentation continuait en l]retagne, oir le dbat tait rle-

l-t62, cornrrre contraires aux lois du royaume, Qui intertli-

yenu une sorte de duel entre L,a Chalotais et rl'Aiguillon, I'un

lr765l

I] IGUILLON BT LA CIIALOTATS.

219

reprsentant le despotisrne et le jsuitisme, I'autrc ['csprit philoso-

phique et I'esprit parlcmentaire accidentellement coaliss. La


Chalotais taitvenu plusieurs fois Versailles pour tcher d'abattre son cnnemi; celui-ci, ou ses acllrrents, ne se contentrent pas d'avoir rsist avec succs auprs du roi et s'efforcrent dc perdre l'nergique procureur-gnral. Dcs parnphlets, dcs satircs , des crits la rnain, symptrnes ordinaircs des momcnts agits, dans les pays oir la presse n'est pas libre, circulaicnt en Bretagne, et de Bretagne Yersailles : dcux lettrcs anonyrnes, crites dans les

tennes les rnoins respectueux, fur.cnt adresscs au roi en llersonne. L-dessus, colre de Louis XY; tlouble dans le cabinet. Les lettrcs sont rcmises au comte de Saint-Florentin pour en recherchcr I'au{,cur. Saint-Florcntin tait ce rntliocre et mprisable secrtrirc cl'tat tapi , dcpuis quarante ans, dans le coin du rninistre oit s'cxpdiaient lcs lettres de cnchct et lcs ordres de pcrscution contre les protestlnts. II tait, comme Richelicu, I'oncle de d'Aiguillon. Quelques jours aprs, Saint-t'lorentin dclare au roi qu'un jcune matrc tles requtes, M. de calonne, rccnnu l'criture de La chalotais. Louis xv prend feu, sans r{Ichir quel point il cst invraisenrhlable qu'un procureurLgnral, cn correspondance ayec la chancclleric, avec les
rttinistres, avcc tout ce Qu'il 1' a de considrable Ycrsaillcs et Paris, ait crit cles lcttrcs anon)'lncs au roi sans dguiser son crilure. 0n veut (rtalilir, I'Arscnal, unc cornnrission extraordinaire porlr jugcr le coupable ct ses colnplices, car lcs lettrcs anonl'nrcs ne sont ddj plus qu'un incidcnt d'un vaste complot contre I'autorit royale : on rccule toutcfois dcyant le parlement de paris; la conlnrission est nourinc et dissoute dans les vingt-quatre lteures,
c[ la Totimclle criminelle est saisic rgulireurent de I'instruclion (18 juillet 1765).

L'affirire trane, rnais sans s'assoupir. Aprs bien dcs clbats sur

lc parti prenclrc, le roi se di'cide : le 1l novembre, La Clralotais, son fils et trois consgillers, dont deux clu nom de Charette,
sont aruts Rcnnes; les mernbrcs dmissionnaires du parlerncnt dc Rennes sont somms de reprendre leurs.fonctions porlr iuger leurs confrt\rcs. Ils refusent : on s'y attcndait; unc comuission clu conseil d'tat est expdie Renncs, afin de suivre le

2i0

LOLis xv,

lr 76ii-1766j

procs la place clu parlemcnt. Lc dnoncirteur calonnc acccptr: I'curploi clc procurcr-rr-gnral dans la conrmission ! te jcune Ironrure, plein d'cspril., d'auilace et d'inrrnoralitd., tait rsoru tout pour parvenir. Lcs lcttrcs anonymes ne sufTisaii.nt pas au ltut que se proposaicnt les par-tisans du despotisrne et lcs vcngcurs des isuites. Calonne fait enlever lcs corrcspondanccs intirncs de La Chalotais, cle son {ils, de scs arnis, et, seconcl itar uu autre rnatlc des rcrlutes, Lcnoir, depuis lieutenant-gni.r'al de poiice, il chafaudo, sur ces col'respondances, un acte d'accusation o le concert patcnt tles prrlcrnents pour la di'ferrse dc lcurs

communs principcs est trans{bt'ruri cn une esltce dc ccnslliration ayant pour clref La Ciralotais: l'union rnnag6e llu cc procnrcur'gnral entrc son pallc'utent ct lcs litats clc Rretagnc csf lc coutmcnccnrent d'une sdition prlralaut une r'volution dans le royaurne, d'aprs lcs principes du Contrat social,, cit ct cornrncnt dans lcs lettres de La Chalotais. Dc l, un clat et un scandale iurmenses : au l-rruit clue l'chafttucl i'a sc tlrcsscl pour 1c couragcux procureur'-gnirral rle Reuucs, Ia llt'ance crttit'e sc clclranc contre {)alonne, coutre d',tiguilloir, coirtrc ccux dcs rnirristrcs qui lcur pr'tcnt apliui. 'Ious lcs parletuettls renouvcllcnt leurs dirmonsirations mcnaantcs. Choist'ul, iusque-lir r'scrv ct ncutrc en i4)parcnce, rL.pl'i'scntc avcc I'orcc arr roi I'invraisr.mlllance ou I'cragr'alion dcs accusations, lc dangcr' tle laisser acc:rditcr, prs cl'un llul-rlic errclin allr nou\'ctuts, l;r croyance que dcs hotnmcs tcls cJue I.,a Clialotais ct scs lrlinciiliru-.\ collgues dcs paricrncnls jugcrrt lcs doctriues dc J.-J. Roussrgilll aplilicablcs. D'Aigui llon, lui-lnnre s'cffraic, ciran gc dc lrattclies, vcrrt rcjetcr t<-rut I'odicur dc I'uflairc sur' Calonne. La plupalt cles mcnrJrles de la comtnission se l'cnsctttt : la cornmission rst clissoutc, et le procs renvoy par-de vurrt Ie purlcrncnt dc l-.cnncs rtubli, c'est--dirc par'-clcvant la rninolil uon dmissioru.l'-rirc, grossie dc queiqucs dfectionnaires qui retirent leuls clruissiorrs L I-a corrtnrission avtjt pourtant fait une chose utilc : cllrr avait ju': deu:l .'ent trcrrtc eirrq lLccuss que firisuit langrLir rlarrs les prisons tle Rcltics l'.r strslen:iorr tlc Iajusticc. Les dtrrils sinistres que dourrctrt ii ci:t t3g:iiri les ]Iimuires tle d';\.iguillori (p. 21t font rc.;sor.tir les consiquerces de cette intt'rruptiou du serl'ice ju'lieiairc, qui tait derenue I'arnre habituelie des pnrleutents.

zttl et de nouvcux conscillers crs par lc roi. Le parlcment de paris recolllnlcnce scs remonlranccs en faveur du vai, parlenicnt dc Rennes, et les accuss dclincnt la comptcnce du parlement, d,Aigu,illon.

il

7651

IIOIiT DU DUPt]tN.

nrilicu rl'unc socit nouvcllc, deruit lcl.ombcl par clcux fois aycc lcs tlcrrr autres fr.r.cs. IJn clair dc sensibilit sernbla passcr chez Lo'is xv : a pa*vre Fralce! s'ci'ia-t-il; urr roi dc cirrrluanr,c-cinc1 ans cI un c]nuphin
It" df
suitr-' dc urtdnrne
,\ | l.

appcl iiu [r'rre, disait-il, ct que I'liglise lre conr]rande d.en dcscendre,.i'en clescenclrai. > [Jn tel |r.incc se {f.t bicn vitc liris clans une raction lurpcssible contrc I'cspr.it tlu sicle r. II laissait trois {lls ct rlctrx fillcs, Les trois {ils taient destin.s toLrs trois ii lroltcl la couronnc : ils furcnt Louis xvl, Louis xyIII ct clir''les K. L'iln devait pi'r'ir cr.as sotis lcs dbr.is dc I'ancicn r'ginre: la rol,aut trriditionne!!c, un momcnt rclcr,c au

du duc de Bourgognc. La gucrre ou lcs affaircs eussent raviv ct aux passions qui gouver_ nent la plupart dcs hommcs; nrais Ia jalouse cld,fiance cle son pre lui intcrdisait tout crnploi sr.ieux cle son activit. L'ennui le consumait. Llnc maladie de poitrinc, occasionn(.e par une impru_ tlcnce, aggravc par la ngligcncc ri'un honlme q,ii n* tcnait pas la vie, I'emporta apr.s 'olontair.c quelqucs mois de langueur. Il y eut co'rne un cho dcs regrcts qui avaie.nt jaclis environn la tombe du d'c dc Bourgogne, ct lcs rnc\mcs illLrsions sc rcproclui_ sircnt. Plus d'une voix s'cria, dans lcs oragcs de gg : AIt,l si Ie r"lattplt'itt aua[t utcw! probabre que, si lc clauphin avait - Il cst il et acccTlr plutt quc dissip les orgcs. Son cur tait 'Licrr, pur ct sincr)re, rnais il placait mal sa confiance. Lcs La arrguyon et k's d'Aigrrillon, ou d'aut'cs pc.s0rngcs serrrblables, cLrssent t poru' lrri de fcheux conscilk:r's, et I'on pcut croire qrr'il et sulri avcugliurent I'influence dc Ronre ct du clcrg. a si jc suis
cette rne indiffr'cnte aux praisirs

La violence dcs passions avait t un moment calme, ou du rnoins suspendue, pr un triste r'ncment. Le clauphin, Louis cle tr'rance, tait mort le z0 dcenrbre 176b, trcnte-six ans. c'i,tait un caractr'c mlancolique, qui tenait Ia fcris de Louis xIII et

mnirtt,lrr m^rquis d'.\i'g.'so:r, p. tig,- r\otice de snac d.e Ileilhan, la


clu lJausset,

p. lUJ.

{s

2l*2

LOUIS XV.

[1?66-i,7S7 j

de onze ! > La peur dc la rnort I'avait saisi en voyant mourir son fils. Il lit son testaurent: il rforrna, sinon scs murst au rnoins le scandale de scs rnurs; il se rapprocha de sa farnillc. Un homrne aussi {grad ne pouvait gure que changcr dc vicc, ct les

gcns clairs commenaicnt craindre qu'au rgnc de la dbanche ne succdt cclui d'une basse et tyrannique l-rigotcrie. tlais les vellits de rforme n'allrcnt pas loin chcz Louis XY, et la rnort de la vcuve de son fils, de la darrphirte lfarie-Thrse de
Saxe, pcrsonne airnalrle ct scnstle, qui avait plis quelquc sccndantsur lui, contribua le rcndre scs haltitudcs (ntars 1707). Cette rnort rvcilla les liruits de poison qu'on avait rd'pandus sourdcurcnt lors de la pcrte du d;ruphiu, et la cotcrie dc d'Aiguillon, de Ia Yauguvon, des jsuitcs, qui avaiI esprC' se servir de la dauphinc depuis la mort de son mari, ne craignit pas de propager d'odicuses calonrnics contre le duc de Choiseul. 0n infccta de ccs infiiines sonpons i'esprit du nouvcau daulthin, dcpuis Louis XVI, et I'on parvint ainsi I'alincr irrvocablerncnt du seul rnirtistre

qui erit firit quclques clforts intelligcnts pour susilcudrc la honteuse dd'cadcncc de la tnonarchie durant la dernire priodc de
Louis XV. Louis XV, cepcndant, avait paru vottloir prouver au public que la pcrte dc son fils n'affaiblirait point la pttissauce rol alc. Ii avait rpondu avec clat aux retuontranccs inccssantcs drs cours dc

justice et aux hardis erposs dc principcs qu'elles talaicrtt I'envi dcpuis quclques annes. Le 3 mals 166, ii signifia, en lit
de justice, au parleruent dc Parls, qtle ce qui s'tait pass Renttcs

et Pau ne t'cgardait pas les autres parlcmcnts. La haranguc royale, luc par un conseillcr d'Iitat , gourl]landait, cn tr:t'rnes lltcrs, I'indccnce et Ja ttnrit dcs rcttlontt'ances conrbines
par lcsqucllcs se tnanifcstait ce pentici,cr.r'n systi:mc tl'utiti: que le roi avait dj proscrit. < Jc ne soufflirai pas, disail le tronarque, r1u'il se fonnc dans rnon ro)'atltrtc une association de rsistancc... ni t1u'il s'introduise dans la urontrchie un corps irrraginaire qui llc pourrait qu'cu trouJrlcr I'itarnronic. r Lcs tnaxitues des par{enrcnts, rtlsurncs en pctr de lignes, tnicnt condatttntics colnlne rles nouveauts, qtre clinrcnt,atcnt I'iustil.ulion dc la magistrattrre ct les vraics lois fondatnentalcs de I'lltat. Lc roi, sou tout', erpo-

< Dn ma per_ sonlle scule r'side la puissance souveraine, d,ottt tre caratrre propre est l'esprit, de conseil, rle justcc

LB IOI ET IBS PAILBS|ENTS. sait, dc son point cre vue, ces lois foncrame'rares.

[{760]

ZtLg

tient

lc

, aont on ose fair"e un corps spar clu nronarque, sont ncessairenrerrt unis aycc lcs miens et ne reposcnt qu,en nrcs rnairrs. > Il concluait
n

I'o.dre pubr.ic tout entier mane crc rnoi; rron frupt. n,cst qu,un a'cc uroi, et res droits ct lcs intrts crc la nuiion

et de raisLn; amoi scur appar_ pouvoir lgislatifj sarrs crpcncra'ce et sans pa.tage...

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iJ

le r'duirait Ia triste nccssit d,enrproyer tout le pouvoir qu'il avait rcu cre Dieu pr.server ,rs p.npt.s des suitcs funcstcs clc tclles cntrepriscs. Lcs lois fondaurentales selon le roi u,raient ni plus ni moi's irnag'i'aircs quc Ics rois foncra'icrtalcs seron le parlcnrcnt; urais cctte tborie de droit crivin et cle rnl,stique inruiilirririt royale, cettc langue cre Louis xIV ct rrc B,ssult prroe fo. r. ,'oi rr, parcau'r'cerfs, durent letcntir aux or.ciil.s crcs tronrrr.a cru xr.rrr. sicle collutc une ironique paroclie cles ternps couls.
I

spectaclc scanrrureux cl'une conrr.cliction r.ivare crc sa puissance souve.'ine

J,ii,:l,iT';,ii'J,iil;: i', ff .r:l;

rcs par{crnents osaient le tiirc, rrrais Dic, scur. Les autrcs pr:r'lenrents crcs a,nronitions sein'larrles. 'ecurent Lc parlc'rcnt cre paris crd'cida, narruroins , lc 1g rnars, quc res officiers du prrllernent dc Renncs, accuss, seraic't conscrvs cn leur honncur ct rp'tar.ion, tani qLre reur p'ocs ne Ieur aurait pas tii fait par jugcs cor,ptents. Le 20, ii arrrita cle nou'cilcs
<r qu,au roi se,l appa'ticnt ra pirissarlce sourcrainc; qu,il ll,est cornptabre qu' Dieu... que lc ricn qui unit re roi la cst i'rlissorublc par sa naturc; que rc pouvoir lgislatif 'ation rsicre saus Partage cra's la person'e du souverain. ) Ir serlbrait que ce ft l rras Ics.arrncs; ct ccPenclant Ic parlcnrent, 'rctlrc s,ir arra'cronnait Ic crroit philosoilhique et ttational, n'ahAndorurai[ rien cle ses pr.tentions

lenr0rt dc Rouerr, rnandcr)0Llr entcnrh,c garcurcnt annulcr,eux dc scs arrtds, ir dit qu'il avait prt sernrc't, non poi't ra ratiou, colllurc

Le roi lit .a5'gr" sur res rcgisr.r'cs un a'.r. du parrenrc't, I fivricr, sur lcs affaires dc -Brctagn.. r\

du

unc crp'tation du par-

'emontrances'

tnais .econnut, co'rr rtc tnarintcs ittuiorablcs,

'2&lL

LOUIS

X V.

[,]

?riri-t 76?]

proprcs et mnintenait, par un long et strl,rtil comntentait'c, son droit clc rsistcr au roi tu nom clu roi ct dans l'intrt du roi, d'opposcr cn qllcltlue sol'l,e la volorlt accidentelle ct Variable dc I'hornnre la volont pertnallente de I'institution, de I'abstrac-

tion rcr;'alc.

un avantagc pour la cour d'aYoir fait confcsscr Paris lcs priucipcs du dloit monat'chi(lue en de par le Pa|lcurcnt prscnc,, clcs thorics tlmocratiqucs qui se rpandaient d;rns le
C'd:tait toutcfois

mondc; tuitis cct avantilge ne dcitlait t'icn. Quclqucs lnois


brctons,.quc lc porlcmcnt d'Aigttil,lon n'osait

se

passrcut sarts accidents cligncs de t'cmitl'que. Le 22 novetnbre, le roi sc dcida voclucr sa pclsonnc le procs dcs magistrats

ni

condantncr tti

absoutl r.c. Le 21 dceurbre, dcs lcttrcs patcntcs dclarercnt tcirrtc's

e[ assorrlrics toutcs poursuitcs ct p|tlcdures rclatives ccttt: I affairc, lc lci ne voulunt pas, tait-il dit, o trouvcr dc coupablcs' sai[tes' exils tnais La Clrill0lais ct scs coaccuss furent trgis, L-clcssus, nouvelles rcpt'sctrtations tlu parlcnlcnt dc Paris, des" qu'On IIe Ault'cs ltat'lctltcntsr, des Etats tlc Dlctaglle' dclntntlaut [it]lcs, magistrats sur dcs soupon de t'cste un laissc lioirrt plitncr Lc roi sicgcs. lcut's sur rtablissc lcs qu'on lcs r',i1,1t,rlle, 11u'on qu'il I tnais colllprol]ris, ( pas r:pondit que lcur honncur n'lait Lc.s grccs' nc lcttr t'ctrtlt'itit jarnais sa cotrfinnce tri Scs bonues trouves dur.cs r,['r,if s (lue contcruticnI cct'taitrcs dcs lctt|cs dans lc sccr,tilirc clc La Chulotis ilvaicut pitluir au vif Louis X\r. Les urag'istrirts cxils continurcnt tk:ttlrtrtdcr justicc et non grrice. I.a trctirgne contintta de s'agitcr. Lc Ttar|emcn[ d'Aigu'il'lon (rtait cn l.rutte I'hostilit et au rtt1,ris tle la granile mnjorit du fct'tttetrp&ys. Dcs provocalions, Ccs rircs, dcs dLrcls, attcsttlicnt la
iatiorr ;rtrl-rlirltre. Lc s'cfforlrit cn

d'elii'aycr les rrrlcs lcttres cle caclrct' L'eslspr'ation fut 'ottvoir coutcttls ctr lllrrllipliant Ia poltc au cotttltl* pot I'anttonce cl'tln gt'rtntl rglcmcnt que dortncr de a{iu lh'ctaguc, dc Etats aux cour' ltlitenditit irriposcl dc loi ta plupart dcs iunoval.ions albitlaircs quc s'tait
forcc
ttu de "tls '11'1"f'5 ful e:t'i$e 1. I,e prlernent rle Borr'lelrrx se signlrla pat son ne|gie. h litrcrt persottrrelle du par le rorrse,l, P'r11 avoir ttrltte, " "u'-tnt une poltioii ile sci'ail tlc>tructif tle toute lilo!-rarrcti" t,t rlc srr pltrpr.i,t, cles s;'rl,utes dont I'ei*'et Uetcn't'e /rrslolfque, t' CI-XUIi p' 5?2' ffr;il.
natclrie
12 octuLrre

vai'

'

qu'il fall'it faire une c'ncession pour en obr,enir une aut.c. Les Etats cle Brctagne furcnt convoqud's en session extrao.dinirire (fvrier li6s), et Ie roi donna comr'ission pour rcs renir urr duc ct pair et un conseiiler cl'tat la ;lrace e d,Aiguiilon cr de I'irfcnclant de Drefagnc, Flcsseilcsr, aussi irnpopuririrc qrc Ie gouvcrncur. satisfaits quant aux personncs,
accucilli d'ahord avcc tant de colre et en aclrnirent au m.ins une partie- A la r'rit, ils clcmanclrent torrjours justice pou. La chalotais ct i.sistrcnt opiritrment ,u. lo rtablisser'cnt du

coN c DSSIONS. 2&5 permises lc duc d'Aiguillon. C6oiscul saisit avec habilet le momcnt d'intcrvenir dcrcclrcf auprs du roi et lui fTt cor'p.cnd*,

[r 768-1?69.j

sur Ies principes. IIs rliscutrcnt paisiblenrcnt cc

lcs Etats transigrent

r.gtcrnent

jarnais corrsc''"ir au

parlentcnt dc Rennes fut rtabli cn juillct 170g, non pas intd,g.ralernent toutcfois, car Louis x\r, fidre sa rancure, ne vourut

de Renncs, tcl qu'il tait avant les cl'rissiors cle mai 1765. La position de c|Aiguiilon n'tait lrlus tr:nur.rrc: il se d'rit de son gouvcrncurent ct revint s'tar_rrir la cour, o, bicn accucilli de Louis xv ct pour'u c|un comrnandcrncnt crans lcs t.oulrcs de ra nraison cru roi, ir ne s''gcr prus qu, se ycngcr dc Olroiscul par tous lcs moyens. Le roi fnit pnr crrer rle'ant l'obstination brctonne.
Le urai de La charotais. Lc parrcrncnt

pat'lctncnt

pour six ans dc divcrs crr'oits faisant par.tic

la J*ir avaicnt ti: r'iorcs cn r?6i: r.s l,ro,ncsscs trc rTtij et de l7tlr turcnt viorcs en 1767. L'tarrrisscnrcnt de dcur vcaux sous p(Jur livre srrr lcs droits clcs 'ou_ |crrncs,la pr.'r.'girtiorl
crcs

all*icrrt toLrjour's s'flggr'r,ant. Les pru'rcsscs royarcs arrtr.ic*r.cs

Ycrsaillcs, ce qui finit par a*encr ra c'isc dcisivc de lo long.ue gucrrc cntrc ra'torit alrsorue et la 'ragisr.irturc. Drrr.rrt ccs pri'tics, rcs e'rba'ras fi.ancicrsr Q.i avaicnt t Ia p'errrir'e occusion dcs Ieves de rrouclicrs'1.,,,rrc,,,*,,rairos,

Rcnncs ne se contcnt*'appcr pas de cette incornllrr.c r|arario. ct pr_ tenclit vcngcr scs arris ct poursuivrc scs .nn.,rli, jrrsrlrrc

de

crans

la p'orogrrr.ion drr scconrr vingti're poLrr dcux, puis 1lour. tr.ois ans, ccllc
tles dons gratuits rlcs villcs e[ cl'autrcs

fc.'cs

g'cr.arcs,

i'rpts

cllcol.e

de paris, en l7gg, et massacr le jour rre la prise de ra Bastille' Les uorns tragiqucs cle la livr.rlutir.rn c,mme^cent retcutir da's l.histoire.

1' Prvtdcs marchanrls

2&6

touls xv.

Lt7 $7 -17 651

(janvicr-juin 176?), provoqur\ren[ des t'ctnontrances ritrcs et


inefficaces chez les parlenrents, les collrs des aides et les cltaurbres

des cornptes. Laverdi avait t submerg par le dsordle qu'il avait eu un nromcnt la prtention de rcfouler. La cornlrtabilit

tait anantic : toute vrification tait inrpossil-rle; il y eut tels cornptcs du'lrsor qui ne furcnt tablis que dix, douze ou mme quinze ans aprs I'cxpiration de I'exercice dont ils devaient retraccr les oprations ! Lavcrdi s'tait dconsidr

par son extrrne insuf{isance e[ rendu oclicux au public ct suspcct Choiscul par I'appui qu'il avait prt au duc cl'Aiguillon dans les affaires de Bretagne, sc
retournnnt ainsi contrc lcs parlcments, des rangs tlesqucls il tait sorti. Choiseul parvint le firire t'eutplacer lltr un hotntne lui, le conseillcr rl'tat l{ainon d'Invatr (21 scptembre 1768). Laverdi laissait la dette augmente cle 115 millions depuis la paix: Ia caisse d'amortissement n'lait clu'nn leurre, ctr on erirprurttait bien plus qu on n'arnortissait. En janvicr 17t9, les anticipations sur les revcnus allaicnt 32 rnillions et dcmi. 1\[. d'Invau ne dbuta point heuleusement au contrlc-gnral. Ses expdicnts, tout semblables ccux tle son prdcesscur, ttnt repousss par le parlerncnt de Paris, qui se repentait d'avoir enregistr lcs dits bursanx de 1767,la cour en rer,int un lit de justice ds lc ll janvier 1769 :lcs dits irnposs par le roi prorogeaient encore le second vingtiure jusqu'en juillet l-t72 et divers droits sur les consomrnations jusquen 1788, craient 4 rnillions de rentcs viagrcs et bouleversaient, par des cornhinaisons nouvellcs ct peu quitables, les engagenrents contracts en clcernbre 1764 pour le rembourscrnent des dettes arrircs. Le prcrnier prsident d'Aligre adressa au roi un trs-bon discours contre lcs dits; il concluait en af{ilurant que les dcux grands rcurdcs , cn matire de finances, taicnt la rduction des dpcnscs et la sinrpli{ication de la percelltionr. Plusieurs pallernents de province

l. Il rsume fort bien la marche financire du gouvertrement : . Les emprunts et les imyrts sorrt dc'vcnus, depuis nomLrre d'annes, la source et le supplment les uns des irutres... Faute d'un assignat srrftisarrt ds le mt'tnent de leur cration, ils devierrnerrt, I'richance de la premir'e anrre, le germe d'un inrpt ncessaire, e I'impt, qrri rre su{Iit pas, est bierrtt souterru tl'un empturrt qui anrrorrce un nouvel lmpt pour I'anne suivarrte. " ll[erc. htstorique, t. CLLVI, p. 1?9-1t38.

u7691

FTNA NCES.

2&7

dpassrent en vigueur lc parleurent de Paris : cclui de Grenoble et d'autres encore tlfcndireut la pcrccption tlu second vingtime

et luttrent coups d'arrts contre le conscil. Le contrlcur-gnral n'erit pas micux demancl que dc sniyre I'avis du premier pr'sitlcnt d'Aligre. Il essaya d'un rnoyen tcrme. Il prsenta au conscil un plan de rduction des dpenscs, avec sttppression de beaucoup d'officcs de llnances, continuation des

deux vingtimes pour dix ans et crcrution tl'une loterie cte 100 millions, o I'on recevrait moiti argent, moiti effcts roJraux au

fut rcjet. il. d'Invau agit en hornme rl'honncur : il donna sa drnission et refusa la pension d'ancien ministre, qu'il n'avait pas gagne, dit-il. sur la recornrnandation du chancelier de n{aupeou, ancien premier prsident du pallernent cle palis, appel depuis un an la chancellcrie, le roi nomma au contrlegnr'al un homrne qu'on lui avait reprsent comme aussi hardi que laboricux et que fertile en ressourccs : c'tait I'abb Terrai, parlenrentaire ainsi que Laverdi et que Iaupeou, mais, de nrme que ce dernier, mal vu autrefois dans sa compagnie cause cle ses complaisirnces pour la cour, ct rclev tlans I'opinion depuis I'affuire
Le plan
des jsuites (23 dcembre 1709).

cours dc la place, ct ou lcs lots consisteraicnt en rentcs viagrcs.

Avant d'cntarner le rcit dcs gravcs vnemcnts intcqr.ieurs qui suivircnt I'avnemcnt de ce nouveau ministre dcs finances ct qui rernplircnt le rcste du rgnc de Louis xv, il faut jeter un coup d'il au dchors ct suivre travcrs I'Europe la politique de choiseul. De grandcs catastrophcs se prparaicnt hors cle Frauce
comme cn France. La pcnse constante dc choiscul, il cst juste cl'cn tenir compte sa urnoire, tait rle rclever la Irrance du trait de 1703. Rtablir, rorganiser scs forces de tcrre ct de mer, Ia mettre en tat de prentlre un jour sr rcvrnchc; en attendant, lui procurcr quelqucs ddornmagcmcnts de scs pellcs, sans clonner ljeu

un rcnouvcllcment prmatur de la guerre; fortificr, resser-

avait corit si chcr, tait in{iniment moins sfire que I'autrel appuycr donc ses principales cspranccs de concours sur I'Es-

rer le systrne dcs allianccs de la France, sns sc dissirrruler que, de ses dcux allics, I'Autriche ct l'lispagne, la prernire, qui

2&8

Iouls

x\r.

fl 7C2-t7o3l

pagne et I'eneottragcr avce la pltrs vive sollicitudc dans la voie de progrs o la poussaicnt lcs conscillcrs de Clrar'lcs III; enfin, surveillcr et tchcr d'agg'ravcr lcs ctttltarras quc conltrienqait d' pro uver I'Angletert'e, a{in dc la clI o urner de I'action cxttit'icure : taient les ides qui dirig'rent la conduite de (lhtriscul aprs

tellcs

la plix dc Paris. Nous vcrrons tout I'lte ul'c qtrclle I'ut h I'uncste lacune dc son plan cliplornatiquc; lrrais la prcrrrir'e partic de scs pro.ictsn le rtablissetncnt des tbrccs dc la I't'itnce, fut cxi'cttte, auttnt qu'il d;renclit de ltti, avcc l,'eaucoup dc l'igucur e[ tl'intelligence. L'aecusalion de dissiper les {inrnccs, souvcnt lcr'e contre Choiseul, tait injuste. (lc tninistre, si fastuctrx ct si pctt uruagcr judicicux des d,e sa propre fortuttt, fit lc plus sottvcut un ernploi dcnir:rs rlc I'Etat. Cc n'cst point pur lcs d(:1rat'tcructtts rttiuist('r'icls qui rtlevaient dc lui, ce n'cst llas nttnc, priucilutlcructlt, p;tr les acqui,ts cle contptant dc Lotris XV ct prr les gaspillngcs de la cour que les finattccs alltricnt la banqLlcroutc ; la grarrdo catlse

de ruine n'tait pas, notls i'avons dit nlaintcs fois,lc clrilli'c tle I'irnpt qui cntlait au Trsor, nrais le chiffre dc ce qrti s'cxtorquait en dcLors clu'fri'sor, ct le rgirne tle privilelgcs c[ d'abus qui pesait tous les ,trr:grs sur la socit ct qui tait devenu' pour ainsi dire, la socit
ttrtne"

0ua1t Choiseul, il avait diminu considr'al,rlcrncnt Ics dclpcnses dcs atltrires tralgr'cs, en rcluisant ou cn supJirrnralt [a plultart des sullsicles pcrtnanents que Ia Francc avait coutLtllle tle paycrr, ilepuis lc sicle prcderrt, la Strdc' ilux princes tl'Allctttagnen la St:issc, pal'lbis aLl Dilnclltat'lt, sttbsidcs fort onrcux ct d'ttne trs-fail-rle utilit : lc scttl sct"vice qtre notls ct rendu jusqu'alors I'alliirnce autt'iulricntte tait d'avoit' lircilil. cctte cottottrie, qu'un hornrne vels tlans I'actministlation a value 20 urillions par an t.
Les affirires de la gtterre , $rrtout, fttrent trs-bicn conduitcs par Ctroiscul. Il avaiI sotttenu lcs dcrrlircs annes dc la gtlct're de Sept Ans avcc 60 rnillions llar an tlc tttoins -quc son prdccsseur, le ntar'chal de llcllc-lslc, qui avait c)iig jusqu' 180 tuil-

l.

Suac de l\Ieilhan,

la suite de nradamc

clrr

Tlau'set,

p'

187'

u ?r2l

N]'}'OR MBS DE CIIOISBUL.

219

lions. Aussitt la paix assure, il rcnritles clpcnses ct I'cffectiflde I'arttrc pcrr pr's sur le rnrne I-'iecl qu'lvant la guel't.e (l'ellctif
ccnt cinqrrante dcux rnillc scpt ccnt cinquantr'-huit lronuncs, la tlPcnse ii 70 rrrillious cnr,iron) urais il accornplit cn nrurc tcurps, sails rugurcnter les charges, une r['forrne rnilitilir.e dc la

lllus granrlc pot't(rc. La cornposition de I'arrne tait cxtr.rnenrcnt irrgulir'c : lcs diycrs corl)s d'une urrrre arme cliffi'raicnt cntrc eux par le nornbre de bataillons, d'cscatlrons, cle cornpagrries, ce qui rcndait I'insl.ruction tr's-dil'ficile ct lcs man(xrrvrcs tl'cnscrnble imllossilrlcs; lcs cr'ations de corps s'tuitrnt, faites au lrlsurcl; lcs liccncicurcnts, dc nrrne. L'unifonriit de cornposil,ion fut l)r.csque
cornlrli'tcrrrcnt taLrlic; lcs caclrcs furent fixs cl'une urilnir'e in-

varill,rle, cn sorte quc I'on n'cut plus dsonnais, selon lcs circonstanccs, qu'ii augrnentcr ou diminuer le nonilrre dcs solclats de chatFrc rr"girnent, nrais non plus cr'cr ou rforrricr rlcs rgimcnts. L'arnrc acquit lrar l unc consistancc, unc solielit qrr'elle n'avait .iarnais ettc. Lcs colonels pertlilcnt Ia nominatiorr de leurs sullorclottns ct furent astrcints comrnanclcr eux-rurrres lcurs rg'irncnts en tout tcrnlrs; lc rccrLrtcrncnt clcs courpagnies flut retir des rnains tlcs capitlincs, qui cessr.enl. lc trist.e rle de tratquants d'lrornrncs. Les cngagcnrents furcnt ports buiI arrs, au licu tle six ; apr's un eng,agcrncnt rcnrruvel, ou scizc ans rlc scrvice, lc soldat cut droit clcnri-solcle en se rctirant; apr.s vir:gtquatrc ans, dloit la solrle cntir'c, ou ilux Invalidcs. [)es clrrrps de rrrirnu\.rcs frrrcnl. rd'unis de tcrnps autlc porlr cxl:rcer lcs troupcs ct les of'ficicls grrr'aur, {ui cn avaicnt plus bcsoirr encol'c qrrc lcs r3girncntsr. Lcs oltlonnanccs dc 1?6? 11.p,rr.r.cnt la nouyclle arrnc qrri dcvail vcrrg'cr lcs afl'r.onts de la gucrre de Sclrt Arrs, I'annc non-sculeurcnt de la guerre d'Anrriclue , rnais
dc la Ri:vclution.

Ln rnarinc rcclamait une rforme peut-tre plus prcfondc encore. Un grarld notttbrc dcs o{ticicrs clui s'taient si rual ccrntluits
les lIntoire,; rie Uhriseul, que tt'errtret..rraiL rle rntlecirrs t,t de clrirtrrgicns rilrrs les hirlritlux milrtaires que deuuis l?59. Jusrlrrc-l les rrrrlecins n'uvaierrt point eu rle grrge,s, et le.; clr,rrrrgtetrs avaient te pals par les eutr'eprsrreurs chargs d.u seryice des

p. ltl{.

1. l[moirts de choiseul, t. Iut, p. ?7-tri0.

l':ttltttltrrstr;rttott

tJrd()rtatu'es de dtett,bre 17b2.

Orr

lournal rlu rgne de - vrrt, tltrrrs

Lous

,lrr, t. II,

hpitaux.

280

LOUIS XV.

II

763-t ?701

furcnt mis la t'etraite. La hureaucratie fut rduite, et les appointements tles officiers de marine furent augnrentS' comme I'avaicnt t ceux cles ofticiers de I'arttte de tcrre. Choiseul voulait aller beaucoup plus toin : il projetait de supprirner le corps privilgi des gardes de la marine, exciusivement cornposs de gentilshommes, et de recrer la marine royale nouveau, tr Y recevant
tous les officiers de ports, les corsaires, lcs capitaines marchands qui s'taient distingus dans la dernire guerre. Il y eut un tcl soulvement clans la noblesse, que le ministre dut rcculer devant la cour entire Iiguer, 0n ne I'empcha pas, du rnoins, de rorganiser I'artillcrie cle marine (170?)et de formcr un corps de dix mille canonniers qu'on exer une fois par sclnaine pcndant dix ans, et qui montrrent en t7?8 ce qu'ils savaient faire! Les constructions navales furent pousses a,vec une grandc activit et sur une grande chelle. A la fin de l7?0, la Fr;rnce comptait soixantequatre vaisseaux et cinquante frgates flot. Les arsenattx, les

magasins, furcnt remplis. Les belles forts des Basses-Pyri'nes taient jusqu'alors inutiles la marine : le Gave de Pau fut rcndu navigal,rle ct les mtures dcs Pyrncs desccndirent par lc Gave et l'Aclour jusque dans le port de Bayonne, aux acclamations des
populations bsques et llarrlaises 2' Les tentatives tl'action au dchors furent tl'aborcl moins heureuses. 0n a vu la dplorable issue de I'entreprise de Gttyane. Choiseul r'ussit mieux clans la trIditcrrane, cn Corse' que dans

le Nouveau-IIonde. La Corse tait, depuis quelques annes, prcsque entrement affranchic. Un grantl honrnre d'tat, Pascal Paoli, avait fait surgir I'ortlrc, la discipline, un gouverllellrent rgulicr, clu scin dc cette anrchie ternclle. Apre\s dcs luttcs aussi obstines contre ses compatriotes que contre l'trangcr, il tait parvenu dornptcr, diriger avec pcrsvrance vcrs la gucrre rrationalc la farouche nergie que les torses ont coutume cle dpcnscr dans les guel'res de farnille. tabti au centre de la Corse, r Corte, il dominit sur I'ile entire, I'exccption de quclqucs placcs nraritimes. Les F ranYe pfioc ile Iouis Xn t.IV' p.95-97. P. IJn n()uveaq Code de la lfarine en seize livres, qui modiait la grande Ordon-

l.

nance de 1689, fut promulgu le 25 mars 1765.

ITARINE. COIST'. 25i avaient occup trois de ces places en 17b6, silns intervenir ais dans les hostilits entre Gnois et 0orses, et sans se dpartir clu caractre tle mdiateurs qu'ils avaient pris en t75l; rnais ils s'taient rctirs.au bout de deux ans, et Gnes avait clti reconnatre non-seulement I'im|ossibilit de sournettre Ies rebellc., par
lt?64-l
7681

fait des disciples dvotts parnri les chefs lcttrcis cle ccs blrbares hr'oiqucs. Rousseau avait prclit que la Corse tait dcstine tolrner le monde : Ia prophtie se ralisa, rnais autremerrt que ne I'avait entendu le prophte. L'enfant corse, qui devit to,rrcr
monde, allait bientt natre sur Ie rochcr cl',\jaccior. si Rousseau s''tait dcid passer en corsc, il aurait cu la douleur d'y voir consommer I'oppression cle scs arnis.
Ie

se rcndre en 0orse, ru norn du gouvernement auquel prsirlait Paoli. L'acl'riration exprime par Rousseau, dans une note clu contrat soc.a|, pour la patriotique constance cles Oorscs, lui avait

pntrcr dans la vie relle. ll clemancla un projet de constitution Jcan-Jacques Rousseau, qui tait encore en suisse, et I'invita

fuoco fit en mure tcmps une autre cli'rnarche, qui artestait quet point les conceptions idales des philosophes comlnencaicnt

fuoco, pour demander qu'on reconnfrt I'incli'penclance de leur rpublique, moyennant un tribut quivalant ce que la corse pro.duisait autrefois Gnes. Le prolit n'avait jamais dpass 40,000 francs pour Gnes, cause des fi.ais de girnison. Butta-

prs aux rnmes conclitions gu'auparavant, et.leur rernit ta garcle d'Ajaccio, de calvi, de Bastia et de san-Fiorenzo. 0n rccomrnena de ngocier. Les corses envoyrent versailles le colonel Butta-

ses propres forces, mais I'extrme difficnlt de consen er ses clerniers postes. Gnes pria les Franais de revenir, en 1764, peu

corses.

Le cabinet de vcrsailles montra peu de loyaut en'ers les Il les herca de vaincs esprances et laissa arrivcr rcs clroscs

iusqu'au point oir lcs Gnois, pertlant totrt espoir cle jarnais rcconqurir l'le, ne voulant point abaisser lcur orgueil jusqu' snbir l'indpendance dc leurs ancicns sujets et nc pouvant s'acqrril.ter des dcttcs qu'ils avaient contractes envers la France, proposi.renI eux-rnrncs Louis xv la ces:icn dcs rlroits cle lcur rpublique.

l.

Le 15 aor l?69.

252

LOUIS XY.

il 708.r 7691

Le l5 mai 1768, un trait, sign crsaillcs, autorisa le roi de ['rancc exercer tous lcs droits de souverainct sur toutcs les
placcs ct ports de la Corse, colnme nlntisserncnt de scs cr'ances sur la rpublique de Gncs. La cession tait deguise sous ccttc

fonnc dc nrntisscnrent, afin dc pallicr I'agrandisscnrcnt dc Ir Frlnce aux ycux de sa rivale I'i\ngletcrre, et mrne de sa jtlrrusc allic I'Autriche. La Francc, pr article spar, donnait Gncs
une inclcrnnit de dcux rnillions. Lcs Corscs apprircnt avcc unc prcfonde indignation lc prix qu'on rscrvrit tant d'cffr-rrts ct de cotrragc, I\Ialgr I'iurntcrrse disproportion des forces, ils rsolurcnt dc dfr'ntlrc jttsqu'au bcrut leur libt'rt. Paoli csprait quc lcs Anglais, qui I'avaicnt toujours encourag, ne vcn'aient pas tranquillcrnent la Francc sc slisir d'unc position aussi considrablc dans la llcditerrane. Aux prcmicrs mouvclncnts que lilcnt lcs garnisons franaiscs pour s'tcnrlrc rlans I'intrit'ur'et assut'cr les cotntttunications cntre lcs placcs qu'cllcs occupaicnt, Paoli esstva bt'lvctttent de lcLrr barrcr le passagc. Il ne put se rnaintcnir sur l'troitc pd'ninsnlc du cap Corse, qui fr-rnne la pointe scptcntricnitle dc l'le, mais il occupa

fortcrncnt la base de ccttc pninsule. Lc lieutcnant gnrilal de Chauvclin di'barqua sur ces cntrclaitcs avcc quelqucs rcnlbrts ct fit pnblicr dans l'ile dcs lcttrcs patcntcs du 5 aorit, Pr lesqucllcs le loi de France sorttntail scs nouucaur sujets dc rcconnaitrc sa souvcrainctri, pcine de rribcllion. Le conseil gnral et suprente rI'Eutt tle la Corse r'pondit pr uno 1tt'oclittuation tr's-digne et trs-tcruchante, otr il dclarait que la nal,ion corsc nc se luisse-

rait pas truitcr clntme wt, l,rou,ltt'uw

de moul,otts etruoy aw mutclt

un lgcr voulut Paoli au dcl avantlgc aux holds du Nelrbio, llt-rursuivrc du olo avcc dcs forces insulfisantcs : lcs Franais, dploys sur un trolr grand esl)tce, furctrt assaillis irttptueusettlent pilr une lcvc cn nlssc, qui lcs rcjcta jusque sous le canon de Biislia, avec pcrtc tle rnille ou dollze ccnls ltouttnes (scptcrnbre-octobrc). Il fallut, au prinlcnips dc 1709,, cnrJtr toute unc arrne, sous un nouvcilu corrtrnanclant cn chcf, lc comte de Vaux. Cet officicrg0nral, disposant dc quarantc-dcux bataillons et de quatre I-

(28 acrfit ). Lcs actcs rpondircnt aux parolcs : thauvelin, aprs

u769-17?oJ

COIiSI'. PAOLI.

253

gions (corps lgers, mi-partie d'infttntcric et de cavalerie), fit un plnn de crlnprgne qui cnveloppait I'ile cntire. Paoli tait lrors d'd'tut de sc soutcnir contre unc attaque aussi formidable. un hr'oque combat, au pont du tolo, fut le dernicr soupir dc lr libert corsc'. corte, sirigc du gouvcrnement, dut capitulcr. Il rr'ctit pas tri irnpossible dc perptuer unc gucrre de partisans clans
lcs ntnqu's

ct dans lcs rnontagnes; mais l'tcrncl fl;ru de la corse,

la division, rcnaissait avcc lcs revcrs; Paoli, abandonn clc la pluparl, dcs sicns, et plus propre , d'ailleurs, diriger un gouvcrncmcnt rgulier qu' joucr le rle cl'un chef de guerilld, s'cmllrqua, Porto-\rccchio, sur un vaisscau anglais, avec l'lite dc ses auiis (13 juin 1769). L'Anglctcrre, qui ne lui avait fourni cl'autre sccoril's que dcs muuitions, dcs armes et quclques volontair.cs, lui offrit du rnoins un honorable asile. Les Francais usrcnt avcc assez de modr-(ration d'une victoire peu gloricuse. Le gnral de Yaur, et, A;lrs lui, lc gouvenlcur l\Iarbcu[, tiichrcnt de rconcilicr lcs Corscs la tlornination franaise, c'n lcur rnontlant de la bienvcillance ct de I'cquit. une aurnistic, dcs chcrrrins construits par lcs tronpcs, dcs tablissetncrrls ulilcs, dcs cncouragcrnents I'agriculture ct au comrnel.cc, le rrrairrtien du rginrc rnunicipal dcs porrastats, la conccssion d'litirts-Provinciaux sorrs lc titre dc nnsttlre ginralc, signalr'cnl ccttc lrolilique conciliante. I-, prcrrrire consulte gnr'alc, convoqrrc llastia, le l5 aofrt 1770, prta scrurcnt au roi dc Fr-ance; nrtarrnroins, dcs mcultrcs, clcs bligandagcs, dcs r'r'oltcs particllcs, torrffcs rlans le sang, souvcnt lcnaissantes, ne ccssrcnt tlc pr.otcslcr cotttt'e la conquirte. Les arrtliolations rnatricllcs ducs aux nouycaux nrntrcs taient, d'aillcurs, trop conrpenscs par lcs aLus dc I'irtlrrrinislration ct dc la fiscalit frlnaiscs, 0n pcrrt dir.c que

I'rcr;uisition dc la colsc ne se li'gitirna qu'cn Bg, lolsqrrc lcs Colscs tlc'r'ittt'cnt citoytus libres d'unc naiion lilrrc ct ratifii'l'cnt solunttellclttcttt lcur t'ntrion la Flancc, ratitication conliprre d'uuu fuon plus clatante cncorc cn l7$6, lorsquc lcs tor.scs,
l. Voltnire raconte que, rlars un cnfngement sur le Golo, les Corses sr, fircrrt un relltl)rll't rL' leuls rnorts, porrr avtrir le renrpt dc clrirrger den'ir,e cux avirnt tle f'uire utte t'r'tlrti',e trccssaire I leuls L'les"s sc scraierrt miis lilrnri les ruot'[s i-rour ratl'ermir le lerrrprrlt!

2i4

LOUIS XV.

tri 77 D!

apr's ayoir t spars de la tr'rance par les vnernents de la guerre rvolutionuairc et par I'influence de lcur hros Paoli, rcjctc\rcnt le joug anglais et revinrcnt spontanment la France, sous I'influcnce d'un autre hros corse, devenu le vainqueur de I'Autrichc, en attcndant qu'il ft le dominateur de I'Europe. La conqute dc Ia Corsc devait tre la dernire extension terri-

toriale de I'ancicnne t'rance r. 0n poun'ait s'tonner clue I'Angletcrre et vu si paisiblcrnent ses rivaux s'enrparer d'un poste aussi l)roprc dominer la mer Tylrhnicnne et les ctes d'Italie, et surtout aussi inquitant pour les possesseurs de lIinorque. L'Anglcterre, cn effet, soutcnait mal sa fortune de la gucrrc de Sept Ans. 0ette fortune, par un double effct contr"aire, grandissrit comme fataleurent dans I'hrdc, o tout lui profitait, cxploits et fautcs, gnie et crimes, mais, en Amriquc, elle paraissait dij prte crouler par son propre poids. Le gouvernement britannique nc montraif plus la vigucur ni la prudence nccssaires pour rnail.riser la situation intricurc ct pour maintcnir I'ascendunt cxttirieur quc I'Anglctcrre avait conquis ltar scs victoires : il rctirait sa ntain des a{Taires de I'Europe ct n'en dirigeait pas mieux les affaircs du dedans. Dcs agitations confuses et strilcs absorblient rninistrcs et parletnents. Lc favori du roi, lord Rute, avait ddrrnissionn peu cle ternps aprs la paix : des changernents ritrs dans I'adrninistration avaicnt ratncn uu moment au pouvoir William Pitt, dcvenu lord Chatarn; tttais une sant ruine paralysait cclte tne si forte, peu propre, d'aillcurs, aux affailcs en dehors dcs motncnts hroiques, et Pitt ne fut que I'ornltrc de lui-mrnc dut'nnt son stcond ministre. Il ne rett'ouva quelquc chose dc son loqucncc et de sou autorit qu'en retout'nant sur lcs bancs de I'opposition. Pcndnnt ce temps, Londt'es tait cn proie aux troubl,'S, stlls grandeur et sans but sricuxe,
7. trIdrn. de Durnouriez, t. Ier, liv.
Y. Ies talrles.
1r.

La conqute de la Cotse Botta, Storia iI'Ilaha, t. IX, liv. xlvr. arnena urre querelle auec les Tuuisiens, qui continuaient pirater colllme tlpararant au d,tlirnent des Corses. Uue escadre franco-maitaise bornbarcla Bizclte et Suze, en juillet et aot 1?70, et obligea le bey tle Tnnis capituler. EIr 1765' la France et I'Ilspagne rrrnies avaient donn une semblal,le correction aux l\larocains. 2. Non pas toutefois sans rsultats pour I'averrir; car ce fut de ces nrouvements que rlatr.ent les progr's de la tlurocratie en Angleterre, par la publiuit que les

trlercure historique, annes 1768-1770'

[{763-1?69] FRANCE. ANGLETBIiNB. AI{RIQUB. 255 gue suscilait un agitatcur vulgaire, le farneux Willies. Une crise de cralcs, quc nous rctrouverons tout I'hcure en !-rance, tournrentait lcs courts d'Angletcrrc, ct un'nuage noir grossissait I'autre bord de l'tlantique. Ds le lcntlernain de la conqute du canada, I'antagonisrne s'tait clclar entre les dcux conrlurants, I'Anglais d'Europc ct I'Anglais d'Arnrique. La mre patrie avait prtendu obliger lcs colonics portcr leur part de la dette dnonne ( 150 rnillions stcrling) qui pcsait sur elle, et qui avait t contractc en partie pour chasscr. lcs Franais d'Arnr.ir1ue : cctte part tait revendiqui'c sous fonne de taxcs et tle clroits tablis par actcs des parlc-urcnts. Les colonies r.pondaient qu'on ne taxe pas dcs hotntncs liblcs sans lcur conscnteurcnt, et qu'cllcs n'avaicnt point reconnaitre., en rnatii'e d'irnpts, I'autolit d'un parlement o ellcs n'taient pas reprscutcs. Nous aurons revcnir. sur cettc qucrclle, {ui abontit dc si grands vncnrents ct qui, en 1768, laissait dirj entrevoir la possibilit d'unc sparal,ion violcnte ct prochaine.
Les soucis qrre donnaient les colonicscontriburent beaucoup rendre I'Anglctcrre si modre, ou si firil,rle, dans la qucstion de la Corse. Quelques vaines protcstations furent scs seulcs al.rnes. on a dit quc choiseul n'alait ricn mnag pour se procurcr des diversions contre I'Anglcterrc et que ses agents avaicnt cncour.ag puissammcnl les mcontents anglo-auri'ricains; il ne subsiste aucuncs traces dc ces influcnccs prtentJucs,. Lcs Anglais ont accus choiscul d'intrigues bcaucoup plus odieuses : I'anrbassadcul d'Anglctcrre en Espagne, lord Rochford, prtcndit avoir drlcourcrt nn cornplot tlrur entre flroiseul ct Ie ministrc espagnol Grinraldi, pour inccndicr la rnarine et lcs al.senaux de Portsrnouth et clc Plvrnouth, dur;rnt I'hivcr de 1764 1765, et attaqucr la Grande-Brctagne iiu rnilieu dc ce dsarroi. cette accusation est sans pleuvc, tandis qu'il est certain qu'un Anglais, du nom de Gordon, qui n'agissait pirs salrs instructions
,journatrx, malgr d'antiques dfenses, crommencrent {onuer aux clbats d.u parlertient, et par I'introduction des meelings. I' Sous Louis XVi, les ministres llrurepas et \tergennes firent des reclrerches pour vrifier ces bruits et rte retrouvreut aucuue pice qui les coufir,mt. Flassan,

r I

t. \rII, p.

152.

256

LOU1S Xv.

[1

';6sl

suivirent le trait de paris, trop absorb prr ce qui rcgardait I'Anglctcrrc ct I'Espagne, il fut loin cle donner une artention snflisantc aux affain's du Continent. Les consquences tle cctte ngli_ gence furent dplorablcs. La calasl.r'ophc prpare par la rongue anarctrie de la pologne
approchait.

Brct*g'ne, gu'il cultiva soigneuscmcnt les gcrurcs de guc'rc qui abondaicnt cle ce ct, ct que, pendant lcs prcrnircs anncs qui

cendicr Ic port cle Brcst, ce tlui n't'st pls doutcux, c'cst que clroiseul ne ccssa d'entrcte_ nir lcs rcsscntimcnts clu cabinct espagnol contrc Ia Grtnde_

yenues de trs-haut, fut cxcut, en 1769, pour avoir tent d'in-

La gucrre de scpt Ans, quoique Ia pologne n'y erit point t engag['e, avait rendu plus profond I'ahaissernent de ccttc rpublirluc. Les plans rlu prince dc conti et clu comte clc llroglic, pour la lclcvcr, ayaut t abantlonns, par suite clu pactc cle la Fr.ance a'cc ['ut.iche et la Russic, on avait laiss lcs Rnsses lravcrscl., foulcr, occupcr la Polognc, srns nr're prvenir son gouverne* mcnt, ct y conscrvcr dcs positions nrilitaircs, sous le norn clc rnagasirrs, rnr'c depuis la paix. L'indd'pcndance nationale n'tait plLrs grrr'c qu'un rnot pour lcs polonais. Deux partis, ccpcndant, panli lcs rnagnats, songcaicnt sccrtcmcut ir rrigi'nrcr lcur patrie par dcs rnoycns opposs. Tous cleux voulaicrrt I'irbolition dc I'anar.chie et du liberwnt ueto; mais I'un, lc par'li dr:s Put.oclii, dcs Dlaniclii, dcs ilolirano'w.ilii, aspirlit tabli'I'o'rlrc par la libcrt aristocratiquc, cn tant au roi Ia distribution clcs curplois pour la renrettre ur-r conscil souyerain, plnsicrrrs allant jusqu' projetcr I'aholition de la royaut; I'arrtrc pnlti, ccliri dcs Czall,orishi, prtcndait, au contrairc, r'cntlle la royautri hr'tlitaile, et, cn ail.cndant, rfolurer lcs finarrccs, dtrrrirc les abus, augrncntcr. lc pouvoir. ro1'al, affaiblir lc larratisrnc jrlsuitirluc ct arnli,r'cr la condition dcs ctissidcnts, tlcs noncallrr.'li{|rcs, dont I'opprcssion cI lc rcsscnl.irncnttaicut up tlangcr pel'nraltcnt pour la Polognc. Ccs vur:s avaicnt t ccllcs cl'un nri_

nistrc franclis tr's-clair', lc vcr'l.uoux nrirrquis d'Argcusrin. Il gc s'agissait pas ici cl'une pr'(rlcrcncr: tlrorirlue tlonnc ce cFr'on aplrclle la staltilit clc I'hi'rdit sur la lrobilitdr dc l'lcction: il v

fl

7631

PO LOG N g.

257

avait tles raisons plus positivcs ct plus spciales. Si la pologne et t une drnocratie vr'itable, il ct pu trc bon de Ia doharrasscr d'un fanture de royaut; mais elle tait une anarclrie nobiliaire, superpose une immense servitude. La rnonarchie llure tant donc repousse par I'esprit de libert(r des nobles, et la rpublique drlmocraticluc tant impossible, puisque Ie vrai peuple n'existait 1ras, le gouvcrnernent le plus convenable Ia Pologne pouvait tre une cornbinaison de I'hrdit et de l'lcction, plus ou moins rapproche du systrne anglais, au moins tant rluc le vrai peuple ne serait pas forur et pour l'aider se folmer. Le salut tait dans l'rnancipation civile cl'ahord, puis politique des paysans, et un roi hrditaire erit, plutt que I'aristocratie, favorisri tout au moins la prernire de ces deux phases.

La logiquc clevait tre, jusqu' la fin, bannie des affaircs cle


Polognc. La mobilit violcnte clu caractre polonais, tcl que I'avait fait une lougue lrabifude de dsordre, tait peu colnpatible aycc ccttc concentration indispcnsal-rle d'ides et tle forces qui ne voit

et ne suit qn'nn seul objet tlurant longues anncs. Les Czrrtorislii, partisans de la royaut et auteurs d'un plan que la Flance et dLi aidcr sans rsclvc, s'taient brouilld's avec le roi Aug'ustc III t't, par cousquent, avec la France, {ui soutcnait la rnaison de Silxc depuis le nrariage du dauphin avec ulte princessc de cctte nraison. IIs sc lirent avec I'Anglcterre, ce qui eut pe u tle consquences, ct surtoul avec la Russie, ce qui r:n eut de trr-\s-glandcs. Iin affcctant de servir les intrts l'usscs, ils rvr'cnt ti'ernployer
la Russie, son insu, relever la Poiognc. Quant au par.li oppos, tait dcstin se noyer dans la rnasse du parti anarclriquc tlc la pctite noblesse, gui s'attlibuait le titre exclusif'de prtriote, parcc qu'il voulait aveuglment rnaintenir les tratlitions et les abus cnrircins dans la patrie. La fausse politique de 0hoiseul appuvait le

il

pillti anarchique, sans y attachel grantle irnportance. Clroiseul


irtait pcrsuatl que la lfrance n'avait pas s'occuper srieusernent, de la Pologne; que les quatre puissanccs qui entouraient cctle r'publique se f'eraient quilibre pour ernlrcher son drleurl-rrerurent; que, la ltussie et la Plusse s'entcnclisscnt-elles poul' er] amacher quelques lambeaux, elhs ne tarderaicnt pas se hrouiller p;rr leur contact mme. c< Lors urrne qut, contre toute vraisernt7

958

LOUTS

)\'.

tr?631

blance, > crivaitr sous sa dicte son parent Praslin, a lcs qtratre puissances (Russic, Autriche, Prusse, Turquie ) s'arrangeraient pour partager la Pologne, il est encore trs-doutcux rJre cct vncrnent pt intresser la France ! > La Pologne tait abanclonne d'avance. Lorsclue !e roi Auguste III vint urourir, le 5 octobrc I ?63, tout tait tlj pertlu. Tandis quc lcs cleux partis r'fonnatcurs visaient proliter de I'interr'gne pour raliscr leurs projets, on avait de tout autres desscins Saint-Plersbourg et llerlin. Le plan de Catherine tait de fairc un roi ptas|, un roi de naissancc polonaise, sa dvolion, de t'elever les dissidents colltutc point d'appui et cle rcluirc la Pologne cn vassalit sans la dtut'ril-

lrrcr. Frdric II, au conlraire, visait un dmemll'cment. il v pensait ds sa premire jenucsse, quancl il n'tait quc princc royal : en 1?3.3, Ia mort il'ugustc II, il avait prsenl rut turnoire son pre pour le prcsscr d'cnvahir cette Prtrsse polonaisc qui sparait si rnalcncontrcusement la Prusse clucale dLr Brantlcboulg; maintctraul, tlatre tle toutela valle de 1'0dcr par la conqute de la Silsic, il aspimit s'tcrrdre sur ia Walta, lc grand
afflucnt cle l'Oclcr, cn mnte tcmps qu' raliset' les convoitises cle sa jcunesse sur I'eurboucliure de la Tistule : il anrbitionnait de rgulariscl le tcrritoilc incohrent cle Ia Prttsse aux tlpens de la Polognc occiclentale, dj scrre cntre la Ponr'anie et la Silsie, cornme entre lcs dcur bt'attohes d'trne paire cle ciseaux. En 1?02,,F'rdric avait fait agrcr sctt aili dvou, Pierrc III, un irlemier projet cle partage, quc la chtrte dr-r uralhcut'cux tzar avait ajourn, tnais auqucl le pcrsvraut ct astucieux Prtrssictr ne tlscsprait pas de raincuer Catherine II. Ils taicnt dii cl'accord sur un point esseutiel, le maintien de I'anarchie liol-lnaisr--. Ils travaillrent s'cntendrc sur la concltrite prsente, en l'st.t'vant leurs vucs d'avcnir. Le roi dc Prussc accepta lc candidat clc l;l tzarinc : c'tait un ncveu rles clcux princes Czartolislii, StanislasAugusle Poniato'wslii, aucicu auraut tle 0atheline. Lc cabinet de Yersailles nc sut ni s'opposer ni transigcr :
1. l{rngirc lu au conseil le B rnai 1763 I cit par Saint-Priest; le Parlage e ht
pologne en L772.

rel des affaire.; tlirlrgrcs.

I'rlslin tait alors le ministre nominal,

mais Ohoiseul le ruinistlc

ll

?3-:l,76lJ

L'IIUROPE ET

tA I'OLOGNE.

2ir9

Louis XY cssaya d'al-rord assez mollerncnt, d'accord avec I'Autriche, dc soutenir les prtentions de la maison de Saxe; rnais lc nouvel lecteur, Christian de Saxe, tant mort peu de senraines aprs son pre Auguste III, on abandonna son fils en bas gc et ses frres, qui n'avaient aucune chance. Le parti le plus raisonnable erit t alors de s'entendre, sans bruit, avec les Czartoriski, ct pcut-trc rnrne d'agrer les avanccs secrtes du candiclat de la tzarine, dc Poniatorvslii : Catherine, elle-rnrne, offrit la France d'agir de concert.Il efit t habile d'acccliter, pour appuyer cnsuite dans lcurs projets de rforrne, contre le rnachiavlisme de Catherine, lcs hommes qu'cllc soutcnait cn ce moment. 0n n'en lit ricn : Choiscul rejeta lcs propositions cle la tzarine, garda scs liaisons ayec Ie parti oppos aux Czaltolislii et tcha cl'engager les Turcs protester contlc toute intervention russe en Polognc. Louis XV, pendant ce tenrps, prcscrivait aux agents franais, par

le canal du courte de Droglie, chef cle la diplomatie sccrte, de ne pas contrecan'er l'lection de Poniatorvslii. La politiquc de la n'rance n'tait pas seulc'ntent d'accord avcc elle-rnmc ! Sur ccs entrcfaitcs, les ditines prparittoires s'taicnt runics. I.,cs Czartorishi eurcnt le dessous. Ils appelrent les Russes! Le plus grand dcs crimes politiqucs, I'appel I'invasion trangt'e, tait pass en habitude dans ce rualhcurcux pays. Lcs rgnr'rrteurs de la Pologne Iilent comme les {illes d'Iison, livrant lcur pre au couteau de la magicienne pour le rajeunir ! u rnnre rnourent apparut une double dclaration de la France et dc I'/r.utriclre, qui ne rccommndaient atrcun candidat, rnais approuvaicnt d'avancc toute libre lection, que l'lu ft uri ytiast ou un tranger. La France plomettait formellement de soutenir la librc lcction (15 rnars 1764). Le mois d'aprs, Cathcrincll et Irrdcric II s'engagirrent, par un trait (t I avril), empcher qu'on tablt I'hiirdit ct le ltouvoir arJ,ritraire en Pologne, protgcr les dissideuts et fairc lire un plast.Ils publirent une dclaration contre tout projet cle dmembrernent. Lcs arnbassadcurs russe et prussien Varsovie avaient dj ernpch la puhlication d'un projet d'alrolir la royaut pour la rernplaccr par un snat, ct signifi I'opposition de leurs matres toute altration dc la constitution polonaise dans quelque sens que ce ft. Cette vive solli-

260

rours xv.

7641

citurle, de Ia part dc tels voisins, pour Ia constitution polonaise, suffisait llour jugcr ccttc constitution. La tlite cle convocation, qui prcdrit celle d'leclion, s'ouvrit le' 7 rnai. En prscncc des baionncttcs I'uSScS, les patriotrs, parmi lcs inciclcnts lcs plus clramatiques, dclarrcnt la dite rotnpue et se retirrcnt. Le parti Czartorislii resta et tenta d'accontplir sa rforrne : il promulga une foule dc rglcrncnts utilcs; tnais, quand il voulrrt toucher I'impt, et surtout aa libnu,nl, I)eto, ct rcmpla-

cer I'unanirnit par la pluralit des snffrages, Ia Russie et la


Prusse I'arrtrcnt court. La dite, ou plutt la minorit qui s'tait constitue en dite aprs la retraite de la nrajorit, plia sous I'intercliction tle l'trangcr quand il s'agissait de saurcr la Pologne cl

ne rctrouva cl'inclpendance que lorsqu'il s'agit dc reponsscr les lequtes des cliss:dcnts, comttte si Ie fanatisme religieux ct hrit de l'nergie que ne rvcillait plus le sentirnent national. 0n alla

.iusqu' cnlevcr

aur dissitlcnts quelques-uns des droits qu'ils

&vaionl conservs ou recourrrs ! Lcs Czartorislti durent cder la raction inscnse qLri clatait autour d'eux. Lcs rnouvements tents par lespaf ri,otas, en Pologne et en Lithuanie, cltouaient, malgr quelqncs brillants coups dc ntain, dtrrant ces clbats lgislatils Varsovic. Le cabinet de Ycrsaillcs n'tait point en mesure ct ne se souciait gurc de remplir la promesse de secours qu'il avait jcte si lgrerncnt, ct le cabinct autricltien, qui tait plus porte d'agir ct dont le concours tait nccssaire la Francc, nc voulait nulletnent donner ce concours. La Inorl de rnaclaure de Polupaclour, que llarie-T]rrse ne craignait pas de clplorcr officiellement, cotlllne ( une trs-grande perte pour le roi ct pour la Francer,n vcntit de relcher le licn dc I'alliance allstro-fiancise; \{aric-Ttrrse et Kaunitz ne comptaicnt pas slLl' Choiseul colnmc sur lit Pornpadortr et tle pardonnaient pas ce

rninistrc d"'avoir une politique

lui, au lieu d tre I'insllurnent

passif de la politique autrichicnne.

La Flance et I'Autriche {ircnt ccpendant une dmarche clatalte, rlais toptc ngative : ce flrt cle letirer lcurS ambass'rdeurs
de Yarsovie, par manire cle protestation contre la violation de la

l,

Correspolilance tlu ministre des affaires trangres dans Saiut'Priest, 47'

[1

i6 4]

PON IA't'O\/ti

SKI.

?61

libert lectorale. cela n'aboutit qu' livrer entirernent le ten'ain


aux Russes et aux Prussiens. Poniatowski fut lu le ? septeurbre 1764, sur la recornmandation ofliciclle des deux puissances. Au lieu de cent nrille cavaliers qui jadis inontlaicnt le champ sacr de vola, il n'tait venu que quatre milte nobres Ia clite ori furent ccilJtrs pour la dernire fois les rites des royales lcctions
de Pologne.

L'opinion publique s'mut pcu en n'rance. 0n tait habitu voir les trangers irnposer des rois la porogne; on n'aperut l qu une nouvelle crise d'un mal invtr; on ne compl.it pas que cette crise diffrait des prcdentes et qu'elle annonait la fin. L'opinion, d'ailleurs, comme le fait relnarquer Ie plus rcent histolien da Partage cJe Ia Pologne (l\f . de saint-pricst), n'tait point alors favorable aux Polonais. Le fanatisme que les jsuites avaient inspir ce nralheureux prys, les tragiqucs souvcnirs de
I'affaire de Thorn', le refus de rendre aux dissiclents l'galit des droits, dpopularisaient la cause de I'indpendance polonaise dans cettc socit dornine par une philosophie cosrnopolite qui cornprcnait bcaucoup rnieux les questions d'hurnanit que celles de nationalit. Ilousseau ct llabli n'avaient point encore jet Ie poids de lcur autorit dans la balance. La pologne heurtait I'opinion francaise, ou plutt eurolrenne, que Frdric, et surtout catherine, flattaient ayec un art infini.Le grantl Frill,ria n'avait plus qu' vivre sur s renomme; nrais la tzarine s'y prenait cle faon effacer le roi de Prusse lui-mrne aux yen\ des philosophes. Elle envahit, dans les affections du patriarche cle Fernei, la place . {u'avait occupi'c frdric dans ses rneilleurs jours; elle supplie d'Aleml:ert de diriger l'ducation cle son 1ils; ellc nret la grce la plus srluisante iurposer ses bicnfaits Ditlerot; elle epvoie clcs secours aux Calas ct ux Sirvcn; elle tracluit en russe, dc sa rnain impriale, le Bittsaire de l\Iarrnonter; elle annonce aux philosophcs qu'cllc a enlev plus de cinq cent rnille scrfs l'glise moscovjtc, dcisonnais salar.ie par l'tat (il est vrai que c'csf pour attribuer l'tat les serfs cl'gtise) et qu'elle runit pritersbourg les dlgus de toutes les populations sournises son ernpire, pour

l.

V. notre t, XV, p.

1BB,

262

TOUIS XV.

lL7|.,t+-11('1i

prparcr aycc eux un corps de jurisprudcnce rurivcrselle et uni. Elle expdie Voltaire, par un of{icier de ses gardes, I'instruction qu'ellc a rdige dc sa main pour la cornmission charge de dresscr le projet du nouveau code. Prcsque tout est franais dans cette instruction russe, qui n'est gure qu'une mosaque des ides et des fonnules confradictoires de Louis XIV, de
forrne

lllontesquieu, des conomistes, auxquels elle etnpt'unte leut' dcs;loti,snte ratilnnel, mais dans les tcrines les plus atloucisr, ct nttnc des parlementaires. Bllc sc croit asst'z src cle sou firtttrnc dc snat pour lui accorder Ic droit de refuser I'crtlcgistrernent des

lois contraires la constittrtion de l'tat.

Des chapitrcs entict's

sont copis dans l'Espr,t, des Los. Les nrots de citoycn, cle patric, sont prodigus dans un livre destin aux repre3scntants de ceut

tribus llarbares, incairables d'attachcr aucun sens ces grands mots. Des maximes justcs, dl's considratiorts ing:nieuscs, tnais surtout la tolrance rcligieuse proclante clu haut d'un trne
imprial, et une certaine tcndance vers l'tnancipatiorr progressive
des ser[s2,

fenncnt les ycux aux philosophes sur cc qn'il y a tl'illusoire et de fantastirlue dans cette grandc conrrlic cle lgislation
philosophique destinc aux Coslclues, aux Basliirs et aux l(almouhs. La nature hurnaine est asse'z cornplcxe pour que Catherine ait t rnoiti sincre daus son rle ct gu'elle ait cru tle l:oritre foi sa gloirc de lgislatrice. Lc gouvcrnctuent tle Lcuis XV pt'it aussi la chose au srieux, car il intcrclit eu Francc toute publicit ir L' Instrwctton d.e tathcrine, apparertmettt coiltltlc tloir favorable aux prtcnlions parlementtires3. t. Elte porta au eomble l'enthousasme des conomistes, en appelant Lemercir' de La Rivire pour I'aidcr drns la confectiou de son corle. Lemercier dpassa un peu l'poque du reutlez-vous que lui avait tlonn Catherirte. Quarrtl il atriva, elle avait autre chose en tte et ne s'en souciait dj plus. Lemercier revirit tbri d'appoint. 2. Catherine , toutefois, ne s'cngage qu'avec rserve sur ce point. trlle met un doute sur. I'utilit ilu servage pour le bien de l'tat, tablit que, cepentlant, il ne faut pas aflranchir les serfs par grandes nasses , mis que t pour le plogrs de Ce I'agriculture, iI serait, essentiel que le serf et quelque chose en proprit. progrs n'a pas eu licu I lcs scr'fs russes vivent toujouls e comlnun:rnt, et les rvoclescenlutions cle I'avenir en montr:elont les conscluences. (Ecrit en 1853. ) - Un dant rle Catherine commence courageusement r ce momerrt la grande expricnee de la transformation des serfs etr paysans ptoptitaires. (1859.) 3. Catherine, plus har{ie que }Iontesquieu' que Yoitaire, que Rcusseaur se pro-

t ?64-1767]

CAl'fIERII\[B II.

23

Lc jeu srieux, poul Catherinc, se jouait en Polognc, Les Dzaltorislci renouvelaient leurs essais de rforrne. Le nouveau roi, faible et lger, point malintcntionn, tait dispos sccondcr ses oncles. La dite de couronnement, qui succda celle d'cileclion, entatna le libtu,nt ucto en votant, , la pltn'alit, diverscs rforrnes et une loi de douancs. une amnistie rouvrit lir Pologne aux patriotes qui s'taient exils aprs lcur infruclucuse prise d'aLmes. Catlterine proposa dc laisser Ia'Polognc lcver une arne perrnanentc de cinquante mille hommcs, condition tl'alliance offcnsive avec la Russie. 0n refusa : on lui offrit seulcment une alliance dfensive. Catherine comrncna tle se retourncr contre ses anciens protgcls : Frtlric II I'y poussa rle toutc sl folce. Il savait que Stanislas-,\uguste rvait cl'ponser une arclriduchcssc et dc se rendre hrditaire, et que I'Anl.riche I'en{rt-.tentit dans cctte espr&nce. Il avait un clouble nrotif pour exciter Cttherine s'absorber dans les affaircs dc Polognc; le premicr'tait de faire choner les projets de Stanislas et tle scs oncles; Ie second taif dc fairc pcrclrc de vue Catherine un grancl dcssein qLri nc convenait nullcrnent fr Ia politique prussienne. La tzarine, jalouse del'alliance tlu, ltidi, forrne par Choiscul, prtendtit organiscr une alliance du, Nortl, ou la Russie aurait la prpondrancc. Choisenl cut vcnt de ce dessein, et, ds lors, il se rcjcta, avec toutc I'irnpeltuosit de
son caractre, ycrs ces intr'ts tlLr Nord et du contincnt qu'il avait tant ngligs : il reprit la dircction immtliatc dcs affaires trangres ct chcrcha partout suscitcr des crnTrrrs Cirtlrcline, mais par ltostilit contre la Russie, bien plus que 1rar syrnpatliie pour la Pologne: les mouvenlcnts de la Pologne no furctit pour Ini qu'un rnoyen, quand son salut et d tre le but. La tyrannie russo-prussicnne continua de se couvrir devant I'ltrurope du rnasque dc la tolrancc; des sommations ritres
nonce contre la peine de nort, sauf une tou.te petite rserye : r Lorsqu'un cito;'en priv de la libert encore des relatiorrs el, une puissance qui peuverrt troubler la tranquillit cle la nation. " (Instruction 1'u, p. 77.) C'tait sans doute en vcrtu de cette rciserve que le tzarevilch lvan, petit-rieveu de Pierre le Grantl , jadis cart d.u trnc parlisabeth, veuait d'tre gorg, le 16 aot 17j.1, clans la prison ou iI tait renferm deprris I'enfance. Elisabeth et Pierre III avaient pargu ce prtendant ilpossd, ruais Catirerine n'avait pas de ces scrupules.

6!t

LOUIS XV.

'li7ll

ell f'urent aclrcsses la clite polonaise par lcs tleur puissances ' posi" tait brllz 0os?rs qu'tlll tcmps faveur dcs ctissitlents, en rnme pour les atteintes au liberttm ueto et quc les rginrents russes alliticnt vivre en garnisaires sur les terres du roi Stanislas et de Les rforrnases anlis, atin cle punir leurs vellits de rsistance.

tetrrs c(:tlrcnt sur le point capital, sur le \ibertmtueto: la massc folle joie, de la naliott, c'est--dirc Ia pctite noblesse' tnontra une patriofrs qtti, comrnc si la libert efit t sauve : c'taieut les les rformatcurs! contrc leur tonr, s'appuyaient sur les Rgsses satisLes clissiclents, cepetldant, n'avaient point obtcnu pleine

faction; lcs protcstants se confi.rrent, dans la Pt'usse polonaise, mille Russes sous la clircction d'un agent de Frcltlric; quarante la nofulesse gros cle Le sotttctrir. lcs pour entrrcnt en Pologne

catholique, galement I'instigation des Russes et des Prussiens, que forrna une autre confdration pour I'abolition des rfot'rncs russes agents Les le parti Czartoriski avait tablies depuis 17641 de PoniaJirent cntenilre que la tzarinc permettrait le dtrnement quc de torvski (mars-mai 1767). C'c'st qtlelqtle chose d'effrayant voir qucl point une ntion peut pe:rdre l'instinct politique ct mconnat|e ses vrais clangcrs et ses Yrais ennemis. Les cllgus de la grancle confdrstion cle Radorn, pcine runis, furcnt un acte qui cerns par les troupes russes et contraints de signcr lois talllir les rclamait la garantic cle la Russie li0tlr toutes tlans la prochline rlite et la satisfaction complte dcs dissiclents. lcs Iections Lcs Russes cxercrent lcs dcrnires violences datts la forcrent ils 1767), (octobre la cliirtc : lot'squ'clle fut rassenrble qui tint ses comrnis-cion une de dlgucr dcs pouYoirs illimits qu'crire gure fif nc et sancrs chcz I'arirbassadeur dc Catherine de palatin lc et de Kiovic, sous s clicte. Les vt1ucs de tracovie insolcnt contre cet Cracovic et son fils, ayant essay de lutter La comnlission sil:r'ic. en envoys et furent enlevs
despoLisrnc, sauf quelques dcrtlta l'galit des clissidcnts avcc les catholiqttes,

rservcsqtrantl'ligilrilitau|,rneetquantaurcatholiqucs wtaninte fttl qui clrangcrnicnt 4e ieligion; la nccssit dn t'ore les affaires sur dites consacrc pour toutes lcs dcisions tles plus tre abrogcs d,stat. Il fut statu que ces lois ne pourrient une [;una*imitl L'indignat fut accord en Pologue rnttw
1tat,

t176?-l?68J

CONFBIJENAT{ON-DD

BIi.

265

foule de Russes, afin de forrner le noyau d'une noblesse de rc.li-

gion grecque. 0n introduisit quclqucs amliorations : il fallait bien justilier la suprrnatie rnoscor,ite. Le droit de vie ct de mort sur les paysans fut enlev aux seigneurs. Des tril-runaux furent institus pour les procs entre seigneurs et serfs. 0n abolit les cornpositions en argcnt pour crirnes, reste de la balbarie
antique.

Choiscnl, si tarclivement converti la cause polonaise, tchait tle regagncr par son actirit le temps qu'il avait laiss peldre. La Turquie, cdant ses instances, intervenait enfin cliplomatiqur:mcnt avec quelque nergie; rnais il lui fut irnpossiblc d'l:ranler I'Autriche. L'ernpcrcur F ranois I.'tait mort lc 18 aofit 1?65, ct son successcrlr, le jeune Joseph II, qui avait cTt lu roi dcs Rourains le 27 milrs 1761, par le concours dc Ilrclr'ic II, tait mal disposri pour I'alliance franaise et enclin un rapprochement avec la Prusse. II n'avait pas plus que son pre la r'alit du pouvoir, [ue Maric-Thrse gartlait dans sl main jalouse et folte cncofc; mais le rninistre l(aunitz rnnagcait I'ayenil dans Joseph et servait d'intcrmdiaire cntre le llls et la mrc. On nc put oblcnir cle I'Autriche qu'unc prolnessc secrte de ncutralit cntre lcs Tulcs et lcs Russes, si la Turquie secourait la Polog.ne pilt' lcs arures. La malheureuse Pologne s'tait enfin r'vcilirle sous I'excs de I'opprcssion. IJn homrnc d'un esprit lcv ct hardi, Krasinslii, vque cle l(arninieh (ou l(arncnc.tz), avait organis une raste conjuration contrc la tyrannie trangre. L'cxplosion ne devait avoir lieu qu'au rnourent oir les TLrrcs dclarcraicnt la gucrre la Russie. Lc nrouycrnent clata avant I'heurc. Lc 29 fr'r'icr' l7tB, un simple gentilhornure, noullu Pularvslii, donna le signal de la famcuse conldration de Bar. La noblcssc podolicnne s'insurgea, et son excmple fut suivi dans lcs provinccs voisines. -\lallrcureuscment, de\s le prcrnicr jour, la cause de la confdration fut coliipromise par le rnlangc dcs vieux scntirnenl.s nutionnux avc ee fanatisrnc rcligieux que l'ancienne Polognc n'avait pas connu ct qui ne compcnsait point, pal'cc qu'il pouvait inspircr tl'cxalhtion aux patriotes, la force d'opinion qu'il prtait aux cnnenris tle I'indpcndance polonaise. Les confdrs juraient de dfenclre la religion catholique, au prix de leur vie, < jusqu' cc qu'ellc ft

?6d

tou rs x v.

t768/

hommes, fcmmes et enfants , fure nt exterrnins dirns toute


I'Ulcraine polonaisc.

entirernent fonde et rtablic dans leur patricr, D c'est--dire jusclu' ce qu'elle erit rcssaisi Ia domination exclusiye et rernis les dissidents sous le joug. Ils portaient Ia croix sur le cur, comrne les ancicns croiss; leur devisc tait : J,sws e{, xlarie; le crucifix et la Iadonc taient les insignes de leurs tendards. A la nouvelle de I'insunection, I'vque Krasinshi avait couru Yersailles pour < jeter la Pologne dans lcs bras de la x'rance. > Il prornit Choiseul la dchd'ancc de Poniatolvshi et I'acceptation du roi que la rirance dsignerait, et qu'on renclrait hrtlitaire. Choiseul prornit de I'argcnt et dpcha aux conftlrs un plnipotentiaire ( rnri t?68 ). Les difficults , pour lcs confdrs, taient norurcs : pas dc fortercsses ni cle points de lalliements; presque pas d'arrnes de guerre; et, qui pis est, Ics paysans hostiles, espionnant pour les Russes, tlans les llrovinces russiennes, ori lcs pilysans sont du rite grec. L'ambassadcur russe, Repnin, vrai vicc-roi de la Pologne, avait forc le snat polonais tle rclarner le secours dc lir tzarine conti'c lcs rebelle.r : la force ou la trahison, tout lui tait bon; ii avait fait surprenclre les confdrs pcndant tles pourparlers. L'agcnt franais, Tauls, trouva leur principal groupe dans un piteux tat, refoul nourentanrnent par les Russcs sur Ic ten'itoire othonran ; Tauls, ne voyrnt rien qui ressembliit un vrai corps d'ariue et ne comprcnnt rien une guerre de ce genre, en ronclut que tout tait pcrdu, ne donua point d'argent et s'cn alla. En ce mourent ninie , ccpendant, la gucrre de partisans se propageait comme un inccndie. Les Russcs, srieuserncnt alarms, recoururent un moyen excrahle. Ils appclrent les cosaqnes Zaporogues (ou Zaporoves), cette rpubiique de ltrigands retranche depuis des sic\clcs dans les iles et dans les rochcrs du Borysthnc. Lcs zaporogues descendirent comrne une bancle de loups enrags, entranant avec eux les paysans gr.rcs dc I'Uliraine et de la Podolic, qu'aninrait une haine invtre contre les nobles catholiques , lenrs matres. Catholiques , protestants ct juifs ,

0n

gorgca seize rnille personnes dans la

l.

Saint-Priest, Parlage tle la Pologne, $ 3.

lr 768-17691

I\IA SSA

CRIiS D'U I(R A INE.

267

seule ville cl'Ilurnane. Il y cut cn tont plus cle cinquante rnillc morts. Les confdrs de Bar et les paysalls catholiques de la Grande-Pologne sc vcngrent SLlr les dissidents, auxilinires des Russes. La Poiogne devint un thtre cl'horrettr univet'selle. Calherine trouva encore moyen d'luder, aur yeux. de I'Europe, la responsabilit des forfaits qu'elle avait solds, et de laver le Sang avcc du sang. Illlc sacritia lcs malheuretlx qu'clle avait soulcvs et fit livrer des masses dc ilaysans ulct'ainicns aux tribunaux de la rpublique rle Pologne : lcs potenccs s'levrent par millicrs pour lcs tncurtriers, au rnilieu des rttines sanglantcs o taicrlt entasss les cadavres des victimcs. La confdration zporoguc ' aussi redoutable ses amis qu' SeS ennenris, Iinit par trc dissonte par lcs Russes.

violation du tcrritoire othoman, cotnmisc pal' Ics Russcs en poursllivant un parti polonlis, dtcrruina enfin lir Porte I'inLIne

tcrvcntion artne qu'avaiI proi'oquc Choiseul. Le sultan ][ustailha dclara la gucrre la tzarine, allrS nne dclnic\rc sotnnation tl'vacuer la Pologne (scpternbre 1?68). Choiseul comptait beaucoup Sur le Iihan dc la Pctitc-Tataric, I(rint-GheraT, mttsultnan dcrli-

flancis, qui se faisait traduire lfolire et qui a t un dcs premiers introclucteurs tlcs idcs europtlenncs daus I'islautismc. {-,'e hhan, r'tssal de la Turquie, se jeta sur la Nouveilc-Sell'ie e t cnlcva trentc-cinq rnille colcns grecs, franais, allentands, tlue Catherine avait attirs et fixs, forcc de promcsscs, entrc ic Dnicster ct lc Borysthne. Il allait pousser plus loin ses entreprises, quancl il mourut, trs poini pour la Russic et avcc dcs syrnptmcs fort suspects. Cette mort subite dsorganisa les Tatars de la rncr Noirc et priva lcs arrnes othomanes d'un guide intelligent et courageux. Catherine cut Ic temps de se recontiaitre. Dlle congdia les dputs asseurbls pour la confcction du fatneux code et nc songca plus qu' la gucruc. Unc banque fut tablie aYec cours forc des billets, pour attirer dans lcs mains du gouvernctnent russe tout I'argcnt de l'ernpire. t'rclric II cornrnena de payer lil tzarine un subside annuel de trois rniilions, signifia aux Sudois qu'ii prendrait parti conlre eux s'ils s'alliaicnt aux Turcs, et donna des avis Catherine sur le plan de la campagne. Au printernps de 1709, les Russes prirent I'offcnsivc et entrrettt,

268

LO

TS X\L

['t76S]

en Bessr'abie. Leur prernire attaque contre la place fortc de Choczirn fut repousse. Ils rcvinrent la charge et se heurtrent contre dcs masses norurcs arncnes par le gland vizir. n'cnnes et paticnts, mais pcu nornbrcux et mal comnrands, les fautcs de
leurs clrefs devaient les perdre : I'elroyable indiscipline de I'arme othornitne les sauva; cette arme, clui ccrnait les Russes et les avait rduits I'extrmit, fut tout coup disperse par une panique (septernbre 1709). La l\[oldavie et la Yalacliie furent tout entires abandonnes aux vainqueurs, tonns de l'tre. tes confdrs de Bar ne se dcouragrent pas : quoique en proie ces divisions intestines qui taient l'ternel flau de la Pologne, ils avaient prolit de la puissante divclsion des Turcs pour tcndre la guerre jusqu'en Lithuanic. L'indignation souleve par les atlocitcls des chefs russes, des Drervitz, des Suwarow, ces tigres face humaine, grossissait les rangs des patliotes. Les dlgus dcs ccnt soixante-dix-ncuf districts de Pologne ct de Lithuanie se runirent, cn novernbre 1769, Biala, snr la frontire de la Silsie autrichicnne, et rsolurent de faire lcs derniers effrirts pour chasser l'tranger. Les agents de la confdration Iurent chargs de consultcr les philosophcs poiitiques de la Frant:e sur la constitution donncr la Pologne, une lbis dlivre : merveillcuse puissance de I'csprit du sicle ! L'insurrection, commence au nour du sa'trtt-pre cla Ronre, aboutissait Rousscau. La philosophic sc partagea ds lors cntre la cause russo-pfussienne et la cause polonaise. Cathcrine avait sduit Yoltaire et Didcrot; les Polonais invoqurent Rousscau ct l\Iabli, {ui n'avaicnt jarnais partag les illusions de ficrnei et de I'Errcyclopdie sur IaSmiramls du Nord. L'attitucle du roi Stanisias-Auguste, dcs Czartorislii ct du snat tait signi{icative : rnalgrri lcs mcnaces dc Catherinc, le parti Czartorislii avait maintcnu la neutralit oflicielle du gouvcrncrnent polonais entre la Russie et la Turquie; lcs troupcs de la couronne avaient ccss de secondcr lcs Russcs contre les conf4Cr's. Une transaction entrc les deux paltis polonais tait possible et dsirabler. Ifalheureusement ni les confdrs ni lcur protcctcur
les trangers vous

l. " Il

fttut, crivait Rousseau un peu plus tard, faire couper la tte au roi que ont douu, ou, sans avoir garcl sa prernirc lection, gui est

cuERnE DE POLOGNB. DL'r"tOUntEZ. 96b Choiseul ne le conprircnt. Choiseul envr-r1'a cles artillenrs, des ingniculs, rle I'argcnt, ayec un officicr qui s'tnit signal en Corse, le colonel Dumouriez, clcpuis si clbre (iuillct 1770); mais cet agent, dans I'intrt de la maison de Saxe, s'opposa ceux cles clrcfs polonais qui voulaient la fusion des partis, ct contribua flire prononcer, pr la confdration, Ia dchance de Poniatorvski. Dtrmouriez servit mieux les Polonais dans les cornlrats que dans lcs conseils. Sur la fin dc l77A,la confdration, adosse aux Carpathes, matrcsse de quelclues placcs pcu prs
r.?6e-17701

fortifics, victorieuse dans divcrs engagements, tait dans la rneilleurc situation nrilitaire o elle se ft encore trour'e. Snccs trompeurs, qui ne dcvaient qu'acclier la catastrophe ! Penclant ce ternps, les vncrnents qui se passaicnt au sein de Iempire othoman renversrient lcs espi'rances de Choiserrl ct des confdd'rs. II courait, palmi les Grecs, des prophtics di anciennes, sur lrne nation bloncle qui devalt chasser les Turcs d'Europe. Cette tradition et la confot'rnit de rcligion tor.rrnaicnt depuis long'ternps yers Ia Russie lcs regards des Grecs ct des Slaves, suiets de la Turquie. L'Allemancl lllunich, I'hourn-rc le plus intelligent qui efrt gouvern ou servi la Russic depuis Picrre le Grand, avait le prcurier cssny d'exploitcr les sympathics gr'coslaves. Catherine avait rcpris ccttc idc, et l'appliquait cn grand. Elle avait suscitri contre I'ctnpire othrrrran une vaste conjur;rlion donl les foyers principaux taient le ]Iontenegro et la illore. Le mou\relnent clu 1\Iontcnegro clata prmaturrnent et fut colnprim; mais I'agitation continuait en Grce. Dans I'autolnne de 1769, onze vaisscaux dc ligne russes ft'anchirent lc Suncl ct arrivrent dans les ports anglais. Des officiers et dcs rnatclots anglais s'installr'ent bord de ces navires porlr diriger I'ignorance dcs malins russes. L'Angleterre sacl'itTait ses intrts politiques csscntiels I'intrr\t cornnrercial du motncnt (elle avait ohtcnir le rrrlouvellernent rl'un trait de cornncrce avec la Russie ) et au Jplaisir cle contlccarrcr la France. L'cscaclre partie clu golfe de I Finlandc entra clans la llditcrrane en novembre 1769. La France
de toute nullit, l'lire de nourreau I ,, c'est-ir-dite craset solls un exemple tertitrle lc crinre invtr de I'appel l'tlanger, ou bien aecepter sans rserve le repentir dn coupable coulonu.

;o

[ours xv.

[r,770]

la renornrne, la cllivrance de ra Grce, du pays de sophocle et


qu'thnes allait tre libre.

ne les soulnt. 0n n'tait pas pr.t la gucrr rna'itime, et surtout Louis xv Ia redoutait, si choiscul I'appelait de ses yux. L'opinion, d'ailleurs, ne provoquait pas Ia guerre cette occasion. cathcrine faisait clhrer d'avance , pr toutes les trornpettes cle

ct I'Esllagne n'attaqurent pas les Russes, clc pcur clue I'Angleterre

de Lonidas, et le vieux vortaire pleurait cle joie en pensant


clans

catherine avait projct d'enveloppcr I'empire othoman une quaclruplc attaque par tcrre et par rner, et de I'abattre

les Russes n'avaicnt presque aucunes troupes cle clbarquement; ils ne furcnt pas cn tat dc dfcndre reurs ituer contre re torrcnt d'Albanais que la Porte prcipita sur lc pays rebelle. L'insurrection fut to.ffe clans dcs {lots de sang. Russes et G.ecs s'taient tro'rps rciproquenre't sur leu's forccs rcspectives : il en corita chcr aux malheureux Grccs. Quant aux R*sses, ils se consolrent

llissolonghi, cette ville aux destines lugubres et glorieuscs. -lIais

scnl coup. Les forces russes ne rpondaient pas ce plan gigantesque. A I'appuition des premicrs v;risseaux russes, les rnontagnards du }lagner ![u'on apirerait dj t'crnei les Lacclntonictts, se soulevrent, entrainrent quelqucs populations morotes
et

d'un

mit les Dardanelles en df'cnse. Des trois autles attaques rances par catherine, cleux chou_ rent, I'expdition de Gorgie et I'armement maritirne prpar dans le Don; mais la troisirne russit. Tandis qu'un corps d,arnte faisait face aux Turcs sur le Danube, un autre corps se t'ctournait contre la trfoldavie tatare ou Bessarabie. Le B0 juillet 1770, I'ar're othornane, qni marchait au secours de la Bessa-

cltruisit celle du capitan-pacha dans le golfe clc Tclresrn, entre chio ct la cte de smyrne. Ils pouvaicnt frapper coup plus dcisif. L'Anglais Elphinston, vritable auteur cle 'n leur victoire, voulait forccr les Dardaneiles, qui n'taicnt point en dfense, et faire voile droit constantinopre. Le courmancrant russe, Ale_ris 0t'loff, le meurtrierde Pie*e III, refusa cl'ayancer jusqu' I'arrive cl'nn rcnlort. cc dlai sauva la capitale cle l,crnpirc turc. Le IIonglois Tott, agcnt de choiseul, organisa I'artillcr.ie othomane et

par une grande victoire navale. Le b juillet !770,Ieur flotte

lt77l

RUSSIB. TURQUTE.

GRCB.

]J{

labie, fut mise en droute aprs un combat sanglant sur le Kughoul, cntre le Danube et le Dniestcr. Les Tatars, {ui hallitaient entre le Dniestcr et le Borysthne, se soutnirent, et la pluprlt furcnt transfrs cn [Jliraine pour failc place, aux borcls de la
mcr Noire, des colons rlrsses. Le 26 septembre, Bendcr, la placc de guerre de la Bessaralrie, fut emportc d'assaut aprs une hroc1ue dfcnse; la n de la saison, les Turcs abandonnr'ent IsmaI, qui commande les bouches du Dnnulre, et tout ce qui
cst au nord
d.e

ce fleuve.

Le contre-coup dcs tlsastres de I'cmpire othoman der,ait tre


fatal aux Polonais et Choiscul, ct trs-favorable aux projets que nourrissait Frdric. Ds qu'il avait vu la Russie engage contrc les Turcs, le roi de Prusse avait fait insinuer atherine queo pour cli'tourncr l'Autriche dc s'opposer au progrs des ftrnles russcs en Turquie, il convienclrait de s'entendrc sur le partage de quelques prolinces polonaises entre Ia Russie, I'trtriche ct la Pmsse '. Catherine n'crr avait tcnu compte; mais Frdric s'lait prpar les movcns de I'obliger ouvrir I'oreille. Aprs des intrigucs habilcrnent conduites afin cl'augrnentcr le refroidisserncnt cntrc la France ct I'Autriche, il avait dcrnand une entrcvrre au jeunc empercur Joseph II, Neisse, en Silsic. Lcs resscntiments de la cour de Yicnne contre Ic conqurant de cettc hellc provincc sertrblrcnt tout fait orrblis. 0n convint cle lestcr neutre en cas de rnpture entre la France et I'Anglctcre. 0n cffleura la qucstion d'nn druembrcment de la Pologne. trlais Joseph II, qui dpendait de sa mrc, n'avait pas le pouvoir de conclure. A la suitc de cctte confrencc, l'u[riche se montra beaucoup plus sympathique aux Polonais; clle inyila le conseil gnral cle la confdration se transfrer llpcries, cn Hongric, pour y tre I'abli des armcs I'usscs. Joscph II y visita les chefs polonais ct leur trnoigna beaucoup d'intrt, quand il rvait di:.iri le rnenrtre dc leur patrie. Ces avances taient un rno;'en d'inrluiter et d'influencer la tzarinc. En juillet 1770, Frdric vint r"endrcJoseph II sa visite Ncustadt, cn r\Ioravie; cette fois, Icr rninistrc Kaunitz, et, avec lni, la pense de lilaric-Ttrrsc, accorn' l.
Ofurres de lrrtlr'ic

II, t. YI, p. 27rnouv.

clit. irr-8o;

llerlin,

1816-47,

27

LOUIS

XV.

u.?70l

pagnaicnt Joseph. Lcs nouvellcs dc Tchesrn et du l(aghoul furent apportcs Neustatlt par ttn scras/ier turc, Qui venait sollicitcr la rndiation de Frdric entre le sultan et la tzalinc. Frd'ric offrit le partlge dc la mdiation I'Autriche. Lcs dcux futurs mdiateurs rsolurcnt de proposct' la Russie unt compctlsation en Polognc pour les provinccs tttrco-danubiennes que l'utriche ne

pouvait laisser entre lcs mains de Catherinc, ct convinrcnt de prenrlre dcs par.ts quivalentes pour maintenir l'quilibre. [n attcndant, I'Autriche, qui s'tait mise cn det'oir de rajcttnir de vieillcs prtentions stlr lcs slarosties de sa ft'ontire' occttpa le district polonais do Zips, cnclal' dans la llongrie, et Frdric
recomlncna Sur la plus grantlc chelle scs att'occs cractions sul' la Prussc polonaise, oti il enlevait tout, argent et denres, garons pour en lhire clcs solclats, filles polrr les marier t scs Plussiens,
avec dcs dots arraches aux parcnts. Les embarras et lcs prils se mulLipliaicnt autour dc Chniseul,

qui avait pris I'enrpire othoman pour point d'appui contrc [a Russic ct qtli scntait ce point d'appui se drober sous sa ntain. Il
cherchuit cn t,ain se faire iilusion sur la rlfection de I'Autriche et sru. son union aYCc lit Prttsse : lcs protestations tncnsongrcs de Kaunitz ne I'alrusaicnt pas; le mariage tout rcent du dauphin et cl'une archiducllcsse (I.,ours XVI et I\f.qnrn-Alt't'ctxerrn! lc 18 rnai 1??0), Inariage souhait, irupos' pout' ainsi dire, par I{arie-Thrse, n'avait ernpclr cn rien I'cntrcvuc de Neustadt. La France rnarchait une doul-rle gLlcl're continentllc ct rnaritirnc, u lnilicu d'une violcnte crise {inancire. Satts tloutc, ot}
prvenir lc drnernlrretneut rnatricl de la Pologne, ,.pouvait encorc "Car

rnotncnt, continuait de S'y rel'uscr: si I'on voulait sacrificr' Cathcrine ct lcs conftidr's de Bar ct lcs rirforrnateut'S dc I'arttre parti, on pouvait rnaintcnir, sans cltnngetnent nominal clans le territoire, un fantrle de r'publique, Pologne dc norn, Rrissic cle fait. tela n'tait pils sricux. Clroiseul ne pensa

la tzarirte,

en

Ce

pas trn al'ransetnent aYcc Cathcritte, mais

il

cssayl dc regagncr

I'Aut|iche. II lit offi.ir le trnc de Pologne )Iaric-Tlrrse pour r' Ipoux tl'une de ses filtcs, le duc de Saxe-Teschen L'Autriche
J.
1792' Celui qui vint ave(' s femme bomblrder Lille en

u7701

CT}OTSIIUL

ET LA POI,OGNB.

2?3

maritirne ai'aicnt dj un contre-coup clans l,Archipel. L'escaclre

I'anglctcrre tait imminente. L'[spagne clisputait I'Angleterre possession des lcs nlalouines; les Espagnois avaieirt dj recouru aux voies de fait dans ces paragcs lointains, et le cahinet de Mad'id rclamait le secours cle la tr'r'ancc. Lcs br.uits cre g'crrc

II C'tait donc trs - prob;rl-rle, si I'on vonlait ycirjtaSlemcrrt dlivrer la Pologne , qu'on aurait lutter contre Ia Russie, lt Prusse et I'Autriche runics. D'un autre ct, la gucrre avcc
rclusa.

la

semcnt, ll'auait

qui rcstait Ia. Pologne'. Nous a,yons d travc'scr bien des igno'rinics rlepuis Ia mort de Louis le Grand, rnais ricn de cornparalile cc qui o prpar ct s'ivi la chute de choiseul. Il scmble qu'on s'elrfunc tujours plus *vant durs ics cerclcs infc'raux cl'un abirne, non point cle llan:nrcs, mais cle Jroue. Aprs la urort de la rcine Marie Lesczy'slia (zttjuin 1768) r, Louis xv, cl'abord asscz fortcurcut affcct cle ce nouvcl avcrtis1;as tar.d

le rappcl cles marins anglais. L'An_ navales, et puis clle cor'nren'essources ait trouver que lcs Russcs allaic't un pcu viie cn o'icnt. La guc're gnralc n'cut pas licu. choiscur, clcpuis quelque temps nrin par d'autres intr.igues, tomba clu pouvoir lc 24 cl_ cernbre 1770 , et, avcc lui, ra clernir,e et faible chance de sal*t

russe tait tlsrirganise par gleterre conccntrait ses

sor)nc lr'cs-altic\r'c

rclativc qui avait l'cparu la eour duranl clcux ou trois ans, e[ s'tait rcprlo'g da's Ia crapulg nvss une nouvelle Ii,rsie, cntlarr 1.ra. iu vicux Richclicu , cct tcurcl tentatcur. 0n 1;rtend qu'une sur tie choiscul , maclarne tle Gnuunront per,_ ,

s'afJi.ant,hir cle I'cspcc dc dccncc

son ili'r'c

trs -

intclligcntc,

trs - ncrgicluc

iil cn courul conh.e cux clcs J_rruits d]iirccslc),


I'ht'itage

, clvouc

;.r

aspir' sans succcs

avait

ltlutt, de tttitr]atne
l.

cle matlaurc cle Pclurlilri0Llr., olr,

cle thtciluroux, qui cllc rcsselrblait tjavimtagc. La lic't dcs ciroiscul n'tait pas ccllc c1u'inspirc la

'ertu.

Dumo[r'iez avait prplr un rarge pran tle calnprgr1e prlur 1??I: il prtc'tlait orgltiiser une artue rtigirlire eu ltol<lgrre ct f:rire puilrt" jusriu'en liussie ; inais "tre il y au|lit cu $illls tltttrte, tlrttts I'excution, bt'tucuup r.abattr:c' de cette conce',.ir,ir aventulerrse. Y. st.s lllnoirts, t. I"r, elr. 1-lI ct 1.IlI. 2' '(ott pre, le vieux Stanislas, l';rr';rit rrrcidce, ie 23 filrier I7(j, et la Lor.iij, e avait r tlt!fiuitivement lrurrie :i la Flaiice.

)iYI.

{8

271

LOUTS XV.

u?68-{?S9}

Quoi qu'il cn soit, Louis se prit dans de tout autres Iilets. Yers I'autornne de 1768, Ie pourvoycur du Parc-aux-Cerfs, le trop fameux valet de charnbre Lebel, ne slchant quoi recourir pour dissiper I'ennui du monarque blas, sc hasarda un jour lui arnencr une fille entrctenue par un chevalier d'industric nonrm du Darri, qui faisait servir ses grces de mauvais Iieu I'achalandage d'un tripot. L'histoire esl bien force d'efteurcr ces turpitudes : cctte cratule devait rgner sur Ia X'rance ! Jeanue Vaubcrnier inspila au dbauch sexagnaile une telle ivresse, qu'il ne voulut plus s'cn sparcr. Il I'tablit Vcrsailles; il la tnaria denom au frre an de son ancien amant;il la ti{ prscnter la cour sous lc nom de corntcsse du Barri; il l'introduisit auprs de ses filles, et, plus tard, auprs de la jcune pouse de son petit-fils! Lcs salons de Louis le Grand furent envahis par des htes inconnus, chapps des rcltaires les plus honteux de la dbauche parisienne. Cette cour dprar'e, habituc dcpuis un derni-sicle tons lcs scandalcs, recula pourtant commc au. cotttact d'anirnatix irnrnonclcs. Les femmcs les plus tarcs refusaient d'approcher l'trange favorite. Le {ier Choiscul ne put se rsigner mnager une telle influence: iI repoussa les avnces dc la comtesse; il s'effora de faire rougir le roi cJe su'cctler , touto la ratce. Tout fut inutile. Quand on vit le vieiliard entirenent et dfinitivernent subjugu, une portion cle la cour colttlrtcna dc tcliir. Il sc forrna tn ytarti dw Barri: les ennernis de Choiseul se rapprochrent cle cette nouvelle puissance, et le duc d'Aiguillon servit d'internrdiairc une coalition, att tnoins indirecte , eutre la

cabalc dvote et le parti des rtrauvais lieux ! Le fcu clauphin n'tait plus l pour imposer ses arnis le rcspcct d'eux-ttttncs et
de leur ctuse
!

Dc rrouveaux personnages cependant s'taient introcluits dans

le rninistre , SouS les auspices de Choiseul, sauf s'unir avec Scs ennemis s'il y avait protit. Ce n'taient pas des rndiocrits dociles ou peu dangereuses conllne leurs prclccsseurs atrx Sccaux ou au contrle gnral. I\faupeou, nomm chancelier en 1768, et Terrai, appel au contrle gnral cn dcembre l?69, strr la
I'ecotnrnanclation de l\Iaupcou, Son ancien collgue au llar.lement, taient de ces hotnrnes de coups dc rtlain et d'avcntures, comme

u 7691

DU I]ARRI. R,IAUPI'OU.

contrleur, sous les fonnes c5-niques d'un satyre, dont il avait le visage et les murs. 0n avait reprsente I'abbe rerrai au roi et choiseul, comme seul capable de trouver., et surtout de soutenir imperturbablement les moyens extr.ures devenus ncessaires pour prvenir l'crourenrent irnnrdiat des linances. Terrai, en effet, avait un esprit net ct vigonr.cux au seryice de sorr imnroralit. une dprayation insense avait men le gouvcrncruent la ruine linancire : une dpravation intelligente nait suspcndre p0ur un rnornent cette ruine. Terrai ne savait ce que c'csl. que le juste et I'injuste; mais il connaissait fort bien le possible et I'inpossible.
excdait re reyenu tre millionsr; la dette exigibre atteignait 110 rnillions; Ies anticipations sur les revenus futurs dpassaicnt l6t rnillions; I'anne 1770 tait dvore d'avance, avcc les deux pr.e'riers mois de l7zl, et les banquiers et linanciers refusaient de faire tle nouvellcs avances pour 1770. Les principaux services allaient se trouver
63 dsorganiss. Devant I'opposition du parlenrcnt et la ehute du crdit, I'on ne pouvait recourir de nouveaux irnpts, tle nouveaux

en surgit clarrs ]es temps d'orage; galenrent audacieux, san$ scrupule et sans foi, r'un, le chancclier, sous les fo''res d'arrord souples, puis arrogantes d'un affranchi des csars, l,autre le

il

TEIiIAI.

?,liJ

Il vit qu' la fin de 176g Ia dpense

ernprunts, de nouvelles anticipations. Quelgues liritier.s des traditions de Law proposaient re papier-monnaie. Terrai n'y croyait pas. Puisrlu'on ne voulait point aborcler les grandes r.formes, il ne restait donc que deux ressources : l'conornie et la rduction de la dette, c'est--dire la hanqueroute partielle.
L'conornie, tclle qu'on pouvait la proposer ce gouyernement, tait tout fuit insuflisante elle seule; et la rcluction, de sorr ct, pour sriffire, erit dti tre pousse jusqu' la banqueroute
m.rne

totale, ce qrii semblait par trop trnraire,

dressa son plan d'aprs les deux ressources runies. llroposa des dirninutions de dpenses sur la rnaison du roi et sur.les divers ministres, et il comnrena la srie clc ses oPi'al,ions sur.la dctte.

Tenai. II

Il

l.

c'est,

le chiffre

dgnn par NI.

possde la farnille de I'abb

Nous iguororrs sur quoi porte cette rlif{reuce d.'valuatiou.

Ilaynon ri'lnvau. D'aprs les docurle'ts que Terrai, le dticit rel aurait mme atteint 7ii,??4,()00 fr.

9?6

LOUTS

X V.

u?70)

suspend I'anortissement pour huit ans et destine son fonds (18 rnillions prr an) r'embourscr les anticipa-

Lc 7 janvier 1770,

il

tions; le 18 janvier, il convertit les tontines en sirnples rentes viagrcs (spoliation dont il n'value lras le produit rnoins de 150 millions, rpartis sur un asscz grand nombre d'annes); le 20ianvier',il rduit quatre ct deux et derni pour cent lesarrragcs d'une rnassc d'eflbts antrieurernent consolids cinq pour cent ; les 29.ianvicr et 4 fvricr, nouvelles relenucs sur les pensions, avec effe t rtroactif r, sur les bnfices des fennes, etc.; 18 fvrier, suspension ind{lnie du paiemcnt des rescriptions sur les recettes

gnralcs, billcts dcs fcnncs ct autres cffcts remis aur financiers qui avaicnt avrnc des fonds au Trsor; il y en avait au moins pour 200 urillions; on assignc ces effets un intrt de quirtrc ct clcuri 5 p. ofo, et I'on tablit pour cux un nouvel

amortissenrcnt. [Jn emprunt de 160 rnillions, t 4 p. o/o, est onvclt sur I'Htel de Yille (la classe privilgie des rcntcs ); on adnret, pour rnoiti, clans lcs versements, les effets dont lcs arrragcs ct intrts ont t rduits lc 20 janvier, ct, pour I'autre moititi, lcs rescliptions suspcnducs le 1B fvricr. C'cst une nouvelle consolidation indircctc ct particlle. Bn rnme teurps, I'intrt lgal tles constitutions de rente cst report 5 p. o/o, pour ranirncr la circulation de I'argent. Les mesurcs violentes n'cn continucnt pas rnoins. A ct tl'un nouvel emplunt de 25 millions sur les reccvcurs gnrus, un enrprunt forc dc 28 ruiliions est ley sul lcs sr-rcr'taircs du roi ct trttt'cs of{iciers royaux. (fvrier). 0n suspend pour cluatrc ans tot"ts lcs rcmboursentcnts oprer'1lar les cor'ps, comrnultits, ctc., qui ont eutllrunt, soit pour lc roi, soit pour cux-rnmcs, et les foncls sont tltourns I'aurortissemcnt dcs rcscriptiotts et assignatiuns (? fevricr) ; bientt otr en vicnt violct lcs dpts judiciaircs, donf on rctnplacc lcs cspces pal clcs efl'e{s du Trsor, cfl'cts discrdits sur Ia place. D'un autre ct, on prcssc, on [ord, pour ainsi dire, lcs iurpts, alin de leur ertorcluer tout ce qu'ils peuvcnt rendre. Tcrt.ai, aprs avoir renris
l. Orr annoua que les letelrues :etaient progressives, et, en effet, les pensiorrs tn)crulcs srrbircnt une rrlnction pi'opr.rrtiurrttcllemetrt plus forte rluc les petitcs; rriais lcs 1-rlus gros-res, t'ellis clcs coultisans et tles ijeus cll 1'aveur, furentpargnc::. Totrt tuit rlensouge! Y. Ilorrthion, Portricuklrilds our les nrdriislres tles fintLri,es, 1,. ltiB,

I,'ABB TBRRAT. 277 Ies services flot, arrive ainsi, au bout de I'anne, diminuer la dpensc de 36 rnillions et arrg'rcnter la recctte d,une quinzaine de nrillions. Il annonce au roi qu'une dizaine
nornies achyeront cle rtablir l'quiliJ.rrc t.

[r 7701

de rnillions cl,co-

palrle qrr'elle, ellc avait repouss la puissance et la grandeur incomparal-rle que rui offrait Dupreix, eile n'a'ait plus marcrr que dc dsastres cn dd'sastres. Aprs la paix, on fit une tentative pour I. rclever. Dn 1264, ra compagnie rtroccra au roi lcs res de Francc ct de BourJron et les cornptoirs d'Afrique. Le roi hri re_

Ia marine cle la F.aucelue actionnaircs; mais, depuis I'poque o, troir bien d'.ccorcl A'ec un gouvernement aussi p'sirtanime ct prus

utile inclirecrement aux relations et


profitable
scs

uvre de colbert, relevc a'ec un clat si pr.rtigi..,x pr l-,aw, chappe la catastroprre du syslrize, a'ait t, en gnral, prus

gramnle. une grande association, qui avait cu un rnoment, jadis, ra fortu'e de la tr'rance dans sr.s r'ains, acheva dc s'croulcr clurant la prcmire anne du ministrc de Te*ai. La compagnie dcs Inrlcs,

consoler, comme voltaire, d'une banq.eroutt par une pi-

fluentes, n'tait pas aussi vive qu'elle lc serait clans les socits actuelles, o tout repose sur le respect des engagernents pi,cu_ niaires de l'tat. Bien cles gens mettaient teu. phitosophie se

de ville. cct golsme clininua bca.coup leur force mo'ale. La cour applauclissait au hardi co'trleur_gnral; mais dc nombreux intrts taient fouls, broys; cles procs, de nombreuses banqueroutes, cles snicides, accroissaicnt lc mercontentenrent puhlic; cependant I'inclignation, dans lcs
classes

renfes sur I'Htel

L'excution avait t aussi nergique que les moycns taient dloyaux. La plupart dc ccs rnesurcs avaient t pubrics sous forme d'arrts du conseil; lcs moins scanclalcuscs, pri,sentes au parlernent sous forme d'dits et de dclaratio'S, y avaient pass avec moins de difficult qn'on ne I'efrt pu croire. Le parleinent tolra une banqneroutc prsente comme invitable r.* , inro.oi, particuliers dcs rnagistrats taient peu affects par lr:s spoliations de Tcrrai, leur fortune consistant principalernent en tc'r.cs et en

in-

cou-

a*f,:i';;:i;tt

''

cocernant tes finurt'-es ce lifurrce, ttepttis 17[iJ iusqu'a, 1787 1

278

LOUIS XV.

Lr7 64-r7701

rnit les douze rnillc actions qui appartenaient au Tr'sor' lnoyennant quelques charges, et I'irutorisa s'adrtlinistrcr clle-tume, silns comrnissaircs royaux, et faire un appel de fonds ses actionnaircs. Un llanquicr genevois tabli Paris, qui avait fait loyalement une granclc fortune ct qui ilevait jouer un grand rle politique pendant les dernires annes de I'ancien rgirne et lcs prernires de la Rvolution, ll. Necker, avait pris la principale influence parmi les actionnaires, et peut-tre une administration claire et honnte et - elle relev le commerce de la 0ompagnie; ntais'une intrigue ourdie autour du contrleurgnral mena la retraite des administrateurs lus et le rtablissement du rgirne du cotnntissariat (1768). L'tat des affaircs parut bientt donncr raison aux conomistes, qui battaient tlepuis longternps en brche le privilgc de la Cornpagnie. Des mtnoircs pour et contre ce privilge furent pul-rlis en 1769 par M. Necher et par l'altJ il{orellet, reprsentant de la secte conomique. Le ministre avait son parti pris, car c'tait le contrleur-gnral d'Invau qui avait ltti'rnrne engag n{orellet crire. Un arrt du conseil, du 13 aot 1769, de I'avis des dputs du commcl'cc, dclara libre le trafic de I'Inde; seulement les retours devaient con-

tinuer cle se faire Lorient, restriction qui dirninuait fort les avantages du libre commcrcc (6 septernbre). La Compagnie , crasc par ses dettes, n'essaya pas de lutter contre la concurrcnce du cominerce libre. Elle fit cession de biens entre les mains du roi, qui se chargca de satisfaire les cranciers et de servir la rente des actions 5 p.o/o (B avril 1770), Le contrleur-gnral, cn sus dc cette cession, clui portait sur une valeur de 100 millions, trottva encore lnoyen d'extorcluer arlx actionnaires, cn augmentnt leur rente, ttn dcrnier versement d'une quinzaine de millions, tandis qu'cn ralit c'tait l'tat clui leur redevait 20 rnillionsr. Ainsi finit la Compagnie franaise des Irrrles, pendant que la Compagnic anglaise, son heureuse rivale, s'avanait pas de gant vcrs la conqutc cle I'Inde entire ct possdait dj le territoire et le reveuu d'un graud ernpire. (Ellc avait, avant 1772,outre

l.
A,

Mm, el'abb}Iorellet, t. I..,c. Necker pour la Compagnie d. InLles.

yur.

tr[ercure

irirt., t. Ci,XYIII.

Mrn. dc

r? 7ol

COTIPAGNIE DBS

INDES.

?:9

les profits clu commerce, 120 urillions de reYenus, dont l'tat s'attribuait pcu pre\s 50.) D'autrps opratio1s, plus oltscures' agitaient plus le pcuple que la ruine de la compagnie dcs Itttles, ou mrne que la banqueroute cle I'abb Terrai, et ces opratious
eurent cle bien plus terribles consqucllces. Nous revicndrons bientt sur Ia qucstion des crales: iI suflit de faire remarquer en ce rnoment le contraste choquant que I'on cut signaler entre la ' ruine de tant de particuliers spolis par Ie rninistre et la misre du peuple cause par Ia chert des grains, d'une part , ct, de I'autre, les clpenscs norlnes qu'ordotlna le roi pour le voyage et la rception de la nouvelle dauphine. 0n prtend, satls cloute avcc exagration, que ces dpenses dpassrent 20 millions. Parnri les rnagnificences de ccs ftes, tles prsages funestes semblrent atlnoncer le sort rserv la tragique union de Lonis XVI et de Marie-Antoinette! Lefcu d'artifice olfert par la ville de Paris aux royaux 1roux, le 30 mai, sur cette place Louis-Quinze qui devait tre un jour la place tle IaRvolution, se termina par une panique ori s'touffa, oit s'crasa la foule immense laquelle on n'avait pas

prpar des ilbouchs suffisants : plusieurs centaincs de personnes prirent. Quelques semaines aprs ce malhcureux vnement, le parlernent cle Paris, assez complaisant tout I'heure Sur les finances, rentra violemment en lutte avec la cour Sur un autre terrain. La Chalotais, le parlement de Rettnes, les Itrtats de Drctagne, avaient continu demander justice de d'Aiguillon, depuis quc le roi I'avait retir de cette province. L'ex-gouvcrneur, outre les griefs rclatifs son adrninistration, tait accus d'avoir suborn des trnoins dans le procs de La Chalotais; on faisait mrne entrevoir le soupon d'une tentative d'ernpoisonnemcnt contre le procureur-gnral captif, chosc bien plus invraisemblable que le reste. D'Aiguillon lui-mme pria le roi de lui donner pour juge le parlement garni de pairs. La cour des Pairs fut couvoquc Versailles, sous la prsidence du roi en personne (4 avlil li70), afin, dit le chancelier Maupeou, n de laver la pairie des clirnes d'uu pair, ou un pair des crimes qui lui sont imputs. r Ce procs solennel se dveloppait rgulirement depuis prs di: trois mois' avec de nornJrreuses pripties, lorsque Louis XY le trancha brus-

280

TOUIS XV.

[r?70]

quement, par rrn lit cle justice, le 27 juin. Le roi, considrant, ditil, quc les incidents de la procdure tenclcnt sournettrc I'inspection des tribunaux le secret cle son administration, I'excution de ses ordres et I'usage pcrsonnel de son autorit, convaincu que Ia conduite du duc d'Aiguillon et dc cetw dnomms dans les informations f La Chalotais ct autres) est irrd.prochablc, annulc les ltrocdurcs, Ies plaintes rciproques, etc., et irnpose le silcnce Ie plus absolu sur le tout. 0n ne pouvait tre plus inconsquent ni plus ddaigneux de toute forrne jucliciaire. Les incidcnts du procs n'avaicnt rien

qu'on n'erit dfi prvoir; mais le chanceliel ne chcrclrait que le prtexte d'une grande qucrclle avec le parlement. Le parlernent, en effet, accueillit avec indignation cctte intervention arbilraire tlu pouvoir personnel dans le cours de la iustice, intervention qni, du rcste, avait eu de nombrcux prcdents et avait assur I'irnpunit de bien des coupablcs, avec cles circonsrances et clnns cles occasions moins clalantes. Le parlement, pr arrt clu 2 juillet, dclara que les informations, contrairement aux lettres patcntes
du 27 juin, contenaient des comlnencemenls de preuvcs graves de

plusieurs dlits comprolnettant I'honneur du cluc d'Aiguillon, et que le cluc dcvait donc s'abstenir de faire aucunes fonctions de pairie, jusqu' ce qu'il se ft purg par jugernent. C'taitjel.crle gant en face I'absolutisme royal Le conseil cassa I'arr't du parlement. Aprs cl'inutiles rcmontrances, le parlernent arrl.a de nouveau que le procs ne pouvait tre ccns terrnin par un acte arlritraire dc I'autorit absolue (31 juillet). Lc 14 aofit, Ie parlernent de Rennes fit bltiler par le bourreau dcux mmoires et consultations en favcur clu duc d'Aiguillon, et refusa d'cnregistrer des lettrcs patentcs qui cassaient un arrt par lui rendu conlre des rnembres cle I'ex-parlcment d,'Ai,gu,illotr. L,e roi 1t crnprisonncr deur conscillers ct enregistrer de forcc, Rennes, les arrts du conseil. Le parleincnt de Rcnnes proteste et envoic aur autrcs cours conrrnnnication des inforrnations qu'il a faites contre d'Aiguillon et ses fautcurs. Les antres cours lirennent parti pour lcs parlernenis de Paris et de Rennes. M. de Calonne, qui, de procrlrcur-gnral prs la comrnission institue pour jugcr La Clralotais, est devenu intendant de Metz,

u770]

PIiOCS D'AIGUII,LON.

28,f

se voit r"cfuscr sance par le parlement de l\Ictz, jusqu' ce

qu'il

se

soit justifi des inculpations portes contre Iui dans les pices communiques par le parlenrent de Renncs. Le gouvcrneur de i\[etz, par ordre du roi, fait biffer I'arut conlre Calonne. Pareils oragcs clatcnt Borcleaux, Toulouse, Bcsanon. Le 1.. septembre, le conseil casse un arrt du parlemenf dc Bordcaux, o I'on pri'tend, clit I'arrt du conseil, ( qrlc Sa }{ajest tient d'une loi constitutive le pouvoir qu'elle ne ticnt que de Dicu. > Le 3 septembre, le chancelicr nrne le roi au Pulais tenir un nouveau lit cle justice tout exprs pour se faire remettrc les piccs du procc\s de d'Aiguillon et pour faire retlanchcr cles regisf rcs tout ce qui touche cette affaire. Le roi se sert lui-rnrne d'excmpt et de rccors ! Lc 6 septembre, le parlerncnt de Paris prcncl nn arrt oir il di'clare qne ( la multiplicit des actcs d'un pouvoir absolu exerc dc loutes parts contre I'csprit et la lcttr"c dcs lois constitutives de la monarchie est une preuvc non quivoquc d'un projet prntdit de changer la forme dn goni'crncnicnt, et de substituer, la force toujouls gale dcs lois, lcs seccusscs irrgulires du pouvoir arbitraire. r> La continuation dc la dlibration est ajourne au 3 dcerntrre, aprs les vacances. Ces vacances, qui devaicnt trc les dcrnires, furcnt employes par le chancelier prparer les niachines de guerre dont il avait depuis longtcmps Ie plan clans la tte. Le27 novernbre, un dit royal, renouvelant Ia di'claration du 3 rnars 1706, ploscrit dercchcf lcs tcrmcs d'wtit, ct de classes, interdit toute corrcsponclance cntrc lcs parlements, toutc suspension du service, toute rsistance aprs que lc roi a rpondu aux remontranccs de scs cours, sous pcinc dc privation d'officcs. Le parlcrncnt rponcl en rappelant que c'cst lui que la rgyaut a dri I'abaisscmcnt des grands vassaux, lc maintien de I'indpcnrlance de la couronne contre les cntrcplises rle la cour de Romc, et la conservation du sceptre, de rnlc cn mlc, I'an de la rnaison royale; il rcrimine, avec unc ertri.me virulencc, contrc les funestes conseillers du trnc, et supplic le roi dc livrer Ia vcngeance des lois les perturhateurs de l'tat et lcs calomniatcurs de la magistrature (3 dcernhre). Le 7 dd'cenrbre, troisirnc lit de justice cle I'anne. Le roi rnande le pallernent Versaillcs, et lui

2S2

LOU

lS

X V.

u,7701

irnpose I'enregistreurent de l'dit du 27 novettlbre, en fulminant

contre des prtentions qui rduiraient le pouvoir lgislatif du roi la simple proposition des lois. Le duc d'Aiguillon tait venu prendre son sige parmi les pairs et braver trrogamlncnt ses juges. Le 10 dcembre, les mctnltres du parlement en masse offrent au roi le sacrifce de leur tat et dc leur vic; c'tait une forme de dmission. Le roi leur ordonne de reprendre leurs fonctions. Ils se dclarent dans I'impossibilit d'obir jusqu au retrait de l'dit. a Il semblerait, crivent-ils au roi, qu'il ne reste plus votre parlement qu' prir avec les lois, puisclue Ie solt des magistrats doit suivre cclui de l'tat. n (13 dceurhre.) tc roi envoie des letlres de jussion. Le parlement persiste suspenclre Ia justice (19-20 dcembre). On avait dj vu plus d'une fois, sous ce rgne, des situations analogues en apparence; ntais la question n'avait jamais t engage si foncl ni dans de pareils tertres. Tout le monde sentait qu'on allait de grandes ruines. Un vnertrent grave prcda le dnofiment de la querclle parlementaire. Choiseul n'tait plus premier ministre de fait, comme il I'avait t longtclnps : Ilaupeou

et Terrai avaient soustrait leur rninistre sott influence et tninaicnt sa politique deituis ull an. Cltoiseul voulait la paix au dedans, la guerre u dehors. l{aupeou et Terrai voulaient le contraire , et tous deux, aspirant secrtemeut au prernier rle dans le cabinet, s'entendaient contre I'etmemi commun avec Il{'* du Barri. L'hallitude soutenait Choiscul auprs du roi : la peur dc la gucme le perdit enfin. Quancl Louis reconnut quel point son ministre I'avait engag avec I'Dspagne contre I'Angleterre, il se dcida le sacrifier. Le24 dcembre, Choiseul reut son cong par une lettre d'une scheresse brutale, Qui lui exprimait lC rncontentcment que SeS services ctusaicnt au roi, I'exilait dans son cltteau de Chanteloup, et lui ordonnait de s'y rendre
sous vingt-quatre heures. 0n vit alors ce qui ne s'tait peut-tre jamais vu : la cour fidle la disgrce ! La plus grande et la plus brillante partie de la cour dserta Yersailles pour courir s'inscrire I'htel de Choiseul, puis

pour faire escorte l'exil sur la route de Chantcloup. Le duc de Chartres, arrire-petit-fils du rgcnt, fora la consigne de I'htel

U77 0-t?7

tl

CFIUTB DE CIIOISBUT,,

8:J

de Choiseul, afTn d'aller embrasser le ministre dchu. C'tait Ie premier acte pr:litique du jeune prince qui devait lle Philippegalitt. La conduite de la cour tait un symptrne menaant rle I'csprit d'indpendance qui pntrait partout, au moment mme o la royaut s'apprtait saisir d'une main dfaillante Ie despotisme le plus illimit. Toute la partie claire et lettre de la nation tmoigna les mmcs sentiments que la conr. 0n sentait que tout ce qui rcstait de I'honneur franeais Versailles en sortait avec Choiseul. Les esprits furent bientt remus par de nouvelles motions, Un mois s'tait pass en lettres de jussion ritrcs jusqu' cinq fois, pour sommer le parlement de rouvrir le cours de la justice, et en incidents relatifs la rsistance des magistrats. Le roi hsitait frapper le coup dcisif. La du Barri russit o nfaupeou erit sans doute chou. Bien style par le chancelier, elle avait fait placer dans son appartement le portrait de Charles I". par VanDych, et, le montrant Louis XV: < La Francef (elle donnait au roi de t'rance des noms de laquais de cornd ie) La Francel disaitelle, ton parlement te fera aussi couper la tte ! n Le parlement de Paris n'tait pas fait pour de si ten'ibles coups! Il nc songcait pas rnme se donner, comme sous la Fronde, la protection d'une meute, et n'avait pas la moindre ide de r.sis-

janvier 1771, des mousquetaires rveillrent tous les membres du parlement en les somrnant, de par le roi, de signer, ou ol rion, s'ils voulaient reprendre leur service. La grande majorit signa non,. La nuit suivante, des lcttres de cachet enjoignirent aux auteurs des signatures ngatives, an nombre de plus de cent vingt, de se rendre en divers lieux d'exil, avcc signilication d'un arrt du conseil qui confisquait leurs charges. Les trente-cinq ou quarante magistrats qui avaient sign orai se rtractrent le 2l janvier. Le public les salua de vives acclamations leur sortie du Palais. Ils partirent leur tour pour
I'exil.
Les nembres du conseil d'tat furent chargs provisoirement
de renclre la justice au Palais (23 janvier) et s'installrent en grand apparcil militaire, au milieu des hues du peuple. Le greffier cn

tance mat,rie\Ie. Dans la nuit du 19 au 20

LOUIS X!..

Le prarnbule

des monnaies, re chtclet, pr la rnagistrature rout cntirc. Le 22 fvrier, un dit c0mlnena enfin cle rvolcr la pense dc ilIaupeou.

greffiers ne cclc)renr, que dcvant dcs mcnaccs ,le prison pour eux et cle dclaration cl'inhabilit tour,cs charges pour leurs enfants; tnalgr de sernblables nrcnaces, les pro.ui.urs luclrcnt l,orclrc d'exercer leurs offices : ir va sans crire que les avocats s,abstinrent. Lcs lruissiers mmes laissaicnt clatcr lcur rpulsion contr ele ltar_ Iement posti'clr,e. Le chanccrier poursuivit son uor., sans se soucier des protestations passionncs cnvoycs par les llarlernents clc province, par lcs cours des aicres, les chambres des comptcs, Ia cour

chef. Gilbert rlcs voisins, sacrifia un postc de r00,000 francs de rcvenu et sc fit cxiler, pour garder sa foi a' parrernent : res autres

u77t)

s'exllri'ait, dans un rangagc

chacun dans un ccrtain nomJrre clc bailliagor. Lrr ln.n l,... de ces conseils ne devaicnt toucher aucun droit rle vacations, piccs ou autres, en sus de leurs gages. dcspotisrnc so,s lc masque du progrs, prcndrc tc rre crc rrdr'ic ct de cathcrine, d:tait clrosc toute nou'clle p'ur Louis xv. Le I avril, la suite cl'un affront fuit, ,rans unc proccssion, Ilar la chanrbre dcs cornptcs et la cour dcs aicres ur,
Trorlrrrcttt ltosticrr,e,
crcs aides, que ses loquentcs ct

t'errand, Lyon et poitiers six conseils su,p,ricwrs connaissant en dernier ressort dc toutes matir.es civilcs et criminellcs, sauf quelqucs cxceptions (pour rcs rffaires clc pairie, par excnrple),

tait infini'rcnt nuisilile aux justicialiles, obligis d,abandonner Ieurs farnillcs pollr vcnir solliciter une justice lc'tc ct ruineuse par la longueur ct la multiplicit cles procrl*res. Dn consquence, Ie roi tablissait dans res vilres d'A'.as, Brois, chr,ns, crc'nont-

offices, < introduite par rc nrailrcur des ternps, ) [ui < loignait souvcnt de Ia rnagistraturc cclrK qui en taient lcs prus dig'is; u reconnaissait que Ie roi devait ses strjets une justice prornpte et griltuite; qtle l'l.endue exccssive clu ressort du parlcrncnt de paris

dsavou les philosoplres, sur ra nccssit cre ,r,rorur.,. lcs abus dans I'adrninistration de Ia justice; concramnait cette vnalit des

quc n'cussent pas

on nc saurait nicr lhabilct r]u pran de nlaupeou: abriter

Ie

urr dit supprima la cour

nuelles rernontranccs avaient rendue odieuse, i,nembra son ressort entre lc parlement de paris et les nouveux
conscils sup_

co'ti_

lt771,l

PA ITTENIENT

DTIiUTT.

s8

scs ofIces. Les principaux rnembres de cette cour furent exils dc paris. Le roi tint, le 13 avril, un lit de justice oir furent enregistrs, aycc l'tlit qui abolissait la cour dcs aidcs, dcux autres rlits, rlont le plcmier supprimait tous les anciens ofliees du parlcment, avec rernboursement (on revcnait sur la conliscation annonce), ct les rcmplaait par soixantc-qninze officcs gratuits, sans hrclit, sans vnalitr, sans pices; le second dit supprirnait le gr.ancl conscil, ce tribunal parasi[c, sans tcrritoire et sans ttributions fixes, qui avait eu tant dc dmls avcc Ie parlcmcnt. Les rnembres clu grand

rieurs, et ordonna le rernbourserncnt de

conscil fonnaient le nouveau parlerncnt, avcc quelques ancicns memblcs de la cour dcs aides ct cluclques avocats obscurs, rccomrnand['s par I'archevque de Paris ou par d'autles cnneuris de la vieille rnagistraturc 2. Le roi, aprs avoir clfendu toute interccssion en fAveur du parlement dchu, se retira cn disant ayec une ncrgie d'eurprunt : < Je ne changcrai jamais! > ce fut ainsi que le parlement de paris aila rcjoindre sa grande enncrnic, la Socit dc Jsus. Tous lcs grantls colps, tous lcs lmcnts fondamcntaur du pass(r, sont dtr.uits les uns apr.s les autres pap la royaut, qui reste scnlc suspenduc sur I'abmc, dans sa pleine puissance apparente et sa failllesse rclie. L'impression cst profondc, immense, sns tre unanirne. \ioll.aire et quclques encyclopdistcs, qui tout I'hcure dploraic.nl arcc lc public la luinc de thoiseul, hsitent, s'd'tonncnt et finisscnt par applaudir' lfaupcou r'fornrant lcs abus ct chassant lcs jLiges de La Barl'c ct dc Lalty. l\Iais I'opinion, poru la pr.cnrire fois, n'cs[ ps a!'cc l'oltairc; cllc cst ayec rllaltli, sllr ccttc qucstion. Lcs parolcs de libert, dc droit, de l('galit, sorl,ics dLr scin rlcs cor.;,s judiciailcs, I'ayilicut forternent muc. Bllc nrirlisc trop le uirristrc pour lui savoir gr cle scs rforrucsr. L'esprit cl'oppcsitjrrn
l, Le nourelu pnrlement devait prseuter au roi des canrlitlats puur lcs o{fices tlrri viendraient vaqucr. 2. Le lrremier preisident a porletnrn.t )Iaupeou fut I'intc,ndant 4e pa1is, trJerthier rle sauvigni, dorrt le fils devait prir tragiquemeut, en l?8{}, avcc son lrearl-p[l.s lir_ lon, intentlant rles fitl;tttces sotrs Terrai. V. Jt)unt(tl historityrc de lu rdtolutiort ottre dt:ns la constilution de la ntonarchie f ranaise par trt. de n[au1rcou,.7 r.ol. :1. Lln rt)glemcnt, FuLli le 17 nrai, sirnplifia l:r pi'ocr1ute en airplitlurut les lbrlres du e onseil tl'dtat anx liouYe&ux tribtrnaux, sauf les moclifications ncessaires.

28S

[OU IS X Y.

[L77t]

tribunaux infrieurs, se fit briser plutt que de ccler (p? nrai). Panni Ies rnagisfrats du chtelet envoys en exil, on rernarque Ie nom dc d'Bsprrncsnil, avocat du roi. Les parlements lirovinciaux d{iaient hautement les destructeurs cle la rnagistrature parisiennc, qui allaient lcs dtruire leur tour; le parlernent clc Rouen, entre autres, avait dclar intrus et pafiwre.s les magistrats, avocats, etc., o qui se sont ingrs dans les fonctions du parlernent de Paris ( 15 avrit), r et avait conjur le roi de convocluer les lltats-Gnraux. Il n'y avait point cle troubles matriels : la rue tait tranquille; mais la ferrnentation tait clans lcs esprits;

grand conseil avaicnt refus cle siclger dans le parlement n[awpeow. La plupart des bailliages et prsicliaux rcfusaient de reconnatre lLrs no*vcllcs juridictions. Le Chtelet de paris,le prernier des

Ililit des magistrats conrptait panni les lois fondarnentales de la rnonarchie et dniaient forrnellement au roi le droit cle rendre une loi telle clue celle du 27 novembre r. Le roi exila les princes dans leuls terres. Le parquet avait dmissionn, et dix des anciens mernbrcs du

fhit oublier en ce moment les tenclancc.s reltrogrades, les fautes, les crimes mmc des parrernents, pour ne rapperer que leurs longs sel'vices contre la fodalit et contre I'ultrarnnlanisrne, que le lien qui a uni ces grands corps, clurant tant cle sicles, aux destins de la nationalit franaise. L'opposition est partout, autour du trne, sur les marches du tr'ne mr,e. L'avocat,gnral sguier avaii dit en face au roi, dans le lit cle justice, u qo. I'interversion des lois a t plus cl'nne fois, dans les plus granrles monarchies, Ia cause ou Ie prtexte des rvolutions. > sur vingt-neuf pairs pr_ sents, onze avaient opin contre I'enregistrement des dits, ,t, ,, qui scmblait plus grave, tous res princes du sang, except re conrte de La n{arche, fils du prince cle conti, s'taient abstenus de paraitre au lit dc justice. Ils avaient adress au roi une protesta_ tion trs-vive, oir its arguaient cl'illgalit tout ce qui s'tait fait depuis le mois de novembre dernier, soutenaient que I'inviola_

l. La protestation est signe clu duc c|orlans, du duc cle chartres, sorr fils, du prince de Cond, du duc de Botrrborr, son fils, du cornte de Clermont et du prince de Conti. Le roi appelait ce dernier nrcn ousin I'auocat, cause de ses relations et de ses opinious parlementaires.

IL77 r)

PRLESIENTS

Ii\UPBOU.

287

,la main, bravaient la police et rpandaient partout les dtails des turpitudes de Yersailles; des placards terribles , ceuvres non point de factions ou de conspirations qui n'existaient
des nouueiles pas encore, mais cle colres individuellcs, apparaissaicnt de temps

en temps sur les places publiqucs. 0n lut un iour, au bas de la stitttre cle Louis X\i, ces paroles : A'rrt de Ia clur des mynnaies, qui ortlonne qw'u,n Louis mal frapyt sera refrapyt. Le ministre poursuivit son ouvrage. Toutes les juridictions qtri rsistaient furent blises : c'tait la table de marbre, qui jugeait en clernier ressort ce qui regardait les eaux et forts; c'taient le bureau des finances, le sige gnral de I'atniraut, etc.

D'aotrt en noyembre 1?7t, tous les parlements ltrolinciaux et plusieurs cltambrcs des comptes, cours des aidcs, etc.' furent dissous et rorganiss sur le nouveau piccl. Non-sculenent la haute bourgeoisie, mais la noblesse, adYcrsaire accoulurne des gcns cle robe, se montra cn gnI'al Sytni)athique au dsastre de la magistrature, soit qu'clle ft erltpot'te par lc sentirnent gnral d'lrostilit contre I'entourage du roi, Soit qu'elle pressentt, dans la cliute d'un tablissement aussi ancien ct aussi considral'rle, le pril irnrninent tle toute la vieille socit. Dcttx gouvel'neurs de provincc drnissionnrent piutt qqc tle prter la rnain la destruction cles parlements de Toulousc ct de Rotten. Le haut clerg seul se rjouit avec impr'voyance du coup qui vcngeait les
jsuites. L'abb Terrai avait les rnaitls libres, depuis qu'i[ n'y avait plus craindre de refus d'enregistrement. Les conomies qu'il avait flemandes n'ayan[ pas t excutcs, il augrnenta les impts, tailles, vingtimes, gabellcsr, dons gratuits; il rendit la justice beaucoup plus coteuse que lorsqu'elle n'tait pas gratuite, en

augmentant norntd.ment les droits de greffc, de contrle, etc.; il cra clcs taxes nouYelles et unc rnultitude de petits offices nouveaux; il supprima d'autres officcs ; iI renversa lcs ordonttances municipales de 1764, en rtablissant, pour les charges rntttticipales, la vnalitrS qu'on venait d'abolir pour les cours de justice;
l. u moment fle la chute tles parlernents, I'administlation avait prplr un plan pour le nivellement de I'impt du sel. Terrai y renoni et augmenta pulemcnt et
simplenent la gabellc d'un cinquime,

988

LOUTS KV.

[L77L-L',i72]

en vrai financicr du moyen ge, il douhla, au profit du {isc, non-seulcment les pages qui appartenaient au roi, mais ceux qui appartcnaient aux seigneurs; il rvoclua toutes les alinations des dornaines et de divers droits, lcs unes sans ucun rernboursement aux alinataires, les autrcs en chargearrt Ie trsor de leur payer une faible renlc; il fit valuer arl-ritrairement tous lcs offices, e[ taxa lcs titulaires i pour 100 par an du cirpital, en sus dcs rclenues quc subissaient tous les gages et rentest; iI abolit toutes lcs exenrirtions de droits, d'aides, de gabelles, de traite foraine et de franc-licf, sans indemnit aux villes ou aux particuliels clui lcs avaient achctes : il se procura 50 rnillions par des rnissions rle rentcs viagrcs 10 pour 100; il arriva, prr d'innonrbrablcs opr'atious hursalcs, augmentcr la recctte de 34 millions ct rernbourser une asscz grandc partic des effets suspcntlus, de faon rcrnettre {lot des tnanciels dont il avait bcsoin; il sc ranta d'avoir dpass l'quilibre tle 5 nrillions en fayeur de la rccette pour 1773; rnais, ce qui cst sr, c'est que, dans son propre plan llour l-t74,le dclficit, c1u'il avoue cn partic, sc retrouve dpasscr 40 rnillions. (Il cn voue pass 27.) Il avait tlernand des conomies la cour; elle avait rpondu par de nouveaux accroisscmcnls cle dpcnscs 2.

0n irensc bicn qu'un ordre vritablc tait incornpatible avec une telie inrnloralit. Telrai avait dij dtourtt ert partie les foritls de son nouvcl amortissement, altrs avoir dtruit I'anciett. Il avait rcnouvelj le bail dcs fcrrnes gnralcs 135 rnillions : tout e tant convoilu, il antioncc aux fcrtniers que leurs places sonf glo'cs dc croupcs ( purts tlc faveur) et de pcnsions pour 2 lnillir-rns. Lcs fclrnicrs sc rcricnt : il lcs lltenace dc ne pas leut' rcndrc lcs funtls dj tvancs. lI l'aut en passcr par les 2 nrillions. tc truit, parrui cctrt autt'es, inditlue la vraie physionomie dc ce
ministre tlc coui;cur tle bourse' Tcrrai achctait, pa.r toutcs lcs exactiotrs et les malvet'sations irnagirrablcs,I'appui tla purti Du, Barri. Lir Pornpadour, au rnoitrs,
1. Tc'nlri {ixt ces retenues un dlxirne sur les lcrites viagres et les gages, ntr cintluime sur les iutiris dcs cautiorurenreuts et les bnfices des ferniers-gntiraux, et uu quirrzimg sur les retrLes per.ptuelles. 2. ? rnillions ponr la maison cir-ile du loi et l'apanagc tu courtc d'Altois, etc.

naissa'ce de la comptabilit des r.ecerreurs des tailles (rnai I 772). c'tait la comptabilit tout entire s'ahirnant dans re gouffre tnbreux des acquits au complanl t.

trsoriers gnraux du crerg et ce'x des pafs d,tats, puis ra con-

11772.1.773] OPRATIOI{S DB TERRAI. 2S9 avait eu une personnarit, une voront; mais la Du Barri s,appe_ lait lgion; ir n'y avait, point de bornes r'avidit de la vore de harpies qui entourait cette courtisane facile et fa'tasque. Ir res_ tait une dernire ombre de contrre la chambre des comptes, Ia seule des grandes cours gue I'on erit pargne et qui erit aban_ donn ou rnoilemcnt soutenu Ia cause comrnune de ra magistra_ ture' La chambre des comptes essayait de se rerever dans l,opi_ nion par des remontrances sur les abus financiers. Terrai se dbarrassa de ce f'aible obstacle : il ta la charnbre des comptes la cornaissance de ra validit des pices qui constataient les rem_ boursements faits au nom du roi par res garcres
du trsor,
les

I'autre une multirucle de personnes notables, enleves Icurs fhmilles et reurs affaires, taient rvoques aussi lgre_ rncnt qu'elh.s taient lances. Le contrleur-genoral tait Ie pre_ rnier ri'e des bons mots qui couraient sur ses dprcrations; ir vo*lait bien qu'on lui reprocht d'tre un voleur, pourvu qu,on ne lui reproctrt pas d'tre un sot2. Le sricux et Ie nerf manguaient ce despotisrne dbile et avin, pour devenir une vraie tyrannie. e n't*it pas que la vigueur liersonneile fai[t lIaupeou Terrai; rnais, u-rressus et au-dessous d,eux, 'i et tout l.aiblissait s'affaissait tlans Ia victoire rnrne. Du ct oppos, on faibrissait aussi. Les memrrres des parle'rents de Grenobre et dc Dijon avaient denrand rentrer darrs l'organisation nou'elre. une

chet qui cmprisonnaient ou faisaient circuler d,un bout du

actes tait punie lrar des lettrcs de cachet; mais ces lettres de ca_

si I'on considrait distance cet arbitraire absoru gui ense.rait querque crrose d'effi.ayant; de prs, c,tait presque aussi ridicule gu'odic.ux. Toute opposition 1bnnule

Ia x'rance, c'tait

en

'oy&ume

l' sur

les exactions de Te'rai,

T,""ii-".lii'ro",tr)l,,fomoires
Ir()ur sou t.orupte.

Bailli, I'ist. ftna,ncire tre ta France, cortcernant t'aitntinisnnort' pnonr^ sous

v.

a*

t. rr,

Terrail

2' un' toreur' pou. le comptc du roi ; sa grunde fortu'e prive et res norrnes lrrofits directs .u tolrs tre sorr mirristre permettent d.e croire qu,il ne pillait pa:
xt'I.
49

290

LOUIS XV.

lr77

L-177?.1

les parlegrandc partie tlc ceux du iraflernent de Douai, et, daus de Rennes , de ments cle llesanon, cle Tottlouse , de Bordeaux ' tnrne soutltission' Metz, des ruinorits clu qtrart au tiels, {irent la unanirnes dans restrent Rouen cle Les parlernents de Paris et finirent par se rncmlrres I'abstention; nais une partic cle lcurs ce qui tait rersigner accepter ta liquiclation rle leurs offices, ri:gime' La connatre en quelque solte la lgalit du nouveau prter serurcut rnajorit des avocats, Paris, s'taient clcitls r. mtne en la rcpti.e 6e novcnlrre t??1 Les tats-Provinciaux, un grand Brctagrre, plircnt clcvant ulte n]cn&ce tlc supprcssion. unc prosign avaie't qui nonrlire cle gentilstrotntnes 'ortnirnds, tneuacs norln&t"ttle, testation contre Ia violation tle I'antirlue cltarte tl'eril ou de prison, se rtractrcut individuclleurent' loin de la cotrr, Les oncl, ptr.is les cl'Oriilns' enlluytls de vivrc
lsris dans lcurs intrts

par des rnesures fiscales, dcmandrent la Ligue ni rcntrcr en grce : ce n'taicnt ltas l les princes de jusqu'au caractre son soutint mrne clc la Froncle ! Le seul tonti dlhitnornbreuses juin tcs t77I). lr0ut (cter.mont tait rnort en Paris hostile' moins lanccs ne rendaient pas I'attitucle clu public dit eritt qu'on soutllre, tait rnorne. La Bretiryne surtout tait si prerlrier sortir, au que, rle son silenc. .f ,l* son immobilit allait
jon.,quclqtreclrosedeterrilrle.Lesparrrplrlets,avidementaccueil. que, si tout tait lis, se nrultipliaient coulre le roi. II tait vident susllendu, ricn n'ttrit {ini' 0hoisi considrahle que ft l'agitation causc par la chutc de que lcs gure seul et tles parlemcnts, ce lnouvetnent n'affectait peuplc plofondeurs du couches suprieures de la socit; rnais des meuaants ct autrement bien ' montaient de sourds rnurrnures I pour ricn, provoqtrs par une aulre cause. Illaupeou n'tait lui le roi en perinais Terrai y tait pour beaucoup , et ' aYec '
sonne
!

Il fhut reprendrc 'un peu


crales.

ptus haut Ia redoutable qnestion cles

L'dit cle

1?64 cu faveur de la

libre exportation, si ardeurttlcnt


r en
clisperrsant des

d,,avocats 1'rrisant fbnctions cle procureurs ls acqureurs de ces charges'

l.onar,aitsupprimlesofcesrleplocureurauparlernentetcrccntc}targc's grades universitailes

11705-r 781

QUESTTON DIIS GRAINS.

29r

appel par les cononristes ct par la lrlLrpart des parlemcnts, avait d'abord donn de bons fruits. Les rnoissons abondantes, qui avaient peut-tre sauv la tr'rance dans les dernires annes de la guerre de sept Ans, s'taient reprocluites cn t?6b et l?66: r'intrt des producteurs et celui des consommatcurs avaient pu se.concilicr par un prix rnoycn; mais, partir d,e 1767,la situation clevint tout autre ; de nrauvaises rcoltes amenrent la chert; le peuple s'en prit I'expor.tation; elle n'avait pourtant pas dpass la valcur annuelle de 15 millions cle francs cn 1765 et 1766, et dirninuait depuisr; cette quantit tait fort licu de chose rclativement la consomrnation de Ia France; mais la chert allait fort au del du dficit qrle pouvait causcr I'exportation , qui, d'ailleurs, sauf dans des circonstances asscz rares:, cesse d'elle-rnrne ds que le bl enchrit. Dcs lroubles gravcs rernuLentlaNonnandic dans lcs preuriers mois de 1768 : le peuple criait aux accapareurs. ce cri de la firim accuse souyenl les homrnes l otr il ne faudrait accuser que Ies choses; rnais, cette fbis, le pcuple n'avait pas tout fait tort. Ds le 5 nrai 1768, le llarleurent de RoLrcn avait suppli le roi de suspendre cettc libert d'exportation qu'il sollicitait nagurc avec tant d'instancee. ce parlernenf ne fut point cout. De nonrlrreux agents avaient achet le bl en grenier, quoique les dits qui df'cndaicnt de vcndre ailleurs qu au nrarch n'eussent pas t r'vor1us; ils uranuvraient pour dl.ourner les fenniers tl'envoyer Ieurs grains aux rtarchs; ils faisaient sortir de Nonnandie des
masses de grains, tantlis quc le pouvoir rninistriel interdisait la charnll'e de corlrnerce dc Rouen tle contre-balancer ces oprations par dcs aclrats de bl hors de la Frovince. Lc parlement de

Rouen avait commenc poursuivre Ies ntcnopcletcrs. Un ordre exprs du roi arr'ta les ponrsuitcs. Le parlement de Rouen clata par une lettre au roi, pleine des accusations les plus hardics" .( Les achats les plus considral:les ont t laits cn rnnre ternps, Irour
pays, est beaucoup plus cher encore l'trarrger 3. Penrlant ce temps, le par'lernent de Dauphin, province que la disette n'avnit point encore atteittte, demandait, au contraire, au roi la liliert inctfinie, sals bornes et sans droits, tlu courmerce cles grains, et vantait les progrs qu,ilvait faits la culture rlepuis l'dit de l7{i4. (vril 1768.) 7. IInoires de Choiseul, t. Ier, p. 73. 2.- Par exerirple, si le bl, cher clans Ie

sqs

LOU

IS

XV.

[1

768]

un mrne compte, Sur tlivers ttlarclts de I'Surope. Les entrcprises des particuliers nc pelrvent lre aussi imnrenses. Il n'y
a qu'une socit dont les tnetnbres sont puissants en cr(:dit, Qui soit cap;rble d'un tel effort; on a reconnu l'iurpression du pottvoir, les pas de I'aritorit... Ie ngociant spculateur ne s'y est pas

trornp

(aclrats en greniers) ont t faits I'ornbre de I'autorit, par gens qui bravaient toutes les tlfenses; nous en avons la prerrve dans nos tnains... La dfense dc pourSuivre manifeste I'existence des coupables, la crainte qu'ils ne soient clcouverts,le dsir de les soustl'aire la peile.Cette dfettse dw trne cluange nls cllLes eIL QslLtrance!... rr (29 octoLrre 1768.) Le lrinistre de la rnaison tlu roi , Bertitl ' agent conticlcntiel fle toutcs les affaires prives de Louis XV, rpondit au parlem'ent de Rouen que Ses rflcxions < n'trtient que des conjectures, et

: lcs enarrhematts

dcs conjecturcs pcu conforlncs au respect dri au roi; que le parlement les avait accueillies sans preuves' et n'avait pas approfondi les faits ! > Le parlenrent cle Rouen adressa sa rplique au roi lnlnc.
<r

Quand nous volls clit quc ce monopole existait, protg, Dieu ne plaisc, sire, que nOuS eussions en vue Votre Majest! mais peut-tre guelques-uns de ceux qui vous distribuez

et qu'il tait

Yotre autorit. > Le successcur de Louis le Grand en tait se dfcndre, et se mal dfendre, tl'tre un accapareur de grains!... Cet inconce-

vable dialogue atteste positivement I'existcnce de ce qu'on


r. nomm le P.lcrn IIE nAlttle

Sanglallt Qu'tait-ce donc qLle le PAcTE DE FMINE ' ce Spectre les voqu tant tle fois, cotrlllle le dmon dc's vengences, dans journes les plus funbrcs cle la Rvolution? Nous ne rernLrntcrons ps jLlsqu'aux spclculations inhurnairtes qui avaient eu lieu clans cl'autres temps, et auxquelles font allu-

sion divers passages de Saint-Siulon ct lnme

ull

serlngn

de

Massillon; nous ne rechcrcherons pas les allus auxquels avaient c'est--dire les marsans doutc donu lit'u les baur rlesbls cltr, t'oi. chs passs par le gouvernetncnt pour I'ailprovisionnctnent'soit
de lI' Flo1. Nous avons puis ces importaDts cltails clails le vaste ouvrage de Nornt'andie, t' YII, quet, si plein cle doeuurents utiles ct curicux, Itist. tlu parlcnwtl

p.

421-4:)2.

u 765-r7681

PACTE DB FAI,TINB.

993

dire du contrleur-gnral
gni (fils

de Ia capitale, soit des arrnes, vers lTzg et n4a.il ne s'agit ici que de la fameuse socit Malisset, organise de t765 1767. Il est probable que la prernire pense de I'aclministration, c'est--

Laverdi

seulement, tout en assurant I'approvisionnernent de paris, d'tahlir un cerlain niveau dans le prix cles grains, par les oprations d'une socit qui achterait dans les Jronnes anres et ern-

fut

dc I'ami de Gournai) et des autres intentlants des finances,

, de Trudaine de ilIonti-

seulernent licite, mais louahle. te fut l sans doute ce que Louis xv ne manclua pas de se dire lorsqu'il s'intressa, pour le compte de sa cassette particulire, dans les affaires de la socit'. Il colora ses propres yeux sa basse cupiclit en sc persuadant qu'il servait I'agriculture. Le hut tait louable, disons-nous. Le moyen tait dangereux.Il et t tlangcreux mme tlans un temps

magasinerait pour revendre dans les rnauvaises. Le hut tait non-

de libert et de publicit : une poque o les spculations les plus oppressives et les plus i'iques taient passties en habitutle chez les traitants, o le couvrait les oprations financires et facilitait tous les'rinistrc abus, oti res bomrnes puissants avaient les lettres de cachet lcur disposition pour punir lcs incliscrtions et cornprimer les plaintes, une socit appuycre par le gouvernement ne pouvait gure tre qu'une rnachine de monopole et
qu'touffer dans le conrrncrce des grans cette concurrence qu'appelaient les conornistes. tl fa[ait dissimuler la main tlu gouverneruent, dissi[ruler I'existence mnre cle la socit; on se cachait cause des prjugs : on justi{ia tcs priugs. La socit tait peine constitue, {u des rnanuvres crirninelles colnrnencrent
du

pour eragrer la hausse. Un ancien sccrtaire de I'ordre

clerg, Le Pr'vost de Bcaurnont, ayant eu coruaissance clu pacte constitutif de la compaEnie ]Ialisset, s'tait rnis en devoir de le comnruniquer au parlerent de Rouen, qui avait constat les el.ets sans pouvoir remonter jusqu' la cause. Les piccs furent
enlc_
administre par Bertin. Arant de spcurer sur les grains, Louis avait l)eaucoup mani les effets publics. Il avait ,oo5oo6 routes sortes rle papiers, et, lolsqu'on prparait au conseil querque dit qui discrditait relle ,u te-lle ' spce , il rte sigrrait pas qu'il n'ei prvenrr lr baisse en se tlrlfhisarrt rlcs eff'ets rne'acs : c'est--dire qu'il jouait coult sr, l,ie priule ile Lottis xv, t.
159.

l. r-ette cassette tait

p.

I\r,

zgL
ves avant

LOUIS

XV'

[1768-176e]

d'arriver au parlement de Rouen, et Lc Prvost d'ispa' le retrouva vingt-deux nS aprs, au fond d'une prirwt ! - 0n Il son d'tat! fallut Ie 14 ju,iltet pour le rendre la libcrt. L'adrninistration, d'allorcl plutt dupe quc colnplice, s'alarma quand elle vit la chert clevenue disette. 0n fit passer des sccours en Normanclie; on dontra des prinres irnportation des grains,
avec exernption clcs droits de fret aux navires irnportateut's (31 octobre 1?68). Le parlement de Flris' cependant, s'drtait tnu son torir. IJne assetnble gnrale de police cle la ville de Paris, convoque par le parlcment et composc des dputs de toutes les et communauts, arrta gue le parlement serait pri cl'ob-

cours

tcnir

dLr roi qu'on revnt sr les dclaratiolls ilc 1763 et qu'on ne tolrt plus lcs achats de grains hors des marcfis ; que ceux qui avaient cles magnsins fussent obligs d'envoyer leurs bls aux rnarchs, ct que I'exportation ftrt Suspcndue pour un an (28 novelDllre 1763). Le pallernent rendit arrt en cons-

1764;

quence :

le conseil

cassa I'arrt.

Lc tninistrc voulait rnaintenir

les principcs tlc 'la libcrt cotnrnercialer'

La raction airticonomiste, cepcntlant, dl,rorclait avec toute I'irnptuosit franaise. Ellc avait pass dLt pcuille dans lcs parlemrrts : clle 8agna, jusqtr' un certain point, les philosophes eux-mmes, prcisrnent au lnolnent oir lcs conorlistcs olltenaient au 4chors les succs les plus {lattcurs panni les clisciplcs

2. trangers clc la phitosophie franaise Le ton d'hirclil|atrtes qu'alfectaient les principaux clisciples cle Q[esnai, leurs prtetlprintions f infailtibilit ,l'uiclence par oux attribue certains pda1ohscure souvent trop , cipes trs-coltestallles, la fortne teiquc et cliffuse cle leurs aphorisrnes (Turgot toujours except), avaient choqu les crivains tle I'Encycloltclie, eI, avant cux, le patriarche cle F'ernei. Yoltaire avait raill les conomistes, quoi-

q,,* 5UrrS amertUrne, clanS l'Hontme {Lufr qlt'iLrar"tte ctts et ailleurS, *t ,o,o-undait en chef cette levc de boucliers en faveur des traditions de Colbcrt, dans laquelle se distingua le charnpion
)' I'abolition tlu parcouls et vaine pture en Champagnc sou$ 2. En 1?ti9, ul]e r:haire d'dconomie ltublique est forrde ]Iilan pour Beccaria, chaire est tales auspices d* comte Firrnian, gouferneur du }lilanais. - Pareille blie Naples par le ministre Tanucci'

1. Parmi les mesures clictes par les principes d'utte saitre conomie, iI farrt citer
(mars 1769

lr 768- 1 7691

GAI,INI.

295

avail critiqu, au point cle vue pratique, dans ses 0seruatons lcs thoriciens cosmopolitcs qui lui liaraissaient co'rprolrcttrc I'existcnce de la rnarine et dcs colonics. llabli attaqua plus fond que vortaire et que Forbonnais: il opposa au drott naturer de la proprit, selon les conornistes, s0l1 hypothse particulil'e sur la cornmunautei prirnitive, et, leur ,/espo
t:ononziqu,es,

malheureux de la compagnie tles Incles, le banquier Necher{. Rousseau s'allstettait, tralgr les efforts clu marquis cle lliralreau porlr I'entraner dans le canul des conornistcs. Rousscau ne dcnrandait plus que la paix et le silence Ie rlespotisnrc rat,ortnel ; n'tait pas fait d'ailleurs pour le scluirc. Le patriote Forbonnais, sans tre I'ennemi dc la libcrt industrielle et cornmerciale,

tisnte rattotutel, les principes politiques clui avec Rousseau et n{ontesquieu.

lui taient com'runs

suhtile dialecticlue a, n'opposent point thorie thorie, cornme avait fait nlabli. Galiani repousse toute thoric absolue, et s.ru1. Neclcer rernporta le- prix en 17?3, dans u concours ouvert par l,Acadmie ^ franaise sur l'loge de Colbert. L'article Population, dans le Dictiozn,nire

point, on peut clire cor'pltc 2. Ilais, clc tous les coups aclrcsss aur 'ictoire cononristes, le plus retentissant, et par sa vigueur, et parce qu'il ltortait sur la question vive clu rnornent, partit clc la rnain d,un nouyeau venu, d'Lln tranger., de I'abb Gauani j Itaticn francis, qui avait longternps chanrr les salons philosophiques rle paris par la folle verve napolitairre clont .'.r,o.lo1r1raii son gnie hardi et pntrant : < Tte de M*chiavel sLr' un corps de bo*ffon, > a dit un loquent crivain e. Les Diarogu,es ,,"u1 L Contn*.ce des Grains (Iin 1769), nvl'e piquante cl'un brillant esplit et cl,une qu'il eut
seconcl

sur lc

ir rtrfute d'vance rlalttrus : ir e11 ne progrcsse poirrt err proportion gomtrique. Tous res salculs qu'on il' i'aits sur cette pr'terrtiue multiplicatin sorrt es chirnres absurrles. La nature a pourvu conservcr et restreindre les espces,,_Lcs espces, oui, mais fort aux dpens des irrcliviclus. La question est obscure et pleine d,anxits pour l'espce qui a co'scieuce et d.'elre-rnme, pour l;espce humai'e. 'e;po.sabilit 2. Doutes sur rord,re nnturer rtcs socitis polttiques; rz6. c'est peut_tre Ie mieux f'ait des ourrages de llnbli. 3.
[,orris

- signal d.ans se dbat Yoltaire, mrite d'tle co'tre les conomistes. Voltaire y rfute trs-bien Moutesquieu et les conomistes sur la pr'tendue 4population de I'liurope motlerne , et, ce qui est plus remarquable errcore,
sofltique de

pltilo-

l]lauc, llist.

d,e Lu Ruotution,

y tnit,

4. Ditle'ot leq rctoucrr*, uais

t.

fe", p. 54d.
cluc

''eut

y rncttrc

de la cor'ectioul ra flamrire

296

tours xv.

11769-17701

tient que les phnomnes de la vie conomique des nations et de lcurs rapports ilternationaux sont trop cornpliqus pour qu'on puisse les gouverner par un principe tinique; que la tnarclrantlise qui est la vie mme des peuples,le bl, n'est pas une marchandise comme une autre; qu'on aurait dfi dtruil'e tolts les obstactes intrietlrs la circulation avant d'ouvrir les frontires, attendu que Ie premier de tous les cornmerces pour un peuple est celui qu'il fait avec ltti-mme; qtt'il serait insens aux gouvernetnents de laisser les choses aller d'elles-mtnes en Se Confiirnt ce niueau, nanr,r'el qui tend toujours se rlablir, attcndu que les populations pourraient ftlrt bien mourir de t'aim dans I'intervalle. II fait entendre qu'on ne peut procder ainsi par lnesures isoles, et qu'il ne faut tottcher rien, Si I'on ne veut toucher tout. Il conclut non par la prohibition, mais par la proposition d'un dloit lixe I'exportation, qu'on emploierait raclreter les pages,les droits de halle, de tnarch, de minage, qui gnent le commerce intrieurr ; on n'exporterait que cllez les peuples qui accordel'aient la rciprocit. Un de ces Diulogu,es contient un passge dont la sagacit recevra hientt une terrible justification : c'est Sur le fau,sse sortr,e du lrl. < La sortie ne sera qu'apparente, lorsque IeS monopolcurs le feront passer hors des frontires, soit dans une petite souverainet enclave dans le royaume, soit tlans les villes frontires, SanS le vendre... Ils afThmeront la province, feront disptrratre le bl, et, lorsqu'il sera mont excessivement, ils le f'eront t'entrer cornme s'il venait tleS
pays les plus loigns... Les les de Jersey et de Guernesey seront

I'entrept Iurtif dcs bls de Bretagne, et d'atttres pays le seront des ;rutres provinces...2 1?69 n'avait pas t plus heureux que 1768; I'anne 1?70 avait comuenc de nrme. Les tneutes se ntultipliaient dans diverses proviuces. Le gouvernentent parut cder la clameur prrblique. Dj Terrai avait ernpch la publication de la rponse de I'abb
r>

l. L'ohjection de Galiani tait trs-foncle : tous ces droits, joints la vieille police cles grains, qu'on n'avait point abolie, rendaienb presque illusoires les dits clui accortllieut ta libre circulation. 2. Di,rlo.pes sur le uot,tnerce d,es Jds, ap. MIattges d'conornie fiolitique, t. 1, p. 104;
Guillaurnin, 1848.

[1

70-r 77r]

QUBSTION DfiS

GRr\lNS.

297

Morcllet Galiani, rponse suggre par Choiseul, qui protgeait la libre exportation, sans la prendle pour une panace , comme lcs conornistes. C'tait le prernier chec de Choiseul I'intrieur. Turgot, qtri, dans son intcndance de Limoges et d'Angoulme, montrait noblernent que la libert conornique n'irnpliquait point ses yenx I'inertie de I'autorit, ni la ngation des devoirs sociauxr, Turgot, qui ne vonlait pas croire at monoltole, s'effora en vain de dcider le contrleur-gi'nrat rnaintenil le libre cornmerce des grains, en favorisant la fonnation d'cnl.r'epts particuliers.IJn arrt clu conseil, du l4 juitlet 17?0, suspendit provisoiremen t I'exportation. Le peuple n'y gagna rien. La chert continua, et I'on vit bien
que I'exportation n'tait pas la vraie cause drr mal. C'taient donc les accaparernents l'intrieur? les rnonopoles exercs ou protgs par les agents du pouvoir? Le pcuple n'en douta plLrs, ct les parlernents pensrent comme le peuple. Le pallernent de Pirris

rendit encore, avant de disparatre, plusieurs arrts contre les accapareurs, et, en janvier 1771, laveille de sa destruction, il
dlibr'ait encore sur I'rtffaire tles bls. Les conornistes expliqnaicnt

la chert par la panique gnrrrle qui dcuplait I'effet de I'insufIisance relle des rcoltes; I'irnportation trangre n'tait pas venue arrter le mal, parce que I'Angleterre, aussi maltraite qtre nous, avait suspenclu le cornmerce habituel de ses grains; que la
Turquie, cause de la guerre, en avait fait autant; que la Pologne tait ravage et ruine. Tout cela tait trs-vrai, rnais ce n'tait

la vrit. Tcrrai n'avait suspendu la libre expurtation que pour la remplaccr liar un rgirne cornplterncnt arltitraire 2, et pour travailler tout son aise In muti,ere des b|s en ftnarce, comllle dit Choiseul dans ses }Iutoires. La socit llalisset, dorrt lc roi tait le principal interress, eut ses coudes franches aprs la destruction des parlernents et fit exacternent ce qu'avait prclit
pas toute 1. Il avait, conformrirertt un arrt du parlen.rent de Borileaux, enjoint aux aiss de se cotiser pour subverrir la subsistance cles llauvres pendtrrrt ia disette; oblirf les propritaircs etrtretenir lerrrs rntrryers,iusqu' la rcolte pr.ttchairre; fait acheter des bls l'tranger'; orgaris des ateliers de charit, et doln l'exemple par de qlirrrds sncrifices personrrels, quoiqu'il rre ft pas riche. 2. Il avail maintenu notninalenrent la litlre circulatiorr a l'intrieur; mais, eu fait, iI la paralysa par les rglerneuts de tlcembre l?70 et jauvier I?Tl.

298

LOUIS XV.

Ll17 r-177 4l

Galiani. Tcrrai, pr exemple, dfenclair, I'exportation en Languedoc, quand la rcoite y tait rjevenue rneilleure , afin rle faire enlcver les grains vil prix par scs agents | ; pcntlant ce tcrnps,
les ports de Bretagne et en tirait des masses de grains qu'il envoyait entreposer Jersey pour ies faire revenir quancl la hausse aulait t pousse artificiellement son comble. Le quartier'-gnral du monopole tait aux nroulins et aux magasins royanx cle Corbeil, mais I'irnpulsion partait de ycrsailles , ct les cottrtisans admis dans les petits cabnets du roi ne pouvaient s'ernpcher de baisser lcs yeux lorsqu'ils voyaient srlr son secrtaire des carncts oir taient inscrits iour par jour lcs prix cles bls rlans les divers rnarchs du royaumc. c'tait ainsi que Louis x interprtait les leons de Ouesnai ! 0n en vint un tel cynisnre, qtre l'ditcur de IAlmanaclr, royul de 1774 plaa au rang des officiers rle financcs uir sicur llillavaud , trsorier cles gratns &Lt, cllnpte d,e sa xlajest,. 0n se ravisa trop tartl: l'dition tait lance quand

il ouvrait

on'r'oulnt I'arrter. Les rninistres, cependant, tchaient clc dtourner les l'anculles populaircs, en faisant accuscr calomnieuscrnent les parlcrnents d'avoir caus la disette par lcur patronage i'exportation et mme par accaparernents. Le peuple crut rninistres et parlemcnts les uns contre les autres. Le mal trop rel de la spculation grandit jusqu' dcs proportions fantastiqucs clans I'i[ragination dc la rnultitude. Les classcs souffrantes s'habitur.ent considrer les classcs suprieures , gerls de cour, uragistrats, nanciers, comlne une lgion dc vampires ligus pour sncer le
sang des rnisrables, et d'implacables haines , ravives cle ternps en temps par dcs inciclents nouveaux, couvrent dans les curs jusqn'aux jours du cataclysnte social oir clles dbclrdrent comme

un torrent furieux. Au foncl de tous les eics populaires cle la Rr'olution, si I'on regardait de prs, on aperccvrait le spectre
hve et dcharn du
famine2. Nous avons vu l'uvre llaupeou et
Ptr,cte cle

Terrai; un troisirne per-

1. Le nouveau parlement de 'roulouse, quoique fabliqu par l\{aupeou, rendit, en 1772, pour le maintien de la libre exportatiou, un arrt qui fut cass par l
conseil.

2. Y,,
socit

mais interprts par la passion eriflamrne de I'clpoque.

drrns le llonireur de 8"9, le factum ou se trouve le trait constitutif de la llalisset. C'estle rnanifeste des hairres populaires; tous ies faits sout vrais,

lt77Ll

TB ROI

Il,IONOT-'OLIiUR.

cJui avait remplac Choiseul; triumvirat fort mal uni, car lUaupeou avait fait tous ses efforts pour carter lc nouveau venu, qui n'tait autre que le duc d'Aiguillon. D'Aiguillon n'tait enfin parvenu son but, au ministre des affaires trangres, qu'en juin 1771, et grce son intitnit avec M" Du Barr:i. te ministre tait rest quelques mois en intrim, et, quant la guerre et la marine, on y avait plac d'obscurcs rndiocrits, dont l'histoire n'a pas nime rappeler le nom; ccla pouvait faire pressentir le rle que jouerait au dchors I'achninistration qui succdait ir thoiseul. Lorsque d'Aiguillon entra aux affaires, les chances de guerre avec l'Angleterre avaicnt dj disparu. L'Espagne, n'esprant plus tre soutenue par la France, avait fait satisfaction I'Angleterre en lui rendant le poste qu'elle lui avait enlev dans les Malouines. Par compensation, la grandc affaire de Pologne se prcipitait vers la calastrophe prpare par le machiavirlique gnie de n'rclric. Le roi de Prusse ne voulait pas unir ses arures celles de I'Autriche

sonnage cotnpltait lc l,r'iurnvilat rninistriel

pour dfendre la Turcluie contre les Russes; I'Autriche n'avait pas voulu s'unir la France pour dfirndl'e la Pologne contre Catherine et Frdric; le partage dc la Pologne tait le seul expdient qui prit prvenir le drnernbreurent de la Turquie et accornrnoder les trois redoutables voisins. tr'rdric avait fait une nouvelle tentative auprs tle la tzarinc, durant i'hiver de 1770 l77l; il lui avait clpch son frre, le prince Henri, qui en ohtint en{in un consentcmcnt ventuel au partage, mais donn d'assez tnauvaise grce et nullernent dfnitif ; Catherine efit bien mieux airn
les provinces turques qu'un lambeau de cette Pologne qu'en ralit

elle tenait quasi tout entirer. L'Autriche taif dcide, de son ct, cmpcher la cession des provinces danubiennes la Russie; I\{arie-Thrse, par un trait du 6 juillel 1771, tlait qui fut cach la France, promit au sultan de lui faire restituer 1es conqutes
russes et de ne pas souffuir

qu'il ft port atteinte I'intlpen-

1. Il n'y a pas un mot qui ne soit' ur mensonge clans tout ce que Frdric et son frre ont dl,it sur le voyage du prince Henri, Frdric, dans les crits de ses derniers ans, a entrepris de tromper la postrit et tle faire de I'histoire une grande imposture, en rejetant sur ses complices I'rnitiatiye du forfait politiclue qu'il avait si longuement et si savamment celcul.

300

LOUIS
!

X\T.

n ?71l

dance tle la Pologne. Ce trait tait viol d'avance dans sa dcrnire


clause

Ca',herine, cependant , esprait encore resagner la cour tle Vienne en lui faisant sa part en Turquie, et, llar l, viter de cder t'rdric. Elle fit insinuer Vienne qu'elle pourrait admettre la France dans la mdiation quant la Pologue. llarie-Thrse, qui conservait quelqtre rpugnance pour le partage soulrait par son {ils, entra dans cctte ouverture. Kaunitz tlut en faire part au cabirret de Versailles. La chute de Choiscul, ennetni personnel de Catherine, et facilit Ia rrgociation. D'Aiguillon ferrua I'oreille; il fit plus : irnaginant dc remplacer I'alliance autrichienne par I'alliance prussienne, il rvla les secrtes avances de l'Autriche et de la Russie Frclric, et dit l'envoy du roi de Prusse que la France se souciait peu de ce qui se passait en Pologne et ne se mettrait pas en mouvelnent cette occasion; ceci, en rntne ternps qu'il prornettait I'agent des confdrs de Bar, Wielhorski, la continuation des secours Ii'anais, et qu'en effet, pour ob'ir au roi, il faisait partir pour la Pologne Viornesnil, afin de rernltlacer Dumouriez, qui s'tait brouill avec les confdrs la suite d'un combat malheureux contre les Russes '. Frdric s'empressa de dnoncer Yienne la duplicit du ministre de Louis XV, et I'utriche n'eut plus qu' s'entcudre dfinitivement avec la Prusse, comrne le souhaitaicnt Joseph II et Kaunitz. Au rcste, la cornbinaison entre la Russie, I'Autriche et la n'rance et certaineutent chou, parce que lfarie-Thrse, {ui erit pu consentir une extension du territoire russe du ct de la 0rime, n'efit jaurais accord les provinces du bas Danttlie, et que Catherine n'etrt jarnais renonc ces provinces sans une conlpeusation en Pologne.

Sur ces cntrelaitcs, les confdrs, qui avaie'ut dclar, I'anne prcdente, Pouiatorvslii dchu du trne, cherclrreut s'elltparer de sa personne. Le 3 novetnbre, au soir, un dc leurs partis asslillit, blessa et fit prisonnier le roi de Pologne dans les t'ues utures
1. Cet chec tait d au moins autant I'irrrliffrence, ia trahison, pour micnx dite, du cabinet de \rers:rilles, qu' I'intliscipline des l'olonais. Otr avait f:rit manquer
volontairenrent ulre leve de farrtassins saxolls et des cottvois d'arures qu'avart prpars Dumuuriez. Y . trfm. de Durnouricz, t. Ier, ch. vrtt.

[r77t-t7721

PARTAGE t)B LA

POLOGNE.

30'l

tle Yarsovie. Poniatowshi n'clrappa que grce au repentir d'uu des conjurs. II y eut une explosion de cris contt'e ces fanattques qni avaient, disait-on, jur la mort cle lern' ?'0i aux pietls d'une rnadone. \'oltaire ne s'y pargna pas. t'r'dric prit ce rtgicide pour pr,tcxte d'occuper et de ranollner la majeure partie de la GrandePulogne. Les exploits des confdrs et de quelqucs Franais qui cot]tbattaient dans leurs rangs ne colnpensrent pas le tnauvaiS effei de cct incident. Au comtnencement de 177?, les Franco-Polonais Surprirent Cracovie : trrr officier franais, Choisi, S'enfertrta dans le cirteau et s'y dfendit hroTqueurent contre les Russes; mais le cotntnanclant en chef, Vionresnil, ne fut point en tat de le secout'ir du dehot's, et la garnison fut rcluite Se rendre le 15 avril. Les prisonniers flan-cais, envoys en Russie, furenI abandonns de leur gouvernetttent, et Voltaire et d'Alcrnbert sollicitr'ent en yain leur liliert de Catherine Le dmernbrernent de la Pologne se consommait pendant cc tentps. Catherine s'tant enfin dcide renonccr aux provinccs clanubiennes, il n'y avait plus d'obstacle aux projets dc F'rd:tlr'ic. Le 17 fvrier 1772, une convention sccrte fut signe Ptersboulg entre la Russie et la Plusse. Les parts taient faites etttre les deux atlis; on convenait d'ofiir I'Autriche Ia sientle et de s'unir contre elle si elle s'oltposait au partage. Cette rncnace tait unc arlne qu'on offrait Joscph II et Kaunitz pour vaitrcre lcs scrLrpules de ilIarie-Thrse. L'Autriche se laissa fairc violence de trs-bonne grce; car elle accda en principc au partage ds le 4 rnars, sauf r'gler les conclitir-rns. Nlarie-Thrse, dcpuis, prtendit n'avoir accd au partage que dans I'espoir de dcourager ses copartagcants par I'exgration des prtentions qu'clle manifestcrait: elle fut dsole, dit-elle, de voir le roi de Prusse et Ia tzarine lui accorder pleinerttcttt st's demandesr. La sincrit dc ce r'cit est bien suspecte ; car les dentandes, fort eragrtes, en effet, de I'impratrice-reine, furent longtemps disputes, opinitrment soutenues, et le trait dfinitif ne fut sign, le 5 aot, qu'apl's que i'Autriche se fut quelque llcu rnodre. Lorsque le callinet de Yersailles voulut se montrer surpris de

p.

1. Correspondance de I'ambassatlcur franais Breteuil, dans Flassanr


L24.

t. VIIt

302

I,ours xv.

[t,772)

ce qu'il ayait eu tout le loisir de prvoir ct se plaindre dc I'alli qui I'avait trornp, i(aunitz rpondit d'Aiguillon par des rcrirninations assez arrogantes, mais dans lesquelles il y avait un mot vrai : < Yous ne nous auricz pas soutenus ! > Seulernent, l'u-

; Cltoiscul en avait fait l'preuver. Les conftlrs taient accabls, disperss; la Pologne entire, envahie, touffe sous les armes des trois puissances, lorsque le trait de ltartage fut signifi Yarsovie Ie 2 septetnbre 1772. La tzarine s'attribuait 3,000 lieucs carres et 1,500,000 mes dans la Litlruanie et la Livonid polonaise; Ie roi de Prusse, la Prusse polonaise, cornprenant 900 lieues carres et 800,000 rnes; I'r\utliche 2,500 licues carues, et 2,500,000 rncs dans la Russic Rouge et lcs palatinats polonais la gauche de la Yistule. L'Autliche avait voulu qu'ttu moins le crirne ft trslucratif. Le principal auteur du partage avait t le plus tnodeste : il avait rcnonc Dantzig, que Ia Russie, l'instigation de I'Angleterre, Iui avait ref'us; Frdric tait bien sr que la Prusse, maitresse de la basse Yistule, aurail Dantzig et la Posnanie tt ou tard. Les prtertes qu'on irnagina d'allguer, les prtendus clroits que revendiqurcnt les cltancelleries surles territoires usurps, taient quclque chose de plus odieux encore que n'etit t le cynique aveu du droit de la fbrce. Un sirnulacre de dite, convoque en avril 1773, ratifia sous lcs baonnettes, deux voix de majorit, la nrutilation de la rpublique polonaise2. Ainsi commena ce mcul'tre d'un grand peuple, qui ouvrit pour la vieille Durope l're des bouleversements et de la destruction, l're sombre dans laquelle, l'ancien droit ananti, le droit nouveau ne succde point encorc. Voltaire et lcs encyclopdistes, aveugls par leurs prventions antipolonaises et par le costnopolitisrne qui obscurcissait en eux I'ide de nationalit, ne comprirent pas, applaudirent ou se turent. Rousseau avait cornpris! It voyait bien qu'il s'agissait l d'autre chose rlue d'une victoire sur l fanatisme et le servage. Des trois auteurs du grand attcntat,
triche ne voulait point tre slwtcnue
1. Saint-Priest; Partage
il,e

2. Catherine et Frdric,
des clissidents, si longtemps

la Pologne, $Y, le partage consomm, oublirent parfaitement


leur prtexte.

la

cause

u7'l2l

PARTAGE DE LA

POLOGNE.

303

I'un, Catherine, en porta lgrernent le poids clans sa main rouge du sang de clcux tzars; le second, Fr'clric, tropdessch dcctlr pour se repentir, rnais trop clair liour ne pas pressentir le jugcnrent de la postrit, a cssay de dinrinuer la responsabilit principale qui devait peser sur sa n"rmoire; le troisitne, I\Iaric-Tltrse, a laiss chapper plus d'une fois I'aveu cle ses renrords. < Cornte de Barch, > disait - clle un jour I'arnbassadeur tle Sucle, < l'affaire de Pologne me dsespre... t'cst une tache le ministre embarrass, mon rgne ! - Les souverains, repartit C'est aussi celui-l que je ne doivcnt de cornpte qu' Dieu. crains r. >
La Pologne mutile devait traner encore sa triste existence unc vingtainc d'annes, eu s'efforant en vain de sc rformer ct de se rorganiser sous la main impitoyable de scs oppresseurs 2. Cette noble nation a pri, r'ictime d'un idal irralisable, Ie droit de I'n narrim it, la sottvcrainet indi vi du ell e absolue, autant que d'ttne coultable contradiction entre l'idal ct la ri'alit, entre la libert tle cluelqucs-uns et le serva3'e du grancl notnllre. Si clle se relve' ce ne scra pourtant que pour t'essaisir cct idal dans les limites du possible : si la Pologne ne reprsente pas la lihcrt, la persortl. Saint-Priest, S 5. - \Iarie-Thrse tait un de ccs carirctres complexes, de peu d'ouverture et de naturel, ou le conveu tient la preniire place, et qui rnanquent de sincrit envers lcs autres et euvers eux-rrures, nais sa,ns tre vritablement h;'poclitcs ; le cri drr cceur s'chappe parfois. 2. Elle essaya trop tard de metbre profit les couseils qu'elle avait demands Rousseau et Nlabli. Le travail de Mabli avait t crit ds 1770; celui de Rousseau, plier ses nraximes ce qu'il consiclie comme seulemeuten 1??2. - \{abli, firisalt une nessit en Pologue, se prononce pour la loyaut hctr'tlitailel Rousseau, contre ; mais il veut, labolition du liberurn Dsro, et, propose un pllrn d'tlucation nationale, et un plan trs-sage, trs-pratique, pour I'admission des villes aux droits politiques et p:rur l'rnancipation progtessive des serfs, tlui setaient inltis d'abord la

libert individuelle, puis la libert muuicipale, puis la libert natiotrale: " Il faut cornmencer Fat les rendre digrres de la libert, affranclrir leut' ures avant d'affranchir lcurs corps. i{obles Polouais, rre vous flattez jarnais d'tre libles tant que vous tiendrez vos frres dans les fers. " Il couseille, au lieu d'atme rgulire, une rgauisation analogue celle des milices helvtiques et des lau,hvehrs actuelles tle I'Allemagrre. II console d'avance la Pologue du partirge qui va s'accoruplir, cn avanaut qu'un drnembrement partiel de ce vaste eb faible corps sera peut'tle
I'occasion tle son salut I * Polonais, s'crie-t-il, vous ne sauriez empcher que vos vtiisins ne ous engloutisseut; firites au moins qtr'ils ne puissent vous digirer. Si vous faites en sorte qu'un ltolonais ne puisse jamais devenir un liusse, la Russie ne subjuguela pas la l-ologrte. "

304.

LOU1S

XV.

U77zl

nalit hurnaine dans ce monde slave que dvore le despotisme, elle n'a pas de raison de renaitre. Aprs la signification du partage, Louis xv avait sernbl se rveiller un molnerrt.Il eut la vellit cle vengerla pologne, colnrne il avait eu la vellit de ladfendre.D'Aiguillon craignit gue le roi ne s'en prit lui : il affecta un grandcourroux;il offritl'Angleterre de s'entendre sur la question de pologne; le cabinet anglais rel'usa; il ne youlirit qu'ernpcher les prussiens de prendre Dantzig ct sc tenait pour satisfait d'y avoir rnornentanment russi. D'Aiguillon proposa au roi d'cnvahir la Belgique, puis d'arrner, de concert avec I'Bspagne, pour attaquer les Russes dans I'Arclripel et oliliger catherine une transaction. 0n fit, en effet, quelques armclncnts malitimes au comrnencement de 1773. L'anglctcrrc signifia qu'elle portcrait sccours aux Russes. Louis xv rccula, conrmb d'Aiguillon y avait compt, et tout tut dit. si le rle du gouvernenrent franais fut pitoyable clans I'afTaire de pologne, celui du gouverneurent anglais fut odieux; le cabinct de saint-Jarnes peut bien passer pour le quatrirne des meurtriers de la Pologner. une intervention maritirne contre les Russes en l77B ct pu, en eff'et, modificr beaucoup la situation. Aprs avoir cornplt [,ociupation do la petite Tatarie par la conqute de la trirne, ils avaicnt franchi le Danul:e; nais l s'taient arrts leurs succs; ils furcnt chassels de la Bulgarie par les Turcs, et une grande rvolte snscite chcz lcs cosaques du Don et du Jaik par un faux pierre III, lc cosaquc Pugatschcw, couunenca de gagner la lfoscovie et de mettrc en pril le trne dc Catherine. Une rvolution qui s'tait opre en sude quelques mois auparavant (aorit 1772), avec I'appui pcuniaire et les encouragements du cabinet cle velsailles, poul'ait - accroitre les dangers de la Russie. Le jeune roi Gustave III, par un coup d'tat rnilitairc, avait renvers, au profit dc la prpondrance royale, le gouvernement du snat, r'espce de rpublique arisl.ocratique tablie depuis la mort de charles xll2,

l.

dsola labli' qui avait prdit, les plus belles destines la constitutign sudoise, et rjouit Yoltaire, qui voyait datrs Gustave III urr nouveau monarr1ue philosophe. Gus-

2. Cette rvolution divisil nos crivains, comme le partage de la pologue : ello

Ed. Burlce, Annual negisrerran. 1763, t. XYI, c. v.

nussI0. auTRlctIB. TURQUIE. et, matre de disposer de la Sude, il tait fort dsireux
Lr77 4l

305

d'en

employer les ressources reconqurir les provinces enleves par Pierre le Grand aux Sudois. L'inaction de la France ne permit pas Gustave de tenter une entreprise dont I'alliance russo-prus' sienne rendait le succs impossible. Les Turcs ne surent point tirer parti de leurs avantages. Au printernps de 177 4,les Russes rentrrent en Bulgarie : le grand vizir se laissa bloquer dans son carnp et rduire une capitulation dsastreuse. Azow, Jeni-Kal, Kinbuln, la partie de la petite Tatarie entre le Borysthne et le Bug, furent cds la tzarine. L'empire othornan renona la
suzerainet de la Crime, {Bi devint indpendante en attendant qu'elle devint russe, et la libre navigation dans les mers othorranes fut accorde aux Russes (10 juillet t774). Catherine, dbarrasse de la guerue trangre, crasa les Cosaques rcbelles, et la Rtrssie s'afferrnit loisir dans ses usurpations. L'avide utriche, de son ct, non contente d'avoir cornpens, aux dpens de la Pologne, ses pertes des guerres de 1733 et de 1740, se ft payer par la Turquie, aux dpens des Moldaves, les services promis et non rendus, et obtint la cession d'un canton irnportant de la Moldavie, la Bulio'lvine, qui commande le haut du Pruth. Tandis clue les puissanccs de l'Buropc orientale s'agranclissaient par un crime hardi,le gouvernernent delatr'rance s'affaissait dans les vices neryants. Despote avili, ne russissait pas se faire craindre, quoique beaucoup dc citoyens fussent atteints par son arbitraire dans leur libert ou dans leurs intrts, et que Ia Bastille ft toujours pleine. Personne ne lui rsistait, rnais tout le 1ait douteux que cette patience durt monde Ie rnprisait. iongternps encore. La chert du bl, rlui subsistait toujours, en partie par la l'aute de la nature, en partie par celle des hornmes,

il

Il

tave dbuta par abolir la torture aprs son coup d'tat. ferrs les philosophes, except Frdric, avaient t d'acc:ord pour dplorer une autre rvolution err senrl inverse, arrive en Daneurark au mois de janvier prcdent; celle qui jeta des marches du trrre ii I'dcitafaud le mdecin-nrinistle Struense. La pleine libert de la plesse tablie, les privilges de la nolrlesse eutaurs, I'autorit assez pesante du clerg luthrien rduite, le divorce facilit, avaient signal I'administration, louable beaucoup rJ.'gards, imprrrriente sous 'quelques utres, d.u parvenu que I'amour d'une reine avait irnpos au faible roi Christicrn VII. IJne autre reine, la mre de Christietn, abattit le niinistre boulgeois et philosophe, par une conspitation de la haute noblesse luthr'ieune. Les rformes de Struense nrileut avec lui. XYI.
20

LOUiS XV.

1r773)

t occasionnait e frquentes meutes , surtout dans le Midi :

Ie

peuple ne s'en prenait encol'e rnatrielletnent qu'aux boulangers, aux ofliciers municipaux, allx agents subalternes du pouvoir royal; mais il contrnenait comprendre que le grand accapareur tait Versailles2. Qttant aux classes aises, Ieur opposition offr.ait un rnlange des vieilles habitudes de gaiet railleuse et du srieux qui gagnait I'esprit franais. La plaisanterie devenait un glaive : I'ironie montait jusqu'au gnie. nlaupeou avait trop cornpt sur Ia lgret et lhuureur oublieuse de la France : il avait cspr que, le premier feu jet, orl s'habituerait ses parlemcnts. 0n ne s'y habituait pas, et uu de ces cotlps dont un ta|lisscrnent nouveau ne se rclve point leur fut port, en 1773, par un procs vulgaire tlont un hontme d'un prodigieux esprit {it un vnernent europen. Nous n'avons point nous tendre ici sur Beaumarchais, hotntne d'entreprise et de finance, homme de cour, homme de plaisir, hotntnc d'intrigue, hommc de lettres en{in et philosophe son loisir, espce de Yoltaire infricur, mais 3. clLez qui les affaires sont au prernier rang, et les lettres au second 0n sait conment d'un petit incident, de quinze louis exigs par la femmc d'un conseiller pour obtenir une autlietrce de son mari, Bcaumarchais sut faire sortir I'avilissement de toute la nouvelle niagistrature, et contment il apprit au public ce qlue cofitait la jt.r,sttae gratu,ite de l\{aupeou. Si Beaumarchais se montre quelque part le fils tgitime de il{olire, c'est moins datts ses deux cotndies, si chartnantes et si tincelantes, mais un peu factices et d'un gor1, quivoque, {u0 dans lcs dialogues des Mmoires contre Goezrnan et llarin. Il suffit de dirc, pour: sa gloire, que Yoltaire cn fut jaloux et couvcrti : le patriarche se crut presque menac ci'un successeur et dserta la cause des parlements [Iau1]eou. Les chefs cle ce Souverncment si dcri ne savaicnt pas tnme s'entre- soutcnir contre I'hostilit publique. Chacun des triurnvirs
1. Le rnaire al'Albi fut tu dans une cle ces sditions ; Montauban, l'meute ne fut rprirne que par une fusillade meurtrire. Sur un autre point, les soldats refusrent de faire ferl.

2, On se ra1-rpelle le cri de la fbule, aux 5 ET 6 Ogroenp. " Allons chercher le boulanller Yersailles. ,, Le crime royal avait cess, Ia traclition restait'
3. N Paris en 1732.

[1773]

BBAUITARCFIAIS.

LA DU BAfiRI.

307

croyait triornphant, il avait comnlenc d'tre un peu moins rarnpant devant la favorite, et son collgue Terrai cher.chait protitcr dc son 'irgratitwcl pour le supplanter et se faire chancelier et cardinal. Terrai avait toute l'toffe d'un second Dubois. un trait achvera de peindre ce qu'tait alors yersailes. 0n vit, un jour, Ie nonce du pape et le gra'd aurnnier, le cardinar de Ia RocheAiuron, prsenter les mules la Du Barri au sortir du lit. 0' assure que la favorite lloussa la drnence jusqu' rver de se faire pouser. Elle etrt tout franchcrncnt tlemancl la cassation de so' rnariagc avcc le comte Du Barri, parce que les faibtesses qu'elle

visait devenir premier ministrc. I[aupeou, darrs les premiers tenrps, pour maintenir ladultre alliance dw parti Dw Baryiet de I'ancien parti du dauphin, ailiance otr I'on uuuit entrain jusqu,au pieux christophe de Beaumont, allait, le matin, corrmunier saint-Denis de'ant nradarne Louise, celle des filles du roi qui 'avaiL pris I'habit de carmlite, et, I'aprs-midi, revenait taler sa simarre la toilette de la matresse clu roi. Depuis qu'il se

avait eues pour le frre du

d'inceste !

co'te en faisaient une espce

lc rle de lWainteno'. Tanclis que les prerniers clignitaircs de l'glise prostituaient la pourpre rornaine iux piecls d,une courtisne' un simple prtre avait os faire entendre une voix chrticnne dans Ycrsailles. L'abLr de Beauvais, prchant le sermon du jeudi saint de 1?7J devant le roi et la favorite, jeta la cour stup{ie I'all*sion suivante : < salomon, rassasi de volupts, Ias < d'avoir puis, pour rveiller ses sens fltris, tous les genres de < plaisir qui eutourent le trne, finit par en chercher d'une espc? < nouvelle dans Ies vils restes de ra corruption publique!... > Il s'attendait tout au moins une disgrce , sinon la Bastille; il eut u, vchr... Louis xv rco'rpensa ce rude avertisseur.
1' trtm. sec'ers de Bachaumont, t. vI, mars-mai rzTB; yII, L774. - uueavril L'abb de Beauvais, malgr ce nom aristocratique, apprtenait famlle d,artisans) ce que remarquent les l\Imoires de Bachaumont comme une rare exception parmi les vques. Du reste, Beauvais tait aussi intolrant que rigide et tenait pour I'emploi de la- force eu matire de religion.

La peur de I'enfcr reprenait, le roi par accs, et c'tait l ce qui avait suggr un moment la Du Bar.ri la burlesque ide de jouer

308

LOUIS XV.

tr77 4l

mais ne profita pas de I'avis : les Du Barri, effrays, I'abmrent plus que jamais dans la fange; la favorite appela son aide toutes les ignominies du Parc-aux-Cerfs '. L o elle cherchait un point cl'appui, elle trouva la ruine, et Louis trouva la mort. L'immontle vieillard fut enfin frapp par son propre vice, et sa dernire victime I'entrana dans la tombe. Une enfant peine nubile, fille d'un meunier des environs de Trianon, avait t entraine force de promesses et de menaces ' et livre Louis par les proxntes royaux. Elle portait dans son sein les gerrnes de la petite vrole, dont elle mourut bientt aprs : elle les communiqua au roi. Le 29 avril 1774, la tnaladie se dclara chez Louis XV, complique tl'un mal honteux qui couvait dans son sang vici 2. La Du Barri et ses allis tinrent bon quelques jours contre ceux qui parlaient de pnitence et de sacrements. Toutefois, la situation empirant, Louis ellvoya sa favorite chez le duc d'aiguillon, Ruel, et, le lendemain, iI comrnunia, en dclarant que ( qwoi,qu'il, ne d'ttt cynrpte d,e sa c7nd,6ite qw', Diew soul, il se repentait d.'avoir caus du scandale ses sujets. > (6 mai.)Iiabsolutisme agonisant hgayait encore ses formules parmi les r'lements de la morl. Conrme au fameux voyage de Metz en t744, Yersailles, Paris, la France, attendaient avec anxit, jour par jour, heure par hettren les nouvelles de la sant clu prince qu'on avait nomm jadis Louis le Bien-aim; rnais, cette fois, on ne tremblait que d'une seule crainte, c'tait qu'il ne revnt la vie. Quand on Sut qu'il avait enfin expir,le 10 mai d.eux heures de I'aprs-midi, iI sembla quun poitls norme ft lev de toutes les poitriness. Ses restes au grand trot fangrens, qui infectaient I'air, furent transports la foule qui de sarcasmes et sans pompe Saint-Denis, parni les lrordait le chemin.

l. Nous parlons par rntaphore; car le vrai Parc-aux-Cerfs, la maisorr de la rur Faint"l\{cleric, avait t revendue par le roi en 1771. 2. Ses trois lles, qui u'avaient pas eu la petite vrole, donnrent un bel exemple de dvouement filial, en s'enfermant avec lui pour le soigner' B. Les Mrnoires de Bachaumont citent un mot assez fott cle I'abb tle SainteGerrevive. De jeunes philosophes le plaisantaient sur f inefiicacit de I'intervention . De quoi vous plaignez-vous ? leur rplide sa sainte dans la *"tudi" du feu roi. - trIm. de Bachaumont, t. \rII, p' 208. qua-t-il; est-ce qu'ilu'est pas mort? , -

u774)

IITORT DB LOUIS XV.

309

Louis XV avait vcu soixante-quatre ans, rgn cinquante-neuf : avait pass sa vie dtruire peu peu le prcstige que les deux grands rois bourbons, Henri IY et Louis XIY, avaient donn la royaut moderne, prestige dj fort affaibli dans la vieillesse de Louis Ie Grand. L'intronisation de ces agents de dissolution, de ces personnifcations du mpris, est un signe providentiel qu'une institution et qu'une race royale sont condarnns.

il

LIVRE CIII
TOUIS XVI AT TURGOT
Lours

xvl ET sA FAnrrlr,r:. NIa*repas appel au pouvoir,Ohut e du triumutrar. Tuncor contrleur gnral. ses plans de rforme t ra Grand,e municipartt d,u royaume, etc. Rtablissement des parlements. Rformes eonomiques. Libert du commerce des grains. Attaque de Npcnnn contre les plans de Turgot. coalition des privilgis contre Turgo_t. Les phirosophes criviss sur la qo"ition conomique. Combats de Voltaire en faveur a turgot. lluerre des farrtes. La sdition fomente par les privilgis est comprime. remontrances de ra cour des aitles - clbres contre le systme fiscar. llaresherbes, leur auteur, apper au ministre. Nom_ breuses amliorations conomiques. - Rformes mitiiaires du comte de SaintGermain. de_ la corve. suppression des jurandes et matrises : ta-Aborition blissernent de la libert du commerce ei e I'industrie. Rsistance clu parlernent et attaques violentes contre Turgot. Lit de justice. Libert drr commerce des vins. - s'unissent contre Les princes' Nlaurepas, la cour et le parlement Turgot. chute de Turgot et de }falesherbes.

L77lt

1776.

Le rgne infortun cle celui qui devait tre

I'ancienne f,'rance s'tait ouvert aux acclamations unanimes cle Ia capitale et du royaume. La x'rance n'prouvait que la joie cl'tre

t, a*rnim

roi

de

semblait ne leur offrir aucune prise. un

vieillard qui avait fait longtemps la honte de la nation. 0n connaissait peu le nouveau roi, qui avait vcu jusque-l fort l'cart, comme, avant lui, son pre; rnais on disait qu'il ne ressemblait en rien son aic*l; cela suffisait au peuple. Les sentiments de la cour taient rnoins dcicts. Les courtisans se sentaient dans les mains d'un jeune homme de vingt ans, qui ne manifestail aucun des gots de son ge ni de son rang, et qui

dlivre de I'immonde

ii

roi

sans vices et sans

LL77

t+)

LOUIS XVI.

341

passions tait pour eux une nigme inquitante. Ceux mme des gens de cour qui se rjouissaient de voir finir I'ignoble domina-

tion du parti Du Barri craignaient que Versailles ne passt d'un extrme I'autre. Un mot de Louis XVI, encore dauphin, avait
jet une sorte de panique parmi les courtisans. Tandis qu' Paris, par une sanglante pigramme contre son aeul, on le surnommait Louis le Dsar, des seigneurs de la cour lui ayant un jour

dernand quel surnom il prfrerait : < Je veux , rpondit-il, qu'on m'appelle Louis le S,u.rer. > 0n redoutait donc Versailles un rgne dur et sombrc. L'expression de brusqucrie et dc lnauvaise humeur qui tait assez habituelle au jeune monarquc forti{iait ces apprhensions. L'ducation qu'il avait reue de son gouverneur La Yauguyon avait augment sa sauvagerie naturelle, dont la cause n'tait point duret, comme on le supposait, mais tirnidit et rpugnance pour les murs dont il tait trnoin. Qui efi[ examin plus attentivement cette physionomie, d'ori avait disparu la majest mle d'lgance, Ie grand air bourbonien
conserv par Louis XV jusque dans sa dgradation, y etit reconnu,

sous une expression vulgaire, un fonds de bont et surtout cle grande honntet. Ce n'taient pas les traits qui taicnt vulgaires, mais le port, le geste, I'obsit prcoce, Ie maintien gauche et

. disgracieux, la parole hsitante et ernbarrasse. Il n tait son aise qu'au milieu cle ses livres, car il tait instruit et il aimait fort les sciences naturelles, ou, mieux encore , dans son atelier de serrnrerie; s'il avait une passion, c'tait le travail manuel; il suivait les prceptes de I'Emile par gotrt et non par systme : la nature lui avait donn les facults d'un habile et probe artisan; les lois humaines avaient fait de lui le chef d'un empire pour son
malheur et pour celui de son peuple. La rudesse de ses manires et ses dispositions chagrines devaient s'adoucir lorsqu'il connaitrait les affections cle famille, si puissantes sur les natures sirnples ; mais cette poque lcs satisfactions de la vie prive lui taient encore inconnues : il subsistait entre lui et sa jeune fenrme comme une glace que rien n'avait pu fondre. Ira vauguyon, pr haine contre choiseul, sup1. Droz, Ilist.
d,w

rgne

de Louis XVI, t.

I.', p. llB.

g12

TUITCOT,

tr77

4.1

pos beucoup plus Autrichien qu'il ne l'tait en ralit, avait suggr au dauphin des prventions tenaces contre la fille de IVlarie-Thrse, instrumcnt par lequel son arnbitieuse mre prtendait, disait-on, gouverner la t'rance. Il y avait plus : c'est que Louis XYI n'tait pas jusque-l vritablement l'poux de MarieAntoinette. Une infirmit secrte, un vice de conformation dont I'art des mdecins parvint trionrpher un peu plus tard, lui faisait dsesprer d'avoir jamais des hritiel'sr. Le vrai caractre de Louis XYI, ignor son avnement, mconnu plus tard par d'autres causcs, apparait dans deux documents vraiment prcicux, et qui produisent des impressions bien

L'un est le Journal crit de sa main pendant son rgne2; I'autre, rdig par lui avant son avnctnent, est intitul: Mes rlterions srn, ,rnes entretiens auec Il[.le du,c de Vau,gwyotts.Le Iournal est d'une incroyable tnonotonie : la chasse, les repirs et (( J'ai manqu deux la messe envahissent toutes les pages '
diffrcn1es.
D ne trouve gure d'autres v- J'ai mal digr. - Il nements consigner dans ces formidables journes qui dcidrent de son sort et de celui de la T'rance ! il inscrit dans ses

chasses.

comptes des dpenses de qttatre sons ! 0n ne rencontre l qu'innocence et pauvt'et d'esprit . Les Rflenions sont toute autre chose. Dans ce travail, trs-mdit , le sens droit, mais un peu banal de Louis, atteint parfois beaucoup plus haut qu'on ne llourrait s'y attendre : il y a quelquefois de l'lvation, toujours de la sensi-

bilit. C'cst comme un reflet clu duc de Bourgogne qui arrive Louis X\rI par le feu Dauphin son pre.0uant aux principes, c'est I'absolutisure tempr par le sentimcnt chrtien.'Le roi est le pouvoir unique. La lgistation est lui seul. II a le droit de mettre dcs impts pour les ncessits de l'tat (sans consulter ses sujcts), mais le rJeuoi,r de I'conornie. Quelques maximes de
Rousseau et dcs conomistes se glissent travers ces donnes du pass. Par exemple, Ie souverain ne doit lgifrer que par des actes gnraux.

Il y a de longues considrations

sur la cottnais-

l. Droz, Hist, d,u rgne de Lous XVI, t. I"r, P. 122. Il y a cle frquentes allusions cette circonstance d.ans les l,Imoires secrets, dits de Bachaumont. 2. Publi par cxtraits dans le t. V de la Reuwe rtrospectiue. 3. Paris, 1851, in-Bo.

tL77!+l

LOUIS XYI BT LA

RETNE.

3,I3

sancc des hommes, sur

la fennet, sur I'irrsolution : < Je stlis je trouve dans mon cur (sur la ferque de ce dit-il, content,
D

I1 s'efforce ainsi de se rassurer sur lui-mmc et de s'affermir d'avance. Le sort cle Clrarles I"' le proccupe dj : ce nom exerce sur lui une sorte de fascination lointaine ! 0e petit trivre serre le cur. Le Jou,rnal n'obtiendrait qu'une ddaigncuse compassion; c'est I'homme dans la trivialit des routines quotidiennes o il s'absorbe; rnais les Rflerions inspirent une estime et une sympathie donloureuscs; c'est I'homrne repli dans sa conscience et s'levant au-dcsstts de sa uature par la force du

rnct)!...

sentirnent moral et religieux.

Louis XYI est tout le contraire de ce qu'il voudrait tre, Cest-dire I'indcision mme. Plus tartl, les varial.ions de la faihlesse passcront chez lui pour les combinaisons de la fausset et le jetteront l'chafaud! Cornme Louis XY, il voit bien et agit mal; il a le jugement droit, et il n'en tire aucun parti pour l'action, non par insouciance goste colnrne son aieul, mais par dfiance de Iui-rnme, pr dfaut de volont et d'esprit de suite. Naturc voue au malheur, victirne sns dfense, destine, comme lcs hosties des religions antiques, expier les erreurs et les crimes d'autrui, ce sont l les plus durs mystres de I'histoire et de la Provitlence. Qu'avait-il fait pour natre roi? Louis offre le plus parfait contraste avec ses proches aussi bien qu'avec la cour. La nouvelle reine ne tient pas plus de sa mre, Marie-Thrse, qu'elle ne ressembte son poux. Vive, imptueuse, toute spontane, violente et gnreuse, galetnent emporte dans ses affections et dans ses antipathies, se gouvernant en toutc chose par sentiment et non par rllexion, ragissant d'instinct contre ce clnl)enu qui est la loi suprrne chez sa mrc, plus forte raison contre cette insupportable tiquette du xvl" sicle qui a survcu en France, sons Louis XY, la dignit et l'lgance des
lnurs, et qu'on a yue disparatre Vienne depuis I'avnement de la maison de Lorlaine, I\farie-Antoinette a toutle mouvement, toute I'initiative qui manquent son poux; mais, cette poque, elle ne possde encore aucune influence sur lui, et, comme on le verra trop bien, il nest pas dsirer qu'elle acquire cette influence. Trs-rnal leve, trs-ignorante, on n'a rien fait pour lui fornter

3r&

TURGOT.

LITX 4l

le jugement et pour rgler et contenir ce naturel aussi nergique dans ses dfauts que dans ses heureuses qualites: I'esprit de con-

duite lui manquera entirement. insi ce bouleversement de l'tiquette, cette simplicit familire, cette libert de vie qu'elle se donne avec clat, pourraient tre une force, un principe de popularit pour une jeune reine remplie d'attrait et de channer. Mais il faudrait que Marie-Antoinette sfit faire profiter la politique de la satisfaction accorde ses gots; que le public prit voir, clans cet abandon des anciens usages, une adhsion la philoscphie nouvelle, un gage offert au progrs. si, au contraire, la reinc se rattache d'une main aux prjugs et aux privilges qu'elle branle de I'autre, on ne yerra plus que caprice et lgret clans les innovations qu'elle introduit la cour, et bientt on acceptera les interprtations plus funestes encore l'honneur du trne qu'insinuent dj ses ennemis. Le systme de diffamation sous lequel doit succornber la fille de Marie-Thrse a cornmenc ds qu'elle a mis le pied en n'rance. Ds le prernier jour elle s'est trouve en butte la cabale de La vauguyon et des ex-jsuites, qui regardent son mariage comlne l'uvre de leur enncmi choiseul, e[ au parti Du Barri, {ui craint I'ascendant qu'elle peut prendre la cour s. Toujours, tant que rgnera Maric-Antoinette, il se rencontrera quelque intrt ou quelque passion acharne la continuation de cette uvre tnbreuse. C'est sur les marches du trne que se forge longtemps I'avance la hache populaire qui abattra cette tte royale. Les sourdcs trames des premiers ennemis de la reine seront rcprises par le proprc frre du roi, par le comte rle provence, ce bel esprit sans cur qui sera un jour Louis XVI[, jeune homme sans jeunesse, me froide et fausse, sceptique qui n'a pris
de son sicle que les ngations
3.

l. Granile, admirablement bien faite... La ferrme de France qui marchait le mieux, portant la tte leve sur un beau eou grec. - Mm. de madame vigeLebrun, t. I"t, p.64. 2. Yoir les trfmoires de I'ex"jsuite Georgel, un des ennemis de ]a reine, t. I.'. 3. Les bruits les plus infamants sur les mceurs de la reine furent bien antrieurs sa brouille avec le duc de Chartres, et e'est tort que les crivains royalistes ont fait partir ces bruits du Palais-Royal, qui ne tt que les rpter plus tard. v. ce que disent les l\Irnoires de Bachaumont sur les chansons qui couraient contre la reine en 1776; t' IX'p.54,61, 69; et ce que racontel'abb Baudeau clans sa7hrtmique secrte, ds l?74, ap. Reuue rtitrospec[ioe, t. III, p. J8l; 1884. Baucieau impute les

lt77 4l

L REINE ET LBS PRINCBS.

JI:i

Louis XVI a encore un autrc frre, Charles, comte d'Artois, qui diffre galement de ses deux ans. Celui-l, tourdi, bruyant ct libertin, avec le cceur ouvert et I'humcur facile, a les dfauts de la jeunesse sans qualit saillante ni caractre dtermin. Parmi les princes du sang, les Cond, avec des dispositions assez militaires, semblent toutefois trop mdiocres pour tre appels un rle un peu notable; Ie duc d'Orlans, petit-fits du rgent, n'aime que les plaisirs de la vie prive. Deux princes seulement sont aptes faire figure dans les ternps qui se prparent; I'un est ce Conti, intclligence active et inquite, qui a figur souvcnt dans nos rcits, mais dont une vie drgte prcipite la vieillesse; I'autre est re fils clu dnc d'Orlans. Philippe, duc de Chartres, ami cles dbauches bruyantes et de toute espce de bruit et de mouvetnent; il prcnd de son sicle le gotrt des innovations, quelles qu'elles soient , cornme le comte de Provence en prend le scepticisrne. 0n le trouvera partout oti se procluira une ide nouvelle ou un fait nouveau, sans qu'il y ait l ni un alnour fort clair e.t fort srieux du progrs, ni cles calculs d'ambition aussi profonds qu'on le supposr:ra plus tarcl. Il rernue pour remuer, sera toujours emport par les vnements et ne lcs dirigera jamais. Louis XYI dbuta par un acte de svrit mal soutenu, snivi d'un acte de faiblesse. Il envoya dans un couvent i\{'. Dn Barri, et lui permit bientt d'en sortir pour se retirer dans sa belle terre de Louvecienne, prs l\[arli r. Le public comptait bien que le rninistre suivrait la favorite. Louis XVI n'avait point encore de parti pris cet gard ; mais, sentant qu'aucun des trittmuirs ne rnritait confiance, il chercha en dehors du cabinet un conseiller intirne qni pt guider son inexprience. La reine, docile I'impulsion cle sa rnre, efrt souhait le rappel de clroiseul: MarieThrse, quoique choiseul se frt montr beaucoup trop franais porlr la satisfaire, I'et mienx aim aux affaires trangres que d'Aiguillon, qui avait recherch I'appui de la prusse. La cour formait assez gnralernent le mme vu, et le public n'y tait point dfavorable ; mais les prventions du roi furent invincibles. Il
lmeurs qu'on dbite sur la reine la cabale drr chancelier et des tantes clu roi. L,a cusation nous parait injuste ou exagre quant tr[esdames tq,trcs. t. Elle mourut sur l'chafautl pendant la Terreur,

346

TUItGOT.

u7741

dclara que I'homrne qui avait manqu de respect son pre ne scrait jamais son ministre. souponnait Choiseul d'avoir fait

Il

plus que d'offenser son pre, et des insinuations aussi atroccs


qu'invraisemblables avaient laiss trace dans son esprit. La prernire pense du roi se pofia sur un homme cl'tat loign des affaires depuis dix-sept ans, sur fiI. de i\(achault. Louis savait que son pre avait conserv beaucoup d'estirne pour cet

ancien contrleur-gnral, quoique mal vu du clerg, clont il avait menac les privilges pcuniairesf : Machault, sans lre,
beaucoup prs, un homme d'tat complet, avait une probit incon-

testable, de larges vues de rforme en {inances et Ia force de caractre ncessaire pour les raliser. C'tait un choix scns; aussi, ds qu'on put entrevoir I'intention du roi, les intrts contrnires au bien puhlic se coalisrent-ils pour dtourner Louis de son dessein. La Yauguyon tait mort, mais l'ex-jsuite Racronvilliers, ancien sous-prcepteur du roi, organe du parti clrical, Ies ministres d'Aiguillon et La Yrillire e circonyinrent madame Adlade, une des tantes du roi, qui avait des prtentions politiques et du crdit sur son neveu. llfadame AdlaTde jeta. un autre nom Louis, cclui d'un autre ministre renyers du pouvoir par madarne de Pornpadour, huit ans avant it{achault; c'tait

le spirituel, goTste et lger l\{aurepas, on'cle de d'Aiguillon et beau-frre de La vrillire. avait soixante-treize ans. l\fadame Adlade prtendit gue la retraite et I'ge I'avaient rendu sage et srieux, tout en respectant les grces de son esprit etsavive intel. ligence. Maurepas figurait, comme Machault, sur la liste clcs personnes recommandcs par le feu datrphin. Louis crut sa tante ct Iit rappeler un page qui ilj montait cheval pour porter Machault une lcttre qui le rnanrlait Yersailles. 0n prtencl que I'adresse seule fut change, et que la lettre crite pour l\[achault servit pour Maulepass. l,ouis ne voulait cl'abord, dit-on, que con-

Il

1. v. dans soulavie, trIirn. dw rgne de Louis xvl, r. 1*, la liste ile plusieurs personnages recommands par M. le Dauphirr celui de ses enfants qui spccdera Louis XV. Cette liste est curieuse. 2. Saint-Florentin, devenu duc de La Vrillire. .3- Droz, Hiiloire d'e Louts IiI/l, t. ler, p. 125-127. Mm, d,e madame campan (lectrice des tantes de Louis t. Ie", p. Bg. La lettre est ilans les l[nrcires

xvl),

de Bachaumont, t. YII, p. l9G; Londres, I7?7.

Ll't7 Ll

,\I

AUREI'AS.

3r7

sulter Nlaurepas; ntais ce rLrs vieillard, aprs le prernier entre[ien, se trouva tout cotlp prernier rninistre de fait, prcsqtte sans que le roi y et pens r. C'tait ainsi que Louis XVI appliquait ses maximes sur la fermet, sur la connaissance dcs hornmes, sur la distinction tlue doivent faire les rois entre l'esprit sol,ide eI7'espr'tt Il:gu.Il remettait l'tat, la veille des temptes, dans les nrains d'un hornme que le marqtris de Mirabeau appelait trop juste titre le Perroqu,et d,a Ia rgcnce, qui croyait prvenir une r(lvolution avec un bon mot, et qui tait incapal:le d'une autre politique que cclle qui faisait dire Louis XY : Cela dwrera,bi,ert, au,ta,nt qwe m,oi ! Le public n'avait gure d'opinion arrte sur lfaurepas, qu'il avait depuis si longtelrps pcldu de vue; mais il attcntlait avec une extrme inrpatience la chute du triumvirat ct des parlements Maupeou, deux questions qu'il confondait ct qui taient pourtant distinctes. Les rninistrcs laisaient des efforts dsesprs ltour se rnaintenir. L'abb Terrai prsenta au roi un cornpte rendu inancier fbrt habilement rdig'z : il glissait sur toutes ses odieuses oprations, faisait valoir I'augrncntation de recettes due ses soins, reprsentait que, si I'quilibre par lui rtabli s'tait drang de nouveau, s'il avait t oblig cle recomt'ttenccr les anticipations et les autres expdienls, la laule en tait aux accloissements de dpenses survenus dans les autres dpartcments lninistriels et dans la maison du roi3, contrairctnent aux promesses de rducl. Son plan d.e domination tait simple; il dit au jeune roi qu'un administrateur nepeut bien excuter que ses propres ides; t1u'il faut, par consc1uent, les adopter 9u Ie renvoyer-; en mme temps il invita chaclue ministre ne faire aucune proposition irnportante srns en avoir confr' avec lui. Ainsi urr mirristre ne devait proposer que ce qui eorrvenait llaurepas, et le roi devait approul'er tout ce que proposait un ministre. Le Nlentor tait, prsent lorpqu'on sounrettait au roi un travail, et, s'il tait mcontent, il pouvait, user de son privilge il'erttretenir Louis XVI toute heure, pour lui dmontrer que le moment taib venu de ue pas suivre leg ides de I'administrateur, et de le renvoyer. ' Droz, I|ist. d'u rgne da Louis XVl, t" Ier, p. 128. comte de Iaurepas ne prit d'autre rang officiel tluc celui de rninistrc - Le d'tat sans portefeuille. 2. Il est juste rle <Iire que oette pice n'avait pas t compose en vue des oirconstanges; d,'aprs des documents rests d,ans la t'amille de I'abb 'ferlai, ce mrne compte rend.u avait dj t prsent Louis XY le 20 mars 1774. 3. Les dtipenses des maisons du roi et iles princes avaient t portes de ?ti millions plus de 36, depuis qu'on avait form les maisons de la dauphine, des fi'res Conptes rend,us d,es f,nances, tle L75L l7B7 , et des belles-surs du dauphin.

-Y.

3{8

UItGOT.

177 1l

par Louis xvl, proclaurant que la flicit des peuples clpend principalement d'une sage adrninistration des finances, annona que les arrrages des rentes, charges, intrts et clettes diverses, et les remboursernents promis, seraient acquitts Iicllement que ; les fonds cn taient faits; que le roi s'occulrait de rcluir,rlm dpenses tenant sa personne et at fasre d,e Ia cowr; enfin, que le roi remettait ses sujets le produit du droit qui lui appartenait
cuse de son avnement Ia couronner.

xyl. Il soutint les paroles par des actes, en s'cmpressant de proposer une mesure qu'il savait tre dans le cur du jeune roi. La prenrire orclonnauce signe
propre faire impression sul. Louis

je ne puis plus retrancher sur la rr.lduite de 20 rnillions... A vous, sire, de soulager yos peuples en rduisant les dpenses. cet ouvrage, si digne de votre sensibilit,, vous tait rserv. > L'abb Terrai parlant de sensibilit, c'etait le loup pleurant sur les rnoutons; nrais son travail n'en tait pas moins spcieux et
augmente de 60 rnillions;
dette, que

impts,'1iorts au maximum; que l'conomie tait donc absolument ncessaire. rr Je ne puis plus ajouter la recettc, que j'ai

tions qn'on lui avait faites. Il concluait en tablissant qu'on ne pouvait plus esprer d'accroissernent notable dans le produit des

j'ai

sous Louis XY, et en avait cotrt 41 aux contribuables nriers avaient gagn prs de 100 pour 100.

Le droit de joyeux avnement avait t afferm 28 rnillions ! Les fer-

En mme tenps, le pain baissait, par suite d'une fausse spculation de la socit da Puctc d,e tr'anrte, qui n'avait pu placcr l'tranger, suffisamment pourvu, des grains cxports cle Francc par pcrmissions sccrtes, et qui tait oblige de les rarnencr sur les marchs franaisz : dc premir.es rfor.mes s'cffectuaicnt la cour', conformment lu promesse du roi; on relchait peu p. Il5' 169. Les maisons des cleux frres clu roi et de leurs femrrres cotaient 1. Enregistr le 30 mai au pallement de Paris. Lois franases, -\r. Anciennes t. XXIU' p.4-7.- Marie-Antoinette abanilonrra, clesonct, le droit appel drofi
de ceinture de

ensemble 7,312,000 livres, qui crr reprsentcraient 12 ou 18 d'aujourtl'hui! r., p. 141. Bien cles souverains n'avaient pas des maisons senblables!

Ia reine.

Z. U'A*, sur I'ad,ministr&trcn de l,ab(t Terrai, p. 22ti. p. 673.


3.
u

![eyy7s /r,rst.,

t. OLXXVI.

Les extraordirtaires les menust le grand commun, les gouverneur.s des maisons

U774) CIIUTB DE D'AIGUILLON. 3t9 peu bon nomJrre des per.sonnes cltenues par lettres de caciret. L'impression sur le public ne fut pas telle qu'on I'esprait versailles. La urain par laquelle passait Ie ]:ienfait lui tait son prix. 0n pprouyait la remise du joyetrc aunentent, rnais on bl_ mait le langage de I'orcJonnance, qui consacrait le clroit tout en s'abstenant de l'appliquer : ce prtentlu dloit n'tait, disait_on, qn'une exaction fodale non reconnue paf les parlemcnts. Le bon accueil fait par le roi et la la dputalion du parlernent Maupeou (5 juin) indisposait'eine la bour"geoisie. Le prix du pain ne
pauYres.

tarda pas remonter et trompc-:r les esprances des

classes

L'opinion a'ait cependant obtenu une premire satisfaction : le duc cl'Aiguillon n'tait plus ministre. Dtest cle la reine, il avait

ct les chansons que rpanclaient contre xlarie-Antoinette

eu I'irnprudence de patroner peu prs ouverteurent les propos


les

la cour. Des deux rninistres qu'il occupait, celui des affaires trangres fut confi au cornte de vergennes, qui avait fait preuve
dc stocliholrn (s juin); I'autre, le nrinisrre de la g..rrr., fut donn au comte de llIui, clvot rigicle, administrateur laborieux,
de talents diplornatiques crans les arnbassades de constantinple et

anciennes cabales hostiles au rnariage autrichien, grossies de ge's de conr que la reine blessait par s.n tourclcrir,,rqu.ose. IllarieAntoinette dernanda justice de |insolence du urinistre, et llaurepas ne crut pas pouvoir soutenir son neveu, quoiqu'il lui drit en partie sa nouvelle position. D'Aiguillon eut dfense cle reparatrc

chancelier llfaupeou, fut destitu. Maurepas, I'i,stigation de sa fernme, conseille elle-rnme par un prtre philosophe, I'abb
royales, les spectacles de la cour, sont supprims..., la chasse tlu daim et celle du faucon... Rforme considrable auxgrandes et aux petites curies... Lerqi a donn ordre qu'on ne servirait la cour qu'une seule tale, qui serait c.rnmune sa Majest, la reine, l\Ionsieur, l\Iacrame, monseigneur le cornte et madame la comtesse d'Artois. , tr[ercure isf., t. CLXX}I, p. OZf .

le renvoi de d'Aiguilron. Le ministre de la rnarine, de Boines, homme d'intrigue r Quc I'on rcgardait c,rnrne Ie lieutenanf du

le plus considr d'entre les arnis clu feu Dauphin. Aprs quelques sernaines d'intervalle, eut lieu un second chan_ gement rnoins retentissant, mais clc J:ien plus de porte relle que

390

TUI'IC O T.

Ir

774]

tle Vri, fit reurplacer de Boines par TLlrgot, sur qui son adrninistration de la gnralit de Lirnogesr fixait depuis longtemps les regards et les esprances des hornmes clairs. Turgot tait rest volontaircment dans cette intcndance secondaire; il s'tait attach au pauvre Limousin par le bien qu'il y faisait, et il avait rcfus, ds 1762, deux intendances de prernier ordre, Rouen et Lyon2. Il ne se crut pas le droit de refuser, avec le ministre, les grancis devoirs et les grandes preuves auxqucls il tait ds longternps prpar. Il accepta le dpartement tout spcial qu'on lui nffrait, comme transition nne action plus directe et plus gn-

rale sur le sort de la patrie (lg-??juillet 1774).


Maurepas, trop sceptique pour chercher la vraie gloire, aimait .les louanges et les succs de salons: on lui avait persuad quc les honrmes qui rgnaient sur I'opinion lui sauraient in{inirnent de gr du choix de Turgot, et, d'une autre part, il ne pensait pas que sa suprrnatie rninistrielle efit jarnais rien redoutcr d'un philosophe aussi tranger la cour par ses gots que par ses relations, et aussi irnpropre ces inlrigues qui, pour les hornmes tels que nlaurepas, sont toute la politique. La sensation produite par la nornination de Turgot fut vive, eu effet, dans la classe lettre , rnais assez mdiocre ctrans la rnultitutle parisienne, qui connaissait peu I'intendant de Lirnoges. Le roi et la reine n'en furent pas moins accueillis avec froideur datts Ia premire visite qu'ils firent sur ces entref'aites Paris. illaupeou et Terrai taient toujours en place ; I'exil des anciens magistrats ne cessait point encole; le pain tait toujours cher.

Maurepas se dcida et dcida le roi. Sans parti pris, sans systrne, prt les essayer tous, selon les circortstances, le vieux rninistre n'avait rien en lui qui pt le porter la rsistance contre une pression un peu forte dc I'opinion. Le 24 aottt,lllaupeou eut ordre dc rendre les sceaux, qui furent confis IIue de Miromesnil, ancien prernier prsident de ce parlement de Rouen qui nvait lutt avec tant d'nergie coulre Ie rlespotistne. C'tait, pcr''
Limousin et partie de L'Angoumois. 2. Il avait voulu rester en Limousin pour y tablir latail,le tarife d'aprs la dclaration nryale qu'il avait obtenue le 30 dcembre 1761. - Y, 0wo. de Turgot, t, Ir., p, 486.

l.

conformnrcnt un abus dj ancien et qui ces,u avec I'avnement de Turgot' On contraignit en outre Terrai de rembourser une somme peu prs gale pour des travaux qu'il avait fait faire ao cornpte

tombrent dans des attitudes hien diffrentes. Maupeou, qui s'tait introduit au pouen rampant, avait commenc de rerever la tte ds qu,ir 'oir s'tait cru affermi : il supporta la disgrce avec une fiert inat_ tr'ndue: <J'avais fait gagner un grancr procs au roi, dit_ir; ir u'eut remettre en question ce qui tait dcid; il en est re cr rnaltre. u Il refusa Ia drnission de sa charge inamovible cle chancelier et ne fit jamais aucune drnarche pJu, reparatre la c{jur'. Terrai n'eut pas cette tenue altire dans sa chute. Le roi I',bligea de restituer 4b0,000 fr. de pot-de-vin, {u,il s,tait fait cllrnner sur Ie bail cres fermes, rcemment renouver,

au noble ministre qu'on rui confiait. 0n n'en fit que trop rexprience. Illaupeou et Terrai , on doit le reconnatre,

mis, par ses honteuses complaisances, dans res infamies de Louis xY, n'apportait dans re gouvernement qu,un esprit d,arbitraire et de corruption, et n'avait d'ailreurs aucune aptitude

comme son mari gouYernait le roi, fit donner la marine au lieutenant-gnral de porice sartine. Eile eut cette fois Ia main moins heureuse que lorsqu'ere s'tait raiss guider pu, iu condiscipre de Turgot, par I'abb de vri : sartine, rranite ciref de police, auteur de diverses amliorations matrielles dans parisr,

mourir', de voir cet illustre adepte de son cole en possession des linances. Madame de rlaurepas, qui gouvernait

de la rnarine au contrre-g'ral : c'est I gu'ir tait apper par les vrlx des gens crairs. Le vieux Ouesnai eut la joie, avant de

CHUTts DB il{AUPBOU ET TERRAI. 32II sonnellement, un homme de peu de vareur, guant la capacit et quant la moralit; sa parent avec Maurur;, fut son principar titre. Terrai fut congdi re mme jour. Turgot fut transfr
u77 4)

son mari

mais compro_

oticiellement reconnues et taxes,

des vieilles lanternes ile La Iieinie, par voie de cotisation vorontaire entre les propritaires. La Halle au bl et I'Er:ole gratuite de dessin datent de son admiuistrat]ion] mais urrrru, maisons de jeu

l. Il mourut le 16 dcembre l?24. ?' Il avait introiluit les rverbres en 1766, Ia place

3. Il ne ntourut qu'en l?g?, soi_rante-dix,huit ans.

2l

.f URGOT.

lr?741

r. Terrai nc s'en ft pas de l'tat, prs de son chteau de La l\totte tir ce prir si I'on erit consult le pcuple' Paris et La clrute des ileux ministres fut, en effet, clbrc rappelait et prsaailleurs prr des dmonstrations clont Ia violence
geait des temps bien cliffrents
cle

i1*op*oo et Tcrrai furcnt pendus en effigie sur la montagne tre jet I'etlt Sainte-Gencvive, et Terrai, cn persollne' faillit au ours-lacoliers, en passant la Scine au bac de Choisi. Les nes un urannequin Reine, firent tirer et drnembrer par quatre

Ia douceur dcs murs rgnantes'

pendant plusieurs soires, les clercs de en simarre de chancelier. chantcr, cricr et Ia basoche, mls au pcuple de la cit, vinrent prsident cl* prernier du fcntres lancer 4es fuscs jusque sus les garde du Palais la parlement Maupeoo. L., archers prposs en fuite, rnit les on yunt tent de s;y oplloser, on tornba sur eux, exetnpt fut assomm sur la place2' ai I're dcs vctlL'homme d'tat qui voulait pargner la n'rance populaires avail geallces que faisai.rrt pr.rr*ntir les ressentiments

rt

comtnenc son laborieux ministre' rcmplacer Lc2tt aorhtn te jour mme o il avait t appel rsurna liar roi, le Teffai, Turgot, au sortir d.'une entret'ue avec devant Louis xvl ' crit les propositions qu'il avait clveloppes jeune monarquc. -- Point de afin de les fixer clans la mmoirc du

banqueroutcs;pointd'augmentationd'impts;pointd'emprunts. pour liquidcr les II ne faut, en tlrnps de paix, elnprunter que d'autres emprunts faits dettes anciennes, lo poot rembourser prix la dpense tl'une un denier plus onrtu". - Rrluire tout * Obliger lcs chefs vingtaine de nrillions au-dessous cle la recette. avec Ie ninistre des des autres tlparternents se concerter ct discuter avce ministres, finances pour les dpenses de leurs clirectes ni indigrces de devant le roi.'- Plus

lui

gratuits clans les fenries' ltlus rectes sur les impts; plus d'intrts
de croupes, de brevets gratuits.

ces dpenses

L'conomie est la prface nlous

I. Il y avait l, au bortt de la Seine' de grands magasins on}]i;l;rr,.e trrm. swr t'ad,rninist. d,e r'abb, Terrai, tst., t. clxxvrl, p. BB0. craiguit pas temps du lJournatr historiqwe\ ne Unicrit ias' p. 230. - Droz, ,. i*, n' a cass la on Bouteilte' qui.'appelait ' tle plaisanter so" te no* de ce malheure.rx,
sur Uoite;tte, u Cela sentait dd'i les plaisanteries

la

compagnie

la Lanterne'

[177 !.)

PTANS DE TURGOT.

393

par Ia

cessrire des rformes qui, sans tlirninuer beaucoup les revenus publics, doivent soulager le peuple, parl,amliorat,iott, d,e la cwr,twre,
swppressi,on tl,es abus tlans l,a yteraeption,
Ttlws ,qwitabr,e

des impts.II faut commencer

domination des financiers. a Je ne dernande point votre llajest d'adopter mes principes sans les avoir exarnins... mais, guancl elle en aura reconnu la justice et la nccssit, je la supplie d'en maintenir I'excution avec fermet, sans se laisser effrayer par des clameurs qu'il est impossible d'viter. Je serai seul combattre contre lcs abus de tout genre' contre Ia foule des prjugs qui s'opposent toute rforrne et qui sont un lnoycn si puissant dans les mains des gcns intresss terniser le dsorclre. J'aur.ai lutter contre la bont na_

r)e,r ww rpartitiort, par s'affi,anchir de la

turelle, .oitr* la gnrosit

chr'cs. Je serai craint, ha mme de la pius grande partie de la cour. 0n m'imputera tous les refus; on me pcindra cornrne un homrue tlur, pa're que j'aurai reprsent Yotre trfajest qu'elle ne doit pas enrichir mme ceux qu,elle aime aux dpens dc la subsistance cle son peupre. ce peupre auquel je me serai sacri{i est si ais trornper, que peut-tre j'encourri

lui sontles plus

cle

votre nlajest et des personnes qui

Je

sa haine par les rnesures rnmes que je prendrai pour

n'avait expos au
ptr'face

soutenir son ministre, et Turgot entra cl'un pas assur dans la carrire dont il avait si bien rnesur cle l'il tous les prils. Il
de l'uv'e qu'il mditait :

Il tcrrnine en rappelant que le roi a press affectueusement ses rnains dans les siennes, comrne pour accepter son dvouement. ( Yotre }lajest se souvienclra que c'est sur la foi cle ses promesses que je me cirarge d'un I'ardeau peut-trc au_dessus de mes forces; que c'est elle pcrsonnelleuent, I'hornme honnfe, I'homme juste et bon, plutt qn'au roi, que je m'abando*e.,.r r Louis, touch et subjugu la fois par liaccent de la vertu et par I'autorit d'un grand caractre, renouvela I'engagement de

le dfendre. serai calomni, et peut-tre ayec assez de vraisemblance pour m'ter la confiance de yotre i\Iajest... >

roi, pour ernployer ses llropres terrnes, que Ia il se rserviit rl'ouvrir sa iiense
t. II, p. 165.

l,

AUuves de Turgot,

32!+

TUItGOT.

t.l7741

rformes imporentire Louis, aprs qu'une prernire srie de de l'difice tantes aurait dblay l terrain pour la construction de cellcs et nouveau. L analyse donne plus haut de ses tlrories ce qu'il pensait sur de ses amis les conomistes' a dj montr moins comme but au c'tait, travail; du les questions de I'impt et du commerce illimite libert la finai, I'impt unique et direct, et

politiques et de I'industrie. guant aux institutions administratives, ncessaire non- seulement d'tablir ou de

et

moyen but maintenir les rformes conomiques, mais d'atteindre un de la rnoralit plus lev encore, le dveloppement du patriotisme,
sociales

*rdel'intelligencepopulaires,nouspossdonsunplancrit
tnoi,re oru roi swr les municipalts. Ce

intimes (par d,a}rs ses ides et sous ses yeux par un de ses,amis xI' intitul est Il Dupont de Nemours, selon toute apparence). "

titre modeste envdloppe toute

une Constitution du RoYaume' de ce mrnoire' L,esprit du xvruo sicle est tout entier dansle dbut

Turgot,oul'intcrprtedcTurgot,opposenettementlaraisonla ce qui est ou ce tradition, le droit aux faits. Il ne s'agit pas de savoir dcider, science qui a t, mais ce qui doit tre. te n'est pas la

en socit ne mais la conscience. < Les clroits des hommes runis nature' > Il faut sont point fonrls sur leur histoire, mais sur leur pour tablir une laisser de ct la diversit des formes actuelles intrts dc tous' etles droits les sur olganisation unifortne, base qui font qu'il causes les Turgot exposc, avec une grantle lumire, de ce que la vierrt < n,y ; point d'esprit public en n'rance. Le mal peuple dont les mernbres ,r,.tion n a point de constitution. > c'cst un Presque personne n,ont entre eux que trs-peu de liens sociaux. avec les autres ne connait ses evoirs ni ses rapports lgaux du prince en spciaux ordres membres de l'tat. on attend les choses' toutes sur statuer de toutc occasion, et le prince est obtig lui, et et connatre, de loi est impossible sur celles mmes qo;il 'aux individus Les ! dlgus d.e ses ministres ' ses ministres, et fonctions dterrnines dans l'tat et n'tant ni n,ayant ni garanties

poirrthabituss,enconsidrercommelesmernbresactifs,se et chacun contraire cornme en Suerre avec l'tat,


considrent au

l. Y. ei-tlessns, P' 199'

tr77 L)

PLANS DE TURGOT.

395

cherche se drober sa part de I'imptr. Le gouvernement a touff systmatiquement I'esprit public dans son germe en interdisant aux communes rurales de se cotiser pour les travaux publics qui pourraient les intresser. Il s'agit de trouver des formes , des institutions, d'aprs lesguelles la plupart des choses qui doivent tre faites se fassent d'elles-mmes (c'est--dire par les citoyens ), sans que le roi ait besoin d'y concourir autrement que par la protection gnrale qu'il doit ses sujets. C'est de ces institutions que I'auteur exposele plan, institutions calcules pour attacher les individus leurs familles, les familles leur village ou leur ville, les villes et villages I'arro nrlissenxentr les arrondissements aux provinces, les provinces l'tat. 1' La base de tout l'dilce est un conseil de I'instruction nationale. Il y a des mthodes et des tablissements pour former des gomtres, des physicicns, des peintres; n'y en a pas pour former des citoyens, Le conseil fera composer des livres clas-

il

siques o l'tude des devoirs de citoyen sera

le fondement

de

toutes les autres. L'instruction religieuse (donnc par le clerg) ne suftt pas pour la morale observer entre les citoyens. chaque paroisse aura son maitre d'cole charg d'enseigner cette morale, et le mme esprit sera inl.roduit dans les tablisscments de tout degr (ainsi, c'est de l'ducation surtout qu'il s'agit : I'instruction n'est que le moyen; l'ducation est le but). 0n dix ans ra nation ne sera pas reconnaissable. 2" Il n est pas ncessaire d'attendre ce rsultat pour passer la seconde partie du projet; c'est--dire pour commencer transformer en vraies municipalits les villages actuels, simples assemblages de cabanes et d'habitants, aussi passifs que leurs pauvres demeures. Les olrjcls de I'administration municipale des villages doivent tre : 1" la rpartition des irnpts; 2o les ouvrages publics et les chemins vicinaux; 3o la police des pauvres et leur soulage1. De l cette fatale habitude de tromper le fisc sans scrupule, qui existe encore et qui rencl si difficile l'tablissement de I'impt sur le revenu mobiiier, si juste pourtant ! - L'habitude de tout attendre tle I'Btat a" galement survcu nos soixante, dix ans de Rvolution, tant les maux dnoncs par 'Iurgot avaient de profoutles
racines !

390

TU ITGOT.
4o

Lt774l

ment;

les relations cle la communaut avec les villagcs voisins et avec I'arrondissement quant aux travaux publics, et la trans' rnission dcs vux de Ia cornmunaut sur cet article I'autorit comptente. Le cadastre et la rpartition quitable de I'impt se

feront ainsi d'eux-mmcs. Les travaux comrnunaux serviront employcr les pauvres dans la morte saison' L,e iystern* Ao votc drive du principe physiogatique que la

terre seule est productive. Les possesseurs du sol seront

seuls

tle appels, d'aprs ce principe, rgler les intrts conomiques la c'cst : proprits leurs de proportion la socit. Ils voteront

terre qiii sera ainsi reprsente, et non I'homme' ct I'lectorat de Tuqgot n'est, sur ce point, que la transformation ct non I'al-rolition du principe foclalr. Il ne faut prs oublier toutefois que,
selon Turgot, les droits ne cloivent tre que l ot sont les chargcs, et gue les propritaires cloivent seuls payer et doivent tous payer' Il laisse entrevoir ici cc but final au roi ct lui montre' au Jrout de la carrire, I'altolition des impls spciaux pesant sur les seuls

rOturiers et des impts cle consolnmation, qu'on reutplaccra par un impt direct. Alors il n'y attra plus qu'une seule espce de votants, de mme qu'une seule espcc de contribualrles. Quant prsent, les privilgis, quand il s'agira tlc rpartir la taille, v6te-

ront avec les taillables dans la proporlion cle lcurs proprits afferlres et soumises la {aillc d,'exploitation2, dduction faite des proprits qu'ils erploitent par eux-rnmes et qtli sont cxemptcs. Les nobles voteront avcc les roturiers pour la rpartition cles vingtimes; les ecclsiastiques voteront avec les nobles ct

pauYrcs les roturiers pour les travattx publics, le soulagetnent des la place tablir pourra roi le que et la rpartition cles impts irnpt paie un quiconque indirects, c'cst--clire que votcra

des

En adurettant quet une iliffrece entre i'lectorat national et l'lectorat municipal' dveloppe, tout citoyen dans une socit tormalement constitue et pleinement pns aussi vident que tout intervienne dans les intrts gnraux de l'tat, il n'est communer sans y avoir d'i'trt une dans *on trorrv" se clui citoyen "rJnt,ment intervenir ans les affaires constitu , et qui faura peut - tre quitte demain , doive rle temps ct d'tablissetnentt coDditions des ici peut achnettre cle cette commune. orr sinon de proPrit. 2. Il enten,I mettre la taille d'exploitation la charge tles proptitaires, I'expi'
ration des baux existants.

l.Siloignqu'onsoitdesphysiocratessurcepoint,ilestpermiscl'aclmettre

lt77!+)

PLANS DII

TURGOI.

327

direct et proportion de cc qu'il paie'. 0n pourra simplifTer plus tard ces complicetions (en arrivant I'irnpt unique). Les assembles de villages nommeront un maire ou prsident
et un greffier. 3o Un tablissement analogue, clans lcs villes, doit remplacel les municipalits actuelles, pctites rpubliqucs I'esplit de localit goiste, sans liens les unes avec les antres ni avec l'tat, tlranniques pour les carnpagnes qui hs envilonnerrt et pour leurs propres travailleurs industricls et cornurerants. Dans lcs villcs, les proplitaircs de naisons seuls voteront, raison tle la valeur de leurs tenains. Les villes, ayant tles intrts plus cornpliclus que les villagcs, liront des officiers mtinicipaux chargs de I'administlation et responsables devant lcs lecteurs; dans les grandes villes, il y aura un magistrat de policc nomm par le roi. Elles seront subdiviscs en ossembles de quartiers. Les octrois dcs villes seront aholis; lcs dettcs contractcs par les villes pour le compte du roi seront payes par le roi; cellcs contractcs dans I'inttlrt des villes seront payes par lcs propritaires llar annuits.
IJcs secours dornicile rcrnitlaccront lcs secours dorrns dans les hpitaux. Les grcniers cl'abondance seront suppriins, ct I'approvisionnerncnt des villes abandonn au lible colnrnerce. 4o Les rnunicipalits dcs villes et des villages rcssortiront, pour les intrts et les travaux colnmons une certaine tenclue de telritoire, dcs municipalits d'alrondisscrnent, composes de dputs de toutes les villes et villages. Ces municipalits de sccond degr voteront cn outre des secours aux paroisses frappes par les flaux de la nature ct dcidcront de certains dbats intrieurs qui auront pu survenir dans les assenrllles de prcnrier

degr.

Les rnunicipalits d'arrondissenrent ressortiront lcur tour des rnunicipalits provincialcs, composes de dputs nornrns par les assernbles d'arrondisscment : ccs assembles de troisirne dcgr seront charges des intr'ts provincianx et secourront les maux qui dpasseraient les facults tlcs alrondissernents. 6o Au-dessus des rnunicipalil.s provinciales s'lvera enfin Ia
5o

1. Les manouvriers

de campague seront dchargs de

la taille.

328

TURC OT.

Lt77 4)

grande municipalit ou municipalit gnrale du royaurne, forme des dputs lus par les assembles des provinces, et dernier

terme de toute la hirarchie. Les ministres y auront sance et voix. Le roi, I'ouverture de la session, dclarera' en personne ou pr son ministre des Iinances, les somtnes dont il aura besoin

pour les dpenses de l'tat et les travaux publics qu'il aura jug ptopo* d'ordonner, et laissera I'assemble libre d'y ajouter tels autres travaux qu'elle Youdra et d'accorder aux provinces souffrantes tels secours qu'elle jugera ncessaires. L'assemble met-

tra des yux Sur toutes les matires que bon lui semblera. Les dputs aux municipalits provincialcs et nationale seront
indemniss. Ici se trouve une thorie de I'assistance tous les degrs, depuis I'individu jusqu' Ia Province. Chacun doit, dans la mesure du possible, pourvoir ses propres besoins par ses propres forces. L'individu qui peut travailler et S'il peut trouver du travail n'a rien dernander personne. c'est facults, ses rellement qui excde besoin un dans tombe

ses plLrs

proches,

ses parents, ses amis'

qu

il

tloit

S'adIeSSer

de recourir toute autre assistallce; et Ses parents, ses amis, "outtt ne doivent tre autoriss invocluer le public qu'aprs avoir fait eux-mmes ce qu ils peuvent en sa faveur. Cette marche doit tre suivie depuis le simple particulier jusqu'aux provinces demandant les bienfaits de l'tat (c'est--dire que la municipalit, frappe

d'une grle, d'une pizootie, etc., demandera d'abord I'assistance des municipalits avec lesquelles elle cst en relations habituellcs, puis celles-ci la recommanderont I'arrondissement, et ainsi de suite).

0n commencerait par constituer les municipalits rurales ; un rnois aprs, les urbaines ; trois ou quatre mois aprs, on

lancerait un grand dit sur la hirarchie complte des muni-

cipalits.

Turgot avait d'abord espr qu un an de ministre lui suffirait pour prparer la ralisation de son projet; puis il I'ajourna, d'une anne encore, I'autotnne de 1776, pour avoir le temps de prparer le terrain par des lois favorables aux classes laborieuses, et de revoir, de rcrire Ie travail prpar par son ami, en le cotu-

le soumettre au roi. Ces lois devaient tre Ia part des classes trangres Ia proprit foncire et aux droits qu'on destinait
aux propritaires. Il n'est pas besoin d'insister sur la grandeur de ce plan. 0uant la combinaison singulire qui conduit un philosophe spiritualiste proposer un systme lectoral matrialiste, quant au point qui choque le plus les notions de droit civique tablies par Rousseau, il importe d'observer gue Turgot n'est spar de la dmo-

PTANS DE TURGOT. 399 pltant par des projets de lois assurant pleinement la libert individuelle et la libert de I'industrie et du commerce, avant de
ir?741

d'un mouvement rgulier dans toutes ses parties; la vie publique veille tous les degrs de l'chelle territoriale; et cette bellc thorie de I'assistance qui conserve dans le pauvre la dignit cle I'homme et du citoyen, en assimilant la pauvret individuelle la pauvret collective, en appliquant le mme principe aux

aux privilges pcuniaires de Ia noblesse, du clerg, de tous les exempts, I'administration des intrts conomiques du pays par la classe entire des propritaires fonciers, tait or, -p.ogic, immense. seulement il est croire que les propritaires fnciers eussent bienttjug que ce privilge politique tait trop chr.ement achet par I'obligalion de porter le fardeau entier de l,impt. ce qu'il y a d'erron ou de contestable dans les piun, de Turgot lui vient des autres , de l'cole laquelle il s'esi agrg; ce qu'ily a de beau, de vrai, de profond,lui appartient excrusivement, I'exception de cette grancle ide d- I'instruction publique donne comme base la socit, icle dont il partage Ia gloire avec toute l'cole physiocratique, ou plutt avec tout le x\'rre sicle. C'est bien lui qui & conu la n*tion anirne

cratie que par une erreur conomique : s'il erlt admis, comme tout Ie monde Ie fait aujourd'hui, la prod,wcti,ui,r de tout travail utile, il ft arriv reconnatre, au moins virtuellement, le droit politique chez tout citoyen; car l'cole conomique reconnaissait le principe de proprit dans les bras du travailleur aussi bien que dans la terre du possesseur, et ne faisait de diffrence que dans la productivit. Au reste, mme sur ce point, il ne faut pas oublier que substituer au despotisme des intendants et des fermiers gnraux ct

TURG OT.

.r77 4l

Sccours accordS aux particuliers qu'aux Secotlrs accords une commllnaut quelconque : c'est bien la vraie solidarit, la vraie fraternit sociale, conue liar le grand aptre de I'indiviclualit, c'est que chez lui individualisrne ne veut dire que libert, et non point goTsme. A lui I'honneur d'avoir cherch combiner le fdralisme avec I'unit, I'ttnil sans la conccntration bureaucratique gui touffait et qui touffe encore la France. Quels progrs depuis les plans de d'Argenson, qui ne voyait que la royaut et la commune, rien entre deru t ! Ici les communes sont la fois inclpendantes dans leurs intrts particuliers et solidement relics l'tat d'chelon en chelon pour les intrts communs. Le roi, le pouvoir ccntral, gardc [e dernier mot pour les choses de l'tat; mais les assembles de divers degrs sont souveraines pour les affaires de communc, d'arrontlissement et de province, et pcuvent proposcr pour les affaires d'tat, le roi se rservant d'accomplir

les rformes

jugera ncessaires, qu seraient pes proposes par l'assernlile.

il

lors tnme qu'elles ne

Turgot pensait-il que la facult de proposer se serait transforrne avec le temps en pouyoir dc dlibrer, et que la grande mnnicipalit, partageant le pouvoir lgislatif avec le roi, serait devenue une assemble naionale unitaire, substitue la vieille fornre des Trois litats? avait-il pour but flnal quelque chose qui Nous ne le croyons pas : ressemblt la tentative de 91 ? Turgot n'admet pas lcs gouvernelnents mixtes. Il n'est nullement enchan en tlrorie u pouyoir hrclitaire d'un seul, comme scs amis lcs physiocrates; rnais il vcut l'unit du pouvoir central, monarchique ou rpublicain; un roi ou une assemble , point trn roi ou un pouvoir excutif lu, d'une 1tart, ct une ou deux asscmbles, de I'aul.re.Il ne veut point, au sommet de l'tat, cette distinction des pouvoirs recommande par illontcsquieu et par Rousseau. Trop conliant dans Ia raison humaine, il nc voit pas, comrlle nous I'avons dj dit, quel point il est difficile, ou plutt impossible, de concilier cette fornridable confusion du lgislatif et de I'excutif avec la libert qu'il ainre par-dessus tout. S'il avait constituer un tat it' priori, il ne serait donc nulle1. Y. notre t. XV, p.
356,

u774l

OPiTRATTONS DB TURGOT.

.331

vouloir autre chose. c'cst I la signification cle son nom


I'histoirer.

arrire; c'est une conscr,tion nouvelle de I'exisl.ence des ordrcs privilgis, de I'ordre social d* moycn gc: s'ils deviennent autre chose, c'est unc rvolution. Il nc ve'l ni I'un ni I'autre. Il I'abolition des privilges et r'talrlisscurent tle |unit sociale 'eut par voie de rforme. Il veut la rfo'ne par la royaur,, et ne peut
dans

ment loign d'une rp'blique'nitaire;inais,cn fait, il est le ministre d'un roi, et c'est ce qu'on nc doit point oublier. S,il ne veut point d'une asscrnblc partageant le pouvoir lgislatif, plus forte raison ne peut-il accepter I'ide de rappcter lJs ntots-cneraux. s'ils reviennent tels r1u'ils ont tt, c'cst un retour en

conomise par

revenu net, chargcs dduitcs, 213 millions et tlerni;la dpcnse du trsor ro1'al, 2J5; le clficit, zl et derni : il n'hsit. po, a l, porter 36 ct derni, en ajo'tant la clpcnse 15 millions pour diminuer I'arrir et la clctte exigible, quf drpuis la b;rngucrtute de Tcrrai, est dj remonte zg5 millions2: en mme ternps, il supprirne la place de banquier tlu roi, brrirant ses vaisseaux vis--vis des traitants : il pose en pri.cipe que, sauf er'pchemcnl, absolu, toutes lcs dpenses doivent se faire au cornptant,

Du moment o il a t appel au contrre-gnrar, Turgot ne perd pas un jour' pas une heure, pour rapprochcr le jour tant dsir o il ll'urra dvoiler toute sa pensc Louis xvl. It a commenc par se rendre compte cle l'tat des rece,ttcs et clpenses; il a trour' lc reyenu brut, pour 177s, 877 miilions;le

Louis xYI le seconde en faisant porter de sa cassette une somme au trsor pour paycr ure anne d'arrragcs des pensions de la guerre, de la et de la maison du roi. Louis se'rblait clier'rarine chcr purifer cette cassette tant cle fois remplic, sous son aeul, des deniers arrachs Ia fairn du peuple.
1, Y, Mmotreau ro,ap.IEm. de Turgot, t. II, p. 5OZ. _l\[. J. Reynaud a rsum, avec beaucoup d_e force et de clart, res ides et res travaux philosophiques et politiques de Turgot, dans I'art. 'Iuncor de l'Encyclopd,ie nousellr. v. u,r".i'l,Iitoge ile Turgot, par I\I. H. Baudrillart, tud.e consciencieuse, crite au point de vue de l'cole conomique actueile et couronne par facadmi. rruourr..' 2. comptes rendus des finances, de r?5g d r7g7rp. 126 et suiv.rfercure historgue, t. CLXXYiI, p. 407 (ocrobre L774).

I 6 rnillions cre cornrnissions par an l'tat.

et

332

TURGOT.

tr77 4l

Le 13 septembre 1774, un arrt du conseil rtablit la pleine libert du commerce des grains I'intrieur, rvoque les rglements restrictifs I renouvels par Terrai le 23 dcembre 1770 ' supprime tout achat et emmagasinement au compte de l'tat et
municipalits, coupant court ainsi aux oprations de la soeit da Pacte de Famino, et encourage I'importation des grains tran' gers. L'expos des motifs, atlress la raison publique par Turgot, est un loquent manifeste en faveur de la libert colnmerciale. Parmi les motifs allgus contre I'i.ntervention de tat dans le commerce des grains, I'on remarque I'aveu trs-net de la possibilit qu'ont les agents du gouvernement de se livrer, son insu, des rnanwxres aowpables. Turgot avait bien fini par tre
des

oblig de croire aux monopoles. L'arrt du conseil du {3 septembre 1774, tout en signalant le retour du mouvement conomique arrt en !770, ne dpasse nullement les limites de la prudence; on ne rtablit que la dclaration de 1763, et non celle e 1764; le roi ajourne la libert de la vente hors du royaume
jusqu' ce gue les circonstances soient devenues plus favorables. Quelques semaines aprs (2 novemhre) , des lettres patentes annoncent que Ie roi se rserve de statuer Sur les rglernents particuliers la ville de Paris. La rcolte ayant encore t peu satisfaisante, on a senti Ie danger, comme effet rnoral, de fermer irnrndiatement les greniers d'abondance Paris. Une lettre ministrielle du 14 septembre avait prvenu les fermiers-gnraux qu'il ne serait plus dorenavant accord de orlupes ou parts de faveurs dans les bnfices des fermes des personnes trangres et inutiles la rgie. Dsormais les places de fermier- gnral ne seraient plus donnes qu' des personnes qui auraient occup d'une manire satisfaisante, pendant plusieurs annes, des emplois suprieurs dans la ferme. Les fermiers furent aussi prvenus que, dans les contestations relatives aux irnpts, les cas douteux seraient dsormais jugs en faveur des contribuables, contrairement la monstrueuse jurisprudence que la ferme avait fait passer en usage. Le l5 septernbre' un arrt

l. Ces rglemerrts obligeaient les ngociants en grains tle faire inscrire la police leurs noms, leurs demeures, Ie lieu de leurs magasins, les actes relatifs leurs entreprises, et dfendaient de veldre les grains hors es marchs'

LL77 41

i\TESURBS

DB TURGOT.

333

du conseil abotit les 8 sous pour livre ajouts parTerrai, en L771, tous les droits de page royaux ou seigneuriaux, et qui taient une source d'intolrables Yexations. Un autre arrt' du 25 septembre, annule Ie bail de la ferme des tlomaines, alins pour trente ans par Tenai quelques-unes de ses cratures, des crlnditions dsastreuses pour l'tat et qui constituaient un vritable dol. Une rgie rernplace la ferme. Le bail de la rgie des a le mme sort r. hypothques utrr grande question politique, souleve par le fait mrne de jour Iavnement de Louis xvl, devenait cependant de jour en plus pressante : ctait la question tle la magistrature. peine orgt fut-il entr en action au contrle-gnral, que Ie roi se trouva en demeure de prononcer entre les anciens pat'lernents et les parlements Maupeou. La solution devait ncessairement judiciaires' prcder la rcntre des tribunaux aprs les vacances I'avouef ; faut il ie roi hsita longtemps: hsitation excusable, lui, n'hla solution tait pleine d.'embarras et de prils. Turgot, il avait pris parti contre les parlesitait pas. Ds se
ieunesse,

ments, et , convaincu que les tribunaux rnanquaient leurs devoirs en suspenclant Ie cours de la justice, iI n'avait pas craint de braver I'opinion en sigeant comme maitre des rcqutes dans la Paris' altambre rogale de 1?53, pendant I'exil du parlernent de Il avait toujours regard comme un nlal, colnlne un principe d'anarchie, I'inmixtion dcs tribunaux dans la politique et dans la lgislation : il se refusait absolument y voir une garantie rgu-

re contre I'arbitraire et la fiscalit , et c'tait ailleurs ' nous I'avons vu, qu'il entendait chercher ces garanties; il projetait de
transporter I'enregistrement des lois et le droit de rernontrances leS cOurs dans la grand,e n'twrticigtal,itit dw r7ya,ume' et de rduire pas seulesuprieures ux seules fonctions judiciaires. lI n'tait : il conparlementaires prtentions aux nient oppos en thorie il magistrature; I'ancieunc de naissaif n fait I'esprit stationnaire une rendre pu seul avait savait que leur intrt de propritaires partie ies magistrats favorables 1a libcrt du commerce des lls, mais qu tout autre gard ils s'opposeraient au bien comme
1. E. Daire ,
Lois franairec.
Notice lrdst.

t, XXIII,

sur Turgot, ap' OEua' de Turgot, t' Iet' p' 89'Mercwre ist', t' CLXXIII, 40?t 595' passim.

Ancien'ne,s

334

TU RGOT.

ItxT 4l

que toute innovation les aurait pour ad.versaircs. Il s'opposa donc avec nergie au rtablissement des anciens parlements, et, par Ia plus bizarre des combinaisons, Turgot, votiaire, Ies conomistes et les plus politiques des prrilosophes, se trouvrent

ils s'taient opposs au nrrl, aux rfornres comme aux exactions;

lonfai'cnreni sur ce terrain avec le parti clu clerg et res vieux coultisans du despotisrne, avec les tanles et I'ain des frres du roi, avec les dbris de la cabale d'Aiguilon et Du Barri, II n,est pas besoin de dire quel point diffr.aient les motifs et le but de
ces ailis tl'un

coaliss invo-

jour.

trs-grande conseryer le personnel dconsiaore cle la nouvelle magistrature, et, si on ne le conservaitpas, cornment le remplacer, Ies hommes capables et honntes, dans la robe, tant pou, la plupart engags par le point d'honneur avec res anciens parlemcnts? ces diftcults pratiques, que I'on erJt pu sans doute surmonter avcc de Ia volont et de la persvr'ance, agirent moins sur

dlicate euentre ll{aupeou et l'uvre de lllaupeou, entre la cause et I'effet; le public ne fait gure de ccs distinctions; il n'a jamais qu'unc ide la fois et ne drnle pas les actes d,avec les agents. L'ide qui le dominait en ce moment, c'tait la raction contre le despotisrne : les parlements avaient combattu Ie despotisme; clonc iI fallait rappeler les parlements; on oubliait et balas, ei La Barre, et la vnalit des charges, er res pices, et tant d,autres griefs si bien fonds ! It faut convenir que la crifficurt tait

blir

russi faire pencher la balance; mais le courant de I'opinion -a poussait du mme ct. Ir y avait une distinction

le comte d'rtois, qu'clle gouycl'nait alors, res prinr*r, *i tout le parti cle thoiseul, la cour', pesaient en sens contraire. Ils n'eusient
pas

monarchie absolue, puis l'ain cles frres de Louis xyl, xlo,tsiettr, prsentrent successivcment au roi plusieurs rnmoir.es, o ils lc conjuraicnt de ne pas dsavouer la victoire cle son aleul et de ne pas remettrc la couronne en tutelle. La reine, jeune

Le mi*istre des affaires trangres, yergennes, partisan de

ra

vole rnentor de Louis xvl que le dsir d'tre applaudi l'Opra. 0uand lllaurepas fut bien assur que le vent du jour soufllait du

le fri-

ct de I'ancienne magistrature,

il

suivit le rent. Louis xvl,

lr77 4l

PAIILE [{BNTS RTABLIS.


Ce

335

contre son instinct, suivit )Iaurepas.

fut la seconde des grancles

fautes de son rgne. Louis s'effora de rassurer Turgot en lui rptant qu'il pouvait comptcr sur son ferme appui, et tcha de se persuader lui-nrrne que lcs parleme'nts ne seraient plus craindre, aprs les prcautions que I'on avait prises pour les contenir'. ce n'tait point, err effct, le rtablissement pur et simple des anciens tribunaux qne Ilaurepas lui avait conseill. Maurepas, d'aprs un plan suggr par le garde des sceaux l'Iirornesnil, avait propos de rappeler lcs anciens titulaires, mais en leur irnposant, peu de chose prs, le rginre de llaupcou. Des lcttres patcntes rappelrent donc officiellernent d'exil tous ]es anciens membrcs du parlement de paris et les invitrcnt sc trouver au Palais, en robe de crmonie, le 12 novembrc, jour de la rentre annuelle des vacances. Le roi vint en grand appareil tcnir un lit de justice, escort de tous les princes et pairs, entre lesquels on rcmarquait conti, qui reparaissait liour la prenrire fois la cour. Louis harangua les reuenanr.s en lerrnes assez svres :

Le roi, ruon trs-honor seigncur et aleul... forc par votre rsistance ses ordres ritrs, a fait re que le maintien clc son autorit et I'oliligation de rendre la justice ses sujets exigeaient de sa sagesse. Je vous l'appelle aujourd'hui aux fonctions que yous n'auriez jarnais dri quittcr. Sentez le prix de mes bonts et
<r

ne les oubliez jamais.

>

en annonant t1u'il voulait ensevclir dans I'oubli tout Ie pass, rnais qu'il ne souffrirait pas qu'il ftit jamais drog I'ordonnance tlont on allait entenclre la lccture. Le garde des sccaux lut ensuite plusieurs dits qui rtablissaient les anciens oflciers du parlement de par.is; supprinraient les nouveaux offlces; rtablissaicnt le grand conscil et le recomposaient des menrbres du parlcment }iaupeou; supprimaient les conseils suprieurs, en augrnentant les anciennes attributions des prsidiaux, afin de conserver une partie des avantages que la cration des conseils suprieurs avait offerts aux justiciables; rtablissaienI les cours des aides de paris et de Olerrnont-Ferrand;
r'tablissaient la communaut cles procureurs, etc. ces dits taient accornpagns de I'ordonnallce annonce par le roi, et qui rglait

Il terrninait

336

TURGOT.

tr77 Ll

la itiscipline du par:lement. Les deux chambres des supprirnes' le plus ordinaire des orages parlementaires, taient que convoques tre pourraient ne Les assembles des chambres

requtes, foyer

le temps du service sur Ia dcision de Ia grand'charnbre, et hors Toute interruporrlinaire, qui ne deviit jarnais tre interrompu. contion de service, tout envi tle dmissions combines, serait

grand conseil' dans pfniurr,assist des pairs et de tn toot*il : Ie parlement rebelle. La face cas, remplaceraii de plein droit lc mais, en cas de rponse cult de rernontrances iait maintenue;

le roi en clur sidr comme forfaiture, et jug, ee titre' Pr

ngativeetd,enregistrementoprenlaprsenceduroi,rien volonts royales'' ne devait plus susfendre I'excution des L'esprit de corps est Vaines prcautins ! vaines restrictions ! de ses traditions; I'on immuable : toujours il renoue la chane
peuttreassurqueleparlementrecommencerasesentreprises. ses bancs durant la lecture bo3a, ,rn sourd murmure a parcouru officiels, en rpondant orateurs de l,ordonnance disciplinaiie; les et le duc de antrieures, au roi, ont maintenu ioutes les positions a fait popularit, de chartres, saisissant avidement une occasion la rempli a garde des sceaux une espce de protestation lorsque le parlement le forrnalit de recueillir les opinions. Le I dcembre,

convoquelesprincesetlespairspourdlibrersurdesremontrancesquisontvotesdansunesecondesancepartousles assistants,moinslesfrresduroi,lecomtedeLaMarcheetsix Le duc de La Rochepairs, entre autres I'archevque de Paris' auxquels, dit-il, lacour foucauld demande les tats-Gntiraux,

despairsnapasledroitdesuppler.AlasortieduPalaisles paf
prince de conti sont salus ducs d,Orlans et de chartres et Ie
glac accueille les frres les acclamations populaires; un silence sur la rponse paris Nanmoins, est hu. du roi. L'archevqo. o* et l'on se con. negutive du roi, o,, n. ritre pas les remontrances protestation une parlernent tente tle consigo., ,or les registres du pourrait qui tout ce contre la forme ctu lit de juitice et contre

treintrotluitauprjutticedeslois,maximesetusagesdn royaume:leprincedecontilui-mmeaconscilld'enresterl
I.
Anciennes Lois franaises,

t' XXiII' p' 43' 86'

t1.774-17751

T'IESURES

PROGHESSIYIjb.

33?

provlsolrement; mais on agit sous rnain auprs de .Nlaurepas et de Mirornesnil, et, neuf mois aprs le lit cle justice, I'ordonnance laquelle il ne devait jamais tre d,rog est dj brche par le rtablissement des deux chambres des retluts'.

joie

tablis successivement dans Ie cours d'une anne,

Toutes les cours provinciales, et le chtelet de paris, furent r_


dcs populations, qui ne voyaient r qu'une victoire de I'esprit

la

grande

de libert 2. La restauration du vnrable La chalotais la tote du parquet de Rennes fut surtout un jour de fte et pour la Bretagne et pour la f'rance entire. L'exil de cet homme ,i;urtr.rnt populaire avait cess presque aussitt aprs I'avnemeirt de Louis si I'esprit de La thalotais erlt bien t celui des parlements, la joie publique erit t compltement lgitime et Turgot n,et pas refus de s'y associer! La prvision des obstacles que ce retour des parlements compliquait d'une faon si redoutable ne faisait que redoubler l,nergique activit de Turgot. plusieurs mesures irnportantes se suc_ cdent de la Iin de 1774 au printemps de 1775. ie janvi z er !775, exemption des droits d'insinuation, centime denier, franc-fief, etc., est accorde tous les baux de terres jusqu'au tenne cle vingt_neuf ans. une dclaration du 3 janvier r775 aborit les contraintes solidaires pour la taille entre res principaux habitants des paroisses. cette inique solidar.it, renouvele des lois fiscales de I'empire romain, rendait, dans les pays de taille personnelre, quelques laboureurs' un peu plus aiss que les autres, responsables de I'impt de toute la paroisse, rci ernpchait de jaLais savoir ce qu'ils auraient payer au fisc et amenait chaque anne la ruine d'un grand nombre de familles laborieuses; aucune loi n'avait peut-tre nui davantage au progrs de I'agriculture. Des dispositions intelligentes sont priies pou, combattre une pi-

xvl

Paris. ceux de Rennes et tle Douai le furent en clcernbre 17?4; ceux tre Bortreaux et de Toulouse, en fvrier l7?s; celui de Dijo', e, mars; cetoi ae Grenobre, err avril; de }{etz, en septembre; de pau, en octobre.Artiettrtes Lois ftartaises, t. XXIII, p. 43.

franaise.r, t. XXIII, p. lt9, -nciennes T;nTt; 2. Le parlement de Rouen avait t rinstal eu mme temps que celui de

1' Droz, Hist' d'e Louis xvI, t. I"', p, r5s-15g. - trIercure hist., t. cLxxyII, t. CLXXVIiI, p. ll',996. Lois

xvI.

338

TU R(]

T.

1t7751

zootie qui dsole le Midi : Yicq-d'A zyr,le plus minent des disciples de Buffon, est nomm commissaire du gouvernement. Divers droits entre du royaume et I'entrc de paris, princi-

le poisson de mer, sont supprirns, rduits ou L'Htel-Dieu avait le monopole du commerce de ra viande Paris pendant le carme; la libert dc ce commerce est
palement sur
galiss. accorde aux dbitants ortlinaires. Deux chaires sont cres au collge de x''rance, I'une pour le droit de la nature et des gens, I'autre por"rr la littrature franaise. une cole de clinique esl

fonde, sous I'inspiration de Yicq-d'azyr. La socit royale (Acadmie ) de Mdecine est autorise, rnalgr I'opposition routinire de la vieille Facult. En mars t77b, Turgot charge d'Alembert, I'alrb Bossut, le clbre mathmaticien r, et un homme clestin une grande renomme, condorcet, dj secrtaire perptuel de I'Acadnrie des sciences, d'un ensemble de recherches thoriques et exprimentales sur le systrne de canalisation du royaume 2 : les trois commissaires, dignes du ministre , n'acceptent qu' la condition que leurs fonctions seront gratuites. IJn arrt du conseil du 23 avril exempte de tous droits les livres venant de

l'tranger.

L'influence de Turgot se fait sentir jusque dans les matires


les plus trangres aux finances. L'anne d'avant son avnement au ministre, il avait adress, comme intendant, un rnmoire au

ministre de la guerre, contre les abus du rgirne de la milice, rgirne qui venait d'tre modifi depuis la chute de Choiseul. La pense de Turgot tait d'organiser des rgiments provinciaux
perrnanents, dont 0n ne prendrait jarnais les hornnes, comnre on

l. IJne chaire d'hydro-dynamique fut fonde pour lui en septembre 1725.-En mars l?76 eut lieu I'ouverture d'un cours d'anatomie compare, la plus fconde des seiences naturelles.
2. Un trs-beau travail, prototype de tous ces souterrains artificiels aujour4'hui si multiplis en France, avait t commenc rcemment par I'ingnieur Laurent.
C'tait le canal souterrain de Saint-Quentin, destin runir les bassius de la Somme

et de I'Escaut, et, par consquent (Ia Somme tant dj jointe I'Oise par le canal ile La Fre), mettre Paris en communication avec les Pays-Bas. Le canal souterrain avait, dans les plans de Laurent, des proportions beaucoup plus vastes que celles qrr'il a reues dfinitivement : il devait avoir jusqu' ?,000 toises, Laurent avait auparavant canalis la Somme et rendu cettc' rivire navigable dans toute la partie suprieure ile sor cours. Ment. secrets de Bachaurnont, t. vII, p. z8l.

-Y.

'{77,+-r7i8l

IIIBSURES PROGRESSIVBS.

339

aut'es privilgis sont exernpts ! Oue cet impucle't privilge soit conserv et sanctionn en' prosence de Turgot cela clit tout' sur Ia force et la profndeur des iniquits 'rinistre,
sociales dtruirez.

d'glise et des

siastiques, fonctionnaires et employos de tout orclre et de tout rang'' royaux' seigneuriaux, municipaux, hommes de robe ct Ieurs clercs, rndecins et chirurgiens, ugricurteurs, manufactu_ riers et commerants de certaines catgories; res fils des foncti.onnaires suprieurs, et jusqu'aux varets des norires, cres gens

de dir-huit quarante ans, cornpteront cte 66,000 62,000 hommes. Le service est de six ans. Le remplacement est autoris. Toutes Ies exemptions de tirage sont maintenues pour res nobres, eccr_

le faisait aritrairement crans la milice, pour les incorporer crans I'arr'e active; de faire des reves annuelles clans toutes res paroisses; de laisser les miliciens chez eux avec demi-solde, en les rassernblant chaque anne un temps sufTisant pour les former aux armes et la discipline. c'efrt t une vritable arme de r_ serye. II adrnettait le remplacementr. une ordonnance du l".dcemb.e 1774, sans suivre tout re plan de Turgot, rui emprunta ce qu'elle eut de meilleur. Trente rgi'rents pvincianx, forms par le tirage au sorr, entre tous les gu.on, ei veufs sans enfants,

t souvent demande au non' de r'galit et au aeuoi" civique. Nous'emplacement croyons qu,ir y a ici confusion' Quand' la patrie est en danger et Ie teuitoire envatri, tr.rut citoye. doit le service personnel I nrais, tant que subsistera le systme tles armes permanentes, inter_ dire les tra'sactions de remplacement relatives au service ordinaire de ces armes atrrait d'normes inconvnients. Le remplaceruent nrest incompatible qu,avec re prin. cipe des gardes nationales, de la nation armee. 2. Anciennes Lois franaise,s, t. XXIII, p. gT. 3' on a la liste des croupes ou parts de bnlices sur les fermes accorrles aux persorrnes de la cour par re dernier bail tlu temps trc Louis x\r. La dauphi*e (Marie-

place. Les grands projets. cle Turgot transpirent. Ir a clj contre lui les parlemcnts, qui n'ouhrient po, ,on opposition leur rtablisse'rent, le clerg, clui s'indigne cre voir.ta pt itosophie envahir les conseils cle la couronne, ls f.errniers-gnr.aux, gui voient poi,dre le systme des irnpts en rgie et de I'abolition cles aides, les courtisans intresss dans les cr,r"n,ess et autres affaires de - l' Muores rle 'furg.ot, a:.JI, p. 115. La prohibition d.u
a

ceux gui vivent de ces iniquits, tout ce qui s'artacrre aux abus par intrt ou par vanit, ont compris que l,ennemi est crans Ia

340

TURGOT.

[t??5]

finances qui vont tre supprimes, et toute Ia masse des gens de eour et des officiers de la maison du roi, qui savent les pensions de faveur, les sincures, les gaspillages, menacs fond. L'ancien rgime tout entier commence se liguer contre le rformateur, et Turgot n'a pas mme avec lui la philosophie tout entire, cause
de la brouille des conomistes avec une partie des encyclopdistes. Ceux-ci estiment et honorent le ministre, mais ne I'appuient pas sans rserve. La question des grains est une occasion de rupture.

La chert continue, sans arriver jusqu' la disette; des agitations sourdes remuent le pays; ce sujet, une attaque part contre Turgot, non pas tlu camp des rtrogrades, mais d'un des principaux salons ptrilosophiques de Paris. La brillarrte sortie de Galiani contre les physiocrates est renouvele par un autre ami de Ia philosophie, qui partage les opinions religieuses de Rousseau et de Turgot, mais qui, en conomie politique, a dj pris position avec clat comme le dfenseur des traditions de colbert. Au commencement du printernps de t775,le banquier l{echer, I'ancien champion de la Compagnie des Indesr, I'auteur de l'El,oge cle Colbert, se prSente au contrle-gnral, un manuscrit la nrain. c'tait un trait sur la Lgi,slati,on d,es grai,ns, conu dans des principes diffrents de ceux du ministre et fort vant d'avance dans Paris. Necker venait offrir Turgot de snassurcr par ses propres yeux si le livre pouvait tre publisans inconvnient pour le gouvernemcnt: Turgot, avec une hauteur un peu ddaigneuse, rpond qu'ott, ne wai,ntrien; que le livre, quel qu'il soit, peut paratre; que te public juger&. Necker se retire avec une gale fiert,
et le livre est pubii 2. La hauteur tait de trop

ici:

c'tait le dfaut de Turgot, dfaut

Antoirrette) et Mesdarnes, filles de Louis XV, y sont inscrites ct des clemoiselles du Parc-aux-cerfst Y.Mm. sur I,'ail,rninistrati,on del'obb Tertai, p.241. l. Depuis la chute de la Compagnie d.es Inrles, Necker avait fait de grandes oprations financires avec le gouvernement. On lit, dans une lettre adresse Necker ( par les |ureaux sous rabb Terrai, l'trange passage qui suit : Nous vgus supplions I du noor secourir daus la journe; daignez venir notre aide... Nous avons recours . votre amour pour la rprttation du trsor royal. " Dtoz, Histoire ile Louis Xl'[, t. Iar, p. 216. - n voit bien l, comm le dit Nt. Droz, ntln-seulement daus quelle mme dtresse, mais dans quelle lutpitude I'ad.ministration tait tombe' au molent oir elle revendiquait un despotisme plus absolu Ere celui de Louis xIY. 2. Mm de Nlorellet, t. Ier.

r7751

TURGOT ET NECKER,

341

qui procdait d'une conviction intolrante force d'nergie et de sincrit; mais c'tait pourtant une grande scne et un grancl
exemple que ce pouvoir se dsarmant lui-mrne et ouvrant la lice ses ad-versaires devant la raison publique prise pour juge ! Turgot n'avait point affaire un mprisable rival ! nloins spirituel, moins ingnieux que Galiani, Necker tait plus chaleureux et plus mouvant: son loquence sentimentale, quoique effleurant parfois I'emphase et la recherche, tait faite pour produire de vives impressions. ce n'tait pas d.'un penseur vulgiire que de

prendre appui sur ce qu'il y avait eu de plus fort dans le pass, sur les souvenirs de colbert, tout en regardant par-dessus les
rformes annonces par les conomistes pour annoncer les misres nouvelles qui se mleraient aux bienfaits de la libre concurrence, et en rclamant, au nom des proltaires, des pauvres, des faibles, contre I'abandon de toute intervention de I'Etat dans les phnomnes eonomiques. La passion avec laquelle ce livre a t dcri et clbr de nos jours encore, suffit pour en attester la porte. A propos des grains, c'est l'conomie politique tout entire qui est

en jeu. Necker s'en prend moins ce qu'a fait Turgot qu' ce qu'il veut faire. La premire partie, qui traite de I'exporiation, met des vues souvent justes. Il soutient, contre l'cole d Quesnai, que Ia population contribue prus Ia force d'un Etat quc les richesses; que la libert constante et absolue d'exporter les bls ments d'industrie sont le seul moyen d'lever la consommation au niveau de la plus grande culture. Il va jusqu' affirmer que Ia Iihert constante d'exporter les grains nuit aux manufactures. Il tablit une distinction entre I'intrt des propritaires rle bl et
n'esf pas ncessaire au progrs de I'agriculture; que les tablisse-

Il proclame la supriorit du commerce des manufactures nationales avec I'tran ger sur le commerce des bls. Turgot, ernport par la lo3ique physiocratique, a crit quelque part I que ( le territoir* n'uppurtient point aux nations, mais aux individus propritaires des terres. > Necker pense plus justement que le territoire appartient et aux nations et aux proprilaires; qu'i[ y a deux arits concilier;
les encouragements ncessaires I'agriculture.

l.

Lettre au ilocteur price,

l77gi ap. IEuo.

d,e

Turgot,

t. II, p.

g0B.

3&2

TUITGOT.

Lt775l

devoir de l'tat, suivant

gue, par consquent, Ie droit du propritaire de clisposer des fruits de sa terle et de sa terre elle-mrne n'est point illimit r. Le

lui,

fort; or < I'hornme fort,

liberl, on n'a presque rien fait encore pour la classe Ia plus nombreuse des citovens. Que nous importent vos lois de proprit?

ose le dire, aprs avoir tabli les lois de proprit, de justice et de

contre la rnultitude, cornrne ils auraient mis des abris ans les bois pour se dfcndre contre les btes sauvages. cependant, on

aprs s'tre partag la tcrre, ont fait, des lois d'union et de garanti

I'homme faible, c'est I'homme sans proprit. > Bicntt, entran son tour par sa thse, il voque des irnagcs passionnes; il souIve des problmes redoutabres. Il compare les propritaires et Ies proltaircs des lions et des animaux sans clfense qui vivraient en socit. < 0n dirait qu'un petit no.mbre d'homn ir,

est de protger Ie faible contre le dans la socit, c'est le propritaire :

manit.
Ses

pourraient-ils dire. yos lois de jus_ Nous ne possdons rien I tice? Nous n'avons rien dfenclre. vos lois de liberti Si nous ne travaillons pas demain, nous mourrons !... > II serait facile de montrer quel point ces lois bien dfinies importcnt tous; mais Necker lui-rnme se rsume dans un langage moins oratoire, plus philosophique et plus calme : <r Il faut qu'en accordant aux prrogatives de la proprit autant qu'il est possible, on ne perde jamais de vue les vieux titres de I'hu-

conclusions pratiques, relativement la question clcs grains,

sont de ne permettre I'exportation que lorsque le bl sera audessous d'un certain prix qu'on reviserait tous les dix ans; d'ordonner qu'il y ait une provision modique dans les mains des boulangers, du 1u'fvriel au l*' juin de chaque anne, c'est--dire duran[ les mois les plus exposs la hausse; de laisser le commerce intrieur libre tant que le bl n'aura pas atteint un prix suprieur de moiti celui o I'exportation aura t dfendue; ce prix dpass, dfendre de vendre hors des rnarchs, et, dans les marchs mmes, dfendre d'acheter pour emmagasiner. ses

, l. Pour la disposition de la terre, il est facile ile citer un exemple : l'tat a le ilroit tl'interdire au propritaire de vend.re sa terre un tranger, c'est--clire d'alirter une portion du sol national quelqu'un qui n'est pas citoyen.

u7751

NECK

Ii.

:l&3

objections contre la pleine libert intrieure n'ont pas la mrne valeur que celles contre la libre expor.tation absolue, et les expdients qu'il propose sont plus que contestablcs. Son hostilit contre les marchands de bl n'est pas fonde: I'intervention des marchands de bl, dans l'tat normal, ne fait pas renchrir la denre d'une faon gnrale, ntais nivelle les prix'. En somme, Necker, de mme que Galiani, a raison de contester I'absolu conornique : on a blm des hyperboles dangereuses dans son livren et, de son temps mme, un des lieutenants do Turgot, I'illustre Condorcet, lui a rpondu que ce n'tait pas la libert du plopritairc, mais le monopole du privilgi, qui opprirnait le non-propritaire 2. II est certain qu'entre les deux, le plus grand oppresseur tait le monopoleur, ce qui n'tablit pas que Neclcer et entirement tort. L'ingalit des biens tait alors beaucoup plus grande encore qu'aujourd'hui, et la lgislation que nous devons au mouvement de 89 n'avait pas encore dirninu la force d'accurnulation de la proprit. L'injustice , chez Necher, tait d'imputer ses adversaires une prtendue ngation absolue des devoirs de l'tat. Ils ne niaient pas le dcvoir social, ces hommes qui voulaient organiser sur une chelle imrnense I'instruction publique: seulement ils savaient que le meilteur, le seul lnoyen de dlivrer le proltaire de la misre, c'est de le dlivrer du vice et de I'ignorance, e[ que la prernire de toutes les Iois conomiques, c'est une bonne loi d'enseignement. Turgot et ses arnis ne niaient pas davantage, nous I'avons dj dit et nous allons le montrer encore, QUe l'tat drit travailler au soulagement des pauvres dans les ternps difficiles; mais ils entendaient concilier cette intervention avec la libert. Chez Necker, i[ faut bien le dire, la protestation en faveur des proltaires reste l'tat de sentiment : il n'a aucun plan gnral de protection pour eux; car ce n'est pas avoir un plan que d'voquer la tradition de colbert, traclition que

l. Y. Necker, de la Lgislation iles grains, ap, tr!langes conomguesrt. Ier, collect. Guillaumin.
2. Condorcet, Lettre tut le cornmerce iles grans: ap. Mdlaryes conomiques, t. Il, r 491 . dit-il, dans les abus du crdit, rlu privilge et ile l,arbitraire, et - le Q'sst, noo dans droit de proprit, que consiste la force funeste du riche contre le pauvre. c'est ce mme tlroit tle proprit qu'il s'agit d.'assurer au pauyre. , p.

3l+lt

TURGOT.

I r 7751

Colbert mme, s'il pouvait revivre, transformerait de fond en


comble.
Chez Turgot, derrire toute ide il y a un acte; chez Necker, I'ide ne sait pas prendre corps. L'un, au pouvoir, est un grand homme d'tat; I'autre n'y sera quun habile {inancicr, et, quand il essaiera quelque chose en dehors des combinaisons de crdit, il ne fera que reprendre quelques lambeaux du plan de son devancier.

Le temps est venu cependant o Ia pense doit sortir de la sphre des gnralits : les questions qu'agitent les livres cornmencent

descendre sur la place publique; l're des discussions paisibles va se fermer. Au moment o parut le livre de Necker, l'meute grondait de toutes parts. La chert avait augment vers le printemps, comme arrive toujours dans les mauvaises annes. L'irritation des classes souffrantes tait en raison mme des esprances qu'avait donnes le nouveau rgne : Ie peuple apprciait mal les obstacles qu'opposait la nature aux bonnes intentions du pouvoir. Le 18 avril, des paysans ameuts envahirent la ville de Dijon, attaqurent la maison d'un conseiller au parlement l\faupeou, bien conr,u puur ses relations avec l socit du Pacte de Fami,ne, saccagrent tout sans rien piller, et voulurent tuer le gouyerneur, lU. de La Tour-duPin, qui les avait, dit-on, exasprs par un mot aussi insens que barbare. Comrne lcs paysans lui disaient qu'ils n'avaient pas de quoi acheter du pain : < l\'Ies amis, > aurail-il rpondu, < I'herbe colnmence pousser; allez la brouter. r L'vque de Dijon parvint enlin calmer cette foule exaspre et arrter le dsordrer. la nouvelle des troubles de Bourgogne, Turgot fit suspendre les droits d'octroi et de march sur les grains et farines dans les villes de Dijon, Beaune, Saint-Jean-de-Lne et illontbard, moyennanl indernnit aux propritaires de ces droits. Ce n'tait que le cornmencement d'une srie de mesures analogues, qui, du 22 avril au 3 juin, aboutilent la suppression ou la trs-forte rduction de lous les droits de ce genre dans toute la France, sauf Paris, qui restait soumis provisoirement un r'gime particulier. C'tait

il

l. Lettre de Dijon, cite dans la Relation Tcrtai, p. 256.

la suite

des Mrn. sur l,'oihninisl, ila

t,775i

GT]ERRB DES FARINES.

3t*6

l un des meilleul's, moyens de faire baisser les grains. Le 24 avril, un autre arrt du conseil accorda des prirnes I'introduction des bls trangers : on voit, clans cet arrt, que le gouvernement mul' tipliait les travaux publics dans tous tes pays o les besoins taient urgents; qu'oR avait tabli des ateliers de filature, de tricot, etc.n Paris, oir I'on employait hommes, femmes ct enfants. 0n ne pouvait donc reprocher l'inaction au pouvoir. Ds avant I'arrt du 25 avril, Turgot avait fourni des fonds des ngociants pour faire venir des bts par la voie du Havrer. Les mouvements continuaient cepcndant, et prenaient, dans les contres qui environnent Paris et qui en sont les greniers' un caractre tout fait ctifferent de l'ttreute de Dijon, meute facile expliquer par des causes ordinaires. En Brie, en Soissonnais,
dans la Haute-I\orrqandie, dans Ie Verin, des bandes d'hommes figures sinistres couraient le pays, ameutant les populations, forIes fermiers livrer les grains vil prix, envahissant les

ant

marclts des villes, se portant d'un point sur un autre, le long de la Seine, comtne s'ils suivaicnt un mot d'ordre et que leur but principal ft d'empcher lcs llls trangers dbarqus au Havre d'arriver jusqu' Paris. Il paratt certain que des granges ftrrent incendies et cles bls jets la rivire par dcs gens qui criaient famine ! Le 1.' tnri, les bandes avaient pill le march dc Pontoise; le 2, elles entrrent Versailles jusque dans la cour du chteau ! Le roi liarut au balcon, leur parla et ne fut point cout. Il se troubla et {it proclamer que le pain serait tax deux sous la

livre. Les vocifrations cessrent alors, ct le tumulte

se dissipa,

mais les bandes annoncrent publigueurent qu elles iraient le lendernain Paris. Turgot accourut de Paris, dsot d'une faihlesse qui menaait de rendre impossible tout plan d'adrninistration. Il fora en quelque sorte le roi de revenir Sur la concession faite l'rncute et de I'autoriser dfendre qui que ce ft d'exiger des boulangers le pain au-dessous du prix courant; mais Louis persista du moins
Anciennes Lois franaises, t. XXIil, p. 151, 155. - Relatiott ]a suite des Mm. Dans le prambule de I'arrt du 24 avril, le l)ailminisl. da Terrai, p.257. milistre expliquait pourquoi le bl tait cher : les malveillants ne maugureut pas de dire qu'il approuvait la chert.

l.

wr

316

TUItGOT.

lr7?51

intcrdire aux troupes de faire feu. Pendant ce temps, Ies bandes entraient dans Paris (3 mai); les rnarchs taient gards, mais les

boutiques d-es boulangers ne l'taient pas, et les sditieux les pillrent tout leur aise, en prsence d'une foule immense, moins complice que slrectatrice. La police montra prus que de la mollesse; Ie lieutenant-gnral de police Lenoir, comme le ministre
sarl,ine, gui il avait succd, tait trs-hostile au systme de Turgot et tr's-dsireux de le voir chouer. L'nergie de Turgot fut au niveau des circonstances : il exigea la destitution irnmcliate du

lieutenant-gnral de police; le 4 mai, Ies boutiques des boulangers furent occupes rnilitairement; Ies mouvements des troupes cartrent les curieux, et la sdition, rduite ses forces relles, n'osa plus rien tenter dans Paris. Le parlernent, cependant, s'tait

grande perfidie, tout au moins un grancl pril, si paris tait calm, le dsordre redoublait dans les carnpagnes et dans les petites villcs, et plusicurs grandes cits, Lille, Amicns, Auxerre, avaient t en proie aux rnmes troubles que la capitale et le mme jourt. Le hruit de I'imprudente concession accorde parle roi Yersailies s'tait propag avec la rapidit cle l'clair. 0n rpandait de faux arrts du conscil pour confirmer la parole du roi; la multitude en profil,ait pour exiger le pain, Ia farine, le grain, vil prix; en urrne ternps les banclits continuaient crever les sacs, assaillir les bateaux sur les rivircs, et des agents inconnus engageaient sccrtement les principaux dtenteuis de grains cacher et ne pas vendre, parce que la chert crotrait
encore.

runi, malgr une lettre du roi qui Iui dfendait cl'intervenir en corps dans ces troubles, dont le conseil attribuait la connaissance la charnhre de la Tournelle; il renrlit un arrt qui revencliquait I'instruction de I'affaire pour la Grand'Charnbre et qui suppliait Ie roi de faire baisser le prix des grains un taux proportionn aux besoins clu peuple. tTn tel arr't, affich en regard cle I'ordonnance du roi qui maintenait le prix courant clu pain, tait sinon une

Le conseil prit toutes les rsolutions que dicta Turgot. La clistribution de I'arrt du parlement fut arrte, et Ia planche rom-

l.

Le Midi eut aussi

ses meutes vers la mme poquo.

u7751

GUERRE DBS FANINES.

Lll

pue chez I'imprimeur. IJne petite arme de 25,000 homures fut mise sur le pied de guerre et occupa Ia capitale, I'IIe de France et surtout le cours des rivires. Elle tait commande par un mar'chal de France (Biron), sous la direction suprieurc du contrleur. gnral, nomm mintstre de Ia gwerce en cette parti,e. [Jne ordonnance rovale dfendit, sotrs peine de la vie, de former des attroupements, de forcer les maisons des boulangers ou les dpts de r grains et farines, de contraindre les dtenteurs livrcr les g'rains et farines au-dessous du cours, annona que I'ordre tait donn aux troupes de faire feu en cas de violencc et que les contrevenants scraient jugs prvtalement, rigourcuses mesures que Louis XVI ne signa pas sans une espce d'effroir. Le b rnai, le parlement fut mand versailles pour un lit de justice. Le garde des sceaux expliqua au parlement les motifs qui cngagcaient le roi charger une juridiction sornmaire, une juridiction de guerre, de la rpression des troullles. < Lorsque les premiers trouhlcs seront totalemenl calms, le roi laissera, lolsqu'il le jugera convenable, ses cours et ses trihunaux orclinaircs le soin de rechercher les vrais coupables , ceLL qwi,, ytar cJes me,nes sourcles, pewuent auoir donn liew aun encs qu'ilne doit penser, dans ce moment-ci,

qu' rprimer. l Lorsque le garde des sceaux recueillit les voix pour la forme, le prince de conti et un conseiller au parlcrncnt osrent sculs

manifester leur opposition. Le roi congdia I'assernble, en dfendant de faire aucunes rernontrances. <, Je compte que vous ne mettrez point d'obstacle ni de retardement aux rnesurcs que j'ai prises, afin qw'il n'urritse pas d,e parei,l, unement penrlant Ie tenrys

reproclrer?...

!.., > Le parlement sentit les consquences qu'aurait sa rsistance dans de telles conjonctures et n'osa en courir la responsabilit. En intervenant mal propos dans Ia question de la taxe du pain, il s'tait t la possibilit de dfendre son terrain lgitirne,la justice ordinaire, contre la juridiction exceptionnelle. Il n'tait pas fch, au fond, de voir rejeter sur d'autres la charge impopulaire de la rpression : il ne protesta que pour sauyer les apparences l. sa Majest dit, en sortant, M. Turgot : . u moins n'avons-nous rien nous
rJernonrgne

Relation

la suite

des Mm. sur

Terrairp. 264.

348

TURGOT.

u7751

et se tint tranquille, tandis que le minjstre agissait r. Lcs grancls moyens employs par Turgot russirent pleinement : nulle part

l'meute ne devint insurrection et nnessaya de tenir srieusement contre les troupes; la scurit desroutes et des marchs fut rta_ blie : les agents de I'adrninistration avaient prvenu sous main Ies gros fermiers qu'on n'entendait pas les taxer arbitrairement, mais qu'il fallait tenir les marchs garnis et ne pas exiger des prix exorbitants. Les arrivages de grains trangers, d'ailleurs, commenaient d'arrter naturellement la hausse 2. La nouvelle de I'ernprisonnement de deux des principaux agcnts da pacte d,e Funtine, comme moteurs prsums de Ia sdition, clut contribuer aussi ramener les esprits. 0n avait arrt bcaucoup de gens de diverses conditions, entre autres plusieurs curs de campagne, qui avaient dclarn en chaire contre Ie contrleur-gnral. on crut ncessaire dc faire des exemples. Le I I mai, deux des actt.urs de l'meute du 3 furent pendus cn Grve, par sentence cle la commission prvtale de Paris. c'tait un ouvrier gazier et un perruqnier, qui, sans tre innocents, n'taient pas plus coupables que bien d'autres, et gu'on ne pouvait considrer comme tant du nombre de ces meneurs dnoncs par le garde des sceaux. 0n peut dire que leur mort fut la premire application que le parti du progrs fit de ces rigwewrs salwtaires et cle ces ncessi,ts d,u salwt, pwblac, dont on devait faire plus tard un si terrible abus. c'est peut-tre le seul reproche qu'il soit permis d'adresser Turgot. Les excutions capitales, du moins, n'allrent pas prus loin. Le jour mrne du supplice de ces malheureux, une amnistie, qui n'cxceptait que les chefs et instigateurs, rassura les paysans, qui s'taient rfugis en foule dans les bois, et les garantit contre toutes poursuites ult(rrieures, condition de rentrer paisiblement tlans leurs paroisses et de restituer en nature ou en argent, Ia vr'itable valcur, les grains et farines pills ou extorqus au-dessous
1. Le parlement montra mme, sur ces entrefaites, un zle monarchique ina : il lit brtler deux brochures contre le pouvoir absolu, o les principes du Contrat sociol taient mls ceux des Remontrances y,arlenwntaires (80 juin). Le parleurent prtendit qu'il n'appartenait point aur crivains de traiter de ces matires. Droz, t. ler, p. 171.
tenclu

2. Le ministre y

dpensa 10 millions.

lr??sl

GUBRRE DES

FRINES.

349

du coursr. En mme temps,le conseil adressa aux curs, pr I'intermdiaire des vques, une circulaire lire et comlnenter au prne. C'tait la fois un expos des causes qui font naturellernent hausser et baisser le prix des grains, et un manifeste contre les aufeurs du complot form pour affamer Paris et les provinces voisines. Le ministre affirmait dans cette pice que la sdition navait point t occasionne par la raret relle des bls; qu'ils avaient toujours t en guantit suffisante dans les marchs; qu elle n'tait pas non plus produite par I'excs de Ia misre; qu'on avait vu la denre porte des prix plus levs2, sans que le moindre murmure se ft fait entendre. - Sa Majest n'a ni le pouvoir ni le moyen de baisser son gr le prix des denres; ce prix est entirement dpendant de leur raret ou de leur abondance... La sagesse du gouvernement peut rendre les cherts moins rigoureuses en facilitant I'importation des bls trangers, en procurant la libre circulation des bls nationaux, en mettant, par Ia lhcilit du transport et des ventes, Ia subsistance plus prs du besoin, en donnant aux malheureux, et en multipliant pour eux toutes les ressources d'une charit industrieuse; mais toutes ces prcautions ne peuyent empcher qu'il y ait des cherts... suite ncessaire des mauvaises rcoltes. - Lorsqwe Le peupl,e, tait-il dit enfin, conna,l,ro, qwel,s sont les awtewrs cl,e la sdition, ,il, l,es uerra
auea horreu,r.

Cette phrase, qui semblait annoncer que la foudre allait fomber sur de grands coupables, n'tait pas de Turgot, mais de I'archevque de Toulouse, Lomnie de Brienne, prlat novaleur et ambitieux, qu'on avait charg de reyoir la circulaire et qui se donnait beaucoup de mouvement pour arriver au conseil, La circulaire fut mal accueillie du clerg, qui trouva mauvais qu'un plti,losophe comme Turgot s'ingrt de lui prescrire ses devoirs. Beaucoup de gens blrnrent Ie gouvernement d'avoir dnonc un complot qui ne fut pas prouv. En effet, Saurin et Dournercq, ces deux agents du monopole des bls du roi sous Louis XY et sous Terrai, qui avaient t arrts, parvinrent se
1. Des indemnits avaient, dj t alloues par le ministre des propritaires pills. 2. Le bl avait t beaucoup plus cher du temps de Terrai et clu Pocta ile Famine.

350

TURGOT.
cle

u??51

rnoteur cach, soit qu'on ne ptit runir contre les coupables des preuves suflisantesrowque Lowis xyI ne permt pas de les pwbliert. > ce qui est certain, c'est que Turgot tait conyaincu de I'existence
d'une conspiration trame par re prince de conti et par quelques membres du parlement : conti, ce prince philosophe et adversaire du despotisme, finissait l,ristement une carrire qui avait eu

fameuse phrase de la circulaire < resta une vaine menace, u dit I'historien de Louis XVI, ( soit que les troubles n'eussent pas de

arrts en furerrt quittes pour quelgues mois de prison, et Ia

I'ex-conseil suprieur de Rouen (parlement lllaupeou ), galement emprisonn, fut relch aussi; les curs

disc'lper; un prsident

des moments honorables, en se mettant la tte de tous les brouillons contre la philosophie arrive au pouvoir sous d'autres auspices que les siens. Bien des soupons s'taient levs aussi contre le ministre sartine. 0n ne peut douter qu'il n'y ait eu, sinon complot fonnel et organis, au moins prpagation perfidernent systrnatique de tous les bruits

Ia sdition, et argent rpandu pour I'encourager2.

ginait combattre. Ils croyaient que le monopole tait encore Yersailles, comme sous Louis xlr, De l, ces placards furieux aflichs jusque dans les Tuilcries et provoquant brler versailles.
rent au lieu de trernbler : ils ne vircnt l qu'un embarras pour leur adversaire, qu'un moyen d'abattre Turgots !
1. Droz, t. Iur, p. 16?. Plus ioin, p. 168, cet historien consciencieux se dcide tout fait admettre que-r dss hornmes puissauts excitaient les troubles. r 2. Voisi un des faits les plus aldrs : dans la sance du parlenrent tlu 4 mai, uir conseiller raconta que, durant la bagarre d.e la veille, apei'cevant u1e femme pl6s anime que les autres, rl I'avait engage se retirer de la mle, en lui offrant un cu pour acheter du paiu I mais que cette furie lui avait rpondu ironiquement, e' faisant sonner sa poche : va, va, nous n'avons pas besoin de ton argent ; nous e* ' avotts plus que toi ! Relation la suite d.es Mdrn. sur I,errai. o. 265. "3. surla Guerre des !-arines, Y. Ri,lution ir la suite ,le" lirrr, sur l,aLlninist. de

peuple les partisans du monopole et clu despotisme qu'ellc s'ima-

ainsi que I'on nomma ces troubles, une : les agenrs et les victimes da Pacte d,e Fami,ne s'y donnrent Ia main; les passions populaires s'y mlrent aux passions res plus rtrogracles; une violente et aveugle fraction du peuple servit contre l,ami du
coalition monslrueuse d'lrnents contraires

la

qui pouvaient pousser Il y cut dans

Gwerre d,es Farines,

Les insenss dt'enseurs dr:s vieux abus et du vieux rgime souri-

tr776l

TURcoT ET VOLTAIIiB.

I'esclavage, des jsuites et du despotis.re pur, seul protecteur., suivant lui , des pauyres contre loppression cles riches; crivain facile et non pas sans vigueur, qu'garaient I'amour du bruit et Ia recherche d'une fausse originaiii. yoltaire, suivant sa c.u_
Mercure 0to1., -279. I:.CLXXIX, F. 48 et suiv. _ Journul des cononristes, - Soulavie, Mm. du rasnre Louis XyI,t. Uf. _ nroz, r. Ierr p. 14 l;*,1: l' counivence dont les motifs taient parfaitement dsintresss,

tement un alli compromertant de Neclier : c'tait |ayocat Linguet, le paradoxe incarn , I'aporogiste de Tibre, de Nron , de

concours dvou qu'il apporta Tur.got. 0j, -I dans I'ingnieuse alrgorie cru voyage cle Rason, monument d'une fugitive alriance entre res rnonarchies europennes et Ia philosophie, il flicit le gouvernement franais de mriter son tour les roges dus ses confrres, le feu pape en tte; il est vrai que c'tait le pape qui aboli les jsuites, Deux 'vait la autres de ses crits aborcrent directement question du jour, la libre circuration des grains r'intrieur, ,pundent sur ces srieuses matires conomiques tout re charrne, tout re piquant d'une verve inimitable, et rfutent indireclement Necker, et di.ec-

Du

dcirle, du moins avec beaucoup trop d'indulgence. vortaire fut arrmirable de bon sens et d'nergie. Lui qui avait raill nagure les exagrations et les bizarreries des conomistes, il n'hsi pas un instant reconnaitre qu'ici leur cause tait ceile de ra philosophie et du progrs, et il se lara grorieusement de sa connivenc* oo.a rr{aupe'u et la

rappui morai qu,il avait droit d'attendre d'elres. Les traitants, qui avaient envoy tant de milliers de marhzureux aux garres oo a tu mort p.ur crime de contrebande, criaient effrontment contre la barbarie cle Turgot. Les parnphlets, res caricatures, les chansons, se murtipliaient, accueillis par le pubric sinon avec une faveur

avec fort peu d'intelrigence politique, se groupait autour de Necker contre ?urgot, les classe, ,noyunnm ne donnaient pas au gou\.ernement tout

encyclopdistes

Turgot ne tomba pas : l'ordre r'atriel se rtarllit; mais ce n'tait point assez. Les classes moyennes avaient pris assez lgrement ces incidents si grayes : influences indirecternent iar. I'aristocratie, leur adversaire naturel, et pa' ra fraction

35,1

qui,

des

Barri' par re

lyit

Terrai.

pas.

ne roublious

352

TURGOT.

lr ?751

tout propos de tout, et le second de ses deux crits, Ia Diatribe , l,'awtewr d,es Eph,,mridas, fut supprim par arrt du conseil du 19 aot, cause de certains passages sur le rle du clerg dans les derniers troubles. Turgot ITt prier Voltaire de rnodrer I'expression de ses sympathies, dans I'intrt de la cause. Le vieillard continua toutefois clbrer le Messie politique de la philosophie et travailler lui ramener les esprits

tume, touchait

indcis r.
Chague

jour, quelque incident nouveau montrait plus claire-

ment quel point le moindre progrs serait disput. L'poque du sacre tait venue (tl juillet 1775). Turgot et voulu, pr raison d'conomie, que cette crmonie se clbrt Paris. Le sacre Reirus tait une affaire de 8 millions. I-,,a tradition I'emporta : les droits de Reims furent maintenus. Turgot s'effbra, chose plus

importante, de faire modifier le serment du sacre et supprimer

Ie roi s'obligeait

les deux forrnules,l'une ancienne, I'autre moderne, par lesquelles erterm,i,ner les hrtiques et rnaintenir la

peine capitale contre les ducllistes. l\laurepas dconseilla cette innovation et Louis XVI n'osa suivre I'avis de Turgot 2. 0n dil
qu'au rnoment de prononcer

le harbare sernrent du rnoyen ge,

Louis se troubla et balbutia des mots inintelligibles. i\{alheureux prince, incapable de prendre nettement parti dans le combat du pass e[ de I'avenir ! Ce fut, au contraire, le clerg qui modiTie les forrnules du

Contemple la brillante aurorg Qui t'annonce entn ler beaux Jourt. Un nouveau monde est prs d clore :

t ttisparat pour toujours. Vois l'auguste philosophie,


Chez

toi si

longtemps poursuivie,

Dicter ses tliomPhantes lttis. La vrit vient avec elle, etc.

:T::i

ff

Mconnat les biens

f ffi qurl ,#, lrii"i"i,l",,.


a faits!

2. Turgot, dans ce qui regerdait le sacre, n'eut de suces que sur la question conomique. Au lieu de faire approvisionner Reims par I'autorit, il laissa le soin de l'approvisionnement au libre commerce, en se bornant suspendre I'octroi de la ville. On eut tout en abondauce.

L'officiant ( le coadjuteur de Reims ) supprirna la question au peuple: < voulez-yous N... pour roi? > Les hommes du pass rompaient eux-mmes Ie compromis entre le clroit divin et la moire sur la tolrance. Il affirrne que c'est un clevoir de ne pas tenil des engagenrents criminels; il rclame la libert des cultes au nom de la raison d'tat, du droit naturel et des vrais principes rcligieur 2. Pendant ce ternps, I'assernble du clerg, runie de juiltet septembre 1775, demande qu'on achr'e l'uvre de Louis le Grand et de Louts Ie Bien Aim,. qu'on clissipe les assembles des
souverainet nationalc que reclait I'antique crnronial '. Au retour du sacre, Turgot adressa au toi un trs-beau m-

Hugues capet et de Phitippe-Auguste, on chassait te peuple de la place gue la tradition lui avait maintenue dans le rituel, comme une protestation qui ne laissait point prirner le droit primordial.

LE SACRE. LB CTERG. 353 sarce et qui en ta ce que pouvait accepter I'esprit moderne! Tandis qu'on exhumait encol'e une fois devant le xvr'e sicle Ie souvenir des rois franks et des rois fodaux, Ia sainte ampoule de clovis, Ia couronne et l'pe de charlemagne, les pairs de
it
?751

protesfants, tolres par Lln relcheurent f'uneste; qu.on les exclue

Jes rclarnations des ordres mentliants, qui se plaignent de voir lcurs novicials dserts , tlernande que les vux cle religion,

de toutes fonctions publiques; qn'on i'terdise la clbration de lcurs mariages et I'enseignement cle leurs enfh'ts. Le clerg se plaint qu'on laisse les enfants leurs mr.cs; il appelle cela rauir de tendres cnfants aux ministres rle notre sainte religion. > Sur
<<

il

reports vingt ct un ans lla'I'ordonnance de l?68, soient auto_ riss seizc ans comrne aup&ravant. Enfin, dans sa colre contre le siirclc, aprs avoir condamn un grand nombre de publica_ tio's philosophirlucs, il dclare {ue r le monstruell_\ athisrne est devcnu I'oliinion dominante s. ces dolances de I'esprit de perscution fure't portes au roi par I'archevque de Yienne, irre clu poete Leli.anc cle ponrpi_
r>

l.

D'oz, t. I.., p.

dw sacre, ap. tr[ercure hist.,

2. OEuare.s ile lurgot, t. II, 1i. 4g2. 3. Dloz, t. I.., p. 192. - llacliaultont, t. YIII, p.

l'l. - 1,uu. .e Turgot, t. I"r, t. C'LXXIX, p. 79 et suiv.

Notice hist., p. c.

Ilelution

269_312.

xI.

354

TUNGOT.

u7751

gnan ct son alli dans la gnerre contre Yoltairc. Ce pri:lat, sincre dans son intoll'ance , avait pour acolytcs I'archevque tle Toulouse, Lomnie dc Brienne, ministre en expectative, et urr jeune ecclsiastique destin devenir hien plus farneux encore,
I'ahb dc Tur,uynlxo-Pnrcono, deux hornrnes d'glise qui croyaient tout au plus en Dicu, rlais qui, du tnoins, avaieul tch en pai'ticulier de s'oirposer aux rsolutions qu'ils taicnt obligs de soutcnir officiellernent. C,ette asscurble si rtrograde avait cepcndant refus d'autoriscr la fte du Sacr Cau,r de ,Istts, que les cx-jsuitcs tcliaient d'introdtrire par la socit secrt:te des Cord,icales. C'tait ulte conccssion I'esprit antijsuite clu parltutent, qui rpondit aur a\'nces du clerg cn condamnant au feu la Diatribe , I'aute'ur dcs Eph,mh"ic1es, dj prohibe par le conseil. L'avocat-gnral S(rguier proclaura, rlans son rcluisitoire, l'troite union de la magistrature et du clcrg. Les dcur vieux adversaircs se ruuissaient contre I'enncuri contrnun|. D'autres remontrances, couues dans un csprit bien diflrent, avaient t prscntries au roi avant celles du clerg (6 rnai 1775). C'taient ces I'ernontrances de la conr des aides, derneures si justernent clbres cornme la pice historique la plus instructive qui soit nrane des corps de magistrature. propos de quelqucs obscrvations sur les conditions dc son rtablisseutent, la cout. des aides, ou plutt son premier prsident, I'exccllent l\{alesherlles, avait trac uu taltleau coruplet du systrne d'im1lts qui pesai[ sur la france et des effroyables abus qui en rsultaicnt. Le roi pouvait tout ernbrasscr d'un coult d'il, le pass et lc present. C'est l qu'on voit ces dtails si poignants et si souvcnt reproduits sut' la gabclle du sel, cle cc tlon, < tttt des plus prcieux que la nature ait faits la France, si la main du financier ne repoussait sans cessc ce prsetrt que la nrer ne cesse d'apportcr sur nos ctes... est des parages oir les cottttnis de la fennc assenrblent lc's Ilaysans, dans certain {etnps de I'antte, pour sullrnergct' Ie sel que la rner a dpos sur le rivage!... r C'est 1 encore qu'pParat nu la drnoralisation cause par le rgirlte des douatrcs

Il

dlttion awr

7. lfldm.cleBachaurnont, t. VIII, p. 247 -Droz,,t,.I", p. 183'--E. I)aire, lrilroOutres de Turgot, P.

xcrx.

U775)

tA

COUII DI1S AIDIIS.

dc's

restc de dploralrles traces; l'auteur r'o'tre les popurations rrabi_ tues ne pas regarder comme un drit ra conireba'cle, c,cst__ dire la fraude co't.e r'tatn; u iI y a des provinces cntires o les enfa'ts y s.ont revs par leui.s pores, n,ont jarnais acquis d'autre industric, et ne con'aisscrt d,autrcs nloyens pour sub_ sister. r Et cera avec les galres ou rnrnc te gibct en lierspec_ tive ! La fe.ne gnrare cor'Jiat cette co'r'ption par une bien pire : elle achte secrternent la feurme pou.' d'o'cer le mari, le fils pour dnoncer le pre ! Eile u orrt.nu gu,en de fraude I'accnsation quivale peu prs 'ratire ra cnclarn'ation; on n'est pas oblig tlc prouver le dr,'lit: le procs-vcr5al clcs cornrnis faisant foi, c'est I'accus de p'ou'cr son i''oce'ce, ct Dieu sait quelle foi rnritent les comuris intresss lr.ouver toujours dcs coupalrlcs 2. Dans la plupart des cas, l'accus n'a qu,un seur jugc, la lilupart des af[ai'es d'inrpt ayant tri sonstr.aites aux tribunaur spirciaux et rcnvoyes devant lTnte'cla't cle la gnr.alit, et de l,'cn appel, au conseil cles linnces, c'est--dirc un intcndant

i'tr'icurcs et dcs irnpts i'ga'x, rl'ro'alisation dont

.JOD

il

nous

conseil avec cct intcndant ne peut entrer dans le cltail du con_ tenticrix. L.ors qu'il n'y a pas vocation, res apirels crcs 'rure tril-ru'anx abourisse't c'core ce j.ge uniquc cru conseil dcs finances. l'l'avoir qu'un seur jugc c'esl n,nuoi.1toirt , rre jttge, c,est n'lre jug que par I'arbitraire. La concessio' Iaitc aux cour.s cles aitlcs, cn 1767, par I'abolirion des cornrnissions extraorclinair.es, a tlonc t prc.sque cntirement illusoire. La t1'rannic i'sorente que Ia I'e''e ct tous ses employs, jus_ rlu'anr plus i'{inres, erel'cent sur la tnassc labor.ieuse, sur tout ce qui n't:sf p;1s privitgi ou protgr-i, r'epose sur un code incoruru, iurmense chaos de rgle'rents qui ne sont nulle part
de r\{anclrin, re hros cre ra contreband.e. 2' v' dans le liecueir, de-kt cour des atdes, p. 4g5 et suiv., l,histoirc d.e l\Ionnerat, souponn dc corrt'ebnnde (on I'a'ait p"ir-puo, un autre), arrt, erseveli, saus aucune forme de justice, dans un cachot souterrain, penclant semaines, charg de fe's, au pain et I'eau,.p'is dtenu vingt rnois dans unesix autre prison. L,er.reur roconllre' renris etr libert, il fait assiguel en clornrnages et irrtrts l,adjudicataire iles fermes par-clevant la coul dcs aides. Lc conseil ,l't noque et ente*.e l,trffaire, et cas;e les arr'ts par lesquels la cour des aides essaie r-le nai'tenir sa ju'idictio' et cle fuire justice. C'est un exernple entre mille.

lina'ccs, puisquc le co'r,rreur'-gnral qui co'rpose

ce

1. Tmoin

I'es1ice de popurarit

'assernbrs

TU RGOT.

?751

sait et o les financiers pntrent seuls. Le contlibuable ne pas mieux sait ne jamais ce qu'il rloit payer; le ferrnier, Souvent, jurisprudence que le ce qu'il doit exiger; -oit il a fait passer en

< L'hotnme doute s'interpr'te toujours I'avantage de la fcrrne' caplices, les du peuple est oblig de souffrir journellement les I ll est ferme' la de suppts hauteuis, les insultes mnre, des avait qu'il tnnre d'e entirement la merci des tyrans fiscaux, t autrefois celle des tyrans foilaux poursuivent tomme't s'tonner des haincs traclitionnclles qui indirectes? encore aujourd'hui tout ce qui tient aux contributions sur tles fondes sonf < Des Jrranches entires 'atLninistration ni public, au ni recours systmes d'injustice, sans qu'aucun ni clalt de plus ni d lLutorit suprieure, soit possil-,Ie. > Il n'y corve, La plus d,quite dans ce qui rcgarcle les irnpts directs. pur."*tple, n'a t tablie par aucune loi'pas mme par un s'est attribu le arrt clu conseit imprim ! I{on-seulemcnt Ie roi ott exclusif et absolu de faire cles lois, rnais , tnainteuant,

droit metdesimptsmnresansloiduroi.Levingtirneabient impossible tabli pu, d., dits, nrais les rles en sont occultes; obtenu, avait uu" purtiruliers de les consulter. La cour des aides rlcs : les rninistres out elr 1ib6, que la publicit ft donrre ces Ia taille et fait rvoqo., .rit. concession au fcu roi. Quant il n'existe mais secrets tre ; peuYent ses accessoires, les rIes ne dc rnoyen aucuu particuliers pOur les communauts ni pour les qu'on ce de instruit est discuter ni de rclamer d'avance. 0n n doil,quaumornentclepayer.Lacourdesaidesavaitordonn, tat annuel cles en 1?68, chaque Ieciion de lui ellvoyer un lcs garantics tailles. Le conseil a cass I'arrt de la cour. Toutes mare nlollpar une autres les ont t englouties les unes aprs de la taille dpartement tante d'arbitraire. Les Ius chargs du popttdIgus dcs taient jadis , colnme leur rtorn I'inclique, prsids ils t oDt puis laires ; crn en a fait des ofliciers l'oyaux, a dcid seul, I'intendant puis g'ralit; la par l,intendant cle et les cours sOuveles lus tant rduits la voix consultative, concernant questions des rnler raines ont reu dfense de se l'assietteclel'impt;puisentn,eni?67'laconnaissanceat de la taille' retire aux lus a* t* qui regarde les accessoires

u7751

LA

COUR DBS AIDBS.

357

aux peuples, tous lcs degrs,

signature de son suprieur qui le couyre. La courdes aicles attaque avec une extrme nergie ce systme d.'arbitraire et de clandestinit suivi avec persvrance par I'administration pogr enlever

rit des cas qui intressent re plus grand nombre des citoyens, ce n'est pas en effet le rninistre, ce n'cst pas mme I'intendant, c;est un subalterne inconnu qui clcide en toute souverainct sous la

c'est--dile Ia partie mobile de I'impt, partie peu prs gale au principal qui reste Tixe; I'intenclant non-seulement statnt seul, mais connaissant seul dsormais, quant aux accessoires de la taille et aussi aux diminutions et remises. La cour des aides ne discute pas les limites des droits de Ia couronne, comme avaient fait sans resse les parlements; elle laisse de ct toute mtaphysique politique ,, et concentre son attaque pour la rendre irrsistible. L'ennemi qu'elle saisit corps cQrps, c'est le despotism e bwreawcratEte2 .. c'est la puissance clandestine, impersonnelle, irresponsabre des commis; clans l,immense
malo_

Ie moyen de faire entendre leur voix au prince, ce systrne qui a fait dislraratre, dans presque
trer leurs propres affaires, qui en est venu cet ecs ptcr.it cre concentration universelle de cr dclarer nulles les cllibrations des habitants d'un village, quand elles ne sont pas autor"ises par I'intenclant, en sorte gue, si cette communaut a une depense faire, quelque lgrc qu'elle soit, il faut prenclre I'attache du
toute la France, toute reprsentation gnrale ou locale, qui a-t iusqu' dpouiller les corps et communauts clu droit d'aclminis-

dlgu de I'intenclant...

sub-

Aprs soixante-dix ars de rvolution, les communes ne sont


1' It y a cepenrlant citer un passa!e qui renferme une yue trs-$ne et trs_ remarquiibre. Le rdacteur compre ra France avec les pays de despotisme oriental ou il n'y a ni lois ri corps constitus, et avec lq oi t", prrogatives tru prince et de la nation ont t respectivement fixes. ,, Enryr, lior,r., irii, i_ rration a toujours eu un sentiment proftrnil de ses droits et de sa libert : nos rnaxirnes ont t plus d'une fois reconnues par nos rois; ils se sont mme glorifis d,tre les souverains d'un peuple libe. oependant les articles de cette liber.t n,ont jamais
p. 65?.) Ir y a en efet tlans I'histoire autre chosc que les instiiutions que et Ies faits officiels. Il y a les murs et les ides; c'est surtout clans l'histoire de France qu,il ne faut jamais lou_
ne (Recuetl de ce qui s'est p,ass ra cour
d,es

aitles, etc.; Bruxetes, 1??g,

t rdigs.

blier ; car nous sommes la moins formariste cles 'ations. 2. Le terme est, barbare, mais expressifr et nous

r*i

trouvons pas il,quivarent.

3:;8

TU RGOT.

i|

7i5l

point encore affranchics; mais on voit, clu rnoins, ce qu'il laut penser du reproche si souvent aclress la Rvolution d'avoir touff les liberts communalesr. En poursuivant partout le systrne de clanclestinit, la cour clcs aides ne pouvait manquer cle rencontrer les lettrcs cls cachet : elie voudrait bien riclarner lcur entire abolition; elle demancle, du moins, [u'on clonne aux iens arrts par voie erTraordinaire lcs moyens de clbattrc leur innoccnce, avec inclenrnit s'ils sont reconnus innoccnts, et que tout ordre d'arrestation extraortlinaire soit revis par des magistrats spciaux. Les Remontrences essaien[ d'inclicluer partout le rende ct du mat. : < Iln'y a dcbonnes lois - Sirnplifier les droitsettaxcs que les lois sirrrples. )) Ordonner aut feruriers cle puhlier dcs tarifs exacfs et une collection courte et claire des r'glements. Rendrc au peuple le clroit de nornmer des reprsentants ilour assister au dpartement des irnpts ayec I'intendant et les lLrs actuels, et attribuer cette assemble tout ce qui regarde lcs impts dilects. - Rvoquer la capitation ou en chiurger eutirement la nature arbitraire 2. n'ixcl l'poque oir ccssera le vingtime, fort augrnent sous I'abb Tcrrai; changcr, cu attentlant, la nature dc cet impt par un caclastre une fois fait. PIus cl'irnpt dont la somlne totale ne sbit pas fixe d'avance. Le particulicr doit avoir payer sa part proportionnellc dans un total dl.emrin, et non point une portion dtermine de son reyenu lhisirnt partie d'un total inconnus. La cour des aides terrnine en rclanrant la publicit lous lcs degrs dans l'adurinistration. ( Le vu unaniute cle la nation cst d'oirtenil dt's tats-Gnraus, ou au rnoins clcs Etats-ProvinciaLrs.r
l. Que Ia contralisation ailministratve, avee tous ses abus, soit d'origine monarchique et non rvolutionnaire, c'est ce qui ressort de l'tude attentive de I'ancien rgime; M. de 'focquevilie nous a rendu le service cle mettre cette vrit arr-dessus de toute discussion et la porte de torrt le monde, en multipliant,, en conceutrant les prerrves dans une uvre dcisive z l,'Ancien R,1ime et la Rduolution, derrrier effort d'une belle intelligence que la mort allai0 notrs lavir. 2. Les nobles et tous les privilgis, dans les provinces, avaierrt trouv nro.rerr de faire rduire leur capitation un taux excessivement morlique, tandis que celle des taillables galait presque leprincipal delataille. 0tto. rle Turgot, t. II, p. ?58. 3. C'est--rlire qu'il ne doit y avoir que rles impts de rplltitir-rn, et poiut d'irnpts de quoi,it.

il

7751

IIIA

LBSIIEITRES BT [IAUIiBPAS.

svre et so'rbrc tableau rctrac par nlalesherbes I'effhroucha.

comrne'ait sinon I'inquiter, tlu moins l,irnportnner. Le

fricur r. l{alesherbes ne concluait pas cornrne Turgot, puisqu'il rclamait des Etats-Gnraux, et s' projet cle rfornie lait beaucoup moins vaste et moins profond que cclui du contrleur-gnrall rnais la prsentation officielle au norl cl'unc cour souyeraine lui donnait un grand poicls, et I'impression gnrale des Rentontrrances, malgr certaines clivergences clans les points de vue, tait trs-favorable aux pla's de Turgot. Aussi re contrleur-gnral avait-il lui-mme engag repremierprsiclent clela cour des aides presser so'travail, ct tous ireux taient-ils cl'accord pourtcher de faire uo''ner une comrnission de magistrats et cl'adrninistrateurs clui exarninerait les Remonrtr.ances et cherche.ait lcs nroyens praticFrcs rle rforme. cette co'rmission etrt t I'instr,,-*ni .rsenticl de Turgot. Le yieur llaurepas re sentit : I'autorit croissante de Turgot

par avoir ;ruprs d* roi des dputs ires provinces pour toutes leurs affaires en gnral, comnre il y en a dj pour les intrts spciaux dn colnlner.cc. Il fa*ch.ait qu,on prit recottrir publiqttetnent au conseil ou au nrinistrc contr.c un intendant, cornme aux cours souveraiues contre un trillunal in-

Il

359

faudrait

co'''erccr

sion, fit rpondre par le roi que les rformes ncessaircs sur les objets qui en seraient susceptibles clevaient tre, no. pas l,o._ vl'age d'un mornent, mais le travail de tout son rgne, ct, par re gardc des sceaux, qtte, s'iI enistait rellemcnt d,esabtrsril ne faldrait les faire connaitre qu'au moment de les corrigcr; q.e Ia cour cles aides ne devrait donc pas s'tonner des ,noyrnr.extraorclinaires
crw Droit pwblic, ete,, ou Recueir, de ce gui s,esr Ttusst) en d 177s, p. 62g-693. y a dans cette pice, en dehors de - Il son objet spcial, bien des vues judicieuses. Le rdacteur, pa'* e*e*pre, montre qtr'une des causes qui arrtelt le dveloppernent cle Ia prosprit et de la grandeur tle la France, c'est qu'il est plus avantagux chez neus 'Ctrl" commis ou mme fraudeur que soldat, d'tre officier de finance qu'agric*lteur, que commera't ou qu,in_ dustriel' avait critra mme .horu nn posant des cirifi.es qui nrorrt'eut -Forbonnais I'hotume de fiuarrce gagnant trois fois plus tlue I'iuclustliel.

ne voulait laisser le gouvcrnement s'engager fond sur rien. Il ne sorrgea r1u' enterrer les Remontrances et Ie projct cle cornrnis_

Il

r'

la

trtm, powr serr:[r d cowr d,es aies, de 1756

rhist.

360

T URG OT.

It ??51

pris pour empcher la publication de ses

Rentontrances- ccs

iooy.nt consistaient enlever Ia minute des registres dc la cour (30 rnai 1??5) . I,laurepas n'y ga8ina pas grancl'chose; car la pice qu'il voulait faire disparatre fut inrprirne secrtement, quelques
semaines aprs, I'insu de Illalesherbes''

fut le rlernier acte importanl des aides' de l\lalesherbes cOmme premicr prsirlent de la cour plus soltenir de Maurepas avait reconnu enfin I'impossibilit La longtemps contle le rnpris universel son beau-frre, le vieux Vriltire, honteux tlbris d'un honteux rgirne. La reine, excite par ses familiers, qui avaient tle I'arnbition pour elle, tchait d'inLa prseirtation
d.cs Rcmotra,nces

iroduire quelclu'un de

protgs clans 1e cabinct la place de reine ne La trrriltire. I{aurepas craignait sur toute chosc que la nolnlller et fit prt rle I'influelce : il se rejeta du ct de Turgot des Remonau rninistrc cle la maison clu roi prcisrnettt I'auteur fois et ne se rsig[a tluc tra,t^rces. i\falesherbes refnsa par cleux d'accepter, en lui repositif devoir Turgot lui cut fait un
ses

lorsque

envahir' prsentant qu'un esprit cle dissipation et ele frivolit allait la cause que et avcc la socit cle Ia rcine, la placc qu'il refusait, dcs rfolnres serait perclue (rni-juillet 1775)' c'tait un inciice assez significatif que de voir au rninistre cachet Ie corchrg clcs rapports avcc le clelg et des lcttrcs de en secret les revu qui avait respnclont fle Roussear, Ie rnagistrat sernblait bien clc hotnurc pr*oo*, de!'Emilel La pr'sence dc cct le lche deuti-sicle plri{icr les Lrlrcaux o. avait sig clurant un I'instrument sercomplaisant cle Louis XV et de tous les grancls, \falcsherbcs fut vile clu vice et du fanatisrne. Lq prcrnier soiu cle grand nomllre plus le rllivrer tle et de visiter les prisons d,'tat possible de pas fut lui ne II qu,il put des victimcs de I'arhitrairc. qui pacltenus juges des ceux Ies dlivrer toules, ni cle clonner cles Beaude Prvt Lc raissaient coupahles ou dangereux. L'infortun prison' Ce rnont, qui avait clnonc le Pacte de Fanrinc , t'csta en despotisme tait forseul fait rnontre qucl point Ia rnuchine du le plus sincrctlsiraicnt qui d'tat tentent rnonte. Les hommes ds qu ils rouages ses dans merrt la briser taicnt pris et entrains
I.Recueitd'eceqwis,esl2ossienlacowrilesuitles,p.6g4,69S'-Mnloires<leBachaumont, t. YIII' P. l38.

11775)

I\IALESIIBIiBES.

RFORITES.

36I

touchaient au pouvoir. illalesherbes lui-mrne signa quelques lettres de cachet'. Il proposa, ccnformment aux Rentontt'arlrcs, dc remettre un tribunal spcial I'arme funeste clont il avait hte dc se dbarrasser. En cas d'arrestation par ordre exprs clu roi, lc nouveau trihunal serait saisi dans les vingt-quatre heures. Louis xYI approuva; mais lllaurepas entrava sourclernent , et le tribunal ne fut point tabli. Il cn fut de mrne tl'uu autrc alrus monstrneux que llalesherJres avait vonlu rendre moins criaut. Il s'agissait des arrts de stn"stance I'abri desqucls les courtisans avaient I'habitucle cle llraver leurs crancicrs et cl'ajourner inclfinirncnt ie paicnrent cle lcttrs dcttes. llalesherbes demandait que \es arrts cle surs,cntce ne fussent accortls qne par un conseil , une espce de tr.ibunal, ct que lcs dbiteurs favoriss l)ftr ccs arrts fussent relgus hors cle la cour et cle Paris tant qu'ils en garderaient le bnflcc. Lc roi applaudit, ct rien ne fut failc. Turgot continuait ccpcnclant cl'avancer travers tant d'obsfaclcs. Il achevait d'ellacer lcs traces cles dprclations cle Tcrrai. prs

le bail des domaines et le bail cles hypothc1ues, il avait cass Ie bail des poudres et rcmis cette administration en rgic : panui les rgisseurs fig'urait I'iliustre chimiste Lavoisier (fin mai). 0n travaillait rernplacer par des nitlir.es artificielles lcs vicur procds vexatoires de rechcrche du salptre dans lc's rnaisons. Lavoi-

sier pcrfectionna la pourlre, et nos armes cn enrent le bnfice


dans la guerrc d'mrique.

dc juin 1775 supprinrc avec inclernnit lcs offices cle rnarchands privilgis et porteurs cle grains de la ville cle Rouen et le droit rle banalit appaltenant cctte ville. Le mainticn dc ccs priviklges et rendu a]:solument illnsoir.c, llour Roucn et les pays voisins, la libert du cornmelce des grains proclarne llar le gouvcrnetnent. Une ccrnpagnie de ccnt donze ruarchancls avait le droit exclusif d'acheler les grains sur lcs rnarchs clc Roucn, clcs Anclelis, d'Elbcuf, clc Duclair et de caudebec, et tle les rcvenclrc aux boulangers et aur particuliers. Unc antre cornpag'nie de

un dit

quatrc-vingt-dix porteurs, charreurs et clchargeurs clc grains


l. Et Tulgot en demanda. Y. la Bustiile diroite, 2, Droz, Hist, tle Lo,uis Xl'[,- t. I.t, p. 179-180.

362

TURGOT.

It 775]

avait sculc l.e clroit cle se mler du transport de la dettre. [nfn Ia ville cle Roucn possclait cinq rnoulins jouissant du droit exclusif de tnouLure pour scs habitants, droit qui se rsolvait en Lllle stlrtaxe sur les Jroulangers. Sotrs les entraves rglernentaires clc la monarchie moclerne, la n'rance portait encore les mille chanes locales du moyen ge'. Quelque ternps aprs, ttn arrt du conseil pcrmet aux boulangers forains d'apporter e,t de venrlre librcnlent leur pain dans Ia

ville de Lyon (novernbre 1775). En aorit 1775, des comtnissaires sont nomrns potrr cxaminer
les titres rle tous seigtreurs et aulres propritaires de droits sur les grains, mcsure prparatoirc du rachat de ces droits.

La caisse cl'amortissetncnt, foncle en 1764 et tlsorganise par Tcrrai, cst suppritne : on emploiera d'autres moyells llour relllbourscr (30 juillet) ; Turgot n'est nullenent oppos an principe rlc I'amot'tissemerrt, car i[ vient de I'irnposer dorenavant tout corps et communaut qui vouclra contracter un emprunt. LeS dsordrcs aclministratifs des col'ps de villc et de toutes les autres corporations ne rnotivaient que trop cette mcsure (24 juillet). Un impt est tabli pour la continttation des tlavaux des canatls de Bourgogne et de Picalclie ( 1" aot). Le 7 aot, arrt dtr conscil qui runit au domaine et tnet en rgie les messageries et cliligences. Les lourds coches dix ou onze Iieues par jour sont, remplacs par des vhicules plus actifs ct marchant en poste sur toutes les grandes routes. Protnesse est faite d'organiser le service sur les routes de traverse, et il est expliqu que I'exploitation par l'tat n'est qu'une transition prparant un rgime de libelt. Ttrrgot avait bien compris quelle puissantc assistance la facilit cles voyages et ia rnultiplication des rapports apporteraient la canse du progrs2. Le l8,aot, Turgot et [alcsherbes font rendre au conseil un

l- Une dclaratiou du 12 janvier 1776 supprima des entraves d'un autre genre q*i empchaient le dveloppement des verleries en Normandie. On applencl par cette pi.u ,1o" c'tait vers 1711 que I'usaglc des carreaux de vitre s'tait substitu celui
", pont*uox de verre en losange. nc' Lois franaises, t' XXIII' p' 29' 2. IEuo. de Turgot, t. II, p. 424reL 1. 1er; Notice, tc., p. LxxxYII; sur I'hostilit du clerg contre cet tablissement. - Le coche ou carrosse de Bordeaux mettait quatorze jours pour arriver Paris tla turgotine arriva en cinq jours et tlemi.

11775')

RI.'on t{BS.

363

arrt qui inflige un tribunal colonial , lc conseil supr'ieur clu cap (le de saint-Domingue), un bliirne svre pour avoir crnploy en justice des lettres interceptes; ( considrant que tous les prin_ a cipes mettent la correspondance des citoyens au nomJrre dcs s choses sacres, dont les tribunaux, colnme les particuliers , s doivent dtourner les yeux, et qu'ainsi Ie conseil suprieur < devait s'abstenir de recevoir la clnonciation qui lui tait faite > '. Iln dit d'aofit 1775 supprime, rnesure des extinctions, avec rernJroursernent aux familles, les offices anciens alternatifs, ,

triennaux, mi-triennanx, de receveurs des taillcs, et cre un seul


et unique receveurde toutes les impositions (directes) par chaque lection, bailliage, viguerie, etc., oir il existe cles offices de reccveur. La sinrplification rles emplois fiscaur prpare la sirnplification des irnpts.

29 aorlt : suppression de la corve militaire (corve pour lc transport des convois), rernplace par un irnpt clc l,?00,000 fr. sur les pays d'lection et pays conrluis. Turgot avait donn, dans sa gnralit de Limoges, I'exernple clu racliat dc cette corr'e par abonnement, exemple suivi par huit autres intendants. L'arrt clu conseil applique Ie mrne principe la plus grancle partie du
rovaume.

La haute police du grand moncle, cre ou largement dreloppe dans les dernires annes de Louis xv, est mise la rforme 2. Des lettres patentes du 22 dcembre lzTb affranchissent le pays de Gex de la gabelle, des aicles-, clu monopole du tahac, uroy*nrrant nn abonnernent pay par les propritaires fonciers et quivalan[ Ia somme qlle la fcrnre retirait cle ce petit coin de terre. Il ne s'agissait que cl'une trentaine de rnille livres, qui en cotaicnt peut-tre dix fois autant au pays par lcs vexations, les dd.sordres, les obstacles Ia productiorr. c'tait un tmoignag'e dlicat de rcconnaissance erryel's Yoltaire que de commencer exprirnenter
Anciennes zois fran'atses, t. p. ?zg. L'arrt ord.onne que de l'interception soieut poursuivis selo* la rigueur des ordon'a'ces. 2, IInrcires de lJachaunront, t. YIII, p. 286.

La pleine libert clu cornmerce des grains l,intrieur cst tenclue au transport d'un port I'autre du royaurne (12 octobre).

l,

xrIII,

les auteurs

364

TUNGOT.

[{ 775]

aux portes de n'crnei les plans du ministre qu'i[ soutenait

avec

tant de zle t. La plume infatigable du patinrch,e continuait d'enfanter crit sur crit en faveur du gouvernenent prsent. L'esprit de rforme avait conquis une troisirne plaee dans le cabinet. Le ministre de la guerre, le marchal du Mui, venait de mourir. Letchoix du successeur ernbarrassait: Turgot et [falesherbes proposrent Maurepas, toujours domin par la proccupation d'carter les protgs de la reine, un vieil officier-gnral qui vivait dans la retraite et dans la pauvret, au fond d'un village d'Alsace. C'tait le comte de Saint-Gcrmain, un des rares gnraux qui, dans la guerre de Sept ns, avaient soutenu, ayec Chevert, I'honneur des armes franaises. Quelques griefs, exagrs par son imagination ardente, lui avaient fait quitter I'arme au milieu de la guerre : iI avait pass au service du Danernark, rorganis I'arme danoise sur un plan nouveau, puis abandonn ce pays aprrx la catastrophe de ses infortuns protecteurs, Struense et CarolirreItathilde. Retir en Alsace et ruin par une hanqueroute, il ne vivait quc d'une modique pension, partageant son temps entre la culture de sun jardin, la rdaction de mmoires sur la constitution de I'anne, et les exercices d'une dvotion mystique o il tait tomlr snr ses vieux jours. l{aurepas vit un lment de popularit dans le piquant ct dans I'irnprvu d'un tel choix. II n'et pas laiss un troisirnc adcpte de la pldlosophie pntrer dans le conscil; mais il cornpta que Saint-Gcrmain, rformateur sans tre philosophe, ne fcrait pas cause cor)unune avec llalesherbes et Turgot, quoiqu'il dfit se place lcLrr recorllrnandation. Saint-Gennin fut donc appcl \rersailles, c[ I'on raconta avec admiration, la ville et la cour, que I'envoy qui lui portait sa nomination au ministre I'avait trouv occupd: planter ses lgumes de ses propres mains. Le public, grris d'rur subit engouement pour ce nouveau tincinnatus, oublia trop que les vieux hros de Rornc ne quittaient pas I'annc en temps de guerre pour des mcontentements privs. Quoi qu'il en soit, le choix tait bon quant aux vues : SaintGerrnain avait des plans bien conus, au moins sur I'organisation

l.

Il[erture

lsl.,t.OLXXX, p.

338.

lr775l

SAINT-GEItMAIN.

365

de I'arme active.

Il avait des tumires,

nais l'vnement allait

nrontrer qu'il n'avait pas le caractre sans lequel les lurnires ne


sont rien chez

un administrateur. La rforme militaire ne pou-

vant valoir que par I'ensemble et devant frapper sur des intrts puissants et rernuants, il ne fallait pas laisser ces intrts le ternps de se reconnatre; il fallait mettre profit la faveur de I'opinion pour irnposer la rfonne en bloc. 0n l'mietta, pour ainsi dire. Saint - Gerrnain avait bien aperu ce qu'il convenait de faire; rnais i\faurepas, toujours ennemi des grands partis, conscilla au roi de rre prornulguer quc successivement les ordonnances rformatrices, et Saint- Gernrain ne sut pas insister avec autorit ni thire comprendre au roi en quoi sa position diffrait de cclle de Turgot, qui avait opr'er des changcments aussi vastes que compliqus, et auxquels l'lment du temps tait indispensable. saint- Germain voulait la fois se donner un point d'appui et assurer la dure de ses rforrnes aprs lui par la cration d'un conseil perrnanent de la guerrc, sans I'avis duquel il ft interclit de changcr dorenavant les lois militaircs. Le conseil de la guerre resta en projet : I{aurepas n'entendait point qu'on liuritt I'omnipotence ministrielle. saint - Gerrnain dbuta par une arnnistie aux dserteurs rlui rejoindraient les drapeaux, avec substitution des galres la mort pour ceux qui dserteraient I'avenir, sauf le cas de dseltion I'ennemi ( 12 dcernbre i77b); puis il procda la rfbrrne des corps privilgic1s de cavalerie de la rnaison clu roi, corps d'officiers faisant le service de soldats et avanant au ta.bleau avec les vrais officiers, cration contraire tous les vrais principes militaires, mais politiquement utile Ia splendcur et la force de la monarchie absolue. on put reconnatre ds lors cornbien I'nergie de Saint-Germain tait au-clessous cle ses projets. II ne sut point rsister aux clameurs des grancls seigneurs qui commanclaient ces corps. II suppfirna les mousquetaires, qui, prcisment, avaient les tats de service les plus brillants; mais il conserva en partie les autres conrpagnies et surtout Ies gardes-du-corps, les plus nombreux et les ptus dispenclieux, et iI se laissa aller accorder le lang d'officiers tout le corps de la genclarmerie, crant ainsi un abus rrouvcau quancl il pre-

366

TUIiGOT.

775-r.7761

tendait abattre les anciens (dcenrbre 1775-fvrier 1?76). Il snpprinra les rgirnents provinciaux, institution qu'il etrt rnieux valu perfectionncr, ct n'en laissa subsister que le tiragc et I'inscrilition pour disponibilit. n strpprima I'cr-rle n{ilitaire ct le
collge prparatoile de La Flche, et fit ordonner clue les enfants
nobles levs aux frais ciu roi dans ce collge seraient dsormais distrillus tlans des collges ordinaires, d'o, quinze ans, on les envertait dans des rgirnents parmi douze cents cadets gentilslrommes que le roi y cntlctiendrait ( 1" fvrier 1776).IJn autre rglcment du 28 Inars 1776 rpartit les futurs cadets entrc une dizaine de collgcs dirigs par des bndictins, tles oratoriens,

dcs rninirnes, ducation qui parut singulir'e pour fortuer dcs gcns de guerrc'. Le 25 nrars 1776, parurettt des ordoulances d'une incontestable utilit sur le nomble et les appointements d.es gouverneurs de villes et de provinces; sur Ia furrnation des troupes en divisiofls, de rnanire avoir, au lieu de rgirncnts isols, une vritble arrne organise en grands corps ct drcssc aur mgnuvres d'ensemble; sur la Suppression de la finance de tous les emplois rnilitaires; Sur une augllentation dc solde que l'augmentation du prix de toutes les denres t'endait justc el ncessaire; sur I'avancement rgl avec ordre ct justice; enfin diyerses mesures destines doter I'arrne dc cettc constitution unilbrrne que Choiseul avait dj fort avance; tout ccla tait excellcnt; rnais, pcll de tentps aprs avoir proclam I'abolition dc la vualit cles charges de gLlcl're, Saint-Gertnain laissa vettdrc, poul' couyrir quelques dpenscs de son ministre, cent chalges de capitaines de cYalcrie. Ce n tait pas ainsi que Turgot
menait Ia rforme. Toutes les innovations tle Saint-Gerrnirin n'taient point d'ailleurs galement judicieuscs. Dans son r'glcment discipliuaire, rnlange cle bonnes disposil,ions et dc rninuties rnonacales, il S'avisa d'intt'ocluire les punitions corporclles en usage chez les

Allernantls ct les Anglais, tnais que I'artne franaise n'avail


1. O1 trogva encore plus ttalge, datrs 1e r'glement clisciltlinaire clu 25 mars, I'articie ou le ministre dclarait tluc I'irrtcntion du loi tait tle ne souffrit dans
ser tt,oupes
..

aucun ofiicier affichaut

I'incritulit., Artc. Lois

franuises,

t' XXIII,

p.

47:2.

F ?761

REFOII'IES

367

de se resserrcr r.

'birnc tranchant ! > s'cria un grenadier, dont le rnot courut tuute [a France. un sous-ofticier s'cnfo'a clans le cur l,a'rc clont on I'a'ait forc, de frapper un soldat! L,cs officiers appro'vaic,nt la susccptibilif de leurs soklats, et la clisciplinc se relcha au lietr

Jarnals connucs. Le vieil honneur gaulois se soulcva: il y cut clcs rliellions, des suicicles, quand il s'agit d'appliquer aux sold'ls la lrunition des coups de plat cle sabre. < Je rlu sabre que le

Da's le courant de ja'vier IT76, Ttrrgot prsc'ta au roi en co'scil nne srie de p'ojets dc lois rlui faisaie't faire de nouveaux et de tr's-grands pas son systrne. Lcs principaux taient : 1o I'abolition dc la corvc pour lcs che'lins e[ son r.enrplaceurent par url impt sur les propritaires de biens-foncls; 2o I'abolition dcs clroits talilis pa'is sur les bls ct fariucs, ct de toutc cette police des grains , si vexatoir.e, si incolrr.crte, qui et 'icillc
l,r.js Duver. neir Lontlrcs, lTBg;2 vol. iu-8o. - 11rn. r1a cornte ile Saint-Gclrnain; Anrstertlarn, 1ii9; in-l?' * Atrc. Los franaser, t. ]xIII, 1-rainr. - Dtoz, Hirt. de Louis xvl, t. I"., p. 184 et suiv.

pour cclui-ci. Turgot poursuiyait sa marche ayec urrc fc.rnct que rien ne pou_ vail hranler, avec u'e activit que rien ne poouuit lasscr, etlcla panni de longucs et cruelles attaclues de gouftt: qui altraicnt clj sa fo'te conslituti,n. Il se htait d'a'nt plus qu'il ar,ait nroins conrpter sur Ie temps et sur Ia r.ie. Les preniiers rr-lsultats flrtauciels clc son arlninistration {aicnt Ie a'gumcnt do'nc' au roi c' favcur cle scs pra's co'rcilleur norniclues. Dans l'tat des leccttes et clpenscs pour !z76,Ic clcou'ert se t'ouvait rd*it dc 86 rnilrions et clcrni p3 ct tlerr;i. il n'y avait tlcouvert que parce qu'on lemJroursait plus dc Bl rnil_ lions sur I'arrir : le crcouverl n,cxislait donc plu, .u,. la d_ pense ordinaire : il y avait au contraire cxcclant de rcccttcs.

{Jne pro'rpte raction s'opra crans I'opinion contre sai.tGe'nain, et I'ingiilit de son hurncur, ,rlange cle b'usqucrie ct cle faililesse, lui fit antant d'cnneuris quc I'inconsricluence de sa co'cluitc. La confusion qui se fit clans Ia lnassc peu claire eutre ses rf.nues e[ celles de Turgot fut un obstaclc de plus

l'

l'ie d'w contte ile stint-Gerntai'n, en tte cle sa Corresponclance arec

368

TURGOT.

u.7761

rcndu tout commerce de bl absolument irnpossible Paris et aux environs si I'on et excut les rglements la lettre: c'tait I le compltnent ncessaire des dits de 1763 et de 1774 sur la lilrre

circulation des grains I'intrieur' ; 3o I'abolition des oflices crs sur les lralles, quais et ports de Paris2; 4o la suppression des jurandes, tnatrises et corps de rntiers, et la pleine libert
pour totrt citoyen d'entreprendre toute espce d'industrie, con[crr'mrnent au droit naturel. D'autres projets transpiraient et devaient suivre ceux-ci : l" la rfornre de la maison civile du roi, dont la monstrueuse dpense taittr\rle de celle de la maison militaires et que Turgot avait
dessein de rduirerle 14

millions par des diminutions gradttes rlui ne seraient compltement ralises r1u au bout de neuf ans;
2o lir transformation des tleux vingtirnes, impt vaguemcl)t assis

et arbitrairement rparti, en unc su'buention, tercitoriale tablie sur les bases d'une t'igoureuse proportionnalit; 3" la modilication profonde de la gabelle, si odieusetuent ingale', 4o la suppression ou la conversion des droits fodaux du domainc royal en une

reflevance annuelle , comnle exemple du roi aux seigneurs, qu'on pousserait consentir au rachat ou la conversion de lcurs clroits, en rforrnant les dispositions des coutumes qui s'y ollposaient ; enfin, 5o la validation des mariages des protestants
a.

ToLrte la socit oflicielle et privilgie, depuis les titulaires des

des villes

I'heure ceux de Rouen; ceux de Paris tendaicnt lcur aetiol vingt lieues la ronile, interceptaient les relatioris entre I'est et I'ouest, et,

l. La tlclaratiog de

1?63 avait laiss subsister tous les rglements particuliers

: on a vu tout,

co'rl_rins avec ceux de Rouen, enleyaient absolument au libre colnmerce le bassin de la Seine. A Lyon, les greniers d'ahoudance et l'lr'ation des droits produisaieut Urre dclaration royale autolisa I'exportation sens ilroits peu prs le mnre effet.

pour le ressort du parlement de Toulouse et pour Ie Roussillon' :J. Il y avait jusqu' 3,200 chargeuls, dchalgeurs, rouleuts, etc., de grains. Les comrnissionnailes courtiers de vins taient 1yut,, de Turggt, t. I*r, p. 61.
conservs.

3. La maisonmilitaire cotaib
nraisons cle

la t'eine,

cles princes

urillions; la maison civile du roi, plus de 23; les Comptes renilus tles et princesses, plus de 13 !

fntances, de 1758 1787, P.

lii9.

-\.

4. Itarmi les crits publis pout prparer la voie et former I'opinion, l'on remarque les Iltjlleriorzs sur la Juris1'trurL.once crinnelle, par Oondorcet Icontre le eode des gaY. .lfel rnges cottotniques, t-7i. belles l.

xvrrre sicle avait acrrev cr'craser res mttaitcs des cilmpagnes : ir avait combattu,-.au nom cles privir ges n,cessat,esde ra nobrcsse, l'tablissement d'un impt s.r les proprifaires pour Ia confection et I'cntretien des routes. Turgot rponcrit Miromesnil avecr sa vivacit ordinaire : < r\I. te gaiae des sceaux semble acropter le a principe que, par ra constiiution de l'tat, Ia nobresse doit tre <r exempte de toute irnpositio'. cette icle paraitra un paradoxe < la plus grande partie cre la nation. Les roturiers sont certai_ < nement le plus grand nomb'e, et nous ne sommes prus au < tenrps o leurs voix n'taie't lias co'rptesr. > Le roi se prolrona pour Tnr.got, et signa les clits 2.

clrarges cle ra maison du roi jusqu,aux .grandes gardes des mtiers et aux titu-lai.es des maitrises, s,agita comme une ruche, ou, prutt, comrne un immense essaim de frerons troulrl dans son domaine. La Grerre des Fari,nes ayait chou. 0n prpara une rsistance dsespre sur un autre terrain. oj l,opposition s'tait rnanifeste dans le conseil me-e. llaurepas n,avait rien dit; mais re garcle des sceaux, Miromesnil, r,homme de Maurepas, n'avait pas eu honte de dfendre la corve, cette odieuse imitation des ab.s fodaux, par laqueile la monarcrrie du

I',776] pairies et

TUNOT ET LB
des

PARLBII,IENT.

369

contre la corue, et, i\ cette occasion, crcrarna da's res te''es les plus virurents coutre la secte des conomistes et contre Tnrgot, dsign aussi clai.ement que s'il efit t nornnr. L,ayocat_ienorar sguier le lr.it de haut avec le pamprrtet trnonc, crit < rlc rnp.is que cle ccnsure. r Ite parrernent fwtile, prus digne supprima r,crit , clui n'tait r"ien moins que l'uvre de voltaire. irois brochures
L.
OUuares

st.tionnaires ou rtrogracres. Le parre'rent prit |offensive ds re 30 ja'vier. un jeune conseiler, d'Iiprm.#i; q',attenrlait une tunrultueuse reno'rme, crnona ra compagnie, en prsence dcs princes et cles pairs, une brochure unony,,,

concentra dans re parlement, crevenu, comme TLrrgot I'avait bien prvu, le quartiergnral de tous les intrts

L'oppositior se

il'muration , vourut aussi travailler personnelement ra rforrne. Il exrrurna et_rajeuni ,ru'"ogte-errt cre colbert pour Ia destruction des lapirrs qui ravageaiert les champr a*s forts.uyui", jzi;*"r."

2' Louis xYI , pris

de'Iurgot, t. II, p. 269 270.

lliii,"*';i:Hi1,il,
xYr,

son

"oirii* hiiro,'ie,r (nr, Droz),

,;

b;il;,

i',i"nti,,n, et.ie
2&

1??6),'ion

peu

3?0

Tt'i I G O'f'

Lti"tij)

coull sur coup de I'oflien favcur tl' mi'istr.e venaient de partir r. cine de tr'ernei envoys au parlcment 2, Le fvricr Ies clits annoncs furent comme injuste: Tttrpoul. l,cnregistretnent. La corve tait aliolie imprim par^ Ia main du roi iot csperaii qu un tel stigrnatc, 1e rctour impossible' L'itrlmrne sur cette exaction, n rcndrait 10 millions qoi la renrplaait, et qui ne tlevait pas dpasser

fot

etrviron,portaitstrrtottslespropritairesdcbiens-fondsoude qui lnissait les dirnes ecclrlroits rels sujets aux vingtimes, ce pas ( voulu se faire deux siastiques en dehors. Tuigot n'avait jurandes q...r.iI., la fois. r Le prambule de l'clit sur les naturel n l'e-ttra,po,rssuit, 4tr haut du trnc, au nom clu droit et uuiversel de naturel vagante prtention qui faisait du droit achetcr du travaillcr un clroit clomanial que les sujets clevaierlt cles offices trt dans prince. 0n avait ohscrv, clans la stlppression
I'abolition cles jurandes, totts les mnagements la prudence et la justice' qu' Paris : L,abolition clesl.,ran,lcs ne devait tre irnrndiate gour,ernc-. le qtrc qtr'aprs pour les l,rovince*, elle n'atrrait lietr ct court'tluuauts des rncnt aurait pris connaissancc dcs clettcs l'dit de ttttne I'excution assur letrr remlloursclnent. a Paris intressant la foi tait suspenclue pour ce|taines Professions et la vie dcs hotnmes, ptrblique, ta policl gnrale ou la sfiret j*squ' cc q''0n lcur efLt la plarmacie, plaqaicntlesofficiersdesconllllunautspourlestnestrresd'orclre etclepolice.Touslesgenresdecotnmerceetd'irrrltrstr'ietaierrt
que demanclaient

l,orfr,rcrie, I,impririerie, Des syndics de quartiers t'cludonn cles rgle[rents particulierss.

librestous,ttrtncauxtrangersnonnaturaliss,movcnnatrt de police. Ouant aur dclaration clevant le lieutenant-gnral ouvrierstravaillarrtpourclesentrepreneurs,ceseraitcetrx-ci


trois bochures etait intiiutoe z

I.Bachaumont,t.IX,pS?.4I.- trIerctnelrisf.,t.cl,xxx,p'32.1'-I]rredes labowreur de charn\tagne trI' l\ecliet"


Lettre cI',un'

soient triples' bues glatuitement dan; les campagnes


assez grancl espace

2.Cemmejour,unarrtduconseilotdonrrequelesboitesdereuldestiistriLe 6 fvrier' un autre

arrtavaitrduitlalargeurclesgranesroutesaeooa42piecls,rerrdautainsirrn
I'agriculture'

il

3.DsqueTurgot.aclmettaitlaucessitderglementercertairresprofessiorrs, pa'nri ct's boulangerie comroe devant figtrre'


est,

difficil. U" i. n"r corrsid"er la

excePtiotls.

{1770)

COItVUE. JURANOBS. DIOI.TS

entre la proprit de privilge et d'exception et la proprit de droit co"run. Ir concrarnnulu brocrrure au feu et crcrta |au_

citoyens, et chercrrent liranler res fondernents de r,tat{. p Le parlernent ratifTa par son vote cettc confusion rronstrueuse

proprit; > il se clcrraina contre cewr qwi, cqcrts sou,s Ie uoire trLt tttystre, < sment dans le public des ides caparrres cle renverser la proprit de tous Ies

crite ou., n oration, cherchait drnontrer aux seigneurs qu'il tait de reur i'trt d,ac_ ccptcr Ie rachat des droits focraux, et sa plus grancre hardiesse consistait soutenir que, si les seigneurs refusaient les offres cles vassaux' le roi pou'rait trancher la qrrestion lgislativernent. L'avocat-gnral procrama res crroits foclaux, les c61.1,es, les banalits, <r portion intgrantc dc la

droits fodaLt&, queTurgot avait fait rcriger par le prernier comrnis des fina.ces, Bonce'f. tette pice,

I'elamcn dcs cinq autres, le parlement nornrnri une comr'issio' de conti vourut tre r'ernhre : la comrnission rit, le 17 fvrier, un rapport en suite duquel des rernontrarces furent a.'tes poul' clemander au roi le retrait rles clits. Le p3 fvrier, I'a'ocatgnral sguier, qui faisait cru temps cre Louis xv des phrases si retentissantes sur le clespotisme, fuhnina toire furieux contre une brochure intitule 'n rquisi_ : les Incanurziettts cles

reprsenter au rieutenant cle poricc l'tat cles gens qu,irs e'r_ lrloient. Les rgrements sur res nrtiers insarurrres ou crangere'x taient maintcnus,_ainsi que querques autres crispositions' pr*scrites par la morare pubrique. Le lieutenant-gnral cre porice jugerait sornmairement, sur rapports cl'expertsl les contestations ,pour dd'fectuosit d'ouvrages, et celles entre ouvriers et entrepreneurs, jusqu' concurrence cre cent rivres; au-cressus de cent livres, les tribunaux orclinaires se'aient saisis. Toutcs les con_ frries, forrne religieuse cles corporatiorrs comrne les jurancles en taient la fonne civile, taient aholics. s'r six dits envoys par le roi, le parrement n,en enregistra qu'ttn, portant suppression cle la caisse de Poissi, cr,ation fiscale q'i irnposait des charges i'utiles au cornmerce de la boucherie parisienne, solls prtexte de lui assurer des ressources. ponr

do't le prince

l,

i[eraurehist.,,

t. CLXXX, p. 324 et

suir,.

3?2

TURGOT.

u??61

y avait de teur d'ajournement personnel. Il reniait ainsi ce qu'il I'esprit contre luttes plus honorahle dans son pass, ses vieilles consultations les ieoOot. Le conseil rl't*t, pr contre, supprima mtiers avaicnt et d'arts corporations les que et remontrances la brocliure fait publier par Linguet et autres avocats: I'auteur de
contre
1es d,roi,ts

et plac sous la fttidau fut mand Versailles dclaouvertetncnt protection immcliate du roi. La guerre tait n]ars' 4 le re. Les remontl.ances d.u parlement furent prsentes le parlcment y Nous n,en possdons pas le texte. 0n assure que

nonaitteprincipequelepeuple,enFrance,esttaillablee't'cor. de la co'stitution que le uab1eit, uolontb, ri qo* Cest une partie que le terte roi est dans I'impuiisance de changer. II est prolrable
Le ne s,exprirnait pas avec cette cruclit brutale.

roi rpondit

par

I'auteur de l,ordre d,enregistrer, et par la dfense de poursuivrc at'rta d'itla lrrochure contre les drofts fadartr. Le parlement (d'Aligre) prsiclcnt premier sol) latives remontrances et chargea n conorni{res' d'crits du roila fin de ce dbordement
<

le danger qu'il y a de laisser- irnprimer < des peuples aux soulvecrits sclitieur, tendant porter tous les
et de reprsenter

d'obtcnir

Bohme. ments, clont on vient rl'aYoir I'exemple dans la


intolrables exactions

>

sc soulever contre les Les paysans bohmes venaient en effet tle de leurs seigneurs, et le souvernement de
r

que par des conccssions I\,tarie-Thrse n'avait pu rtahlir I'orclre


cc pcuple justernent cxaspr' '

la rsistance de la magiscer[ains desministrestchaient d'excuser qu'il n'y a ici t'ature : < Je vois bien, leur clit-il avec hrusquerie, > I[. Turgot et moi qui aimions le peuple !

Le roi renouvela I'orclre d'enregistrer

sans dIai, et, cotnme

que

I'in{luence du contrLouis tait tout fait en ce rnotnent scus craindre sricusetnent leur.gnral, et Maureltas commenait
tle voir le roi

Le parlement continuant dsobir ' le roi le manda saillesle12rnars.Laplrilosophieetleprogrsretout.naient

lui

chaPPer'

Yer-

coutuure d'employer contre les vieux abuS les forrnes qrr'avaient


corvi'e par semainel Les ciuq jours 1. Les seigneurs exigeaient cinq jouts de fureut ruits trois.

CLXIIX' --y' M"t*'e hist''t'

u7761

TUNGOT ET LB PARLB&TBNT.

:r73

Ie despotisme et la fiscalit.Le lit de justice fut, cctte fois, suivant le mot de Yoltair:e, un ti,t de bi,enfai,sat"Lte. Les orateurs du parlement n'en tinrent pas moins un langage qui efit peine convenu aux plus mauvais jours de Louis xv. Aprs que le garde des sceaux eut motiv assez faiblement les lnesures auxquelles il prtait malgr lui son concours, le premier prsitlcnt rpondit par une harangue emphatique, o il pcignait la morne tristesse partout rpandue, le peuple constern, la capitale en alarmes, la noblesse plonge dans I'affliction. L'dit qui remplace la corve < est accablant si I'on impose tout ce qui serait
ncessaire, insuffisant si on ne I'impose pas.
D

L'impt prtendu accablant pour les privilgis tait lger apparemment pour les malheureux taillables ! r< Cet dit donne nne nouvelle atteinte la franchise naturel,Ie de la noblesse et du
clerg.
>

II tche d'tablir, pr une thorie emprunte aux physiocrates eux-mmes, que, le propritaire payant dj en dfinitive tous les irnpts, on le ruine par une nouvelle charge.Il se plaint
gnie. que cette contribution confonde la noblcsse ct lc clcrg avec le reste du peuple. La seule chose raisonnable qu'il objecte l'dit sur la cor\'e, chose, du reste, contradictoire avec son premier argument, c'est que, le conlmerce profitant cles routes comme la proprit foncire, on devrait lui en faire payer sa part. Il conclut en demandant que les routes soient faites llar I'arrnere. Ouant anx jurandes, il affirme que ce sont prcisrnent ces gnes, ces entravcs, ces prohibitions tant dcrics, qui font la gloire, la sriret, I'irnrnensit du commerce franais; s'efforce d'effr.ayer le roi

Faire driver les privilges du droit naturel dpassait les limites de llabsurde ! Le premier prsident continue par cres dclamations plus perfides encore que violentes sur les autres dits, et qui s'adressent I'opinion du dchors. Ils montrent la subsistance du peupleparisien en danger par la suppression rle la police cles grains, tout ordre public dtruit par I'abolition des jurandes, les remboursernents des offices supprirns crasant les finances et rncnant la banqueroutc. L'avocat-gnral sguier enchrit sur le chef de sa compa-

il

par le tableau fantastique de la ruine universelle qui suivra la

ai

/.!

TUIiGOT.

il 7 7t;i

clru{e cles corporations : une inclpendalxce efne succdant la

libcrt rglele qu'on possde (quellc libcrt ! ) dtruira infaillihlemeltt le corlmercc, I'iuclustrie, l'agriculture mme ! Il veut bicn convcnir, toutcfois, que les corporations ne Sollt pas SanS altus, ct qu'il y a lieu quelques rforrnes. Il invoque, en termcs pathtiqucs, lcs gloriettses rntnoires de saint Louis, d'Henri IV, de Louis XIY, de Colltert, principaux auteurs, dit-il, de Ia r'glcrncntation de I'indLrstric. Une seule idc juste cst noyc dans tout ce fatras, c'est la ncessit cl'assurer la loyaut de la lal-rricationr. Il fut pass outre l'ctrregistrerrlent. Tandis qLrc le parlemeut peignait le peuple dans la cottsternation, lcs ouvriers, ivres de joie, couraient la villc clans des cart'osses de rcruise surchargs
d'hommeS, encomJ-rraient les guinguettcs retentissantes dc chants il'allgrcssc tels que le viettx Falis n'en avail jamais entendu, et bnissaient ia libert et son auteur aYec un dlire inexprirnablc. Lcs paysans eux-mlttes, Si lents comprendre lc bicn qu'on vcut lcur fairc, mais si pelsvcsrants poursuivre I'espt'ance une fgis entrevuc, cornrnenaieut s'mOuvoir profondment. Dans lcs Cl;rsses moins directettlent favorjscs par lcs tncsut'es du pguvoir'

tout ce qui n'lait pas aveugl par l'intrt ou par

lc prtjug ne clc's clits, prarnbules pouyait s'empcher d'tre touch par ccs qui respiraicnt une confi.nce si gnrcnse, une si nollle arrlcttt

pour lc bicn c[ pour le vrai, une bont si active et si corntnttnicative. L'opinion s'clairait d'hclrrc en hcure. IJne pulllication tout fait opportune mcltilit le par'lentent en contradictionflagrante avec son pass. 0n avait iurplim un ertrait de ses rcgistrcs, or) I'ou montrait que, lorsque Hetrri III, en 158I, dans un l-ntt purctnent fiscal, ayait institu lcs jurancles et matrises datrs un grancl nomllre de villes oir elles n'existaicnt pas, le parlctlctlt avait rsist, cleux anncs durant, celte innovalion, c[ qu'il avait fallu

un lit cle justicc pour tal-rtir le rgirne des jurandes, comme il en fallait un rnaintcnallt poru'I'allattre. 0n ctrt pu aussi rappcler, en favenr des tlits, les rnx cles Etats-Gnr'aux de 1614, si favorables la Iibert de I'intlustt'ie2.

1. Y. le procs-verbal de la sarrce, ap, anc. Lois franaises, t. xxIII. 2. IIm. rle Rachaumont, t. IX, p. 78.- trtercure hisl,., t. clx\x, p. 3lB. - I)eux dclaration royale avait restleint les Jours avant Ie lit dc justicc (10 urar.s), une

virc't

oprations d'une rranque que Turgot autorisa, sans privirge cxcltrsif, sons le no'r clc caisse cl,escontltte,

Turgot. L'argcnt tait ror,rr 4 pour 0, ,roo, cor]*re sous Lo'is xY, par une mesrlre arhitraire du pouooir, mais par Ie mouvcrncnt naturel dcs affaires. ce ta*x fut arlopt p.ur baie rtes
l'tablissement avcc la pr,s'vivc satisfactio n (2rurorl 1?76). c'tnll aussi sur le piccl cle 4 pour r00 que Turgot ngociait vcrs

LItsRB CO[,I MBRCE DBS YINS, J/D L'tat prospre du couimer"cc, I'alronilance et la facilc circulatio' des capitanx, taient d'cxccllents argurnents cn favcur de
u77$)

et clont les

ngocian"ts

ge avait hriss Ia France. Les

lloul'lcs clcux g.a'cles procluclions de notre sol, et, avcc lcs clouancs royalcs, ccs barrircs rnunicipale.s ou scigncurialc.s clo't Ic llloJ,c'

le r'rne tcrnps ernp'Llnt tle 60 rniilion, .n floilanclc, pour '' c|ur i'lrt re'rbo*rscr dcs clcttcs plus lcv, seul gen'e cller'prunl qu'il crrht pennis en bonnc achninistrationr. IJ' nou'cau bienfait r'pandit |alrgresse da's cres provinces entir'es. Ltn dit cl'avril 1776 fit pour lcs vins ce q*e l,erclit cle selrtr:rnbre 1774 et res crits cornirlurcntaircs avaient fait pour les bls' La ci|cuhlion ct le comlucrcc clcs vins fnrcnl clclars libres pa'tont Ie'o1,au'rc, cn acquinart les clroits cl'octrois ou autrcs: tous les droits r't.it'nt pas srppl.irns, rnais toutcs les prohilritions l'taicnt' Les clouancs intricures se tlouvaient ainsi
abolies

dcaux ct clc }larscille, par exerrplc, po'rraiert prus fe.'cr la 'eL,angnedoc, mer auli vins clc la llautc-Guienne, clu cle la pro'ence et clu Dauphin, dans I'intrt cxclusif du ter.itoire cles cleux g'andes villes2. Tout tait acccssible to's. Tu'got ralisait ce
usg'e clans les glises et Ics clotrcs, ordoun l,agranclissement des cimetires ou reur transration hors de |enceinte des vines. Le-iarreme.rt lui-mme avaiL rendu u* a'r't a'alogue pour parisds r765, et le carirrar-archevque de 'Io'louse, LolDinit' tle I3rienne, avait fuit aclopte' la rirnre rlAus son cliocse en1775 et pouss r'asseml-rlde du clerg la "frr,;;. proposer au roi. ce fut ra seule

aristorrnii., uru'icipares

cre Bor_

inh'mations en

T'i-iii;.IIi1 o"
n.'rr!!*''

raire adopter l'assemble.

Y.

rnesur

aneiennes
cre

Lois

franases,

de Turgot,

t' II,p'

'341.

Bailli ,Ilist. ftnancire

Ia France, t.

II,

de Yei.es cn Dauphin, rclaurant auprs tlu corrseil, en l?56, la

2' La police marseillaise punissait du fouet lcs voituriers qui iutrocluisaient 4u vin en contrebande' mmes qui se praignaient ptos du monopole d.e - -Le.s v'les Bo.dcaux ou de nfarsei[e en ,rn plreil da.s reur banricue, et se fer"*".oi.',i rraicnt atrx vins rirrangers, c'est--cli.e a.x vins
des ca'torrs uoiuinr. I_a petiie confir'r*iion tle'i1e ses

.i;
376

TUNGOT.

{1

776]

qu'avait souhait et ce que n'avait pu faire celui tle ses devanciers qo'ot atfectait de lui oplloser' le grancl Colllert' le proLe lit de justice,les excellentes tnesures qui I'aYaient suivi,
grs de I'oltinion clsintresse, semblaient indiquer I'affermisse-

Lent grad*el dcTurgot. Malheureusement

Ia situationintricurene

rpondait pas au mouvement des faits. chaque succe\s augmentit

il tait le nornbre et I'acharnement fles ennemis de la rfortne, et suflit xvl Louis cle morale bien clilficile que la faible organisation chaque longternps une dpense d'nergie qu'il fallait renouveler jour. Le parlement, encourag des marches mmes du trne il continuer la lutte, avait renclu, Ie 30Inars' un arrt dans lecluel opipar des altr, ayant inquicts ( quelques esprits nonait

{, qui ntons sysimati,1u.r, les principes anciens et i.rmua.bles di > tait en il tloivent servir de rgle la conduite des peuples, rsult en divers lieux clcs commencements de troubles contraires La I'autorit du roi et aux droits cle proprit des seigneurs' YaSSaux censitaires' roi du sujets les tous cour orclonnait donc et justiciables des seigneurs particuliet's, de s'acquitter' colllrle put t. pass, dcs droits et devoirs dont ils sont tenus, soit envcrs ]c roi, soit enYers les SeiSneurs, et dfendait d'excitcr, soit par des propos, sr.rit pal. des crits incliscrets, aucuue innovation contraire auxclits droits et usages lgitirnes'' Le peuple dcs c&mpagnes, en effet, cOmmenait s'agiter et rsisler, en Bretagne .t uiu.ors, d'une part aux employs de la ferme, de I'autre aux

de I'etnbraredevances fodals. C'taient les premires tincelles setnent de 89. le Le 3 mai, nouvel arrt contre un livre de I'cole conomiste,

Parfait Xlonarqwe2, la suite d'un rquisitoire furibond


privilges, avouait naivement que

de

Sguier,

la prohibition des vins trangers lui tait indishabitants ne voudrlient pas consommer propres ses cela, pensable, parce quer sans qualit' n Anc' Iofs frottatlses' les vins tle son territoire, " attenilu leur mauvaise t. XXIII' P. 536' 7. Anciennes Lois franai,ses, t. XXIII, p' 525' nom tlui devait s'ilLustrer dans la Rvolution , lc norn de

2. ce livre po"r*it ut} breton.lleaucoup Lanjuiuais. u ttait l,ouvrage do frre aln du clbre reprsentant ridcessrlti de I'insurla de parlait les dr'odls que l'crit foilautrit plus virulent "or.t"" propos en modle tait rection clans certains cas extr'mes. Lc parfair nxonat'que V' Mercure h'st', t" CLXXX, p' ?08' Soulavie' Mm' du l'empereur Joseph Il.
gne de Louis

Xl'l,

t.III'

P. 95.

ri"
[| ??61

TIGUB CONTRB

TURGOT.

377

qui traita l'conomisrne de doctrine meurtrire, < prorluit de I'effervescence que I'amour de la libert indfinie, dont toutes les nations sont tourmentes, a fait natre dans tous lcs curs. > Les lrromoteurs de ces systmes sditieu,n, < prdicants inscnss et furieux, osent se promettre de tltruire tous les gouvernements, sous prlexte de les rformer. r Turgot releva cette insolente harangue pr une lcttre fort vive adresse directement Sguicr. Le parlernent r.iposla en se plaignant au roi de I'offense faite son avocat-gnral. L'opposition de Turgot au rctour du parlement n'tait que trop justific, ct Voltaire tait excus d'avoir applaudi Maupeou. La situation
n'tait plus tolralile. Tout plan de rfbrme fait irnpossible, si I'on ne brisait de nouveau cctte goiste et intraitable oligarchie de Ia robe. Louis xYI n'tait pas la hautcur d'une tellc rsolution. Lc parlement avait de puissants allis, et la ligue hostile Turgot
resserrait d'heure en hcure son ccrcle autour du monarque, oltscl

d'intrigues incessantes. Toute la maison royale et la rnajorit

clu

conscil taicnt unies contre le rninistrerformateur. lTlaurepas avait

compris que sa position de xlentor du roi n'tait plus tcnablc ct de Turgot; qu'il fallait se ranger derrire Turgot ou I'ahattre. Il s'tait clonc rapproch de la reine et des princcs. La rejnc et Ie comte d'r'tois, aussi lgers, aussi inconsidrs I'un que I'autre, taient hostiles au contrleur-gnral cause de son conourie: les tantes du roi, cause de sa philosophie; rlortsteur, Ie seul esprit suprieur dc Ia famille, rnais esprit grit par le mauvais cur, affectait Ie rle de df'enseur des privilges, rle qu'ilabandonna plus tard quand il eut rcconnu la force de la Rvolution naissante. Il lana secrtement contre Turgot un parnphlet veninreux o il avait saisi et grossi, avec une insigne malignit, lcs petits dfauts du ministre pour Ie tourner en riilicule; mais il ne se contentait pas de railler Ia raidcur un peu ddaigneuse, le manque d'aisance et d'lirgance qu'on rcmarqllait dans les manires et darrs la conversation de Turgot, et rlue rachetaicnt si bien sanoble figure, son maintien imposant et les jets lumineux de sa parole; il dfigurait odicusement son carctre et ses principes r.
1. Ce pamphlet, irltitul le Songe
de

iI.

de lluureltas, ou

les

M,ntnequins clu gou1errre-

3?s

TURGOT.

u ?761

Pendant ce ternps, Maurepas ernployait tout I'art d'un vieux courtisan jeter I'incertitude ct la crainte dans I'esprit de Louis XYI, nrincr Turgot sans I'attaquer de front, faire entrevoir au roi, dans lcs rforrnes du ministre, la subversion de la nronarchie. Turgot ddaigna trop de se dfendre; clut trop la puissance de la raison ct de la justice;il cut trop defoi dans le roi et garda

il

cnvel's lc vicillard qui I'avait appel au pouvoir, et clui maintenant travaillait l'cn chasser, des mnagernents qui ne lc rarncnrent pas et qui lui facilitrent I'entrcprise. Il pensa n'avoir excit la

jalousie de nlaureps que pour s'trc affranchi de la loi quc celuici avait frrite scs collgues de nc point tralailler cn particulier
avec le roi. I1 reuona scs tte--tte ave c Louis XlT. C'tait s'ter lc seul rl]oycn de rsistcr' I'intrigue. Louis floltait, en proie une pcrirlexit cruellc. Las clc lutter pour son ministre, cornrne si ce n'tait lias lutter pour lui - mrne, frtigu mme, il faut Jricn le ciire, de I'cssor trop lc'v que le gnie de son ministre irnposait sa rndiocrit, il lisitait nanmoins encore manquer aux pronlcsses tant rptes de soutenir TLrlgot. Il balanait entre la peur d'cxcutcr lcs projets dcs novatcurs et la pcur cle lcs abanclonner. 0n ernploya, clit-on, porrr Ie clcider, un u-loycn clui scntait le bagnc lilus quc ltr cour. Louis XTI, rnalgr son honntet native, avait conserv, des clcux rgnes antrieurs, la cltlplolable lrtbitude cle violcr le sccret cle la poste ct cle sc faire rendrc courptc cles letlres qui prscntaicnt quclqtrc intrt politiquc. 0n irnila l'cliture de Trirgot dans une corrcs*pondance clui rcnfcrrnait des sarcasnrcs contre la rcine, des plaisanteries contre Maurepas et des parolcs Jrlessantes pour le roi, et qui fut transrnise Louis XYI. te roi tornba dans le

pige r. l\Iaurepas jugca le rnotncnt vcnu de frapper le dernier coup. Turgot n'avait plus qu'un scul appui dans le conseil, Malcshelbes; car Saint-Germain s'isolait, sans comprendre quc son sort tait
nent franais, fut rpandu manuscrit le ler avril 1776. I\{aurepas alors ne s'tait pas encore enterrdu avec trIonsetLr, car il y esi rirliculis comme Tulgot. - V. Soulavie, IIm. de Bachaumont , t. IX , 1u' avr.il trIim. du rgne de Louis XVI , t, III, p. 107.
1776.

1. CefaitfutrvlDupontdeNcmours, I'amideTurgot,parnl.cl'Angclillers, qui Louis XYl l'avait confi. Y, 01juu. de'Iurgot, Nolice hist.,t. Iu' p. cxr.

u7i6l

CI]UTB DE TURGOT.

attach celui du chef tle Ia rforure. il{aurepas r.solut de lui tcr cet appui. Malesherbes n'avait pas brill dans le rninistre : esprit tendu et lumineux, me sereine et pure, il tait excelleut dans le conscil, mais impuissant dans I'excntion. La bont de

Turgot tait celle qu'exprime si liien I'auteur du testamcnt latin de Richelieu : seuarus ,i,n paucls fui, ut esserlr onubws bonus : la bont de n{alesherbcs n'avait pas ccs rservcs ncessaircs; courageux contre les choses, il tait faible contre Ies personnes. 'rrop sase pOur se mconnatre, il n'avait accept le pouvoir que utalgr lui et n'aspirait qu' le quitter. Turgot l'y retenait pour ainsi

dire de force; s'il faisait peu clans son ministre spcial, rlu
rnoins sa voix et I'autorit de son norn populaire taient acquises toutes Ies propositions du contr'lcur-gnrai, ct I'affcction qu'il avait inspire au roi tait d'un gland secours Turgot. lfaurepas se dbarrassa d'abord de }Ialesherbes.II lui fit, un jour, une querelle calcule, assez vive pour que I\falcsberbes crt cle sa dignit d'cnyoyer sa drnission sur-le-champ. nlaurepas avait cornpt I-dessus. Le roi pressa en vain ]llalesherbes de retirer sa 4r1ission. Leur entretien jinit par un mot touchant de Louis xvl :
Votts tes plusltewrcufr que nto,, ulws pTw)ez abclquer !

La conduite du roi fut tout autre enyers Turgot. 0n insinna au contrleur:-gnral ile donner sa dmission. Il ferrna i'oleilie. Il voulait tourller cornrne un soldat frapp son poste. Le iZ rnai, il vint entretenir le roi d'un nouveau plojet cl:dit prccl, colnlne son ordinairc, d'un cxpos des rnotifs. < Encore un mrnoirc ! > dit Louis avec humeur. Il couta avec clgot, et, Ia Iin, il lui demanda: < Est-ce tout?-Oui, sire. Tant nrieux! > rpli- Turgot qua-t-il, et il s'en alla. Deuxheures aprs, rcut sa Iettre de renvoi. ( Ell; n'tait pas telle, > dit un historicn peu favorable au parti du progrs, <r que pouvait au rnoins s'y attench.e un hotnrne qui, quelques mois auparayant, le roi avait rnancl: /l
n'A a que uTus et moi, qu,i, aintions
le ytewplet

>

- ( probablenrent chute fut acclre par le ressentiment rl'une pelsonnc hau! place la reine), qui avait olrfsru tle Louis XYI uu bon dc SOO,OOO ]ivres sur le Trsor. Turgotfit rvoquer le.bon au roi. Trois jours apr'sil tomba. Ilist, finun-Briili,par cire, t. JI, p. 274. Cette anecdote parait confirnre impliciteuterit la leitre d'adieu de Turgot au roi,

l.

Monthion, Parti,cularitds sur

res ministres d,es finances,

p, 1g2.

on dit que

sa

380

TOUIS

XVI ET TURGOT.

u7761

Turgot rpondit par une lettre, telle assurment que n'en avait jamais crit ministre rvoqu. a... J'ai fait, Sire, ce que j'ai cru de mon devoir, en Yous ( exposant avec une franchise sanS rserve et sans exemple les < difficults de la position oir j'tais, et ce que je pensais de la s vtre... Tout mon dsir est que vous puissiez toujours croire ( que j'avais mal vu, et que je vous montrais des dangers chimt. < riques. Je souhaite que le temps ne me justile pas Versailles, le Palais, les salons aristocratiques, la socit privitgie tout entire, ripostrent par une explosion de joie aux

'

acclarnations populaires qui avaient accueilli autour dcs barrires de Paris et dans lcs chaumires I'abolition des jurandes et de la corve. La vanit, la routine et la frivolit se flicitaient grand bruit de leur victoire : la sagesse se voilait Ie front. Les hommcs

vraiment clairs voyaient tout un monde de pacifiques esprances s'abmer avec Turgot. ( Ah ! D s'cria le vieux Yoltaire,
clont la sensibilit devenait plus expansive et plus passionne avec l'ge, < ah ! quelle funcste nouvelle j'apprends ! La France aulait < t trop heureuse! que deviendrons-nous?... Je suis atterr...

( nous ne ngus consolerons jamais d'avoir vu nitre et prir < l'ge d'or... Je ne vois plus que la mort devant moi, depuis que < [,I. Turgot est hors de place... ce coup de foudre m'est tomb ( sur la cervelle et sur le cur 2. >
que les monarques gouverns par les couttisans ntavaient qu' choisir entre Ia desii r" d* Charies l.' ou celle de Charles IX. Soulavie, Mm. sur le tgne ile Louis XVI,

7. IEuo.

de Turgot,

t. I..; Nolice hist., p. cxlY.

- It avait crit

un jour au roi

t. 1I, p. 55. Louis XYI connut plus tard ce plan sur la grande organisation municipale et reprsentatiye que Turgot n'avait pas eu le temps de lui soumettre' On a e sa main quelclues annotations sur ce plan, dates de fvrier 1?BB' Elles ne sont

pas I'avantage de son intelligence. Durant les douze annes coules depuis la chute de Turgot, il semble n'avoir fait de pas qu'en arrire. la veille de la Il,volution, la rfoe de Turgot lui parait une utopie tmraire, et il n'est proccup que de la ncessit de maintenir I'dlot actuelr le rgime des trois ordres, la hirarchie sociale soulavie, trInt,. d,u rgne ile Louis xvl, t. fontle sur la naissance, etc.

p.

14? et suiv. Nous rrous solmes dj expliqu sur ce compilateur, dont le misraLle caractre et les jugements versatiles s<lnt ilrdignes de tout crtlit, mais qui a eu sa ilisposition une lrultitucle de documerrts pr'cieux, que l'historieu est oblig

- v.

III,

de

jeune p,rdicateur se frt interdire Corisponr;. de Yoltaire, anne 1?76. - Un par t'archevque tle Paris pour avoir fait en chaire, Saint-Germain-I'Auxerrois, dans la paroisse royale, uu loge passionn tle Turgot. C'tait l'loquent et euthou-

lui emprunter avec prcaution et ses risques et prils'

2.

lL17$)

TUII(}OT ET

VOLTATRE.

38{

Le patriarche de t'crnei ne reprit posst'ssion de lui-ntme r{ue pour formuler ces mmes sentiments vr.o plus de calnre dans sa noble E'pitre , un h,omnie. Yoltaire tait ici la voix cle la postrit. Turgot et-il rellernent donn cet ge d'or, autant qu'un ge d'or est possible en ce monde? Et-il ouvcr'[ la Flance une re de progrs rguliers, au lieu de l're des conqutes dbattues dans le sang et les mines? Les errenrs qui se mlaient aux vrits dans le systrne phvsiocratique n'eussent-elles pas fait avorter la rforrne ? - La principale de ces erreurs, au point de vue atlministratif , c'tait I'impt unique sur la proprit foncire. llais, avanl d'arriver cette applicalion cornplte de la thorie, le plan de Turgot comportait une vaste srie de rformes, toutes excellentes, toutes incontestables : la condition de la n'r'ance efit t asscz plofondrnent amIiore pour lui perrnettre de suppolter, sans cle grands bouleyersements, I'i:prcuve d'un systme d'irnpts lre\s-clfectucux, sitns doute, rnais non pas irnpossible en fait comme il le scrait aujourd'hui aprs I'norrne dvcloppement des valeurs mobilires et intlustriellcs. L'preuve, ne russissant pas, n'ctrt-elle pas alnen tout sirnplement la rnodification de I'conomie de Quesnai et de Turgot par l'conoruie d'Atlam Sniith, et I'admission des industricls et des comrllerants aux droits conlnre aux charges attribus d'ahord aux seuls dtcnteuts du sol? La grancle nrunicipalit ne ffrt-elle pas an'ive avcc le ternps drlpasscr le but de Turgot, conqurir le vote dlihratif et les attributions d'une assernble nationale, et n'erit-elle pas prpar les voies une lointaine dmocratie par des transfbnnations progressives? Cela n'ct pas t irralisable, peut-tre, si Louis XYI avait eu l'nergie dc Louis XIV avec les opinions de Turgot. l\Iais, dans ce cas nture, Ia rsistance des deux prenriers ordres, de la magistraturc et de tous les privilgis, n'et-elle pas rduit le pouyoir rfonnateur voquer la force terrible des masses et passer par'-dessus le rgirne intermdiaire que Turgot voulait inaugurer ? - Yaines hypothses ! inutiles dbats ! La Providence ne nous rservait pas ces faciles destines rves par la philanp.
siaste abb Fauchet, si fameux depuis dans la Rvolution. 128.

- \'. Rachaunont, t, IX,

table- < Le rle des philosophes, des sages, est fini aux homnres du destin 2, l

ET TUnGoT. [,1?76] lhropie. La parole de Rousseau taif justifie. La rforme par lui dclare irnpossible avait chou sans retour. ce que n,a pu faire I'homme qui a Ie cwr de L'HpitaI auec Iatte de Bacon r, ce que n'a pu faire Turgot, personne ne le fcra. La monarchie n'a pas voulu tre sauve. La rforme a chou; la Rvolution est invi_

382

touts xvl

: la place est

Expression de Malesherbes. Encyclopd,ie nowoeilerart. Tuneor. Il y a toujours, tlans ra vie des peuples, comme dans ceile des individus, un temps de choix et de libert, puis la fatalit vient: elle n'est que la fille de nos fautes. Ciest uous qui faisous ta iataute, et, venant cle I'homme, elle n'es point absolue.

l.

2. J. Reynaud,,

LIVR

E CIV

L0tilS XTI 1s urrEl


Guerre

d'mrique.-Ou'rnruR' DE r,'nn DE r, Ryo'urron._Clug'i, c'ri_ trleur-gnr'al' Raction. La loterie. Iltallissement de la corve. Rtahlisseurent des matrises et jurandes. I\Iort cle Clugni. La raction ar.rte. I{ecl<er, clirectcur des finances. Rtablissement tle I'ordre tlans la cornptabilit et du crdit public. Rf<rrnies divelses. Voltaire Paris. Ilort de Yoltaire et tle Rousse*u. ItvoLU'IION I'Auueuu. l)Cr,.trr-11roN DES DROTTS. Soulvemelt de I'opiniol e1 faveur des irrsurgents. Rle curieux de Beauma,rchais, Le gouvernement fournit tlcs secours indirects aux insurgents. Dcr,,c.n-a"rrox n'rxrpnND.ricE nns r-q.rs-Unrs. La Fayette en mrique. Le gouverneurerrt errtlain par I'opinion. Trait d'alliance entre la Francc et les Etats-Unis. Rupture ayec l'ngletene. Bataille navale d'Ouessant. L'fnde nglige. Perte de Pontlichri. Expilition de tl'Estaing err Amrique. Prisc cle Ia Domiriique. Perte cle Sainte-Lucie. Conqut" U,, t6n,tguil I{diatiou de la Frarrce entre I'Autriche et la f'r'usse. Paix tle'l'eschen. L'Espagne s'allie la France. Prise de Saint-Vincent et de la Grenade. chec de Savaruiah. Exploits de la marine franaise. Les Espagnols envahisselt les Floridcs. Succs rle Ctrichen contre Roclney. Expdition tle Rocharlbeau aux tatsUnis. Yiolerrces tle la marine anglaise contre les rreutres. I{eutralit armde lu Nord. L'Angletelre attaque la Hollaude et envahit ses solouies. - conqute de Ilinorque' Prisc de Tabago. C'apitrrlation d'Yorl<-Town : une arlie anglaise se renrl prisonnire aux liranco-Amclricains. Reprise des colonies hollandaises d,Amrique. Prise de Saint-Christophe. tle Neclter. Perte d'une bataille - Chutede - Effurts tarclifs nalale aux Antilles. ttaque inf'ructueuse Gibraltar. tlans I'Inde. Surnnnx. Sl"r l,ratailles navales en deux als. Replise -cle Trinquemal. tsussi renvoy dans I'Inde' Haider-li ei Tippo-Sab. Suffr'en sauve Bussi assig dals Gouclelour par les Anglais. Il est arrt par la paix. traits de paris. - Nouveaux L'Angleterle reconnat I'irrdpendance d.es tats-tlnis. La France 1e garde de sr,s conqutes que Tabago et le sngal, et recouvre ce qu'clle a perdu pendant la guerre. L'Espagtre garde llinorque et les Florides.

1776

4"783

Lcs actcs du successeul' de Turgot apprirent au peuple ce qu'il ayaiI perdu. nlaurcpas, quittant I'apparence modeste clont il ar,ait envclopp son ornnipotence, s'tait attribu le titre de chef tlu

38t

LOUIS XVI.

[{?76]

conseil tles finances, colnlne potlr lilat'quer nettetnent la dpendance o iI entendait tenir le ministre (14 rnai 1776); pui iI avait fait appeler au contrle-gnral I'intendant de Bord'eaux, par 1\,t. de Clugni. L'avnetnent clu nouveau ministre fut signal la chute irnrnciiate du crdit public. Les Hollandais ne voulurcnt pas raliser I'etnprunt tle 60 millions 4 pour 100, qu'ils avaient prornis Turgot : le beau plan gnral d'ernprunt 4 pour 100 poor convertir la clette, qui en cortait 5 l'tat, dut tre abandonn : les actionnaires de la caisse d'escornpte ne versrent pas les l0 rnillions qu'ils s'taient engags prter au I'oi; il fallut nrme, pour n'avoir pas la honte de voir fenner celte caisse patrone avec clat par le pouvoir, restituer 2 rnillions dj reus

cornpte sur ces 10 rnillions. Le contrleur-gnral ne sut trouver cle ressources pour rcmdier au discrdit que dans I'insti-

tution d'une loterie royale, institution ilnmorale laquelle le parlemcnt aYait eu le mrite de s'opposer en tlivcrses occasions et qui faisait du roi le croupier d.'une grarrde tnaison cle jeu' La ioterie royale fut crc pal'un simple arrt 6u conscil, sans enregistrement (30 juin 1?76). Le langage prt au roi tait d'unc
avaient bassesse nausabonde. Aprs avoir expos que les n'ranais

la mauvaise habitudc de portcr lcur argent des loteries traugresr (( Sa Majest, ) poursuivait I'arr't,'< a jug que, la prohibition ne pouvant tre employe contre les inconvnients de cctte nature, il ne pouvait y avoir d'autre remde que de procurer jeux, ett leur ses sujets une nouYelle loterie clont les diffrents capables de soient prsentant les hasards qu'ils veulent chercher,
satisfaire et dc {ixer leur got.
>

Le faible Louis xvl souscrivit ces ignominies de la tntue ltain qui avait sign, la vcille , les nobles prambules de Turgot. dclaration royale Quelques semaines aprs (aofrt 17?6), utre
rtablit I'arrciett
u,sagt

Plwr

les rparations

rJ'es

ch'entins, c'est--dire

lit

rpacl'accuser I'aclministration prcdcnte d'avoir nglig ces

convn! Les rdacteurs cle

la dclaration aYaient I'effionterie

lations pendant les deux ans qui venaient de s'couler' Turgot avait support sa chute avec le caltne des vrais philosophes;
grais

voir rentcttre au cou des avait llrise. qu'il malheureux camDagnards la chaine

il

ne put,

SanS

Yerser d.es lartnes ,

u7761

COB YI1ES

ET JUIiANDt]S

NTABLIBS.

385

0n revint sur I'affranchissement cle I'industrie en rnme temps que sur I'abolition de la corve. L'dit qui supprimait lcs matrises et les jurandes fut rapport (mai 1776): on n'osa pas toutefois rtablir purernent et sirnplement les anciens alrus; on rccra Paris les six corps de marchands et quarante-quatre communauls d'arts et mtiers ; mais on laissa subsister la franchise d'un certain nornbre de professions. Le cumul des mtie rs nyn ittcontpatibles fut autoris; lcs fernmes ne furcnt plus exclues rles rnatrjses ; les frais de rception furent rduits; les marchancls et lcs artisans libres qui s'taient tairlis la faveur de l'dit de Turgot purent continucr excrcer leur industrie moyennant un lger droit annucl. Le mme rgime fut tendu aux provinces

qui n'avaient pas, corume Paris, cornrnenc jouir du bnlice de Ia lihcrt, ct r1ti.i n'eurent regretter dans l'dit cle Turgot
qu'une promesse et une espr'ancet.
Les conomistes taient frapps dans leurs personnes en mme teurlrs que dans leurs uvres. 0n n'osa exiler Turgot : le roi n'et

jarnais pu s'y rsouclrc; mais on supprima le rccueil prioclique


de I'alrlr Brudeau ,Les Epttnt.ri,cles clu citoyen, et une cornpagnie dc traitants essaya de fairc condamner comlne calornniateur ce

violent dnonciatcnr des malversations financir'es. Baucleau se df'enditlui-mnre devant le chtelet, et, d'accus, se fit accusatcur aux applaudissements de I'auditoire. Il fut acquitt et exil en province ayec un autre conomiste fort connu, [touhand 2. Le retour de la corve et des jurandes eut uour corollaire le
rcnouvcllernent des barbares ordonnances contre la contrebanrle: la dclaration publie cc sujet (2 septembre 1?70) fait tonner. le roi < contre les gens malintentionns qui ont abus les peuples de I'esprance de.la suppression des fermes des gabelles, aicles et tabacs, en se perrnettant mrne contre les fenniers, leurs commis ef pr'irosris, des dclarnatiorrs injurieuses... cette liccnce a produit ses effets... Dcs troupcs nornbreuses de contrehanclicrs arms ont fiiit cles incursions dans plusieurs parties de notre royaurne : la li'auclc s'es[ rpandue dans cclles de nos provinccs clui sont dans l'tendue de nos fcrmcs des gaLreiles, aides et tabacs (les pays cl'eL-

'

.t:.:rl:Bachaumont' t'

Artci,ennes .tois florladses,

Ix' p' lel'

t. XXIV, p.68-?4,
2

386

LOtlls x\/1.

[r ?r 6]

leclion) ; lcs ernploys et pi'poss tle nos f'ernriers' exposs des rl,rellions , sltoliations et violences de la part dcs fi'autleurs, quelquefois rttt\ulc cle la part des habitants dcs villes et paloisscs, ont
Sou\/ent sucComJt ux eICS COtntltis cotttre cux Ou Ont t COntrailts, pour s'y soustt'ait'e, d'abandonner leur scrt'ice{. n A cc tableau ficlle dc I'il'r'itrtion populait'c, il faut ajotrter qu'on nc l'arleuait lcs paysi.llls la corr'e que par [a forcc et qu'cu les faisant travaillet' littralcrnent sous le bton. Ii s'amassait lt cles colr'es et des rnaldictiorls fontlidablcs !...

lfilurepas colllmena ile llt'enclre llanne. L'iluliopularit et la gnc linancirc au tledans; au dchors des dif{icults graves, les chances crr-rissantes d'une gt'ancle gllel'l'e; Ce n'tait pas avec un aide tel cluc Clrrgni qu'ott pouvtit firile face une situation qui
s'aggravait cle jotrr en jour. Ilaurcpas avait rsolu tle sacrilier le coltrlcur-gnral, lot'sque cclui-ci tornba tr:alade et stottrut (18 octobrc 1776). Racteur vulgaile, il s'tait rnoutr snns application, SanS talents et sans tllurs; ttn contelllporain a donn de son rnittistre la ctfinition suivante : < Quatre tnois de pillag'e dont lc roi seul lte savait rien 2. > Clugni eut pour rerlplaant ofliciel uu conscillcr d'tat assez olrscttr, 'Ialioureau des Raux; tnais I'initiativc et la conduite relle tles finances dul'ent passer, selon lcs intentions cle Maulepas, un persoltllage qui fut donn pour second Taboureau. L'exprience venait cle ltrouver au vieux ministt'e I'irnpossibilit de gouverner avec des cornrnis et des routitres tratlitionuelles : il

faire rcntl'er dans les atfaires lc rnouvement et le progrs, dans des ilroportions moins gralldioses et moins dcisives que soLrs Turgot, illais suffisarttes nilmoiris pour ajoulner lcs orages. LIn seul homttle ntinent, panrli ceux (lue leul caliacit spciale dsignait poul I'adminislrittion, offrait l\faurepas le tlouble avautage d'tre tlll avcc ses ennetttis lcs conotnistcs et llien at'cc I'opinion publique : c'tait I'atlciett
se rsigna I'absolue ncessit cle

di:fcnseur de la Compagnie de.s Intles, le panelgyriste cle Colbcrt I'irdversail'c ott plutt le rival cle Turgot, I'ex-hanquier Necliet'3
l. Anr:iennes Lois ft'anaises, t. I\I\', p. 10?. 2. Mmotres rle IIarrorrtel, t. lI, 1i. 204. - Ii fallttit,lil'e
r:lilrl rtruis'

3. V. ci.tlessus, p. 3'10.

lr770l

NBCKBR AUX ITINANCES.

38?

La bourgeoisie financire et cotnmerante regardait ce richc et habile Genevois cntme son rcprscutant le plus distingu; les philosophes peuplaicnt Ie salon otr sa feurtne hritait, avec moins de grce, mais avcc une rnoralit plus leve, du scepl.re dcs dc Stal. du Deffant et des Geoffrin; ce salon oir granclit lfaurepas par I'envoi relations avec d'un en tait entr Nechcr muroire oir il indiquait les rnoyens dc combler te dficit et la possibilit de poulvoir aux ncessits ventuelles d'une gucrrc en inspirant confiancc aux capitalistes. nlaurepas se dcida cssayer dn Geneyois. Porter au contrle-gnral un tranger, un banqnier, un protestant surtout, lui parut cepenclant trop harcli. il luda la dilTicult en faisant crcr pour Necher le titre nouyeau de dirccteur du trsor royal (21 octolLre 1-t76). Necker dbuta par refuscr toute cspce d'apltointemcnts, voulant prouver qu'il ne restait rien en lui de I'ltotnme d'argent, et que la fortune avait t scs ycux un moyen et non un Jlut. Ce dsintresscment pcuniaile lui cotait peu : il n'tait avide que

[I"

de renourme. 0n a trop et trop bierr crit sur ce personnage clbre pour qu'il soit ncessaire rl'insistel beaucoup ici srtr son caractre. Son portrait si conntl, sa figure et son port rvlcnt au prernier regard ses qualits et ses dfauts : plus de hauteur ct de roideur quc de force ; une intelligence activc et pucltrante, avec de I'indcision dans I'esprit; unc philantlrropie un pelr emphatique, vraie pourtant; beaucoup de faste, de vanit, de vic ertrieure; le besoin d'agir, lc besoin de paratre, mais aussi le besoin d'trc; car c'est unc nature sincrc et droite, aprs tout, et qtri aime la vcrtu comme elle aime la renomme, mais qui n'est point assez philosophique pour tre heureuse par la vertu sans Ie
succs.

Unc hausse consiclrable dans les effets pulilics attesta les


bonnes dispositions des capitalistes, dispositions partagcs par la majcure partie de la population. 0n savait que II. Necher voulait lc lrien colnme nI. Turgot, quoique par cles nroyens diffrents, et I'apprciation de ccs cliffrences n'tait la porte que du trspetit nombre. Il n'y eut d'opposition que chez les conomistcs et dans le clerg. Quelques prlats se plaignirent au roi des irnportantes fonctions confies un hrtic1ue. ( Si le clerg veut

LOIIIS XVL U778-r77i) < Louis, pourra > il l'tat, aurait rpondu }es dettes de acquitter l se mler dc ctroisir des ninistresr. Nechcr comrnena par se souvenir propos dc son ancien rntier en travaillant faire rentrer I'ordre dans ltr cornptabilitd:. Il provoqua un rglernent pour la liquidation des dcttes et le paiernent des dpenses de la maison du roi : lcs chefs cle scrvice, qui prenaient directement les ordres dtr loi, furent invits remettre Sa },Iajest un plan d'conomie cltactrn pour son dparteurent. Toutes lcs pensions, assignes sur divcrses clisses, furent concentrcs au trsor. 0n alrnona qu'il ne serait plus dorenavant attribu d'intrts de favcur pcrsonne dans les fermes, rgies ou affaires de linances. Diverses rgics fitt'cnl runies en une seule. Ce n taient pas cncore les rforrnes, tttais c'tait la prfacc des rforntes. Une autre mcsure fut moins louaIilc, la cration d'un emltrunt dont une partie dcvait se rclnbourser par voie cle tirage au sort, I'autre partie, se convertir en rentes viagres. Turgot n'etrt point admis un pareil expdient. Les rentes viagres i'cposent stlr un principe tl'gosine trop nuisible I'ordle social! Cette cr'ation de rentcs, faite, du rcste, clcs contlitions avantageuses, grce la confiance qu'inspirait Necker, fut vivement attaque au parlemcnt par lc conseilier d'prmesnil, qui demanda les Etats-Gnraus; rnais cet appcl prrnatur demeura sns cho ; le pallcrnent cn tait encore la satisfaction du renvoi de Turgot et n'avait point de malvcillance

388

pour Necher. Il se contenta de recollllnantler en tcrtnes gnraux l'cortourie au roi ct enregistt'a sans difficult (7 janvier" 1777'iz.
l, Mercwre lst. c)raurrron (t. IX,
589. Les tr[ntores secrets, dits de Ra2721, attribuent Nlautepas cette rporrser t1'ec utle rlualrce d'ironie conforrne sou caractre. 2. Sismonrli , Hist. des Franais, coltinu par A. Rene , t. XXX, p. 109' -_ Il f' eut ilals le parlement, sur ces entrefaites, une cer:taine agitation cause par ies mor.r.vements <ies ex,jsuites, qui, disait-on, runissaientles tronons pars de lcur ordre, avaient organis une grande maison cle commerce L1'on, propageaient lcs affLiations tlu So:ri-Cur et rpanda,ient un commentaire d,e l'Apoealypse qui annonait, pour I'qnne courairte, 7777rle rappel des jsuites et la clomiuation du pape tellemerrt tahlie, rrque l'iat serait dans l'glise. " Ce livre firt condamn au feu, et rrrr dit royal inter.d.it aux ex-jsuites les fonctions de I'ertseignemetrt et les fonctions sacer-

etltotit.rl, CLXXXI, p.

p,

dotales dans les villes, et les obligea de souscrile aux Quatre Articles porrr posstier'

des bnfices ou des vicaliats turallx imai 1777). - \t. Dt'oz, /dst. du rgne Louis XVI, t. I"', p.2ii5, et ,lnctennes Lois franai;es,.t' XXY, p. 61.

de

1l---1 LrJr|I

nFoltl{Es DB

liECKBn.

389

inamovibles par dd {inances, et Ie remplacement de ces conseillers I'autorit concentrcr cle I'intention simples commissiois, manifesta discutable fort changement tout cntire rlans le cabinet du ministre,

Lasrrpltressiondesintendantsducomnlerce,puisdeceuxdes

pour une pour un temps rgulier, rnais indispensable peut-tre qui devait en appapcrioa. de rreformes raclicales. Le ministre i.n.u prolitcr de ce changement s'y tait vivement oppos, comme toutes les innovations suggrcs par son subordonn; entre l'horntne des I'honnt)te et mcliocre tlfcnseur de Ia routine et fait son avait Nlaurepas promesscs et des stlLrisantes esprances, rernplac point fut Il ne choix : Taboureau donna sa clmission. trsor fut nominaleruent au contrle-gnral : le directeur du c'est--dire seulernent notnm tlirccteur-gnral des finances, I'entre au que l{echer eut I'autolit sans le titre, tnais aussi sans

le prnseil (Zg juin 1717).1\[aurepas ne fut pas fch d''avoir position cette dans protg son tcxte cle la religion pOur rctenir moins, pour infrieure. Le cabinct cle versailles n'cn devint pas le public franais et europen, le mirttstcre Neclt'er. L** pr.,nires mesures de quelclue intrt qui suivirent la reans des octrois traite de Taboureau furent la prorogation Dour dix (2 aot); I'apviilcs les avec partageait municipaux, que le trsor de la tlansition la tait qui plication au-x postes d'un rgirne Necde ultr'ieures i.rro. la rgie, et qLri i[diquait les vucs (4noher (17 aot),; un bon rglement sur les impts directs pourrait tre vembre), portant qu'aucune cote cl'imposition ne et publique gnrale vrification rl'une augment qu' l'poque en propre vrification paroisse, du produit des foncls de la autres de trois et paroisse Ia .m.. rlcs collccteurs, clu syndic tle

je est sullnotalrles lus, par Ia communaut. Le u{ngtimo d',ndwstr pri clans Is arnpagnes, oir iI occasionnait beaucoup de vexa-

de tions aux contribuables et peu tle profit I'tat. La langue et dela lofs des y parle 0n pice. iusr'ice cette Turgot reparait dans lgiI'accroissemcnt de raison vraie de l,'gatitit; on y donne la tirne cle I'irnilt2. Un tles objets de ce rglernent tait de vrifier
partager les bnfices 1. Les fermiers s'elgagrent I,800,000 fr. comptant,, plus 96' p' t' XIY, Lois ilrciennes I'tat' frunaises, avec g. * Pour- maittenir I'guilibre clans les finances, ii est ucessaire que les revelus

390

LOUIS XYI.
uingtin"t,.s,

U.777|

Ies dclarations dcs propr.itaires sur les


Iequel les taillables taient taxs

scs remontrances, quc les uingt,mes taient

llrernire qucrelle entre Neclier ct le parlement, qui avana, clans

la ri'gueui., et les pr:ivilegics selon cc qu'il leur plaisait cle dclarer. ce fut l'occasion r|irne un tlott, gratu,tt.<Tout

irnpt pou'

d'accorder ct de rparti'elrc-rnrne les vingtimcs. > Le prrlerncnt aurait cu raison, s'il ct e'tenctu par
imposable a

dloit en corps de nation, il faut liien y revenir inclirectcrncnt... L,a conflance a'x clcrarations personneilcs est cro'c Ia seulc inde'nit du droit quc la narion n'a pas exerc, rnais n,a pu perclre,
ce

propritaire, disaicnt lcs remontrances, a le clroit d'accorilcr 4cs s*bsides, par lui-rnrne ou pr ses rcprsentants. s'il n,use pas
clc

droit d'fre consult sur I'iurpt; rnais, applire aux seuls privilgis ct dirige cont.e la peroquation clcs-inrpts, sa
impts : I'hultanif inspira l{cclier ia foppalioricl'u,re courrnissiorr chargrie d'exarniner res moycl)s c|arnriore' rcs rrpihux cre Paris, cration dc la charit clu ,royen gc, qui.r,ait grancl besoin,

I quc tout

fo'ne ana.chiquc{. La jusrice a'riit dict le rglerncnt sur lcs

doctrine n'tait que ra consc'ation

cres

iniqirits sociares sous une

pour sc Perfectionner, de la philanlhropie claire cll xyrrru sicle. L'aspect de I'Iltel-Dieu, rle la salpritr.irr_,, dc Bictre , taitSiclcux : les uraladcs, les vieiilarcrs, res fous, tajcnt cnta-qss 1cs uns siir ics autres dans ccs vastes rceptack's dr.s rnisc\res hnpraipcs. A I,IJirtel-Dieu, on voyait palfois un couyalescent, un r)]ouranf e[ un nrort tcndus cte cte da's un lit ! A Bict'e, u' scul lit 'rne contint jusqu' ncuf vieillards ! La rforrne dc ces oclieux abus, dont Ia tradition rcncl enr:ore anjourd,hui lcs hpitaux un objct d'effroi pour les classcs puvres, fut dcrte, te zz a'r.il 17gl
,

t. XXV, p.

du roi suivent, du moins une certaine distance, le progrs de la vareur cles l_riens, puisque ce progrs, cffet invitable de l'accroi=sement annucl d* n.mrai'e, aug_ mente darrs la mrne proportion tous les objets d.e drjpense. _
146

Arrc. Iois frurttttses,

du pays qui ne permettait de clore que ra ci'quime partie des proprits ei accorrloit tous la jouissance cles prs et incultes), lter"es du lurau l5 marsi c'taitln reste de I'a'iiqoe co'r'unaut clu "lr" clan qui achcvait de disparaitre, Anc, Lois t. XXV,p.

1. Droz, Hist, de touls XVI, t. I", p. 282. premire anne de l,aclrninis_ -A eette tration de Neclcer appartie't un eiit intressant pour l'histoire des institutions sociales : c'est une autorisation aux propriraires et fermiers ri* Boulonnais de cl.re leu's prs, malgr la coutume

franaises,

136.

0'11)

LES IIOPITAUX.

39,1

sur un rapport de l\eclier au roi. L'active charit dc l\I'u l\ecker ayait cr un exccllcnt rnocllc sur de pctites proprtions, clans I'hospice qrri portc cncole aujourd'hui le nom de son pottx; mais la rforrue, prpare, dcrte par Nccher ' lle fut cxtlcute que sous son second rninistrc, la suite d'un rapport rdig, en
1787, par le savant Baillir . La cratiol Paris d.'un mont-cle-pit, institution italicnne qui avait dj t introduite en Flanclre ct en Artois (9 dccrnbre 1777),

la folclation

annttels en faveur des trouveaux tal-rlissernents cle coulnerce et cl'industrie (28 dtlcetubre), rnritent etrcore
cle

lirix

d'tre signals.

Torit cela ne lreut encore passer que potlr cles prlutles, de la part d'un ministre annouc aYcc tant cl'clat; nrais de grands vclncutcnts obligcront Jlientt, sinon de suspctrdre les rtifoltncs
intr'ieures, au tnoins de les suJlordonner uu atttrc i1trt t'allital. La politique extrieure Y reprendre pour quelclue temlts lc prernier r'lc. Le tuottclc tressaillc partout au bruit des artles. Il semJlle que dc grantlcs voix appellcnt clc toutes parts la F rancc rctrtrcr dans l'arne. L'olgueilleuse trionrphatrice de 1763, I'Angletcl'l'c' Yoit son eutpire colonial croulant en rnrique, branl clans l'Inde. Pelclrnt ce tcmlls, un jenne elllpereur, plcin d'tttte arpJlition inquite, Joscph II, chcrche aulour de lui I'occasion d'agir cl, de s;agrandir, n'importe aux clpens de qui; lilus loin, I'insatiable Russie, une trlaill Stlr IeS dpouillcs cle la Pologne, ritenrl I'autre sur la Turcluie et foule clj aux pieds le trait de l(anardji, qu'ellc a dicttl la veille. Tout coup la curiosit publique est vivetnent veillc par la nouyclle que I'enlpereul' cst arriv incognito Paris (18 avril 1777). Lc cotnte de n'alliensteitl , pseudonyrne tt'ansparctrt de I'illustle yoyascur, descentlu datrs uu sirnple htel garui, est par-

tout, voit tout, cotnprend tout. Dn quelques jours il connat Paris Colnrne Louis XYI ne Ie connatra dc sa vie. Il va saluel'aux Invalicles la.cration clu Grand Roi, que Louis.XVI n'a jamais visite1

I. Artc. Lois frcmaise.s, t. XXV, p. 96. - Par un rglement pout l'extinction de la menclicit, on I'oit tpe les atelicrs ile chalit tablis Patis srlus 'I'urgot ataient t maitttetrus. -- lbitI., P.74'

399

I,ouls xvr.

il
il

Lr? 77

s'indigne, l'Htel-Dieu, clevant

pidernent le tour de

la France et sort clu royaume par Gerve, sans aller voir voltaire qui I'attencl : soit gar;ct pour Ia clvotion de n{arie -Thrse, soit crainte de paraitre infoder
la
des Plantes.

sons peu flatteuses avec la pesante inertie du rol et la frivoite de la reine. Aprs six semaines cle sjour dans la capitale, il fait ra_

admirable de l'ducation des sourds et inuets, qu'il tire de leurs lirnbes pour les rendrc Ia vie morale et sociale. Joscph II excite dans Paris une sorte d'enthousiasme et provoque dcs
cornparai-

sa rprobation signale aux intentions rformatriccs du ministre; pntre dans I'hurnble asile oir l'abb de L'Dpe, nglig clu pou_ voir, perscut par I'autorit ecclsiastigue,, se dvoue l,u'r.e

ce spectaclc d'inhumanit que

impriale cctte autre majest phitosophique. Des grands crivai's du sicle, il n'a visit que Bu{fon dans son te'rpre dLr Jarcrin L'empereur avait moins russi dans les provinces qu' paris; avait trop laiss paratre la jalousie quc lui inspiraient

rna.iest

il

tent de catherine II, qui I'avait oblig d'arrter ses nou'eaux empiter'ents en pologne, tait dispos une alliance dfcnsive avec la t'rance contre la Russie, afn d'interdire celle - ci de s'tendre davantage aux clpens dcs Turcs. 0n luda ses insinua_
L'archevque l'avait interdit des fonctiorx sacerdotares comme jansniste. _ l'abb tleL'Iipe que |anne suivante, et bien faiblement' En Dovembre 1?78, une partie des bieris du couvent des Clestins, qui verait d'tre supprim, fut applique la maison des stiurcls et muets. arc Lois frangaisesrt,, L\Y, p,459' La commission forme pour les runions et res suppressi'us de nronastres comnlenait produire quelclues rsultats. ?. Flassan, t. YII, p. l3g.

rclche depuis quclques anncs; rnais on ne savait pas trop ce qu,il entendait tircr de cette alliance. Le nrinistr. ,1., affaires tra'gres Ycrgennes, d'accord avec l\larirepas pour cornbattre les tendances autrichiennes de IIIarie -Antoinette, avait prrnuni Louis xyl contre les projets hostiles la Turquie que I'on supposait l,empereurz. c'tait en ce nroment tout Ie contraire. Jseph, urcon_

ment politique. Tout Ie rnonde avait bien pens que Joseph orooit tenter tle resserrer I'alliance franco-autrichienne, fort

sance et I'unit de la x'rance. Il avait d'aiileurs un autre motif de rnauvaise humeur; n'avait pu obtenir tlu roi aucun

la puisengage_

il

l.

Le gouveruementne vint en aide

lns et de tions; on eut peur cle voir renatle Ia Gtterre desept d'un n0us,e'gager sur l continent lorsqu'il y avait probabilit

[1778]

JOSBPH

II A PARIS.

393

plus grand que veau choc contre lcs Anglais. Un autre tranger, un autre but: dans Paris Joscph II clans I'histoire, I'avait prcc1 secours de la les qui venait solliciter terre {dcembre 1776). Le mauvais accucil

c,tait Benjarnin n'ranklin, soulevs contre I'AngIeF'rance en faveur des Anglo-A*ti.uins

fait

aux projets de Joseph

II

n'en fut

pasrnoinsunefautenorme.0nn'efitpaseulaguerrestrr n'efit le continent; car le lieux Frclric n'en Youlait plus et Jocombat' silns pas soutenu les Russes, qu'on efit contenlls tard, pltrs ieph, reb't, se approcha de Catherine et seconda tzarine sur I'empire o,. ii.u cle s'y opposer, les entreprises de la
othomanr.

L'motion cause en n'rance par le voyage de Joseph II le plus grand lrientt d.evant I'agitation passionne que soulevait eut toutelbis y vncrnent du sicle, la Rvol,urlgN o'Auntpur. II
s',effaa

dans les precette proccupation clu public une grande diversion

que remiers rlois de t?78, fliversion qui ne pouvait d'atlleurs nouun par cause qui fut et doubler le mouvcinent des esprits, encore autretnent bien Paris veau yoyageur. celui-ci, qui remua la tenait pas que Jospt, tI, portait aussi une couronne, mais ne

arriva de ses anctres. Aprs vingt-huit aus d'absence, voltaire Paris Ie t0 fvrier 1778. Tant qu'avait vcu Louis xY, par une espce de convention de repatacite entre Yersailles et Fernei, Voltaire s'tait abstentr embarras un d'tre crainte Ia ratre aux borcls de la Scine. Depuis, polr Turgot, ct la crainte de Ia raction qui sernblait devoir suivre

la chute clu ministre

philosophe, I'avaient retenu

tour tour;

lui mais I'avnement d'un ministre protcstant n'avait pas tard les ouvert avait iI auquel sicle clu prouycr cornbien ce torrent dfcnse aucune : se dcicla Il Larrires tait devenu irrsistiblc.
offic,elte

ne

lui interdisait Ia capitale.IJne

fois arriv,

iI savait

hien

qu'on n'oserait le chasser. Le clcrg, en ef{'et, sollicitainutilerncnt


ilw rqne ile Louis NVI, t' V, p' 49' Soulavie cite en entier un trouv dans lcs papiers de Louis IYI; c'est une critique trs-iiltressant, urmoire de Grimoard. de I'adurinistation d.e M. de \tergennes, qu'il attribue au comte

l. Souiavie, llmotres

39I

LOUIS XVI.

u 7781

de ses btirnents co'r'randcr au sculpteu' pigalle Ia starue du vieillard de Fcrnei, et le ministre de sa maisnr .fen.re aux journaux de I'attaqucr. cette dfe'sc f't ensuit

son expulsion du roi et dut s'cstirner hcureux que Ie prince cles novatcurs ne ffit pas pr'scnt Louis xvl. I..,a r.eine et le cornte d'Artois le voulaient; car ils se laissaient emporter au courant cle la'og'ue, n'avaient encore aucun parti pris en faveur du pass et nc redoutaient des novateurs que l'conomie. Monsieur, qui affectait Ia rserve et la gravit, ne se pronOnait pas clans Ic rnrne srns. Le rigide et dvot Louis xvl rcfusa de voir l,ewtcntr, d,e Ia rerigiort et des lto,,tes m@Lr,rs; mais ce fut tout. s'il laissa prcher coirtrc Yoltaire dans sa chapellc, il laissa, par compcnsation, le clirectcur

'oix son acclamation irnlnense

e rvor1ue snr Ies cris du clerg; rnais qu'irnportait ce flot tle I'opi'ion qui e'tr.anait tout, cette publique qui touflait toute opposirion sous
!

hospitalit2; chacun mcndie une parolc, dr grarrc] 'ri souri'ecou11c homme, qui trne l au niilieu cles encyclopi.listcs lll monarque entour de scs pairs. < Le regarcl de Louis xly n,a'ait pas produit plus d'effet sur unc cour clont il tait aclor. que n,en produisait le regard tincelant cle voltairea. r Au dchors, urc foule cn{.liousiaste se dclour'rage cle ne pou'oir t'e achnise clans lc sanctuairc, cn attendrnt la sortie cle I'illuslre vieiilarcl ou son apparition aux fentres, et cn lui faisant partout un cortge triomphal. ses rnoi'dres mots courent pa'is ct la rtra'cc. 0n courilte ses pas; on cornmente toutcs ses dnrarches; on rapportc avcc attcncirisscmenl qu'il s'cst prcipit sur lcs rnains de Turgot en fondant en larmes et en s'criant : < Laissez-nroi baiser cctte rnain qui a sign le salut clu peuple ! > 0n racontc la scrre imposante qui a cu iie* rorsgue le croctcur Franlirin, cc savant i[ustre
Amelot, crature de i\Iaurepas et successeur de Malesherbes. ,r,jr;"lll,"t clu rrrartluis de \rillerte, au coirr de la ruc de Beaune et

La ville ct la cour (le temps est pass oir I'on clisait la co'r et la ville), toute une gnirratio', tont un peuple de gra'ds seigneurs, de de gens de rettres, cl'aitisics, cle Iava'ts, sc pl.csse 'ragistrats, dans lcs salcns de l'hfer ou rroltaire a accpt n'c so'rptuense

l.

du

quai

Lacretelle, Ilist.

itre

lrrance

pettr),'ttr,l /e

xyrrr."

sirrc/e,

t. v, p. 15g.

[T7?8]

1/OLTAIIiE

PARIS.

305

devenu un dcs princi|aux motcurs d'une glorieuse rvoltttiotr, cet homure qui a
Ravi Ia foudre au ciel et le secptre aux tyrans t,

prier Yoltaire de bnir son petii-fTls : < Dieu et Ia liberti: ! s'est cri le vieillard de t'crnei, voil la seule bndiction qui convienne au pctit-fils de I'ranlclin!> Paroles augnstes qui consacrent la bouche qui les prononce cornme le front qni les reoit, paroles qui purifient les derniers jours du patriarche du
est venu
xvrrre sicle, et sont comme la formule du baptme confr par la

n'rance philosophique son cnfant d'adoption, au nouveau rnonde rpublicain clos par del les mers!

Cette reprsentation continuelle, anime de tant d'motions, les fatigues calrses par les rptitions d'une tragdie, dernier enfant de sa veine potique qu'il arnne d'une main dfaillante sur cette scne franaise oir }Edipe a commenc sa gloire il y a soixante ans, puisent I'artlent vieillard'. Le sang s'chappe de sa poitrine halctante. En quelres jours, il semble I'cxtrrnitcl. Moment d'attente et d'anxit universelle ! 0n ne s'inquitc lias senlement de voir finiro mais cle voir comnent finira Yoltaire. trn vnernent singulier et nouveau a constern le clerg clcux ans auparavant : un prince du sang, ce Conti qui a jou depuis trcnle ans un rlc fort rnl et fort quivoque, est mort le 2 aorit 1778, aprs avoir refus les sacrements d'une croyance qui n'tait plus la sienne. Le clerg espre rparer, et fort au del, I'impression de cette mort phi,losoptlr,iqwe, s'il peut induire le patriarche mme d"e l'intltitd rnourir dans le giron de l'glise. Un prtre russit pntrer auprs de Voltaire. Le philosophe, dans de moins graves circonstanccs, n'il rnontr qrre trop de facilit s'accornrnoder aux ritcs du catholicisrne, ou plutt jouer avcc ces rites. Cette fois encore, souhaitant d'viter le ltmit ct de rnourir en repos, il cde, se confesse et souscrit une dclaration de foi cathcr1.
Eripuit
cIo

fnlmen

sceptrumque tyrannis.

Ce beau vers, attribu 1turgot, est, dit-on, du pote latiu l\Ianilius. 2. L'admirable interpr'te ,les crclations de Voltuire et des chcfs-d'ccuvre t'lu sier:ie pass, Lekaiu, venait de disparaitrc de cel.te scne, apr's avoir polt itart tlrarnatique au plus haut degr otr il ft encor.e parveiru en tr'rauce,

396

IOUIS XVt.
scandale

lr

7781

lique, demandant pardon l'gtise du

qu'il a pu lui

causer (2 rnars 1778). La victoire du clerg n'est pas de longue dure. La prodigieuse vitalit de Yoltaire le relve pour un molnent des portes du tombeau; il ne sonsc plus qu' effacer le souvenir de cc qu'autour de lui on appelle un acte de faiblesse, de ce que d'atttres nomment une profanation, et ses derniers jours ne sont qu'une suite de

triomphes. Le lu' avril, il se rend I'Acadmie, qui lui a envoy dputation sur dputation et clui se transporte en corps au-devant de lui, h.onneur qu'elle ne rend pas mrnc aux ttes cottronnes. La plupart dcs rnenrbres ecclsiastiques protcstent par leur absence. Yoltaire reconnat I'accueil du grand corps littraire par un trsbeau projet de refonte de l'ternel Dictionnaire, qu'il veut inaugurer cn sc chargeant de la lettre A r. Le vivace vieillard fait cles projets comme s'il ne devait jarnais quitter cc montle. De I'Acad-

mie, il passe Ia Comdie-l'ranaise. Les dtails de cette scne de dlire, de cette apothose qui paya soixante ans de combafs, sont dans toutes les mnoires. Le burin a ccnt fois reproduit le Cottronnenzent, cleVoltaire, ce scre

du roi dcs philosopltes, clbr aux Henriade ! et aussi, il faut bien : I Dans ccttc soire, qui rsume un I'ayouer', de : V'iue la Pucelle siclc, c'est Yoltaire tor,t'r, enlier clui triornphe par le rnal toultne par Ie bien. C'est ce soir-l que le vicillard put se redire tlans

cris de

Yiue llahomet

V'i,ue

Ia

I'ivresse dc la victoire

J'ai plus fait dans mon temps que Luther et Calvin.

Il n'avart pas tenu l\Iarie-Antoinette que la couronne de France ne vnt s'incliner devant la couronne du poete-philosophe. La
reine, qui tait dj venue applaurlir la premire reltrsentation d'Irne, enl'absence de I'autetrr, tait en route pour la ComdicFranaise, quand un ordre exprs du roi I'obligea de rebrousser"
1. " Ce plan consistait suivre I'histoire de chaque mot dcpuis l'poque o il avait paru clans la langue, marquer les sens divers qu'il avait eus dans les diffrcnts sicles..., employer, pour faire sentir ces rliffrentes nuall(-es, non tles phrases faites au hasard, mais des exemples choisis rlans les auteur qui avaient eu le lrlus d'autoCoudorcet, Vie d.e lloltaire. C'est ce plan que I'cadruie coruurencc d'exrit.
cuter aujourd'hui.

"-

tr??81

I\loRT DE

VOLTAIRE'

397

qui dessinait de plus en plus son clremin. La maison d,0rlans, quelques jours aprs' une rle d amie clu progrs, fit V;ttaire' et au Palais-Royal' La vritaSle ovation ctez iU*' tle Nlontesson rceptioncleYo]taireclrezlcsfrancs-}naonsfutencoreunpisode
dignedemmoire'Leursecretn'taitquelesien:HultAxtt'rol*n-*.r; et, l, le bien tait sans mlange' Ilavaiteusa-,.o-p*nse:ilpouvaitmourir.Surexcit'con. surnparcetteexaltationcontinucllc,ilclernandalesonrmeilun la dose' Cet acciau lauclanum; il se trompe sur
moyen factice,

dentfutsansremde.Iltomlradans'unensourclissenrcntlthar-

giqueclontilnesortitpltrsqueparirrtervalles.Ilrefusa,dansces de foi catholique' un derintervalles, de ,*noon.I.r sa confession niermouvementclejoieranirnauninstantsgnCurquandil appritlestrccsdeseseffortspourlartrabilitationdelammoire dtrrrralheureuxLa}ty.Iiexpir.a,le30inai1778,onzehertresdu fait retcntir le rnonde vcu qriatre-vingt-quatre ans et

soir.; il avait de son nom Pendaut soixante' les honneurs funbres pour Le puhlic rclantlit irnprier.rsemcnt

legrand]romrne:lcvieilarclrevqueetsonclcrgtaientclcids ent tle Louis xYI, inquiet ' les refuser. Le faible go.,.o.rnn

emltarrass,nesutricntrouverdernieuxquededfendreaux

jourtrauxdeparlerdel,illustrcmort,soitenbien,soitcnmal.
Lallb\lignot,neYeudeVoltaire'tiralegouventernentdepcine enenlevantlecorpsdesononcleetenlef'aisantinlrumerdans f vque diocavant que son ahbaye de sceliires en charnpagnc, C'est l que treizc ans aprs' ' sain et le tenrps rle s'y op1'o"''

lagrancleCor'*tit.ra,,tedevaitenvoyercllcrclrerlesrcstesdeYol. qu'elle
dans Ie mOnulnent taire pour les transfrer solerrnellement consacra nos grands llomntesn' desccnclu sous 1'horizon' que A peine l'astrl de Voltaire tait-il

t,autregrantletoileduxvttt.sicles'teignitsontour. Paruncontrastesingulier,maisquin'estpassalrsexetrrple la vie intrieure' c'tait dans les hommes les plus disposs
chez
clerg, Ies -linr'.

juin. L,esp.- a;t"g" i"nbre': " n'rr,


I)itlerot,

l.V.,surlesjourdeVoltaireParisetlesinciclentsrelatifsI'interventiondu cle Grimrn' t' X' avrild;B";;""*orrt' t' XI' -tr*' - Corresponr-l' est de
ton d,ans l'ttbimefuweste,

' ett'r

398

Louls

XVI.

pas-de lecture

chercrrer uue solitutre souvent trouble par les autres et surtout par lui-me\me.Ir y vivait depuis huit ans, toujours plus dtach rtes clioses prsentes (son travail sur le Gormenrcment de porognefut son dernier tribut aux intr'ts de ce et flottant cntre rcs rno'rents de repos 'roncre), moral oir la paix tle la conscience lui faisait goter ce sentirne't conternplatif de cxistence, qu'il appelle rairo*rrr* rre u,ut.ez, et les accs de sa so'rbre hypoconclrie. De r re doubre 'rultiplis caractre de scs derniers crits posr,huuies, tranges alternatives d'arncrtume et de rsignation, d'abcrL'ation et de sagesse.

le centre tumurtueux tlc la grancre vifier, dans con.',le on ra dit, que Rousseau tait venu

ir?zsl
ce crsert cr,,r,nn?t.s,

le matreautel de Notrc-D&me, comrne pour rnettre sa clr,onse ,bo, tu fro_ tection immdiate du Dieu de vrit. Dt, avec cette con'iction d'un complot atroce qui I'a clsho'or, qui I'a pcrdu dans l,esprit de la gnration prsente, qui rui a ali'e;orqo;oux petits enfants, aucun Iiel, pas un mot de haine conlre scs pcrscuteurs : il ne detnancle Yengeance ni cgx lrommes ni Dieu. ( on ne l,entencl jamais dire de rnal de pel'sonne; > il rend pleine justice ses ennemis, tant rels que supposs; il approuu., uo foncl de son humble retraite, les honueurs clatants rcnclus yoltaire$. A ct des preuves rnille fois rptes cle I'ide fixe qui r,gar.e, jamais chez lui plus d'lvation morale, jarnais une clouceur si vangli_ que, jamais un sentiment rcligieux si profond, si pur et si tentlre que dans ces Reueries, qui sont comme son adieu la terr.e. sa
Rue Pltrire, aujourcl'hui rue Jean_Jacques_Rousseau. par des praisirs entasss qu,on est heureux, mais par un tat permanent qui n'est point compos d'actes distincts. , Conespondanoe I lettre <Iu 17 janvier 1770. 3. voyez les Relations de corancez et de Bernardin de saint-pierre. cerui-ci raconte un petit fait d'un autre ordre, mais assez caractristique. un jour, Rousseau, la promenatle, airna mieux endorer ul]e soif arrleute que de toucher d.es fruits en plein vent sans la permission du propritai'e. cet inci,ient, poe"ifun apparence, i'_ dique avec quelle rigueur il tchait e urettre tl'acco'd r" raoitu et ses principes, - 0Euares de Bernardin de Saint_pierre, t. XII.

fier contre des accusations irnaginair.es. un jour, it ,rirtritroe luimme dans Ia un apper patrrtiqur uu* nranais; un autre 'ue jour, il veut aller dposer le rnanuscri t dcs Diatoques suf

se dbat contre les fantnres de son cervcau et s,puisc se justi_

plus clouloureuse que cclle tle scs Dialogwes, ',est oit il

rl

l.

2' " ce n'est poi't

it778l

]loli'f Dli liousstialr.

399

sulllime intelligcnce et solt ccctu aintant planent, pour airlsi dire, sur lc naufrage de la raison pt'atique. Avcc lcs souffrances de l'rne, lcs inlinllits croissaient : la pruvret devcnait plus dure au vieillardr, tlutrt la fiert rcpoussaiI lcs secours rnatriels, de tutnc quc Sit dfiance cartait le plus souvent les cotrsolations morales. Ce qu'il consentit enlln tl'acceptcr, ce fut un asile la carnpagne pour abriter ses delniers jours : il voulut Iinir au sein de la tlature, qu'il avait tattt aiurc; il s'y scntiiit plus prs de Dieu. Ilntre divelses retraites offertes, IXrmcnonville fut choisi, beaux lieux qu'uue aclrniration ingnieuse avait clj peupls tlcs souvenirs de sa Iuli,e.trlais I'infortttn n'apportait point la paix de I'tne clans cet lyse. Il n'en jouit que cl'une uranire biert iruparfaite ct qttc durant bicn peu cle
ternps.
Sa {in est rcste cnYeloppe de rnystre. 0n a prtendu (ct cctte cpinion a t adoptc par beaucoup dc ses plus sincres adtlrirateurs), c1u'en proie d'incurables douleurs physiqucs et, morales, et se scntant dsormais impuissaut faire lc liien cn ce rnonde, il crut pouvoir abrgcr sa vic et < se jeter avec confiance dans le

sein cle I'crtctnit2. > Lcs principes cle Rousscau contre le stricide ne suffiraient pas carter sans rplique cette oliinion; ccs principes, assis plrrtt sur le devoir enyers I'ltutnanit que Sur le devoir envcrs Dieu, n'taient pas suflisamrnent absolus, et le lilire arbitre pouvait rl'ailletrrs 'trc altr cn lui par la surexcitation tnentale. trIais d'autrcs rnotifs, puiss dans la comparaison clcs tmoignagcs conternporains, nous paraisseut prernptoircs. La prcrnire rclation de la mort dc Rousscan, celle du mdecin Lebgue de Prcsle, seurble cncore la plus digne cle foi pour le lbncl, l-rien t1u'il y ait un peu tr.op d'en"rphasc dans
Jean-Jacqttcs. Le 3 juitlel

la fot'utc et qu'on y

fhsse trop discor'ir

ru tuatin, Jean-Jacqucs Se serait tlonc scnti tr'sgrande anxit et de vives douleurs d'entrailpt'is d'une nralade, quc la tlernire heure approchait : il Iit le sentitnent les : it ettt
l. pauvret qui 1e I'empchait pas de partager son pain avec la tatte octognaire qui I'avait lev. 2. lielation de Corancez,

400

LOUIS X1'I.

u?78j

onyrir les fentres pour revoir encol'e la verdure et le soleil. < Le soleil m'appelle... voyez-vous cette lurnirc iurrnense?... voil Dieu... Dieu moouvre son sein... tre des trcs!...r La crise qui
se prpare depuis quelques heures clate; frapp d'nne apoplexic srcuse, il tombe, Ie visage contre terre... Aux cris de Thrse, son hte, 1\I. de Girardin, accourt; on le relve; peu de moments aprs, il n'tait plust ! Par une cahne et brillante nuit d't, son corp$ fut dpos en silence I'omLrre des peuptiers, clans un lot d.'un petit lac, au fond de cette belle et rnlanccliquc solitude d'Ermenonville, o les mes sensiblcs et mditatives afflurcnt cornme un saint plerinagez, et o I'on efrt dr laisser reposer ses restes mortels, en lui levant dans Paris cette statue gu'il clemandait si justernent ses contemporains, que la grande constituantc lui avait promisc, et qu'il attend encore. Yoltaire avait {ini au milieu dc toutes les splcndeurs sociales : ii etait mort, pour ainsi dire, sur le thtre, au bruit cles applaudissements. Rousseau s'tait tcint dans le silence ct le mystr'e des bois; chacun selon sa nature. Le contraste avait subsist entle eux jusqu'au bout; et cependant un infaillible instinct public a runi pour toujours dans la tradition nationale ccs deux homues qui se compltent I'un par I'autre. un pote aux rnles accents, Ilfarie-Joseph Chnier, a t la voix cle la postr.it : O Yt:ltaite ! son nom n'a plus rien qui te blesse I

l. Les douleurs d'entrailles firent natre l'ide il'un empoisonnement. On sut qg'orr I'avait relev sanglant dans sa chambre, vec un trou la tte. On en conclut c1u'il s'tait achev cl'un coup rle pistolet, que M. ile Girir.rdin avait vou.lu ctrissimuler le suicide et obterru des mclecins un procs-r'erbal attribuant la mort un p:rrrclrement de srosit dans le cetvau. Le masque moul sur nature par le statuaire Ilotrtlon dment cette hypothse. Il n'y a poiut tle trou de balle, mais seulernent I'iudication d'une double contusiorr avec dchirure de la peau. I)'ailleurs, uri coup clc pistolet bout portant n'et pas produit un simple trr,ru, mais et faib clater le cr,ne et renclu le moulage impossible. Il y a clonc toutc apparcnce que llousseau est vclritablement mort d'apoplexie. - Yoyez tous les argunrents tles deux opirrions con, traires rsums d.ans l[usset-Pathny, Histoire da Jean-Jacques Ilousseaw, t. Iut, p. 4!t) et suir'. 1 et dans G.-H. Ilorin, ssof sur la aie et Ie caractre de Jean.-Jacques ltuttsseuu, p. 2ti9 et suiv.; 1851. Ce dernier ouvrage, fidIe son titre, offre le rclsum complet de tout ce qui concerne la pcrsonne de llousseau. ){ous pouvons ajoutel personnellement, d'aprs la tradition conserve clans la fanrille de l{ourlorr , que ce graad artiste a toujours ni Ie prtentlu suicide de Ronsseau2. La mttd.e s'en lncllil : tout le uonde y courut: la reine v viut,

u7781

VOLTAIRB BT

ROUSSUU.
:

LO{

Un moment d.iviss par I'humaine firililesse,


Vous recevez tous deux l'encens qui vous est dt Runis dsormais, vous avez entendu, Sur les rives du fleuve ou la haine s'oublie, La voix d.u genre humain qui vous rconcilie r.

Quelles que soient, en effet, les transformations de I'ayenir, la postrit ne les sparera ni ne les reniera jamais. Le sentiment religieux de I'avenir, dans les larges horizons qu'il saura embrasset', laissera une place, au moins parmi les ayenues du temple, I'honrme gui a si vaillanrment dfendu I'humanit et la justice, qu'ellcs qu'aient t sur son front les taches et les ombres. Plus prs du sanctuaire sera plac I'homrne qui, pareil au fugitif de

la cit croulante du pass, a emport les dieux, les vr'its ternellcs, tlans le pan de son manteau, pour les transrnet,tre aux Snrations futures. Yoltaire est jug, pour les arnis comrne pour les ennemis; la mmoire de Rousseau est plus dliattue.0n connat Yoltaire en le parcourant, cn I'effleuran[ comme il effleurait toutes choses; il s'ouvre tt-rus en pleine lumirc. 0n ne connat Rousseau c1u'cn I'abordant avec siurplicit, en I'tudiant patiernrnent, en vivant avec lui, en poursuiyant I'unit dc sa pense travers les modifications relles et les contradictions afparentes. La postrit, toutelbis, ne s'est pas laiss
Troie, du rnilieu de
et ne se laissera point abuser sur lc caractre de l'uvre ni sur cclui de I'crivain, que les attaqucs vicnncnt des doctrines rtro-

grades ou du scepticisme. A travers les erreuls et les exagrations dc son esprit, lcs garements moraux tlc la prcmirc lnoili cle sa vie, i'altr'ation rucntale paltielle de I'autre moiti, elle saura distinguer la justcssc de scs vues ct surtout de scs sentiurents fondamentaux, et la profonde sincrit de son cur2.
1. If.-J. Chuier, Eytre l'oltaire. La Corrvention, obissant u sentiment que Chnier e:iprimu, plus t:rrcl avec loqueuce, rtiunit leurs restes sous les votes du Parithon. - Le scntimerrt public n'a pas vu si clairernent le lrppot't de llontesquieu et de lioussr'au. 2. lirisumons ici ce que nous avons ilit surles tloctrines urttiprogressiues cle Rousseau. R<.russcau a vu urle grarrcle vr'it, ri savoir : que lc plogrs tlcs idcs et tles connaisstnces petit malchcr salls un plogrs parallle datrs les mcelrrs et daus les sentincnts, et qu'alors ii y a dcadence rclle sous lc progrs ppalent. Il a exagr cette vi'ritI rrrais les thd'oricieus rcents du progr's I'ont rncorrnlle, pour la plupart, crLusc tle l'ittsnllsauce de lcur sentirncnt rnoral. Il l a sul Il.ousseau, dans l1 Correspottlunce de Grimm (t.X, p. 70;juillet 1?78; r'rouv. rlit. 1BB0), un passage

xrl.

26

l*02

LOUIS XYT.

{{7781

i\{ais

limites de notre uvre. Les crcrnires


nous appartiennent seules erlcore.

ne nous engageons pas dans u' avenir qui

dpasse les

annes de l,ancicnne socit

etrlrrcceurhumains,sans unhonmrederrire l'criooin,.rio.rr"disonscertespassa's un idal vivant, mais sans un hsmme,sans un .oe ,rai, queiles que soient ses incorr_ squences. Ilt o veut-on qu'il puise, s'ir rr'avait la source oiu* lui?_ Si urr ndchant et un rnenteur pouvait wire r',mile, il est clair "r concrure qu,on devrait au sceptir-isme absolu sur tout homme et sur toute parole humaiue. _ Nous te.minons sur Jean-Jaeques en citant un pangyrique que le nom de son auteur rend sans doute digne d'intrt. " Ce ne sont point , a crit Mirabeau, ses grands talents que j,envierais cet honrme extraorcli'aire, mais sa qui fut la source de son oioqo*n". et l,me d.e 'ertu, et jeses ouvrages. J'ai connu J--J- Rousseau, colnais prusieu.s pu.*onnu, q*i l,ont pratiqu;'.. il fut toujours re mme, plein de droitur-e, de franctris" -i;.=;;;;i;: cit, sans aucune espce d,'art pour cacher ses dfauts ou montrer ses vertus. Quoi qu'on pense ou quoi qu'on dise de lui pendant encore urr siecre c,est lespace et le terme que I'envie laisse_ ses dtracte.rs|, il ne fut jamais i peut_tre .rr homme aussi ertueux, puisqu'il re fut avec ra persuasion qu'oi rre p,,o ra sincrit de ses crits et de ses actions' Il Ie fut malgr Ia rr-aturc, ""oi"i, r" r*tu"" et les hommes, qui I'ont accabl de souffra'ces, de revers, dc cal'rnr,ies, .re chagrins et de perscutions. Il re fut malgr les faiblesses qu'il a rvles a,rs les mmoires de sa

par Musset_pathay, 1825, in_Bo, p. 3gg. _ On a nre llous_ f,nd dans ces derniers temps. Nous nous bornerons r\ nier, tle notre ct, qu'il puisse exister un vrai gnie , urr cle ces grantls et lgitimes
seau

J.-J,

beancoup plus impartial qu'on ne saurait s'y attendre, et qui renferme un aveu sin_ gulier dans la bouche de Grimm. . cette me, naturetlemeirt susceptible et dfiante, uictine d'urw perscution peu cruelre, Ia uirit, rnais d,u m,oins forr nanga, aigrie par des malheurs qui furent pe't-tre son prolx.() ouvrag,er mais qui n,en taient pas moins rels, tourmente par une imaglrraiion qu; Jxagrrait tootes les affections comnte tous les prineipes, plus tourmente peui-tre les tracasseries d,u'e femme (Thrse) , qui, pour denreurer seule martrerr" lar d" ro., esprit, avait loig' de ]ui ses meilleurs amis en les lui rendantsnspects; cette me, ta fois trop forte et trop faible pour portcr tranquiilement re frdeau de la vie, voyait sans cesse autour d'elle des abmes et, des fantrnes attachs a lrri nuire. ( Suiveut des dtails sxacts sur I'ide qu'avait Rousseau t-l'une granrle ligue forme lui, ici.e fixe laquelle il raplortait les moindres insidenis de sa vie. "ont"" ) sur tout objet tranger Ia m*rie do't nous venolls de parrer, son esprit conserva jusqu' la fiu toute sa force et toute son ncrgie. , Rien n'est plus juste que ces rflexions, et crest ce qui _ rencr inexcusabre la con_ duite de Grimm evers Rousseaul car il avait trs-bie'n uo, oing, ans uparava.t, poirldro la malaie morale de ce gran<L et rnalheureu* homnre, qu'il firllait pour en activer le progrs. c'est da's tu p"rrog*ei it aoait fait tout ce que nous venons de citer qu'il faut couter Grimm , et non d.ans res nrmoirei de I\I'u d'pinai , espece de contre-partie des conlessions u prutt le roman i"*"a" chez Grimm, remanie loisir, et laquelle on a voulu atttibuer une autorit qu,elle ne rnrite en aucune faon. La parore du fits de ni'e d'pinai doit a.r,oir du poids rlans cette q.estion : J'ai t tmoin bien souvcnt,, crivait-il, " des vifs reproches que I\{"' d'pi.ai a faits Grimrn... sur les procrld,s durs qu,il a'ait eus pour Ie lau]Yre Jean-Jacqnes,_ qui ne les avait pas mrits. , \r. yluures indites d.e Rousseau, publies

interprtes cle [,rne

u?rl3-l?641

aI,tufiIQUE NGLATS[.

la cou'onnc sur ce poi.t. Les Alnricains eussent probablement accord ce rJu'on voulait cJ'eux si on Ie leur erit clc*randel. Ils le refusre't, parce qu'on l'cxigeait. La rvolurion d,Arnrique naguit donc, et c'est l sa grandeur, 4'une questio. dc droit llicn plus que d'u'e qucstion d'intrt rnatricl. Ds 176{, au br.uit cles pro.iets du cabinet anglais, une Dclaratiott cles Droits cre
r,,Hontme

lLlgislaturcs. Le parlcrnent anglais voyait dans les colo'ics'neextensio'cre sa prrogativc;

se passer de leur conscnternent, en vertu tle prcclents rcurontant des (lpoclucs oir plusieurs rlcs colonies n'avaient foint encore de

llrovincia.x. Le goouerneurent de Geo'ge III, sous la malt'aisante i'spiration rte lor Bute, qui dorni_ rrail encore le ministre, quoiqu'ii ne ft plus
rninistre, prtendit

assernJrles, leurs parrentents

au lieu de dernanrrer. Les Arnricains se soumeltaie't sans difficuil aux lois dc doua'e, aur taxes coinrncrciares que re parle'rent Lrritannique tablissait pour tout l'empire; rnais, quanrl il s,agissait dc taxes intrie'rcs et spciares aux coronies, on consurtait leurs

nies anglaises de l'arnriq'e clu Norcr. Aprs la paix cre 1763, re gouvernernent anglais voulut leur faire supporter lcur part es chargcs no''es que ra gucrre avait infligoes ra GrandeBretagne : c'tait juste. I\{ais lAnglete're pritencrit

I'a ffranchisseurent d' un monde. Nous vons indiqu ailreursr re caractre et les progrs des colo_

Il nous faut retou'er de qnrlqu* pas en arrire pour ralrperer i,rs cornrncncerne'ts cle cette rvolution, qui ne fut rien ,rro;n, gu.

un grand signc. Le bri[ant x'rrre sicre s,cn va; un ge orag'e'x et sornbre s'rve I'horizon. L,re dcs icres se ferrne : I're de I'action va s'ouvr.ir. Entre Ia mort de vortaire et ceile dc Rousseau furent tirs les prerniers coups de ciuron de la guerre d,Arnrique.
Rousseau cst

L'a''e l7?B est sole.n'elle. La disparition de voltaire et de

&03

imposc'

il

Ie droit cle tarer

seconda vorontiers

vie. J'-J. Rousserru arracha mi[e fois plus ses passions qu,eiles n,ont pu ]ui drober..' Quelque abus qu'on puisse faire tte ses propres confessions, elles prouveront toujo'rs la brrnne foi d'un hornme qui parla comme ir pensait, c.ivit comrne il parlaitrvcut colume tait trop gra'd pour ne pas aimer vertu, quoiqu'il aii.eu le rnalheur de ne point la pratiqu. 1. Y. notre t. XV, p. 466.
dc

J'-J'

Rousseau,

t' I", p' 800.-\Iirabeau

il crivit, et mourut

onrrnu

il avait ulau. ,, y. llusset_lrathay,

f1s$. ra

&0&

LOUIS X\II.

lr 651

fut fonnule dans la Nouvelle-ngleterre. Ds lors on put reconnatle qu il y avait un abme entre la vieille Angleterre ct cettc nationalit naissante, cntre trne socit de fait et de tradition et une socit de droit et de raison; grande erreur de ne voir clans I'Arnrique, colrlrne on I'a dit quelquefois, qu'utte Angleterre renforce.

Lacration d'un papier tirnbr (22 mars 1765)fut Ie signal clc la crise. L'Amrique, prvenue des intentions du gouvet'nement anglais, tait dj en fermeutation; les presbytriens, atritus de serttiments dmocratiques, avaicnt profit de cette sittration agite pour s'organiscr en association gclnrale, ce qu'on les avait toujours ernpchs de faire, ct cette association religieuse devint un vigorircux instrument politique. L'acte du timhre fut accueiili par des drnonstrations de deuil et d'indignation profonde. La lgislature de la Yirginie, province d'otr allait sortir le librirtcur de I'Amrique, dclara I'acte du tintbre inconstitutionnel; scs Itisoltar ,ions n'cnrent pas le caractre thorique de la D,cl,aratiott tlts Di'oits pulilic dans lcs provinces du Nord; rnais le dhat prit chez ellc la physionomie la plus rnenaante. Dans ce pays de caual,iers ct d'piscopar.Ln,n fit ouvcrtctnent appel la mmoile ile Crottt'wcll, collllne on I'etrt pu faire sur les rives puritaines du Connecticut. Le mouveurent fut plus yiolcnt encore dans laNouvelle-Anglcten'e, foyer de la drnocratie arnricaine. 0n nc Se contt'nta pas d'aullollccr la rsistance, on Colnlilena cle I'orgauiser. A Boston, cctte gloricuse vilte qui tait et qui est toujours le vrai centre moral dc I'Arnrique du llord, autatrt qu'un centrc est possible clans ce nronrle si vari et si lilire, Boston, les dfcnseLlrs t tlroit canslittttiottnal S'assemlllaient SouS ull granrl orlne; on le nolrlllla l'u"bre rle Ia l,ibcrtc. Lt:s rejctons de I'arbre de Boston couvrireut bientt l',\nrt'iqrie tnglaise; ils dcvaient plus tard passet' les tncrs.. A la'suggestion rle la ltrgislature du Sfassachuscts, la province dunt lJoston tait la capitale, un col]grs extraordinaire de reprsentants dcs colouics se runit Nen'-Yorh. Le congrs, avec autant dc ntodration quc tle ferrnet, eltalllit que les habitants des colouics avaient les tumes droits que lcs natrifs de la GrantleBrctagne; qLte, ne pouvaut trc reprsents dans le parlcrnent, ils devaicnt l'tre par des assernlllcs locales exclusivemeut inles-

u766-r7681

RHYOLUTTON

D'AS,rUfiIQUU.

405

ties du droit de les taxcr. Le congrs adressa une supplique Ia cOul'onne ct une adresse aux deux chambres pour rclamer I'abrogation de I'actc du timbre. comme moyen de coercition, on rsolut de frapper I'Angleterre dans son plus 'cher intrt, dans son commerce, et partout se formrent des associations dont les membres s'engageaient repousser les produits britanniques, au prix de toutes lcs privations, jnsqu' ce que rparation efit t accorde aux colonies. on fit plus : on empcha le dbarquement et Ia distribution dtr papier tirnbr, et, I'adrninistration de la justice civile et le commercc se trouvant ainsi suspcndus de fait, la lgislature du Massachuscts se pos hardirnent en facc clu parlement anglais et autorisa les citoycns se psser du tirnbre
dans les transactions.

Le gouvcrncment liritannique s'tonna ct mollit. Lcrd chatham avait soutenu, dans le parlcment,la justice de Ia cause des colons. Le ministre ITt rvoquer I'acte du timbre (18 mars tz66), mais en maintenant thoriquemcnt lc droit lgistatif absolu clu parle-

rnent. Lord thalham renlra au pouvoir; nais, comme nous I'avons dj dit ailleurs, lord chatham, us par de cruelles souffrances physiques, ne fut que I'ornbre de lui-mrne dulant son
sccond ministre. L'arnrique se rdjouit dc sa victoirc et clu retour de ce grancl

hornme aux affaires; mais elle se rijouit, pour ainsi dirc, sous les armes, ct fit bien ; car les coilgucs de lorcl chatharn, cl'accord avec le parlernent, ne tarclrent pus faire une nouvclle tentative d'arbitraire en enjoignant aux colonies cle liyrer de certaines fournitnrcs aux troupcs. La lgislatLrre cle Ncrv-yorh refusa; elle fut suspendue par acte drr parlcrncnt, jusqu' c'e qu'clle et obi; puis ie parlemcrrt vota la cration de droits sur le papier., sur le verrc, sur.le tli, ctc. (1767). L'asserirlrldre du llassachusets donna le signal cle Ia rsistance par unc circulaire aux autres lgislatures coloniales. Les rcprscntants du }{assachuscts y revendiquaient la fois leurs droits nnturrels cornme honuncs, ct leurs droits lgaul commc Anglais. lrr' gouvcrneur de la provincc cssa I'assemble. La lgislature suivnulc prit lcs mrncs crremcnts. Elle fut casse son tour (17t13t. Les lgislatures dcs autrqs colonies approuvrcnt haute-

406

LOU TS XVI.

l{708-17? 0l

ment l'asscmble du Massaclmsets, ct Ie peuple de cctte provincc rernlrlaa l'assernble dissoute par urlc conuention extraordinaire.

La convention, prohibe par le gouverneur colnure illgale, sc spara, mais en laissant dcn'il'e clle un comit d'organisation,
tandis que le goutrerneur, dc son ct, recevait des tr"oupcs d'r\ngleterre et lcs installait dans Boston. L'Anrrique anglaise s'agitait pour urr grand but. L'Angletcrre, pendant ce teurps, tait en proie des troubles qui scrnltlaient rvler des symptmes de dissolution politique plutt que de rgnration. iln 1769, I'occasion de I'arrcstation du fameux lVillces, poursLrivi liour des panrphlcts, il y eut Londres cle violentes meutes. Le peuplc promclta par: la ville un char poltant une jenne fille, nvcc I'inscription: Libert. Sur I'un dcs ctd's du char on lisait : < Charles I*", corironn en 1626, dcapit en 1649 ; > surl'autre : < Jacques II, couronn cn 1685, chass cn I688; ) et derrire le char : < George III, conronn en 1?60, puis... r Lord Chatlram, trangcr ilux tlerniers actes du rninistre, se retira et laissa ses collgucs sous le poids cle leur impopulalit. Ils n'en gardrent pas moins la niajorit clans un parlerncnt soiidaire de leurs fautes et firent un pas de plus dans la voie fatalc o ils taient rentrs. Ils crurent intirnider les colons cn fhisant passer au parlcmcnt un acte portant que les dlinquants d'ntriquc pourraicnt tre jugs dans la Grande -Bretagne. L'exasirration des colonies arriva au comble. tlne nouvelle lgislature tlu Illassachusets rpondit en demandant l'loignernent des troupes anglaises, la mise cn accusation de son gouvcrncul', et en protcstant contre la suppression du jury. Les autres provinces suivirent Ie rnouvement. Les associations contre I'inrportation des produits anglais se renouyelrent sur la plus 'r'aste chelle : on nota d'infanie quiconque ne s'y enrlait pas, et lcs esprits les plus srges et les plus mcsurs se familiarisrent ds lors avec la pense d'un recours aux armes en dernicr ressortr. Le premier sang vcrs Boston, le 5 mars l7*t0, dans un engagelnent tumultueux entre
les soldats et Ie peuple, sernbla

rejaillir

clans toute I'Arnrique.

Le gouverncment britannique hsita pour la secondc fois. tln

I.

V. une lettre de lYashington, d'avril 1769, dans sa Ie, trzduite par M. Guizot.
1.12.

t. I"', p.

Lr77 0-177 41

VOLUTION D'A]\TnIOUB.

{*07

louveau chef du cabinct, Iord North, sur ies clis des marchancls anglais, que ruinait I'interruption du cornmerce avec I'Amrique, lit supprirner lcs droits rcemment tablis, except celui sur le th (1770). Concession purile. Dans une telle question de principe, c'tait tout ou rien. Lcs Arnricains se relchrent de leur rigueur enyers les produits anglais; mais ils maintinrent I'cxclusion du th apport par navires anglais. Il y eu[ peine une trve. L'irritation se raviva bientt propos d'un acte du parlcmcnt suivant lequel le gouvcrneul'et les juges, dans chaclue colonie, devaient tre dsormais appoints par la couronne et non plus par les assernbles coloniales. La lgislatule du llassachusets nia fonnclIement aux deux chaurbres le droit de faire des lois pour les colonies : c'tait la preurirc fois quc la suprelmatie du parlernent tait rcpousse en termes exprs et gnraux. La rsistance lgale tendait devenir rvolution (1772). L'arrive de fortes cargaisons de th, envoyes par la. Compagnie des Indes, dcida la crise. Une troupe de Bostoniens, dguiss en sauvages, alrordrent les navires entrs dans le port de Bostorr et jetrent les caisscs de th Ia rner. Cet exeurple fut imit dans les autres provinces (1?73). D'une autre part, I'asscm-

ble du l\Iassachusets vota la rnise en accusation

des juges qui

consentaient rccevoir leurs appointements de la couronne. Le port de Boston fut mis en interdit par le parlement une nonne

majorit, malgr une opposition o se signalrent Fox et Durrre : lord chatham, aprs deux ans de silence, tait yenu apporter en vain I'opposition le'secours de sa vieille gloire (1774). Lorct North, le chef du nrinistre, plaisanta f<rrt spirituellerncnt sur I'invocation des droits natwrels par les colons : il n'avait vu ces droits-l crits sur aucun parchemin. 0n ne plaisantait pas, de I'autre ct de I'Atlantique. La lutte de Ia libert fut inaugure sous les formes religicuscs ernpr.untes la Bible par les nations protestantes. Un jerlne gnr'al fut
ordonn par toutes les lgislatures, I'excmple de I'asscmble de Virginie (1.. juin 1774); puis les lgislatures forrnrent, par voie

de dputations, un nouyeau congrs gnral comme en

176b.

Celui-ci'devait porter de bien autres consquences. L'association gnrale contre I'interdiction des produits anglais

408

'Lours xvl.

tt??al

n'attenclit pas la rnuion du congrS pottr se rorganiser sons la forrne la plus solennelle. Elle s'engagea ne se dissoudre qu'aprs Ia rouverture du port de Boston et la pleine ct entire reconnaissance des droits des colonies. La syrnpathie la plus univcrselle et la plus efficace aicla Boston supporter la suspension de son existcnce colnrnerciale. Les villcs voisines reftrsrcnt de profiter du maltreur cle la noltle cit. Llne admiral-rlc unit dc sentiments clatait dans l'rnrique anglaise, I'exception d'unc faible minorit de royalistcs ct d'aristocratcs. Lcs provinces dr-r Sud rcnoncrent, aYec une rsignation digne d'tre un ternel exernp)e, tous les objets cle luxe et dc conrfo?'t quc leurs riclrcs propritaircs sernblaient dans ia ncessit dc dctnandcr' I'Anglctcrre. L'exaltation publique redoubla I'arrive rlc uonvellcs lois qui
changeaient

aofit t't74)' La infme et clclara 0n province entire refusa de s'y soumcttre. iratre quiconque acccilterait une place darts la nouvclle consti'

la constitution tltt

l\Iassachusets (8

tution. 0n comrncna cle refuscr I'irnpt, c'est--dire les ancicnnes taxes constittrtionncllernenl tablies. Le gouvcrneur ajourna la session annuelle de la lirgislature. L'assctnlilc fut lue ct runie, rnalgr la clfcnse clu gouvclncur Concortl, vingt rnilles de Boston, tandis que le congrs gnral s'ouvrait Phiiadclphie, capitalc cle la Pensylvanie (5 septctnbrc I-t74). Les inslructions
des cTputs au congrs, fcrines tnais mcsurcs, cartaicnt encore toutc itlc cle sparatiou cntre les colonics et la tnre patrie, et ne rclauraicnt que le reclt'essctlrent dcs gricfs. IIais, cu tume ternlts, Ie cottgt's dcicla qu'on sccoun'aiI pa| la forcc Boston et

le

gouvet'nc-Ient anglais ernplol ait la force contrc cctte villc cl cette province, et iI prit des lncsurcs afin de rgulariscr la prohibition tle I'iinportation anglaise, dc prparer la prohibition tlc l'exportation pour I'i\ngletcrre et la cration de rnanufacturcs atnricaines; il recornmaucla aux marchands amricaius de nc point abtrscr des circonstilnccs pour augmenter le
i\fassachuscts, si

le

prir

Le congrs fonnula une lcunltloN DES DRoITS c foncls la fois srtr les Jois imrnulbles de la nature, sur les et sur lcs chartcs et lois ;rrinciltcs de la constitution anglaise positives, > et adressa une lcqute au roi, un mInoire au peuple anglais, des circulait'es aux colonics anglaises et au Canada'
des dcnres.

It77 4-r77i)

RvoturtoN

D'AM r,IQuB.

409

L'adresse atrx Canadiens tait pleine de citations de ilfontesquieu. Le langage cJe toutes ces pices, remplies d'clat et de force, attestait une socit qui entcntl s'asseoir sur le droit et la raison avant tout, comlne nous I'avons dit, mais SanS rcpotrsser la tradition et en lui faisant sa juste part. Pourquoi l'et-elle repousse, en cffet? Les Iiberts traditionnelles venaicnt d'ellcs-mmes aboutir

la grantle lihert philosophique du xvllle sicle, comtne les.


rivires l'Ocan ! La Rvolution franaise nc put combiner avec cette facilit les deux grands lrnents cle la vie des nations, le droit philosophique et le droit historique; elle n'vait pas sous la rnain la traclition immdiate de libcrts toujours en action : de l cette sublime tmrit avec laquelle eile se lana dans la raison pnre et le droit absoltr. L'Amriquc, plus heureusc, a eu tout de suite son quilibre : nous cherchons encore le ntre.

Le

congr's Se Spara

en colvoquant une autre

assemble

gnrale pour mai 1775. Les populations s'rlnrent de toutes parts et attendircnt. Le parlemcnt anglais fut renouvel sur ccs entrefaites. La rnajorit'rcsta ministrielie. Lord Cltatham, Fox et Burke s'efforcrent inutilcment de faire prd'valoir dcs principes de conciliation. La pche de Tcrre-Ncuve fut intcrdite aux colonies de I'Arnrique du Norcl. Dfense fut faite de transportcr des armes et des munitions clans ccs colonies. Le l\[assachusets fut dclar relielle. Lord Norttr lui-mrne, cepenclant, esprit indcis au fbnd sous des apprenccs hautaines, fit voterune sortc dc plan de transaction vaguc et confus: Ies colonics se scraicnt reconnues, en tennes gnraux, obligcs de participer aux dpcnses commnncs. Cela n'tait pas srieux et ne pouvait arrtcr lc cours des vnements. Les hostilits taient commcnccs. Le peuple, dans les provinccs de Rhotle-Island et tle Connecticut, avait occup des postes, enlev des canons : lc gouvel'ncur du nlassachuscts vonlut, de son ct, s'ernparer d'un dpt d'armcs et de rnunitions fonn par les colons Concord, o s'asscmblait la lgislature de cette province insurge. Le corps de troupes cnvoy dc Boston pour cette expdition fut repouss avec pcrte par les miliccs du i\Iassachusets, qui vinrcnl hardiurent llloquer les Anglais clans Boston (avril 1775) et Turcnt bicntt rcnforc'cs pal' lcs provirtcc voisincs. La lgislature du nfassac]rusets dcrta un paltier-monnaie

&{0

LOUI S XYI.

lt775l

provincial'. Le nouyeau congrs gnral dcrta une arme et un papier-monnaie pour toutes les colonies runies, prohiba tout
commerce avec les possessions anglaises qui n'taient pas cle Ia Granrtre-Alliance, dclara le pacte politique rompu cntre le Nlassachusets et la Grande-Brctagne, et invita les hal:itants de cctte co-

Ionie tablir un nouyeau gouyernement. Le 6

juillct

1778, le

avait t longtemps I'agent officiel cle la pensylvanie, et o il ayait tcnt tous les moyens d'arrter le gouvernement britannique sur une pente funeste r, n'ranlilin fut charg de prparer un plan de confldration et union Tterptwelt pour le cas oir les griefs ne seraient pas rpars. Les douanes furent fermes, et les lrorts ouvcrts toutes les nations qui voudraient protger le commerce

I'union avcc la mre-patrie : il adressa rme rlernire requte au roi et de nouvelles adresses aux Anglais et aux Irlandais; rnais, en rnrne temps, Benjarnin Fr:anlilin, revenu d'Angleterre, o il

congrs vota cependant un rnanifeste o il protestuit cncore contre I'accusation de sparattsme et disait souhaiter le rtablissement rle

des colonics associes, la Grande-Bretagne tant exclue. Il fut dcid que les partisans de la tyrannie seraient renclus responsables des violenccs commises par les troupes anglaises contre les bons citoycns.

Lc congr's nomrna gnral en chef

Georges

\4'lsHrncron, de la province de Yirginie.

La guerre grandissait.

un corps d'arrne anglais, dbarqu

Boston, n'avai[ pas russi faire lcvcr le blocus. Lcs gouverneurs des provinccs du sud, chasss par les colons, hrient rduits faire une Sucrre de pirates sur les ctes et avaient tent sans succs cle

soulever en masse les noirs des colonies escraves. Les arnricains


1. L'histoire des assignafs d'Amrique est curieuse comparer avec l,histoire des ntres, Les colorties anglaises taient dj. farniliarises ei avec I'usage et avec le dcri du pnpier-morrnaie. Le papier t-lu llassachusets, la paix ile 1763fper4ait onze douzimes tle sa valeur. Durant la guerre de I'Indpendarrce, en septembre l?7g, le papier du congrs perdit, dix-neuf vingtimes; en mars 17g0, trente-neuf quarr,n_ timcs; la fin de l?80, soixante-quatorae soixaute-quiuzimes. La circulation cessa, vers cette poque, dans les tats du nord et clu centre, elura encore un au dans le sud, et s'teignit quand le papier ne valut plus qu'un millime. Le congrs, en 1?84, dcida de racheter le papier suivant la valeur relative pour laquelle chacun l,avait regu. Il y en avait p_our deux milliards environ de valeur uoinale. Apres les assignats, les Etats-unis eurent un moment le masimwm la fin de L777; -ui, il" y
renoncrent promptement. 2. Y. les Mlmoires de Franl<lin.

[1

??5-[.]76]

RvoLUTroN

D'altnlQun.

Ltr

tchrcnt d'entrancr le Canada dans leur cause. Le gouvernemetrt britannique, aprs at'oir cl'aborcl irnpos les lois anglaises au Canada, venait de lui rendre ses anciennes lois. Les nobles taient reconnaissants t1e cette rcstaur-ation du pass; le rcste dc Ia population ne pensait pas de rnme, et la grande majorit des Canadiens refusa de prendre lcs armes contre les Anglo-Amricains et favorisa leur invasion. Lcs forts de la frontire, puis llontral, tombrent au pouvoir du corps expditionnaire envoy par les insurgcs. L'attaque de Qubec fut tnoins heureuse (31 d-, cembrc 1775). L'r'que et les noblcs sontinrent les Anglais; les Amricains et. Ieurs amis frauais, n'ayant pu enlever la place d'assaut, Ia bloqurcnt; ntais les Anglais rcurent des renforts considrablcs, et, aprs des efforts hroiqucs, les Arnricains furent obligs d'vacuer le Canada au printemps de 1776. Le gouvcrnctnent anglais tait enfin revenu du mpris absrde qu'il avait d'abord manifcst pour les mutineries des colons : f'aute de soldats nationaux, il cherchait partout achetcr dcs merce-

naires. Sur

le refus tle Catlterine lI, qui n'avait pas voulu lui

ventlre ses Russes, il sc fit livrer prix cl'or de la chair canon par lcs pctits princes allemancls. La lesse fut son principal march de chair humainer. I1 est difficile d'expritner quel degr d'abiection et de dpravation taient tombes certaines de ces maisons souveraines, et particulirement cctte branche de Hessc-Casscl,

si glorieuse au tcmps des guerres de Ia Rforrne2!L'opposition


1. L'excmple avait, t donn par le dus Ferdinand de Brunswick (le Brunswick rle la Rvolutiorr ). 2. On a cit une lettre inouie, incroyable, du landgrave de Hesse-Cassel un tle
officiers; iI faut la reproduire sans commentaire : u Yous ne pouvez vous figurer Ia joie que jtai resscntie en apprenanl, que, de ntille neuf cent cinquarrte Hessois qui se sont trouvs au combat , il n'en est, chapp que trois cent quarante-cinql ce srxrt justement mille six cent cinquane hommes de tusr etpartant six cent quarante-trois mille florins que la trsorerie me doit, suivant notre convention. La cour de Londres objecte qu'il y a une centaine de blesss qui ne doivent pas tre pays comme moltsl mais j'espre que vous vous serez souyenu des instructions que je vous ai donnes votre dpart de Cassel, et que yous ntaurez pas cherch rappeler la vie par des secours inhumains les malheureux ilont vous ne pouvez s&urer les jours qu'en les plivant d'un bras ou d'une jambe. Ce serait leur faire uu prsent funeste, et je suis sr qu'ils airnent mieux mourir avec gloire que de vivre mutils et hors d'tat de me servir. Rappelez-vous que, de trois ceuts Lacdmoniens qui dfenilaient les Thermopyles, il n'en
ses

I!12

TOUIS XVI.

[1? 76]

parlementaire protcsla en vain contre cet ignoble trafic et contre I'appel fait par le gouvernement aux sauvages qu'il dchanait ! comme des btes froccs sur les colonics. A mesure que les colons anglo-amricains confirment plus dignement leurs principes par leurs actions, I'intrt qu'ils inspirent en France va grandissant et envahissanttout. lles sentiments trsdivers, mais galement nergiques , passionnent la socit tout cntire. Tout ce qu'on a Iu, tout ce qu'on a conu thoriquenent, tout ce qu'on a puis dans l'tr'sp rit des lofs , dans le Contrat social,, va se voir ralisri, vivant. Ceux tntne que la philosophie n'a pas conquis, ceux gui n'aimcraient pas dans les mricains les hommes libres, aiment les enncmis de I'Angletcrre. Les uns y voient le triornphe de I'idal nouveu, la grandeur de I'hunranit; les autres la vengcance dc la patrie. Les plus opposs aux nouveauts en France accueillent les nouveauts en Arnrique comme

funestes I'enncmi de la tr'rancer, ct bieu peu, entre les futurs adversaires de notrc Rvolution, comllrennent ie rnot de Joseph II: < llon rntierest d'tre royaliste2. > Cettc socit, qui va bientt se cliviser cl'une manire si terrible, est pour un moment d'accord et ajourne les problrnes intricurs pour suspendre son me aux nouvellcs dc I'autrc hmisphrc. Le gonvernement franais, qui sent le vent soul{ler la guerre autour dc lui, ct qui redoute cette gucrrc 3, est eu proic de vives proccupations. L'opinion irse sur lui avec fbrcc. Lcs avis, les excitations, Iui arrivcnt rlc tous cts. Entre les nornltreux mmoires adrcsss au roi par des particuliers, on en remarque

deux, crits llar un homme d'un'esprit vif et hardi, d'une rcrevint prs un seul. Que je serais heureux si j'en pouvais dire autant de mes braves
Ilessois ! "

1. Et arrssi par une sympathie naturelle et involontaire : l'lnmnte aime nal.wrellentent lu, justice, tant que ses passions et ses intrts ne sont pas engags contre la
justice. 2. Iot de Joseph II une dame qui lui denrandait, dans un cercle parisien, sorr sentinrent sur lcs inswrgents. 3. Il n'avait nullement prpar, comme on I'a clit, la llvolution d'Amrique' pas mme au cornmencernent des troubles, du tenps de II. de Choiseul. Ce rninistre euvoya bien un agent en Amrique pour observer ce qui se passait ; mais il ne lui donrra pas mme d'audicr:e son rctour, tant il tait trangcr ux mouT. trlnr,, de La Fayettet vernents dont on lui a voulu faire un Crime ou un honneur.

t. Iu', p.

11.

9775-I77al BEAUr\tAliCIIAlS BT L'At\tEnIQUE.

LIg

paix. victorieuse, I'Angletcrre retombera sur nos llcs vaincue, ; elle fera la mme tentative pour se ddornmager cle ses pertes. Si I'opposition parlementaire I'cmporte et rconcilie les cleux Angleterres, elles se runiront contre nous. 0n ne pcut conserver. la paix cntre la France et I'Anglcterre qu'en empchant la paix entle I'Angleterre et I'Amrique et en tluilibranl, les forces des deur partis par des secoul's sccr.ets aux Arnr'icains. Il propose de secourir I'Arnrique pr I'inter.rndiaire de particuliers et en exigeant lc sccrct 3. Le rninistre dcs ataires trangres , vergennes, hsitait beaucoup; le roi et xlaurepas encore 1rl*s. Les tracasser.ies les inso,
l.
2. Il venait d'accroltre sa popularit par son Barbier ilc
ses ennemis ne craignirent pas tle

nomme bruyante et orageuse, d'un cractre contest et d'une activit prodigieuse ce Beaurnarchais, qui n'est pour les uns qu'un dangereux intrigant, souponn de prtendus forfaits', Qui est, pour les autres, pour le grand nombre, I'hritier prsomptif de voltaire et I'heureux vainqueur du parlement tr{aupeoue. Employ par Louis xv dans la diplornatie secrte, il avait des relations rnultiplies dans les divers partis anglais et s'tait li tout la fois avec un des rninistres et avec le drnagogue Wilhes. Dans son premier mrnoire (21 septernbre l77b), exagre les prils intrieurs de l'Angleterre, qu'il prscnte comme la veille d'nne rvolution ! c'est une illusion que se sont faite souvent les politiques, I'aspect de troubles qui suffiraient renverser cl'autres .gouyernernents, mais qui, l, ne produisent qu'un branlement momcntan, grce aux hahitudes d'ordre lgal et aux exutoires ouvcrts au flot populaire. Beaurnarchais voit plus clair sur l'mrique, qu'il clclare perdue pour la rntropolc. Dans le seconcl mmoire (2g fr,rier 1776), il cherche drnontrer la ncessit de secourir les i\mricains, si I'on vcut sauver les ntilles francaises et rnrne conscrver la

il

lui imputer des empoiso'nements.


Sulle, uvre

conscietlcicux, offre dcs matriaux


annes dc I'arrcien

quivoque, et qu'et hsit d'avouer ia bclle poque tle la Conrdie, mais prsentant des types originaux et rcrnplie rle vcrve ct de traits piquants, ou I'on reconnaissait I'adversaire de Goeznian. 3. IJeautnrcltais, sa t*iet sr,s tlcri,ls et sen trmps, par II. tle Lontnie, Cc tlavall, trs-

d''n

got

frlrt

rgine.

intressants poLu' I'histgire ,-les 4ernir.es

&t&

LOUIS XVI.

lr776l

la marine angraisc enve's nos btiments firent gagner du terrain Beau'rarchais, qui c'ivait lettre sur lcttre au roi et au ministre. La question fut exarnine foncl en conseil et traite par crit. Nous n'avons pas le mrnoire de 1TI. de ver_ gennes, mais nous possdons celui de Turgot. c'tait en avril 1776, un mois avant Ia chute de I'illustre contrleur-gnral. Turgoi part d'un point de vue singulier et inattenclu chcz lui. Iicartint
Iences de syrnpathies et raisonnant sur la base du pur intrt, il clit que de la t'r'ance serait que ]'Angleterre russt subjugu.r r colonies, parce que, si elles taient ruines, I'Angleterre en serait
ses

l'intrt

afiriblie, et quc, si clles restaient fortes, ellcs garderaient tou_ jours le dsir de I'i'dpcndance et der'eureraierrt un embar'as pour la mtropolc. Le coup d'il d'aigle cle Turgot rcparat bien vite dans la suite du mmoire. Ouelle gue soit I'issue irn'ri,cliate de l'insurrection, annonce-t-il, I'issue dlinitive sera la recon_
naissance de I'indpendance dcs colonies par I'Angletcn.e rnnre,

les mtropoles seront forces d'abandonner tout e'rpire sur lc'rs colonies, de leur laisser une entire libert de commerce avec toutes les nations, de se contenter de partagcr avec les autres cette libert ct cle conscrver avcc leurs colonies les licns de I'arniti et de la fraternit. - n irnporte que I'Espasrle se fa'riliarise ds prsent avec cctte ide r. >
offensive.

toutes les colonies europennes. < Je crois fermeme't que toutes

une rvolution totale dans rcs rapports de politique et cle com_ merce entre I'Europe et I'Arnrique, et I'rnancipation finale de

Turgot pense, comnle yerge'nes, qu'il faut viter Ia guerre

Il invoque,

nies, en dcidant la prenrirc cder:. Turgot, dans scs conclu_

y aurait danger d'ternisel notre faiblesse en faisant dc nos forces renaissantes un usase prinatur. Bnfin, la raison clcisive, c,est qu'une guerre offensive rriconcilierait la mtropole et lcs colo-

l'tat dcs financcs et des forccs de terre ct de mer; on a besoin de temps pour rgnrer ccs branchcs cle la puissance clu loi il ;

cct gard, les r.aisons morales, airisi que

l. Bien peu de temps aprs que Ttrrgot eut formur cette prophtie, nne grane insufrection clata contre l']-spagnc parrni la racc intligrre d liorno et fut le prsage de la rvolution g.rare qui s'opra tre'te ans plus tar.d d.ans I'Amr.ique
espaguole.

Ir.776]

TUliGoT ET L'A[{RIQUB.

t45

sans secorlrs directs.

sions, ne s'loigne cepcndant pas des propositions de Beaumarchais; car il conseille de faciliter a'x colons res moyens de se procurer, par la voie du commerce, les munitions et mme l,argent dont ils ont besoin, sans sortir de Ia neutralit officielle et

sera pas absolument impossible, parce qu'elle empchc.ait pour longternps, et peut-tre pour toujours, un, rforme i'trieure absolument ncessaire.

Rtablir sans bruit nos forces maritimcs, nous mettre en tat d'a'rner deux escadres Toulon et Brest; si la gucrre devient im'rinente, tout disposer pour une descente en Angreterre, afin d'obliger I'enne'ri concentrer ses forccs, et profiter de cette concentration de |ennemi pour envoyer des xpditions, soir aux antilles, <r soit dans I'Inde, o nous nous serions prpar. des moycns d'action. r viter toutefois la guerre tant q.e ccla ne

Tels furent les dernic's conscirs du ministre rfo.mate.r ra veille de sa chute r. ces conseils furcrrt snivis quant aux sec'urs indirects I'arnrique et quant au rtablissenrcnt de nos forccs maritimes 2 : prus tard, on n'y sut pas crroisir ce qu,ir y avait cle meilleur pour le cas de guerre.
de Turgot, t' II. - Il y a dans ce mmoire une obseryation digne de remarquer c'est que I'Atgleterre avait intrt d.'attaquer do eoromun.ement d,avril fin la d'octobre, parco que l'lite de nos matelots occups l pche et nos vaisseaux occups au commerce cl'Amriq.e offr'aient ou" p.oi. r"rira, la Fra'ce et l,Espagne avaient intrt 'attaquer d'octobre janvier, po.r," lon'c.tait le tenrps ou anglais allaient yeudre leurs cargairon, uo Espagrre, en portugal, en
oEuures

l'

ir,n:"O""rr

leures dispositions tait celle qui runissait - une cles meilles offtciers d,e port ou offtciers bleus, rotu-

nances dans les Anciennes,Lois franaise.*, t. ixIV, p.'t4t, ordorrnnces drrns L. Gurin, nt*.'n orit. de Francirt.

commandants d'escadres, de divisions et de vaisseaux dtachs fnstitution indispensable pour faire sentir aux chefs cle la marine la responsabilit qu,ils avaient parfois si honteusement rude so*s Louis xv1, etc., etc. Le principar mrite de ces rformes parat appartenir au chevalier dc Fleurieu, directc'r d.es ports a., arsen&ux, que le miuistqe sartine avait eu le bon ,nrr, ai* prendre "i po'r conseil. v. les orcrcrn_

2' Le 10 juin 1776, ordre fut tlonn d'armer vingt vaisseaux de ligne Rrest et Rochefort' Le 27 septembre, parut une srie d,ordonnances qui rformaient l,aclministration de la marine, abolissaient la puissance exorbitante es hommes ile plume et de bureau, remettaient sous la directn cles officiers rnilitaires tout ce qui regartle la disposition, la direetion et I'excution des trayau-,< ma'itimes; dterminaient la forme et les fonctions des conseils permnents et du conseil extraordinaire de Ia marine' ventuellement charg par le roi cl'examiner la conduite et les oprations rles

II, p. ,3g.

*ii;"pp"u.tation de

ccs

I*tl6

TOUIS XVI.

t{? 761

Vergennes s'tait enfin tlcid et avait dcitl le roi accepter les propositions de Beaumarchais. La faveur personnelle de Beaumarchais auprs de Maurepas, dont il charmait la vieille frivolit, fit peut-tre plus que les meilleures raisons d'tat. 0n donna en secret t un million Beaumarchais pour fonder une rnaison de

commerce qui approvisionnerait I'Amrique d'armes, de munitions, d'quipements rnilitaires : lcs arsenaux seraient ouverts cette maison, mais elle serait tenue de remplacer ou de payer les objets qui lui auraient t livrs. Les mricains rembourseraient ces ayances en denres avec le ternps et les facilits nccssaires (juin l?76). Reaumarchais obtint un second million du gouYerncment espagnol, sur la recomrnandation du cabinet de Yersailles, trois autres millions d'armateurs qu'il s'associa, et se lana dans une entreprise o I'homttte de progrs et de sylnpthie se cornbinait singulirement en lui avec le spculateur. Il

airnait tout, la gloire, I'argent, la philosophie, le plaisir, et le

bruit par-dessus toutes choses. D'antres maisOns de cOmtnerce furent galernent subventionnes dans le mtlre but. L'agent
amricain Silas Deane tant arriv sul' ces entrefaites Paris, on lui refusa ofl,cellemcnt les deux cents canons, lcs artnes et les eff'cts ponr vingl-cinq nrille homtles qu'il demandait la France; rnais On I'adressa offiaiearcem.ertt Beaumarchais, qlri procura tout, rnme, avec lcs canons, des ofliciers d'artillerie et du gnie pour aider les rnricains s'en scrvir. Parmi les of{iciers de diverses armcs qui s'enrIrcnt par cet intcrmdiaire, on rclrrarque lcs noms cle Casirnir Pularvshi, le hros polonais, et de La Rouarie, cpri fut depuis le'pretnier organisateur de I'insurrection contrervolutionnaire rJe la Ycnde !. Les nouvellcs d'ttutre-mer, duranf I'anne 1776, devinrent de plus en itlus tnouvantcs. 0n sut que les Amricains avaient
riers pour Ia plupart, tux olficiers de ,*aisseanx sortis du corps privilgi des gardes de Ia maline, et fhisait preuth'e rang aux officiers d,e port aprs les ofliciers de oa[sseaut cle mme gurdc. La divisiou de la malirre en deux corps, Cont I'un clasait I'autle drl son orgueil, avait, eu les plus ruauvais rsultats. 1. Ce f'ut un secrct nrnre pour les Aurricains. - D'aprs urre lettre dc II. de Vergennes au roi, du 2 mai i776 (V. I-lassrinr t. Yil, p. 1.19), on lit passer en outre des secour.r dilects cl'algertt au congrs, sous le couvelt d'un nonrtn \'Iontaudoin. ?. Lomu,ie, Beuuntu.rcltais, etc. La ltlrrpurt, suivitnt le tmcrignage de La Fayettc, taieut des areuturiels clui russireut assea tnal outre-urer.

social cn action.

[e 4 juillet r77|J., crate q*i ne s'eflacera ja'ais rle ra mmoirc dcs horntles, pa[ut ra ncr,,\nATr'N o,r*onounoAN.E DES rir,rrs_uxrs u'Auenr*un, rcligc par Fra'rilin, Jc{Tc'sorr, John Aclarns etc. , Le pra'rbure et lcs concrusions de cctte pice so't
le cotttrat
devielr

I,anne d'avant, au -${assacrrussets, sa'oir, ci'opter la lbrnre du gou_ verncrnert la plus con'enabre au bien cle reurs constituanls en particulier et de I,Littion en g,nrale.

ong,inises ar.aient t d'vacucr cette gnr'euse viller et e sc rernharquer 'bliges pour la l{ouvelle-Iicosse. Au rnois de mai, slr'l,ayis de l,envoi tl'une arnrc de mercenaires trangers, re congrs gnrar publia un otr il dmontrait aux coronir,s ra ncessit tl,abolir 'ra*ifeste entiremc't I'auto-r'it b'ita,nic1ue, et acrrcssa toutes Ies lgisla_ turcs coroniares la nrrne invitation qu'il avait r.aitc,

iNI)I'IiN t)I CE DES UT,1'TS-U* tS. 4,t I abatldonn lc chalreau anglais pour prendre l'tendard aux trcize, bandes, sig'e de ,les Trl,eize Etats_rrrs. Iloston tait libre : ds re rnois 'ailiance de rnars, lcs troup*

7?l

nriccssai'e ir rur pcuple de l.oDrpre lcs 'umai's, qui |u'is_ uens politirlues saient un a.r.re peupre et dc prcndre , parmi lcs puissances cre la terrc, la place spare et Ie r.ang o'ogato auxqucrs les lois rrc la Nature ct cciles tru Dieu de ra Nat.re lui cronncnt oroit clc pr_ ferdre, le respect qu'il rr'it aux opi'ions du genl.e humain exigc rlu'il dclarc les .aiso.s qui le force't cctte sparation.
< Nous rr:ganroDs

< 0ua'cl, dans rc cou's tles vne'rc'ts

il

Jronheuli clrre, Poul assur.el. ccs clroits, rcs gou*erncments orrt t tablis parnri res hourrnr's et r1u'ils r.ircnt leu' juste autoritd:
en F'arrcc fnt sigrrlre par une circonstarree rttarqrte de cette frivolit qrle rlolls mlorrs aux choses r ptus g."uu"r. on substitu* *rr je* a'glais du tc/risr, trcju, e' posscssion tl'ure qoil u iup*ir" de nos jours, uit autre jeu appcl ie /.rustol. 'ogue ?. Parnri res icrits qui provoqur\r,ent cettc g.ra'tle rsorntion, 'ornbreu_x on rc_ rni*q.e Ie clrrrc pamprrret con,mott.r.erzre .Lo*as pa;.rre {ie.serr* qrri, aprs avoir contribu la Rvolution "u,onr,i.i,liu "" un rre rrri:rs t|Arndritluo, vi't cher.crrer. cel[e de France.
;)?

: que tous rcs rrouruies o't t crs gaux et qu,irs ont t dous pa' Ie crateur. dc cc'tai's droirs inalinarires; q*e p''rli ces d'oits so't la vie,la libcrt et la'echerche
suivantcs
clu

corlrllc incontestabrcs ct vientes les vr,itris

l'

La popularit du nonr cle llostorr

4tB

I,OUJS T.VI.

[r

761

(l.'c, quancl uu clu consentemcnt clc ccus qui sont gcuvc|us; point t\ ces lins, lc ilcuirlc cst cn droit de souyet.llcrnent ne tcnd fond sur ie chorrg..r ou cle I'altolil' t't tl'ctl ta5lir ll noti'L'att,

sa sret tes prin-cipes qui lui Paraitront lcs plus cr:nvenallles ct sa flicit... I ii Suit l'crpos tles gliefs clui r'dttiscnt lcs colonies d'Amrique la ncessit tl'uscr tlc ce droit suprme' des tats-Unis tle a Sn consqn'lce, ntls lcs reprseutatrts tmoin tle Ia droi1'Au.triqu.e, assernbls en ctlrgrs, ptrcnons publions ct I'Univcrs, tle ture d.e nos intenlions lc JLtgc supt'mc peuplc bon tlu I'autorit par et dctrarons solennellcrnent, an norll d'trc clroit ont et sont de ces colonies, quc ces pt'ovinccs utries fidla de absoutes tlcs tats libres ct inclpentlants; qu'elles sottt litqtr,ellesclevaienta.Sal{rrjcstBritannique;quetouteliaison r'olllpue; et qutl' entre ellcs et la Grande-Brctagne est et doit tre
de dclarer la guerrc coutrte tats indpentlunts, eiles ont pOuvoir cl'tablir un comlnercg' et clc firire [a paix,de formcr tles allianccs, tats intlpenclants on[ autres en nn rnot, cle thire tout ce que tres Dclaration', comptant droit de faire; ct, pour le sotttien de cctte nous ensad,aillcurs sr la protectiolr rlc la divine Providence,

gcons lntrtuellemcnt nos I'ies, nos hiens


sacr.
rr

et notre

honneut'

bicntt Tcl fut l'actc dc naissauce tle la plus lilire, et I'on dira Le mondc'' Ie ilans jamais t clc ia plus vaste societ qui ait du philosophic lir mariage clu christianisme protestant et cle Deur progniture' xvflte sicle avait engenclr cette gra[de

silttvers et les guidcs hornmes cle prcmie, o.,1r. devaient trc les plus particulirede son enthncc, ct chacuud'enx t'eprsentait rnais protratlition, la origines : \\rashington,

lnent une tles ,iro* et tolrant ; gressive et transforrnL, lc protestantisme clair Rousseart' Loclie de n'r.anklin, I'esprit clu sicle,le tnouvemcnt la pliilosophie, tnais rclig'ieusc'
l.

pub'li trois mo-is altrs la Diclaraliott L'ac{e tl,,utrtort,entre les trc;r.lJ i'tats fut urait'c tlc sa constitution et;e iestait Cliaque . I7{i) octobre d,,inddpttidattta (4 .itt' le 'lroit e guerre appartenaient gnr'al congrs Au son aclnrinistration intd,ricr.rr.e. et tnesures, lcs poirls les nrontraie, la et ile paix, et toutes les rclations ertrieur, enfin tout cc tlui regardait les nationaux, i*r*ts cles t'."nploi quotit la postesr arures de tcrre

"idc tncr' ut

[1776-.1777]

\V,\Stl tNGTON.

ltRrlNKLIN.

449

La jeune Rpublique devait avoir de svres preuves sup-

portcr. Au moment mrne o paraissait la Dclaration d'indpendance, l'rme et la flotte anglaises renforces revenaient de la Nouvelle-licosse et attaquaient les ilcs de l'tat de l{erv-York. Des complots loyalistes clataient I'intrieur. Les trahisons de la rninorit antinationale lirrent rprimes par tles rigueurs ncessaires, mais I'arme ennernie obtint d'abord de grancls succs. i\[algr leur courage et les talents militaires de leur chef, les milices amricaines plir'ent devant Ia discipline des Anglo-llemands. Elles perdirent une bataille dans Long-Island et furent ohliges d'vacuer Nerv-York. Les nglais envahirent encore le New-Jerscy et Rhode-Island. La causc de la libclt semblait aux abois. L'arme de \Yashiugton fut trn instant rduite trois rnille hommes manrluant de tout. Le gnral amricain refit son arrne et lassa la rnaul'aisc fortune par des prodiges rle constance. Scs belles oprations durant I'hivel de 1776 177? reler,rent le cur' 'cle ses concitoyens. Il rentra dans le Nerv-Jcrsey, tint en chec les forces bien supricures des Inglais, et couvrit Philadefuhie, sige ,du congrs. 0n put, ds cettc premire campagne, jug'cr ce que valait cet hornme, mlange cle Fabius et d'Ilparninondasr, pareil, omrne on I'a si bien ditz, ces rnonuments dont la glandeur rre fi'appe pas au prenrier coup cl'il, prcisrnent cause de la par'faite halrnonie de leurs propoltions, ct parce qu'aucune partie n'tonne le regard. < Le plus raisonnable cies grands hommest,> il tait bien la pcrsonni{ication du plus rationaliste des penples, ct son atrguste bon, sens, suivant I'heureuse expression cl'un de nos contcmporainsa, n'tait que la qualit distinctive des An,elo-Amlicains polte au sublirne. Pendant ce ternps, I'antre gloile de I'Amrique, tr'ranlilin, avait quitt sa liatrie pour rnieur la servir. Aprs avoir rdig I'iurmortelle Dtclaratiott,"

il

tait parti pour conqurir I'alliance fi'anaise.

1. paminontlas, noins toutefois l'rrlan poticluc et artiste qu'eut le Thbaiir, comme presque tous les glantls hornmes de ia Grce.

2. Thod. !'abas, Encyclopdie noutelle, itrt. wsulxcroN. Cet artiele et I'article rrs-uxts, rlu mme auteur et rlans le mrne recueil, sont deux des ruejileurs ntolb ceaux d'histoire philosophique qui aiert t clits de nosjours. 3. Thod. Fabas. sl. 11. Eus.lue Pelletan.

&20

LOUI S

I\:I.

lt17 ti-17771

dbarqua l{antcs le l7 dccurbre 1776. Lcs littts-Unis avaient admirablcment choisi leur plnipotentiaire. Sorti de ces classes ouvrires rnises en lunrir'e et relevd:es dans I'opinion par'Didcrot, non pas protestant, coutme la masse des siens, mais philosophc' diste, de nuance interrndiaire entre Voltaire et Rousseau, physicien de prernier ordre, clans ce sicle si passionn pour les scicnccs naturelles, simple tlans scs manires et son costurnc. colnlne Jean-Jacques et les hros de Jean-Jacques, ct cependan[ le plus spirituel ct lc plus fin des hornmes, d'un esprit tout franais par le ton et ia griicc, me lveillcux urlangc de plobit et d'habiiet au plus haut degr' i'unc et I'autre, la fois grand hornme de I'antiquit par certains aspccts et I'hornrne rnoderne par excellence, rachetant, autant qtte possilrle, cc qui lui rnal]-

Il

quait d'idalit par cct cxccllent quililtre moral qui lui tait commull avec Washington, ct plus nuanc, plus comlirhensif et rnoins svre quc celui-ci, il devait prenclrc et il prit la France du xvru" sicle par tous ses sentintcnts, lrar toutes ses ides; il conquit les sages par le bon sens tlc son gnie, lcs cnthousiastes par: l'clat de son rle, lcs frivolcs par I'originalit cle sa situation et de sa physionomie. Il fut, au bouI cle peu de jours, ilussi populaire Palis qu' Boston ou Plrilarlclphie.
Tandis que !'ranlilin travaille ir giirgner le gouver.^emL.nt aprs la socit francaisc, et cltartger i'appui iuclirec' en alliance dclare, les secours de France comrnencent d'at'river. l{euf vaissearx clrargs par Beanmarchais alrorderrt assez point Portsrnouth cn Yirginic, atr ntois d'avril 1177. Quelques semaines aprs, un uutre l:timent jette sur la cle e la Caroline un jeune hotnme de l'ingt ans, un grand seigne.'r franais, qui a cart tous ics obstacles,le courronr clc sa fanrille, les dfenscs expresses du roi, et, ce qui est autternent diflicile braver, la douleur d'une jeune fernrne airne et prs d'tre mre, pour accourir offril son pi'e la nouvelle Rpuillique. C'tait ce L.l F,rrnrlp qui clevait donner I'Europe, bouleverse par le flux et rellux perptuel des opinions et des intrts, et dgrade par la versatilit dcs mcs, I'illustre exernple d'une consfauce politique dc soixante annes, et mourir en 1834 tel r1u'il s'tait rvl en l7*t7 srtr les plages de I'Arnrique. Son inbranlable tlvouement pour la libclt a pu erret'pirr-

lt

? ?71

fois sur le choix de la route, dans les hcurcs sonJrrcs de nos


orages, rnais jamais un scul jour dlaisser le but. Le jeune officier franais, nornrn sur'-le-champ prr le congrs officier-gnral clans I'alrne de Waslrington, partagca les ruclcs travaux de son chef avcc nne valcur intelligente et unc alingation quc le grand hornme paya cl'une affection et d'une confiance sans rselve. L'cnnerni s'tlit prpar' de pLrissanl,s eflorts. tin second corps d'arnre anglais, rlcscendu dtr Canada et maitre clu Iac clrarnplain, s'avanait yels lc Haut Huclson et Albany sous les orclres dLr gntlral Burgovne; si le gnral Hq$,i., qrri faisait facc vashingLon strr la Delau'are, cfit clonn la nriun Bursoync par le bas de I'Hudson, I'Arnrique et t coupe en deux, et la cause rpublicaine rcluite aux plus cxtrrnes prils. Hcureuscrnent le gnral Horve tourna clu ct oppos, s'ernbirr.qua pour la Jiaie de la chesapealie et alla prenrlre Philadelplric reyers. \Yashington pcrdit contre lui la bataille rlc Branclyrvine

(11 septcrnbrc 1777), et fut contraint clc lui abandonuel la ville qui avait t le sejour du congrs. llais cc snccs etrt plus d'clat que dc soliclit. lYashing'ton se maintint peu tle clistance
de Philade$hie et continua d'occuper le gnral Howe. pcnclaut opr'ations, Bursoyne, qui avait dbut par clcs succs et dbouch victorieusernent du bassin des grlncls lacs dans celui cle I'Hudson, tait arrt dans les forts et les nrontag'nes clu Flaut Hudson par k's gnr'aux aurr'icains 0ates et i\r.nolcl. Aprc\s une longue srie de combats, Burgoyne, cel'rri.., di.cirn, sc renclit prisonnicr de gucrre avcc tout son corps cl'arnre (17 octobre 1777). L'effet fut prodigietrx en Europc.It dcvint de plus en plus difficile au gouverncrnent franais cle se maintenir dans Ia position quivoque or il s'tait engag. Lcs Anglais renouvcltrient incessattrnent leurs aigres plaintcs sur la 1irsence cles agents cles rebelles en Francer, sur: I'accueil fait aux corsaires amr.icains dans les ports franais, sur les envois et les armernents faits en x'r'ancc pour le cornpte des rebelles. Lc cabjnet de versaillcs di:savouait lcs envois et lcs faisait parlbis suspentlre, clrassait les cor.ees 1. Eu 1776, le cahiuet anglais avait dernand I'cxtrarlition de Silas Deanc, .sajet Blitannique. Il n'est pas besoirr de rlire la rdponse. _ y. tout ce qui regarde la diplomatie dans l'lassan, t. trrll, liv. yI.
rebelle de Sa Iajest

122

LOUIS XVI.

u7771

saircs, qui, renvoys d'un port, rentraient dans un autrer, tlclarait ne tolrer les agents du congrs que comme sirnples particuliers et rcriminait contre les violations de pavillon et les visites vexatoires de nos htiments que les nglais se permettaient jusclue sur nos ctes. I,e 4 juillet t777,le ministre de Ia marine signilia aux chambrcs de commerce qu'il protgerait et rclamerait les vaisseaux dont les Anglais s'empal'eraient sous pr'texte de commerce avec I'Am'rique. Des cscadt'es s'armaient Totrlon et Brest. Cependant le rninistre des affaires trangres, dans une rponse of{cielle au cabinet de Saint-James, Ie 15 juillet, protestait encore de la fidlit de la tr'rance aur traits. L'Angleterre riposta en proposant un trail de garantie mutuelle pour la sret des possessions des deux couronnes en Atnt'ic1ue. Cette irnpertinente proposition fLrt reuc avec Ie drlain qu'elle rnritait; mais la situation n'tait plus tenallle : il n'y avait plus

ni dignit ni sriret. Tout tait chang clcpuis le mrnoire de Turgot au roi et ses conseils n'taient plus applicables. D'une
part, la runion des deux Angletcrres contre nous tait redouter maintenant, non point si nous faisions la gucrre, mais si nous rte la faisions pas. Les Anglais pouvaient, d'un moinent I'autre, reconnatre l'indpendance des tats-Unis au prix d'une alliance offensive contre la France2. Dc l'autre part,les Amricains avaient fait le grand ltas : c'tait avec une rpublique constitue que l'on avait traiter tnaiutenant, rpublique qui, une fois assure de tr'alliance franaise, vcrrait clans cette alliance la garantie de son indpendance nationale et n'y renoncerait pas plus qu' cette
indpendance mrne. Les agents amricains redoublaicntleurs instances, seconds par une norrne pression de I'opinion. Tout tait emport : aprs le public, la conr et jusqu'aux familiers de la reine. Lc roi, la reine et les rninistrcs presque sculs rsistaient : Nlaurepas et Vergennes, pal tiuridit; Necliel, par esprit financier et en prvision des diffi1. Ces corsaires taicnt, en urajcule partic, cles Franais mls de queltlues Amricains. 2. Beaucoup d'Amricains inclinaient de cc ct plr souvenir de leur origine. Le gnral tiates, lc vainqueur de Burgoyue, crivit dans ce sens des Anglais influents, Hisl. d.u rgne de Louis XVl, t. I", p.26?.

-Dtoz,

rr7??-I7?8r 1'Rtrli A\-lic ,,rr*


cults pcuniail'cs; le l'oi ct la rcinc

?,''-\Ts-Ilxls'

tL23

su1'la lgitirnit dc ct Louis, cle pius, Ilar scrup*le cle tltitis enfin cette guerre. Lolis ctla contre-cut'et |c dolnicrt, 'rerra' Lc lc oll coullllc il ccla, colclitionnellcrtteut toltefois, )Iaullurg'o-rnc, dc 1 dcernlrrr. 17?7, ltr trouvelle clu tlcsastlc collLtrois 1, lcs rcps pr.if coulagc ct II. ric vergcnueS inltrrrna Lce, cltle le rnissaireS cln col.g'rs, ['rallilin, SiilS Dt'itttc ct Althgr

' ctrtrscicttcc

pill' irrstinct rtlonarchique '

et roi tait clcitii' i\ rcconnatre I'inpenclartcc tlc lcttu irat'rie tlfenconcltrrc aYL'c eux ttu tt'aittlr de cottltttt'rt:c ct utrc alliancc sive ventuellc.
177E' Ltl Un doul.rle t|ait fut signir etr cottsciuL'ilce, lc 0 firvrier c[ lcs France la prernier statue qu il 1- auro. ltais ct auriti ctttrc rle Tltot*-Uni, tl'Arnrique. Lcs partics contt'actantc's sc plomettent

traitcr rnrituellcinent, quant atlx reliltiotts cOl}lulercialcs, sur le pieil dc Ia tiatiotl la plus favorise et cle sc plo{('ger rciproquement Sttr lllgr. Lt lrlancc S'cnSagc intcrvcuir apprs clcs titats Barbalesques, aliu d'ol:tenil c1u'ils respectent le parillon Lcs tunricain. Lt' droit d'anbaine est aholi clc part ct tl'autre' cl1 lavireS de I'u1e tles CleUr puisSantrt-S pourl'Onl cortttncrgCl' que potlr toute libert ayec lcs ellne11lis cle l'autrc, sans exccption lcttt'es cles prerlclra qui Franais Tout la contrebiltlde de guerre. ott tats-IJttis, lcs contrc de marque d'une puissance trangre Lc Roi pirate' tuut Amricain, cou{re la France, Sera liuni cotnrnc 'lrs-chr1lgn ncco|clera atrx sujels cles Etats-L'irris un ou plusieurs ports-francs otr ils pourront anrcner ct clbitel' tolrtes les denres
sc

ct rnarchancliscs provcnaut desclits lreizc tats' Par le seco[tl trait, les deux parties prenncnt leurs tl]esures la liaipouu le cas or la Grande-BretSlle' <t ptr resscntimcnt de vient prcclent sol et J:onne correspolldirtrce ) quc le trait ( gucrrc quc la d'tablir, romilrait la paix avec la !"ratlcc : tu cas )) pcnclant l.. sc clcltrrt cntrc la France ct la Grancic-llretaglle, dure de la gl'sentc grlerre entre les tats-Unis et l'ngleterue, te hut' Sa tr,IajestO ci lcs Etats- Unis f'erout ctuse conlrnuile'

pas ]'eDthou' 1. Une plaisantelie de fo|t til&nYais got atlt'sta qu'il ne p:u'tagcait t. It" p'234' Plus siasme gi,ui,ral porrr FranliliD. -\r. les .lltrrl . tle l'I*e Carlpnn, tard, cepenclarrt, il trnoigna de l'ilrlrni|atio liour l\'trshitrgtott' 2. Ilint. rlc La Fl"vettc. t' Ieri p' ?7'

2!$

il

778J

{rsscntiel ct direct de la prscnte alliance delfcnsive est de rnainteilir eflicaccment la libert, Ia souverainet et I'inclpcnclance rles

lltats-unis, tunt en matire de gouvernernent que tle colnrrcrcc. Lcs cleur parties feront, chacune dc sa part ct cle la rnanire r1u'elles jugelont le plus convenable, tous les efforts en leur ponvoir contre I'ennemi comrnun. lc cas oir I'unc ou I'autre - Dans partie formerait quclqtre entreprise particulic\re oir elle aurait hesoin du concours de ['autre, on rglerait par nlre convention palticulire le sccours fotu'nir ct les avarrtages qui en doivcnt trc la courpensation. que les Etats-Unis jugeasscnt - An cas de tentcr r'duction la de la puissance britanniqtre qui T)rollos leste encore dans lcs parties seirtcntrionales de I'r\rnriquc ou dans les lcs des Bennudes, ces pays ou ilcs, cn cs de succs,
seront confdrs avec les Etats-Ijnis et en dpenclront. - Sa n{aiest Trs-Chrtienne renonce pour jamais la possession d'aucune partie du contiuent de I'Arnrique septentrionale, qui est irrsent ou qui a t rcernment sous le pouvoir du roi et de la couronnc de la Grarrde-Bretagne. - au crs'que sa llajcst Trs-Chr{ienne juget propos d'altaquer aucune des iles clans lc golfc du n'Iexique ou prs de ce golfe, qui sont prsent sous le pouyoir rle la Grancle-Brctagne, toutcs lesclites les, en cas cle succs,

la couronlle de France. - Aucune cles deux ne conclura ni iraix ni trye avec la Grancle-Brctagne sans lrarties en avoir olrtenu, au. pralal-rle, le consentement fonuel cle I'autrc, ct elles s'engagent mutuellernent ne pas mcttre Jras lcs arlnes
altparticndront
l\Iajest Trs- Sa ou {)hrtienne ct les tuts-tinis conviennent cl'inyitcr d'aclmettre ql'autres puissances, qui peuvcnt avoir essuy des torts cle Ia trrart dc I'Angletcrrc, accder la prsente alliance.-L,cs deur llarties se garantisscnt rnutucllernent pour toujours, savoir : Ies tats - unis, sa ajest Trs- chrtienne, les possessions pr-sentcs de la couronne de France cn Amrique, ainsi que celles r1u'elle y pourra acclurir par le futur. trait de paix; et sa lfajcst "rr's-chrtienne, aux tats-LTnis, lcur souycrainct, libert et intlpendance, etc., ainsi que leurs posscssions et les acccssions ou conqutes que leur confdration pourra obtcnir durant la gucrre,

ou les traits qni tennineront la guerrc.

iuvant que I'indpendance cles ltrlats-Unis soit assnre par le trait

ir?7st

TIIAIT AVtiC LES T,\'l's-uNIS.


prsent

415

sur aucun des tats possds Bretagne en Amriquet.


Ccttc alliance ventuellc

ou ci-devant par la Grandc-

dtourne de plovoquer chose de bizarre et de quelque avait un choc devenu invitable, lcs scrupules tlu vaincre pour peu digne; mais iI avait firllu,

, cette rnanirc

tirnor Louis XVI, supposer une agression natrielie des Anglais pralablernent toute action collectivc contre eux' Il est unc autrc observation irnportante faire sur ce pacte cl'alliance; c'cst que le systme politique notnm attjourd'hui amricanisflze , c'est--dire Ia prtention des tats-Unis d'cxclure

les puissanccs europennes clu cotrtitrent amr'icain, est dCj fortement incliqu par la t'enouciation au Canada et I'Acaclic, obtenue de la tr'ritttcc. A la nouvclle de ce second Traitit cle Parts qui allait rnettre nant cclui cle 1763, si funeste la France et si glorieux pour

I'Angletcrre, le cabinet anglais, collstern,


pour transigel avec les Anrell'icains;

fit trtt dernicr effort plus sr'ieux qu'il le l'cffort

efit encorc tent. Il ne S'agissait plus de parclott, mais dc trait' ayec le congrs. Lorcl North prsenta au parltrment tln projet ele runion et d'accotumodement bas -qur la rcprscntation des colonies dans Ie parlemctrt (17 fvricr 1778). Il tait trop tarcl. Un peuplc ne rtracte janrais rtn acte tel que \,a Dtclaratiort, d,'ittclpenclancc. Le congrs refusa de ngociel tant rlue les flottes ct les arlnes cnncmics n'auraient pas quitt les parages des lltats-Unis, et qtle I'indpcntlance n'aurait pas t forrnelletnent reconnue (22 avril ). Le 13 lnars, I'arnbassadeur de France avait notifi au cabinet de Saint-James Ie trait d'arniti et de cotnmercc sign entre Ia France et les tats-Llnis de I'Arnrique septcntrionalc, < qui sont cn pleine possession de I'inclpcndance prononce par leut'acte tltr 4,iuitlct 17i6., - Sa Majest Trs-Chrtienne croyait dcvoir dclarcr la cour de Londres quc les partics cotttractantes n'at'aicnt stipul en faveur de la nalion franaise aucun avantirge colnlnercial quc lcs tats-Unis u'eusscnt la libert d'accorder galernent Le roi tait persutd que la cour de Londres toute autre nation.

J. V.

les trait's dans }Iartens, Recueil de Ttaitis, t.

II'

p. 587 et suiv.

26

LOUIS XVI.

[,] ?78

trouverait dans cette courmunication de norivelles preuves dcs dispositions de sa Majest pour la paix, et que sa l{ajest Britannique, anime des mrnes senlimcnts, prcirclrait des rnesures efficaces pou[' enrpclter que Ie colnmerce des sujets Ii'anais avcc les litats-unis ne ft trouhl. - Dans cette juste confiance, l,ambassadeur de France pourrait croire superflu cle prvenir le ministre britiinnique, que le roi son nratre tant dtermin protger efficacement la libert lgitime du comrnerce cle ses sujets et i\ soutenir l'l'lonneur de son pavillon, sa llfajest a pris en consquence des rnesur"es ventuelles, de concert avec lcs Etats-Ilnis cle I'Amrique septentrionsle |. )) L'Anglett'r're ne rpondit que par le rappel tle son ambasrsadeur. L'embargo fut mis en France sul les vaisseaux nglais (tB mars). I-,'Angleterre rendit la pareille. Le 2l mars, les

lrois plnipotentiaires amricains fur.ent reus en auclience solen-

rielle par le roi, Yersailles. De longs applaudissemeuts accueillirent, dans Ie palais de Louis xIY, les repr.sentants clu nouvcau monde rpulllicain. Franhlin et ses collgues ne sortirent de cltez le roi de France que pour se transporter officiellernent chez la jeune pouse de l'hornme qui devait, onze ans aprs, inaugurer la Rvolution franaise sur les ruines de la Bastille, chez l\['u dc
La Fayette"
Quand La Favette, au quartier-gnrar cle lyashington, lut cts Pal'oles du gouvernement franais dans la notification du ls mars: Les Etats-[J'ttis... e]L )lssessi,ott, cle l'i,nct,penclancepr.onona,epar letp.

actc de te| jour... < Yoil, s'cria-t-il, une grande vrit que nous leur l'alrpellelons un jour chez eux 2. > La scne la plus rnouvante s'tait passe, sur ces entrefaites, dans le parlernent d'Angleterre. 0n sentait que les tarclives llropositions du rninistre n'avaient point de chance d'tre accueillies par I'Arurique : une fraction de I'opposition llroposa cle reconnatre I'indpendance des colonies. A cette nouvelle, le vicux lord chathanr , malade, puis, se lit porter de son lit la chambre, des lords, et l, ple, envelopp de scs couyertules comrne d'nn suaire, appuy sur ce fils qui devait tre lc sccond pitt, il protesta

l. Flassan, t. \-II, p. 16?. 2. ilint,. dc La Fayette, t. Icr, p. lT7.

tr?81
clfendus contre

ltoRT

DR

Lotil)

ollATtlAtl'

&27'

qu il avait aYecdsespoircolrtr'el,iclerjudmembr'emetrtdelempirebria'"gro'nricains clc i"*p*t"on contre tannique, "' anglais' rnais qrt'il

I'arbitrair' 'o'o* ti'iyt"t indopenctante' Il coniura jarnais t-ontT: pavillon de ne reconnaitrait ^"o'io" O'ut"i*tt plutt!t parir ]t ses comllatriotes'e Un des chefs cle I'opt* *oi'" a* iotnon' I'Angleter'.t nut IAngIe'it'uo,i Richmo"O' ufu"t cltrc^de le :i'-lt]t "tl irosition, de Ia rnaison de Iiourbon lL choc t1;;';;;'outenir hors tirit, tcrre ncessit de

et couti";i t t:t"^la unie aux nn'o'i"-i*' souleva recorrrratrei,indpetrdancearrrricaineetclemaintenirlapatr t'nn'fo** d inclignation' se avec la l'ralrce, tocnatrto*' desonsigelotrrrpondre;maisiaviolenceclcssentirnentsqt}' retornba vanout' le r.cste de ses forces : il l,agitaieDt .roit'lrrii gnr'ale' II languit de I- .;;;;ation rnilieu au I'emporta 0n
quelqucs setnaines et

nrourut'

,, .r^ rq llr,nc sc

0n pooouit croire fatalpour lll"ngteierre.

I,arrrortclecelruissantennerrriclelaBrancesemblaittlnslgne qtt'il emportait la fortune

*-ITliii'il*
laiss passer

choisit' ot'

une et forL Le 15 avril' les coups ct fpper vite cle Toulon sous et cilq frgates partit qtri et cscadr.e de clouze laisseaux officier O nri"iirg, i* dernier dploles or-c'res Ao *li.*-ur'iral la dans fran-e1is l'honneur du drlpeau sorttenu *tt' Arnr'ique conduisait en

tJ';;;

u,-, hsiter' Le souvero:T.t1:franais I'attaque' It fallait'ien


pto* fnorable

avait dj

po'i*

ralile geffe'. s.pt Ansr. unministrelrtnipotentiaireaccretlitlrarLouisXYIauprsclu des deus tO tt signataire nainev-l, ;;i.t-it df CerJrlO congrs,
traits cntre

"tu'

c.tt-

;.dre

ouu'*',t Oe'ti"t' f'*

i,flJr:iilii'o-

30 mars, taient, $r. Grard, en dare du. ce Ot'"o"des


cle subsides' de

veiller

quelesop,,o.ioosrnilitaire,f....,,,tconcertesavetleconrted'Esforrnels relativernent
taing ct a e'ite'^tf'
avait,

f'*t'O'* Ot' t"gagements

tu"" un b'timent 1.prslaelrtttcclestablissenrentsfrana*9":l:'''''l1..qtrand'rro|repavillon a,u.ini;;;ide |ile de Fr"'i""

elacompa-*i"l;;;:"';T-f lg:1-"-kL:"':;i:;1"1i::'i",",.':""f t,. I|n golfe Persiqle' puts t


iJtt
anglaises,. Ia Compagnie ccs l,-,acs
P. 346'

rlisparu.;r;;,.Junt,

*"grui* du

:.

;r'irr, Ilis|oi,re o,iit,n'

de tr.rance,

&28

IOUIS XVI.

ft sentjI le prix de I'ailiance franaise. washington, par c|antres nrotifs, devait aidcr s*r' ce point re rninistr* t in*ir'.i rui.u sentir qu,ir fallaif dri'r'er re territoire ,es rreize tats confcrrs avant d,agir au dehors. sur res s'lrsicles, re iouverner'cnt franais se rercrra; du moins il une a\rance clc B ,rilrions e' I?7g et cl,autres avaltces les 'it
annes suiyantcsr.

dans leur voisinage quelque stdt cl'inqnitude qni leur

la conqute du tanacra et autres de Yersailles n'tait pas fdclr que

ll?78J

anglaises. Le cal,rinet les tltats-unis conser,'assenr 'ossessions

d'arrter de lrons plans

L'envoi de l'escacrre de Touro* tait unc rronne,resure; rnais ce fut tout ce qu'on fit de Jric'. Lc roi et res ministres spciaux taient garement incaparires de

lronssaient cl,obsc*res influences et des i'tr.igues de fenrme. iur*i ne sut_on pa.s proliter de ce que |Angleteri.e, crc son ct mrliocrement gouverne, n'tait pas prte la guerre. Le cabinet cre versailles c.rrnrnena' y compris nI. de vergcnnes, parne pas voir que Ia guerre tait invit.rile et par se flatter que l'Anglcierrc recureraiti puis, nne flois la luftc certaine, ir ne vit pas c1u,il fhlrait crrarger fond

de septembre I77z r; on l'avait rer'plac par un personnage de fort rni'ce valcur, Ie prince de nlontrlarrri .Iu.

temps de paix: quant au ministle crc Ia guerre, ce n,tait pius Io vieux saint-Gerrnain, {.i, us, trconsideirr por'.*, bizarreries cr ses inconsquences, avait donn sa crrnission au cornlncnce'ent

sartine, avait rnontr' de l'activiior.t pubri mais sa porte ne cipassait pas Ie rnatrier

'oirLe'inist'e ,unrpngne. cle Ia marine,

la g,,**. en grand et
cles r.grements utiles, tle |acrrninistration en

tlix carions (rilercure

,I'::''{,;,;ii:,r;j ,t"r,r: ""f 2' $iilt En jui' l7?8' no-us ctmes loixaute-q*atre
tle^r;r'unce

r0,'

rB7. un mi*ion en 1??e, 4 mir-

rrlgchute du graud rninisf-re rformateu--surt-sr.urs flctcs .n peu inrportants, depuis Ia **t ir avait que\;;Ji, survcu, avaient t la dso'ga'isatio'tle |htel a"r i',tori.s (ir n,y raisso-qou quiuro cerrts horrmes n rout, et dispersa ,"-t:.:i: aa's res provinces (17 juin 17?6) et la rorganisation de I'Ecole militaire {17 juiltet tirt-1, J;;" plarr assez singuiier. c,tait tion d'un corps cle g,tu.t,";,"i. iul.ont pensiorr, et auxq'els ra ft'nra_ gratis les meilleurs "*L:: on runirait lves cies nouve&Lrx niitit"i.n, io"!.'ou*. res provirrces en remplaceruent de l'ancienrre cole. "oitg*. -l,ur.-Lois f,rttrtaisur, i. rxlv, p.58. On ridiculisa beaucoup I'ide de firirc le ,oi nroiirc de
Ttett.siott.

t laisss lrar. Choiseut, ou" ,inquantc {i.igarcs. "tlio1,., 3' Jl

a. ;.,i. iiiar.

vaisseaux arms cle cinq.ante cent


cc.s soixante-q'irtre vaisseaux nous

rn.u'u le i5 janvicr

lt

731

4r

de I'ennemi : sur-le-champ et s'efTorccr de couper les tleux bl'as n'a voulu t'ien I'A[rr,iqu* .t I'Ind.. Ja[rais Ie gouvernement royal clui rali' .orr-,pr.ndre I'Inde. Les norures progrs des nglais,

plans de saient dans I'Indoustan, sous clive et I{astings, les tirer de purcnt plus, ne de llupleix et tlc Bussi, avec des critues trspoultant tait 0n ,uri iurouc:iauce lc calrinet cle Louis X\I' parti du et favot'ables bicn inform Yersailles des circonstances

ce hros que [a flrance pouvait tirer c|'une alliance avec Haider-Ali, de la presn.us.rll]ran qui avait fbncl un grancl tat tlans le midi dsqu'ile et irnpos lir prsirlence anglaise de xlad|as une paix puisla et I'IDcle, daus rien availtageuse, ell t?69. On n'envoya

sante ftotte qu'on avait arme

roi d Espagneo senlaines dans I'iuactiou, llarce que le vie[x ses secotlrs' Le {ltrarles III, avait offert sa rntliatiou au licu de

Brest

fut

retcntre plusieurs

gou.\,erne[ient espagol avait Jrien Youlu participer aux secours ilhsitait fort irrdirccts fournis par la France aux'itisitrgents, nlais lui scrnblait I'exeutple : cusc leur it s,engag., o.,rart.rucnt clans

trop dangel'cux poul'ses propres colonics'

que la L'ngleterr* ,pondit Ll'ol|c de urtliittion, qu'il fallait cette aprs bltne France, avant toui, retir.t sa notc rlu llJ ntarsi. : Brest de {Iottc rponse, Lotris xYI hsitait euct)rc fairc partir la

vouloir essrt)'cr le liyeruier coup de canotl, que d'Estaing scupule d'autant pir-rs pur'il rltr'il tait impossiblc cl"Arnd'rir1uc. lllcrs les n'cn vint pits auri mains clans Lcs ;\nglais avaicnt pru $e ltrent[e:. clLtp rle canonfrrt cnlin tir. ailglaise rlc ringt vaistres prcmiers tlans nos rncl's. t-l]c llotte

il in tait toujours

tant Yerltl I'irit'c ntre recOn,*uu--t, aux ortlt'e's de I'anriral i(cppcl, f'rgates l'r'anqiriscs la haunaissance vers Brest, rcttctttttt'a tlcux gueilc n'tatrt pas tlclare' tetrr de I'Ie r1'0ttcssant (1? juirr). La lcs li'gates' ll lcs sonttrra assaillir Keppel ne fit ps tout tl'aborcl rponclro u ses questions" potrr de rcnir la poupe de son vaisseau

Lr

r'efttsa' 0n tira sur plus avancric es deur frgates, lu Lfuorne' et se rcnc"lit' La seconde clte : cnveloplt., Eu. lctla sa borclc La Clot:he'ttcric, fit lbrcc frgate, la BclbPoir,le, cotnrnande iliu' atte inte |rs de la ctc rle voilcs pour chap|er; poursuivic ct

l.

flassau,

t. \rll, P' 171'

i30

I,OL'TS

X\iI.

lr778J

l)ar la frgate anglaise I'ArLrtuse, elle la dsempara aprs un cornbat de cinq heures, la {'ora cle se retirer vers sa flot{c, et rentra victorieuse Blest, aur acclanrations de Ia marinc ef de tra popu_ lation. Ainsi fut inaugure la guerre cl'Amrique.
Keppel, inform de la supriorit de la flotte fra.aisc par les papiers trouvs s'r lo Liconte , r'entra portsmoutrr. La 1lotte cle Brest, aux ortlres du lieutenant-g'ral d,Orvilliers, sortit retarcls avaien[ pennis anx ftrottes mal._ chandes dcs utilles anglaises t rlu Levant de rcgagner paisiblement les ports anglais et d'y apporter de grancles lessourccs en hommes et en marchandises. Elle tait forie de trente-deux vais_ seaux de ligne ct divise en trois escadres, commandes, Ia pre_ rnire, par d'0rvilliers en personne; la seconde, par le lieutenant_

le 8 juillet. ses longs

en'

gnral lluchaffaut; la troisime, par le jeune cluc de chnrtres, 'qui avait pour conseil Ie crref d'escadre La }Iotte-piquet. Lc 23 juillet, la flotte franaise reconnut I'ennemi entre I'ile cl'OLressant et les sorlingues. Keppel, renforc, avait renris en urer. Aprs quatre jours de savanfes vorutions, qui attestrent les progr.s .de notre marine en matire de tactique depuis la paix ,Ie tz6g,, les deux armes navales s'engagrent le p7 juillet au Elles

'ratin. 'comptaien ehacune trente vaisseaux, deuxde nos vaisseaur s'tant trouvs spars de notre flotte par un accident de urcr; les r\nglais avaient plus de trois-ponts que nous. Les historiens spciaux ont dcrit les belles manuvres cie cette jour.ne vi'er'ent dispute
durant quelques heures. Les nglais clurent reconnaitre avec angoisse la supriorit de notre artillerie de rnarine ror.ganise par 0hoiseul. Dans I'aprs-rnidi, I'arnil'al franais fit, pour coupcr Ia ligne ennemie, une tentative qui et d tre clcisive; malheureusement son signal ne fut pas irnmdiatement compris de I'escadre que commandait le duc de chartres. Le duc vint en personne demander des explications d'orvilliers, puis retourna exiuter. les ordres de son chef ; mais un temps prcieux avail t perdu : Ia flotte anglaise ne fut pas coupe; elle fut seulernent arrte
tique navale qui apporta les perfectionnements le-s plus ilcisifs Ia laugge des signaux. Y. Ia Biojraple uniuer:elle, art. pU prLr,oli, irar. lI. de l-l,ossel.

1. D'Orvilliers avait pour tuajor.gni'ral Du P:rvillon, inventeur rl'une louvelle tac-

--

[1

7?8]

ffil

dans un tnouvement colllrrlenc. Elle alla se rcftrttrct hot's de la porte du canon et ne rcvint plus la charge, tlttoitlu'clle efrt lc i,elt et que les tr'ranqais I'attcndissent. Unc granrlc partie dcs

vaisseaur anglais taient dsagrs ct peu prs hors tl'tat tle lnang\'rer. Lc lenclentain, les Anglais se dirigrent vers Plyrnouth et les Fnnais vers Bl'cstLa victoire cletnettra tlonc inachevc; rnais c'tait celtes herucoup pour uuc tnat'ine sur laquelle pcsaient les souvenils de la guclre cle Sept Ans, que cl'avoir repouss ar-ee quelque aYantage, force gale ou inrne un lleu infrieure, le choc ctre la principale flotte anglaise parfaitelnent commande I ussi lcs prcrnires nouvelles de la journe d"'Ouessant fureut-clles reues avec colr'c Londles et aYec allgrcsse Paris. Le tlucr tlc hartres,
I'evcnu

Paris pcndant que la flotte se rparait ir Brest, ['ut couvert tl'applaudissetnents I'Opra; lcs nlaisotis firrent illurnines en son honneur eutour du Palais-Royal. ,\tt hottt de quelques jottrs, t:ePendant, des bruits accusateuls atltctrreut uue
reaction dans I'opinion. 0n prtendit que ce prince u'll','ait lnontr qu'hsitation et que lnollesse; qu'il n'avait pas ohi I'amiral ni Jcout le chef tl'escaclre La }{otte-Piquet, charg d'i'tre son guide sous le titrc de son seconcl. On alla jtrsqu' racontcr qu'il s'tait

( I'amiral cl'Orvilliers avait crit au tninistre cle la ntarlnc -qtre le tlfaut d'attention des premicrs vaiss0aux de cette t"scaclt'c (cclle tlu cluc dc thartres

cach fond cle calc. ce qui tait vrai dans ces

rtlllleurs'

c'est que

ses sisnux avait seul in'lv le pavillon franais du plus grand clat dans la journe du l juillct, > i\Iais il n'est pts moins Yl'ai que La }totte-Piquet, un des plus i'aillants ct des plus habiles marins qu'e.t Ia France, loin de rejetet' la fautc sur le duc de chartres, prit pour lui le reproche tle i'anrtral et s'cn justi{ia trs-vivernent. It cst trs-possible qu'il rr'y rtit pornt eu de tenrt coupable clans tout ccla, et qne la lentettr de la rlatruvre ait

aux diflicults du nouveau systnre cle signaur, qui r/tait

pas

lc encore pass dans les habittrtles. L'accusation de liidrei, contre iirrce cle d'me rnanquait ce : injuste tait ltrince duc rlc chartres et de tlignit rnoralc, tDais non pas dc courage plr-Vsiquc' : le Cet incident clevait avoir de graves consqueuces clatts -L'avenir prola la reine de de chaltres irnputa la reine et aux fanriliers tluc

,132

LOUIS

X1'T.

[{ ?78]

pasation des bruits injurieux son ironucur'; dj brouille avec la reine, la suite de relations d'abord trs-bienveillantes, il conut pour elle une implacable haine qui leur du'ait tre galernent
fatale tous deux.
Les consquences immdiates avaient dj t fiichcuses. L'a-

miral et le rninistre de Ia marine s'entcndirent pour amencr le prince quitter son conmandement rnaritime. Le roi ne voulait pas le destituer brusquerncnt. Ccs tiraillerncnts rctarrir'ent la remisc la voilc de la {lotte. sur ces entrefaites, les r\nglais cnlevaient de toutes parts nos btirnents de commerce, grce la coupable ng'ligence du nrinistre de la rnarine, qui ne les alait pas lait protger par des croisires ni par des escoltes' ; tous les conl'ois anglais, au contraire, passaient librerncnt. La flotte rernit la rner le 17 aorit : le duc cle Chartres avait obtenu cl'y reparaitre un mornent pour couvrir sa tlisgrce; mais il se fit bicntt ralnener tsr'cst et changca son grade de lieutenant-gnral des annes de rner contre lc titre de colonel-gnral cles hussards. La {lotte fit unc troisirne sortie: cette fbis, ce fut taute d'argcnt c't d'homrnes riu'elle dut rcntrer (8 octobre).ta solde n'tait pas lraye depuis plusieurs mois. Sartine, dans sa correspondance avec I'amiral, en rejette la rcsponsabilit sur Necker, qui, plus tard, devait son four, avcc plus de vraisemblance, accuser de dsordre et de gaspiilage le ministre de la marine. 0n envoya enlln quelques croisires au secours du commerce et I'on corlrtnena de lhire des prises, {oi, cctte anne, dans nos paragcs} furent loin de compenser celles de I'eunemi. tette preruire calnpagne dans les mers d'Europe avait donc t strile ou mme dornrnageable cornme rsultat rnatriel, honorable, comrne effetmoral, pour notre nrarine2, et peu honoral:le pour ie gouvernement, qui se rnontrait for[ au-dessous de la situations.
1. Les eunemis en plii'ent pour quarante et quelques millions, et enlevrcnt beaucoull de r)os matelots. 2. Il y eut plusieuls beaux combats particuliers : deux frgates franaises prirent deux frgates anglaises, gales ou suprieures. Un vaisseau franais fora la retraite rrn vaissenu et une fr'gatc anglais. L. Gur'iu , llist. mariti,me d,e tr'rance, t.II,

p. 430.

3. V. lesdtailsdehcampaguedansL.Gurin, ilist.murtinra,t. II,p.405-43?;

{r7?8.r7791

PIiIiTIiS DNS

L'TN

T)I.].

43:i

Sa coupiible ngligencc avait cu dans I'Indc dcs consrlucnccs faciles prvoir. Aux prcnrires nouvelles, non pas dc la gucrre, rurais de I'irnrninence cle lagnerre,le conseil snprrne de Ualcutta, qui gouvernait I'Inde anglaise, se mit en clevoir d'assaillir I'iurltroviste lc peu qui rcstait aur Francais clans ces vastcs rgions (jttillet 1778). Chandernagol et ies cornptoirs de }lasulipatam et de Karical sc rendirent sans coup lrir. IJn corps d'anne et unc pctite escadre se portrcnt sur Pontlichri, que lr.s Franais avaient roler' cle ses ruines. Une escaclrilte franaise, gale cn {brce cclle cles Anglais (cinq lttitintcnts de 24 64 canons de chaque c{), Iui livra un conrltat iuclcis ( 10 aoil. Quclclucs jciurs aprs, le chef cl'cscadrc flanais Tronjoli quitta la rade dc

Pondichri ct lit voile pour l'trlc<1e-Frauce. II rrc pouvait, prtentlait-il, sc ravitailler ir la ctc ni attcnch'e clc renforts, tanilis que les Anglais allaient se rentbrccr et I'accabler '. Si coupal_rle qu'ai[ t cet oficicr, le nrinistrc tait au moins aussi coupable quc lui. Le brave gouvcrllcul clc Ponclichr'i, Bellecornbc, abandonn dans unc place lll'csrpe ouvr't'te, vcc une faible garnison, ne ca;titula qu'aprs soixante-dir jours dc sige et quaraute jours de tranche, et la conclition d'tre transport cn Francc \.cc scs cornpasnons d'armes ( l7 octol-rrc 1778 ). Quelques rnois aprs (20 nrars 1779), les Anglais s'emparrcnt de llah prL'sque sans coup frir. tel,te place, si forte llr sa seule situation, n'avait ni solclats ni ruunitions. Le paviilon ti'anais clisparut encore une fois cle I'Inclc. Il Ilotl.ait clu moius avcc honneur dans les rncls d'Aurl'iqLre ! L'escadrc partie dc Toulon, solts le I'ice-aniiral d'Estaing, contrarie par les vents, avait ruis pr's de trois rnois pour gagncr I'cnrbouclrure clc la Delarvarc (13 arril-? juillet). Cettc lerrteur sautra le corps cl'alnre anglais riui occupait Plrijadelphie ct rpri eut le ternits dc se rembarquer et de regagnerl\cl'-Yoll. Si d'Estaiug ft an'ir' trois sentaincs plus tt, les troupes tlc tclrc ct
l.ffsJ. irnparliule tle Ia tlernira tilcrre {par t1e Loachanrps), t. I.t, p. 319 et suiv., Iltsi. tl,ts li'ourlcs tle I'n,rique arrylttisr, par. lir,. Souls, Auiste'-datn et Paris, l?fJ5, t. IIi, p. 8l-101. Paris, J.87. Atlollihus, llistore cl"htgleterte sous Grorye Il[, liv. XXXV. l. l,es Anglais taient trs-supr'iculs sul tette I mlis leurs forces navalrs trricn folt urdiocrcs en cc uroment r-lnns ccs niels. I'vt. 98

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Tisj

I'escadre enncrnic de I'rrmiral Hou'e cusseut t prises, contine dans

un pige, entrc I'artne de Wasldngton et I'escadre franaise, supricure en noutbr. Iies nouYeilux allis voulurent se ddomrrlilger de cette belle occasion lterLlue : une double attaque par tcrre et par rner fut cornbine contre Rhode-Island, importante liosition rnaritine, consel'ye par I'ennerni au cur dcs tats' l,nis du Nord. Les passes qui conduisent New-Port, chef-lieu de l'ilc, furcnt J-rrillarnntent forces par d'Estaingr , second par d'ercellents ofciers, cntre lesquels sc signala Suffren, clcstin
une grancle et ltrochaine rettotnme. Un vaisseau, cinq frgates et une corvette anglais se brfilrent pour ne pas tomber au pouvoir des assaillants. Les Franais allaient dbarquer pour cooprer avcc Ies Amricains, dj clesccndus clans I'le de Rhode, quand on signala I'escadre cle I'atnit'al llorr'e, grossie de lilusieurs btirnents. l)'ilstaing traversa cle nouveau les ptsses potll" aller au-devant dc I'amle navale anglaisc, qLri prit chassc devant lui et qu'il attcignit. Le signal cle la hataille allait tre donn, quand un furieur ouragan spala lcs clcux escitd.rcs, les ballotta, lcs dsetnpara durant qtrarante heures ({l-13 aofrt). La tempte caltue, le vaisseau cle d'Estaing, drnt, ras comme un ponton, tr'chappa nuri attaques S'un vaisseau ennemi que grce I'indornptable i'ernret cle I'atnirl franais. D'Estaing rallia ses navires; mais il ne crut pas possil:le cle leprtrnclre ies o1trations contre NewPort et fit voile potir Bostort. ce clui obligea les Arnricains clc lcver le sige cle Nerv-Port et d'vacuer Rhode-Island. 0ct insuccs d'une entrept'ise si bien comrnence menaait dc rornpre l'union, fragiie encorc, ctres Franais et des Anglo-Arnric:uins. Ceux-ci se diren[ abandonns, presque trahis. Il y eut beaucoup d'aigreur entre les chefs, des rixes entre la population ci ses auxiliaires trangers. La Fayettc, que de glands services rrrilitaires avaient invcsti cl'ttne justc popularit, s'ernploya avec ;ric et autorit cahner lcs esprits, ct I'offre gnreuse que lit d'Estaing de se ntcttre, lui, r'ice-amiral dc Francc? sous les ordres ti'un sirnple lgistc devcuti gnral (Suliivan), potrragir surterrc
ftyec ses troupes de tllrarrlttetttcttl,, efiaa des resqentirnents peri
1. Il avait aupatavnnt onlcr' urrc tr.'cutriuc de l,firnents de commerce et de transport, et 1,500 recrucs alglaises.

ll7?sl
forrd's.
g'ucl"r'e.

U'_\'f S-L]N t.\. AN'I'ILLIIS.

La concorde

'c

IJli I'ut plus troublc cle fout Ic rcste de la

;rprs une faibler'sistancc (6-g septeurrl'e j, clrlirrassant aiusi ra fiuadeloupe ct la ]fartinique du plus nuisilllc voisinag.o. I\{alircut'cuserrent cct ayantagc lirt balallc par la perte cle l'le de saintc_ T-.,ucie, qui n'tait d{'crd*e' qllr i:}rr une poigne cle solcrats ct cle
( 13-1 1r

D'Iistaing, confonnurent ses instructions, aprs avoir ai4 Boston cn tat dc dfcnse contrc ra rrra'i'c anglaise p'is'rcttre sarnrnent |enforcc, cluitla bientt aprs k.s par.ag.es des Etot*_ unis pou' les Antilles, oir il trouva les coronies f.anaiscs daus la joie d'unc irnpol'ta'te conqute. Le gou*e'ueur cles les dtr licrrt, ce'larquis de Bouillc qui rler.ait joier tin grancl rle claus lc parti cle la contre-r'r-olution, r-cnait d'oprcr une descenle darrs I'ile de la Do'riniqrie ct dc fo'cer ra gar'iion anglaise se rcnrrrc

ruiliciens, et qui tourba au llouvoir tl"unc escadre anglaisc


dtlcernbrc ). D'ilstai'g s'cfora srii'-le-charnp clc repre'crre

mes. Ils tinrc't ainsi Ia gra*ti. rc dc Te'rc-Neuve tout 'rille entire (septemble 1773;. Les uoul,elles tk cet hivcrfurc'[ leur ava'tage sur le co'ti'c't a*rricai' anssi bie' qu'aus Antillcs. [-'o dorihle expditiorr, re^ue cre l{elv-york pno rn*.' ct cle la llro_ p.r'terre, ettl'altit lc plus r'rirlional des treizc Ittats unis, 'iclc

It avair douze co*tre sis : ii attaqua vi_ 'aisseaus g'orlrcuscrnent l.'escadl'i. clurtlnrie ; nrais ccllc-ci, cr160sse dans Ia Laic appele le Gln'cr-cLrl-cre-sac et profge par deux batter.ies de tcn'e, rendit, par son cxcellente position et sa dfcnsc opinititre, la suprio'it clu nonrbre inutile. Les troupes de rlbar_ rluement furent rnoins heureuses encore : dpoun ues cl'artillerie, elles sc Jrrisre't co*t'e les batteries et les r.etranchements quc les 'lnglais avaient tabiis la hte sur des mor.ncs ci'un clifTicilc accs, et batti'c't cn alrrs trois *ssauts, en ar-randon'ant 'c.traite, scpt ou huit ccnts nror'ts ou blesss (lB tlccurbre). D'ilstaing, ;ryerti qu'trnc forte escacire enncrnie tait ail,e,nlitre clcs Etats_unis, clut aLrancionncr i'entr.cprise et sc r.ctirer lrr [iartirriclue. Nous frnes er1c01'r" cctte aunc--[, uuc autre pelte invitaSlr: e' ;\.rrir1ue. Les Anglais occ'pre't lt,s ics de saint-piei.rc ct tlc llirluelon, Que le trlit[ tle 1?68 avait intcrclir cle. Ior.tifier,, et r.e'_ voyrent en rfrancc la population, au rrorerbre cle cleux f rois
sairtc-Lucic.

4to u

L0tils xvI.

u 7?8-l 7?91

la Gorgie, ct s'ernpara de Ia capitale, savannah, et de la plus grande partie tlu pals (dccrnbrc 1778 - janvier 1779)' Il n'en fut pas de rnrne dans les lners d'Afrire. Dans les mois de janvier et de fvrier !779, nne escadrille franaise reprit sttr les Anglais Saint-Louis dLr Sngal, celd par le trait de 1763' y couccnl.rit les ressoulccs dfensives dc Gore, qtt'on abandonna cornlne un poste tnoins avantageux, ct dtruisit les cornptoirs anglais cle Ia Garnhie, de Sicrra-Leone et de toute la ctc depuis le cap Blanc jusqu'au cap Lopez. On fit pour plus de 15 millions
de priscs. Lcs pcrtcs matriellcs se llalanaient, et les dsastres prdits att gouvernerncnt anglais par l'opposition ne se ralisaient pas jusqu'ici; rnais ce qui devait protondment blcsser I'orgueil hritannique, Cest quc non-seuletnetrt Ia ntaline franaise s'tait montre gale la marinc d'r\ngletcrre dans les grandes volutions dc {lotte contre flottc, Inilis qu'elle avait eu I'avantage Sur elle dans presque tous lcs combats particuliers. IJn assez grand nomlrre cle frgates anglaiscs avaient t t'aincues et conduites en triomphe clans lcs ports Ii'anais par: des btirncnts gaux ou mtne inf-

l'ieuls

r.

La France s'animait de plus en lllus la ltrtte. Quand La Fayette rcvint sur la frgate aml'icain e l'Alliancc pollr reprendrc sa place clans I'a1ne franaise, il ne trouva chez le roi et chez les rninistres ni la volorrt rri, il faut lc dire, le pouvoir de punir sa glorieuse tlsol,rissartce: le roi fut bicnreillant; la reine' avec sa vivacit accouttrme, fnt complternent sLrlljugue par I'enthousiasme univcrsel qu inspirait le jeunr: et illustre Yolontaire cle la lihert

(fvrier

17?9 ).

Les classcs navalcs cn Frattcc avfl.ient t augnrentes de otlze rnille cinq ccnts matelots par r,,rdonlnance de janvier 1779. L'acl,il. Le plus hroque deccs errrnSnts fut celui du Tritort, detrentecnonst contre tn btiurelt anglais de riuulante. Le capitaine franais, Calulan, avait t ernport l.rless rucrt; ii npprcrrd que son quipage commence faiblir; il se fait reporter sur le till;.rc: .IIes cnfants! " s'crie-t-il, " j'ai peu d'heures vivre; que je n'aie
pas la 6ouleur de tlourir srns vous voil ruaittes tle la t'rgate anglaise, Allons, tnes enfalts, uq {ernier coup de force ! elle est vous! " L'Anglais est prisr et Caiulan llist. dela ernite guerre) t. lI, p. 5. -La marine royale angiaiSO meurt content. avait rij perrlu ciuqturnte-six btimeuts au pliutemps de 1779. lbid., p,82.

{,r

778- t?791

AFI'I(.)UE. lIr\llNB.

&3i

crotre et que le Pacte de famitte cntlaincrait le roi cl'Espagne, tanciis r1u'clle ne pouvait pas mrne compter sur le concotrrs actif

vit de nos chantiers et dc nos arlnelnents ne se ralentissait prs. Nos corsaires, encourags par deux ordonnances de juillet zg, qui leur accordaient de grands avantagcs, s'organisaient snr la plus vaste chelle et formaicnt cle vril,ables escadres auxiiiaires de Ia rnarine rovale f . Lcs corps recomrnenaient les dons patriotirlues. Lcs Etats rl'rtois avaient offert une fi.gate clc trente-six canons. Le parlernent anglais avait vot, cle son ct, soixante-clix rnille matelots et soldats de marine pour I'anne o I'on cntrait. L'Angleterre prvoyait que le nornbre cle scs enncrnis allait s'ac-

clu Portugal, qui efit bicn voulu chapper son oppressivc


alliance
2.

nentale clui lui avait si bicn russi clans Ia guerre cle sept Ans. Il s'tait lev cn rlllernagne une grancle querelle oir la Francc pou_

L''\nglcterrc avait cspr voir se renouvcler la diversion conti-

vait sc trouver engage. L'lecteur clc Bavire, llarimilien-Josph, taif rnort le 30 dcernbre t777. Avec lui s'teignait ccttc b'anchc tr!'iLltclminc dc Bavire, qui avait jou un rle si consiclr'able rlans I'histoire politique et religieuse cle I'Empire. Son hriticr lga} teit le chef de l'autre branche bavaroise, de la branche Roclotph,tne, c'est--dire l'lectcnr palatin Charles-Thoclore. llais I'ern pereur Joseph II, qui, deptris longternps, jctait cles rcgar.ils ce convoitisc sur la Bavire, exhurna, tant en son norn proprc, cornme chef de I'Enrpire, qu'au nom cle sa mr'e, colnrne reine de Bohme et archicluchesse cl'Autriche , cle ces vieilles prtentions que lc
parcil cas. ll rclania Ia maieurc partic cle la succcssion c[ arracha, le conscnterncnt de la vieille tlarie-Trrrse pour fhire cntler scs troupes en Bavire. L'lectcur palatin, qui n'avait pas cl'enfant
chaos des archivcs gennaniques nc nranquait jarnais cle fournjr en

lgitirne, se laissa grgner par ra prornesse d'nn g.rancl tablisserncnt pour son llls naturcl et cda presrlue tout I'lrritage I'An1' Une conrplgnie
cle }iantes arma

tait pour la caisse des invalicles clo Ia marirrc, ?' Le Portugiil avait un nouveau roi , clon Pclre amen la chute du fanreux nrirristre pombal.

vettcs; ulle coll)I,llgrric'de Bordeirux nua douze l.rirtiments lgers. L'tat leur fourrrissait I'artillclie gratis et leur abantlonnait lcs deu.x tiers dls priscs;l,autre tiers

six frgates

d.e trerrte-six canons

et <Ielx cor

IIL La morb

clc Josep)r Ier avait.

,i.3

il ?7sj

trichc (janvier l??8), sillls tenir coiltlttc clcs tlroits de son nevelt' le duc cle Deux-Ponts. Joseph II avait cornltt sans Ie vieux Fnirlric. Lc roi flc Pt'sse savait encore molrter t\ chcval et n'tttit pils homrne laisser sa rivale I'Autrichc s'acclotre, sans coup fr'ir', cl'une granclc province. Il se fit le chantpiou de I'hritiel pt'sornptif qu on sacri{iait, tiu duc de Deux-Potlts, et cle I'lecteur tlc Saxe, qui revendiquait }es alleux dc la Blvirc, auxquels lcs
fcmrnes succclaient : il corllmena par sotrdet' 1tt'uclemtlrent les cours de versailles et cle saint-Ptersborrs, rtpl')elant I'unc k: trait de \vt:stphalie dont elle tait garantc, faisant valoir pl's dtr

l,autre I'intrt qu'elle avait rnaintenir I'quiliJrre de I'Allcmagne. L'Autr.iche, pendant ce teutps, rclarnait le secours ventucl si de la France cotll,re la Frusse, etl vertu du trait de 1756, coulurc ambitions' ses ce rnalhcureur traitti efrt infod la n'r'ance toutes La situation tlu cabinet lranais tait dlicate : Ia rciue c0l]1-

| rnenait d'acqurir auprs de sou lnari un crclit inacconttttn et n oubliirit pas assez qu clte tait ne Atricl'r,tewle , nolll funeslc qui rlevait tre un jour un arrt de ntort pour la fille clc lIalicThrsel Cellenclant le souvenir des avis d'utl pe\re tnourant ct I'intrt viclent dc la Flance I'etnportrctlt denii auprs clc autaut Louis xvl. r\[aurepas et vergennes taient anti-r\utrichiens, qne le comportaient la lgrct cle I'un ct la circonspection tlc l,autre. Lt !'rance signilia sa neutralit l'utriche, en s'cn rfrant la dite cle l'Ernpire potir savoil' si le trait tle Westphalie I'eittavait t ou non respect. Nanmoins, llour apaiscr uI] peu la cut on iliftt't"ion, pcreur, qui se plaignait amrement dc rctte prouris ioibl.rr* it. toi fournir en secret le sullsidc dc 15 urillions Frpar lcs traits2. Par cornperlsation, le cabinct fianais servit cltti hostilits ics d'arrter afiu ii Constantinople AOrir en agissant

de la s'erlaient rouvertes entre les llusses et lcs TttrCs, cause 3. l(anarclji tle trait le ruranir)re dont catheline II interprtait
1. fille tlui ftit }Iaclame, sttirjlc: elle avait .loiilr au roi, lc 19 se|temble 17?8, uue L,art
des chirur.giens avait raiucu l'obstaclc qui

alait lendu jusqrie-l leur urrion

rlucliessc tl'ngrlulme. Camplrn' 9. Sonlavie , .trl[t't' lu rgne t]e louis 'f,1/1, t' V, p' 56' - llcnt' dc nlme t. II, p. 29. rain altne d:rrt''3- Les Rnsses nraient ri()1 ce trait tls l?77, cn irtterlcitaDt
Les

alliriles tlc la Clirire.

117

78-r 779J

succlisslot{

Le roi rlc Prnsse, certain tlc la Francc, prit I'ofcnsive et se jeta sur la Bohme, que Joscph II 4fen4it cp personne, assist des vicux gnraux de la gucrrc cle Sept Ans (juillet 1778). Le ieune empcreur vita Ie choc clcisif quecherchait le vieux roi. Les Pr*ssiens, aprs avoir fourrag la Bohrne,

Ii ll.\\'lE t', E. de n'avoir rie' rcdoutcr


D

439

rentrrent en Silsie et enlevrent aux Autrichiens cette extrmit rnridionale de la silsie qu'ils avaient conserve la paix de 176j
(septernbre-novembre). Les hostilits, soutenues contrc le gr cle Ilarie-Thrse, n'allrent pas plus loin. I-,'impratrice-reine clemanda la rndiation de la Russie, puis cle la Francc: c'tait renoncer implicitement ses prtcntions, ou plutt celles cle

son fils. La base de I'accornmodemcnt fut arrte cls Ie mois clc 177 9 . Joseph II, uanmoins, suscita cliflicult sur cli ffi cult, jusgu't ce qu'on et reu Ia nouvelle cle la conveution signe constantinople le 2l mars. La Turquie ayait accepl, sur le trail de Kaiuardji, les intc'pr'tatio's qui livraient catherine la crime sous I'ornbre c|une 'rlsses

janvier

lrius puissante que I'ancicnne, puisqu'elle r.u'issait les cleux lec_ lorats bavarois et palatin. Le gonvernemenf franais n'avait pas 't hroque dans cette affaire, rnais it avait vit un pige trsdangereux, conserv la libre disposition de toutes scs ressourccs

tleme'ra l'lecteur palatin, avec substitutio' au duc cle lle*rPonts : l'lecteur cle saxe fut incler''is en argent par Ie palatiur. De cette crise, qui a'ait failli absorerlaBayic\re clans la nlonrl.,chic autrichienne, sortit clonc une nouvclle maison tle Bavirc,

consentant d'vacuer la ctc de la mer Noirc entre le Bug et Ie Dniester, qu'elle vcnait cl'occuper militairement. La Russic avnit maintenant les mains libres ct pouvait tehir les engagemcnts du pacte qui Ia liait la Prusse. Joseph II sc rsigna. Les traits signs, le 10 rnai 1779, Teschcn en silsie assnrrcnt I'Autriche, pour toute part clans la succession de Bavire, la portion rtc la rgencc de Burghausen entre le Banube, l'Inn et la salza. Tout le reste

i'dpendance fictive, ct minaie't I'autorit dc Ia Porte sur la }loldavie et Ia yalachie; la Russie

contrc l'Angleterri et obtenu nn bon rsultat en llemagne.


L'expcrrience du pass n'avai[ pas t tout ir lirit pclduc.

l. V.
Itutnes,

t. Y ; IIm.

Ies ngociations dans Flassarr, t,


de Ia, gucrrc

vil, lir.

de I778.

8,'\D

LO

UIS IV I.

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ii9l

Non-seulement la tr'rance aYait vit de s'engager contrc de nouveaux ennemis, rnais elle s'tait assur un alli entran peu peu tlc la neutralit une pleine coopration. Le roi d'[spagne av,tit rcnouvel SeS tentatives cle nrdiation au colllmencement rlc 17?9. Il avait prc,pos une lonsue tr've entre l'ngleterre et
tes tats-Unis, trve oir intcrviendlait

la France ct qui mettrait

I'Anglcl,crre et SeS anciennes colonies dans lA rnme positioll respective oir s'eltaie1t trouvcs I'llspagne elle-rnllle et les Provinces lJnics tlcs Pays-Bas sous le rgirne de la trve de 1609. C'et t

rccorrnittl'c en fait I'inclpendance des trts-Unis : I'Angleterre rcfusa. Dans la prvision cle cc t'efus, le 12 avril 1779, le cal-rirlef dc l\{aclritl avtit sign unc convention ventuclle de concours arm lyec h France contrc I';\ngleterre. Le 10 juin, I'attlllassadeur d'Espagne Londrcs prit cong du cabirlct de Sairrt-Jatnes par un rnauifeste que suivit immridiatetncnt une dclaration de g'o.ttt. Il n'tait question clans ce manifcste quc des gricfs particuliers dc I'Espagne, fonds sur dcs violations de territoire cn Arnriquc et dc pavillon sur totttcs 1cs tncrs : vec lcs Anglais, de par.eils gricf's nc rnalqtraient jamais; I'Espagne , cle peul' de I'exernpie, vitait clc licl sa catlse ostensiblemcnt cclle cle I'insurrectirtn arnricaine. Ce fut seuletnent alors que la lfrance, aprs un an de gucrren publia alssi un rnanifeste, qre rltrta le cl']lre historien Gilihonr. Larponsc cle Gibbon proYotlua dc nouYclles rpliques, parrni lesquelles se signala la plurne tnorclantc de Beattrnarchais. Le vainqueur tlu parlernent i\[aupeou sctnblait prtendre clevenir le vainqueur cle I'Anglctcrre et fhire de cctte gucrre son ffr'ifc pcrsonnclle. La campagne de 1779 avait cotlrmcnc sur nos ctcs par ulle

petite espclition contrc

l'le cle Jcrse,v (fin avril). L'arlivc for-

csporrlre, lcs pcheuts alglais, ., pour dotlner url exemple d'hurnanit que le rgi rait voir suivle par les Anglais. ' 5 juin 17?9. - Anc. I'ois franaises, t. I\VII p. g2. Le gouveuclnent frangais, lr srrggestion inrlilecte de 'Iurgot, avaii tnt('oolt, s'ils le r'cn' rieureme.t, ortlonrrcl nos marins clc tlaitcr I'illustle navigtteur contraient, conLnle un o{fucier rJ'urrc I'tuissunce allirte. Flanlilin invit:r, aussi lcs Anrri' cains nc voir clarrs Coolc et son quipagc que /es orrtis de tout le gtttre ltttntuitt'

l. Vet,s le mrne tcmps parurent dcs lettrcs patentcs clu roi, qLri fhisaient honnerr au gorrvclneurent t'ra1ais. I-ouis XVI dtifenclait tl'irrcluiter, just}r' ttouvcl

$ i?1)l

AL Llr\r\

CIi BSPA

N OL11.

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tuitc cl'une cscadre anglaise tit chouet' I'entreprise et obligea I'cscaclrille flanaise se rfugier clans la baie de Cancale' Les nglais l'y poursuivirent et dtruisirent lcs Lrti[rcnts dont clle ,. .o"r1roseit, aprs que les quipages se lirrcnt rfugis tcrre (13 urai). Cet chec, qni nous corita cleux frgatcs ct quclques lttitncnts lgers, flt cotnpens par le rctard occasionn ir I'escach'c cunetnie, qui portait cles secours I'artnc anglaisc d'r\tnliqtre, et qui fut enstiite arrte longtcrnps par lcs vents conlrait'es ct par la craipte tlc tomber dans la flotte franqaise de Brcst. La flottc frauaise,forte de trentc vaisseaux de ligne, renrit la voile le 3 juin, sous lcs ordres cle cl'Orvilliers. 0n fondait dc hatrtes csprauccs Sur la grandeur des forces franco-cspagnoles, bieu
suprieures cellcs cle I'Angleterre. L'Esltague avait eu, ds I'anne prcclcnte, soixante vaisseaux tle ligne, dont trentc-deux arurs' 0n avait rLrni srlr. nos ctes une arme de quarante mille hommes cornuranclc par Ie lieutenant-gnral dd Vaux. La Fayette devait {igLrrer clans l'tat-rnajor. La {lotte francaise tlevait aller cherchcr h ttotte espagnole ct revcnir etullat'qucr ce corps d'arme pour le jetcr sur I'ile de \\Iight et Portsrnotith, pcndirnt qtte les Espagnols colnlnetlceraient le lllocus cle Gibraltar avec leut'S trouPes de telre soutenues cl'ttne cscaclre. Lc plan tait bcau : lcs mesures fnrent trs-mai plises ltlr le ministr'er. Les tlansports dcstins la clescente furent spar's, rnoiti au llavre, rnoiti Saint-t\Ialo,

lcur r'union trs-difficile2. Sartinc ollligca d'Or'vitlicrs cl'allcr trop tt la rctrcotttre clcs Espagnois, avcc seulcment trois mois clc vivrcs, ctl ltti promettant un convoi de ravitaillement quand il rcvicndrrit la hauteur d'Ouessant,
ce qui rcnclait

accotnpagn de la {lottc allic. Lc cabinct dc lladrid n'avait pas encore elt Cc molnent l'olllpu otiiciciicnrent avcc I'Angleterre : scs arrneurents n'taient pas prts; d'Orvillicrs dut dvorer son irnpatience clurant dc longues Scmaines; la jonction ne s'opra que Ie 26 juillet. L,es armes nvales combines comptrent alors, pr lil runion cle diverses escadrcs, jusqu' soixante-huit vaisseaux de ligrle,
rle Rochambean, t. 1er, p. 233. L)es prlratatifs cl'curbartluemertt pour un troisirne corps dc clix-huit mille hornnres, d,c"tin a urre diversiotl, se faisaient eu mme temps Dunlierque.

7. llln.

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autre part, Ie scorbut, cette crueile maladie q'e I'amlioratio'de i'hygine et une rigoureuse propret, irnite un peu tarclivement des Anglais, ont aujourd'hui presque bannie dc notre marinc, dsolait la flotte franaise. Lc seLrl vaisseau Ia Ville-d,e-paris avait perdu deux cent quatre-vingts homrnes ! D''rvilliers vit mourir 'dans ses bras son fils unique. son patriotisme et sa pie*se rsi-

navale, dirninuait beaucoup I'utilit cle l.oi .oo.ours2. D,une

tcxte de combattre I'invasion franaise. Dj I'h;lande, l,exernple de l'r\rnrique, repoussait les produits anglais. L'Angretcrre sern_ blait toucher sa ruine. La puissance reile des a'ines conrbines ne rpondait poul._ tant pas entirernent I'apparence. L,incapacit des marins espagnols, demeurs trangers aux rcents progrs de

Irlandais eux-mmes, inrligns des lois goTstes par lesqueiles I'Angleterre, depuis un sicre, f'ermait les ports a,Irrancre au profit du monopole anglaisr, rnenaaient cle to'rner conlre liL Grande-Bretagne les armes qu'ils venaient cle prendre sous pr_

imposante n'avai[ paru sur les rners. La terrcur fut profoncle en Angleterre, quand on sut que cette flotte irnrnense se clirigcaif vers la Manche. Les anglais, affaibiis par les escaclres cltachcs en Amrique et darrs I'Incle n'avaient plus que , trente-huit vais_ seaux pour couvrir les lles-Br.itanniques; presque tous leurs rgiments taient aux colonies, et leurs milices, bien que leves avec un zle patriotique, taient une faibre dfense. L'agitation cle I'Irlande aggravait encore leur.s pr'ils : il ne s'agissait plus seu_ lement de la vieille haine cles Gals calhoiique, .orrtr. lcs 4ornina_ teurs protestants d'origine a'g'laise ou cossaise

sous le conrmandement en chef de cr'Orviliers. Ja'rais force pr*s

: les Anglo_

Ia tactiquc

gnation lui donnrent Ia forcc cle co'tinuer la caurpagne. Le


cl* comnrerr:c

;:Ti:i:;irirent

de la dernire guerre) t. II, p. 8tr. rispagn'ls manquaient cre savoir', irs ma.quaicnt prs de cour.age irs ; furent justement fiers d'un combat rivr. i\ ra 'e hauteur u coj;*, oir trois frclgates I'aborclage t'ois frigirtes anglaises. uist. de ta d,er*ira

ton.

fhcturcis les plus itportarrts leur tait inter.clitel 'aturels ou .r*rui", Irlan,lais 'rigraie't e' granil nombre pour I'Amrique : il y eu alait lleaueoup - rlans l,arme cle washing-

1' Non-sculement les Irlandais taic.t p'esque errtirement cxclus avec les colonies angl:lises, mais l'expolhlion rle leurs pro4uits tlist.

2.

Si les

srrrr,

II13 D'OIiILLiENS. FJ,OT,I'ES CO\IBINES. ? aot, les llottes allies furcnt en vue d'0uesstnt. Dllcs n'y trcuir i
?91

vrent pas Ie convoi promis. Elles tournrent vels la cte anglaisc, ct, contraries par les vents, n'aperurent le cap Lizard que le t/r. e fut dans ces parages que d'Orvilliers reut, par une frgatc, I'avis que le projct d'attaque sur Portsmouth tait abandonn ct qu'on devait oprer Ia descentc F''aimouth, I'ertrmit de Ia Cornouaille : cltangetnent absurde, car le port et la rade de Falnrouth sont aussi mauvais I'ttn clue I'autre et incapables d'alrriter uue flotte. Quoi qu'il en frht, d'Qrvilliers s'effora d'aboltL

d'atteinclre la flotte ennemie ; mais I'autiral anglais Hard-l se rfugia dans la rade de Plymouth, et I'on ne put lui enlcvcr qu'un vaisseau de soixante-quatre, tnauvais tnarcheur (17 aot). Les \'Dts cl'est rejetrent la flotte cotnbine hors de la llanchc : I'amrc navale anglaise se montt'a tme seconde fois vers les SorIingucs, rnlis pour fuir sur-le-cltamp toutes voiles. La flotte franco-esllagnole se rabattit de noureau sur Ouessant : au lieu tlu convoi de vivres qu'elle csprait y rencontt'er, elle ne trouva qtie

I'ordre de rentrer Brest (13 septernbre). Quand on eut enfin les nioyens de la ravitailler, iI tait {roir tarcl pour remettre Ia rner. Il n'y eut pas mmc de tcntatile
cl'emharquemettt des troupes de terre. Ce prodigieux dploiement de forces n'avrit abouti qu' hurnilier I'Angleterre, en promenant des paviilons ennemis dans ses caux, sans qu'elle ost rpondrc leur dIi; mais on n'a'r'ait obtenu aucun rsultat positif, pas mme celui tl'interccpter les

flottes marchandes anglaises r. Le public , mal clair sur les Ihits, rendit I'amiral rcsponsable de l'impritie du ministre de la marine. < D'On'illiers, accabl de sa douleur paternelle plus cncore que de I'injustice des hornrnes, ahandonna le scrvice et alla linir ses jours loin du rnonde e. r: Il n'avait manqu cc
1. I-a Fayctte arait propos, ds son allivde, tl'ailer ranonrier les riches villes
.de

Liverpool, de llristol, etc., qui n'taient nullement en rlfense. " L'conomie, h dcs ministres, dit-il, r'ent manquet ce coup liardi. " Le granrl tablissement rnaritime de Portsmouth n'tait pas mieux anl et etrt pu tre cltruit coulr IIrn. d,e ll,ochamheau, t. Iu', p. 340. str'. 2. -L, Guriu, l-Ifst. nnrit. de lrrance, t. II , p. 463. Ilist. tle ht dernire euerre, t. II, p. 197-213, 223-229. - Peu nprs la rerrtre de la flotte, eut lieu, I'entre <le la llanche, un des plus hroiqucs combats dc navirc navire c1u'aient recueillis

tiuidit

t*LL

I,OUI S

I\:I.

plus grands marins.

tion nrinistrielle plus intelligente pollr prendrc place parrni nos

savanl tacticicn quc dcs occasions plus favorables et qu'une direc-

tr

iiel

d'exporlation et

L'Angletet're, chappe aux menaccs d,invasion, carta une ilartie de ses crangers en rcntrant en{in justice r,Iriancre, au moins en niatire comnrerciare, et cn revant res
prohirritions
qu,en
cle ngoce avec

avaie't porrcre vingfcinq vaisseaux ii crescencrit tc're cn rlcr_ arr.iileric (2 juiilct), et, da's Ia nuit clu 3 au 4, e'rporta djassau t re ntot.re o t'nopital, position abrupte et forte'rent retranche, qui commandait Ia ville
de cinquanr,c rluatre-vingts canons: sonne avec treize cents soltrats, sa's
tcr,r.iLrle et touchant rcit danr l'tlistoire maririrne rre T,iou Gurin, t. II, p. 46i et suiv. Les furces, la valeur, l,ha_ bilet, taient tigares : la fbrtune rlocida,eri faveur. a., n"on"J. i.a f,.gate anghise s'abima

sa flotte, Qur tles renforts

accoururent joindre les assigcants, et is 'ar Angrais capiturrcnt. D'Estaing se clirigea ensuitc cont'e l'ilc de la Grcnadc avec toute

rlartinique pill. d'Estaing, avait jet trois on quatre cents soldats ou volontaircs sur l'le angraise de saint-\rincent. La garnison et Ia rnirice dc l'lc taient lbrt suprieurcs en nornbre aur assaiilants; rnais rcs ta'abes de sai't-vincent, crernicr rcsto cre la popura{ion pr.iuritive des Antilles, clui sc souvcnaicnt d,avoirj t cruelrernent opprims par les Anglais et protgs les Frauais,

La ca'pagne a'ait t prus frucrueuse aux Antilles '0urope. Le 16 juin, ,n. .r.o,lrilrc, envoyc clc ra

les colonies (dcembre r?7g).

les annales rtaritirnes : la luttc dcs clenx fr.gates lo Suraeillante tobre l??9) fut un duel de ga.ts. Il e,r f:rut

lire

el

le

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Qubec

(6

oc-

encombr lui-rnmc cle morts et de tnourants et clisenrpar rle ses trois mllts. La rentre 'e lQ surveitlanle llrest fut il. la fois un t'i'mpl et ur, coorr,ri fuubre. r_e capitaine du couciic, qui avait t surrlirle ..re coorage et ,l,iru,uanit, mourut d,e ses blessurcs trois urois aprs. Lcs Anglais f.rent ,..nr1.e, r,rr."., comme ne s.tant pas re'drrs. Les Anghis rre devaie't pas, prus tarcr, urontrer cette maguanirnit nvers les dbris de I'hdrorque quipnge du l,enlieur._ Les corsair.es franais, qui en vertu d'une ottlo'nance reudue sous , le ministr.e ,ie choise{ en 176d, a'aient mairrtetialtt le ciroil rle porter le blanc 1r;rvillon comrne la rnar.i'e roy*le s,taie't , signals par de nor'b.eux e-rploits pe'dant Ia carrr'agne de r77g.un compatriote de Jean Jlart, Ie r)unliertluois liol'er, ie rentlit surtout terrible ii la ma.ine anglaise et fit uue rrorrne quantit cre piises. Les cors:ri.cs franais, arr's en vr,itabrcs fr_ gatcs, faisaient tiisparaitre rlevarrt eux lcs petits corsirircs arrglais. _y, llitt, de la derrtire guerre, t. iI, p. 3,3-1 et suiv.

avec son intri'picle conrmantlart riorrr,,"". Lcs restcs rnutils de son q.iprge fure't recueillis ei traitis en frres su' Ie navirc fi,nrais,

dans lcs flanrmes

I)'ftsr,\tNc. ANtrititqur. eri et les autres forts de la Grenade. c'tait la revanche de sainteLucic. Le gouvernenr se rendit discrtion. Deux jours aprs, la flotte anglaise dc I'anriralByron, fortc de vingt et un vaisseaux de lignc, parut en yue de la Grcnade, qu'elle venait trop tard seconrir. Si I'on el laiss [e pavillon anglais sur les forts cle la tircnac'le. la {lottc ft lcnuc sc placcr cntre le feu des forts et r:clui de nos vaisseaur. I\falheureusernent on ngligea cc stratagme, et la flotte anglaisc, qui et pu tle crase, nc fut quc repousse avec quelque perte. un vaisseau clc soixante canolls, appartenant Bcaurnarchais, se signala panni les navjres cle la marine royale. Le Itier-Roclriguc avait t arm pour convovcr les btiments de cornmerce expdis en Amrique par son propritaire : le fait est assez curicux pour tre recLreilli par I'histoircr. prs ces conqutes, qui assuraicnt aux rranais unc supriorit dcide dans lcs Antillcs, d'Estaing retourna au sccours clcs allis de la Francc. Il alla courbiner, ayec les Amricains clcs carolines, une attaque contrc savannah, capitale de Ia torgic, prise par les Anglais I'hivcr prcdent. Lcs dr,acherncnts anglais pars dans la Gorgie russircnt sc jeter dans la pracc, cFri
i

r 77sl

se df'enrlit opinitrrneut. Les assigs, renforcs de beaucoulr noirs, galaicnt peu prs en nornbre les assicsgeants. D'Estaing, voyant lcs oprations traincr en longucur', voulut ernporter de vive force les boulevards enncuris; I'assaul, fut repouss et cota un rnillier d'hornrnes aux Franco-Amricains qui se retil'rent en bon ordre;d'Estaing, au prenlier rang en toutc occasion, avait reu deux blcssures. Parrni les morts se trouva le br;rve Oasirnir Pularvslii, chef d'une petitc lgion qui fut colnme le pr-crnicr rnodle dcs f'aureuses lgions polonaises de la Rpublique ct de I'lhnpire (septcrirbre-ocfobre). Les Ilranais se rernbartiurcnt, et leur flotte, qui avait souffert de plusieurs coups de vent, se spara en trois escadres: une des trois retoulna en Eulope avcc d'fistaing. L'expdition de Savannah, rnalgr' son insuccs, avait eu indircctement un rsultat avantageux. Les Anglais, I'arrive tles Franais sur les ctcs dcs tats-unis, avaient cru Nerv-yollt mcd'esclaves

l.

Lorntlriie, Beuunutrclt,.Lis, sa uie et son tempt.

I,OUtS

IVI.

Ir

i79j

nitc et avaient abandonn, pour se concclltt'cr Nerv-Yorli, cctte lrosition de Rhode-Island qu'on avait tent en vain de leur arrachel' I'anne prcdente. D'Itrstaing leur avait, de plus , enlev un laisseau de cinquantc canons et cleux frgates. L'anne I7?9 se telrnina, dans les mels amr'icaines, par un t'oulbat trs-glorieux pour nos arutcs. Sur la cte de la nfartiuiclue, le lB clcemble, le chef d'escach'e La llotte-Piquet osa s'ellgil_g'er avec trois vaisseaux contre quatorze vaisscaux angiais, pour dL't'entlre une llottille marchande dont il sauva la moiti; puis il tlbarrassa scs trois vaisscr.rx du milieu cles cnnemis et reutra dans la racle de Fort-Royal. l,'ln 1779 avait t triste poul'l'Angieterre : elle avait thit tr'vc i -sc's discordes intrieures ayec un nergique sentirnent nationiii; elic s'tait puise c.n dpenses gigantesques; elle avait jct jnsLiu' 20 millions stelling (500 rnillions) dans le goufl.rc clc la SUL'r're, et cependant elle s'tait trouve trs-infrieui'e cn fbrccs arr.r allis. IIenace dans ses fo"vers, ellc ayait lait dans ses l)ossr'ssions lointaines des pertes sensibles clui paraissaient cn prsa3cr dc pltrs funestes. Elle sernblait giisser sur la pcnte de la ruine. i)rs Indes mmes, o les Franais n'taicnt plus rien, arrivaient tlrr sombres nouvelies : un cori)s d'arme angtrais avait capitul
'

rir.ant les l{alrrattes; Iader-Ali s'apprtait rcprendre lcs arnles. Sur le continent d'Arnriquc, les Espagnols venaient cle srisir I'offensive a\'rr une vigueul et une activit imprvues. lle Ia Louisiane occidentalc, cette terrc fi'anaise abandonne i'lispagne par le trait de 1703, un corps de tloupes s'tait je{. snl la Louisiane oricntalc, clue les Anglais, ses posscsseurs actuels, apilelaient la Nouveitre-F'loridc : entame dans I'autornne de 1779, cctfe provincer passa tout entire aux mains cles Espagnols alant ie printernps de 1781, sans quc les nglais, obligs dc laire 1at:e en tant de lieux a la fbis, cussent les rnoyens d'y portcl'
SL'CUTS.

L'r\ngleterre euf , au cormencelnent dc i7.90, des moti{ls dc


consolation. [in marin ;rnglais de 1rs-grancls talerrts, rlais d'lralriturlcs fort dsordonni'cs,I'arniral Rorlney, tlit rctenu cn Francc
f

. iiitou-Rougc,

trIobile, Itr:nsacola, etc.

u?s0l

f;

pour dettes antr'ieules la guerre. It clit uu jour, devant lc utar'chal de Biron, {e, ( s'il tait lible ct la tte de la tttarine britannique, il aurait bientt dtruit les flottes dc France et

- Essayez, ntonsieur, lilrre ! D Et il paya ses dettcs. Roclney. rendu I'Angleterrc


rl'Espagne.

rpondit le marchal, 'r'ous tcs

par e riluvelnent chevalercsquc qui devait nous cofiter assez clter, lcut aussitt le commancleuretrt cle vingt-deux vaisseaus tle ligne
dcstins il. secourir Gibraltar, que les Espagnols serraient de prs,

e[ noris disputer ensuite les Antilles. ll russit cornpltemcnt rJans la prcmire partie de sa mission, cnleva une llotte mai'chande espagnole avec son escorte, accabla, sur la cte d'Andaluusie, urle faible escadre esiiagnole laquelle it prit ou dtruisit sir vaisseaux de ligne, ravitailla Gibraltar et partit triomphant pour les Antilles ijanvier-fvrier 1780). Un de scs lieutenants prit

un vaisscau franais de soirante-quatre canons, {ui escortait un


convoi. Nous perdrnes encore cette anne, dans les mers d'Eul'.rpe, un vaisseu de soisante canons e[ plusieurs fi'gates, cntrc irrrtres la clbre tselb-Potie, qui se dfentlit cincl lteures, avec scs r.ingt-six canolls, contl'e un i'aisseau dc soixantc-quatre. Ces checs, tlont aucun ne fut sans gloire, cal' aucun dcs btirnents pcrdus n'avait cd qu''des forccs sultrietires, fitrent cnrpenss par des prises trs-considrables. On cite, entre autres, un corsaire irlandais au servicc cle France, qui enleva plus de cluarantc navires tlc' cotntnerce dans une seule croisire. Un convoi rJe soixante-dcux btinrents, clont la cargaison valait 1 million et

dr:nri stelling (3? 38 nrillions), et que rnontaient trois mille rnatelots, tornba au ltouvoir d'une flotte franco-espagnole vers lc cap Saint-Vincent (9 aot). 0n prit aux Anglais un certain nombrc de fgates et cle btirnents lgers. Notre tnarine eut regrettc.r, t'larrs une de ces l'ettcontl'csr le brave corsaire Royer, bless iL rurcrt en forant la retraite une escatlrille anglaise suprieure ir

la sienne.
Rodney, sur ce,s cntrcfaites, se trouvait en detneut'e de raliser scs rnenaces. Aprs aloir battu les ltrspagnols en Europe, il tait en prsence des Franais aux ntilles; cl'[staing nc les comurattdait 1rins. Chri aies rlatelots et clcs soldats, trs-populairc clans la inasse de la uation. cet aurirai tait cn buttc I'hostilit du

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orpsdclamarine,lcplusjalorrx,leplusirrtraitablecletousles corps'quileregar'claitcolntneunintruspalcequ'ilnesortait pasdesgardesdelanrarineettlu'ilavaitd'abordservidartslcs troupesdcterre.L,intrigueparvintl'cartercctteatrnedtr d'Amt'it1uc' plus hrillant, :.1:i commandernent fe plus uJtir *ile tle ltri succtlet', lrl Il fut clu moins remplac par un marin digrre Rodney et Guichen cll lieutenant-gnral 'onttt de Guichen' : clans les caur de la DomiDique vinrent uo* o,oin* ,ie L7 avril, vingt ct
vaisscaux, lcs Anglais les B,ranais avaient vingt-qr-ratrc dcs tleux parts' Rodney' un'. Aprs tle trs-bellcs tnantlYl'cs

qrriavaitledesstrscltrvent,ccssalef.euetsercl,irapendantla son vaisseau atnit'al nis nttit, aprs avoir t olrlig de quitlcr sa flotte' qui arait
hors
d,e

combat.

Il

alla Sainte-Lucie rparcr

plussouffertcluela{lottefrarraise,etrer,intbicnttlaclrargc. LelSrnai,unesccond,cactionp.o.l'i'iveetrtlieuentrelax[at'. tiniquectSainte-Lucic.Le19,l,tr,ant.gar.dean3laise,fortecle septvaisscaux'setrouvacngagecontrel'arrirc-gardectle coup, le gros tlc


tant tomh totrt centt'e rles tr,ranais. Le verrt

laflotteanglaiseftrtlongtclnpssansporrvoirsccour'irsonavarrtque' mais tellernent dsetnpare, garcle; elte Ia clgagea lnfin , cltrrcnt tt.e retnorqrrs vers tlans la nuit, .,,-oui,*.aux mutils Sainte-Lu,i,;ityerr.utundcsoixante-quatorzequicoula.Le payait sur la BalJrade' L'amiral fi'anais l.este clc la flotte se retira chersagloire:sonfils,lietttenantclevaisscau,taitaurrombre
cles

journe' victirncs cle cctte troisirne

Rocluey,tnallrcurcuxclanssesattaquescontt.elaflottefratr.
aisc,rr.rOussitpasclavantageintclccpteruneescaclreespa-

gnoletleclouzcvaisseaux,quiatncnaitauxIesungranclconvoi dctroupesettlernarclrandises.LesamiraurcleGuiclrenetSolano cffccturenblcurjoncliorrsansollstaclc(19juin).I,aJarrraiqueet peu cl'acclans la lert'ettr; mais le ies autres iles anglaises taient Espadcs les incertituiles cor. dcs deux uiroo*, Ies lentcurs, pnols,ctsurtoutuncpirlrnicquiravageaitlettrsqtiipageset cttr.sr.girnents,etqu,ilscomrnuniqurentauxFratrais,paraly. srcntlaflottecotrt]rinc.Ccsgranclcsforcesetcettecampagncsi
taissea*x Oo fig*.'t:i.,,.ro,,

l.orrcorrrmenaitl.rneplrrscorrrpterlcsbtinrents<lecilrqrrarttectnonscol]lme vlisseltttx' fl,rttcs riarait qrt'utr scul tlc ccs

,t.r.lcui

CUITIII]N ET RODNIIY. ANl'TI,LES. T}+'J bien cornmence n'eurent aucun rsultat '. vers I'automne, cle Guichen, au lieu dc se rendre aux [tats-IJnis, o on |esprait, retourna, suivant ses instructions, escorter en pcrsonne, jnsque dans les cau\. dc cadix, la flotte marchancle dcs Antillcs, que tl'Estaing, avcc I'escadre franco-espagnole cle cadix, conyoy ensuite vers la France r.
t

1?801

Les clmeuts furent, cctte anne, pour les colonies anglaises dcs

Anlilies, de plus tcrriblcs cnnemis rlue les hommes. La Jarnalque avait t, le 23 fvrier', cruellenent maltraite par un ouragan;
clle en subit un second trs-violent au cotnrltencement cl'octobre. Le 10 de cc nrois, une tempte d'une fureul inouie, une vritable

sous lcs ruincs dc leurs derneures, clvasta galernent SainteLucie, nauf'agca unc rnultitLrde de navircs, dont deux yaisseaux de iigne ct unc grossc friiatc, et dsempara beaucoup d'autres biitinrents de guerre. Les les franaises Iirent aussi de grandes pcrtes, rnais beaucc,up rnoindres que celles des Anglais, aggrar'cs par la destruction d'nne partie de la flotte marchande de la Jaurac1ue, ri tait cn mer pendant ces effroyables orages. Durant les luttes striles des nlillcs, les affaires des nglais s'taient relevcrcs aux lltats-Unis. une expdition, partie cle Nc,wYork, avait pris charles-'rol'n, capitare de la caroline clu sud" et cnyahi toute cette province (avril-mai 1?80). Lc gnral Gates" le vainqueur de BLirgoyne, fut battu en essayant cle la recouvrer (aorit). Tout le sud paraissait fort cornpromis : Ies tats-unis s'puisaient leur tour, et jarnais le sccours de la France ne leur avail t si ncessaile. Aussi accuc'illilent-ils avec autant cle joie que de reconnaissance leur {idie arni La Fayette, QUi, ne voyan plus poul cette anne de projet de descente en Angleterre, venait rejoindre \\rashington, cette fois avec I'autorisation du cabinet de \rersailles, et annonait I'arrive d'un corps de troupes franaises,
Ltamiral espagnol Solano fut plus lteureux au printemps suivant : ce fut lui qui, err rnai 1781, second par les Frangais cle Saint-Dr:rningue, rieitla Ia conqute de Pensacola et de toute la Floride occirientale.

convulsio[ de la nature, boulever.sa de fonct en comble la riche et bclle lc de la Bar'llade, crasa lilusieurs milliers d'habitants

l.

2. L. Gurin, Ilisl,.
p. 420, ,175-481.
305- 306.

mariti,nte, t. il , p. 4glj. - ilist. de ra dernire guerre, t. rl,, - Ilist, rl,es troubles de I'Amdrirlue angl,uise, t, III , p. 75-282, 99

xYI.

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UIS T\TI.

[1',;s0l

avec

un convoi d'arrnes et d'quipements pour lcs Amricains. Cing mille soldats franais aborclrent en effet Rhode-Islancl, lc 12 juillet, sous les ordres d'un gnral distingu, le comte de
Rochambeau, qui avait ordre de reconnatre pour comrnandant ctt chef lVashington, investi dLr grade de lieutenant-gnral dans I'annc franaise. lls n'taient escorts que par une petite escaclre

de sept vaisseaux de tigne, et les Anglais gardaient la supriorit rnaritirne aux tats-Unis; rnais la jonction du corps francais avec lcs Arn(:ricains de \Yashington et cle La Fayette obligeait du rnoins l'ennerni concentrer ses principales forces de terre et tle mer pour collvrirNew-York et obset'ver Rhode-Island. Les oprations offensives de l'autrc corps d'arme anglais contre les provinces

du Sucl en furent ralenties. Le gnral en chef Clinton ne put envoyer au conqurant de Clrarles-Torvn, lord Cornrvallis, ilcs renforts suflisants, et la cause amricaine comlnena dc se rtahlir dans le Sud. L'Amrique et La Fa,vette, soll interprtc orclinaire, conjurrent le. gonverltement fi'anais d'achever son (Fuvre, cn enyoyant aux Etats-Unis unc forcc navale suflisantc : totrt I'avantage, dans cette guerre de ctes, appartenait celui des deux adversaircs qui pouvait porter rapidcmeut ses troupes pal' mer or bon lui sernblait. Ces vux, qui ne pouvaient plus tre exaucs que pour la cattlpagne suivante, arrivrcnt des ministrcs nouveaux. Sartinc vivait mal avcc Necher, corlltne il avait tnal vcu avec'Iut'gol, bien que ce ne ft point par la rnrne cause. S'iI avait le rnrite de pousser vivemcnt les constluctions navalesr, pr compellsation, non-sculcment il n'etrtendait rien la guerre, mais le dsordre rgnait dans son achninistlatirin. Il avait dpass dc 17 rnillions, en 1780, les lbncls nortues allous la tnarinc (126 rnillions) , et cependant la solde n'tait pas pay-e et totts les services taient SanS cesse ett retard, cotlttne on lle I'avait qrte trop prouy clans lcs plus iurltortarttes occasions. Itecker, forf cle I'appui dc I'oltinion et des loges qu'il avait reus jusque tlans lc
la
lanc cluinzc vaisseaux de ligne clepuis deux ans, et I'on avait ouvcrt campagne rlc l?80 avcc soixantc-,lix-neuf vaisseaux; Ies Anglris sc vatrtaieut Hi.,Ie la derttiir'e guerre,t. lI, L. Gurin, t. JI, p. .{89. ,:l'err avoir sent ilcux.

I. On avait
355.

p.

tr?86j

noctlt\IBEAU. CASl.lIES.

SGUI',.

t*:jl

joua }faurcpas. D'accord trvec la lcine, il profita d'un accs de gouttc qui rctint le vieux rninistre quelques jours au lif, pour enlever la nomination d'un protg cle }trarie-Antoinette, le marquis de castries (14 octobrc l7s0). tette fois,la reine ayait horrorablerncnt plac sa co'fiance. nI. cle castries tait trop tranger la rnarinc; nrais, clu moins , c'tait un honme dc ttc et de cur, fort estirn pour sa conduite clans la guerre tle
Sept Ans. Deux mois aprs, le rninistre cle la guerrc clisparut son totir.

finances, l'cuetnltle de colber.r. Il csprait I'accabler sous le poicls de ce double ministre. Nccrcer vita le pige, et ce fut lui qui

parlemcnt d'Angleterre, o r'opposition se servait cle son nour pour flageller les rninistres de George III, Neclier dclara qu'il fallait opter cntre sa drnission ou la rvocation cle sartine. liaurepas, dcvenu trp-jaloux du clirecteur cles financcs, efrt bien vonlu, rnais n'osa le sacrifier. sartine fut congcli. llaurepas proposa Neclier de runir. dans ses rnains la marinc et les

L'incapable courtisan qui avait succd saint-Gerrnain,le prince llontbarrei, fut remplac par le rnarcl*is cle Sgur (dcernbr.e 1780). c'tait encore une crature de la reine et un nouvel chec pour Maurepas. sgur, brave officier et achninistrateur intelligcnt, avait lcs qualits ncessaires pour aicler castries pousser les oprations avec vigueur : il tait mure plus spcial la guerre que
de Castries la marine.

La France renforait donc

ses

moyens d'action et se rnettait en

tlevoir cl'en faire un rnilleur usage. L'ngleterre tait relornbe dans ses discorcles. L'opposition s'tait dchane de nouveau
apr's les revers de 1779 et avait
msses fonnidallles cle pfitions contre I'influcnce cle

fait alr.iver aux cornmunes des la couronrle

et la corruption parlcmentaire. Le langage des oratcurs ct des p-

titionnaircs tait si rnenaant, que le refus d'imut et la guerrc


civile sernblaient irnminents. Les colnlnunes s'effrayrent ; I'opposition eut un nroment la rnajorit; elle la reperdit cepentlant, et le ministre North se rnaintint (avril 1780). I{ais cles troubles violcnts clatrcnt sur ces entrefhites par une autre cause. Avant les concessions commerciales I'Irlandc, d'importantes concessions avaient t accordes aux catholiques en l7?8. 0n les avait relevs

l!'i2

LOI]IS XVI.

u ?sOi

tle I'incapacit d'hriterr ct d'acquril des biens-fonds, et I'on avait ablog la peine de la prison perptuellc porte contre lettrs et leurs religieux, iloyennant serntcnt de fidlit ltt
1tr'tres

rnaison rgnante et abjuration de la croyance au llotlYoir du ptpe Sur le tenporel. La haine et I'cffroi du papisme s'taient conservs claus toute letrr pret parrni les plcsbytriens d'cosse. es Tiolentes populations avaierlt cli la trahisOn et accueilli I'acte du parlement par rles nteutes ct par le sac des maisons dcs cathoques Edirnlrourg et Glascolv. Deux graudes associations se formrent en cosse, liuis en Angleter.re, p0LL1" contbattt'e Ie rttultlisscment rlu, pupisnte, et choisirent toutes deux pour prsident lorcl George Gorclon, llcl'Sonnage d'une eraltation pousse jusqu'au dlirc. Le 2 juin 1780, uuc foule imtlrcnse' sur I'invita-

l.iou cle lorcl Gorrlon, sc por[a \\'estrninster pour imposer an aux catholiques" liarletnent la rvocation des concessions faites insults et furcnt charnbres tleux des lleaucouit cle rneurbres les charnJlres nanlnoins rnaltraits aux aborcls de Westulinster; la rnulet de l'rlneute, refusrcnt tle cilibrer Sotls iil prcssion titucle hsita violer le saltctuaire de la l'gislature. Ellc nc s'apaisa pts, cependaut, et, durant plusieurs jotlrs, les dsor"d1cs allrent croissant. La sdition saccagea ct incendia d'allurd les chapelles qu'on tolrait aux catltoiiques, puis lcurs maisons, ltttis les maisons tle plusieurs hauts forrctionrtaires et rnembres du parlement, qui avaient propos ou appuy lcs lnesures de tolI'rnce : les prisons avaient t forccs; chaquc nuit, les flammes rougissaient le ciel au-dcssus dc la grande ville. Lcs passions brutales de la poputace sans nom qui remplit les vieux quartiers de Londres taicnt surcxcites au dernier point, et I'on comntenait dtruire pour cltruire ou pour piller : la Banque fut sricusernent rnenace; mais le gouvelnelDent s'tait eufin dcid appeIer cles troupes clans Londrcs. La sdition ne tint pas det'aut Ia fusillacle et l'ut touffe dans le sang de plusieurs centaines de rnutins. Lcs chcfs de I'opposition, l'ox, Burke, et jusqtr'au dmag0 guc WiIIies, s'taient prolloncs n clgiquetnent cotrtre l'meute et ponr la tolrance. Cet orage, 0[ pouvantant les classes
lc plus ptochc parottt, apr's ltri, tait tle

l. I'ar un acte iltrrgue

cle Guillaume

IlI,

I'hritier catholique tait rinc, quantl

l''1lise lablte'

u 7s0l

4;3

rno)'cuncs, fit diversion anr luttes lgales du parlerncnt, ct raffertuit pour quelque tetttps le rninistrc. Il olitint encol'c la najorit
dans un nouveau parlernent, et 1iut, rnalgr la fatig'ue ct lcs souffrances de I'Angleterre, disposer, pour 1781, dc sommes qui cl-

ltassaient de lreaucoup ccllcs qu'avait jarnais eucs entre les mains aucune acltninistration anglaise. Lc buclget cle la guel're atteignit 25 nrillions sterling' (025 millions)'. La guerre avait t moins tlsavantagcusc aur Anglais en 1780 que I'anne prcdente; mais tout annonait quc la carnpagne suivante cxigerait de lcur' part dcs efforts inouls pour n'lre lroint accalils.

Leur rliplomatic n'tait pas heureusc. Leur orgueil

goste, lcur nrpris pour les droits cl'autrui, taient chtis par nn isolernent absolu, tandis que la Francc tronvait partout, soit des allis, soit une ncutralit bienveillante. Ds lc ?6 juitlct 1778,

I'ouvcrture dcs hostilits, le gotu'crncment franais avait publi un rglcnrent rnaritirne favorable aux droits des
presque
ncutres. Il avait t dfendu nos armateurs d'arrter lcs nar,ires netrtrcs, rnme sortant des ports enncrnisous'y clirigcant, except ceux qui porteraient des sccours cles places bloqu(rcs on assig'es, ou qui seraicnt chargs cle contlcbandc cle guel.re. ccs der'lires marchandises seraient conlsques; nrais Ie nalire arrdrtri

n'aurait le rnme sorf que

si la contrcbande fonnait lcs

trois

cluarts cle son chargement, ou s'il avait bord, soit un snl_rrcargue, cornmis ou officier ennerni, soit un quipage fonn, pour: plus d'un tiers, cle sujcts enncrnis. Les neutres furent peu satisfaits dc ces tlernircs restrictions; nrais lcs srrviccs dc I'Angle-

terre leur fircnt bicn vite oulilicr ce lger grief. Les Anglais, tbulaut aux pieds le principe tabli dans leurs traits avec la Hollande
comme dans les traits d'[Jtrecht, savoir, que le pavillon couvre rnarchandise, rnoins la contrebande de gucrrc, traitaicnt clc conlrebande toute rnarchanclise pouyant serlir Ia nrarine, et an'taient sur l'0can tous les navir.es neutres frtcs pour h France, comme tra{iquant avcc des placcs bloques, atftndu, rluc lcs ytorts de France sont nattr,rclfumu bloqui,s ytctr lrs plrts cI,Angle-

la

terre.

l,

IIist,

cte

Ia

derntre guerrel

t. II,

p. 521.

LOUIS XVt.
se

lL77Sl

L'irritation clevint gnrale contre eux. Le Danernark et n'obtint qu'une rparation trs-insuffisante. Le roi de Sude fit rnieux que de se plaindrc : il auna, et imposa par cette rrergiquc dmonstration (avril 1779). La Hollande se plaignit commc Ic Danemarh et arma comme la Sude; mais ses paroles et ses actes ne lui valurent que de nouyeaux affronts. L'Angleterre comptait sur la crirninelle connivence du pouvoir excutif, de ce Nassau clgnr tlui vendait sa patrie en change de I'appui que lui donnait le cabinet dc Saint-James contrc les arnis de Ia libert.
I\on-seulement ellc ne respecta pas davantage la netitralit hollanclaise, mais ellc somma imprieusement les Provinces-Unies de renoncer cette neutrlit et de lui fournir les secours stipuls par les anciens traits dalliance (juillet-novetnbre 1779). ta France rclarnait uon rnoins premptoirement I'entire observation rle la neutlalit, laquelle les Provinces-Unies avaient drog cn admettant le principe anglais qui qualiliait de contrebande de guerre les munitions navalcs destines la France. Les illesures restrictives adoptes en reprsailles par le SouYernement franais contre le cornmerce hollandais portrent leurs fruits : la ville d'Amsterdam, puis la plupart des villes de Hollande, puis une partie de celles dcs autres Provinces-Unies, se prononcrent successivernent en faveur de I'entire neutralit et des vrais principes clu clroit maritiute. Le parti rpublicain , relcv et soutenu avec autant cl'habilet que cl'nergie ltar I'ambassadeur franais, La vauguyon, qui ne ressernltlait gure son pre, le funeste gouvcrneur de Louis XVI, fit, malgr la faction du stathoudert, convoyer les vaisseaux rnarchands par des escortes arlnes. Le 3 t clcernbre !779, un convoi escort par quelques vaisseaux de guerre hollandais fut arrt dans la Manche par llne escadre anglaise. Le chef d'escadre hollandais fit feu sur les agresseurs pour constater' leur violence et sa rsistance; puis, trop infrieur pour pouvoir livrer bataille, il amena pavillon et suivit Spithead ses navires de cotnmerce emmens par les Anglais. Les btirnents dc
1. Flassan remrque, comme une circonstance rare dans I'histoire diplomatique, que La Yauguyon u ne clonna pas la plus lgre somme d'argent por ggnel. ou corrompre personne, et ne conquit la supriorit au parti frarrgais que par la voio Flassarr, t. YII' p. 289' rle Ia persuasion.

plaignit

Ir7 s0]

IIOI,I,ANDD. DIiOTT

}T.\NITI}IE.

455

colnntcrcc furent dclar's tle borure prise par I'arnirattt anglaise. L'Angleterre, n'es1'lr'ant plus I'alliauce tie la Ilollande, I'airnait mienx enneruie que ueutt'e. tct adversaire, t'iche et faiblc, offrait I'avidit britannique cles colonies flolissantcs pillcr ct des rentes norrnes ne plus pavcr'. A dfaut cle la Hollalde, le cal,rinet de Saint-JarDes csprait, en ce rnornent, gagrler enfln une puissante allit':e, la Russie, qui

n'avait liresque aucun colllmcrce avec la France, en avait un


trc\s-grand avec I'Angleterre, ct serni-rlait d'ailleurs dispose tout

sacrificr aux intrts de son anrbition en Or'ient. Catrcrine II avait firit insinuer au goru'elnement anglais que, s'il consentait s'unir eile contre I'ernpire othornan, elle accepterait l'ailiancc
anglaisc sons la forrne d'une mdiation anne de ia Russie dans la guerre clc I'Angleterre ayec ses colonies, la Flance et I'Espagne.

Catherinc tait disputc cutre deus in{lucnccs : cclle du favori Poteurliin, rpi inclinaif vcrs I'Angleterre, et cclle du premicr rninistre Panin, attach au grand Frdric et mal dispos pour les Araglais. Lorsque le cabinet anglais aclressa officiellcrncnt ia tzu'ine les proilositions qu'elle-mme avait provorlues, Panin trouva moyen .de traner I'affaire en longueur. Sul ces cntrcfaites, les Espagnols ayant saisi, dans la llditerrane, dcux btiments russes qui tlafiquaient avec les nglais, Catherine dcmancla satisfaction I'Espagne e[ anna quinze vaisseaur dc ligne pour appuyer sa rclamation. Les nglais croyaient tout gagn,lorsquc Panin, avec une habilet merveilleuse, persuarla la tzarine tle saisir cette occasion pour s'assurer Ia gloire d'tablir en Europe le systme du vrai droit maritime e't pour sc mettre avec clat
la tte cles puissances neutres. Le droit 1tr'occupait fort peu Cathe-

rine, rnais elle allait volontiers torit ce qui brille; elle permi[ ir Panin d'envoyer aux puissances bclligrantes et aux cours tle Sude et de Danernark une dclaration otr la Russie posait cu principe : 1o que lcs vaisseaux neutres ont clroit de navigucr rle port en port et sur les ctcs des nations en guerre; 2o que les
eft'ets appartenant anx sujets des puissances belligrantes doivent

tre respects sur les vaisseaux ncntres;


placs en Angleterre.

3o

qu'il u'y a d'autres

1. Les l{ollandais avaient, colnme rtous l'avons j dit, iles capitaux immenses

{56

LOU T S X\TI.

1780]

objets cle contrebantlc quc les arlllcs, cluipcrncuts ct munitions rle guerre; 4o que les seuls polts bloqus sont cenr clevant lesquels se tient cletncure et proximit ttne force navale ennc-

rnie (rnars 1780). Ccs principes laient lcs seuls que puisse avouer le clroit des gens, et c'est une des singularits de l'lristoirc qu'ils aient t proclams si bruyarnmcnt par un des goul'ertlctuctlts les moins soucieux du droit qui aient partl sur la terrc. Les maxirnes dc I'arniraul. anglaise se trouvaieut radicaletuent Ities par la dclaration cle la Rtrssie ' qrc Ie gouvernetnent frandc scs ais Se hta d'accepter colntne n'tant que I'elipt'ession La lit autant. en L'Espagnc Irropres principes (?5 avril 1780). par sucle et le Danernark contractr'ent I'engagctneut de soutenir les armes les principes qu'at'ait poss la Russie, ct les trois puis' Sances d,u ncrd S'cnggrent forrner au bcsoin unc flottc cotllhine de trente-cinq vaisseaul clans cc but, et tenir la Baltique ferme aux vaisscaux cle gtlerre dcs tats belligrants '. La Hollandc et clfr se hter d'atlhrcr la neutralit alrne clu Nord; mais le stathouder eut encorc le pouvoir cle trarler I'accession 2, et ce fut I'Angleterre n longueur, malgr de nOuveaux outrages qui dclara la guerre la Hollande par un manifeste du 20 cl-

cemllre 1780. Pendant ce telnfs, Ies ambassadeurs hollarltlais

signaicnt enfin la neutralitt at'tne Ptersbourg (5 janvier 1781); mais la Russie, colnnlc on I'avait cspr Londres, rpondit qu'il tait trop tarcl ct ne voulut plus couvrir le pavillon rles ProvincesUrries. Catherine II, qui ne tenait esscnticllement qu' une seulc chose, ses vues sttr la Turquic, ct qui avait cd, sur la question naritime, I'intpulsion d'autrui, ne montra pas une nergie bicn soutenue dans cette affaire, et finit par qualifier elle-mme la
newtralit arnte de nudit arnti:e3' l. Le portugrl mme fit une tentative porrr se sonstraire la tylannie anglaisc. les corsaires alglais faisaient dc ses ports cles nrarchs ou ils veriaieut trafiquet [le

leurs prises sur les neutres comme sur les ennernis. Le gouvetnerlterrt portugais fcnn:u :e po"t d"Lisbonle aux vaisseaux de guerre qui s'y prsentaierlt avec des prises L'ngleterrc cria si fort, que le roi de Portugal annula son rglement' - Ilist' de
'

tra

tlernre guerre, t, IIr P. 495. ?. Les Anglais enler,rent de vive force des navit'es amricains dans le port hol-

tarclais de I'ile Saint-Maltin, aux Antilles (aofrt 1780)' 3. Flassan, t. YII, liv. YiI, liv. YIII. - Gardeu, t.

lY, p. 316-319. La

Prusso

I1780-1781 I

l,i

EUTIi L ttli,r

ll

1111.

.1

Lcs possessions hollandaises tl'Amriquc avaiertt t assaillies


sur'-1e-charnp. Au cotnmencetuent de ltn'rier 1781,

I'amiral Rodney,

aprs une tentative infructtteuse pour repreuclrc aux tr'ranais I'ilc de Saint-Yincent, sc porta sur lcs Antilles hollandaises, cltti taient sans df'ense. La petite , tnais riche le de Saint-Eustache, et ses annexes Saint-n'Iartin ct Saba, totnltrent au pouvoir cles Anglais arrec un trs-grand nourbre de navires rle coutntcrce soit hollan-

tlais, soit trarrgers, c1u'attirait ir Saint-Eustachc la franclrise du

port. Rodney usa de

sa facile

victoirc, noll pas en gnliral d'unc

forcc r'gulire, mais en chr:f cle fliliustiers. Toutcs les liropricts


rnobiUrcs, prives cornllre publiqtrcs, firrcnt conlisques; totrtes Les marchandises fureut mises I'encan au profit des chefs ct clc I'arute. De trs-grandcs valeurs en marchandises appartenaierlt cles ngociants anglais; on n'en tint cornpte : les Amricains firent achetcr pal intenndiaircs cles approvisionnernents clrr'ils tlevaient cmployer contre l'ngleterle; on ferina les -veux. La pcrtc inunense qu'essuyrcnt les Hollantlais (75 millions, clit-on) fut ainsi peu pro{itable la Granclc-Bretagnc. Rodney ltti-nrtre reperdit une tr's-grande partic de son nonnc ltutin : la plupart tles htinrents sur lesquels il avait eurbarqu le fruit cle ses pirateries furent pris par une croisire franaise. Deur des florissants eltalrlisscments de Ia Guyane hollantlaise, Demelari, Essequibo , furent envahis leur tour, mais trtits d'une nranire plus confortlte aux uuges des peuples civiliss. Les prernicrs coups ports sernblaient justifier I'audace de I'Anglcterre se donner utl ennemi de plus; rnais les redoutables

joie de

prparatifs de la France et de I'Espagnc troublrent bicntt la ces succs sans pril et sans gloirc.
La caurpagnc de 178l s'tait ouvcrte dans nos mers par un coup de rnain qu'un intrpide aventnrier,le baron de Rullecout't, tenta

sur I'ile de Jersey ayec un corlls fianc d'un rnillier d'hotntnes.


Cette poigne de volontaires, partis des petites les de Chatrsey sllr

dc simples barques, alrordrent de nuit sut'Ia cte prilleuse de Jersey, oir quelclues-uns de leurs tt'ansports se brisrciit avec perte
avait adhir le B mai 1781; l'utriche, le 9 octobre 1781 ; le Poltugal mme, seY, Garden, t. Y' P. ).-49, sur count le joug anglais, accda le 13 juillet 1782. i'eusemble de cette affaire.

t iis

LOUTS XVt.

lr78 |

de deux cents hommes : ils esr:aladrent toutcfois les falaises, pntrrent par surprise tlans Saint-Hlier, capitale de l'le, s'enrparrent du gouverneur et dcs rnagistrats, et leur Iirent signcr' nne capitulation. Le succs de cette incroyable trnrit parnissait
assur, lorsque la garnison anglaise de la citadclle rcfusa de reconnatre la capitulation et refoula les l'ranais par son artillcrie. La population sortit cle sa stupeur, courut aux arures; des renforts an'ivrent du rcste de l'le. Rullecourt se fit tuer la lte de sa petite troupe. La plupatt de ses compagnons ftrrcnt pris : les antres parvinrent se jeter clans les bateaur ct regagncr la cte cle France (6 janvier tTBl ).
Cet pisocie ne pouvait exercer cl'influence sur les gt'ands al'nle-

ntents.

0n voyait bien que Sartine n'tait plus au rninistre : le

plan de caml)agne avait t parfaitement conu, et les ressources furent prtes point. Ds le mois de mars, unc prentire flottc pattit cle Brest pour les Antillcs. Nous rcparlerons tout I'heure des vneurents aurquels elle apporta un coilcours clcisif. Yers la fin de juin, une seconde escaclre de dix-huit vaisseaux cle ligne, conduite par de Guichen, mit la voile de Brest pour aller rallier Cadix la flotte cspagnole de tordova, qui n'avait pas su, au ttrois cl'avlil, ernlicher les Anglais cle ravitaillcr, sns cotlp frir, Gibraltar anx abois. Le 2t juillet, la Ilotte cornbine, forte de cinquantc vaisseanx cle lignc, quitta lu rade de Cadix, en mtne temps qn'un grancl convoi portant dix rnille hotnmes dc'troupes espagnoles comtnandes pat' un gtrnt'al franais, le cluc cle Crillon, sous I'escorte cle deux vaisseaur cle ligne et d'autres btiments. Le convoi franchit le dtroit cle Gibraltar, et, contrari quelque temps par les vents, jeta enfin, Ie 2l aot, les troupes de dbarquement sur les plages de l\Iinorque. Le gouYerneur anglais, qui n'avait que trois mille hommes sa disposilion, n'essaya mme pas de dfendre la ville et le port de Mahon ni les autres places de l'lie, laissa cent soixante pices de canon, un gland nourbre de navires, de riches magasins, passer, sans coup frir, dans les mains des assaillants, et se renferma en toute hte dans le fort Saint-Philippe, ou il se dfendit opinitrment contre le corps d'arrne esltagnol, renforc successivement de Balcelone et de Toulon.

lr78tl

CUEIINE IIAIITI['IE, I\IA{ION I'IiIS.

4IJS

Pendant ce tetrtps, la grancle flotte, aprs avoit' protg I'cntre clu convoi tlans la Mrliterrane, tait revenue dans Ia Manche. Cette fois, c'tait l'Espagnol Cordova qui commandait en chcf'. L'arniral anglais Darby, qui croisait avec vingt et un Yaisscau\, failtit toml:er au milieu de ce formidable armement et n'eut qtte

le temps

cle se

rfugicr dans la rade de Torbay. L'amiral franai;

Guichen et le major-gnral de la flotte espagnole, l{assaredo' pressrent arclemment Cordova de consentir I'attaque; le dfil' pour entrer clans la rade, offrait quelque pril; ltais aucunes fortifications, clu ct de terre, ne pl'otgcaient le mouillage cle Torllav. Le vieil amiral, us par l'ge, I'efusa, et le conseil de gucl're' oir les r. Esllagnols tirient en majorit , se pronona dans le mme sens Bientt aprs, les rnaladies et le tnauvais temps obligrent ltr flotte comhine se dissoudrc : les Franais rcntrrent Bresi cls le ll septernlrre; les Espagnols retournrertt tadir. C'laif renotrcer compltement ces runions htrogncs qui combinaient tle si grandes Inasses pour rien. L'espce de fatalit qui pesait sur notre flotte de la n{anchc venaitr pour' la tloisirne fois, dc rendre sa grande supriorit inutile : les nouvelles d'Amrique en ddomrnagrent h France"
Cette anlte, le sort clc la guerre se dcida enlin aux tats-lJnis. Ds te 24 mat's, une flotte tle vingt et un vaisseaux de ligne tait partie de Brest pour la Nlartinique, escortant un grand convoi, et

si bien outille, qu'elle put l'aire le voyage eu trente-six jout's. L'opinion publique efit souhait qu'on replat d'Estaing la ttc de ee bel armernent; mais le cotnrnandement avait t donn au lieutenant-gnral de Grasse. C'tait un officier brave et dvou;
les vnernents devaient rnontrer si ses talents rpondaient une si grande tche. 0n n'eut pas lieu de se repentir tout d'aliord de ce choix. La fortune favorisait nos armes. L'arniral Hood essaya en vain, avec dix-huit vaisseaux anglais, de fermer la baie de Fort-Royal de Grasse, qui introduisit son convoi dans la baie et qui se renfora de quatre vaisseaux auparavant bloqus dans cette

rade (28-29 avril). L'amiral lIood, aprs un combat soutenu


1. X{moires indits cle I'amiral Willaumez, cits par le capitaine lVillaumez. Reuue des Deut ]Iondes du lur avril 1852.
cle

vaisseau Bouet-

160

LOUTS XYI.

[{781]

raillamment forccs infrieures, clrappa, grce I'habilet dc ses manuvres, et se letira vers l'ile cl'Antigoa, oir Rodney, son cotnmandant cn chef, vint le rejoindre de Saint-Bustache avcc trois vaisseaux. La flotte franirise, laissant aller Hood, tait revernue faire une fansse attaque sLrr Saintc-Lucie (9-13 rnai); penclant ce temps, une escadrille avait jet un corps de troupes fianaiscs
sut' Tabago, la plus rnridionale dcs Iles-sous-lc-Yent. Quelques jours aprs, toute la flotte se porta du rnme ct avec de nouvelles troupes cle dharquement. La gamison anglaise dc Tabago capitula le 2 juin, sans quc Rodtrc'y erit pu lui porter sccours. Au cornntencement de jtiillct, I'arniral cle Grasse fit voile clc la Ilartinique pour le cap Ii'anais cle Saint-Domingue, y prit trois rnille soldats de clbarquement et cluelque argent, franchit avec ftonheur le clouble canal de Balrarna, otr s'engageaient raremcnt les flottes, et alla mouiller, le 30 aot, I'entre de la Chesapeahe, cctte baie imrnense qui s'enfonce cle quatre-vingts lieues au cur
des Etats-Unis.

On I'y attenclait avec irnpatience. Les oprations militaires avaient t lbrt actives sur le continent amricain depuis Ie comnlcncernenI de I'anne. Les Anglais, renforcs d'Europe, avaient jet par urer, cle Nerv-Yorh, un corps de troupes dans la rivirc Jamcs, en Virginie. Cctte attaclue, ponsse au cur de I'Amr'ique, avait une liorte bien plus .clcisive que f invasion de la Gorgie ou de Ia taroline du Sud : la possession de la Yirginie devint le grand objet de la guerre. La Fayctte eut I'honneur cl'tre charg de dfendre la Yirginie; lc gnral aurricain Greene reprit I'offensive par I'intrieur des terres, du ct des Carolines. Le gnral anglais du Sud, lord Cornwallis, chargeant ses licutenants dc disputer le terrain Greene, traversa la Caroline du Nord et vinl, rejoindre en Virginie lc dtachement cle Nerv-Yorli avec le gros dc ses troupes. Il laissa un corps de rserve, avet une flottille,
Portsrnouth, dans le bas de la rivir'e James, et se porta en avanl la tte de cinq mille hommes d'lite. La Fa.vette, qui n'en avait {ue trois rnillc, la plupart miliciens, se trouva en grand pril (rnai 1781). Tandis {ue, dans la vicille Europe, on avait vu reicemment des centaines de milliers de soldats s'entr'gorger sans aboutir changer les limites d'une province, ces poignes

^]lUIilQUE. cl'horttutcs clciclaient en Arnriclue dcs destincs d'un tlondt.


naissaul ! La Fayettc, avec une Prudellce et lnc habilet bicn lellltl'qualtlcs chez un gnral de vingt:quatle ans, se replia pas 1)as, sans se laisser eutautcr, jusqu' I'extrr-lrnit scptcntrionale tlc la Yirginie, afin cle coltserver ses colnlnunications aYec ia PensylvanicRenforc par lcs Pensylvauiens, il cessa de reculer, SatlYa' paf nne lltarche rapicle, lcs tltagasins rtlilitaires des tats du Sucl, ct, clcvenu pcu prs gal en nolnbre I'ennemi, il eut I'art de se

1?Sll

L II,\ILTTE flN

tL6x

rcCula vels la rir,ir'e Jautcs et ne s'arrta plns qu'il n'etit rcjoint sa rscrve, clans lc has et au rnidi de cc largc fleuve. La IlaJ,cltc tt'laiI prs cn tat c]e I'attaqucr. Cornl'allis se rasstlra' se reporia nu norcl de la rir-irc Jarncs et vint se tnetTrc cheval srir la ririre d'Yorh, prs de I'emboucltlrre de celte rivire dans la baie de Chcsapealie. La Faycttc prit poste sttr la rivire cl'Yorli ru-clessus cle l'enueini et lit coupcr les cotlrtnunications de Corrirvallis avec lcs Carolines et itlenacel" Pol'tsmouth, oir ttit t'estc la rserve anglaise. Cctte rserve ai-rantlonna Portstnouth et rallia tlorlrvallis Yorli-Torv:l fjuillct-aorht). Quand La l-al ctte lui-tnmc ctLt clirig I'artne ctrneutie, ellc tt'etit pas opr autt'ctncnt' Les positions d'Yorli-Torrn et de Glocester, excellentcs pour uc arlne maitrcsse de la lner, dcveuaicnt un vrital;le pige ilour rlui cessait d'avoir la supriorit rnaritime. 0r,le 30 aofrt' comllle nous I'avons dit, la flotte franaise l'int fertner la baie cle Chcsapealie, bloquer la rivire Jaures et la rivir'e tl'Yorli, et dbarqucl' trois urille Frrmais qui sc runirent La Fa3'ctte '. I-,e 5 septc'nlbre, on signala unc flotte anglaise : c'tait I'escadre de Nen'-Yot'k, sotts I'atniral Gl'41'eS, rcnforce d'tttte par'lie cle la flotte cles ,\ntilles aux ol:dres dc Hoocl. De Grasse' SanS attenclt'e un bon r10n1bre cle ses lnatelots occults dbarquer les soldatso alla ;tu-dciant cies Anglais avec vingt-cluatre vaisseaux de ligne
Colttrc virtgt. L'autiral Gravcs, rcconllaissant Ia force dcS Franais,
1. Le g'ouyelnelrent franais avnit accr-rmpagtr ces secours rnilitaires d'iurportants secour$ cl'argcnt: outrc ses 1rr'ts tlilects irttx -\ntlricairrs, il al'tit glrarrti, puis pri: srr clrarge un autre enrplunt de dis rniliioris qu'ils avaieut essay de faire en LIolIande.

llire croire trs-suprieur cn tbrces. Cornrvallis, son toul''

&2

TOUTS XVI.

quoique son ancien, vcnait spo'tanment mettre sous ses or.crrcs vec une abngation trop r.are llar*i les chefs militnires. De Grasse eut alors jusqu' trente-huit de ligne sous son 'aisseaux pavillon, forcc clui interdisait
secour.s maritirne.

ljra'es de se rallier et de se rparer.. Il pas dc reno'veler. ',essaya le conrbat et reprit ra haute mer, ta'dis que de Grasse retou'rait son blocus, enrevant sur son cheruin cleur rrgates augraises qui tentaicnt tle pnt.er dans la ri'ire cl'Yorli. IJe Grasse trouva, la hauteur du cap Henry, r'entre cle ra baie de chesapearie, I'escadre fra'aise cle Rhocle-Island, que le comte cle Barrasr,

action gnrale; mais son avant-garde, ro-rnoncre par Hood, fut fbrt maltraite par I'avant-garde franaise, que conduisait l,illustre na'igateur Bougai'ville et que soutint le corps cle bataille. La ntrit pe'nit

profita de I'avantage d' vent pour viter

ir?sll

u'c

I'en'enri toute esprancc

cl,un

par La li'ayettc, I'antre, de grelacliers et 4e clrassenrs franais2, aur ordres du marchal de c.amp viomesnil, e'ler,rerrt
conduite
1. Oncle rlu couventiounel.
t tirs de cc fitmeux rgiment d.'a.uver.gne, clorrt Rr,rch.'ibcu* avait t longtemps colonel, et clans les rangs',luquel tait'rort .;l,Arr.r. ,, llc.s

taient dj au fond de la baie de chesapealie. De Grasse consentit prolo'ger son sjour, envoya pre'clre par. ses litiments lgers sir rnille soldats qr'amenait Ie gnral en chef arnricain, et, le ?8 septe'rbre, huit mille Amricains et autant de f'ranais inveslirent les deur corps rle la petite anne ar.glaise dans york_Tor,vn et Glocestcr, sur les deux borcls cle la large rivire d'yorli. La tran_ chc fut ouverte devant yorrr-Torvn crans la nuit du 6 au ? octobre la'*it clu I4, cle*x colonnes, l'une cl'i'fanterie lgre arnricaine,;

llour La Favette d'attaqu., ,or-i.-crramp. Le jeune gnral cut Ia sagesse de s'y refuser et la vertu de pr.frer sa gloire personnelle I'intrt cle la ca'se et le sang clu sotdat; il trit peine suprieur en nomb'e u' ennerni bien retranch, et il savait que wasrrington et Rocrra'rbcau, aprs avoir t'eint crc lnenacer New-Yorli pour empcher le gnral clinton tl,envoyer des renforts e' virginie, arrivaient ir rnarcrres brces; qu,ils
les Antilles, p'essa

Le chef d'escadre Barras avait apport de lartillerie de sige et des de Grasse, qui se isait obrig de repartir

'ru'itions;

?' Ils avaient

cuf.'ts. ,

[t7s

1]

PRISE D'IOIiK-TOWN.

U.t

ia baTonnctte deux redoutes qui couvraient la gauche tles ligncs ennernies. Le 19, lord Cornwallis capitula potlr Yorli-Torvn, Glocestcr ct la flottille, et se rendit ltrisonnier de guel're avcc sept tnille soldats et rnille matclots; deux cent quatorze callons et une trentaine de btirnents tombrent au pouloir des vainqucurs. IJU vaisseau de cinquante et plusieurs autrcs navires alaient t hrrils. La flotte anglaise, renforce jusqu'au nolnllre de lingtscpt vaisseallx, nc rellilrut, le 27 octobre, devant le Cap Flenry, quc poilr recevoir la uouvelle de ce dsastre, et fut trop heureuse ellcnrme cl'cirapper de Grasse. Un long cri de joie retentit dans tcute I'Arnriquc : aprs Diert, ce fut la n'rancc que tout un peuple Salua comme I'auteur de sit cllivrancc. L'inclpendance des tats-Unis tait dsonnais assure. L'hurnanitd', > clivait LaFa-vette, ( a gagn son procs : la libert ne Sera jamaisplus sans asilet. r Beaux jours ofi la Flattcc, rajettnie, pnre, forait, par Ie seul ascendant de l'opinion, lc llou<

voir traditionnel qui la gonverttait cncore mettrc son au Service cle la justice ct de la raison, jours d'une gloire

pc saus

tache que ne tloivcnt pas effacer de notrc mmoire les tliomphes gigantesques tl'utt ge posti'iettr, nils tl'et'r'ettrs I'atales et suivis de si cruels revcrs ! \Yashington et La Fa,vettc eussent voulu compltcr la victoirc en retenant prs d'eux I'amiral tle Grasse pour les aider chasser les Anglais de la Caroline clu Sud et de la Gorgie. De Grasse ue

crtrt pas pouvoir prolonger sa coopr'ation et retourna aux dntilles. Quoi qu'il en ft, la citutc cles postes anglais dans le Sud n'tait plus qu une questjon de temps. I-)e toute la Caroline, le gnral Greene avait dj refoul les enncmis tlans la seule place de Charlcs-Town, ct les progrs des Espagnols en F'loride achevaient de rendre la positiort des Anglais intenable. Les Espagnols, tnatres tlc la Floridc occidentale, at'aient opr un nouveau dharquernent dans la Floride olientalc et ernport Saint-Iugiustin, capitale de cel.te grande presqu'ic (aot t781). Les garnisons nglaises dc Savannah et de Charlcs-Torvn allaient tle prises
leur cria Rocliaml,rcau u
lache n-rcr-ncut de tlonrrer

ie signal,

r.

!...,, Ils s'cu souvinrent. - lItn,, tle liochanbeau, t. Int, p. I. IInr. ilc La l-a;-ette', t. Ii, p. 50.

tr'oullir'z lxts
291.

,{uuergrtc sclls

llti r

LOUIS XVI.

lrTsr

pour contraindre le pouvoir excutif renclre anx provinces_

pas rnatrc absolu du gouvemernent, avait bien cles cfforts fair.c

La Holla'de avait grand bcsoin cle son assistance. I.,'incligne stathoudcr avait laiss partout les arscnaux vides et les colonies sans dfense, ct le parti r'publicain, redevenu prponclrant, rnais non

lait plus tre bien longternps soutenu{. La prise d'unc partie d'un convoi tle trot4res et cle rnunitions, sorti cle Brest pour les dcux I'des, fut pour lcs Anglais .ne faible consolation des dsastres d'A'rriq*e (12 cl'cembrc). I,,a France portait partout un concours nergique ses allis"

entr lcs Espagnols ct lcs Amricains, ct Nerv-yor.k mme ne pou-

unies une force navale un pelr respectable. Les rnarins h'llandais 1tt'ouvrent, au cornbat de Dogger's-Jranh, {u0 le sang de Ruyter et de Trourp n'ritait point tari clans leurs veiness; mais leur patr.ie n'en fut pas rnoins oblige de demander aux t'rancais une ven8'ciince qn'elle ue pouyait excrccr clle-rnrne. Le gouvelnenr clc la l{ariinirlue, Ie brave ef habile marquis cle Bouill, surprit l'le tie s;rint-rustache dans dcs conditions qui rappelaicnt la rnalhc*t'erise attaque de Jersey : il russit micux que Rullecourt, et cluatre cents Franais, spars de leurs navires qu'cartait la rner ct cle leurs camaraclcs qui ne pouvaient lcs secourir, lircnt rnettre bas les annes huit cents Anglais. saint-Eustache et les lles voisincs fLrrcnt rendues Ia Ilollande a'ec les rcstes du butin de Roclne"v (26 noyembre). une escadrille franaise, quelques seuraines apros, chassa lcs Anglais de la Guyane hollanclaise. Les x'r'anais entreprirent, aussitt aprs, une autle conqute pour leur cornpte. L'arniral de Grasse, revenu cle la Chesapealie aux Antilles, aprs des tentatives sur Ia Barbade que les vents contraires firent chouer, alla jeter Bouiil avec six rni[e hommes sur I'le de Saint-Christophe, herceau cornmun de la colonisation fi'anaise et auglaise aux Antilles, ct derneure aux Anglais par le
1. Sur cette campagne, Y. lIdnt,, d,e La Fayette, t. Iltst. des trou.bles de I'Amtlrtgue anglaise, t. III, p.359-400. I.", p. 266_284,409-480. _
cle

t. IlI, p. 126-15?.

Vie et correspond,ance de ll'ashirtgton. - petites :1. Le 5 aort 1781, deux est'arfres anglaise et hollandaise se livrrent, dans ll rDer clu Nord, le combat le plus aclraln qu'orr et encorc vu cle cette guerre. I,,lles sc dsemparr'ent et s'crasrent I'u'e I'autre sans r.sultat.

beau, t. 1er, p. 262-299.

llist. L. Guirin, Irist. maritime, r.rr, p. 4g9-b10.

- llm.de

la dernire gyerre. ltocham-

l 7821

4q).)

tlait dc 1763 (11 janvier 1782). Lafaible garnison anglaise alrandonna la ville de la Basse-Terrc, chef-lien dc I'ile, ct les batteries de la cee, et sc rfugia sur le mornc fortiti de Brimstone-Hill, oir les l'ranais I'assigrent. La {iotte anglaise rlc I'amiral Hood accourut cle la Barbade au secours de Saint-Christophe. Dllc n'avait que vingt-dcux vaisseaux contre trcntc. De Grasse veut
profiter de sa supriorit pour accabler I'cnnerni. Il quitte la radt: oir il tait ernboss et ya aux Anglais. Hoocl t'ecule, attire I'amiral franais au large, puis, par une manuyrc cl'une grande habilet, iI tourne la flotte lranaise et va sc poster ilans cette tnme latle que de Grassc vient d'abanclonner. De Grasse, furicux, tche dc rirarcr sa maladressc fbrce de tmritrl : il attaque ltar deux fois lIood dans I'cxcellent postc que celui-ci lui a tlrobi' ; il est repouss par dcux fois, ct la flottc anglaise dbarquc uu corps t'le trcltrpcs qui s'effbrc:e de sccourir Brirnstone-Ilill (2ir-36 janvicr)Par llonheur, lc gnral des troupes rle terrc sirit rirparer la laute tlc I'aurilal : nn petit cltachernent clu colps de Bouill bat les ,\nglais et les oblig'c se rcnrbr'quer, et ce gnral , tout spar

qu'il cst de la IIotIe, continue vigoureuscment le sig'e ct force la gaurison de capitulel sous les yeux dc I'arniral l{oocl (13 fvricr). I-,a capitulation cornpriI I'ile cle Nieves. Ilood, plis entre la flotl.e lranaise ct les battclies que Bouill tirisait dresscr sur lcs hautcurs qui donrinent la radc, tait pcrrln s'il avait eu afTairc un autrc adversairo que rle Grasse. 0elui-ci eut I'incroyal,rle abellalion de quitter sou mouillage pour allcr chercher des vivres en pcrsonne I'ile tle \ieves, att lit:n d'y envoyer ses frgatcs. Hood, la nttit, coupa ses ciiltleset s'clrappa.
Le lenclemain,

il

tait lrors dc vue

elfrayant de voir notre plus bellc {lotte la cliscr'tion il'un Iromme capable de pareils vcrtigcs et qui n'cotittlif Aucur] t:onseil. 0n dcvait craindre clue la foltnnc nc fint par sc lasscr. lllle nous favorisirit ponrtant cncol'e, et I'ilc dc ]Iontserrat se renclit aprs Saint-Christophe (22 fvlicr l. Il nc rcstait plus aux "lnglais, de toutcs les Antilles, clre la Januqrre, -\trtigoa, Ia llarbatlc et Sainte-Lucie. Lrr chute du fort Saint-Philippe, cette puissaute citaclellc de Folt-llahol, rluc lcs.\nglais ne purent lavilailler ,rt r1rrc l'pui-

Il tait

6G6

LOUIS XYI.

It 7sl -:l 7S9J

sernent de sa courageuse garnison fora de se rendr.e le b fvrier 1782, put tre considre, avec la prise cle saint-christophe,

colnurc le complment de cette belle campasne de 1781. La proverlce et le Languedoc virent avec la plus vive allgresse tornber ce nid de vautours, d'o les corsaires britanniques s'lanaient incessamment Ia proie contre tout ce qui sortait de nos ports du Midi. La perte d'un pareil poste tait pour l'ngleterre plus qu'une ba_taille perdue : c'tait perdre un des fruits les pltrs prcieux du tritO rl'Utrccht. Des vnements considrables, sur lesquels nous aurons

revenir,

se passaient

vers Ie rnrnc temps aux Indes-orientales, et

le pavillon franais y avait reparu avec gloire. Partout, au clehors,


Ics prsages sont favorables. Il n'en est malheureusement plus cle ntnte au dedans. Tandis que Ia nation se nontre compltement releve et de courage et de puissance, son faible monarque, incaltable de soutenir et de rnettre profit un tel retour cle fortune, vie'nt de renouveler I'irrparable dfaillance de 1?76, de sacrifiel

Necher comme iI a sacrifi Turgot, ct aux mmes ennernis (19 mai 1781 ). Pour ne pas interrornprele rcit cle la gueme d'Amrique, nous ajournerons I'exposition des principaux actes adntinistratifs de Neclier, ainsi que des cilconstances qui arne-

nrent sa chutc et son remplacenent par un homme de robe sans. consistance financire, Joli de Fleuri. Ohservons seulernent que, si sa chute produisit un grand effet sur I'opinion en Francc et partout, elle n'eut pas de consquences matrielles irnmdiates;les tbntls avaient t largement assurs pour 1281, et mme en partie pour 1782, par le ministre qui avait trouv b00 millions ernprunter en quatre ans, des conditions relativement modres. son successeur complta les ressources de 1782 par les vieux expdients des ministres routiniers, rtablissements d'offices sup*
prirns, augnrentation des taxes et dloits, etc. La France avait perdu le ministre qui, aprs s'tre oppos la

guerre, avait su trouver les moyens de la faire. L'Angleterre, quelques rnois plus tard, chassa le ministre qui avait voulu Ia guerre et I'avait mal faite. L'Irlande, souponnant I'intention de retircr lcs concessions gu'elle avait obtenues, reprenait I'altitude la plus menaante) srns distinction de protestants ni de calho-

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?821

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\ iS'l'titr t nLS.

4Ut

Iiclues, et cornnrcnait r'cfirscr toute suprrnatie au parlement cle la Grande-Bretagne sur le par.lernent irlandais : lcs agitations irlandaiscs, mais surtout la cirute cle r{inorque et dc saint-chr.is-

tophe, dtel'rninre'f la chute de lorrl l{orth, dj lbrt branl par Ie dsastre d'Yorlc-Tol'n. La chambrc dcs communes lota une rsoltrtion qui irnplicluait Ia renonciation reconqur'ir lcs colates r'ttoLtes et la concentration des etforts cle I'Anglcterre contre ses cnne[ris europens. La Granrle-ISretag'ne se rsignait ce r]crurenJrrement de I'ernpire britanuirlue, dont Ia pense ayait tu lord Clratham. Lord North tlonna sa clmission aiirs cJ.ouzc ans 4rr rninistre le plus rnalheureux que I'Angletcr.rc ert clc'puis longternps subi (mars ITSz). Le parlemenl avait, de iTTb I7g2, vot potlr la guclre plus cle 100 millions stcrling (2 miliiards et flelri !)' . A la fin de l?81 ,l'nglctelre avait pcrdu quatrc-vingt-clcux ntvires cle guerre; ses ennemis tous ensemrrre, quatre-vlngt-quatorze. Elle avait quatre-r'ingt-dix vaisseaux cle ligne; les x'r'anco-

Espagnols, cent tlente-si-r, sans cornpter lcs Hollanclais. Le parlcmcnt vcnait de votel cent mille materots pour j 7g2 t Le nonveau ministre, oir liguraicnt tous les noms iurportants dc I'opposifion, Fox, Burlie, sheridan, lorrl shclburne, les frres
IIowe, I'arniral l(eppel, lortl Richrnond, etc., tous, homris ce jeune liritier clu nom de Pitt qui clevait sitt et si rongtemi)s gouvefner I'Angletilre ; le nouveau uriuistre, fitlle son origine, pacilia
I'Irlancl e en reconn ai ssaut I'inclpencl ance d u 1.rar{ entent irlan clais, concession clatante que cleyait un jour faire rr,oquer le second Pitt parrni dcs flots de sang. Il essala en rnrne temps de traiter avcc lcs lltats-Unis et Ia Hollande, pour.ne plus avoir en foce tle lui tlue les anciens ennemis de I'Angleterre, Ia ['rance et I'Bspagne,Ia maison de Bourbon. Il offrit de reconnatre I'indpenclance tles colonies arnricaines et n'cnvoya plus aucuns r.enforts aux garnisons anglaises des Fitats-Llnis. La guerre ne tit plus clue languir
1. 2 nrillious sterling en 1?75; 5, eu ]rti6; 5, en 12, en l?80; 12, en l?81, outrc les eurplunts.
1772

; I0,

en l??B

liv. XLII.

ltot- Dans les dernir'es I'r&l-er hissa cltapper ulte assertiorr qui excita un gr.and scarrdale ; c'cst que I'Angletelre n'aait jamais t suprieute t\ la France sur mer, quand Ia Frarrce appliquait torrtes ses ressources la marine. V. dolphus, lr)gte dc George iU,

t. III, p. 195' 309.

d.e Ia gtire guert.e, discussions, un liornrne cl'tat, tura

Iljsroire

12, en 17?g ;

66S

LOL

t5 \\/1.

uTSzl

surlc colttinent amricain, oit les Anglais dcouraS's sc renlcrmtient clans les quelqrres places qtt'ils conservitient, et ofi les Amricains, puiss par tant d'efforts, setnl:lait'nt attenclre que
les dcrnires positions des ennemis touthassent toutes seules. Il n'en fut pas de mtne aux Anlilles, o dtl grandes forces navaies se trouvaien[ en prSence. L'auriral Hootl, si habilernent chapp cle Grasse, avait t rejoint par une escadre amenc d'Elrope par Roclney, et cclui-ci, en prenant le commandement

en chef, avait trentelluit vaisseaux de ligne sous Son pavillon. I-,es Francais, runis aux l')spagnols, devaient trc cncore trs-suprieurs, et leur lilan tait cl'aller attaquer la Jarnaque avec cin{luante vaisseaux et de nombreuses troupes tle dbarquemeut l.asscrnbles la ltartinique, saint-Dorningue et cuba. I1 I'allait, avant tout, oprcr, sur les ctes de Saint-Dorningue' la jonction eutl'e la flotte fi'ancaise et la flotte espagnole. Jttsquel, I'intrt capital cles tr'ranais tait d'vitcr la bataille' colnllle I'iqtrt cles Anglais tait de la livrer. De Grassc nrit la voile dtt Fort-Ro1at dc la n{artinique, le B avril, aYec tt'ente et un vaisscaux tle ligne, deux cle cinquante callons, et un convoi de cent cinqnante voiles. Bougairivitlc et Vautlreuil comnrandaient sous h"ri. Il se dirigea Yers le canal qui spare la l)onriniclue de la Guadeloupe, pour dbouquer au vent des les. Roclney*, qui I'observait dc Sainte-Lucie, se met sa poursuitc. Les l'ranais s'loiSttent, llvoriss pal' uIIe brise dont I'avant-garde anglaise seulc lteut pl'ofiter comlne eux. De Grasse ne rsiste pas la tentation d'attendre cette avant-garde et dc ltrenclrc Sa reYanche sttr Hood. Lr clivision tle Hoorl est en elTet assez maltraite, lnilis non point accable, et,lorsque lc ccrrtt'e anglais parvient

lui portel'

Secoul's'

de Grasse

se clcicle vitel un engagernettt gnrat.

IL v russit

(9 avril). Roclney emploie la nuit se lallier et se rparet'. De {.irassc fitit tiier son toll\'oi sous I'cscortc de deux vaisseaur tlc cinqnatrte ct poursuit sl route, laissant la Gtrldeloupe deur autres vaisseaux, spars ou obligs cle relcher par accidents cle rner. t,e tt avril, on est lrrcsque hors de lavue des cnnctnis. Dans Ia nuit clu tl a:r 12, un vilisscau tlc Soixante-qua{orze' endotn lnag pal'un rnalatlroit allortlage, S'irttarde et ne lteut plus suivre. F,a plus yulg'flil.L. prurlcirce prcscl'ilait lc sacrilice tlc cc btirnent.

&tilt IiAl'r\ ILLE []ii li [)L Ij. De Grasse, sans prendre conseil de pelsonne, vire de ltord, rt'u,i821

tourue dgager levaisseau retardataire et I'enyoie laGuadeloupe. 0e mouvenent inscns avait rendu Ie comlint invitable avec vingt-huit vaisseaux contre trente-huit. Le 12 avril, sept lteures tlu matiu, le f'eu firt engag sur toute la ligne. Les Franais rnontrrent un inbranlable courage, el, jusquc vcrs rnicli, sorttinrent la lutte sans dsavantage rnarqu, Rodney parvint enfin, par la supriorit de scs manceuvl'es, coupcr leur ligne et gagner lc t'ent. Ds lors le dsordre fut sans reurde : chaque vaisseau franais n'eut plus qu' se dfenclre en dsespr au poste ou I'avaientjet lcs hasards du coutbat et de la rner. Encore, plusieurs vaisseattx de I'escaclre dc Bougain-

ville, torlJrtls sons le vent, se trouve\rent-ils peu prs

dans

I'irnpossibiiit de prendre part aux dernicrs ellorts cle leurs colnpagnons d'annes. Lc nornble devait I'ernportcr. Le savant nrajorgnral cies llottcs franaises, du Pavillon, et I'intr'pide La tlochet* terie, clui avait ouvcrt glorieusernertt cettc guerre par le courJraf de la Brlle-Poule, sont fi'apps ntort avec bien d'autres ltommcs d'lite. Tlois vaisseaux de soixitnte-quatorze ct un de soixantequatre sout liris, aprs troir perdu presque tous leut's officiers' et une grancle partie de leurs qtripages. Bougainville sauvc un cinquirne navire pr's cle succornber; mais personne, nralgr de gnr"eux effblts, ne peut secourir efllcaccrncnt de Grassc, qrri, nront sur le uragnilique vaisseau de cent dix, la I''ille-deParisr, luttc jusqu'au soir avec furie contre quatre vaisseaux anglais qui I'crasent de leuls I'cux cornbins. Enfin, six heurcs du soir, nn t'inquime advelsaire vient acheyer I'auriral franeais; c'tait I'arniral Hood. L'impludent ct inforl,un de Grasse anrne enlin son pavillon. Il combattait depuis prs de douze hcures et n'avait plus sur Ie lront de son vaisscru que trois hornmes sans blessure; il avait le malheur d'tre nn des trois. Il s'tait ntontr,
dans cette I'atale campagne, le plus brave des soldats, le plus incapablc des chefs. La nuit avait tuis fin la bataille. Tanciis que I'cnnerui, qui avait lui-ntrle btraucoup souffert, se rernettait en ordre et se rparaitn

).

C'tait lo trar.irc off'clt Louis

XV, en 1?63, par le curps de ville d.e I'aris,

J?O

TOUIS XVT.

llTsrl

le gros de la flotte fi'anaise gagna la haute mer, puis saint-Donriugue; mais les deux vaisseaux cle soixante-quatre clui avaient lelch la Guadeloupe, avant repris la rner sans avoir les nonYelles clu comJrat, tourbr'ent dans I'escach'e de acclol.re le succs rlcs Anglais.

llooil et vinrent

c'tait l une victoire bicn consolante pour I'aurour-propl'e anglais, et la seule journe navale de cettc S'uerre oir L_'s rslltats ,eussent t tout fhit dcids. nlais ce n'tait l pourtant qu'une victoire dfcnsive. La Jarnalque tait sauve; mais, loin que lcs utilles franaises ou esprgiroles fussent livres aris vainqucrlrs, lcs Anglais ne cnrrent pas rnme irouvoir essayer de reprenclre
lenrs iles conquises par les Franais. Lestrophes tle leur. friornphe

lctrr chapprent: un des vaisseanr pris, /e clscu", avait saul., la nuit cl'apr's la bataille, ayec soll qr.ripage et les ,\nglais qni l'occupirietrl. Le vaisseau auriral francais talritLc-dc-Paris et up autr.e navirc, envoys des Antilles elr Angleterre, furent abrns par nne tcurpte avcc clenx vaisseaur anglais qui les accomi'|agnaient. LTn qnatrime de nos vaisseaur cleyenris ang'lais fut coui par cleux f'gates franaises; un cinquime prit liicntf par un couJr dc mcr. Il ne resta gure aux vainqueurs de trophe que l'arniral

capti[ (u'ils expclirent Londres. Les populations britanniclucs lirent de vritablcs ovations au virincu, dont elles rchaussaient la valeul aycc une orgueilleuse gnrosit llorlr rehausser leur propre gloire. IJe Grasse ne cornllrit pas assez le vrai sens des acclamations qu'on lui prodiguait et s'y prta avec urlc vanit pui'ilc, soutcnant mal la dignit de son malheur. L'opinion, en tr'rance, lui en devint d'autant plus svrc'.
L'oirinion nationale avait soutenu chez nons ce revers avec fer'met. 0n vit se renouyelcr le grancl rnouvernent clui s'tait rnanifcst aprc\s les dcrniers dsastrcs malitimes de la gucrre de Sept Ans. Dc larges souscriptions s'ouvrirent clans les corps et parnii les particulicrs pour rparer les pertes de notre rnarine. te corps de villc tlc Paris donna I'erernple en offrant un vaisseau rle ligne au roi. n assure que lcs souscriptions s'levr'ent nne sotrrme
1. l/isl.
anglaise,t.
Rgne

t. III, p. 211-24'L IJisl. des trottblcs d.e l,'Atntrrirpre - II,p.517-J9.-Acl<-rlpLus, I\r,p.6l-?1.*L.Gur'in, Uist.rn(Lritinrc,t. de George IIIrliv. JLIII.
rle Ia dentiire guetre,

[178 [-r782J

DB

IIASSE.

tri

sullsante pour la construction de quatorze vaisseauxr. L'attitude de la rnarine lianaise en Amrique rpondit aux manifestations nergiques de la nation. Notre marine tait si peu abattue, qu elle fit plusieurs expditions offensives. Le capitaine La peyrouse, depuis si clbre par son grand voyage ct sa fin tragique et rnystrieuse, dtach avec une escadrille, dtruisit les tablissernents anglais de la baie d'Hudson, entrept du cornmerce cles pelleterics 2. Urr autre dtachernent s'empara des les Turclues, lots remplis de riches salirres, I'extr'rnit sud-est de I'arclripel tles Lucayes. Les Bspagnols, de leur ct, plirent les les tle
Bahama.

Nos allis tinrent loyalernent leurs engagcrnents: les propositions du nonr.eau ministre anglais, arrives aux Dtats-unis en mrne teurps que la nouvelle de ia dfaite de I'amiral de Grasse, t'urent repousses sans hsitation par le congrs, et toutes lcs assenrbles des Treize tats dclarrent ennemi de la patrie quicOnque proposerait de traiter sans le concours de la Frances. Les Anglais n'en vacurent pas rnoilrs Savannah et Charles-Tolrn pour se concentrer Nerv-Yorh.
La Hollande avait galernent rejct les offres de trait spar que I'Angleterre lui adressait par I'intenndiaire de Ia Russie, infidle a la neu,tralit arne. Itrn Burope, les oprations n'eurent cette anne ci'activit que sur un seul point. [Jne fois lfinorque reconquise, la cour d'Espagne n'eut plus qu'une pense, recouvrer tout prix Gibraltar, bloqu depuis trois ans, ravitaill plusieurs fois, mais, nanmoins, r'duit de dures lireuves. Le parti le lrlus sage sernblait tre de complter le hlocus et de mettre profit la supriorit cles flottes

combines pour tcher d'empc'her tout nouyeau secours. Les Espagnols perdirent patience. Leurs prerniers ouvrages de sige

avaient t dtruits dans une vigoureuse sortie clc la garniscn (novembre 1781); ils les rtahlirent, les agranrlirent. une attaque de vivc force fut rsolue cotttre I'inabordable rocher cle GiJ:raitar..
l.
,H?sl. (le Ia denrire guerret

qui s'taient enfuis dans les bois letrrluvassent de quoi subsistcr. - llist. nire gtrcrre, t. III, p. .192, 3. Ilrrr. des troubles de I'Amtrique anglaisert. IV, p. 7tj.

9. Il eut I'hunranit d'pagner un magasin rempli

t. III, p. ?46.

cle vivr.es,

afin quc les Anglais


cle

la d,er-

t+72

LOUIS

XI

[r?82,

Deux princes francais, le comte tl'Artois et le duc de Bourbon, accoururent pour assister ce grand spectacle. Du ct de la tcn'c, une immense J:atterie de plus de deux cents pices d'artillerie s'tendait dans toute la largcur de la presqu'ile. Du ct de la mer, dir batteries flottantcs, gros vaisseaux rass, hlinds d'norrnes 1;ices de bois que revtaicnt dulige ct des cuirs verts, etmnnis de r'servoirs d'eau I'intrieur, portaient cent cinquante-cinq canohs et urortiers, et devaient tro soutenus par une flottille de canonnires et par la grar:de flotte fi'anco-espagnole. La flotte, cornmancle par le vieux Cordova, arrila le 12 septembre, au nombre de quarante-cinq vaisseaux de ligne, aprs avoir enlev sur sa route un grand conyoi anglais clesl,in pour le Canada ct Terre-Ncuve. Le lcncleurain, un clluge de feux se croisrent sur Gihraltar. Le dtroit retentit, tout un jour et toute ttne nuit, de cette tempte d'altillcrie qui porta I'effroi jusque chez les populations du nfaroc. L'orage passa en vain. Vers la terre, Ies nryriades de proiectiics lancs par les assaillants frap1trent inutilement les rocs creuss dans lesquels se cachaient les canons enncnris. lrers la rner, I'attaque fut rual concerte. Le ruouillage avait t rnal reconnu. IJne partie des batteries flottantes touchr'ent sur des bas-fonds. Les autres furent rnal postes. Les rnoycns invents pour les gtrantir des boulets rouges se trouvrent insuflisauts. lllles lurent incendics, les uncs par I'ennerni, les autres par leurs quipages, obligs de lcs abandonner sous le feu des Anglais, clni altnla la plupart cle ces malheureux. La

flotte, pr des incidents de mer, n'avait pu prendre part

I'action. Aprs cette malhcurense joumee, on reprit le blocus; mais la mer far,orisa encore les Anglais. A la suitc d'unc teurpte qui avait rualtrait et cart la flotte combine, I'arniral llowe, arriv d'Angleterre avec trente-quatre vaisseaux de lignc, liarvint franchir le dtroit et ravitailler de nouveau Gilbraltar'. I-,a flotte francoespagnole ne

put le joinclre que lorsqu'il avait dj repass

lc.

rltroit. L'avant-garde des confdr's, cornmande par La NlottePiquct, canonna vivement et endommagea I'ilrrire-galde anglaise, mais I'arniral llowe vita une affaire gnrale et regagna les nters blitanniqucs i 1 0-?1 octobre).

II

7s2]

triii

L'anue 1?82, si rnal commencile liotrr les Anglais, leur tait d6enuc rclativetncnt lieurcusc, cr' dans l'tat de leurs affaires, c'tait clu bonheur que cle se dfendre avcc snccs et de cesser de
perclre. Cette aune avait cofit de grandes pertes tl'hommes et de iuatricl arlx Espagnols ct aux nrtnais : quinze vaisseaux de ligne

ct quatre Iigates; les Anglais n'avaient perdu que quatre Yaisscaux et six frgates.
Ce n'tait clj plus au grand ministre,

hritier de lord North,

que profitait ce clerni-retour de fortune. Ce cabinet, si riche cn clbrits, s'tait dissous en nloins de quatre mois, pour dcs
questions tle personnes

: n'ox, Burhe, Sheridatt, taient sortis du de ces singulires combinaisons qui ne une ct, rninistr'e, liar
sont pas ral'es tlans Ie gouvernenent parieureutaire, s'tltaient cOa" liss avec leur ancien ennemi, lord North, contre lord Shelllurne

et les autrcs tlinistres en fonction, paruti lesquels venait

de

prench'e place le jeunc William pitt, tte ct cur dc l'cr, vieux politique vingt-trois aus, aussi fort de volont, plus constammeut

habile aux affailcs et tnoins ntagnanitnc que son 1're\re. Les succs cles r\ntillcs et tle Gibraltar ne devaicnt iras sulfirc pour rassurcr I'Angletcrre, ni pour irnltoser silcnce au dsir de
paix qui se produisait clcpuis cluclque tcrnps chcz elle avcc nergic. On savait qu'trne colossale expdition fi'anco-espagnole s'apprtait pour Ie commencetncnt cle 1?83; on ignolait ot clle irait fondre, et, cette fois, l'toile de Rodncy pouvnit plir : une seule dfaite efit t irrparal-rle. Pcnclant ce ternps, les conqutes dc I'Inde, qui

promettaient cle rcntplacer I'eLltpit'e perdu par l'Angleterre en


Amrique, taicnt graYclllent comllrotniscs. Lc gnie de la n'rance, qtri s'tait retir avec Duplcix de cCS riches contres, y revenait menaant avec Sufren.

l'iutervalle de la paix Ce 1763 la guerre d'Amrique, la domination britannique dans I'Inde, malgr un chcc partiel contre Haider, avait pris dcs proportions normes. La Cornpagnie anglaise, maitresse du Bengale et des Circars maritimes en Son propre nom, comme feudataire du fantrne irnprial de Delhi et tll soubahdar de Dekhan , rnatresse du Carnatic, att notn du nabab, son protg otr plutt son esclave, rgnait en dcspote sur tout le littoral de I'cst; elle dominaitle ceutre du haut Indoustan'
Dans

lit

LOUIS

T\TT.

[,r 779-

r78l]

en usant son profit les derrriers restes de I'autorit du Granrl I{ogol, et Ie centre de la presqu'ile, eu sulrstituant son in{luencc celle qu'avait exerce autrcfois notre Bussi sur le soul:ahclar du Delihan ; elle tait , cnfin, trs-fortement tablie sur la cte de L'onest. II ne lui restait plus clne deux adversaires sr'ienx: clals I'ouest et'le centre, I'empire des xtahrattes, renaissance de I'Inclc antique parmi la dissolution de la grande nronarchie mogole, fodalit de hchatryas (la caste rnilitaire) gouverne prir un conseil de brahuranes; et, dans le sud , la monarchie gnelrirc cle l\Iassour, irnprovise par le musuhnan Haicier-Ali. u cornrnencement de 1779, un corps cl'arme anglo-indien, qui s'tait irort sul Pounah, capitalc cles nfahrattes, est cern et oblig de capituler. A ce signal,le vieux I{aider-Ali, en paix rvcc les nglais depuis dix ans, reprcnd lcs annes, s'allie aux llahrattes et au soubahdar du Dehhan, et se jette sur le arnatic. Quelques centaines d'aventuriers fi'anais, cll.rris cles famcnses bancles rle Bussi, nrarchent joyeuserncnt contre I'Anglais sous les tendartls du sultan de Marssour'. Apr's des incidents que nous n'ilvons point dcrire, le I septernbre 1780, la moiti de I'arrne anglaise du Carnatic est dtruite dans lcs bois de Condjeverarn. presqne toute cette vaste nababie de Carnatic, e[ [a capitale, Arcate, tombeni au pouvoir cle Hader'-li. Dans le courant de I'anne suivante (lT8l), une grancle rvolte clate dans la uille sainta des brahmanes, Bnars, contre les tyrans du Gange : I'atroce gouyernement cle Warren Hastings avait pouss bout ces paisibles populationsr. Qu'une expdition franaise efrt dbarqu en ce montent sur la cte de Coromandel, la puissance anglaise et t anantie dans le carnatic et dans les circars, et hien entame partout ailleurs. sartine et Nlontbarrei n'envovrent pas un soldat clans I'Inde! ]. Sous lord Clive, une irnmense famine, non pas causie, mais aggrave par la barbare avidit des spculateurs anglais, avait fait pr'ir des niillions d'homrnes. On a cherch justifier personnellement lortl Clive d'urre rnanire assez spicieuse I rnais on n'a pu trouver d'excuses pour Hastings, bien que quelques histor.iens le traitent yec une inexplicable indulgenee : son gnie politique est ilcontestable; mlis sa moralit tait celle d'un chef de chauffeurs. Y. dans I'Histoire dela fonrtalion ile l'Em1tird angluis d,ans I'Inrle, par'I{. Balchou de Perhou (t. III, liv. IXl, ccs hiclcuses histoiles de femnres et de vieillards toltur's pour leur arlachcr leurs trsors !

ir??e

t?E?l

L'INDE. lltDEli-I,I.

l7.i

:Sartine envoya I'Ilc-de-Francc, cle 1779 1780' cinq vaisseallr de ligne, clout un fut plis cu route. It tait allsurile d'crpclier cles vaisseaux sans troupes de dbarqucrnent. Quoi tltr'il en soit, le chcf cl'escadre [ui cotumaudait I'Ile-cle-France ltouvait, du tnoitts, agir clans les tners cle I'Incle, o les Anglais n'ettrent d'abortl clue deux yaisseaux et n'en cotnptrent six qu' la fin cle 1?79; tl'rais ce chef d'escadre tait ce tuutc Tronjoli qtri avait ltonteust'tnenfi .abandonn le valeurerix Bellecombe dans Ponclichri. II ue sc

montra rnttre pas sur lcs ctes indienues, et, en 1780,

il

partit,

rernettant le commanclcmcnt au capitaitte d'0rves, braYc'hoiutuc, mais ntalacle, us de corps et cle tte. Il sernJilait tltt'ott choist tout exprs pour I'Indc les ofiiciers et les nat'ires hors de servicc. 1![. cl'Orves ne l]anlt sur la cte cle Corotnaudcl cpr'en fr't.ier 1781. L'cscadre anglaise tait au {alabar. Flader accourtrt aLr l:ol'tl cle la rner pour s'entendre avec les ltranais. 0n poulait tout teutcr. L'arnre anglaise alait vacu Pontlichr'i pour se retirer Goutlclour, o Haider la rcsserrait; llailras tait dcotn-elt, gald

ni oprcr arec sorl ni dbarrluer les garnisons de ses vaisseaux potlr rcuforcer lcs auxiliaires franais clc Haclcr, ct s'en t'etourna l'Ile-tleFranccr. I{aidcr, dlaiss, continua vaillarntnent la luttc et livrit jusqu trois llatailles cn trois ntois aux Anglais, qni avaient rett dcs secours considrables clu Bengale (juillet-scpternltrc 17Bl ). Trois fbis ii fut contraint de cder le charnp dc bataillc la cliscipline etrropenne; mais I'ennetni ne put jamais ni lui enlever son altillerie, ni I'etnpcher de se reformcr et cle se maintenir
par cinq cents invalides. D'Ot'r'es ne voulut
escadre, dans le Carnatic.

Les Anglais eurcnt ailleurs des succs plus fructuettx. Dc novembre 178l janvier 1782, ils s'emparrent de Negapatnaur ct des autrcs tablissenrents holiandais de la cte de Colomaudel, puis de Trinquemal, le rneilleur port de I'ile hollandaise cle teylan. Les Mahrattes, cepenclant, taient cn plcine ngociation avec le conseil suprme de Calcutta, qni leur offrait une paix avantagcuse, et Hader lui-mme, ne colnlltant plus sur les n'rannat, f/ist.
1. Ildnr. mss. du vicomte de Souillac, aux Archives de Ia llarile, cits par Xi. Ch. Cud,u bailli de Suffren, p. 86 ; l82, II. de Souillac tait gouveuicur de I'Ile-

'de-Ftanee.

1l / l_t

LOUIS T\-I.

u 781-r 7821

ais, se disposait

traiter, lorsque cnfin arriva dans ces mers un

homnrc dcid eurployer toutcs les forces de son hroique g'nie pour ernPchcr la puissance anglaise de se raffennir : c'tait le bailli de Surrnnur. Le nouvcau rninistre Castries, plns rsolu qu'clair, n'avait pas vu assez vite la ncessit de rparer le ternps perdu par I'envoi cle troupes dc tcrre dans I'Inde; rnais, clu noins, il avait eu [e bon sens d'coulcr d'llstaing sur le choix du chef donner aux forces nayales qu'il expdiait en 0rient. Le brave arnilal recomrnaudn instauiinent un cle ses anciens capitaines cle vaissean, dans lequel i[ avait reconnu I'toffe d'tin grand chef d'arme. Suffren fut plac tra tte cle cinq vaisseaux cle ligne 2 chargs de protger contre les Anglais l'irnportante colonie hollandaise cln tap de Bonnellsprance, pnis d'oprer dans les mcrs inclienncs. {Jne escaclre anglaise dc cinq vaisseaux de ligne, trois frgatcs, dix vaisseaux de Ia Cornpagnie des Indes, etc., tait partie pour la mme destination. La possession dLr Cap devait trc le prix de Ia course, et les vaisseuur anglais, tous doul-rls en cuivre, taient mejlleurs

roiliers que les ntres. Suffi'en rencon{re I'ennemi aux lcs du Cirp Yert, I'attaque audacieusement rlans la rade portugaise de Prrrya (le de San-Yago) (tO avril 1781), jette le dsordre dans I'expdition anglaise, gagne lcs devants, va rnettre en dfense le tap de Bonnc-Espr'ance, y laisse des soldats, se portc , I'IIe-deFrance, dcide son suprieur, lc chcf d'escadre d'Orves, tcher
de rparer la dplorable retraite du rnois dc fvrier pass, et part avec lui pour I'Inde, emportant la rncilleure partie de la garnison de I'Ile-de-['r'ance, prs de trois mille soldats rlue le zl gouvcr-

neur Souillac leur confie sans ordre du rninistre. L'escadre dbute tlans Ies mers de I'Indc par enlever un vaisseau de cincluante. Les venls protgent contre les t'ranais Ies six vaisseaux de I'arniral Hughes, qui se rfugient dans la rade de iTIadras, y sont rallis par trois des vaisseaux que Suffren a comllattus Praya, puis rcssortent Jrravernent pour offrir le com1. On I'avait appel le comurlndeur, puis le bailli, cause de ses grades successifs dans I'ordre de llalte. ?. Sans frgates, faute impartlonnlble du ministre. Une arme sans troupes
ldgeres
!

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l,'r'tiEN.

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bat. Les i\nglais ont neuf vaisseaux contre douze, mais en licnucoup meilleur tat que lcs ntres. Suffren commande en chcf : d'Orves vient dc mourir borcl, expiant ainsi noblernent cles frrutes dues I'affaissernent de la rnaladie. Si Sufl'en efit t bien second, I'escadre anglaisc ett t proltablement dtruite; mais la rnollesse ou Ie rnauvais vouloir dc la moiti des capitaines, mcontents de se voir comrnander par un oficier moins ancicn qu'eux, rend Ia victoire indcise (17 frrier 178?). 0es infcnrales jalousies taient la honte et le flau dc notrc rnarine. Lcs :\nglais
toutclbis seurblent se reconnatre vaincus en s'loignant du chantp de bataille , et Suffren atteint son but en crnpchant IIaIder de traiter a'r'ec I'ennerni', et en dbarquant Porto-Novo les troupes charges de coopr'el' avec le hros musuhnan; puis il retourne chcrcher, sur la cte de Ceylan, I'escadre anglaise rcnfor.ce de tleux vaisseaux. L,c rnnrc jour quc de Grassc est vaincu et pris aur Antillcs (12 avril 178?), Suilren livre un second et terriirle corubat Echvard llughes : Ia rnanvaise conduite cle clcrx i'aisscaur i'cmpche d'obtcnir nn succs corr- plet, et un orge sparc les dcux escadres. L'Anglais vitc un nour,el engrtgement. Sur ces

entrefaites, Suffi'en reoit du rninistre I'oldre de retourner ii I'Ile - de - F rance. Sa retlaitc erit ananti l'clatant effet uroral de ses cxploits. Il dsobit gnr'eusement, quoiqu'il u'ait ni port pour s'abliter, ni grenrents pour se rlrarer, presque plus de rnunitions ni d'argent. Son gnie et le dr'ouement passionn cles rnatelols, bien trangers aux indignes calculs de certains de leurs
ehefs, supplent tout. Ce n'tait plus nanmoins en yue d'un honteux ;rbanclon que le lninistrc avait voulu rappeler Sufll'en I'Ile-de-l-rance : c'tait lfin de concentrer une fbrce imposante dans cettc lc, choisitl {-romme point d'attaque. Le ministlc avait pris une rsolution qtri, trois ans plus tt, aurait eu des rsultats imurenses : il envovait tlans I'Indc nn honrrne donl le norn fascinait encore toutcs lcs iuraginations et ct 1ru valoir une alrne, lc fdle colDpgnon cie Ilupleix, Bussi-Castelnau. Bussi, nomm comnrandant en clref, rurriva I'Ile-de-l'rance Ie 31 rnai 1782 et s'y arrta pour attcndre l. Le lenrlenrain du combat naval (18 fd'vi'ier';, Tippou-Slb, lils avait dtruit un corps anglo-inclicn dans le Tanrljaour.
de

Hedcr-Ali,

4;8

LOUI,S IYT.

It 7 82]

ies renlolts promis par le cabinct cle \relsailles. llajs il y eut du malheur ou de I'inrpruclence clans les mesures acloptes : clenx

convois considrables, trop faiblernent escorts, furent pris au soltir de la Lanche ou rejets yers les ports rle France (dcernbre 1781 - avril 178?). Bussi, malade, clvor cl'impatience et tf inguitucle, envo;'a provisoirernent suffren tout ce clont il pouvait clisposer, deux vaisseanr, rlne fi.gate et quelques soklats.

sulren venait d'avoir ull troisime choc contre I'amiral

clcf du beau pa,vs de Tandjaour, Negapatnam , enlev par les Anglais la I{ollande. Ce cornnrantlant avait nrieux aim s'elnpal'cr de Goudelour, place rnal situe et qui n'offrait qu'une sinrple rade foraiue, et Suffren s'tait rsolu cl'assaillir lui-nrme
1\egapatnam aycc

I{ughes. Aussi rnal second sur teme que sur mer, il avait press. en vain le cornrnandant des troupes dbarques de reprendre la

le concours dc Hader'-Ali. Il fallait auparavant

battle I'escadre anglaise clui couvrait ccil,e place. suffren I'attaque avec vigueur; onze vaisseaur contre onze micux quips ; cal le capitaine du douzirne vaisseau franqais, un peu avari, clserte honteusement Ia ligne de balaille. lln autrc capitaine, dont le laisseau de soixante-quatre est aux prises aycc un anglais de
soi-xante-quatolze, arnne son pavillon : deux de ces offi,ciers bletos' , que ddaignait la vanit des ofllciels du Grand,-Corps, s'lancent vers leur lche commandant, le fbrcent de faire relever le pavillon, font continuer le feu et sauvent le navire. L'ignominie de ce capitaine est bien efface par I'hrolsme cle cuvcrvillc, qui soutient, avec un btiment de cinquante canous, I'effroyabie f'cu de

cleux vaisseaux de soixante-rluatolze et de soisante-r1uatre, et, hach lui-rnrne, dsernparc le plus fort de ses ennemis. Quant Sufiren, il est tligne de lui-rnrlc, c'est tout dire. Il se multiplie, assaillant tour tour I'ennemi ou couvranI nos vaissearx en pril.

tjne partie de I'escadre anglaise a molli : Hughcs se retire, rnais

il rcgagne le mouillage de Negapatnam, et Suffren n'est pas rssez compltement vainqueur pour effectuer son projet (6 iuiliet 1?82). Il sc ddomlnage par la reprisc dc i'autre tablissement hollanclais, Trinquemal, et conquiert enfin un excellent port dont la
1. Ofiiciers
de port, employs comme auriliaires avec brcvet pour la campagne.

u 7s2l

SUFFIiBI\.

419

llosscssion change tout fait Ia situation des deux partis dans ces mers (25-31 aot). Edward Hughes arrivc trop tard au secours :

il ne tronve, la vue de Trincluernal perdu, qu'une quatrime bataille (3 septernbre). Treize vaisseaux de lignc franais, deux dc cinquante et quarante canons, et trois btiments lergers, altaqucnt douze vaisseaux cle lignc et six btirnents lgers. Toujours mrncs fautes, ou plutt mme trahison. Suffren, un lnornent abandonn au centre du combat, avec clenx vaisseanx contre cinq ou six, voit tomber sous un ouragrn de fer son grand
mt et son pavillon amiral . Un llu,rra, de triomphe s'lve du vaisseau auriral anglais. ( Des pavillcns ! dcs pavillons ! > s'crie Snffren; < qu'on en mette toul, autour du Hrosr ! > L'quipage tout enticr, partageant I'hrosme clsespr de son chef, vomit les boulets et la rnitraille par tous les sabords : trois vaisseaux anglais sont cribls, hachs par ce furieux effort; I'avant-garcle ti'anaise dgage enfin son amiral, et les Anglais battent en retraite la nuit. Cette journe sang'lante retarda les projets des Anglais contre Goudclour; nrais elle erit dfr avoir bien d'autres consqucnces. Le chef de I'odieuse cabale qui avait thilli causer la perte de Suffren se r.endit derni justice en tlemandant repartir pour la France avec ses complices, et l'escadre en fut enfin purge; rnais le mal qu'ils avaient fait paraissait irrparable. Ils avaient ernpch Suffi'en cle fixet' la fortune. Lcs forces franaises dirninuaient: deux cle nos vaisseaux se perdirent par des accidents de mer; les Anglais, au contraire, reurent cinq vaisseaux de renfort, et les Hollandais , dont nous avions saur' ou recouvr les colonies, ne nous portaient aucun secours: une escadre de sept vaisseaux restait immoliile Batavia; un autre armement, au Cap ! Les chefs hollandais taient paralyss par I'incurable perfidie du stathouder, que lc parti rpublicain avait aftaibli sans I'abattre.

Les

vents

cctte lbis

notrc aide.

, si souvent favorables nos rivaux, vinrent


I-rn out'agan dsernpara I'cscadre enne-

mic, au moment oir elle faisait voilc de l\fadras pour Bombay (15 octollre), et la mit hors de cornbat pour plusieurs mois.
l.
Norn dc son vrisscau.

J,g0

touls xvI

[1

78s- I ?8] ]

Ali; rnais les troupes, qui avaicnt enfin rcjoint Bussi I'Ile-de_ 'rance, taient telleme.t ravages par une pidrnie et les vais, seaux qui les convoyaient se trouvajcnt en si rnauvais tat, quc la jonction de Bussi et de suffre', au lieu de se lhire chcrn en novembre, ne put s'oprer que le l0 mars l7g3 sur la cte cle ceylan. Dans cet intervalle avait eu rieu un bicn I'u'este vnement : un des plus liers et des plus profonds gnies r1u'aif cnfan_ ts I'Orient avait disparu de ce rnontle : Ilaicler-Ali n'tait ptus (7 dcembre 1782). coup terrible pour la causc franaise et pour Suffren ! Ces dcux grancls homrnes s'taient courpris ct comptaient entirement I'un sur I'autre. Bussi et Suffi'en n'ar,aient plus qu' soutenir de tous lcnl.s

suffren ne put profiter cl.. rnalheur rl'Edwarcl Ilughcs : il ar.ait tlonn renclez-vous Bussi en racle cl'Achem (le de stunatra), pour revenir ensernblc attaqucr nladras, de concert avec HaTcler_

cfforts Ie fils de Flader', Tippou-sab, hril,ier, sinon de son gnie, au moins de son courgc et de sa haine contrc I'Anglcterre. n'lais la situation tait bien change lorsque Bussi clbar.qua Goudelour', le l5 rnars 1283, avec cleur rnille cinq cents solclats. Tippou, {ui, au rnolnent de la rnort cle son pre, achevait d'enlever le Tandjaour aux Anglais, avait t ol:lig d'abanclonncr cette $rellc conqute et de quittcl le carnatic pour voler. an secours des possessions rnassouriennes de I'ouest. Les Anglais, trarrquilics du ct des }fahrattes, qui venaient de conclure clfinitiverncnt la paix la nouvelle de la rnort de HaTcler, avaicnt dir.ig cle Bornbay une puissante divcrsion contre les provinces nraissouricnnr's de l\{alabar et de Canara. Presque toutc cette cte tait rapiclerncnt tombe en leur pouvoir, ct I'intr.ieur clu llalssour tail. entarn. Tippou? eu rnal'chant vels le l{alabar, n'avait pu laisser qu'une dizaine de rnillc homures en calnatic pour tenir la campflgne avec les Franais. Bussi, trs-infricur cn forces aux ,\nglai$, ne tira peut-tre pas mme tout le parti possible ile cc riri'il avait dc ressourccs: vieilli, tounnent par la goutte, aflaibli par les suites de l'pidmic qui I'avait atteini I'Ile-de-France, ae n'tait plus I'clatant et infatigable colnpagnon rle Dupleix: il nc lui restait plus gure que son conl'age. Il se laissa refoulei. sur Goudelour par le gnral anglais stuart, qui avait, la vrit,

il78;l

,18l

Lc l3 juin, nn firrieux cornbat fut livr sous les nlurs de Goudelour. Devant le canon, Bussi se retrouva. Incapable dc sc tenir chevirl, il se lit porter partout en palanquin au plus fort du pril. Les Anglais perdirent rnille douze cents ironrrnes et ne purent forcer les lignes fanaiscs. Durant la nuit, cepenclant, sur. la nouvelle que I'enneuri allait mettre en batterie des masses d'artillerie, Bussi t vactrer les dehors de la place et se renfenna dans Gorrdelonr. La place se trouva bloque entre I'arme de Stuart r't I'escadre cl'Edward llughes, cnfin l'eyenll de tsombay. Elle nc le fut prs longterlrps. 0s le lendemain du cornbat, lcs scnlinelles ilu rernpart signalrent suffren au large. Le l6 juin, par dc savantcs volutions, Suffren par.vint carter I'escadrc anglaisc ct se mettre en conlurunication avec oudelour. Les dcux escactrcs lrianuvrrcnt quatre jours encol'e en vue clc lir ville et dcs deu-r arrues. tc fut le 20 seuleurent qu'elles ellgagr'ent leur cinquirne liataille depuis seize mois ! Les Anglais avaient la fois la supr'iorit tlu nornbrc et celle dc i'anuerucnt : seize laisselux tle lignc et deur de cinquante
treize vaisseaux de lignc, deur
cle

prs de vingt mille soltlats rguliers, dont qrratre mille nglais, contre neuf dix mille, dont deux rnillc deus cents t'ranais.

contre

cinquante et un dc rluarante. Ilais, ce jour'l, tous fir'cnt leur devoir' borcl tle notr.c flottc. sur I'ordre de Suffrcn, tous uos vaisseau-\ approchrent I'ennenri ii portc clc pistolct. Cc fait suffit pour faire cntrevoir tout ce quc la journe eut r1c ten'ible. Parnri tant cl'incidents tragiques et glolicrrx, il faut citcr I'hr'orsure dr Fr,unerrrl, vaisseiur rle cinrluatttc, qtri, aprs avoir ltcaucoup soufl'elt et pertlu son capitainr.l rls Ie comurencement tle I'action, lttaque et forcc la rctr;rit,_. urr vaisscur dc cluatrc-vingts qni vorrlait couper notre lignc. Les Anglais plient, sen's cle prs, sous ks voles inccssantcs cle I'ar tillerie qui lcs clsempare : les tnbres viennenf couvrir ieLir. re'traite; l'auriral l{ughes clrappe un nouveau corlbat par. la supriorit de sir nrarcirc, et ya se rfirgier ir rllatlras. Suffrr:n rcparaif triornphant lc 23 juin devant Goudelour et dbarquc les garnisons des vaisseur, aux cris cl'allgrcssc clc i'amrc, qrii rclatne I'attaque rlt'S lignes anglirises ils le lcnrleilairr. ilu t'r--procire tI Bussi ri'itloil hfsit ci r-le n'nvr.rir. uutr.iris, le 1=i,
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3l

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qu'une sortie partielle,

LOUIS

XvL

i[:r3]

{ui fut rnal conduite et que I'cnneuri

repoussa. I\talgr ce petit succs, coupe d'avec la rner, ayant en l'ace d'clle une garnison renforce et pleine cl'ardeur, harcele

sul ses dclrircs par plusieurs milliers de cavaliers rnaissouricps qui lui coupaicnt les vivres, I'anne anglaise tait trs-compl'ornise. Sa dlaite ne paraissait qu'ajourne. Les nouvelles taient exceilentes pour lcs x'ranais, Des convois franais et hollanclais

allaient arriver de I'Ile-de-tr'rance. Tippou-sab, digne cle son


pre, venait cle prendre dans Bednore le gros des forces anglaises qui avaient ravag le lfalabar avec une crllaut et une rapacit

indignes cl'une anne civilise. Notre cause se relevait dans I'Inde. Tout pouvait se rparer encol'e. sur ces cntreflaitcs, le 29 juin, une frgate angraise apportc sufli'en et Bussi une autre nonvclle. La paix tait conclue; l'Inde
restait dlinitivernent aux mains de I'Angleterre cn courpensation de I'Arnr'ique perdue | !.. De 1779 1781, I'utriche et la Russie avaient fait quelclues tentatives porlr ofli'ir leul rndiation aux puissances belligrantes; tcnlatives sans rsnltat, l':\ngleterle ayant dclin toute ngociation otr les coloriies rcbel,l,es scraient admises : Joseph II et Catherinc, qui rvaient ensernlllc le Partage dc l'enrpire othoinan, ne souhaitaient sans doute pas bien sincrernent que la paix rcncTt aux puissanccs maritimes le loisir de traverser leurs projets; mais la Russie suivait son inclination se mler cle tont, et I'Autriche tentlait renouer ses vieilles relations ayec l'Anglc-

terret. Le vieux xlaulepas rnourut, sur ces entrefaites (14 novcmbltr

v. r/isl. d,u baiU d.e suffren, par ch. curratl llist. d,ela iondalir'n de l'ent1tire an,1lus ilans I'hvle, par Barclog ,J Pcnhodn, t. lll, liv. X-II. - Le dernier des grands urrrins de I'ancienne l,'ra1ce fut bless nrortellement en cluel, le B clcenrbre 1788, par ull courtisau, le pr.ince tle llirepoix, dorrt il avait trait les ueveux, officiers de nrarine, acc unc svr,it mr,i te. La cause de sa mort fut tenue cache. - \r. Ch. Cunat, p. B-15. 2. Joseph II essaya mme de dtacher I'Bspagne de la Flauce crr lui oflrant de lui faire reudre Gibraltar (aot 1?'30). Challes III repoussa loyaleruent cei appt. Soulavie, rIm. durgnede Louis xvl, t. V, 1r.59, d'aprs un nrmoire trouv tlarrs les papiers de l-ouis XVI. Suivant W. Cose lllist. tt,Espa./,re s0r{s les llourorrs. t. V),' le cabinet espagnoi aulait t moins sci'upuleux et et tolontiet's tt.i-.1i, --i Im Arrglais eusseut offelt selrieusenler)t Gibraltar,
1. sur les campagnes de I'Inde,
Rerrrres, 1852.

tt?sl - ri
1?81

821

NGOC IA'I'},ONS.

483

faire Ia Frattce, en ), ayant fait tout Ie mal qu il pouvait qui, plus tt arrir'e, ct mort, a}attant Necher alirs Turgot. sa cltoses t urt grand bien, ne fut qu'un vnernent insignifiant : lcs furent aprs lui ce qu'elles cussent t, Iui vivant. Personuc nc lc rerlplai complternent auprs du roi : la principale influence passa toutefois au rninistre cles affaires trangrcs, \rergcttncs,

qui hrita du titre de chef rlu conseil dcs finances. Vergertues, loin ,i'tr* cairable cle porter le fartlcau tle prenricr rninistre, n'tait pas rn,ne Ia hauteur des grancles circonstances daus son tninistre particulier. 0n ne tarda pas en faire l'1treuve. Au mois ile mars 1?82, rlans lcs derniers jours du cabinet d'e lord North, ce rninistre, ployant sous les reYers de la campagne prceldente, avait envoy un agent Paris pour sonder le gouvernernent f).anais. Les pourparlers fut'ent continus au nom du prenouyeau cabinet qui rernplaa lorcl North, et qui, cependant, d'abord nant le contre-piect du rninistre clchu, avait song guerrc traiter avec I'Amrique et Ia llollalde, en continuant Ia

contre la Draison rlc Bourhon. Ixgalernent repouss Paris par I'illustre plnipotentiaire tles tats - Unis, par' $ranhlin ( 1 5 avril ), ct en arnrique par Ic corlgrs ilIne (rnai), le ministre anslais avec lo se r.signa entarner Paris une ngociation sirnultane

pltttt Francc, I'Dspagne, I'Arnrique et Ia llollancle. Louis xYI, ou lI. de Yergennes, dans une note I'envoy anglais ' accepta pour convicndrait, i.rase le trait de Paris, sauf les changeruents dont on I'Afrique, Indes-Qrientales, aur entre autres points, relativement Il nc comurerce' d'e trait la pche tle Terre-l{euve et un tait dpart de point parlait pas spcialeurent des Antilles. Ce trait t'ailtle et prottrettait peu : accepter pour base Ie dplorable

de

La rnoclification sllrvenue clans Ic ttrinistre anglais, la retraite Ia marche rJe It. Fox et de ses amis (fin juin t?82) ne changea pas rnollebien y furent tle la ngociation. Les intrts de la trnrance de ceux porta sur rutent soutenus. Le pius vif et le plus long dbat I'Dspagne. Charles

173

rclarnait opinitrment Gibraltar' L'Anglcrr:e dfendit la citadelle tlu granrl dtroit par la diplornatie corntnc par lcs armcs; nanmoins Ie ltrincipal rninistle, lord Shelbupne,linit par se 1ngntl'gr dispos ccler' n11is au prix de Ia

III

tL[]L

i,OI]IS TV I

t?821

nestitulion de l\{inorque et des Florides et ci'norrr}es concessiols dans les antilles; puis il s'effi'aya d'allandonner Gibraltar, mme pour une telle ranon, et offrit la place la cession de Minorque
et des tr'lorides. L'Espagne accepla. trl n'y eut avec Ie cabinet fi.ancais de dillicult grave que sur un point, sur l'le de la Dominique. Louis x\rl, ponss trrar quelques-uns des rninistres, nolamrnent par Castrics, nontra cl'aliortl quelque I'crrnet. Janrais orr n'erit dri ctler sur cette question. La Dominique, si lrenreusemcnt conquise, n'avait d'importance que cornnle position offensive contre les riches les c{e la Guadeloupe e{ de la lfartinique. Lord shelburne refnsa d'y renoncer. Il fallait accepter son refus ct faire une dernire carnpagrle. Toutes les
chances taient pour nous. Une imrnense flotte franco-espagnole sc rasselltblait Cadix pour oprer u colnmencernent de 17g3. D'Estaing', le chef favori du solclat et du matclot, cnfin rappcl Ia

tte dc nos arrncs, allait comnrander soirante-si-x vaisseaur de et vingt-quatrc nille soldats clc clbarquenrent, avec La fayette pour rnajor'-gnral. Cet oul'ilgail d'hourmes et cle vaisseaux devait fonclre cl'al-rorcl sur la Jamaque, puis rcmonter au Canada et Telre-Neuve, e[ une escarlre de clix vaisscaux tlevait se dtacher pour les Indcs - Orientales. La l{ollando, s'arrachant

ligne

aux intrigues du star"houcler, tait enfin err n'lesul'e cle prenrlre part sricuscment la guelre d'asie. I-,'Ang.leterl'e n'ayait pas lc.s tbrccs ncessaires pour reporlsser un si terrible clioc, et tout serulllait [Lri annoncer cle grands l'evers dans I'Inclc et peut-tre la pt.rte tlc ce tlui lui restait en Inric1ue, lcs c.t contincntr. [.,ortl Shelburne connaissait lcs pcrrils de I'angleterre, rnais il connaissait le dsir imurodr de paix qu'avait laissel transpir.er" 1I. de vergennes2. Il eut gain de cause!I,,oujs xyl consentit lcstituer la Dominique, et George III annona au parlemt:nt britannique l'espoir d'une prochaine pair. Lln irrcident ihillit tout renverser. A la rin de novenrllle, [r:s
l. tllillr. de Lt lra.1 ette, t. II, p. 3 etsuiv. Soulai,ie, Rgne,Je Lou,;s Il,I, t" \[, p. l?-2tj. Flassan, t, Yil, p. 362. ,, vr)tre ?. Si cout et moins antronc le cisir de terminer ia gur.n.e, elle nurait obterru de nous de plus g'-arrds sacrifices. , Itar'oles do lortl Slr.clLrurrre .r. It. de Bouill, eites ,laus le \lruoire au roi, ap,, Soulavic, filgtze Je Lottit xl,[, t, \', p. l'7.

i1782-,17831

NE(iOOIATIONS.

commissaires amricains, Franklin, J. Adams, J. Jay, II. Laurels, signrent Paris des prlirninaires de paix avec le plnipotenfiire anglais 6swald, au lieu d'attendre' colnlne il avait t convenu, que le trait rle la France ftrt achev pour signer en mtne temps. A cette nouvelle, Iord Richmond, le jeune Pitt et la plupart rles membres du cabinet anglais voulttrent romprc la ngociation flvec la France et offrir contre elle une tloite alliance aux ul-

ricains. L'esprit chirnrique cle lord Richrnond et la haine pasaveusionne clont le second Pitt avait hrit contre la n'rance les Lord I'Angleterre' entranaient ils or glaient sur le prcipice les et dsespre nergie une Shelburne se jeta en travers a.vec des capitale clause arrtat. Ils n'avaient pas voulu voir qu'une prlirninaires avcc les tats-unis statuait que les converttions n'auraient leur effet qu'aprs la paix de la France conclue, c'estjusqu ce q1e -clire que les Amricains poursuivraicnt la guen'e peu dans lcs si tait L'Atnrique lcurs allis eussent satisfaction. d'Etat des secrtaire que le clispositions rves par les Anglais, fort le hlma affaires trangres aux titts-tnis, Livingston, manqLle cJe biettsance dont s'faient rendtts coupables les plnipotentiaires, colnlne lc reconnut Flanlilin, qui avait < cd trop facilement ses collgues2. > Quant I'ide d'une ligue avec I'Angleterre contre Ia Flance, idc qui tait certcs bien loin de la p.r. cle Franlilin ct de ses collgues, elle ett hue dans le
congrs.

Ls prliminaires de paix entre la France et I'Angleterre et eltre I'Angleterre et I'Espagne fttreut signs te 10 janvier 1783' Lc parlernent les accueillit par un violent orage. Lord Shelburne po1 d. sa place Ie service qu iI avait rentlu son pys en obte.runt d.t conclitions de paix bien moins tlsavantagcuscs que la sittral,ion ne le contportait, tnais bien lognes de ce trait de tr7{ig, auquel I'orgucil britanni{ue erit voulu enchaI}er I'histoire.

La singulire coalition Fox et North entra au pouvoir, se garda bien de refuser la ratification tlu pacte qu'elle

rnais avait

tr. Gar,Jcn, fjisl. dcs T'raits de ytuit, t. I\t, p. 329. 2. Lcttre de 1\{. tle Yergennes, cite par P. chaslesi afi" FrankltnlRetue des Deur llonrles,t. XXVI, p.294; 1841 . Cette tudc sur Franhlin, trs-peu bienveillante et
p)ils spirituelle qu'cxacte, doit tre luc avec beaucoup de prcaution.

486

tOU IS TVI.

n783

blm. Dcs points secoudaircs sur I'interprtation de quelqucs arficlcs relatifs I'Espagne, mais sttrtout la transaction avec la Holianrle, retardrent de plusicut's ntois les traits dfinitifs. Le cabinet de Versailles avait eu le tort de conclure les prlirninaircs avant que les intr'ts de la Hollande fttssen[ rgls , tOrt moins grave , colnnre procd, {u0 celui cles cotnmisstrires
amricains envers la France, puisque les obligations n'taient pas les mmes, mais plus grave en fait pat' les corrstltlences. L'Angleterre, trop sre que le cabinet deVersailles ne rottvrirait pas lcs hostilits, fut in{lexible dans ses prtelltions contte la Ilollande, et il fallut que celle-ci se rsignt ouvrir lamer des lloluqtlcs arl comntel'ce anglais et cder Negapatnanr, la rlleillctrre rade clc la cte cle Coromandel. 0n signa lcs traits dfinitifs Ie 3 septetnbre 1783. L'Angleterre reconnaissait la plcine indpcndance cles tatsUnis d'mrique, retirait ses troupes de Nerv-Yorli et dcs autres points du telritoire aruricain c1u'elleS occupaient encore, t'etonnaissait pour limites aux tats-Unis la rivire de Sainte-Croix, les rnontagncs qui sparcnt ie bassin du Saint-Laurent des l:assins des rivires nol'd-amricaines, les grarlds lacs, le t\Iississipi jttsqu'an trentc et unime degr de latitLrde nord. Au midi de cettc latitude, comrne I'ouesl tlu i\Iississipi, I'Angleterre uc rscrvait scs droi{s que pour les cercler I'Espagtlc. Les Anlricains avaieut la pche libre Tcrrc-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurcttf. L'r\ngleterre restitue la Frauce les les de Saint-Piert'e ct de
It'Iiquelon
cL7 tlL;,ta ytrapri,t, C'est--dire SanS l't'nonvclcr I'interforti{ier, stipule dans le trait de 1763. La Fraucc les diction renonce au droit de pche Sur la partie de la cte oricittale dt' Terrc-l{enve entrc le cap Bona-Yista et le cap Saint-Jean, et I'acquiert sur la paltie de la ctc occitlentale cnlre le Port-ir-Choix et le tap Ray, transaction extrrricment dtisav.rntilgcuse; car la cte orientule dc Terre-r\cuvc, qui fait face att Grand-Ilanc et u lrl'ge, est bien nrcillcure llotlr la pche qtre le littolal de

cle

I'ouestt,
l. Un excellent lflroire, ailrcss Vergennes par lcs consuls rle Saint-Iltlo, avait pourtant trs-bicrt rcrrseign ce ministre sur ia qirestion tle Ten'c-l{cuve. .. V. ce I\Imoire tlans Sonlavi e, [tgne de Lawis XV It t' Y' p. 387"

l1

is3t

I'r\[-\

AVEC

L'ANGLBTERRE'

48,i

L'Angletel're rentl la France, tlans les Antilles, I'ile de Sainte[.,rcie et renoncc Tabago. La France rend la Grenade et les Grcnaclins, saint-vincent, la Dominique, saint-christophe, Nieyes, Iontserrat. L'Angleterre renonce au sngal et ses dpenrlances (Podor, Calam, Arguin, Portendicli), et restitue Gore, que les Franais avaicnt vacue p6ur Se concentrer Saint-Louisdu-Sngal et que les nglais avaient occupe. La tr'rance garantit I'Angleterre le fort saint-James et la Gamllie. Lcs Anglais ont la

libert cle faire la traite de la gomme' de I'embouchure de la rivire saint-Jean jusqu' Portcndich. L'Angleterre restitue Pondichri et Karihal avec cession cl'un petit territoire alentour; elle retrcl Mah; elle rend Chandernagor', ( aYec la libert de I'entourer d'un foss pour I'coulement des eaux )) (quelle grce!...), et les comptoirs franais c'Orixa, de surate, etc. Elle promet aux Flanais le rtablissement clu libre commerce, tel que le faisait

I'ancienne Corlpagnie franaise des Incles. < I[ est convenu que si, dans le terme de quatre mois,les allis respectifs (dans I'Inde) n'ont pas aclhr la prsente pacification ou fait leur accotnmodernent spar, il ne leur sera plus donn aucune assistance directe ou indirecte. > 'tait I'abanrlon complet du suitan de XIassottrr' L'Angleterre consent I'abrogation de la clferrse de fortifier jours de Dunkcrque ct cle rtalllir le port. L'affront iles vieux

Louis le Grancl est clu moins cff'ac par la -t'rance rajeunic. Lts cleux couronnes convicnnent de couclure un lrait de com2. met'ce avant le 1" janvier 1786 L'Angleterre cde llinorque et les deux n'loridcs I'Espagne' L'Ilspagntl rend les iles de Baharna. La Hollancie cde Negapatnam et promet de ne pas gner la navigation anglaise clans les mers orientales (urers des iles 3. pices), si longterrrps monopolises par les Hollandais i\Ialgr tout ce qu'on pouvait dire sur cette pirix, tltri ne rparait pas suftTsalnment lcs calamits cle ,1763, la Frante avait
1. Tippou-Sab continua bravernent la lutte et obtint une paix honorable. 2. Tous les exemplaires du trait furcnt rcligs en franais, r, sans tifer consQllCllCe.

B. Y. les traits
pices.

't

clans

l'Ilrst.

des troubles de

l'Amdri,pe anglaise,llar Souis,

t' IY.

i88

xvttt* siclc ccompli ge. Il en rnoyen avait eu sa crltsade, plus heureuse que celles du sortait ulr phIlotnllc nouveau dans le tltonde politique. Jusclu'ici I'on n'avait gure ru extirpcr radicalcillcnt I'at'istocratie que ltar le despotislne : I'aristocratie, c'est--dire la libcrt tle qr"rclquesults, se perclait dans l'galit de la servitutje. Quand cettc libcrt

IS \\ !. une bien Srancle rlYre : la philosophie du


L(.)L

tI

?tt3l

partielle, clisotrs-le ell passant, disparat de telle sorte gtlc la lihert ne sgit plus nulle part, nous lle Yoyons pfts ce qtl'y gagne la dignit ni le progrs du genre hutuain. L'Arnr'ique dollllait le prelllicr grancl ererlple tontraire : I'exetnllle dc lt libelt tlans l'galit, clc la vraic drnoclatie, succrdant lalilLert alisl,ocraTique; premire ct triotnphantc applicatic)ll de la thclorie du droit sclon le lvrrr' sicle. illeurs, sur ttn sol utoitts prpar et forrn d'lrnents pltrs cotltplcxcs, cetlc lht1oric, raltporte d'Amritlue aux lieux cle son origine par nos citevaliers de la lillcrt, exigcra 4e bien plus terribles effcrrts ct rt'ol-rtienrlra clue dcs sttccs ]-rien tlatrs sott uvl'e dixfois I'ell\'crJrlus disputs ct plLrs douloul'ctlx' !... recolnlllencc se et dix fois La France avait accorrtpli lcs deloirs de sa nrission providcntielle : scs intt'tsmot'aul, lcs intr'ts de sa gloire et tlc ses idcs, taient satisfaits. Les intdrrts de sa pttissance mlrielle avaicnt t mal dfcnclus par Soll gotlvel'ncltrent; lc st'ul avantage solide qu'ellc efit ohtenu, c'tait d'avoir t aux Anglais nlinorque, ce frein de Toulon, bien ltlus clangerettl llour notls clans leurs nlains rlue Gibraltar. La raison sricuse allgue liar Vcrgenncs pour hter la paix avait t l'tat cles Iinances. Ds Ie 27 septembre 1780' il crivait au roi que ( lir situation... alarmaute sernblait rle laisser de I'essource que Ia paix la plus promllte. > Neclier avait relev cncore une fois le crdit public au colnmenccment de 1781' Irr un coup cl'clat dont nous reprlerons, et il efit encore lrouv lcs noy.rri tle soutenir la carnpagtle tle 1?83; rnais la frrncstc cabaie qui avait rellvers Turgot n'avait pas tal'd d'abattre Ncchcr son lour, et \rcrgcnnes avait t un des trletltbres les plus actil's de crette cabale. J.,a rechutc des finances tait donc sa cotrclatttnatiott. < Les clpenses, disait-il au I'oi, Sont tln ahiltre qu'on nc lteut sonderr. )
l. l-hssan, t. \.lI, p.361 - I-'Angletcrre tait. dc sori t't, daus uue
extrtne

1?8il

rift,\Nt)E ('EUvltE I)E LA l-ti\ctt.

jgg

C'est dans cet abirne, en cfet, {ue y s'eugloutir la rronarcirir', l)oul' n'ayoir pas su le combler lentlis en y jctant les prililgcs.

La guerre d'nrrique a tout la fois ajouln et prcJrar Ia Rvolution; elle a donn momentanment un drivalif ertricur aux sentirnents les plus nergiques de la n'rance; mais ces sentirnents nous reviennent, prciss, fortifTs pil,r I'aspect des faits plus puissants que les livres ct que les thories r, en mrne ternps que les grandcs chargcs de la gucrre, alourdissant ie char de I'Iltat, que n'allge point par compensation une rfonne I'adicale, ac:clrent I'impulsion qui le prcipite sur la pente fatalc.
dtresse: sa dette annuelle avai mont de4 millions 1/2 sterling 9 millions )72; et les autres impts taient norures. perdu , - L'Angleterre avait depuis le comurencement tle la guerre , seize vaisscaux de ciuquante cerrt tlix (lanons, ct quarante-neuf frgates ou corvettes de vingt quarante canous; la Frartce, dix-neuf vaisseaux et vingt-neuf frgates et sorvettes, V. la liste rlans I'Bl'st. de Suffren, par Ch. Cunat, pices justific., no 32.- La guerre avait c<itt la France ;us de 1,200,000,000; l'ugleterre, plus du double. l. La prsence de l'ranklin I'aris, personniarrt ln Rpublirlue sous urre forme si lespectabler exera une granrie irrfluence morale. Nos philosophes, err discutant avec lui dans Itaris la constitution aruricairre, se prparaient tliscuter le.; lc,is 1tures dc' la Rvolution frauaise. Un publiciste rolaliste, )Iallet-Dupan, nous u conselv rrrr grand mot que Frarrklin, dit-il, rJlit:r lrlus d'une fois sas rt'es de paris : ,, Celui ,1rri transporterait daus l'tat politique lcs plincipes du chlistiauisn:e lrriruitil clrauperait la face du monde. r

I'impt' foncier

LIVRE CY
t0UIS XYI
1s

(jtrE).

ll[rxrsrne nn Nncrnt. ]itat nancier de la France sous Neclier et ses

seurs, jusqu'en 1783. Amliorations conomiques et jurliciaireq. Assembleies - des provinciales. Compte rend,u finances. Drnis.sion cle Neokr. - Raction. lVlott de Maurepas. calonnc rppel aux finances. Ilcurs, rD[s, LETTnES ]rr scTENCES aprs la guerre cl'r\mrique. La socid'ti; tle la reine. .[,e ]tariage de Irigaro. _ Ilemardin de -Saint-Pielre. - Lagrange. LlvolsrnR. Les ilrostats. Cotrclorcet.l\Iouveme't mystique. Nlesmer. saint-Ilarti,. Franc-maonuerie. lhn,rrnau.

sueees.

l77g

{7E9.

paix de 1783.

taires. ll faut maintenant rsurner ces oprations poul arriver prsenter sous ses divers aspects la situation de Ia n'rance aprs la
Depuis son entre

Il a t nccssaire d'aiourner I'expos cles oprations intrieures de Necker, pour ne pas interrompre le rcit des i,nements miu-

rux {inances jusqu' I'ouvertul'e

des hostilits

contre I'Angleterre, nous avons vu l{ecker travailler rarnener I'orclre dans la comptabilit, prparer la rforrne des sincures et des gaspillages de la maison du roi, la rfonue de Ia perception des impts,la rforrne des hpitaru. une fois la guerre engagc, son premier dcvoir et sa plus vive pr'occupation dut tre rle suffire aux frais de la guerre. Il le fit par I'crnprunt, sillrs impts nouveaux et sans donrrer aux prteurs d'autre sase, d'autre assiqna{.iot?, que la prornesse cle rduire les clpcnses pour. dgager une par"iie ciu rcverlri. Quoi qu'en aienl clit scs aclver.-

tt.;8-

79i

nltFol'.]lEs DE N ECIiEti'
2;

4$l'

mieux faire' car I'impt' mtne saires t, il fit ce qu'il y aYait de ne lui efit pas donn crasant, mtne ,*og,e jusqu' I'impossible' assurment trouvait se la.n'rance ce que lui donna t,eirrprunt, et Necker I'avenir' grever de dans une cle ces crises ou il cst lgitirne mitl'autres que emprunla, en pleine guerre, es conclitions

obtenues pendant la nistrcs, Turgot except, eussent peine

paix

3.

intricures, arrtant n,en poursuivit pas moins les rforrnes pcu de grandes choses ' si que la situation le tui permit' STI fit

Il

riennedcelaenluitlevastcsplanscomlneceuxdeTurgot'on modifications qu'il doit reconnaitre du moins qtre toutes les


apportaaurgimedesfinancesfurentlrienconues.Ilavaitcom. trsor royal' de centraliser la cornptabilit au
rnenc ct

iI

acheva

demanirequelegotrvcrnementptrtserendrecompteannuellernent rle
ses

clevenu depuis recettcs et tlc ses dpenses, ce qui taiJ

lorrgtemps irnpossible, unc |,rs.grantlc sttr lcs rcgisgnes sur cliverses caisses, n'tant pas consignes des pcngnral le tableau tres clu garde du Trsor'. Il {it clresser au roi des ctrtrruls et dcs sions : cettc sirnple mesure, en rvlant confusion 1inancir'e le abus de tout genre clissirnuls par la

partie

cles cltipenscs, assi.

'

nrcttaitenclctrreured,autoriscrunerformeqtreNeckern'osa reprit pilr en haut la pourtant demander imrnrliate[rent. Nccher Turgot avait entatne par rcltrction des officcs de Iinances que quarante-htrit rcceYeurs-gnraux en bas. Il rduisit douze les sans I'autorisatioil du et leur interclit toute tlisposition cle fonds

rnitristre;ilfitrcluirecleuxlcsvingt-septtrsoriersdcla et parvint ainsi gi.lcrrc et cle la rnar-ine ' avec mme intcrdiction, leur inclpendance financir'c vis e'lever ccs deux ministrei plus rle cinq cents oflices, c'est--vis clu ministre des financcs.
pamphlet de 178? : Leltrre sur l'adm'i' 1. Le plrrs violent frrt l{irabeau' - V. son
nistrattort de
|'(ecker,

pt,rpalt urortl, tluant au mode employ dans Ia


rentes viagres'

ff. rserve faire au point de vue ?. u Poiut de vue financierl car il y a une de ses emprturts : les loterics eL les
3.

Il

y eut toutefois

cles exceptions' Necker se

tromp' ou

filt

ttotnp dans quel-

qlres-unes<]'esescomlritraisolrs',i"g."*cttontinir'espxfScS,rrciensconfr'res]es jusqu' cle trs-g'-ln'-les somtles , liuquiers genevols, .I.,ri;;; r.este, iui procurr'ent 100 millions, dit'ou.

492

LOUIS

X V I.

u 779-r

?801

t'ieu'es. Le roi se rserve d.'examiner si ces irnpts sont rpartis tlarrs une juste proportion entre les g'ralits; il annorce pareil cxilrnen pour lc's gabelles, les traites et les aides.
I. I)roz, llist.
rtu t'i
rtis

l{'rillions par an{. L'arrt du conseir sur les fermes est suivi tl'unc dclaration (rJ fvrier) annonant que ra taiile, Ia capita_ tion et les accessoires de ra taille ne seiont plus augnrents do'enavant que par des lois enregistres dans res cours
sup-

'oi.et la plus au systrne cle rgie, considrabre peut_tre tles uresures fin'ncires de Necker. L'Etat y gagntrsur_lc_charnp

''rn d'affernragc

rlomaines et drots cromani,aur, laqueile est adjointe la perception des droits de greffe et cfrrypothques. Les i.e'niers gnr.aur rturont droit, ontre I'intrt 5 pour 100 cle leur cautionnement de 1,200,000 {rancs, 80,000 francs de lixe, plus une part dans le produit que rendront lcs irnpts afferms, au clel d,un rnini_ qu'ils garantissent au c'est la transition

les aides ou droits sur les ]roissons et autres droits sur ra fabrica_ lion de divers objets de cornrnerce; Bo Iacrrttirttstratiort. g,ttrare cres

fcr'nte ghtrale, qui ne conserye que les traites (douanes extricurcs et intricures), les gabeilcs et le taba c; 2o ra r,gie grtrale, qui a

ment leurs titrcs au conseil, afin qu'on puisse prparer Ie racrrat avec inde'r'it. Iln autre arrt du conseil, de haute irnpor_ - I780, change tance, du g janvier profrrndment radministration des irnpr.s incrirccts. L'intention dc < s'affr.anchir cre l,ancienne tlpendance des secours de la linance > y est forrnellernent non_ ce : Neclier visait n'avoir prus affaire d'autres 1inanciers qu'aux banquiers souscrilitcurs d'elrprunts. Le corps puissant rles ferrnie's gnraux est dmernbr. en trois cornpagnics : 1o la

notnbreux Pages tablis sur les grandes routes et sur les rivir.es navigables... droils ns, pour. la pluparf , cres malheurs et de la confusion des anciens temps... arrtent et fatiguent re comrnerce, ct forrnent autant d'olistacres la I'acilit des?changcS, ) enjoint lous les propritaires cle ces droits de comuruniquer
incessam_

dire plus dc cinq ce'ts sincures, portant privirtrges en rnatires rl'irnpts, furcnt supprims dans Ia nraison du roi (1779-17g0). IJn arr't du conseil du r 5 aofit t77g recorrnaissant que < Ies ,

du

systme

fp Iours

Jl?. t. Ie,. tr,,2g2,

tl??9-1s0l

R!'t''Oli-\IBS Dl' IBCI(Rii' dictel au roi la irrotnesse de ne Necker, la vr'it' avant dc


'i9r

plrtsaugmentersn$forulcslgaleslesirnptsclirccts,lesavait par les mtnes procds que iui-tntnc ccrus de 5 ou 6 mi[ions ans le prernier
ses clevancicrs.

It fit en outre p'o'og*t llour dix

vingtime(fvrierl?80),lirorogeegalernentleshuitsottspotlr ,tes octrois perue au protit iivre rle tous les droits et la portion duTrsor'Seprocurat0nrillionsenautorisatltleslrripitatixi firiretlesventesd,immeublespourenverserleproduitauTrsot' du dixirttc trrtts
avec accroissetnent en change de titres de rente ,

lesvingt-citrqans,atinclecolllpenserlarlprciationtlesrtltattx. clu clerg' dotlt l6 milIt obtint entin 30 mitlions de I'assernble

lionsenclotrgratuitetllenprtremboursableenquatot'zeatts sur les fertnes (juin 1?80)' UnarrtduconseilquiprornettaitellcoredesrcssoufccsaSSeZ Ia rvision tles clo[rai[es engags' notables fut celui qui oraonna clu domainc royal, le gout'et'D'aprs le principe de i'inviolabitit clrarrgenrent rle rgne, de reyetrir tretltent avait o,oit, clraque te t4 lalvier l?81;lit enioincl't' sur les concessionsfaites. iecher, auldtcnteurs'titregratuitottonreux,cleprsenterlestitres cla*s Ie cou's tle I'anne, afiu tlue et, l,tat cle leurs possls*ions ou le supplrrtetrt tltl Oc rlomaines tixt la reule

l'aclrninistration s'ils n'airnaiertt tniettx' r'estitt-tcr ett rrrtc qLri leur serait impose!, La piupart des aiinations taierrt recevant leur renr5or,ru.rornt. Cour. prestlue gra|,uites aux lrrinccs, tul dcs l.avetrr's gratuitcs oLl
tisans, atts. gens en crtlit'

LerninistredeNeclierfutsignal,enclehorsdesqtrestir-rtts purctrrent{inancircs,prtrrrcertairrnonrlrredetnesLtrestatrt t il iecque phi lan tl ropi ques, apPiltenan sociirlcs ou *.onoroiq.,.,i cte cct hotntlre tl'tat; aiusi' tcllrent ou indirecternent I I'inflotncc
enrnatireirrtlustrieilr-',latli.ensetl'erportcrdcsnrtiers,otrtils (3 rDars 1??9)' dl'ettse ct instruurents servant la fab|ication rttananLdusystrrrcpr{tcc|,ettr;Ierglerrientsttt'lestrrantrfactures(5rnai1??9),essaicl,un-rgirrrernis.teln'trelnrglcntt-l}tit< clel'etltt, paf Sit

cotle irrclustriel, tiotr et la lilrre ,on.ur.,,ncc'. Le tl'utte cxcutioll clifficile' u r-'st cornplication et sou aucicnttet, manufacture est invite a prsentr:i' bandonn : chaclue ville cle

uucotrsciltlenoweausprojetsderglerrrtnts,..t,lirlt'slttx|etttils

I,o uls If 7i8-r?so] actuels; > res toffes rtgr,es auront des marques particurires. En dehors des rgtements, les fabricants auroni i*i'rurt arrsolue de faire des toffes nouvelles o' diffrent*r, ,un uo*ru i'terdiction que celle d'r ai]ngser les rnarques qui sont

&gL

xtrl.

coniest, ds re nroyen ge, lrar res princes fondateurs de ui?es frattcltes. une dcraration du ,4aofrt 1780, qui n,eut pas moins de reten_ tissement, satistt entn aux nergiqes rcramations de Ia philo_ soplrie' La qwest'an, prparatoire, on inftigeaii l,ac.us pour lui a*acher l'aveu du crime, roi arrotiu .n niun.*i.oo tard pronr I'lron'eur de notre gouyernement, car elre r,taii dj dans pru_ sieu.s tats rrien infrieurs en civilisation ra France. La questiort,

accueilrir ce clroit

encours Ie faible monarque par


ecessif,

claude. Les moirres-seigneurs refusrent cre ,i*o*ir, la bien_ faisance du roi, moins d'indernnit. Louis n,osa enlever aux seigneurs que Ie droit de suite, en vertu duquel re serf de co4ps chapp de ra grbe tait suiuf et rmsaisi sur terre fianche, avec ses hiens et acquts,par Ia rnain du seigneur.

pas la consoration de voir affi.an_ chir ces serfs du mont Jura, pou. lesquers re vjeilard de nernei avait loquemment plaid .o.rt.. Ia tyranniu au.iropitre de saint_

demeurrent, pour querque ternps encore, encrralns la glbe fodale et nrme privs u droii de se ,nori.rla leur gr et de transmettre ribrement reurs enfants le fruit cre reu's travauxr. Les rnnes de yortaire n'eurc.nt

pou' Ies droits de Ia nature et de nrumanit, qu,une xTI, disput entre ses bons sentirnerts et ses prjugs, craignit de s brsser res lois de la proprit, r s,il affranchissait, par un coup d'autorit, res serfs des seigneurs en mme ternlrs que res sieni un assez grancl ,ombre de [,ranais
encore,

la garantie oficielle de Ia bonne fabrication. Dansn autre ordre de choses, il faut cite. la suppression de la peine de rnort pour vol de crrevaux, usite dans la courume de Flandre (iuilrei tiisl; et surrour Ie clhre dit d'aortt !77g, portant suppression de la mainrnorte et de la se^'ir,ude personnelle dans lei- domaines rlu roi. ce n,tait

derni-victoire. Lo.uir.

lr

Les

trib'naux avaient

***ropt. f ils hsitaient

l'

Le serf

d,e

fti"c'mmu.

tneme*t'e pouvait laisser son bien ses enfants que faisait avec eux; si *rait quitt lc fol'er parernel, res,' seigneur 'enfaut

[1778- l 780]

NE

iTOR\TES

DIi NECI(E R.

r95

pralable,

forcel de rvler ses complices, fut maintenue jusqu'en l7gg, et encore la dclaration clu 1'. rnai 1788, gui la supprirna, ne fut-elle tllinitivement ercute que par une loi de la cousrrrurxra (clu 9 octobre t789).Ouelques jours aprs I'abolition de la qwesttotr, prpuratoire (30 aorit 1780), une dclalation sur le rgirne cles prisons ordonna la sparation des prvenus, des condarnns et tles plisonniers pour dettes, et promit la suppression de tous les cachots souterrains, ces tristes monuments de la cruaut cles
temps passs. La formation d'nne commission pour examiner les demandes en suppression et union ou translation de titres cle trnfices et biens ecclsiastiques indigue que Ie clerg continue perdre du

laquelle on sournettait I'accus condamn pour le

terrain

(10 mars 1780)'.

devait partir de Ia commune pour s'Jeyer jusqu' un* .rp., d'asser-nble nationale consultative. Necher laisse Ia base et le

Neclier rernua fortement les esprits et souleva de vives controvcl'ses en s'emparant d'un lamlteau du plan cle Turgot. Nous avons r:xpos plus haut la vaste organisation projete parTurgot, et qui

couronneurent de l'uvre, et s'en approprie la partie interrn_ diaire en la dnaturant. un arrt du conseil, clu 1? juillet 177g, ordonnc la fbnnation, dans la province du Berri, cl'une assemble
cornpose

de douze ecclsiastiques, douze gerrtilshclrnmes propritaires et l'ingt-quatre membres du Tiers-tat, dont douze

rlputs des villes et douze propritaires habitants des campagnes, sons la prsiilence de I'archcvque de Bourges, ( llour rpartir les irnpositions (directes) dans la province, en lhire la leve, diriger

la confection des grands chemins et les ateliers de charit, ainsi que tous les autres objets que le roi jugerait propos de confier
> L'assemble aura une session d'un mois ou plus tous les deux ans; les suffrages y seront compts par tte et non par olde 2 ; le roi y fera connaitre ses volonts par un ou dcur commissailes. Dans I'intervallc des sessions, un bureau 1. Sut toutes ces mesures) \r. les t. xxy et xxvl tles ,lnc. Loi.s fratryuises, passim, aux dates indiques. Ilist. fLtturtcire de lu l.-rtotce , t. II. - I3ailli, 2. C'est d{ le doultlenur du Tters qui devait repalaitre dans urre plus solennelle occurrence, en 89,

ii ladite asscmlrle.

4{)(;

OUIS XVI

It778-1?80l

ci'ur-lutinistration suivt'a tons les dtaits rclatit's ia rpartition et [a leve des impts, etc., conflortnrncnt aux dlihrations de l'asscurblc, lacluclle il rendra cornpte. L'assetrlble ou sott hulcau ne pourra Ordonner aucune clpense sanS I'attforisation rlu r.oi. Le roi perrnet I'asseurble et au bureau dc lui faire tellcs rcprsentations et telles propositions qu'ils croirottt justcs et utiles, Silns que la rpartition et le recouvreulenI dcs inrpositions tahlies ou tahlir puissent protrver ni obstacle ni dlai. L'itttendant de la province pourra prctldrc cotlnaissaucc des dlibr:rations tle I'assertrble et du lxtreau toutes les fois qu'il le croit'u convenable. La manire dfnitivc cle procdcr aux lections iLr l'assemhlc sera rgle ultclrieuretttent; pour Ia preniire fois. le roi nommera seize personnes qui en proposeront treutc-dttrr autlt-'s I'irpproltatiou de Sa llajestr. Par Ic rgleineut clfinitif, le nombre des tuembres fut rltotlititl : le clerg n'en forma plus qrte le cillcluirne au lieu tltr quart, ct il tirt statu rlue I'asscrnble se renouvellerait llarticilernent par s,:s pr'pres choir, approuvs tlu roi. rln voit cornbicn il y avait loin de ces ftssenthltics foucles sr-lt' Ia distirrction des trois orclres atlx ntutfuipalifds clc TLrrgot, ott l";rt n'erit {igurri r1u' titre de citoyen propritairc. L1 pense de Neclccr tait d'applirluer successivstuctrt toutc lt i'r.aucc I'essai tcnt dans Ic Berri ct rie firire sortir tlcs llAins rl,rri ilteltlants ct de leurs subcllgus l'athninisiration tle I'impt ct des intrts locaux, pour la rcmettrc ux reprsentants ltlus ott rlrolns rlirects des contribuables. L'innovatiott, tortte boitcusc rt inccnrplte qu'elle tait, fLrt gnralernent hicrt accr-reillit' 0it

I'oi'uit avcc joie i'branlcr le r'girnc des intertdauts, ccttc grattrit:


prrlcltitte tle clcspotistue et cl'aplatissenteut ttnivcrsels. L'lssetnble clu llen'i t'enclit cluclques sct'vices; ellc obtint r1irr" ia corr,e f'tit rernplace par nlle augnlentation de la laillc ct dc n;r ca1,,itation. Cela ne valait pas Ia lllestlrc tle Ttrrgot; cc n'l.ai[ pirrl'g'alit r.lcvant I'irnpt, tnais clir valait toujours tttieur qtte lrr corvse. I-,t's gnralits tle Glenollle, de Jlontaulian, tL: )Iottlirrs, r1eurandrelt et olitinrent r.ussi hientt letrt's itssetttlrles provirtl.
.{tr,.'. .tlr)ii r'i,'rr'rl-IrJrs,

t. XXV, |

3'i t

u779-1?80r

ASSENILEBS

I]ITOVI]\CILES.

4'J1

ciales (27 avril, 1t juillet 1779; l9 rnars 1780.) IJne autre gneiralit, apparemrnent par I'organe des personnes mmes que le potrvoir avait dsigrres, refusa I'assernblc provinciale qu'on lui offrait, parce que cet tablissernent purement consultatif drogeait au tlroit des citoyens de voter I'irnpt.0n dit qu'il y eut des provinces, au contraire, o les notables choisis par lc gouvcrncrtent dclarrent que, si, de la conccssion qu'accordait le roi, il rsultait quclque troulrle dans I'ordr:e public, la concessiou devrait tre rvoque'. Cette timidit tait fort cxceptionnelle dans I'esprit du temps. L'tablissernent tles assemblcs provinciales ne pouvait pas prc:isrnent trou,bler l'ordre ytublia, mais por,rvait callsel' des etnJ.ralras et des tiraillemeuts, si I'on n'arrivait pas jusqu' I'assemble
gnr'ale de Turgot. 0u pouvait cornpter que les adrninistrations

provinciales, n'tantpas mises face face lcs unes des autres dans uuc grande assenrltle, fatigueraient lc gouvernemcnt de lcurs tlolanccs, chacune dans le but de soulager ses administrs aus tlpens des provinces voisines, et c1u'on ne saulait qui entendre. Durant les derniers nrois de 1780, des etnbatlas Lrien autrcrnent irnminents prcssaicnt Necker. Sa bonne veine en rnatire rl'ernprunts semblait puise. II n'avait obtenu dans toute I'anne que 2l millions cles prtcurs, ct, encore, par l'intcrmdiaire etgrce la garantie des pays d'tats; il s'tait vu rduit t\ anticiper de 155 millions sur les recettes dcs huit annes venir, la pire cle toutes les cspces d'emprunts 2. L'opinion flottait, le crclit s'puisait. Necker rcssaisit I'une ct releva I'autre par un gland coup. Il clmontra au roi que coutiance et publicit sont insparables ; que, ds qu'on faisait de l'emprunt sa principale rcssource, il

fallait ouvrir, ou clu moins entr'ouvrir aux yeux clu public

ce

sccl"ct cles ftnant'es jusclu'alot's cnf'ern avec un soin si jaloux dans les cartons clu contrle gnral3. Bref, il obtint de Louis XYI la

J. Ilonthion, Partitularilds sur les ministres des finances, p.2'o2-253. 2. L,a dpense ile 1?ft0 s'leva 615,8.18,000 fr, Ilailli, f/isf. fnancire, t. II,

1.

233.

tout entier. Bailli montre fbrt bien, en effet, daus sou Histoire linancire (t. II, p" 235 1. que les contrleurs-gnraux eux-nrmes ne connaissaient que trs-imparfiternent l'tat rel des recettes et des paiemerrts chaque anne. les ilats <ru rrcti n'cltant arrts qu'au bout cle plusieurs annes.

3. 1l n'y tait

pas mrne

32

498

I,ouIS x vI.

tr?8rj

pernission de publier le fameux Compte rend,rt, des f,nances (janvier 17Bl ). L'effet fut prodigieux. L,a nation, qui avait jusqu'alors galement ignor et le montant des subsides qu elle fournissait la couronne, et le rapport des dpenses avec les recettes annuelles du Trsor, et la somme des engagements extraoldinaires contractspar l'tat', r> la nation salua par un cri de joie cette lumire qui se faisait dans les tnbres fiscales.0n se sentitmarcher par la publicit Ia libert. 0n applaudit aux yues morales et plrilantlrropiques tales par I'auteur du Compte rendw avec un
<<

peu d'enrphase, mais avec sincrit. On accepta, d'une foi enl.ire,

tous les chiffres, tous les rsultats; I'extinction prornise d'une grande partie des pensions, celle des rentes viagres, les nouvelles conomies annonces; le projet de transfornle{ les gabelles, si monstrucusement ingales, en un impt urrifonne sur Ie sel, et d'abolir les douanes intrieures 2. 0n ratifia les loges que

Necker ne s'pargnait pas


recettes en fussent venues

lui-mme, en admirant que


dpasser

les

les dpenses ordinaires de 18 millionss. Les abus mmes qu'avouait le Compte rend,u,, les 28 rnillions cle pensions, somtne double de celles qu'ernployaienl au rnme objet tous les rois de I'Europe ensemblc, I'ingalit des charges entre les provinces, l'normit de certaines dpenses supcr'flues, redoublaient la confance publique. Puisqu'on ne craignait pas d'appeler le grand jour sur de telsdsordres, c'est qu'on
tait bien rsolu les corriger.

Lc crtlit fut pleinement reconquis: toutes les bourses s'onvrirent; en quelques rnois, en quelques semaines, Necher obtint pour 236 millions d'emprunts; presquc autant qu'il en avait realis dans les quatre annes prcdentes ! 0e fut I'apoge de sa fortune. L'apoge ne fut pas loin de la
chnte.

Le Contpte renclu,, on doit le reconnatre, n'tait nullement


1. Bailli, t. II, p.234.

ce'

?. Necker attaque, par de solides arguments, le systmeconomiquc de I'impt unique sur la proprit foncire et valte les irnpts indirects cornme tant ceur dont le consommateur s'aperoit le moirrs, rgmurflt souvent rpt depnis.
recette ordinaile.

3. Et mme tle plus tlc 27, encomptant 17 millions de rembout'sements ptis sur la Compte rendurp,lS"

Ir 781 l

O}IPTE RBI{DU.

499

qu'avaient pens les personnes peu familiarises avec les questions de linances, c'est--dire presque tout Ie monde. te n'tait nulle-

ment I'expos exact de la totalit des recettes et des dpenses, de I'actif et du passif de I'Etat. premirement, les charges extraordinaires de la suerre et les dispositions financires du service des armes n'y sont point indiques, omission qui se peut excuser par des motifs assez plausibles. Il n'y a rien non plus sur la oette otlante ou arrir exigible. secondernent, le tableau4taill des Iinances ne comprend pas le revenu total, montant environ
430 millions, mais seulement les 264 millions verss et pays par diverses caisses, dont le ministre lui-mme connait mal les oprations. ce

le Trsor; les 1ti6 millions restants tant verss dans

n'tait pas la faute de Necker : il avait au contraire, comrne nous I'avons montr, pris les mesures ncessaires pour changer cet

tat de choses, et ces mesures taient en cours d'excution. .r.oisimement, pour la part de I'impt verse directement au Trsor, le contpte rendw n'ofl're pas mrne le bilan spcial de I'anne l7g|, o I'on entre. II ne donne qu'une espce de rnoyenne abstraite des
l'evenus et des dpenscs ordinaires, ne s'appliquant cn particulier aucune anne et faisant abstraction des circonstances particu_

lires I'exercice courant; prr exemple, de llg millions verss au Trsor par les receyeurs-gnraux, dans I'anne normale, Necker ne dduitpas 11 mitlions qui, en l7gl, n'arri\.eront pas au Trsor et seront appliqus des dpenses extraordinaires; de
mrne,

il ne dduit pas de certains fonds

consornlns d'avance et

qu'on ne touchcra ps cette anne. Son tat de recettes dpassant les dpenses tait ainsi purernent fictif et ne se rapportait qu' une situation normale qui pouvait ne pas revenir et qui ne r.cviut point, la vrit par lc fait d'autrui. < En dcrnier rsultat, le contlttc rendtt tait un travail fort ingnieux, qui paraissait plour.er beaucoup et qui ne prouvait rien r. > ce ne furent pas toutefois les inexactitudes ou les illusions du conryte rendw qui perdilent Neclicr : ce furcnt les vrits que renfennait ce travail ct les projets utiles qu'il annonait. Au dbut, Necliel n'a'r'ait eu contre lui que le cler.g et les co-

!.

Droz,

Hist.

de Louis Xl,l,t. 1",, 1r. ZVf .

tlavantage ctte opinionpwbliqwe, cette opinion dsintresse laquelle il en appelait sans cesse, il s'tait fait chaque pas une nouvelle classe tl'cnncmis : lcs grandes familles adrninistratives, le conseil d'tat, par la suppression des intendants des finances et de ceux du corllmcrce, ct par ces administratiuns provinciales qui tnenaaient le dcspotisme rles intendants dcs provinces; les financicrs, par la rforrne cles fermes, ptr la suppression d'une foule d'emplois de Iinarrces ct la prfrence accorde aux hanquiers snr les anciens

L0uls xvr. nolnistcs. Dcpuis, rnesure qu'il conqurait


500

ttTElj

traitlnts; lcs grands officiers de la couronne, par I'aholition

cle

toutes ccs sincures suhnlternes qui relevaient de leurs charges et dont ils traliquaient; une foule d'autres grands seigneuls, par ia menace suspendue sur les pensions, par la revendication clcs domaines royaux que la faveur avait alins, par le projet d'aholir les pages de routes et de rivires ; les autres ministles, sanf Castries ct Sgur, parjalousic, rivalit personnelle ou attacheutr-'nt aus anciens tablisserncnts qu'il renversait; les l'r'res du t"oi,

llarce qu'il n'ouvlait pas, sans colnllter, les caisses pultliqucs leur avitlit ou leur prodigalit, qu'il n'entendait pas subir l''gosme clominateur de I'un et lcs caprices dc I'autt'e. La ligue qui avait renvers Turgot tait refbr"mc contre son rival, utoitrs complte toutefois. La reine n'en tait pltrs, et la reine tait maintcnant une puissance : la socit particulire de la reine, rnnage par' le clirecteur des finances, le soutcnait contre le reste de la courr. L'hostilit du clerg n'tait ni trs-violente ni unanime : non-seulement les prlats politiques et philosophes appuyaien[ Necher; mais le vieux Beaumont, si fougueux contre les jans: nistes et les incrdules, s'tait laiss gagner pr ce protestant philanthrope et par sa chat'itable femme, et un motif galeurent hci-

norable de part et d'autre, le zle pour les institutions de bienf'aisance, avait amen entre Ia direction des finauces et I'at'l. " Les dprdations des grancls seigueurs qui sont la tte des dpenses tle la maisou du roisont normcs, rvoltantes... Necl<er a pour luiI'avilissenrent ou sout tourbslesgrans seigneurs; it esttel, qu'assutment ilsnesontpas retlouter, et que leur opinion ne mrite pas d'eutrer en corrsidration darrs aucune spcculaticur lrolitique. " (Mnr. tle lJeseuval.) - C'est I'oyrinion cle la socit rJe la reine, cxprime par un urernbrc de cette sociit, gui n'tait svre que pour les alrus dorrt 1'rofitiet le.s autlcs.

t1781 i

LIGU CONTITE

NEtKEi\_

ij,)t

clrevchcl d'amicales relations dont paris s'tonnait fort. 0uanI ccss d'tre favorables depuis que Necker avait manifest Ie dessein de rtablir l'galit, c'est--dire l'r1uit, dans la perception des vingtimesr, et qu'ils avaient pu pressentiren lui un adversaire dcs privilges, quoique bien timide en comparaison de Turgot.

aur parleurents, ils avaient

L'autornne de 1780 avait vu la guerre srieusement dclare entre Necher et Maurepas, dont la lgret maligne savait trouver de h persvrance quand il s'agissait de dfendre sa position. Itiecker avait eu d'abord I'avantage. Le compte renclw marqua le terrne de ses succs. Le roi, assailli d'une nuc de rernontrances, clc 1i1in,,es, db pamphlets, r1u'on faisait arrivcr jusqu'1ui sous toutes les formes, comnlena de s'effraver de ce qu'i[ avait laiss

failr: et se clernanda si on n'allait pas vritirblement la ruine de la nronarchie en rr'lant Ie secret cles finances et en entarnant ltr systrne aclministratif cle Richelieu et de Louis xIV. Vcrgcnnes
seconda les pigrarnnles dc nlaurcpas par de lourds nttntotrcs au, roi, qtti erpt'itntrut la quirrtessence de I'absolutisme e[ ruanifcstent

les ilhisions rlont se beraient encorc les hornnres clu passer. ll s'efforrait cl'y clnrontrer le danger dc laisser < la plus cllicatc des

adnrinistrations du ro;aurne dans les rnains d'un tr.angcr', d'urr rpublicain et d'un protestant. - il n'y a prus cle clerg, ni clc noblesse, ni de Tiers-Etat en Francc; la distinction est {ictir.e et
sans autorit relle, Le nwnarque pnrlc: tottt est Tteuyt\e, et tout ob,tt... l{. Neclicr ne parait pas contcnt de cctte hcureuse condition. Il s'est engag unc lutte entre le rgime de la tr'rance et le rrlgiure de lI. l{r:cl.er. > Vergennes terrnine assez aclroitement cn rcprsentant cornme une grave offense au roi la prtcntion qu'talc

Ncclier cle fonder

le crclit sur la rnoralit clu ministrc cles

{inances, et non sur la parclle royale2.

Sur ces c'trefirites , nn autrc mi:,toire dans un sens oppos, celui que Neclicr', cn 1778, avait prscnt au roi pour le dcider'
l. Le parlernent de Rouen avait rsist aux modifications des vingtiemes avec un opinittet qui avait t jusqu' la dmission collective, si svrement dfcnclue par l'dit de r'tlblissement des parlernents. Cette dmission, toutefois, n,eut pas d,r strites. Hist. ilu parrement de Normantrie., par M. Floquet. t. vII. p. or. -Y- Le parlernent de Ctctoble avait fait aussi beaucoup r,le bruit. 9. \:. les rnrnoires dans Sou.lavie, Rgne cle Lottts XVI, t,.l\,-. p. l4g, 3iltj.

LOUIS XVI.
l'tablissement des administrations provinciales,

ll ? 8ll

fut imprim

clandestinement par l[aurcpas. L'esplit de cette pice montrait que les craintcs de Vergennes sur le prtendu rpwbl,icanisme de Necker taient hien chirnriques; riais, en mme temps, les ides et les expressions du directeur des finances taient de nature e;rasprer ses adversaires et soulever la partie de la magistrature qui hsitait encore. D'une part, il fonnulait des maximes d'absoltrtisme, tout comme Yergennes, seulement d'absolutisme
ernploy

au service du progrs : < C'est le pouvoir

d'i,mposer,

disait-il, qui constitue essentiellement la grandeur souyeraine, > rigeant ainsi en principe cet arbitraire royal qui avait toujours t contest en droit, Quoique subi en fait. D'une autre part, aprs avoir fltri le r'gime confus, abusif , presque riclicwle des intendants, il altaquait les parlements, <r s6pme tous les corlrs

qui veulent acqurir du pouvoir en parlant au nom du peuple... Bien qu'ils ne soient forts ni par I'instruction ni par I'amour du bien de l'tat, ils se montreront dans toutes les occasions, si longtemps qu'ils se croiront appuys de I'opinion publique. Il faut leur tcr cct appui... il faut soustraire aux regards continuels de la magistrature les grands objets d'administration... par une institution qui, en remplissant le vu national, convienne galement au gouvernement (les administrations
provinciales)r. > On peut juger quel orage cette rvlation due un abus de confance excifa dans le parlernent : I'imptueux d'prrnesnil clata en dclamations furibonrles; des magistrats plus grayes proposrent de dcrter, pour attentat aux lois de l'tat, le ministre qui conspirait I'abolition de I'enregistrement parlementaire. < Il fallut que Louis XVI rllt au prernier prsident qu'un mmoire destin au roi seul ne pouvait tre I'objet des recherches du parlement. Ce corps se ddommagea en refusant d'enregistrer I'dit de cration d'une assemble provinciale (celle de flloulins) et en
1, V. le mmoire cle Neclier, ap. Soulavie, Rgne de Lowis XVIrt.IV, p. l2l, avec Ies remarques de Louis XVI. Le roi s'y montre fort hsitant, fort timide, pc.nchant fort pour les ftrrmes anciennes, moins assur que Necker du droit absolu d'irnposer. fl n'ose accepter I'ide de faire disparatre les pays d'Etats et leurs d.ons gratwitrs soas le rgime uniforme des adninistrations ltrouinciales.

'1?8tl

DTISSION DB

NBTKBN.

503

arrtant qu'il scrait rridig des remontrances contre ce rnode


d'administrationr.
>

Nccher, attaqu aver empgrtement par les uns' aYet dloyaut par les autres, prit I'offensive en homtne de cur. Dans la position qu'o., lui avait faite, une marque clatante de la confiance du roi lui tait indispensable. Ses projets taient contrecarrs, dchirs dans le conseil du roi en son absence. II demanda I'entre u conseil, ce qui impliquait le rang de ministre d'tat. Le roi hsitait. Maurepas I'emporta et fit rpondre Necker qu il entrerait au conseil s'il voulait abjurer les erreurs de talvin. Law I'avait fait en pareille occurrence; mai5, p0u1'un homme du caractre de Necker, une telle proposition tait un ortrage. Necher se rduisit demander que le directeur des finances et inspection sur les marchs de la guerue et de la tnarine' et que l'dit qui crait

I'administration provinciale du Bourbonnais frlt enregistr par lettres de jussion. II fut encore refus2. Il avait rempli les coffres par SeS nouveaux emprunts. Les services taient assurs pour une nne entire. On crut pouvoir tre inglat sans pril. Necher ne jugea pas possible de conserver honorahleffierrt son poste : le 19 mai 1?81, il adressa sa dmission au roi. La reine le litappeler et tcha en vain d'branler sa rsolution. Quant Louis XVI' lass de Necker comme il s'tait lass de Turgot, non-seulement il reut sa dmission avec plaisir, mais il fut extrmemeirt piqu de la forme insolite du billet qtle lui avait crit Ie ministre dmissionnaire, sur petit papier, slls ti,tre ni ued,ette, ct cettc infraction l'tiquette ne contribua pas peu fermer Necher le retour au
pouvoirs. Dans la masse moyenne de la population et dans la forte urinorit des hautes classes qui secondait le mouvelnent de rforme, la

, l. Droz, t. ler' P' 300. ' Z. Soiu*rrt Mrla Cal1pan


de Lr.ruis

ltrIrnaires, t. I.r, p. 2Li3 ) , Maurepas aurait .iou Neclier, comme nagudrre Turgot, un tour de faussaire. Il aurait f:rit f-alsilier nne lettre cle Neclrer au roi, de manire rcndre la lettre inconven,ute aux yeux

XYI. 3. Soulavie, t. IY, p'

217

{
#

eue alrec

}I.

s du roi ma

de Maurepas ne me permet plus de diffrer cle remettre entre les mains dmission. J'en ai l'me navre. J'ose esprrcr que Sa l{ajest daignera
rJe

'-

Yoici le texte du billet

: ' La conversatiou

que

j'ai

gariler quelque souvenir des annes


du zr,\le sans bornes avec lequel

travaux heut'eux, mais pnibles, et surtout


vou la servir.

je m'iais

"

504

Lou

ts xv t.

il78r1

chute de Necher fut ressentie comnle une calamit publique. L'effet fut beaucoup plus grand que lors de la disgrce de Tufgot, qui venait de mourir cinquante-quatrc ansr, heureux de n'tre
pas condamn

voir s'abmer dans le sang et les larmes cette cinq ans, socit qui n'avait pas voulu tre sauve par lui. Depuis gens se plus de bien et I'opinion s'tait beaucoup dveloppe,

proccupaient activement des affaires publiques : un moindre inat prod*isit donc une impression beaucoup plus forte. L'attiprotude des amis et des ennemis cle Necher attcsta les immenses t'rance' grs qu'avait faits la classe noyenne' deventte vraiment la Paris, de cri Le hairt. tout triornpher pas Le monde officiel n'osa pas n'et Il violent. lrop tait auquel rponclirent les provinces, joie protlreles sur de t pruclent de trnoigner un sentitnent aYec la nades ou dnns les lieux publics. ;\Yec les philosophes, clchn, }ourgeoisie, unc partie de la cour afflua chez le ministre de chute la de auteur.s cles un ori Saint-Ouett dans ce chteau de plus tartl, ans trente-tr6is devait, Necher, le frre cle Louis xvl, Les cl'Qrs'approprier lcs principes t1u'il cotrtbattait tnaintenant' de I'archevque lans, les conder, jusqu'an victtx Richelieu et Paris, se montrrcnt Saint-0uen dans un bizarre amalgatne' rjouit de L'tranger Iit chorus aYct Ia France. L',Angleterre se Joscph ll rnillions. cle trouveur grancl le n'avoir-plus en face d'elie I il tr'efit estirne haute lcur et la tzarine firent exprirner l{echer Il ne Bussie. la de finances tenu qu' lui ti'tller adrninistrer les rantelui ncessit la vouluipas quitter Ia France; il attenclit que que I'atteute nt le roi; sa colfiance en lui-rnme lui persuadait lieu qu'au bout ne serait pas longue. ce retour" cepenclant, n'eu[ plutt qu'il rle sept an'es,it, q.rantl Louis su5it de nouveau pour Iun et pour ne rappela Necher, iI tait clsorrnais trop tard I'autrc.
le si l{cclcer et pntient, le roi ne se ft pcut-tre pas tlcid sa altrs, rnois destitucr, et llaurells, qui tenrrina, quclques lihre' la place funeste carrire (2liepternbre 1781) , lui et laiss fort pour I'aassez t pas n'cfit Il est probable que Yergenncs recul la peu ulr erit nrinistre, batt|e. Nccker, maintcnu au

i.

Le 20 rnars 1?Bl.

r78rl

MOUVEI,IBNI'D'OPINIO|i.

5r)tr

catastrophe vers laquelle on marchait, mais il ne I'erht que recule : il n'avait ni le caractre ni les vues qui eussent pu la prvenir, en admettant que la prvenir frtt possible, et, s'il les avait eus, le roi I'erit abandonn comme Turgot. Qtroi qu'on ait pu tlire de sa vanit et de ses failrresses, Necrier a t du petit noml:re dcs hommes politiques qui ont aim re pouvoir comme moyen et non colnlne but, et qui ont toujouls iclentifi leur ambition personnelle I'intrt gnral. Cela suffit i\ I'honneur de sa mmoire r. Un conseiller d'tat, Joli dc Fleuri, fut appel, malgr lui, au prillcux hritage de Neclier. Il visait au ministre dc la justice. Le garde des sceaux llirornesnil le poussa aux finances pour I'y compromettre et n'avoir plus craindre sa rivalit ailleurs. l\Iaurepas lui for'a la main. Il ne prit que rc titre de conseillcr au conseil royal dcs Inanccs , ne s'installa pas I'litel clu con-

trle-gnral et alfecta de se donncr courme I'aclmirateur et lc

continuateur de Necker, qu'il alla visiter dans sa populaire rctraite de Saint-0uen. Ccci en dit plus que tout sur Ia puissance qu'ar-ait conquise I'opinion : Joli de Fle'uri pensait tont bas le contlairc de ce rp'il manifestait tout haut; nrais il senlait I,jlplrossibilit de maintenir le crdit s'il s'r,ouait I'aclversaire tln svstcme de licclier. si la raction se dguisait dans lcs 1inanccs, ellc vcnait de se rvler aillcurs par un coup d'unc jnconcevable folie. LTn rglcrncnt arrt malgr le ministre de Ia gucrre, l\I. de sgur, trois jours aprs la chute de Neclier (22 nrai t?Bt), dcicla que tout sujct propos pour le gracle de sous-licutcnant devrait clorenavanl faire preuve de quatre gnrations de nolrlesse paternclle, nroius qu'il ne frit fils rle chcvalicr dc Saint-Louis! Toute la Itrrurgeoisie aisc, toris les lils de famillcs noir noltlcs uhant noblenrcnt. c'est--dire vivant de la proplit tcrritoriale ou dc profcssions librales, et jusqu'anx enfants d'aTcux anoblis depuis un sicle au rnoins, se trouvaient ainsi excltrs cle I'arnre, rnoins
1. Parmi les lilans d'amliorations qui dispamreut avcc lui, on lemarque le projet d'intlemniser les victirnes des erreurs judiciaires, les citoyens accusels injustement. t. IV, p. l84. Neclier aussi connrrtla tlistcsse de'Iurgot, Ia trisiesse -Soulavie, rr'g i'lrorrrnre d'tat qui se voit ar'ache'des r'ains ie bierr t|urr i,silpls!

tO UIS XV I.

tr78rl

de commencer par porter le mousquet comme simples soldats, condition qui, d'aprs le mode de formation de I'arme, tait envisage tout autrement qu'elle ne I'a t depuis 1?92. C'est-dire qu'on rendait I'arme, aprs Voltaire et Rousseau, bien plus fodale que sous Louis XIV, et mme qu' l'poque de sa cration au xv" sicle ! Ni Chevert, ni les lils des ministres de Louis XIV, n'auraientpu tre sous-lieutenants en 178t,; pas plus, au reste, que Bossuet ou Massillon n'eussent t vques, car il en tait des mitres comme des paulettes, bien qu'on n'et pas fait l-dessus de rglernent of{iciel. Le roi tait dcid faire des bnfices, depuis le plus modeste prieur jusqu' la plus riche abbaye et la
crosse piscopale, I'apanage exclusif de la nohlesse2.

La monarchie ne pouvait se porter d'atteinte plus profonde elle-mme. ille exasprait la fois la bourgeoisie entire et une classe redoutable de I'arrne, les sous-officiers, qui senl,aient qu'on atlait les murer, pr Ie fait, dans leur humble condition, quoiqu'on n'et pas aboli en droit I'exception qui les rendait aptes devenir ofliciers cle fortune. Bourgeois et sergents se souvinrent de I'offrlnse faite " la rotu,re, quand. ils se donnrent la main atr pied tles murs de la Bastille. Le jour mme de la nomination de I\[. de Heuri aux finances
(25

mai), Ia seconde dition de I'Histoire

ph,itosoph,iqwe d,es d,eur

Ind,es, de I'abb

Rainal, dition plus hardie que la premire et srgne de I'auteur, fut conda.mne par I.e parlement. Rainal fut oblig de quitter la France. La Sorbonne avait rcemment voulu

inquiter Buffon pour son dernier chef- d'uvre, res EytoEres rJe I,a Nature ; il avait fallu que Ia cour intervint pour qu'on laisst en repos I'illustre vieillard. L'assemhle du clerg, en 1780, avait renouvel ses plaintes contre la tolrance et ses demandes de perscutions contre les philosophes et les protestants : elle avait irnplor du roi une nouvelle loi qui rprimt lcs abus de I'arr
1. uparavant, les grades militaires taient dj censs rservs aux geutils. Itommes, mais on se coutentait rle certificats de complaisance, et tout homme uir.ranl
noblement

t. XXVII' p.29.

tait admis sans peine. V. le rrglement ap. neiennet Lois franaises, L'anne suivante, le ministre de la mariue Castries plotestait rlignemeut en ftrisant recevoir dans la marine royale les capitaines au long cours, suivant le projet de Choiseul. \r. Hist. de la dernire gucrre, t. 1II, p. 460. - les 2. V. destails curieux daus Mm,'Jei\1.. Campau, t. II, p. ZB0.

;j0? [1781-l?82] R]tAC'I'ION. NOnT DE I{AUnEPAS. d,'crirer. Les puissances du pass r'avivaient par moments leurs prtentions ayec I'emportement de la caducit rvolte, et passaient tour tour de I'aflaissement des paroxysmes de

colre.

0n fut bientt mme de reconnatre que I'esprit de Necher ne prsidait plus aux fnances. Joli de n'leuri ne cra plus de nou-l velles administrations provinciales, restreignit autant que possihlel celles qui existaient, augmenta de deux sous pour livre tous les impts indirects, gabelles, taxes et droits; proportionnalit trsinjuste, car elle faisait peser la plus forte part de la charge nouvelle sur ceux qui taient dj les plus chargs, au lieu de commencer par rtablir l'galit entre les particuliers et entre les provinces et les cornmunauts (aorit 1781 ). < c'tait, D dit trsbien l\[. Droz, r< administrer la Terrai. , Bientt on vit reparatre une bonne partie des ollices de finances, supprims par Necher, avec les privileges gui y taient attachs (octobre lTBl jarrvier 1782).

Ilaurcpas mourut sur ccs entrefaitcs (21 novembre t78l ). les regrets du roi sur la perte de son uf,eil ami, attestrent son bon cur et son peu d'intelligence. Personne ne remplaa entirement le fatal nfentor du roi; mais Yergennes obtint la place la plus considrable dans la confiance de Louis xVI, qui le Jit chef du conseil des Iinances au lieu de trlaurepas. Yergennes fit un pas de plus vers la position de prernier rninistre, en induisant Ie roi tablir un comit des linances compos seulemeut du chef clu conscil des {inances, du garde des sceaux et du contrleurgnral, et auquel les autres ministres rendraient leurs comptes (fvricr 1783). Il n'alla pas plus loin : son ambition n'avait point
appliquer

nrais plus fidlement appliques; des et la dtention perptuelle pour les rcidivistes incorrigibles; pour les libraires, la pcrte au privitoge; la suppression, ou I'extrme restriction du colportage; une inspection inqui- rie sitoriale sur les tnauauis lfures devl'ait tre accorcle au clerg cornpte demi avec I'autorit civile. reviend.rons tout ltheure sur ce qui regaltle les protes-Nous tants. pit de Louis XYI n'tait nullement fanatique, et il sut clu moins se - La garder d'etttrer dans la vtrie ou le clerg voulait I'entraner. Ses notes sur les fiemontrqnaes sont pleiucs de bon serrs.
sures,

gieux.

1. soulavie, Rgne de Louis xvl, t. Y, p. 186. Le clerg reconnait qu'on ne peut la loi de 1757, qui prononce la peine de mort, contre les crivains iuli-

Il

rclame des peines mains

amendes, I'exclusiou des emplois et iles pririlges de citoyen,

!:08

LOU TS .KVT.

II

?39l

pour atteindre Ie but, et puissance suprrne s'il I'el obtcnue.


assez d'nergie

il n'et su que faire de la

Fleuri poursuivait ses augmentations d'impts. Il tablit, en 1782, pour durer trois ans aprs la paix, un troisime uirtgtime valu 2l millionsr : les deux sous pour livre devaient en rapporter 30. II prtendait faire marcher tle front I'augmentation de I'impt avcc le systrne dcs emprunts, en pr'sentant cette augmcntation de rer.cnus coutme une garnntie aux prteurs. Il russit d'abord jusqu' un certain point, et trouva, depuis son entre aux affaires jnsqu' la fin de 1781, 190 millions emprunter des conclitions moins bonncs, il esf vrai, que son prdcesseur. Le parlcment de Paris cnregistrait tout, dans sa satisfaction du renvoi de Neclier. Joli de F'leuri, sorti d'une des principales familles parlementaires, tait pcrsonnellernent au mieux avec la Compagnie, et n'avait accept la dircction des finances que sur

juillet

les instances des chefs du parlement. Les parlements de province se montrrent rnoins dociies. Celui de Franche-Comt mit des

restrictions I'dit des deux sous porrr livre ct n'cnregistra le troisirnc vingtirne que jusqu' la fin clc la guerre. Lc gouverneur de Franche-Comt, par ordre du roi, {it procder d'autorit I'enregistrcment pur et simple. Lc parlernent dclara nul I'enregistrernent et dfendit la pclception des nouvclles taxes, peine de concussion. Les scnes du temps de Louis XV sc renouvelrent. Le parlernerrt dc Franche-Comt lutta coups d'ar"rts contre le conseil, reprcr"rant la vieille tactique de sparer la volont du roi et cellc des agents du roi. Il dernanda la convocation des Etats-Proyinciaux et celle tlcs ra.rs-GrnERAUx. La proposition d'envoyer aux parlernents, aux princes et aux pairs I'arrt qui contenait celte dernande fut rejete cinq voix de niajorit. L'nrunn n'tait pas venue encore, mais elle approchait. La querelle aboutit une transaction. La lire Bretagne I'econmenait a.ussi r'emuer. Ses Etats, en 17 82, rcnouvelrent d'nerg iqucs rcl amali on s contre I'inj oncti on trange de n'lire pour dputs chargs de suivre leurs affaires la conr que des hornmes reclnmt&ndds par le gouverneur de leur
l. L'industrie
et les o{lices et dtoits taient exempts de ce uouveau vingtierue.

x1821

FI'iANCilri-COX,llt.

BI-iET]\(lNli.

509

provincer. IIs rsolurent de ne pas voter de strbsides, si le roi ne consentait recevoir une dputation charge de lui exposer leurs droits. Le roi reut les dputs, et, au lieu de les couter, leur enjoignit I'obissance, en dclarant que ses ordres n'avaient rien de contraire aux privilges que ( ses prdcesseurs avaient l-rien voulu accorder sa province de Bretagne. r Les tats rpondirent par une lettre presque rpublicaine : <Nos franchises sont un contrat et non un privilge... Yotre Majestti a jur d'observer nos lois et notre constitution... Les conditions qui votls assrtrent notre obissance sont des lois positi\rcs. )) La noblesse soutint ce langage altier avec plus de vigueur qtle les deux autres ordres, cc qui ne tenait pas I'infriorit d'nergie dans la bourgeosie, mais la faon peu drnocratique dont s'lisait la reprscntation du tiers. La nobiesse s'opposa ce qu'on dlibrt sur les subsides rclarns par le roi, jusqu' ce que les Etats eussent recouvr leur inclpcndance. Le gouverneur fit erttrer des troupcs daus Renncs, en violation des lois qui intertlisaient la force rnilitaire cl'approcher de dix lieues la I'ille o sigeaient les tats de Bretagne. Par I'intrigue, plus encore que par la nenace, le gouverneur et l'vque de Reunes parvinrent enfin gagner la portion la plus llauvre de la noblesse. La majorit se soumit : une centaine de gentilshommes persistrent dans

leur protestation2.

Tout tait inconsquence dans Louis XVL II s'effrayait quand ses ministres lui proposaient de changer les formes anciennes pour raliser cles rformes ncessaires, et, en urme tetnlrs, il violait les vieilles lois par des boutades tl'arbitraire, tout cotnme et pu firire son aieul, rre sachant tre franchernent ni despote, ni rfonnateur, ni conservateur. Les syrnptmcs d'agitation se montraient dans les conditions
les plus diverses. Hn Provence e[ en Dauphin, c'tait le bas clerg 1. Le recueil d.cs :{ncfcnnes /ods franaises, t. XXIV, p. 355, contieut un arrt du couseil cassaut, uue di'Iibratiou des tats de Bretagne, parce t1u'ils ont notnm, pour les clrdres cle la noblesse et du tiers, d'autres dprrts que seux recommands par le gouverrreur (U76). Le second ordle du clerg (tras clerg) de llretagne r'clama avec une grarrde rrelgie corrtre uu autre arrt du 4 uorernt're 1780, qui
}'excluait de la dputation. 2, Drcz, t. I"r, p" 386-390.
.Idmoires,screlsr

t. XYII. B. 27.

5,10

IO UIS XVL

u 789-r7831

qui fermentait. Les pauvres curs portion congrue se rassernblaient pour formuler leurs plaintes et normer des syndics et des dputs. Ceux du diocse de Vietlne ( firent imprimer des inmoires contraires au respect d aux vques, leurs suprieurs, D dit la dclaration royale qui prohibe leurs assembles
(9 rnars |TBZ). La guerre, cependant, tait Iinie, trs point pour le ministre des finances, qui sentait la ressource des emprunts s'puiser et la confiance se retirer de lui mesure que le public pntrait davantage sa vraie pense, hostile aux rformes. Joli de Fleuri voulut, nanmoins, faire des conomics sa manic\re. D'accord avec Vergennes et le garde des scerux, qui composaient at'ec lui le nouvcau comit des finances, il {it autoriscr le Trsor, par arrt du
conseil, suspendre le paiement des lettres dechange qui vcnaient des colonies; c'tait manguer la foi publique envers ces colons qui avaient tant contribu au succs de la Suerre et prendre une banqueroute pour une conomie. Le ministre de la marine s'indigna qu'on erit mis son nom au bas d'une telle rnesure sans le consulter. Joli de n'leuri rcrimina sur les dpenses de la marine, comme nagure Neclcer contre Sartine, et parla de cl1trdatiotts. Mais le fier et loyal Castries n'tait pas un Sartine : il poussa si

rudernent n'leuri, {tre Vergennes n'osa soutenir celui-ci. Fleuri donna sa dmission, chappant ainsi, sans trop de regrets, aux irnrnenses ernbarras qu'il prvoyait (mars 1783). Le garde des sceaux Miromesnil, du conseutctnent de Ver'gennes, fit donner pour successeur t. Eleuri un autle conseillcr d'tat, d'Ormesson, qui n'accepta qu'en tremblant. a Sire, je suis bien jeune, > disait-il au roi en le remerciant d'un si difficile emploi, <Je suis plus jeune que vous, > rpliqua Lottis, a et j'occupe une plus grande place que celle que je votts donne'. > Lenr malheur tous dcux n'tait pas la jeunesse, urais I'incapacit. La probit laborieuse de d'0rtnesson ne pouYait suppler' au rilaltque de force et d'tcudue dans I'esprit. L0 rrouVeu colltrleur-gnral lutta corrtre I'avidit des courtisans : il t'sista aux frres du roi qui, non conteuts dc leurs normes apanages'

l.

I\{onthion

, llinislres d,es f.wunces, p. 272.

Ir

783j

TIItANCES.

541

prtendaient que I'lltat payt leur:s dettes; mais il n'tait propre qu une rsistance passive contre le mal, quand it erlt fallu le hardi gnie des plus grandes entreprises. Ilientt iI se brouilla

brouille entre celui-ci et ll{irornesnil. Yergennes le desservit auprs du roi, qui acheta Rambouillet 14 millions au duc de Penthivre, sans en dire un mot au ministre des finances. Louis, si conome dans sa vie prir'e, tait gagn son tour par le vertige de ce qui I'entourait. D'Qt'lnesson voulait rpondre ce manque de confiance pr sa dmission. Sa fernme pleura. II resta et laissa chapper I'occasion d'utte
avec Yergennes, par suite d'une

honorable retraife, pour tomber, peu de jours aprs, d'une lourde et lgitime chute. Ses tentatives d'emprunt avaient chou : ne sachant ori trouver de I'argent, il perdit la tte et se lana tout coup dans I'arbitraire : il cassa, Sans aucun prtexte, Ie bail des fermes, si bien rgl par Necker, et ruit les fermes en rgie. Pett cle ternps auparaYant, il avait oblig la caisse d'escompte, crc par Turgot, conserve et dveloppc par Necker, prter secrteurent 6 millions atr Trsor. Le secret tt'anspira. Les porteurs de billets accoururent en foule la caisse. Elle ne put retltbourserr. D'Ormesson I'autorisa susltendre pour trois mois le paieurent ert numraire des billets au-dessus de 300 livres, et donna coul's forc aux l-lillets. La panique se rpandit : I'argent se resserra; le paiclnent des arrrages de rentes faillit tre suspendu. 0n ne pouvait garder d'ormesson. castries, dans un mmorre trs-pressant, conjura Ie roi de rappeler Necher. Il y soutenait quc Neckcr seul pourrait faire accepter du public I'impt aprs I;ernprunt, et qu'avec d.'autres, on serait infaillilrlemcnt pouss, de 2. L0 I'oi dsordre en dsorclre, jtlsclu' Ia hanqueroute gnrale rpondit {u0, ( d'aprs la rnanire dorrt Nechcr I'avait quitt, > il
ne pouvait plus se servir cle lui. 0n lui parlait du salut de sorl Iltat; il rpondait par des susceptibilits 1iu(:riles. Necker cart, il fut question cle l'oulon' personnage dtcst du peulrle de Paris, qui lui rservait une {in tct'ril:le3. Sa rputatiou
1.

numritite datrs Ses administrateurs avaient engag la meilleure part de son les ti millions sufque qui t ce estinatiou, sa vraie trarrgrcs oprations des . Mim. de \Iirabeau, t' IV, p' 22L ' firerrf l'puiser. -\ 2. V. le mmoire daus Soulavie, t. IV, p. 274' 3. Ex-intendant des finances, massacr aprs la ptise cle la Bastille,

;,;,12
tait telle,

LOUISIVI. {u'o. disait

(t?sgj

que re ministc\re de Ter.ai alrait .enaitre. x'ouron ne fut point adrnis. 'abb aussi l,erche_ Le roi ,.po*r* vque de Tourouse, r'ambiticux et remuant Lmnie de Brienner, Louis ne se souciait point de prrats, et surtout.e prrats rz.r crlyant pas en Diew, comnle il le dit lui-mme.
Lrne des arnrs de la reine et cru comte d'Artois, fit agrer au roi un troisime candiclat; c'tait l'intcncrant cre yarencinnes, un cles rrommes les plus spiritucrs, rnais certainement l'homme le prus tar qu,il y et dans l'adruinistration, ce talouue qui s'taiisignal par tant rl'efh'onterie dans l'affaire de La ctrarotais, et qui ne s,tait certes pas depuis. prendre caronne

intrigue conduite par vcrgennes,

ayec Ie concours

aprs u;, renvoy T*r.got 'roralis et Necker, c'tait faire comme un mahe clsespr, {ui appc,lre un audacieux charrutan aprs avoi' donn .orrye aux nrclecins (2 novembre 1783)r. Avant de rsurner ce rninistre de lagonie, jetons un *lollrc,nt lcs yeux sur l'tat des murs et des ids oans res derniers jorrrs qui prcdent la gra'cre carastroplre. Nous avons sond, anaiys, autant qu'il a dpcnclu cle nous, les origincs morales du nouvearr qui commence en r?gg. Notre rcit s'arrte au seuil de ce 'ronde rnonde. Il nous reste indiquer. les dernires r'otli{icalions r1*i sparent I'inculrati'n r]e l'closion, voltaire et Rousseau de Ia Rr o_ lution; moclifications clont ra prus considrable consiste crans

u'

ff"ililt

1. Brienne ne visait pas au titre de contrreur-gnral , incompatir.rre *r.es sa robe, mais I'entre tlu conseil, cl'ou il et pris la haute *oir. ,u" Ies firra'ces par ses connaissanccs corromiques et aduiriistratives. 2. le contraste entre lopinion (rt le gouer'ernent s,accusait de prus ,, Penda't le ninistre tre d'ormesson, on""rrt 1rls5. du conseil, au-eu jui' 17E3. avait accorcr de rrouveaux encourageme'ts la traire cles noirs, et cera au moment. I'abolitio' de I'esclavage commellirit , errtrer rron plus seulerneut cians les vagues esprances, mais dans les projets positifs des esprits ava'cs1 oir La l-ayette, dans s/)r) voJ'age en 1794, e' exprirnait le vu aux tats-u"i, .i.. s..r n, eutreprenait sos frais, ca;'euDe, une expriellce sur l,affranchissernerrt g.a-Jirel des uoirs, aux apprauclissements te rvashington. pltt Dieu, lui criait cet i,ustre ami. " {, qu'un semblable esprit vnt animer tout Ie peuple de ce pays!... Urre urancipa_ tion subite amnerait, je crois, de grands nlaux; mais, certaiueme't, " elre pr_rurraiir elle devrait tre accomplie grauelrement par ' l,autorit lgislative. ,, Lettr,e du' 10 mai 1786, ap. rIrnr. ie La Fyerte, t. II, p. rsi. .tlalis ailleurs, est mallteu...,.orount bieu -"ll'r*i, o" wasrri'gro', loin cre sa ralisatior, ourr. Ia lratrie de hommer.et il porrrra en coter cher r'nmoriqoe Je ne poirtr l.avrrjr

tt?83-1787i

LA liEll

Fi I1T

LA CIOUR'

:i'11

mouvement mystique bien inprvu au lendetnain de Voltaire ':[


de I'EncEclopd,ie. ll n'est pas dans notre plan d'entrer dans I'histoire anecdotique mis ett ele la cour de Louis xvl. Les faits ont dj suffisamment de incepable scne ce malheureux roi, capable de cotnprendre' ses de vouloir, incapable de s'assurer le mrite et de produire I'cffet

bonnes intentions; cleslin repousser ou lcher, I'une apt's I'autre, toute forte rnain qui se tend vers lui pour le sauver et rejeter
invitablement le peuple de I'attente trompe la colre et de la conportrait de {iance la haine. Nous avons aussi tch d'esquisser le sott ards accueillie mal cette infortune filarie-Antoinette, qui,

gage de I'impopurive en France Dar le public, pour qui elle tait le laire alliance autricltienne, poursuivie successivement par les calotnnies clcs d'Aiguillon et des Du Bart'i, par les menes sourlloises

par du comte cle Provence et de I'entourage du comte d'Artoist, prendre semble cltartres de , Ia rancune ernporte du duc haines ces armes nouvelles tche de fournir incessamment de par une manire fl'tre qui n'est qu'une perptuelle impludence ' i.oit, sans savoir s'en clfentlre et plesque SanS S'en mouvoit" infarnies' tl'anst'ortner SeS tourderics en crimes' ses faiblesscs cn avec chercher non-seulement des fautes dans toutes ses relations fmiamitis ses dans Yices rnonstlueux I'autre Sexe, nrais dcs

ilines,

que la plupart tre ir:rprochablc, certaincment moins reprochable t1u'r rputation Ia mriter, la des clames de la cour, acquicrt, sans rurite son abotninalrle sur' Caroline de Naplese' habiLa reine est rlcrie ; on la raille, et on I'irnite dans ses de modes' tudes, cians ses gotrts, dans ses folies. IJne marchalde

peutclescend enfin une entire dconsidration, et, sinon

glande stuatfunise dans I'intr'ieur de i\'Iarie-Antoinette, Ia l'tiquettc, culte de rcste quclque garcle peur cle tout ce qui
capable de propo'' l. Nous disons de l,entourage, catTe comte cl'Artois lui-mme, ct perfrcle' plus que lgers, ne l'tait nullement d'uue trarue haineuse ftes nocturnes d'L' 2. Lcs prornenarles nocturnes sur la terrasse de versailles, les .l,riauon, les quipes au bal tle I'opra, ne paraisseut point avoir recl les mystres

quyacherchslamalveilla"""tlu'uCanrpan'surtout'ajustifilareilred'unc de xlarie-Antoinette
dbordemenls rnanire plausible sur ee poit et sur d'autres. Les sur les dcux cllaclrrm??lfs qtr'oll prononcer se poiut ,t'a L',histoire sont imaginaires.

Iuiattribuequetqtresannesd'intervalle.'-v.'maisavegrserve,les.|llrrr.r]rr
eomte de

l'illi.
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LOUf S X Vr.

u 783-,r 78?l

Bertin, devient un

personnage historique. Son influence

branle tout le systrne de nos vieilles industries en achevant la rvolution commence par la Pornpadour et la Du Barri, et en substituant la solide magnificcnce des ancieunes toffes un luxe lger, frivole et fantasque. Tantt la reine, et, aprs elle, toutes les beauts la mode, affectent une extt'rne simplicit et empruntent la lgre robe blanche de leurs femmes de chambre; tantt r;lles s'affublent de costumes de thtre, d'itnmenses panactres;
elles lvent sur leur tte un gigantesque chafaudage de gaze, de

flenrs et de plumes, si bien qu'une femme, cornme le montrent les caricatures du temps, a la tte aw mi,liew du, oorys, et que tout cercle a l'air d'un extravagant bal travesti. Les salons rient de la mode tout en lui obissant: lcs ateliers crient quel'Atttrichienne ruine nos lhbriques lyonnaises, nos belles manufactures de soieries, pour enrichir les fabriques de linon
brabanonnes et les sujets de son frre Joseph IIr. Tout le monde, au reste, artisans, bourgeois, courtisans mme, est d'accord pour crier contre la socit intime de la leine, contre les Polignac et leurs amis, qui sont cornme une petite cour dans la grande : les courtisans, parcb qu'ils jalousent les mernbres cle ce petit cercle favoris ; Ies autres classes, prce qu'elles s'imaginent y dcouvrir la source de tous les mauvais conseils et lc

point d'appui de tous les abus. Prvention exagre; car cctte socit, gouverne par de petits intrts et des passions imprvoyantes, fait tantt le mal, tantt le bien, sans aucune vue gnrale. Un trait peut faire juger avec quel sricux on y traite ia politique. Un des membres du cercle, le cotute d'Adhrnar, personnage assez insignifiant, avait le malheur d'ennuyer la reine; ilIarie-Antoinette ne trouve rien de rnieux, pour s'en dltarl'assel', que de lui faire donner I'arubassade de Londrcs 2. I-,a mqiorit de la nation n'est pas rnoins hostile la cour qu'aut
LaFrance avait elle-mme, clans ses provinces du Nortl, des fabriques ile lincn tr's-florissantes, qui ne sont tombes que clevant I'invasion des cotonnades. 2. XIm, tle I'Itre Carnpan, t. I, p. 265.11 est vrai que NI" Campan dit que la reine D'aprs M'u Campan, ce serait partir cle se reprocha plus tartl cette lgret. ITBB que l'influence des Polignac serait clevenue tout fait nuisible et qu'ils auraient de plus en plus compromis le nom ile la reine clans des intrigues dont elle au-

l.

rait eu souvent la responsabilit

sans

la complicit.

5I5 LA RBINE. LA COUR" LA NOBLBSSB' amis de la reine, et la noblesse en gnral qu la cour. La bourgeoisie commente avec amertume les chiffres du Compte renclu,,la somme des pensions, celle des dpenses de la cour, des apanages princiers, chiffres qui sont devenus une condarnnation dlpuis qu ils ne sont plus une promesse de rforme; elle s'irrite plus prement encore de la trop fameuse ordonnance sur les groOes rnilitaires. Quant aux paysans la corve abolie et sitt ' ttoblir, I'ide d'abolition des droits fodaur et celle d'abolition de la gabelle, lances au milieu des essais de Turgot, ont port

I1?83.I?87]

I'agitaiion au fond de la plus humble chaumire. La masse lonrde et profonde des campagnes s'branle Sourdement dans I'attente prochaine de ce jour de rparation, de ce jour du jugement sur irrr., invoqu si souvent en vain par leurs pres dans les rvoltes mystiques d,u moyen ge, et prs cle se lever entn. Les carnpugtr.i sont prtes suivre ds que la bourgeoisie aura donn le
signal.
Cette absorbante avidit de la noblesse, qui excite un si haut degr la colre de la bourgeoisie, est Ia consquence invitable de l'uvre de Richelieu et de Louis XIV. Abattre les existences

seigneuriales, attirer I'otnbre du trne les grands Seigneurs transforms en courtisans, c'tit mettre la charge de l'tat la petite noblesse, auparavant entretenue dans les chteaux par la g'rande, puis celle-ci elle-mme, bientt ruine ou obre par la nir At cour. Les msalliances, qui ont fwm les terres seigneuriales avec I'argent des financiers, n'ont fait que retarder cette ncessit logique, qui irnplique les pensions, les grces pcuniaires de tout genre, I'attribution exclusive des grades militaires et des bnlices cclsiastiquesr, si I'on Yeut conserver une noblesse hrditaire, souvent obstacle, mais toujours contre-fort indispensable de la royaut. 0n n'arrive au bout de cette logique qu' la veille dc la chute commune de la noblesse et de la royaut, - C'est--dire qu on exclut le Ticrs-tat de tout, lorsque le Tiers-tat est arriv se sentir capable d'tre tout; c'est--dire qu'on pousse I'ingalit au dernier excs lorsque I'galit est pal'tout, I'estricur comme I'intrieur, dans le costurne comme dans les esprits,
1.
Ce qui pousse vers

la Rvolution les curs comme les sergettts.

IS XV{. uT84t lorsque la reine a fait disparatre les derniers vestiges de ftiquette de Versailles, < Iorsqu'ou ne distingue plus une duchesse d'une actrice, > lorsque les grands seigneurs, laissant dserts les salons de Louis XVl, courent Paris en rcdingote et en gros souliers, et se font colleter dans les foules par les crocheteurs.
ti4 6

LOU

Tout est inconsquence, et I'inconsquence suprtne se person-

nifie dans un incident, dans un nom, t'tc,lRo ow la

Foll,e Jowrne"

n'oile journe, en effet! Saturnale dernire de I'ancien rgime, o ceux qui vivent des abus et ne veulcnt pas ccsser d'en vivre se coalisent pour ollliger le gouvernement laisser trainer les abus

sur la scne; o ceux qu'abrite I'arbitraire vont battre des tnains qui sape I'arbitraire; ou les privilgis s'panouissent au spectacle de la hirarclrie sociale croulant sorts le rire clatant de Panurge devcntt Figaro. Beaumarchais couronne ses mille aventures par la plus hardie de toutes. Dans cette comdie, uYre d'un Yoltaire infrieur, qui semble avoir pass par les colcs littraires de la dcadence cspagnole et italienne, par les concetti et le gongoristna, au lieu d'tre, comme lc vieillard de Fernei, le lgitime hritier de la littraturc du grand sicle, Beautnarchais ne s'est plus attaqu un seul corps, ainsi qu'au temps da parlemant Maupeou,; iI frappe tous les corps, totts les orclres, tous les tablissements : il t'amassc, il concentre, il rejette sur le thtre en riant tout ce qui a t sern srieusctrtent dans tant de livres. Louis XVI ne s'y est pas tromp. Aprs s'tre I'ait lire lc ttranttscrit : < Si I'on jouait cette pice, s'tait-il cri, iL faurlrait d,ln'tt'ire l,a Bast,llel... on ne la joucra jamais ! > On la joua, cependant !... la socit de la reine, la cour presque en masse, et, en tte, les grands seigneurs incapables et vicicux Sur lcsguels tontbent d'aplornb les sarcasmes cle Beaumarchais, la plupart des hommes en place et etr dignit, jusqu'aux censeurs royaux, jusqu' des vques, joignent la pression de leur influence , la clameur de Paris. Beaumarchais I'emporte sur le garde des Sceaux et sur lc roi rntne. Le Xfariage de Figaro, jou une Premire fois au chteau de Gencvilliers devant le comte d'Artois et la socit de la rcine, qui ne manqua d'y assister que parce qu'elle tait malade, fait son apparition au Thd:lre-FranCais au mois cl'avril 1784. Beatttnarchais lui-rnme est stupli de I'immensit

illst.l
d'un

!'lGA

tO.

tilT

succs dont son esprit, plus toute la porte r.

vif que profoncl, n a pas tnesur

Beaumarchais remporte sur ta vieille socit'efilne secoutle victoire, en menant jusqu'au bout et en faisant pntrer tout entirc en France, malgr les plaintes ritres du clerg, Ia doul-rle dition des uvres compltes de Yoltaire imprime Kehl, sur le territoire clu margrave de Bade. Condorcet est Ie second de Beaumarchis tlans cctte vaste entreprise, {tre favorise la connivence de llaurepas, puis cle Calonne, avec la mme logique qre la cour Ilrotge Figaro. La grande opration de Beaurnarchais, retttbrce d'une dition de Rousseau commence avec moins de'fricas, rentplit et dborde Inme I'intervalle qui spare la rnort tle Yoltaire et de Rousseau d'avcc la Rvolution: cotutllence en 1779, elle ne s'achve qu'en 1790, entre Ia prise de la Bastille et Ia translation
des restes de Yoltaire au Panthon
2 !

Ainsi, au molnent ori est parvenu notre rcit, le xvtttu sicle se rsume et Se contemple dans les tl\rres de ses initiateurs avant tle passer I'action. La littrature n'a plus mettre dcs penses nouvclles, tnais vulgariset'les penses rnises et rpandre les testarnents des grands tnot'ts. Les principaux conteutporains de Yoltaire et de Rousseau lcs rejoignent successivetnent dans les sphrcs cl'outre-tolnbe. Condillac a disparu en 1780; d'Alernbert, en 1783; Diderot s'teint en t?84;puis lltllli, eu 1785; le pro' phtc cle la ntture, le grand lluffon, lcrttle la utalclle funbre de cettt gnration jarnais fatnettse (l?88). Les hornmes de I'ide sernblerit se ltter de faire place aul homtnes dc combat. Les lettrcs, ricltes encore en talents de second ordt'e, n'enfantent donc plus d'hornlttes de gnie, sauf ttne scule exccption pour le grand crivain qui a consol parfciis les clclniel's jours et recueilli I'hritage de Jcan-Jacques, poul' le disciple lidte clui clvel<-rppe si heureusemcnl cette leligiettse posie tle la nature, absente tle notre littrature et rctrouve par llousseau, ce lJcrnardin cle Saint-Pierue, qui sait, dans clcs tal-rleaLtx d'ultc h"acheur incom-

l.

Les Muroires de

\I'*

Campau

et ceux de II^"

Vige

-Lebruu sont

peu

Y. Beau,morchuis et son Tempts, par exacts sur ce qui regarde Figaro. mnie. 2. Lomnie, IJeaumarcltais et' son Temps,

XL de Lo'

{8

I,OUIS XYI.

?87-1 ?S8;

parable et d'une naivet sulllime, runir la beaut grecque et la puret chr'tienne, et crer un type immortel de tendlesse et de pudetrr dans sa Virgh"ti,e,le plus touchant des chefs-d'uvre'. Btt sorlrne, la littrature haisse, chose invitable; mais les beauxArtS, nous I'avons dit ailteurs, prennent, leur tour, un cractI'e altier', hroTque, et le progr's tles sciences se prcipite au lieu de se ralentir. ll s'y produit un magnilique mouvement de dcouverte et cle cration. L, tout vide qui se fait est combl aussitt :
d'lernlir:rt teint succde Lagrange, Pimontais de naissance, n'ranais cl'origine, fix vingt ans Berlin par le grand Frdric,

puis attir en France finstigation de Mirabeau, gnie d'un autre ordre qui a comprisle gnie du savant (1787). Lagrange tait
depuis bien longtelnps prsent Paris par ses ouYrages et sa cot'resp9ntlence, avant d'y tre tabli de sa personne. Nul, depuis Descartes et Lerhniz, n'a fait autant pour tendre la souverainet des rnathmatiques sur les sciences de la natule, pour diriger et universaliser 1'actiolr de cet instrutnent abstrait par lequel la raison pure dictc cles lois aux cltoses sensibles sans les voir et sans les toucherz. Les mathrnatiques continuent de grandir, biel que l. Berrrarclin de Saint-Pierre, descendant prterrdu d'Eustache de Saint-Pierre, n au llavre en 173?, produisit tard, comtue son matre litrusseau, et aprs avoir t, comme lui, longtemps et cluellement ballott par la fultune' Ses voyages dans les rcigions tropicales ouvrireut son imai;ilation tles sources d'inspiration inconnues et
d,e

lui founirerrt ccs riches couleurs rloitt on clevait abuser aprs lui. Ses twes ou tant cle beauts littd'raires et tant d'lvation de sentiment tachtent bien une urauvai:e physique, ne parurent qu'en 1?84, el Pawl et' Virgtnie qu'en l?Bil; la
tt6tl,ttre,

douce et rnlancolique idylle qui prcdait tle si peu les grarrdes tragrlies.
proccl de calcul inclpendarrt de toute corrsitliration gourtriclue' selon les termes 'Eol*". Il guralise le principe dc la noindre acltott et I'applique la solutiou de

2. Dssaptelrirejeunesserilatrouvlcslmentsclesallthodedesvariationsl

toutes les questions tle dynarnique. Il fir,it de belles rechercltes sur la propagation du sorr. II gagne le prix cle I'Acad.mie rles sciences sur la thotie tlela' librati'on de la lune et y montle toute la grrralit du principe des ofles'ses atrluelles (1764) . il gagne le plix sur. la tholie des satellites tle Jultiter et eu dontte la premire 1,holie *"tne-"tiq"e (l76).Impossibie mme d'irrdiquer ici ses imrilenses travaux de mathmatiques et d'astronomie gnrale. En 17?6, il rlmontre que les variations tles grancls u*o, r. systrrre solaire ne peuvent tte que priodiques; " Ia plus belle dcouverte de I'ast*o'.mie ptrysique, apr,s celle de Newton, ,, a d,it le savant Clayfair. - En tle d'lembert et de celui des trflesses oirtuelles, les progrs de la mcarrique rationnelle sont rduits ne clpendre que de ccux drr calcul. Le grantl thoricien devait rendre d'clatants services pratiques la Frauce de la Rvolution par sa participa' tion l,itabli;senrent do systme-*trique, de la plerrrir'e Ecolc rtolmale, de I'-Ecolc Y' Biograpttie uruiuerselle, article L'tcn'tNcu' polytechnique, etc,

t?gl, il puirlie la tr!ricanique analytiqtrc, ou, par une heureuse cotlbiuaiso

clu principe

11772-1789)

BEIiNRDIN DB SAINT-PIBRRE.

LAGIiAIiGB.

549

d'Alembert et Lagrange lui-rnrne aient cru Parfois le gnie de I'homrne arriv au terrne de la carrire. L'astronornie franaise est dans tout son clat : Bailli, Lalande, Messier, poursuivent leurs travaux. Laplace commence de manifester cc puissant esprit qrri doit s'immortaliser par la Mcaniqwe cl,este.Dans d'autres branches de la science, ont dj paru Berthollet, n{onge, Fourcroi, etc.;
groupe irnposant que domine une des grandes figures scientifiques

du monde moderne, le rforrnateur, le rgulateur, on pourrait dire Ie crateur de la chimie, Llvorsrnn. Bien des secrcts avaient dj t drobs la nature par les
chirnistes; rnais on oprait encore dans les tnbres, sans sayoir distinguer les uns des autres, pr leurs caractres spcifiques, les divers et sulitils agcnts des phnomncs qui nous entourent, c'est-dire les lrnents vritables cachs sous les quatre lments apparents des ancicns. Lcs trois quarts clu xvrrre sicle avaient t enrploys ii l'tude des ga:r. En t7B7,l'Anglais Blach avait dcouvert le fluicle lastique irrespirabte (gaz acide carbonique) et la clralcur latente (que tre therrnomtre n'accuse pas). En !77l,un autre Anglais, I'illustre Priestley, dcouvre l'change des gaz entre le rgne animal et le rgnc vgtal. vers 177 4,re suclois scheele reconnait la composition de I'air, mlarrge de trois fluides lastiques (acide carbonique, azote, oxygne). L'hypothse de stahl, I'existence suppose d'une suhstance clui aulait t le principe de la combustihilit et r1u'on croyait sor.tir clu mtal quand on le calcine et y renlrer quand on le rviyifie (le Tth,togistiqwe), tyrannise toujottrs Ia science et elllpche cle trouver le lien de ccs lielles dcouvertcs et de beaucoup d'autres. Lavoisier, aprs de longues, d'opinitres et dispendieuses expricnces facilites liar cettc lucrative position de fermier-gnr'al qu'il n'a recherche que pour acqurir des nroyens d'action scicntificlues, et qui lui sera un jour impute crinre, Lavoisicr ose enlln rr.iser le joug du plttogisii1we et avancer que la calcination des urtaux n'cst que leur cornbinaison avec I'air fixe (17??). il moclifle bientt cette prernire ide. frn t174, Burger ayant rcluit dcs chaux de mercnre sans charbon dans des vases clos, Litvoisier exanrine l'air obtenu de cette
].
Gaz, de I'allenrantl gastr
geistrr

mier ce nom.

esprit. c'est, yan-Helmont qui leur donla le pre-

st0
xnanire et

LOUIS XVI.

u ?75-1?891

le trouve resltirable. Peu aprs, Priestley tablit que

c'est prcisrnent la seule partie respirable de I'atntosphr'e. Aussitt Lavoisier conclut que la calcination et toutes les combustions

sont le produit de I'union de cet air essentiellement respirable avec les corps, et que I'air lixe, en particulier, est le produit de I'union de I'air respirable aYec le charbon. Combinant cette clonne avec les dcouvertes de Black et de Willce sur la chaleur
latente, il considre la chaleur qui se rnanif'este dans les comlrustions comlne dgage de I'air respirable' qu'elle tait auparavant employe maintenir I'tat lastique. De cette double proposition sort la nouvelle thorie chimique (1775-1777), {ue Lavoisier, seconcl directement ou inclirectcment par Cavendish, par l{onge, par Meusnier, par Berthollet, par Guyton de Morveau, par Laplace, applique toutes les uroditications des corps appartellant aux divers rgnes, en un mot la naturc entire, et qu'il vulgarise, atrlrS I'avoir cr(te, en trottvant les mots colnlne les choses. Le rieux et obscur langage de I'alcltirnie achve tle dispat'aitre tlevant une terminologie simple, logique et lumincuser, et le n'ratt \mentaire cle cltimic (17S9) montre que Lavoisier sait tussi bien exposer qu'accomplir ses conqutes sur les mystres de la nature. u La chimie est aise maintenant, r> a dit Lagrange;
c elle S'apprend comtne I'algbre. > D'un art empirique, Lavoisitr a fait une science mathmatique. Les savauts trangers, aprs quelques eflbrts pour dtrf'endre la traclition de Stahl, sont bien vite obligs de reconnatre I'ernpit"e

de

la thorie nouvelle : la ['rance est lire d'avoir


la
Science

conquis le

Sceptfe de

tlui nous rvle, autant qu'i[ est Perlnis

l'analyse hutnaine, les vritables principes du monde tnatirriel, et qui introcluit t'homme dans l'telncl lalloratoire de l'lsis caclre. Une autre clcouverte d'utle natllre tnoins gnrale et tutlins vaste, mais qui tnanifestc avec un clat extraortlinaire lcs progr's de la physique, vient, sur ces entrefaites, tgir bien plus puissatittttent Sur I'ilnaginntion de la foule, en frappant ses yeux d'nn spectacle

inoui. Le 5 luin 1783, les tats palticuliers du Vivarais, asselnbls clans la pctite ville d'nnonai, reoivcnt des frrcs llontgol!.
iltjthotle de n'onrcnclulwre cltim,tlue,l7tJ7
.

t17s3t

tvolstER'

591

fier, tlirecteurs cl'une lrapetelier, l'ilvitation d'assistcr une en papier, de expr,ience de physique. un sac de toile doubl

s'Iance trente-cinq pieds de haut, grnfl par un procd inconnu, len{'crncnt redescentl et toises, milte plrrs de tlans les air.s, monte sur I'asccn une demi-lieue de son point de dpart. Bn mditant lruages' des folmation la sur sion des vapeurs dans I'atmosphre et jusqu'aux enlever pour que, les frr.es ltlontgolfier avaient contpris dans rtn nues lne maclrine colossale, il suffisait de renfertner vaisscau lger un fluide moins lourd que I'air atrnosplt'rique, c'est--clire

'procur, ltar une colnun nuage factice. Ils s'taient gaz bustion entretenue dans lc ballon I'aide d'un rchaud, un voyager faire de merveiileux rnoiti plus ltrger que I'air. L'art il se perfecdans I'cspacc un .oi'pr pati cle la terre tait trouv.

Paris, tionne raPidement. une socit cl'amateurs de physique, plus fois substitue au gaz de l\{ontgolfier l'air irtflammable, dix lgcr que I'air atmosphrit1ue, I'enfe'ne dans une enveloppe lance iriperrireable de taffetas gornm, et, ptr un jour d'orage, d'uue applauclissemeuts aux ballon rlu Charnp cle ntars le nouveau innonrbrable urultitude. Le batlon clu chanrp de trlars rnonte bien pltrs vite ct plus haut que celui des l\Iontgolfier; il dpasse la rgion cles nlages et Ya retourfuer coucn, quatre lieues cle Paris (27 aorit 1783). Le rtavire arien invent, les navigateurs ne sauraicnt tnanqttcr' qui reculerait qlilricl Ce n'est pas I'audacieux gnic clu xvttt' siclc et de prench'c cmpire llotlYel il s'agit cle conqurir I'homlne un > posscssion < du dornaine imurensc de I'air2' Joseph cle llontgolfier adapta sa ntachine un rchaud et une naccllc : Ie 21 novembre 1?83, Ie plrysicien Pittre de Rozier et le

rnalqsis cl'Arlancles se confient cr: folrlitlablc vhicule et partetlt rluiardin de la }{uette (bois tle Boulog.ne), en saluant la lbtrlc muette d'adrniration et cle terreur. IIs passent, datls leul nef aricnuc, par-dessus tout Paris et clesccntlent volotllairement, etr cessant cl'cntretenir le feu, sur lir IJuttc-anr-0ailles, au rnidi de [a
lalipellerons, ce propos, que I'in,Justrie iles papiers peirlts, originail'e de etr France vcls 1780. 2. Ilescription des erlfiriences de lo nmchtrtc arostatique, etc,, l,ral Faujas de SaintFord, t. II, p. 2.

l. Nols

la Chine, s'irrtrotluisit

522

LOUIS

yI.

sur lui-nrr'e ef faire clisparatre Aux rves de l'orgueil s'associcnt

d'autres applicaiions prodigieuses de ces thories scie'tifiques qui s'ag'andissent tous les jourss. 0n cornpte bien qne cette pnissance c'oissante que |rrornme dproie au
dehrs oe tui, it saura ra tourner
ses

cette mer qu'a traverse Branchard z. Est-il une qui n,ait cofit le sacrifice de querque hros 'ictoire ? [e gnie et la puissance de I'homme seraient donc estins ne prus connatre de rirnites ! Les lrnents vont tre ses esclaves dociies ! 0n pressent unc foure

La foule ne doute pas qu'olr ne dirige bientt les na'ires de comme les nal.ires e r'0ctian et qu,on ne circure en toute libert travers latmosphre. c'est unJ ior.rse inexprinrabre, peine un moment attriste par ra catastroprre de pittre de Rozicr, qui, nouvel fcare, tombe foudroy du haut des nues au borcl de

et plus propre aux rongs voyages et aux grandes ascensions. Bientt Ie mcanicien Brancrrard, .n"chrissant dc har_ diesse sur ses devanciers, franchit ra mer en bailon et vient des_ cendre de Douvres sur les falaises de Calais,.

gra'de ville. Ouerques jonrs aprs, Ie prrysicien chades feno,heureusement I'exprience ayec le ballon air inflarnrna'le, 'elle procd
plus srir

t{?83l

I'air

ma*x physiques e[ moraux"


rves

'es

no,.*ins ilrirnits

cle

merveilleuse des instruments. dcisifs- _ "n clc lrolta, a p*pu. il y a lieu de rappeler ici que Duvernei, de ltAcadmic des scienr:es, avait excut, tls 1700, ,l'exprience de la grenouine. que Galvani r.enouvera avcc tarit d,crat et qui ,ti sii,n=, Tter ta stctriu,no 4t, cir pu,, ra. Fournierldevinl

1' Il tait accompagn d'un [1g1uis, le docteur Jeffe'ics. chacun des deux avait arbor le pavillon de sa nation. on racnta avec fiert que, les arcrnautes ayant ti forcs de jeter du lest et jusqu' leurs irabits pour s,allger et se teriir une hauteu' suffisante, r'Angrais jeta son pavilron; le Francais g"au tu sien, qui frotta seur sur I'Angletene. 2' Piltre avait voulu combiner le rchaud de Nlontgolfier et l,air inflammable .e charles' c'tait, co''me le dit celui-ci, placer rrn rchaud sur un baril de pouilre. 3' Il est surprenant quc la navigation .rapeur lr,ait pas t constitue ds ce ternps. En 1775, I\[. tre Jorrffroi aoail in'ent uf foit ro",,*u.,,"nr] ,ro" la sane u' batelet rnt par une macrrine vapeur" -- v. re rappo.t t'uit l'Acadmie des sciences sur la navigation yapeurr err 1840. Ir -y avait eu aussi ae.s analogues en Lorraine' v' le cort'stitutionnel - tle septcmbre 1g51. Tout tcntati'es veills que fussent - les nouveauts les esprits sur scie'tifiques, ,, comprit p'iirt alors ra porte de 9-o cette magnifique application .' prirrcipe de papi.. t leciriq*e eut le mme sort. Les prenriers .*r^i, oo fi"eut tents - u toii,g.rap'ie -e' Ge've, 1274, par u. physir:ieD fi'anais, Louis Lesag'e; rais on cn resta r pour trois ciuarts cle sicre, bien que la nouvelre fbrme de l'rect'icit clcouverte prr vorta rgoo dt fournir cette invention

Nt|J;;*Y;;l".rt#:'",

sic/e

[r?83]

NIONTGOLTTTER.

AP.OSTATS.

52:1

guerres plus d'injustices plus de tyrinnies ! Les gnrations si claires et si fortcs de I'avenil pourraient-elles connaitre encore des rnalheureux ou des mchants ! L'homme civilis, aprs avoir rform et purifi la civilisation, ira, comme un dieu bienfaisant, dicter aux Sauytges, du

la philanthropier. Plus de

haut de ses chars ariens, les lois de la science et de I'ordre vritable 2 ! Songes dors d'une

vieille socit qui se croit plonge dans la fontaine de Jouvence! Hlas! la ren'ai,ssance cote plus cher: on ne peut renatre sans passer par les angoisses de la mort! La socit du xvttt* sicle se croit une destine plus facile : tout
l. La philanthropie, comme la science, n'avait des rves si harclis que parce qu'elle avait de belles ralits. Nous avons tlj mentionn I'ahb de L'Epe, touvrant aux malheureux sourds et muets le commerce avec leurs semblables. Son successeur Sicarcl allait les Iever des iiles simples que suggrent les seus aux ides gnrales et abstraites, et rveiller err eux I'homme spirituel aprs I'homme matriel' - Eu 1784, le frre du savant physicien Hay fonde I'Institut des jeunes aveugles, autres victirnes arraches, autant que l'homme le peut faire, aux ligueurs de la nature' Pendant ce temps, I'excellent et infatigable Parmentier emploie sa vie chercher les moyens de pi'venir les disettes et de multiplier les substances alimentaires' La po-*" de terre, apporte du Prou ds le xvre sicle, cultive en Italie et dans le aninaux -iai a" la France, rr'tait considre gue comme une racine bonne pour les domestiques.' Turgot I'avait introduite en Limousin et en Auvergne' Parmentier la 6montre propre I'alimentation de I'homme, fait les essais cle culture en gland dans les plaines des Sablons et cle Grenelle, avec le concours du roi, qui porte sa boutonnire des fleurq de pomnre de terre offertes par Parmentier, et cette racine du Nouveau-Mond, sans galer en qualits nos crales, leur clevient un supplment d'uue immelse utilit (i??3-I784). Parmentier propage galement la culture d'une belle crale amricaine, le rnas, et s'effbrce rle pcrfectionner ls, f:lbrication ilu pain. p. Le mme sentiment, sorls une forme plus pratique et moins arnbitieuse, avait inspir I'Anglais Cook, victime des sauvages auxquels il offrait les bienfaits cle la civilisrtic,n, et dicta les instructions donnes par le dirccteur de la marine, Fleurieu, et par Louis XYI en personne, au malheureux La I'eyrouse, charg d'excuter, avee eux frgates, urr graucl voyge de circumnavigltion, darts un but la fois politique, conmelcial, philanthropique et scientifique (i?85) . Les rccommanciations faites La peylguse r:le chercher tous les m()yens d'amliorer la condition des sauvages, et d'viter le recours la force enyel's eux sans une ncessit absolue, ont quelque chose de touchant. "Sa Maje'strr, st-il dit, " lsgalderait cornme ulr des succs les plus heureux de I'expdition, qu'elle pt tre terminc sans qu'il ett ct cot la vie l rrrr seolhomme.,,-V. Lacretelle, IIst.de France pendantie xvrtre siclert.17I, p. 75. Ce vu d,'humanit ne fut point exauc. Apres tlois ans de travaux et de dcouyertes achetes par des pertes cruelles, La Peylouse et ses deux rtavires disparurent eltre les archipels de I'Ocanie. Aprs iles recherches rJemcnres inutiles ilurant Lieri des annes, on a fini par rctrouver, sur les rcifs de Vani-Iioro, quelques dLiris du rraufrage otr se sont abirnes tant d'existences prcieuses. lI. P' [{argly a tuni lc; lrnents d'une l/fe d,e La Peyrouse, qui offr'irait beaucoup d'iritr't.

IOUIS XYT. en clbrant Rousseau, elle rejette bien toin


,i

2i

11783-t

i89l

ses rserves svr.es

et les menaantes prophties de quelques esprits mditatifs. Lcs uns associent les joies que promet la vie prsente, si embellie, I'attente de la vie future; les autres emplissent la terre cle tant d'esprances, qu'elle lcur sernble suffire au genre humain. L'en-

thousiasme de I'humarrit et de la perfectibilit se personnilie dans un homrne qui ferrne en rluelque sorte l're philosophique tlu xvrrru sicle, et qui en jettera tout I'henre les dernires et solennelles paroles au vent des temptes rvolutionnaires prtes I'engloutir. c'est ce condorcet, uorcan cowuert deneige, comme I'appelle un de ses conlemporains, disciple affectionn cle Tur.got, Itritier de ses sentiments, moins I'iclalisme religieux et la rigidit morale, esprit crois de Turgot et de voltaire, successeur de Fontenelle dans les Etoges acatlmiqud.e, ( ces oraisons funbres que Ia philosophie a enleves I'Egliser > et oir les savants remplacent les saints, rnais hien loign cle penser comrne Fontenclle sur lcs u.rits dangerewses, et rsolu de les laisser chapper de sa
rnain quand il devrait lui en coriter la vie; champion inbranlable tle la libert civile, politique, cononiique et cle la liberf individuelle, base de toute libertz; un cles hrauts tle la croisacle contre
I'esclavage des noirs3, croisade qui prend des proportions croissantes mesure qu'on appr.oche de 8g; trop port confbnclre le rnonde moral et social avec le moncle physique rgi par les lois

rnathmaticlues, et tenter d'appliquer aux lnouvements variairles et passionns cle I'un les rgles exactes et fixcs de I'autre,, ; 2'
la maxinre, tlop rpandue chez les rpubricairrs anciens et modernes, que Ie petit rtorrbre peut tre lgitimer'ent sacrifi au grand. trIitanges dcortomiques, t. IJ, - I'unit p. 5J5; Guillaumin. En mme temps, parrisarr cle politique, iI plblie, e' 1781, une rclfutation de Delc'lme et une critique de la constitution anglaise. Comme l-ranl<lin, comnre Tulgot, qui allait plus loin, lleaucoup trop loin, et qui colfond:rit le lgislaiif et I'cxcutif, il combat re systme des rleux cir"orb"." et doit appliquer plus tard la Rprtblique ce lrrincipe d'unit rlue tl'Argensou et Turgot appliquaienti pr tlonalchie. Unitailc etitle tous, aprs tle nobles et striles effbrts afiir d'empcher Ia fhtale scissit-rn des Jacobius et des Girondins, il ne sera coufonr-lu par d.cs passions a'veugles avec le parti accus de fdralisrne que pour avoir couragcuseolent rprouv la violation de la Convention nationale au 3I rnai et protest .out.n la Cc,lstitution de 93, comme ouvlant la polte au fdr,alisme. 3- Rdfleons sur l'esclatage tles ngres, l7gl , 4. Il rie faut pas t'l:-rtr'fois lcpousser d'urre nranire absolue les tentatives des rua1. J. Reynau, Encyclop, nouu., art. CoNnoncnr. Dans son livre deL'In'fluerrce de lu lluotution d'Amriqwe
swr l'Ewrolte,

il

contlanrrre

It?83-1 7s3l

CONI)OIi CET.

5i

cntenant en lui riginal, et, en partie, ce qu'il y aura d'erron chez saint-sirnon et sttt'tout chez les diverses coles du xtx" sicle qui chercheront dans la et physiques la perfectillilit dans le progrs des sciences philola de l'lve lui, d'u1e re industrielle; rvant enfin,

presque tout ce qu'il y ar,ia de vigoureux et d'o-

".n,r, exprirnentale, le fils de Voltaire ! I'itnmortalit'du sophie

corps

sous une forme e defaut rle celle de l'mc, et se dguisant ainsi I'inlini, ilue olrscure et fantastique I'indestructible sentiment de au fond trace esquisse une dans que donncra son dernier mot monutDent I'chafautl, de pas de la retraite du proscritr, deux la perte des douccs cl,une foi en I'hunranit que n'a 1tu branler I'hornrue, iltusions de 1?83, hyrnne la perfectibitit indfinie de qui crite en attendant la ttlort, uvre d'une grandeur morale I'idal cle tonne d.'autant plus, quc le vritable idal religieux, qui tre la perfcctibilit outre-tornbe, ne la soutient pas; grandeur

et peut plus mrne tre comprise clans les poques d''incliffrcnce d'alraissetnent des mes! qui formule Le testament de condorcet sera dans cette nrarinle, aspirations tlu rl'aYance tout ce qu'il y aura tle lgiti[re dans les

I'amToutes les institutions sociales doivent avoir Pur but de la ntoral, ct inteliectuel Lioration, sous le rapport lthysigue, > chtsse la plus nombreuse et la plus pauvre2' aux vocations De Condorcet aux mystiqucs, de l'coie de Fernei
<

social,isme

moderne

cabalistiques, qui pourrait croire qu'il y ait une transition entrevoir au reile ? Elte est dani cette pense que Condorcet laisse d'cha1lbout cle Ia carrire ouverte la perfectibilit, dans ce rve renonce se oit et aboutit o per la mort physique, dernier tertne plein dans un en I'homme le matrialisrne, Lt qui porte I'csprit de voltaire' de sicle Le o |clre extra- scien tifi que, extra-philosophique.
la certitude darrs cett'e voie ; thmaticiens cet gard. Il est impossible d'arriver d'e probatrilit auxcluelles les I'aits cha'ces des utilement, calcur peut rrrais on

natu-

}llorux,prisdarisurrensemblesocial,sepeuventTamenerjusclrr'uncertairt
I'c'int' l..Iisquissed'un|'ableauhistoriquedesTtrogrsdeI'espritltwnaitt;criten1793;publi en 1?95r par orclre de la Convention rrationale' ]111' Llonrlolcet' ' 2. Rapltort d la L'ornienl,ion twtionale sut l'Instructiott pubtitlue' li" Rclnaru4' J' del\I' "rrl''r|' ltou' sa Btogt:i1tnte, parNI. Arago, 1849, etl'art'

516

LOUIS XVI.

u770-l78el

son dclin, tend une main aux sciences occultes du moyen ge.

Rousseau avait opr une grande et glorieuse ractioo,

,o

nrn

du sentiment, contre ce rationalisme mutil dont on avait fait le serviteur de la sensation; mais les limites o Rousseau alait eu la sagesse d'enfermer son action pour en rendre l'effet plus assur ne suffisaient dj plus aux curs ni surtout aux imaginations. Il s'tait interdit les mystres qui entourent I'homme tle toutes parts : on recommenait vouloir les sonder, avec des tendances et dans des directions trs-diverses. ceux-r mmes, du moins beaucoup de ceux qui niaient ou rvoquaient en doute les principes les plus simples et les plus universels de Ia philosophie religieuse, se remettaient, comme Ies adeptes de la vieille alchimie, chercher ou plutt imaginer les causes occultes des choses, le secret physique de Ia vie, et abdiquaient la mthode exprirnentale aussi bien que le rationalisme, tout en restant sensualistes. D'autres, en affectant des formules et des pratiques tranges et obscures, n'aspiraient qu' se faire un instrument politique et social propre remuer vivement res mes par I'attrait de l'inconnu. Il tait enfin des esprits qui visaient plus haut dans leur tmrit sublime, voulaient refaire I'homme spiritu,el, principe de I'homme social ou extrieur, et prtendaient nonseulement ramener I'homme son vrai principe, Dieu, mais lui faire retrouver Dieu dans son cur comme cause immanente et perptuellement active de son tre, expliquer re monde par I'homme et non plus I'homme par le monde, et rouvrir, ds cette vie, les communications avec les sphres suprieures qu'avaient

cru possder les

uayants de tous les pays et de tous les sicles.

Les socits secrtes devaient tre et furent le rceptacle de toute cette fermentation d'ides et d'aspirations ardentes. A partir de 1770, ou un peu avant, la franc-maonnerie, dj trs-rpandue, a pris un dveloppement immense et tend charrger de caractr'e. D'abord simple instrument de tolrance, d'hurnanit, de fraternit, agissant d'une manire gnrale et un peu vagrre sur les sentimenls de ses adeptes et de la socit qu'ils influencentr, elle tend devenir instrument de mouvement et d'action,
1. Les gouYernements qui voulaient passer pour clairs favorisrent d'aboltl la

u 778-t78rl

IIBSIEII.

I,IAGNBTI.SIfB.

52?

organe direct de trnsfdrmation. Les trois espces de mysticisrne que nous venons d'indiquer la travaillent et la pntrent la fois : le mysticisme qu'on peut appeler sensualiste; le mysticisme politique, {ui n'a de rnystique que I'apparence ; re mysticisnre thosophique, qui est le vritable. a partir de 1778, un mdecin allemand a profondment rernu Paris cn annonant la gurison de toutes les maladies par la verfu d'un agent universel r'il a dcouvert et qu'il clirige son gr. Tous les tres, assllre ll{esmer, sont plongs dans un ocan de fluide par I'intermdiaire duquel ils agissent les uns sur les autres. L'homme peut concentrcr ce fluide et en diriger les conlants sur ses semblables, soit par le contact immdiat, soit, distance, pr la direction du doigt ou d'un cnnchocteur quelconque. Oes courants portent avec eux la sant et la vie dans les corps dont les fonctions sont troubles. Ils gurissent imrncliatement les maux de nerfs et mdiatement les autres maux. par analogie avec les attraitions de I'aimant ou du magntisrne rninral, Ifesrner qualifie cette influence de magntisnte animal Certains prodigcs des anciennes religions, les cures rniraculeuses par I'irnposition des rnains, les extases collectives et autres phnomnes extraordinaires oprs par des hommes sur d'autres hommes, n'ont t, suivant I'audacieux novateur, que des phnomnes
magntic1wes.

L'impression produite par Mesmer est immense :

tre du temps i. Bien des penseurs sont satisfaits de voir enfin donner une autre explication des faits mystrieux cle l,histoire que la banale accusation d'imposturr contre tous les thaumaturges et lous les chefs des religions. Quant la foule, elle se prcipite au baquet de }lesmer avec un entranement bien plus gnral qu'elle ne courait autrefbis au tornbeau du cliacre pris.
franc-maonnerie comme la philosophie du xvrrrc sicle : on sait que le grancl Frtlric tait franc-maon, chose plus singtlire, I'empereur Frangois ru"r1'po'x o-le

les femmes, les jeunes gens, tous les esprits arnoureux de I'inconnu et saisis par les esprances sans bornes qui sont le carac-

il

entraine

Marie-Thrse, l'tait aussi. l. La corresponilance de La Fayette avec Washington conserve des traces bien curieuses rle cet enthousiasme.- llIm. cle La Fayette, t. rI, p. gB. Le jeune df.en_ seur cle la libert anrricaine est eutirement subjugu par }Iesmer.

5?8

LOU

IS x'V I.

[,r

7s4l

Nous ne racontel"ons pas ces incidents bizarres, mais si connus, o I'on voit presque Se renouveler les conuwlsions de SaintMdard sous un aspect moins violent et moins sombre, ni les luttes opinitres de i\[esmer et de ses disciples contle les corps savants, luttes qui aboutisscnt au clbre rapport rdig par Bailli au nom d'une commission prise dans la F'acult de rndecine et I'Acadrnie des sciences (1?84). La science' par la voix de Bailli, carte colnme arbitraire l'hypothse du fluide magntique, et? par consqtlent, le pouvoir que s'attlibuent lcsnrer ct Ses adeptes de diriger ce fluide, ne nie pas absolument les phno-

mnes signals, mais les attribue exclusivement une cause molale , aU poLn)oi,r cle l'imaginatiorr,. Nicr ces phnonlnes emporte, en effet, des difficults historiques bien autrement graves que les admettre dans une lirnite quelconque; mais il est trsdouteux que I'explication de Bailli soit suffisante, quoiqu'on puisse croire que la cause inconnue qui agit si puissarnlnellt sur le Systme nerveux de I'homme Soit beaucoup plus morale qne
physique. Les dveloppements que reut le Mesm,risme, eL qui e1 transformrent tout fait le caractre, allrent dans la direction que nous venons d'indiqucr. 0n connaissait plus ou moins obscut'ment Ie somnambulisrne naturel et ses tonnants effets, expliqus dans les temps passs par des causes surhumaines, bienfaisantes ou malfaisantes. Le xvttt' sicle avait nglig ces faits tranges' Tout coup se produit un sotnnarnbulisme artificiel. Les frres Puy-Sgur, disciplcs de i\lesmer, dterrninent par I'action rnagntique, quelle qu'en soit la nature, exerce Sur des maladcs, non plus les crises ncrveuses du baquet de Mesmer' mais un sommeil xtatique durant lequel le somnantbule a la vue intrieure de son propr corps, cctle clu corps cle la personne avcc laquelle on le lie

d'un rapport magntique, et, parfois rnme, ce quon prtend'

dc dpassant toutes les hornes assigncs I'acticln et la porte ttuc tetnps le dans mme et I'espace lOin dans noS sens, telrl au

vue qui n'est plus celle du corps' c'est--dire retrouve La secondc encol ellveo,ue des D11ants et des sibyltcs. Ici, le matrialisme et nous disparatrc, lopp dans la thorie de l\{esrner achve de liistraditions ,,ugront en plein mysticisme. L'interprtation cles

u7?51

SAI}i T-M AItTIN.

529

toriqucs par le magntlismr se complte et ernbrasse tous les mystres tle I'antiquit. La sduction redouble, comme aussi I'opposition : les matrialistes s'exasprent d'une raction si soudaine et si imprvue; lcs savants s'effraient et s'indignent de voir lc vieux rnonde des sciences occultes reparatre tout coup et dfier la philosophie exprirnerrtale et les prudcntes mthodes, mres

de tant de progrs. La philosophie spiritualiste ellc-mme peut s'inquiter bon droit d'une telle disposition dans les esprits, si plcine dc prils ct d'illusions. Cette disposition, toutefois, il faut le dire, est superficielle chez Ie grand nomhre; le gnic du xvru. sicle doit bientt revenir sur I'espce de surprise qu'il a subie et reportcr cette elervescente ardeur sur la politiquc; nannroins le rnagntisme et le sornnambulisme continueront exciter par intervalles de vives proccupations et rnanifester des faits en dehors des lois ordinaires de Ia physique, sans que ces faits puisscnt tre suf{isarnurent fixs pour entrer dans le douraine tte la science: le problme restera problme. Le mouvertrent rnystique avait atteint son dcgr le plus lev ailleurs que dans le rnagntisme. Il s'tait toujours maintenu ti ct l, depuis le xue sicle, des adeptes secrcts de doctrines ntanes de Ia Cabale ou philosophie rn.vstique des Juifs, et du noplatonisrne ale-Landrin ct gnostique rveill par la Renaissance. IJn personnage singulicr', Nartinez Pasqualis, juif portugais, cc {-lu'on croit, introduisit, de 1754 1768, dans un ccrtain nornbre de loges rnaonnigues fi'anaiscs, un rite portant le titre hLrraique d.es coh,ens (prtles). Il s'agissait, dans les initiations des ,tIarlini,stes, conrme s'appelrent les disciples de Martinez, non-seulernent de cornrirunications intriew'rs ayec le monde des espr.its, rnais de manifestations visiblcs, c'est--dire d'vocations thurgiqucs, de pratiqucs suspertitieuses rnles une idalit d'ailleurs Ieve. Un jcune officier nomur Saint-Martin I fut initi tsordeaux par l{artincz. C'tait une des rnes les plus religieuses et les plus pures gui aient pass sur la terre. Il ne resta pas longtemps engag dans cette sccte cabatistiqwe,' tout en adnrcttalrt la ralit des relations surhumaines qu'on y chelchait, iI les car.tir

l.

La ressemblance de sou rorn ayec celui tle son rnatre les a fait sorrvent coux1'I.

fondre.

3,i

530

LOT]IS XYt.

lr

77

5l

comme clangereuses

et s'enferma
la
Vrtt, l)ar

dans

la pure thosophie. Le
r, uvre

livre

des Emewrs et d,a

un

ph,i,Iosopthe i,nconnw

d'une grandeur voile et d'une fascination d'autant plus saisissante qu'on y sent I'me parlant l'rne en dehors de toute proccupation terrestre, le livrc anonyme de Saint-nlartin n'expose pas rnthodiquement le fonds comlun du mysticisrne hbraque et platonicien, la thorie de I'hotnme ct dans un tat de lumire, de libert, d'irnmortalit, tomb par se faute dans le domaine de la nature corporelle et de la mort , dans la rgion cles pres et des rnras, comme dit nergiquernent Saint-l\{artin' mais pouvant remonter vers solt origine par le bon usage de ce qui lui reste de libert 2. Saint-i\fartin ne discute pas en philosophe ou en thologien; il ravive ces antiques idries par une effluve de sentiment chrtien tl'une singulire puissance : c'est Ia vie spirituelle ellernrne qui se montre en action dans sa parole. Quoi qu'on pense du fond de sa doctrine, il est atlmirable quand il montre la science humaine se dispersant dans les phnomnes, au lieu de remonter vers la cause, et s'obstinant follement expliquer I'uniyers sans Dieu, aU lieu d'expliquer I'univers per Dieu. Nous n'aYons pas le suivre dans le dveloppement de son h pri,ori' gigani.rq.,* $, mais nous devons ind.iquer les traces de sa pense dns I'histoire. C'est lui qu'appartient I'itle thocratique qui fera explosion, aprs 1830, tlans la secte saint-simonienue, secte bien contraire d'ailleurs I'esprit de saint-Martin. Le Phi'l'osopte inconnw vcut le gouvernement d'un seul; Ie plus aitnant, Ie plus clalr, I'lromme rh,abitii, doit s'affirffIer' se poser, d'autorit divine' Il n'y a de gouvernement lgitime que cclui de I'homme rblwbi'l'i't
humaine, 2. c'est une des deux grandes explications contraclictoires de la destine qui est Iasration etl,antithse de celle dJnos pres, des druides et, des bardes, dans le plus bas degr de l'tre, avec progression ascendante' du grand mys3, 1l publia d'assez nombreux ouvragcs, tant ot"iginaux que t|aduits ferons mort. de sa poque 1903, 1?75 de Bhme, tique aliemand Jaco5 - Nous sort pas des donnes tle la thologie chrseulement que Sdnt-\Iartiu 'e "*rqou" du mal dans le monde par tienne ordinaire sur te prinup e d.u mal, sur I'introcluct'ion mystique un tre suprieur I'homme ut d.tto avant lui; tanilis qu'un autre clbre

l.

hnprim Lyonr en l?75' sous la rubrique d'Edimhourg'

anges bons et mauvais que du xvnre sicle, le Sudois Swedenborg, n'admet dtautres Les Merueilles d'a ciel et d'e vie. I'autre tlns Ies mes des hommes transmigtes I'linfer, de Swedenborg, furent traduites en 1?33'

Ir 7st ]

CAG I, tOSTNO,

53{

sur les homrnes qui nc le sont pas. Dans I'idal, si l,hu,ranit tait rh,abilite tout entire et releve son tat primordial, il n,v aurait pas de gouvernemcnts : tout homme serait

ciepuis 1776, en r\llemagne, pal. lc prolt,sseur bavarois weishaupt. La mission cle cagliostro et tei de t'availler clisposer la franc_ Inaconnerie franaise dans le sens clos projets de \ryeishaupt. l.
C'tait un Sicilien nomm Joseph Ralsanrn.

luttes dsespres des partis et I'interp.etotio' sanglante qu,o' faisait de ses idrj:, fut enveropp dans ra perscuiion airigoe contre catherine Thot, dom Gerle et quelques autres rvolution_ naires mystiques, peu avant re g trrermidor, par les hommes qui prparaient la chute de Robespierre Il nous faut revenir cles annes antrieures et des person_ nagcs moins purs et prus agissants que saint-Martin. 0n ne peut s'abstenir de mentionner ici une bizarre figure qui apparut dans Paris vers le te'rps o l{esmer quitta cette capitare, en lzgt, et qui, sans faire secte comme Mesrner, fit presque autant de bruit quc I'inventeur cru magntisrne. Il s'agit du prtendu comte de cagliostro', demi-charratan, demi-entrrousiaste , mn par l,am_ bition de jouer un rle extraorcrinaire prutt que par ra cupidit, et qui, grce au prestige singurier de sa ptrysiunoie et cle .u pu_ role, russit se faire prenclre au srieur pn" unu foule de gen* considrables et exercer une certaile influence sur les logc,s rnaonniques, tout en dbitant lcs fables les plus absurdes s"ur. son origine et sur sa vie, et en r,ocJuant Jes mes dcs morts, comme un rnagicien de I'antiquil. Nous le retrouverons tout ;) I'lreure dans ce fameux procs ..lu collier qui doit consonrmer la dconsidration des personnes royales et cclrer la ch'te clu trne. si I'o' peut se fier la crposition que lui arracha, en 17g0, le strint-office de Rome, il aurait alors rvl d'ou lui venait l,ar_ gent qui sullvenait son errantc et somlitueuse eristence. Cet argent serait sorti de la caisse c|.nn granrle socit secr,te foncrr-r,

ou moins obscurment dans la Rvolution jusgu e chez Robes_ pierre, et les ennemis du redoutable chef des Jacobins en eurent I'instinct ; car saint-Martin, fort tranger de sa personne
aux

cette ide, longtemps avant Ie saint-simonisme, s,infiltra prus

roi.

532

LOt

IS IV I.

I r.?:

e]

L'esprit politique avait tldj pntr fort avant dans Ia frattcrnaonnerie. Les tlraximcs de libert, d'galit, de fraternit, que la Rvolution allait bientt consacrer dans la forrnule imprissable de son l,ernaire politique, faisaient le fond principal des hauts grades rcetnment supet'poss la vieille hirarchie rnaonnique : cette lrirarchie s'tait fortetnent concentre,en 1772, par la cra-

tion du Grand-Orient, d'o relevaient toutcs les loges de France et un certain nombre rle loges trangres, et la maonnerie franaise, fidle son hallitude de chercher des points d'appui sur lcs rnarches mmes du trne , avait lu pour grand-rnatre, aprs le prince de tonti, le jeune duc de Chartres. Presque tous les

hommes qui devaient prendre une part de quelque importance la Rvolution figuraient dans les loges cle Paris ou des provinces" tondorcet, membre de la clbre loge des rYeuf-Surs, o fut rcu Yoltaire, a indiqu, dans son
Esqr"r,r,sse des

progrs cle I'nsprit

hntntain, quels coups I'i,tloltrie monarch,irlu,e

et la

swperstttillI

avaient reus des socits secrtcs issues del'ordre des I'entpliers. Dans les hauts grades Se trouvaient d'ailleurs reprsentes les tcndances diverses, contraires tntne, dont nous aYons parl, bien rp'on frit uni par lcs sentintents de philantlrropie, de progrs et d'atranchissement.
Cette diversit, qui existait pareilletnent hors de tr'rance, I'liemand \\reishaupt prtendit la faire disparatre, en mme tenrps que transformer la grande association intellectuelle et urorale en rrne conjuretion uuiverselle. Cet homme, < un des plus profonds conspirateurs qui aient jarnais existr , I imagina de refaire, poul'

drnolir le vieux lnonde, ce qu'avait fait Loyola pour sauYer l'glise romaine: iI organisa, ct de la franc-tnaonnerie et
aycc I'cspoir de I'absorer, une contre-socit de Jsus, avec toutes les maximes et toutes les pratiques des jsuites pousses au del des jsuites cux-mmes : I'obissance passive, I'espionnage universcl, le principe que la fi,rt,itlstifie l,es m'7Aensi etc.2-En quatre ou p. 84. V. tout le brillant chapitre Louis Blanc, Hist. de la Ruolutiort, t. de M. Louis Blanc sur les uolutionnaires mystques , sauf rserve et pour la diflrenee pense de *tre nos points de vue et particulirement pour I'interprtation donne la

l.

II'

Saint-l\'lartin. 2. Il emprunta en mme temps aux gouyernements Ia pratique de la riolatiou du secret des lettres.

ltT??-{

7821

If,I,UIINISN{U,

I,VEISTIAUPT.

S33

cinq ans, il eut tendu sur I'Allemaglle un rseatt llaiment forrnidable, et il ettt, par ses adeptes, la nrain dans toutes les affaires et I'orcille dans le cabinet de tous les princes. Il ne visail pas' tu moins dans le prsent, prparer dcs lnouvements populaires,
mais gagner les personnes considrables et pousscr
SCS

affilis

aux positions influentes, atin de circonvenir et de tliriger leS gouyernements. Quel tait donc le but de l'illwmi,ttisme, nom que la doctrine secrte de lYeishaupt emprunta aux mystiques? Ce but, pour lcquel il dployait des facults pratiques si surprenantes, qu'il poursuivait en remuant tant cte choses et tant
d'hommes aycc une ardeur si pre du succs et si peu de souci de la rnoralit, tait I'utopie la plus insaisissable qu'et janrais pu rver un penseur solitaire loin du monde et de toute ralit. On ne pouyait gurc voir un tel contrastc qu'en Allernagnc ! Weishaupt

avait rig en thorie absolle la boutade nlisanthropique de Rousseau contre I'invention de la proprit et de la socitlt, et , sflns tenir cornpte dc la clclaration si nettetnent forrnule par
Rousseau sur I'impossibilit de supprimer la proprit et la socit

une fois tablics, il proposait pour tinl'itl,untinsme I'abolition de la proprit, de I'atrtorit sociale, de la nationalit', et le retour du genrc lruntain " l'hcu,reu,n tat oit, iI ne forntait qw'a sewle fo:nilter, SanS besoins factices, SanS scicnccs inutilcs, tout pre tant prtre ct magislrat. Pr'trc, on ne sait trop de quetle religion; car, malgr les frquentcs invocations au lJieu de la nature tlans les initiations, bicn des indiccs font prsumer qneWeishaupt p'avair, comlne Diderot et d'Holltaclt, d'autre Dieu qttc la nature eile-rrrme. De sa doctrine d'coulet'aient ainsi I'u/tr a -hgi:Iian sme allernanrt et le systrne tl'an,-arch,ie tlvelopp rcrcctntnent Cn FrAnce, oir sa physionoruic accuse unc origine tranqre2. L'lristoire dtaille del'illt.tntlrtisnte allemantl lt'cst pas tle notre
I. C'es ici que se manifeste le plns clairement I'esprit chimrique de \\-eishaupt. Rousseu,;arclrrrt Ie bon seus drr guie jusrlue rlans le paratloxe, sarait tt's-bien que le genre humain, l'tat suvrge, loirr de futmer une setrle famillet ne pouvait offrir qne tles intlividrrs isols. Il ri'teit qnre human que vittuellernent' il ne l'tait ps eu fait, puisqu'il n'avait prs conscicrrce de scrr unit. 2. Q6oiquc les murs franaises soient souverainernent opposes au comtnunisme, I'esprit utopique, err Frtrncc, quand il s'attaque la proprit, est plrts rraturellernent enciin iuvoquer la courrnunut organise que I'on-arcilla: elle-ci est allemaltle.

o+

LOUIS XVr.

tentative pour s'etnparcr de la franc-maonnerie. Les ill*ntirt,s disputrent Ia dor'ination cru congrs aux mystiques rnartinistes et slverlenborgistes, et obtinrent I'affiliation 'un grand noml:re de dputs; mais ccs acrrrsions, qui n'alraie't pas jusq*,au fond des choses, nnerlrent pas, hors de I'Allernagru, i.u suites qu,esp_ rait Weishaupt. La propaganrle des illtunins continua toutefrris ses progrs; rnais il tait bien clifficile qu'une pareilte organisa_ tion pfit longtcmps sccrfe : son esistcnce fut rvle, de 'ester 1785 tomhrent da's lcs mains de l'lccteur cle Bavire, {ui, dirig vraisernblablement par les c-r-jsuites, Tit imprirucr et envoya ccs pices tous les gouve'nemcnts de I'ltrtrrop*, 1rou.. les prvenir
I786, au gouyerner'ert bavarois : res papiers de lveisha'pt

il engloba tant,t. g*n. qui entendaient tout autre'rent que rui rc p.ogi.o, de |rruinanit. te fut en 178z,lors du congrs gnrar t.ou par res dlgus cres francs-rnaons de tous pays wilrcmsrlad, qu,il fit sa p'incipare

seulernent d,obscr.ver que la gra'cle major:it tles ill'unns ne furent jamais initis Ia pens. .nti.* cre weishaupt, ce qui exprique Ia facilit avec laquelie

sujet.

Il importe

[{182-1786]

srvedcnborgiens

grand tr'rdric, tait cornplte'rcnt clonri' par 'eveu lcs rnystiques

sieurs autrcs princes allenrancls taicnt aflilis itrx i,l,I*nt.ts de lveishaulit, pendant que Ie prince hriticr de prusse,
du

le duc de saxe-Gotha, guc weisha*pt pros*ii trouva un asile jusqu' la lln cle ses jours. 0e cl*c, le Pri'ce Ferclinancl de Brunsrvich, si far'errx depuis ra g:uerre cre scpt

du danger que couraicnt tous les atr[r?s et tllrsles trrtcs.0nne tint pas grand cornpte de cet avis, et ce f*t chcz un pri'cc souvcrain,

Ars, et pru-

arriver au hut. 0n cloit nanmoins reconnatre que,lorsque octata la Rvolutio' fra'aise, nos a'nes rencontrr.ent d,utiles ruxiliaires parmi les,ittumins des provinces rhnanes, qui voulaicnt
1. ce fut pour complaire au grand Frdel*ic et pour a*acher son neveu aux r.ilu_ mins, c&n on confondait toutes les socits secrtes sous ce rrom, que lvlirabeau crivit sa Leilre sur Cagliostro et lataler: I7Bti.

cles masses o tant que lcs hornmes seraicnf ce qu,iis so't, et dclarait qu'il faud'ait peut- rre rles miile et ntillc a'ls pour

rien craincirc cl'un rfonnafeur qui ne lcur avait pas tout dit, et qui, d'aillcurs, dans les initiations, protestait contre tout appel
force

et autresr. Les princes afllis ne cro5,aielt avoir

It?761

tIRNCS-IIONS.

IItRI}BAU'

ii35

probablemcntallermoinsloinqueleurancienchef,maisat'river
plus vite.

aucune part personnelle aur prs sa retraite Gotha, ct grands vnemeni- qri suivircnt rle lYcishaupt ne

prit, du restc'

lesrelationsqued'autresclrefsillumins'SeSSu0ccsseurs' parisienne, purent bien y innourent avec la franc-maonnerie

troduirequelqucsprocdspropres,.'*.'''retfortifierl'unit nullement les prind,action de l'ordrf , mais n y introcluisirent


chez Babeuf, venaient sous une forme matriclle et violente

Les doctrines comurunistes qui se cipes personnels de weistraupt.

montrrcntplustard.sousunefortrrevangliquechezEauchet, plutt

detrforellietcleMabli,bi.enoumalentendu,qtteduchefdes I'instrunous, jusqu'en 89, itlwrntns.La maonnerie resta chez laboratoire de la Rvoltrtion' ment gnral ac ia philosophie et le

nonl,organed,unesectetoutexceptionnelle.Enunmot,ellefut peuprscequevoulaitd'elleunhommed.'ungnieaussipra. de la
tique que celui
cle

projet \Yeishatrpt l'tait peu' et qui avait tlme mornent au prcis' rformer pour lui donner un but ltlus 1776, Bn ron i,Iluminisme. o wcishaupt songeait la noyer ilur,,

lejeunc\Iirabcau-avaitrdigunplanderformeotrilproposait modration, mais avec l,orclre ,noique de tiavailler avcc progressivement lc rsolution et activite soutenue, transformer monde,minerlcdespotisme,poqrsuivrel'mancipationcivile, conorrrique,religieuse,lapleineconquteclelalibertindi.
vidueller.

et ce Turgot cl,acl,ion. Tantlis quc Yoltaire, Rousseau' hornmcs -quifaisaitleliendecesd.euxespcesd'homnes,descendaient


se rlcssiner rtrange et tumultlans la tornbc, avait commenc de

Leslrommcscleperrse'Y0ns.notlsdit,faisaientplaccaux

tueuse{igurede}|.irabeau'avecsamagnifiqwelai'dewrilluminede

tantd,clairs,laicleurcleTitangalementpuis.santpourlebienet foudre' oir se colnpour le mal, physionomie -sillonne par la

battenttessignesdelapassionlapluseffrneetdubonsensle fch de ltre, plein plus profond; grand tto**e vicieux et bien d'habitudes qu'il ne de regrets Aori pass qu'il ne peut effacer,
I.]In.cleMirabeau,t.II,liv.\rI.-Ilpoussaitalorslamodr.aiiorrjtrsqrr'
admettrelesirrtlemrritspourlesseigneursqui-.e,,onceraientauxdroitsfodau.r.

536

tours xv t.

[177

r,-ti7s't

son temps et Ie chef incontest du plus grand mouvement de I'histoire. Du nroins, rendons-lui cette justice : travers les misres rnonales et les dplorables transactions de sa vie, c'est avec une entire sincrit qu'il poursuivra la conqute des institutions libres, assu-

peut rompre, et qui reste, dans le vice, trop haut d'esprit et mrne de cur pour ne pas sentir le prix de la vertu, de cette vertu qui seule peut-tre lui manque pour devenir le premier homme de

et partie des sentiments, i[ combat le despotisrnc, toute espce de despotisme, comme un ennemi personnel : tran de prison en prison par les lettres de cachet qu'a obtenues son pre, it crit l'Essai sur Ie Despottsme au chteau d'If (1772), vingt-trois ansr; l'Aais au,n Hessois, pour les engager refuser obissance I'incligne prince qui vend leur sang aux Anglais (1777), dans son refuge de Hollande; le livre sur les Leltres cle cachet, an clonjon cle vincennes (1778)2. chacun de ses livres anonymes, dont l'loquence abrupte reproduit la vigoureuse originalit et lcs clats cl'icles de son pre, dbrouills du fatras et de la confusion clu vieil conomiste, chacun de ses livres est nne action. ses ercrits sont dj ce que seront ses immortcls discours. Lui, son toLrr, aprs Turgot, il reprencl le clesscin de transl. .
L'lromme social est bon, quoi qu'en pre et cles zrutres conomistes, comme incolrpatible avec la libert civile, et qu'il crit cettc' phrase nrena1te: " Je demande s'il est aujourd'hui un gouvernement en Eu"ope, les confdiations Helvtique et Batave et les les Britanniques seulcs exceptes, qui, jug d'aprs les principes de Ia Dclaration du congrs amricain, donne le 4 juillet fZfO, ne ft dchu de ses droits. " Ce livre est en quelque sort le Contrat social revu et limit au point de vue de I'application prochaine. Ainsi [Iiralleru, tout en posrnt la souvcrainet ilu peuple, exclut, comme Yoltaire et lfabli, les proltaires tlu droit politique, exclgsiol srrr laquelie il reviendla plus tard; et, s'il veut que Ie peuple soit arm (lagarde nationnle), c'esi la portion possdante et fixe du, peuple. Il rclame la responsabilit de tous les magistrats, la sparation totale du Iigislatif, de I'excutif et du judiciaire, I'alrolitiol des substitutions, toutes les lois devant favoriser l'ealit.

rant ainsi son orageuse nrrnoire I'amnistie de la postrit. victime de I'abus du pouvoir patcrnel, fils d'une race fodale conserve dans toute sa force et sa violcnce prirnitives parmi I'amollissenrent gnral de la caste nobiliaire, rvolt contre sa race qui I'opprirne, rnais gardant d'elle les ncrgies, Ies instincts

2. C'est l qu'il rfute le

ait dit

Rousseau,

etc.

desqtotisme clair de son

trT;s-i,j8tl
f'on"rner

IItRABEAU.
cles

oJl

ne suftit tout autres. Le tcmps a march. La rforme par en haut Il faut nlirabeatt la rvolution par la 1ilus, n,est plgs poriibl.. encore la tration, mais avec le roi en tte. En deux mots, c'est trne n'est royaut; ce n'est plus la monarchie. L'hrcldit du du souverainet la pli,, u' principe, mais un fait subordonn

la monarchie, mais par des moyens et rians

conditions

peuple'. encorc que La rvotution avec la royaut est bien plus difticile chances de ralin,et t nagure la rforme par la royaut : les moindres; ltettt= sation, surtout les chances cle dure, Sottt bien

tt,en,ya.t-ilptsencoreirnpossibilitabsoluc,aumoinspollr
une courte Priotle. 1780)' tr'IiraA pcine sorti de sa longue captivit (vers la fin de se rapprobeau- s'vcrtuc se racheter de sa dconsidration, qu'il continue tnnretetnps en le conseiller, cher clu potrvoir pour II crit rvohrtionnaires' clire, ses crits novateurs et, pout' mieux la ratnener lui de ain elle, un urtnoire la reine : il rve pottr des mirlistre de popularit et d'occuper son activit une sorte

fortne L.,ux:arts : il veut qu'elle fasse achever le Louvre; qu'elle la galerie cltr, JIuse avec tous les chefs-d'uvre des arts enttrsss rnet, sur obicurment dans les combles des rsitlences royales; il ou gl'aningnieuses foulc d'icl'cs I'emJrellissernent de Paris, une sous publie, il part, autre dioses, en partie ralises rlepuis. I)'ttne scs I'ranhlin, de son noln ct avec un grand clat, I'instigation espCe tOute Cottsirlratians sttr l,'orclre tle Cir"tcinnaltrs, o il attaque de privitgcs nobiliaires, cn attaquantl'espce de chevalcrie rpublicaine que viennent d'tilblir entre cur les ofticiers de I'artue libratrice des tats-Unis (septernltre l?St)2. Il s'efforce cl'avoir

'

u'

pied chez les ministres et I'autre sur le terrailr le plus avanc parole tles crivains les plus harcris. Durant plusieurs annes, sa prophtique ne se lassera pas cle retentir aur oreilles dcs ptrisionir, qui vont cesser rle l'tre ! llais quel prophte lcs puissances
destines prir ont-ellcs

janais cout!
t' V, p' 36'

2. Le pril de cette association tait dans le tlessejn L1u'rrvaient les officiers lls y renonamricains tle transrnettre Ia coration tle Cinclrnattts r\ leuts e'rfattts.
crent"

L.

Lettres ile co'rhet,

tp. IInt'. tle l\Iirabcau,

LIVRE CVI
t0UIS XyI (r/N)
Dnn*rp*s
JoTIRS DE L noNRcnr'.-Ilinistre de car,oxx'. chaos cres finanees Procs d,u colrier.- calonne veut tenter son tour la rforme. Assp,nre,,n DEs NoraBr,ns. Aveu du dficit. chute de calonne. Ministre de Brienne. La - Le lutte recommence eutre la couronne et les parlements. parlement de paris de mande les r.c.rs-cxn-l.ux. Abaissement au dehorsl affaires de Holrande. Brienne recommence lUaupeou cont'e res parrernents. La cour prnire. La noblesse soutient les parlements. Troubres en Bretagne, en Barn , en Dauphin. Assemble de vizille. promesse des rars-adN"]^ux pour 1?gg. commence_ ment de banqueroute. chute de Brienne. Rapper de N:ecker. seconde assemble des Notables. Immense mouve'rerrt de ra presse politique. Lutte errtre re Tiers-tat et les privirgis. pamphrer de srnyi , Qu,;r;-';;'q-ue u rtrrs-nmtz Troubles de Bretagne. lftn,rnr:.lu en provence. Electiorrs. Les c,rHrnns. ouverture des rers-adxRArlx. Le'riers-tat se dclare ASsDITBLn x.lrrox,r.r,n. FrN nn r,'Angrpx Rcrmp xr Drr r.rq. Ifow,rncnln.

1793

fi'

t7gg.
de la guerre eut remis le pou-

Presque aussitt aprs que la

devait llrter, quelque tempsr pu de ternps, Ie secours de sa plume. 0uelle tait la yaleur relle de ce personnage si controvers? sur la moralit de calonne il n'y a qu'une opinion'; sur sa capacit, il y en a deux. Tous lui reconnaissent un esprit sduisant,

voir royal face face avec les prils intrieurs, nous avons vu tomber le ministre des linances, le principal ministre, clans les mains d'un nouveau contrreur-gnial qui llirabeau

r. sa conrluite en'ers La chalotais avait t prus ignominieuse encore que nous ne I'avons dit : il avait reu les confid,ences de ce grand magistrat avant d.'ourtlir une trame perlide pour le perdre.

tr?831

OaLONNE'

l;39

lrnegrandefacititdeconceptionettlerravail,undonsingulier se laissait genOral' on a cru' ou qu'il defascination; t*ft, en ou arttres' dont il fascinait les emporter lui-mnre aux iusions

qucsalgretp*'ut"tjouaitlesdestinesdel'tatauiourle est < Lc succs tlu rnoment jour clans un granrl jeu * -hasard' llirabcau d'e votre vue' )) lui crivait toujours le dernie' tt"ot rlansuniou,a,.olre;<jamaisvotrellorizond'idesnes'tend au notre temps2 a cru reconnatre' plus loint. > Un historicn de Calonne que n tirit qu' ia surface. et conlraire, qo. tu irivolit
avaitsuiviunclesseinprofondetunplanfortcrnentconu.Calonne .o,ttroe nous allons le voir' achev Ia ruine dcs financ.r,

daurait queparceq,,*,^p*uad.quelescJemi-rnesuresseraientimpuissatrtesetquetesprivilgisncrenonceraientleursprivilges et au bord d'un gouffre O o"t nlcssit absolue


qu'cn prsence

effroyahle,ilvoulaitlcslllenerleurinsujusqrr'au]rorddece souclain'

gouffrc et les terrifier en le leur-dvoilant chez cet cl suite et de profoncleur Nous o* .roy-o-* fas r tant

ltomrne.I\ousnecroyonsDsrronplustoutl'avetrglementque *tt't]li:
d'autres tui prtent'

lcs linanccs colnrne ":tt pour ne pas au tnoins entrevorr milisl,aventurier avait op t'esprit

it p"noit

quon{irriraitlrararriver'rrnesituatiorroirtouslescxprlietrts
connusdevierrtlraierrtinrpossiblcs.ttRajustonsleschoseSaYecclextpourrtns force de charlatanisrne rit, soutenons-les tant que nous

etr],auclace,vivonsjoyeusem.,'tu.'jourlejgrrr,accordorrsqui les une dlrnire fte; 1tuis, quand demande, donnons Ia cour toupesserontvicles,sinottsncll0uYorlspluslesrcrrrplir,nous et' nous tranchenous lancerons sur la mer des

grd.t

rformes

rotrstluTurgot,lepltrstarclpossi]rle.[nattcnclant'nousaurons vcrretjoui.,voitiprolrablerrlentlescntitnetrtlraidcccthotntne, au vieux Xlachault' qu il ne qui avoua un grave llcrsonnage' dr] roi sans le tnauvais tat des se ft pas charg des affaires
sienncs
3.

t.V.levigouretrxfactumtlei\IirabeaucontleClrlonne,lp.trInl.deMirabeau, t. IV, P' 192' 2. 1\{. Louis l}lanc, Hist' deIa Rdtsolutton fronaise'':-tl:,"}, "' urinistre' qui

grnd tonnenient.cle I'ancien 3. Illrri t bien uu autre avcu' au rriter urle conficlerrcc si exri i'oft', proptes f .po"t n,avail rien fait, suivarrt se-l arcr'l lc roi' il avait entrevue preurire sa tto"' traordiuaire' ' 1l lui r'aconta qun'

depuis la chute de Necker, en deux ans et demi. Il existait un arrir de 220 miilions sur la nrarine, de t?0 rnilrions sur clivers autres olljefs, 176 millions d'anticillations et g0 rnillions de clficit sur I'anne courante, en tout 646 rnillions de tlette flottante exigible. Le revenu annuet tait a*iv bOb rnillions; nrais il en fallait retrattchet 205 pour rentes cons{itues et i.trts d,ava'ces et de cautionne.ments, plus 45 pour remhoursements d,annuits et de loteries; il ne restait qr. zrs nrillions disponibres, et les dpenses ordinaires en exige.icnt au moins J00. Le dlicit annuel, jusqu'au rernboursement total des annuits et des loteries, c,est_ -dire pendant rrien des annes, rrevait donc tre d,une cinquantaine de millions2.
calonne dbuta brillarnment. Il se {t bien ve'ir de Ia majorit du conseil s en arnenani vergennes consenrir la suppression du cornit des {inances, qui faisait une positir.rn infrieure ceux des ministres qui n'en taient pas mernbres. Il gagua res financiers err rfablissant lc liait dcs fermes (g novcrnr,,.* rTsJ). II'ereva Ie

et res banquiers, re deux forrnes, taient clsorga'iss par la rupture du bril des fe'nes_ et par ra suspension des paiemfnts de la caissc d'escompte; la dette co'solid s'tait

crdit sous

Xvf. n7831 roi taient en effet claus une positio* dplorable lorsque calonne entra au contrle-g'rat : le tresor tait vider. La vieille et ra nouveile finance, Ies traitants
LOUTS Les alfaires du
ses

510

augrnenre de 345 millions

crdit en supprir'ant le cours for.c des billets cle la caisse d,escompfc avanf le drai fix par son preicrcesseur. Les banquiers et un agenl de change du Trsor mirent la caisse e' cle faire face ; un procs-verbal favoralile du passif ']esurc et de I'actif de la caisse, lanc habile'rent dans re pubric, ranirna ra confiance; miile nouvelles actions mises se placrent slns difficult, et la caissc
avou Louis XYI p20,000 francs de dettes exigibles. , Un contrleur-gnral, avait-il dit au roi, peut trou'er facilenrent les.moyens tre s,acquitter; nrais je prfrc tout devoir aus bonts de Sa illajest. ,l_esi5, sans ilire uo'.ootr-atta prenclre darrs un secrtaire 230,000 livres en actions ile la compagrie dcs euux ,l paris, et les reririt (laloDne, qt:i garda res.actions et srt payer autremeut ses dettes ! Monthio,, Particulartlds sur /cs nrfrrislres dee -v. finances, p. ZZS. 1. Il n'y avait que 860,000 fi.ancs.r.r.n;.rn : calonnc, tlans son Mtnoire au r'i, pour proil.ire plus d'effet, dit qu'it n'y nvait que deux sacs de ipoo .."ur.

2. Bailli, llist. fimtrcire de la lrarrci, t. II, p. p50. 3' Il e'tra a* conseir, corurue rninistre ,r'tat, re 23 jarrvier i?g4.

[r?s3-1?84]

Ir

t]

aN

CES'
faveur

5it

reprit Ia plus grande largit ses oprations et de son pr'pour fermer un emprunt ce de profita 'ucc' en- rouvrir un autre pas t rempli, et pour dcesseur qur n avait sduisantes pour les

r' talonne

!";i; de 100 rnillions .,

oiugr, cles .onoitiotts Le parlerncnt l'tat (dcernbrt tl93)" prteurs et onerJu;;p;"t II n'en cotrtait rien Calonne

enregistra, uot' O'Jp'e""tations' des ploT:::ts' Il les avait par de rpondre des remontrances de fdit d'etnprunt' prambule Ie prodigue, d'uou"te dans toutes les l'arrangenrcnt' prsidaient
<r

L'ordre, l'conomie' et les retabil Lntre les recettes tt oprationr; f i*ntOi f Oquifinle ' inrpts' des la diminution du poicls o/o prix cl1ienses, ouuiionooir* le stlr gasna- t p' I L'entpruut russit tellement ' *O pour retirer qui profituit de la paix tl mission. f'.., offandais, en France ' d'Anglcterre e-t I'apportcr leur argcnt de lu bunqu, promptitude du placer'ent' aidrent b*ott'oop A la comrnencer 14 rnars tlg+' sernbla Un alrt Oo to""il' du t long et de calonne. L'hiver: ayant iustifier tes beuli-faroles le roi accorda 7 rlillions tlur, et ,uini o."iri"o- auoordenrents, ensecoursetrparationsqurdurenttreretenus'elltnajeure 0n partie,parvoiederetranchttttn''surlamaisonduroi'surles Ies grces et les gros traitenrents' htirnents, lcs pensions' annonaitqu'onpoussaitactivementlestutleslrrlraratoir'es douanes inttlpour la suppression dcs (contnenct' sous Turgot) d'atnortisse1?84' ou recra utle caisse rieures. 'to mois d'aodt on attribua "'lu'toelle par an' gt qu on Aot* At 3 r'niltions
ment,

enoutrelesarrragesclesr.n*rpcrptuellesqu'onarnortirait avecces3millionsetdesrentes'viagr'es,mcsuredeleur suivant les rnillions de francs par an' extinction, uri*u, 12 calculsfournisrCalonnepn'o"amidellirabeau'urthabile le mcanistne de Panchau,. n* avait tudi financier, par les Anglais' Ia ".**c l,intrt conrpos, clj ernployjh*or*usement plus de 1'260 rnilu,ooitir en vingt-cinq ans nouvelle .uiri. .oui Ie Trsor que csolide, et librer
lions de Ia dette tant flottante
":::t--1t'"-t^un 1. La caisse fut astreinte fut fix *oo vale*r des biuers circulant; "."o'ji" long tet plus 4 et demi p'rur et 4 po"* roo p"i" "'-tt' rnotrt, t" XXIII' P' 35' avoir toujours

ti

.s""t:-::ir#liiJili:

quart au moins de la

suspendrait pas les oprations de cet tablissement librateur ,. Les sages secouaient Ia tte; mais le public fut un moment bloui. calonne fit un tour cre force vraiment incroyable. s'il y a, dans ce peuple trop oubrieux, un groupe de population qui ,* souvienne et qui garcle obstinment ses affections et ses haines, c'est sans cloute la Bretagne. c'tait dans Ie pays de La chalotais qu'on devait Ie mieux connaitre calonne ! eh bien, il trouva moyen de faire crier : viue calonnel dans Rennes mme, la porte de ce Palais de Justice tmoin de son ignorninie! son prdcesseur, le garde des sceaux et le minisire de la rnaison du roi avaient complot de supprimer les tats de Bretagne et de rduire cette province la condition des pays d'lection. calonne tit aban_ donner cette tlangereuse et inigue entreprise, protesta, auprs des Bretons les plus influents, qu'on I'avait calomni autrefois, le leur persuada moiti, fit rendre aux Etats cle leur provincc la libre nomination de leurs dputs, avec d'autres concessions, et en obtint avec acclamation un don gratuit clouhle cle I'ordinaire
(novembre
en joie que le public; mais les choses allaient prcisment beaucoup trop bien au gr de ce petit

tS X\'I. t178+1 de 91 rnillions d'arrrages et d'autres engagements annuels. calonne clclaraif que la guerre mme, si elle se renouvelait, ne
6tto),

LOL:

- dcembre 1784) La cour tait bien autrement

2!

Il leur expliquait sa vraie thorie conornique, la l,arge conon"rie, qui consiste dpenser beaucoup pour paraltre riche, et paraitre riche pour pouvoir emprunter beaucoup. Les gens de cour entendaient mieux cette conomie
parlements, devant le public.

monde privilgi pour que cette satisfaction ffrt longternps partage par la grande socit. calonne riait le prernier avec les courtisans des graves maxirnes qu'il talait devant le roi, ilevan[ les

que celle de Turgot ou de Necher ! La pratique rpondit Ia thorie. Le Trsor fut ouvert sans rserye aux princes, la reine, aux personnes en crdit. Les frres du roi ne se contentaient pas de leurs immenses reveilus: on pay leurs rlettes; la reine rtsirait saint-tloud; on acheta pour elle cette rnagnifique rsi-

l,
t.

Anciennes lois frau,aises,

ler, p. .154. 2. lldm. de lJachaumout,

t. \XYII, p.46tr. - Bailli, t. II, p. g53, _


p. 101,

Droz,

t. XXVII,

Droz,

t.

Ier,

p.

40?.

[L?s5]

GASPTLL AGES,

dence

cgmme on I'a dj

du duc d'Orlans ; Ie prirrce de Gumen avait fait, dit, utte banqueroute de 30 millions : on lui racheta, pour le roi, un prix exorbitant, le domaine de

Lorient et quelques tutres proprits fodales des Rohan, afin de I'aider apaiser ses cranciers. Tout grand seigneur obr qui avait une terre vendre venait I'offrir au roi; il y eut, en trois r. alls, pour 70 rnillions de ces acquisitions inutiles et onreuses Ceux qui voulaient changer et non Yendre des domaiues n'taient ps moins bien reus, et il n'est pas besoin de dire que ce n'tait jarnais la couronne qui gagnait aux changes; Calonne et ses amis ne s'oublirent pas en obligeant autrui. Tous les moyens taient bons au contrleur-gnral poul. se faire des partisans. 0n vit reparaltre les croupes et parts de faveur dans les ferrnes et dans les rgies, les baux et les marchs SanS enchre, huis clos, les augmentations et les SurYivances de pensions, et cela au moment mme o une dclaration royale (8 mai 1785) annonait qu il ne scrait plus accord de pensions qu' mesure des extinctions. Les droits du Isc taient non aYellus l'gard de quiconque avait accs au coutrle-gnral. Chaque jour, Calonne accordait la diminution ou la rernise cntire des droits qui pesaient sur la transntission d'une charge ou sur la mutation d'une proprit fodale. Chaque anne, le revenu des douraines, des aides, des tailles et des gabclles perdit plus de 2 millions par des rernises de faveur. L'immensit des acquits de cornptant, des dpenses soustraites Ia comptabilit rgulire, dpassait, depuis la chute de Necher, tout ce qu'on avait vu sous Louis XY. Les acquits de comptant s'levreut, en 1785, plus cle 136 millions2, sur lesquels plus de 21 millions sur ordonnances au porteur' sans qu'ott pttt connaitre quclles pcrsonnes ni pour quels objets elles avaient t rtlivres ! Toutes les dpenses augmentaient dans des proportions insenses. L'esprit de paresse et de dsordre envahissait les bureaux, l'exemple du calrinet du rninistre. Ce qui faisait huit divisions et cotait 300,000 francs du ternps de I'aTrl-r Terrai,

l. Il falt ilduire du compte de Calonue Rambouillet, achet aYaDt son avnen:ent, malgr son prdcessetlr. 2. Ils avaient t plus haut encore en 1?83 ; lass 145 rnitlions' - V' Bailii' rftst'
firrarrcirc,,

t. II, p.

266.

')4it

I,OU{S X\rI.

{{783-l ?86}

Iaborieux et range ctans ses vices, tait transflonn, sous calonne_ en vingt-huiI dpartements, qui clpensaient J millions. a travers tant de dilapidutions folles et coupables, une seulc
espce de dpense et mrit des loges, quoique le faste y eit encore trop de part, si la continuation et I'achvernent dc cc qr,'n,,
pr.-

entreprenait eussent t assurs par une adrninisfratiorr

voyante. c'taient ces travaux partout commencs pour I'ernbellisscment et I'assainissement des grancles villes, et surtout lcs travaux des ports de mer et des cauaux, travaux dans lesquels le
gouvernement tait second, cluelquefois devanc par les provinces et par les villes. A voir I'activit fconde qui se dployait pour

agrantlir ou arnliorer les ports du Havre, de Dunherque,

clc

Dieppe, de la Rochelle, d'gde, cle tette, pour achever la canalisation du Languedoc I, pour joinclre par trois nouveaux canaur le bassin du Rhne ceux de la Loire, de la seine et clu Rhin ,; yoir cette titanique entreprise de Cher{:ourg qui clevait cnfTn raliscr la pensc de tolbert 3 et clonner la France, en dpit de la

nature, un fonnidable port de slrerre I'entre de Ia ]Vlanchc, qui efit pu se croire la veille de la chute cl'une moncrchie et
d'une socit? Pour sulrvenir aux exigences d'un tel prsent, calonne achevalt de dvorer I'avenir'. Il payait, par an, peu prs l0 millions pour intrts d'avances faites au Trsor.. Il venclit aux comts de Barsur-seine et d'Auxerre le rachat des aides perptuit; afin d'obtenir des [tats de la Flandre mar,itime un prt de l0 nrillions intrt, il lcur engasea, pour dix ans, moyennant une faible redevancc, les taxes sur les consornmations, appeles Droi,ts cles quatre membres de Flwtdre. restaura le rnonopole du comrnerce dc

Il

I'Inde en lbndant une nouvelle cornpagnie privilgie, dont


1. Canal de Beaucaire Aigues,lVlortes.

il

2. canaux du centre, de Bourgogne et tlu Rhne au Rhin. Les plaus du canal de Berri furent en outre arrts en l?86. 3. Et dpasser la pense de Yauban, qui voulait seulement creuser port por trente quarante vaisse_aux, vers le lieu appel la ltosse ilw Galet, Le gigantesque projet de changer la rade ouverte de cherbourg en une rade que fer-e1ait o,r* ilg artificielle d'une lieue de long, cottsl,ruite une lieue rle la cte, fu propo*s par le capitai'e de vaisseau La Bretonnire, en lz??. on adopta son ide, mui, ,roo p*u ses moyens d'excution, et, aprs la paix de l?BB, (rrr colnmenga la constrgctiou de la proiligieuse digue d'nprs lc plan de I'ingnieur Ces-cart.

'n

n ?841

CALOfir\lr BT NECKUti.

&.r

courptait tirer quelrlue a\rrnce I'occasion r. Il battit monnaie avec des crations cl'offices clans les finances, rtablit tous ces ofliciers alternatifs, tous ces doubles ernplois qui avaient clisparu sous Turgot et sous Necher, et fit un norme cadeau, toujour.s aux dpens de l'tat, aux receveurs-gnraux qu'il venait tle reporter du nornbre de douzu celui de quarante-huit. Il circulait encore l)our'32 rnillions de ces rescriptions dont le paiement avait t autrefbis suspenclu par Terrai. Au lieu de faire racheter par la
caisse d'amortissement ces effets dprcis, calonne laissa oprer

ce rachat,

bas prix, par les receveurs-gnraux et leur en tint

compte au pair.

Le premier ernprunt de calonne et les fruits cle ses expdients Il fallait de nouvelles masses d'or, et dj, cependant, le public se dsillusionnait. Une publication trsinopportune pour le contrleur-gnral eut lieu sur ces entrefaitcs (fin 1784); ce fut le livre de Necher sarl'ArJntirtistrati,on cles finattcesz, uyre des loisirs d'un rninistre dchu ct fort dsircux de sc relever et d'en dmontrer la ncessit au public. ce livre, loin de pcher par I'excs de hardiesse, indiquait un esprit dj dpass par le mouvement des choses : Necher en tait encore irtrx rformes partielles et cornpatibles avec le maintien cles pririlges; nanmoins le bon sens et la rnoralit qui caractrisent ses vues offraient, avec ce qui se passait au contrle-gernral, un contraste qui ne pouvait chapper personneB. Ses plans sur la rnodification du fonds et de la perception des irnpts fnrent tlc\s-bien accueillis de cette opi,ttion, pu,btiqwe laquelle il avait coutume de faire appel, et I'on fut indulgent pour la personnalit outre qui rend I'introduction de son ouvrage presque nausabonde. Le roi, au contraire, fut fort mcontent que Necker et imprim et rpandu son livre sans autorisation : une lettre d'envoi trs-respectueuse ne le rconcilia pas eyec I'auteur, et il fut un rnoment question de signifier Necker qu'il ert quittcr la
taient consomln('s.

l. Le comnrerce de I'Incle , si dchu, avait remout de B uillions 20 millions dtpuis la suppression du monopole. 2. 3 vol. in 8o : ne porte la rubrique cl'aucune ville. 3. Il y a, dans son livre, uue bonne rfutation de I'impt unique sul le sol, voulu prr les plrysiocrates (t. Ier, ch. vr). Il combat arrssi, au point de vue pratique, I'ido pkls plausible tle I'ir'pt unique sur les facults prsumes de chacun.
xvI.

f /lLt)

LO

UIS XV I.

u 784-l 78r

pOur liolaFrance, ou mtne de clfrer son livt'e aux parletlents

tion

tle s

secrets de l'tat. Le

roi ne sc rlcicla pas allcr si loin;

nlais le sjour de Paris fut interdit I'ancien nlinistler. cela ne ralllena point calonne les esprits, qtti commenaient d'utle de s'alirrer. IJn second ernplnnt cle 125 millions, combin fort dsavanmais prtcurs, les pour I'aon nouvelle et attrayante qu'aprs de tageuse au'Irsor3, r0 ftrt enregistr au parletnent

vilcs reprsentations, et sur l'orclre exprs du roi (30

tlcetbre izsa)3. cet ernprr_rnt prit bien dans le premier rnoment, grce son habile distribution; urais la confiance lle tarda pas d'escornpte, aisse Ia financires, Ilaisser, et clivelses comp1gtlics Ia Cornpagnie des eaux de Paris, Ia Banque espagnole de saint(-)larles, firent ulle conctu'l"cllce rccloutable aux rnissions nrinisde ces terielles. IJn agiotage effrn s'tait jet sur les actions qui conseil cornpagnies, calonne prit I'offensive pr un arrt du pass le non-seulcment prohiba pour I'avcnir, rnais annula clans dividencles des actions de la 1{es rnarchs prime concernant les

l-aisse tl'escornpte (janvier' 1?85); puis il lana sur les agiotculs un puissant adversaire, lVliralteau, qui, par des brochures mal'-

choses, quees de I'nergie et cle la lucidit qu'il portait en toutes gouverLe lit baisser le taux artiticiel ct irnmoclr' des actions. se nernent espagnol, protectettr cle la Banque de Saint-Charles, plaignit: Llirabeau fut abandonn et dcux de ses crits ftrrent sttparrt {u conseil; mais' en urt1e tetnps, calonnc pottr1.,rin,cr lrar

contre les rnarchs prime et dclara nttlles qu'il n'a pas et toutes les conventions pal lescluelles I'un vend ce lcs jeux ott tons i'autre achte sans avoir les foncls, c'est--dire cle paiement un par.is sur la hausse ou la baisse se rsolvant eu tertne ouffer.rr.. r. L'at'rt du Conscil ne Yalidait de rnarchs

suivit

la guerre

par des remboursements z:. L'uroprunt devait tre teint eu vingt-ciuq ns, accompagns d'urte augmentatiou tiri,s au sort : les tembourseruents devaient tre en sorte rlr're les tetnies prteurs' la virrgt-ciuquiBre J,rogtessive du capital restant, anne, recevraient deux capitaux pour" un' : t'ehii 3. Les parlements de province rcoD)menaie[t parlelr]'Etats-Gnraux juilleti?g3, avant cal,.rrmel celui de Bordeaux, en janvier 1?85.
terme ,1. It faut avouer q*e le cli'actre officiel tlon' aux marchs la mo'alit pul,rlique! de la Bourse n,ert pis un inclice de progrs dans
<le Besan-on, ils

Il donue les pices 1. Soulavie, Mnt, sur Ie rgne de Louis XVI. t' IV' P'281' rigilalcs annuels

s*t la

crrte

[1785]

AG

lO'f ;\Gll.

:)+ I

que ceux dont les titres seraient dposs en dedans le mois tle novembre (7 aort). calonne avait dpass son but. Toute la
tions qu'il proscrivait : une panique se dclara; I'argent ie resserra brusquement et le papier cles meilleurs banguicrs ne fut plus escompt qu' 7 ou I p. '/o. La caisse d'escompte ne voulut plus avancer de fonds et demanda elle-mme du secours au co]ltrleur-gnral. L'emprunt des 12b rnillions n'y gagnait rien et baissait autant ou plus que les actions. talonne eut beau chercher clissimuler scs ernbarras en rernboursant, par fanlaronnade et sans ncessit, 29 urillions d'inscriptions pour lesquelles l'tat ne payait qrre 5 p, o/o d'intrt (aofit 1785). ses efforts pour relever le cours des effets royaux chourent,. Il dut revenir sur ses pas, et, apr's avoir aid les banquiers sortir de la crise, il se relcha, clans un nouvel arrt, des dispositions rigoureuses de I'arrt du T aorit (2 octobre {785) et chargea des commissaires royaux de faire une espce de cote rnal taille entre les vendeurs et les achetcurs des lnarchs termer.
calonneavait faif sa paix avec les gens de finances, qui voyaierrt, dans lcs besoins croissants du Trsor, la source de nouvr:aux pro{its; mais il ne put ressaisir I'opinion publique dsabuse et il ent la fois contre lui les hornrnes clairs et les masses soulbanque, tous les gens d'affaires taient engags dans les spcula-

frantes. Deux hivers rigoureux, dont Ie second avait t suivi d'une extrme scheresse, avaient inflig de grandes misres aux
calnpagnes. Le gouyernenrent favorisa I'introduction des bestiatrx trangers, interdit I'exportation des grains, autorisa les paysuns
tles

faire pturer leurs troupeaux clans les bois clu domaine et

comlllunauts religieuses, dfendit I'accaparement des fourrages ; mais ccs mesures pr:otectrices, qui n'taient pas toutes galement dictes par une saine conomie politique, lurenf plus que conlpenses pal'l"accroissenrent de rigueur dans les poursuites contrc
1' 1l s'y tait fort mal pris. confiar sans autoriszrtion du roi, prs ile 12 mirIiorts d'assignations sur les domairtes cles amis qui clevaient les ernployer a, sontenrr les effets publics, et qui, soit par ignorauce, soit par friponnerie, soit par
ngligenre, en firerrt perdre au'Irsor la plus glancle partie. , _ ror, X. fer- p. 457. 2. lIern. de Bachaumont, t. XXII, p. gi)0, 24g, ZE6; XXX, p. l. _ An;.t.t,.t,.s Lois franaisesrt, xxYIlI, p. T. ,vnt, cre flirabcau, t. iy, p. iei et suivarits.

.Il

48

LOUIS TVt.

:t782-{ i86J

les contlibuables, et I'on vit avec indignation le fisc arracher violernrnent le denier du pauvre et ngligcr ses droits sur I'or du riche et de I'homrne en crditr. A travers tout le bruit que faisait Calonne, on entendait claquer la machine financire, et aucune rfortne, dans aucun genre, ne

venait distraire I'attention publique. Le parlement lui-mue, si peu novateur, I'instigation d'un parent de l\lalesherbes, du prsident de Lamoignon, avait prsent au roi un mmoire sur la rforme des frais de justice et des pices (mai 1784); le mmoire du parlemetrt restait ettterr Versailles. I-,'anne d'a1trs, I'occasion d'un procs qui excita un grand intrt, un llagistrat du parlement cle Bordeaux, qui s'tait illustr au parquet avant de passer dans la rnagistrature assise, le prsident Dupati, renouvela, arec I'autorit de sa position, les attaques dcs philosophes contrc la plocclttre secrte, I'isoletnent de I'accus et l'cnsernble dcs formes de nott'e justice crirninelle. Le mrnoire de Dupati ayant t publi Palis, le parlement, fort dpass dans sou zle dc rforme, entama tles poursuites contre le prsident bordelais. Le roi couvrit Dupati confre le parlernent, mais on ne toucha pas la jurisprudcnce criminelle (1785-1i86) 3' Le gouvernement allait se disloquer au dedans avcc Calonne; il faiblissait att dehors aYec Vergcnnes, Avant Ia fin de la gtterrc d'rnriquc, il s'tait passri en Burope divers incidents qui avaient petr satisfait I'opinion. Ainsi, Genve, de 1779 t'l82,la rnajorit de la population ayant voulu se soustraire la domination erclusivc tl'urr petit nomllre dc familles, qui faisaient la loi dans le conseil tles dtrw cents, et ayant prtltendu interprter la constitution genevoise dans un sens plus dtnocratiqtte, I'aristocrrnlis stl appcla aux ptrissances garantes du pacte de 1739, c'est--dire ti la .F'rance, la Sarclaigne ct Berne. Les trois puissances intet'vinretrt par les armes (juin 1782), rnenacrent de clonner I'assaut Genl'e et forcrent les Gcnevois de rentrer sous Ie joug de leurs patriciens. Le puhlic franais ne vit pas volontiers traiter de la sorte
nme sujet. On rernarque, parmi les autetrrs, ct du nom de Contlorcet, celui de Rrissot de
Warville,

p, L'crit du pr.sident- Dupati en suscita

1. Bailli,

t.II,

p.

26L.

XXIX, p' 52' IIInt. de Bachaum,ont, beaucorrp tl'autres sur le

t'

il 780-r?8

1l

GENVE. CIiII8.

ii49

le parti cle Rousseau tlans sa propre ville, et touffer la dmocratie cn Burope par les rnrnes mains qui I'aidaient triornpher en Arnrique. La monarchic bourllonienne eut s'en repentir :

un grancl nomJ:re de Genevois, bannis par les patriciens rcstaurs, se rpanclirent en Angleterre et en France, et plusieurs d'entre
eux lgurrent parmi Ies plus ardents promoteurs de la Rvolution.

Quelc;ue temps auparavant, on avait reproch Vergcnnes d'avoil souffert que la nraison d'Autriche s'tahlt sur le Rhin, par l'lection de I'archiduc Marirnilicn la coadjutorerie de Cologne et de Mnnster (1i80). L'intrt de la France et t de s'entenclre avec la Prusse pour empcher ce choix; rnais Ycrgennes n'avait pas t libre : il avait d cder I'ascendant de la i'eine. Dcs r'rrernents plus gravcs se passrent bientt sur la mer Noire. Un clcs rnotifs allgus par Vergennes pour hter si folt la pair avcc I'Angleterre avait t Ia ncessit de s'apprtcr' rnettre obstacle aux projets dc la Russie et de I'Autriche sur I'empire otlroman. On a vu qn'erl 1779, il avait fait consentir la Tnrquie, pour avoir la paix, accdrclet' aux Russes la libre navigation de la mer Noirc, du Bosphore ct de toutes les mers othomaues, I'indpenclance cles Tatars et la rcluction de la suzerainct otho-

nrano sur

la Yalachic et la lloldavie quasi uu vain titre,

c'est--dirc rluc lcs concessions du traitc de Kalnardji in'aient t de bcaucoup dclpasses. ll sernblait qu'Au uroins le cabjnet tle Vcrsailles dt se croire oblig de faile respcctcr le nouleau
pacte.
L,es conditions n'cn furent Pas un instant observcs. Catheline n'eut pas plutt fait la Crirne indpendantc', qu'elle travailla la Ihire russe : I'un u'avait t quc lc moyen de I'antre. Illle snscita contrc le lihan des 'fatars, partisrn dc la Tnrquie, une rvolte

prendre la lirite, c[ fit lire sa place uu succ(]sst souverainct la Rnssie (lin 178?). Lr.s Tatars se soulevt'cnt pour tlfendle leur nationtlit. Ils f'urcnt accalLls lrar lcs forccs nroscovites avec d'effroyiiblcs crnauts; les Russes gorgrenl trente rnille de ces rnatheureur, hornrnes, fernnrcs et enlants. Dcs colonies russes s'tahlirent en crirne : Ti-rman et le Iioultan furent orrcups par les soldats dc Catherirre. La tzarine allait hardinrent ses fins, assrrrc ctu'elle tait ric l'ulrichc 1.rar
cle

rlui I'obligel

seur qui venclit

L;

ti

{.}

LOUIS Xv I.

0 ?80-l?84j

uu trait scct'et. Depuis la rnort de sa tnrer, Joseph II donnait ltleine cart'ire sa doulrlc passion de rfonnes intrieures et tl'envahissetuents cxtrieurs; d'ttne part, il sernblait se hter cle

la France dans I'application des doctrines enseignires philosophes franaiS, sallS y mettre la rserve prudemntcnt les tr)ar goTste qu'avait garde lc grand Fl'dric, son devancier dans
dcvancer tchait cl'appliquer le systmetrspcu plrilosopbique de conuertattce, c'est-i\-dire le droit du plus fort,
cette voie2; cle I'aulre part,
en novernbre 1780. le courant du sicle avait fait quelqucs brches aus abu. du nloler ge. Dfense avait t faite aux ecclsiastiques d'assister la rdaction des testamelts. Le droit d'asile at'ait t aboli, linquisition supprime en i\Iilanrris, ainsi que les prisons monastiques. La noblesse et le clerg avaient t sotrrnis un impt foncier, beaucoup lilus faible, il est vrai, que celui que piryaient les

il

l, Ilarie-Thrse tait morte

2.

Sous X{arie-Thrse mme,

roturiers. Les paysans opprirns par leurs seigrteurs avaient t autoriss porter appel auxtribunaux du souverain. A peine llarie-Thtse eut-elle ferm lcs yeux, que Joseph se donna toute carrirc. Il proclarna clans son empire un systme adrninistratif et judiciaire uniforme, devaut lequel devaient disparaitre les asscrnbles nationales et provinciales, les coutunres lot:ales, les juridictions fodales. Il ordonna I'unit cf impt, la suppressiou des climes, cles corl'es, de toutcs redevances petsonnelles; ii abolit, le droit d'anesse. Sccondant et poussant toute extrmit, atr profit de I'tat, le mouvement qui portait alols les priuces ecclsiastiques et le clerg catftc'lique allemanil restreindre I'autorit tln pape (le nouvement clotrt VanEslien, Hontheim (Febronius), E1'bcl, taient les thoriciens), il interdit lcs tccotrts Rorne pour dispenses et oas t'selvs, les crttnmunicltions directes tles vt1res avec liome; iI rduisitlcs revenus dcs plus riches vchs, supprima des vchs, cn cra d'autres, interdit tous rappotts aux ordres monasticlues avec cles chefs trangers, supprima plus c1e deux mille couvcnts et n'en garila que sept ceuts, ir coudition qu'ils se ouassent I'euseignement; il augmenta le nombre cles curs, supprima les sminailes ilirigcis par les r'ques, prohiba les plelinages , diminua k' uonble tles ftcs, flt composef pour la jeunesse un catchisme politique et moral , iurpril:a une forte impulsion I'instruction primaire, institua le mariage civil, autorisa lc. 6irorce tlans certains cas, talilit f i'galit devant la rnort pal I'uuiformit
cles ci'r'mouies fulbres et des inhumations, cra une multitude d'hpitaux, rl'asiles pour les orphelirrs et les enfants p&uvrcs, altolit la peine de mort, si ce n'est cotttrt le-c as;assins, tablit la conscription militaire rgulire et uuiforme, instituit en{in lrl libert dcs cultes en clroit ei la libert de Ia presse au moins en fait. Comme on I'a ilit souvent, Joseph tenta d'avance dans les tats autrichieni presque toutes les rformes sociales quc ilevait accomplir I'Assenrirle Constituartte eir Flance ; rnais il n'eut pas le n.rme succs. La volont arbitraire d'un sctrl hornure, s'attacluant la fois aux vieilles libelts et aux abus, n peut qnilaloir I'aution de tout un peuple sul lui-runie. La Constituante, d'ailleuls, eut, agir sur u1e rretiol dont il s'ag;issait sculenreut de ctlusommer l'urrit provideuticllc, pttlpartle per les sieles. Joseph II , au contraire, voulut imposcr une unit artificielle des peuples tlivcrs. Il crut qu'on pouvaitfoire une nation. Il se tnisa contrc cette uvre irnr,,ssible.- Y.le tablcau dc son rgrre dausl'Histoire de lostplt ll,pal X'L Pagariclt

2e cldit.i 1853.

t:Hf tussrE Eif TUnQurB. u.t I alec aussi peu de scrupule, mais beaucoup moins d'habilett3 que n'avait fait Frdric. Lorsque Ie cabinet de Versailles tenta de le tltourner de s'unir Catherine conlrc lcs Turcs, il n'avoua pas

u 783-1 7 S,1l

tont de suite son pacte avec la Russie, mais il laissa entendrc que, Irour maintenir l'quilihle, il serait oblig < de s'tendre en raison de ce que la Russie pourrait acqurir. > Il se rnontra peu sensible aur reprsentations de la cour de France snr I'irnmoralit de ce
ttt onstru,
e

wa

sy s !,m e.

Le cabinet de Yersailles, aloru, se tourna vers la Prusse et entarna une ngociation avec Frdric II pollr alrter l'uvre de dcstruction clc I'empire othornan. l\Iais ricn n'tait plus loin cle la lrensc de Yergenncs qu'une grande guerre contrc la Russie et I'Autriclre. Il avait fait d'avancela part du, feu,, ct celte part n'tait rien moins que la Clime et le Korrltftn, c'est--dilc qu'il se rsignait ce que la Russie gardt tout ce qu'elle avait pris , llotlrvu. gue I'Autriche ne prt rien. Snr ces entrefaites, Joseph II ayanl signifi t\ la France l'intention oir il tait de soutenir la tzariue,
son allic, avec cent vingt rnille homincs,l'aurbassncleur francais Constanlinolile, Saint-Pliest, eut ordre de ltresser la Por.tc-Othomtr.ne de cticler aux cxigcnces rnsses. Le dilan, n'ayant plus ancnn espoir de secours, sonscrivit, le 8 janvicr 1784, ti un nou\,eari trait qui cdait la Russic Ia souverainct cle la Crimc, rle l'ile de 'rarnan et du I(ouban. L'ernpire othoman perdait dfinitiyr.ment sa Iidle avant-garde de la Petite-Tatarie. La plcine posscssion dc la mer cli\zorv ct la prponrlr'rnce dcidc sur la nrt r Noire taicnt assnrcs dsorilais aux Russcs. La prompte conclusion du trait dconccrta les prtentions ilc Joseph II, qui s'apprtait a envahir Ia trIalachie et la nlolc.lavic, et qui n'eut plus ni prtexte ni possibilit cl'agir. <Du nroirls, r: dit \iergcnnes pour tiicher dc justi{]cr sa politique, <r du nroin-r I'empereur n'a rien eu, et la satisfaction cle la cour cle ptelsbourg, qui, la vr'it, pse minemrncnt snr- les Turcs, n'esl d'aucun prjuclice pour la t'rancer. > Yergenncs chcrchait fairr illusion aux autrcs et pcut-tre t lui-nrrne sur'l'nor.rne concession au'ache par lc dsir de la paix. 1. Flassan, p. ril-$rt,

t. YU, p.399. -

Soulavie,

Jfujntoires

du

rgrte,Je Louts,\T7,

t. l-,

t,

59

I, O

UIS XV I.

u78r-17841

L'indiffrence et I'inaction absolue dc I'Angleterre en prsetrce


tles progrs de la Russic taicnt peut-lre plus surprenantes qtre

la faiblesse de la I'rance. Si Yergennes erit cru la possilrilit d'un rapprochernent avec les Anglais, il efrt t probahlement
rnoirrs faihle clans le Levant. L'affaile de Turquie tait peine termiue, du moins pour un rnoment, QUe Joseph II, dsappoint du c(rt de I'Orient, suscila une nonvelle querelle en 0ccident. Vers Ia fin de 1781, las et humili de supporter des gatnisons trangres sur ses terres dcs Pays-Bas, il avait renvoy les troupes hollandaiscs des places tle la

Barrire, tlevenues inutiles, suivant lui, depuis I'alliance de la maison d'Autriche avec les Bourhons, et il avait fait dntanteler toutes ces places ler'es grands frais contre la France, except

tuxcnrbourg, Ostende et les citadelles d'Anvers ct de Narnur' : la Rvolution devait tirer profit cle cette opration en 1792 ! La Hollandc r'clarna en vain les anciens traits. Joseph alla llien
plus

loin: en 1?84, aprs quelques

ernpitements de vive fot'ce,

il sornma les Provinces-Uuies dc lui cder lIastricht avec cliverses portions dc territoire sur I'liscaut et snr la }leuse, dc lui lta)'er
de glandes inderrtnits pour jouissance indue de ces territoit'es et

pour de prtendues crances; puis, tlcouvrant tout coup son vrai but, il offrit de se rlsister de ses rclarnations moyennatrt I'ouverture de I'IJscaut ct la liliert du comtuerce tttaritiure pour ses sujcts des Pays-Bas autrichiens. Les ltrentircs prtcntions
rle Joseph taicnt absurdes : Ia dernit'e, essentiellerrtent conlraire au clroit positif , au droit fond sur les traits, taiI conforttte att

droit naturcl, fort hless assururent pal les conventions qui inteirclisaicnt aux populations rivet'aintis de I'Escaut I'ttsag'e cltt lleau flcuve que Dieu leur a donn; on peul dire toutefois ilue ce n'tait pils flu chef il'un entpire aussi artilicicl que l'Autliche riclirruer le th'oit naturel. Quoi qu'il cn soit, Joseph loulut passer outre au t'eftts cle la Ilollalrilc : il tit tentcr le passage de I'Escaut par dctrx uavirt"s : lcs lTollandais tirrcnt dessus ct lcs lblcrcnt d'atneueL pavillon. l,'eurllcLcur rappela son arullassaclcuL cle La llaic'. I.,es Ilollanditis invoqtrrcnt lc sct.oLtt's tle la Frartce. Vcrg'enrtes, clui ngociait en cc lnollleut niute avec lcs Iitats-Glraux uu liacte d'alliiince

11784-lEl

JOSEPII

II ET LA

IIOLLNDE.

o'.1

auquel

attachait avec raison beattcoup d'impot'tancc, sentit qull fallait tout prix ernpcher les Holladais de se rejcter clilns qtte lcs bras tle l'ngleterre : il dcida le roi signi{ier Yienne Provincesles Ia France s'opposerait toute agressiol contre f nies (novembre 1784); deux corps d'arme furent rassctnbls lit en Flandr.e et en Alsace; rnais, en mme temps, la tr'rance I'empereur de nouvelles offi'es de rndiation. Joscph accepta rallattit d'assez mauvaise grce , et, aprs de longs dbats, il se qtrelpavillon, son in{lig dcnrandcr satisfaciion pour l'affront

il

tiues cessions ten'itoriales peu considr'ables et uue indernnit en les argent. Ce cJernier article faillit faire rornpre les ngociations : cle Hollanctais nc conscntaiettt clonner que 5 rnillions et deni llorins; Joseph en exigeait 10; Ie cabinet de trrersailles trancha ia question en pa-vant les 4 et dcrni restattts. 0n vita par cct expdient peu hroclue une gtlerre qui ft plobalrlernent tlevcnttc gnrale et efit partag I'Europc en deux canlps'

Le jour urnre du trait dfinitif cntre I'ctnpcrcrt| ct Ia l{olct lancle, nn pacte cl'alliance dfensive fut sign entre la llolltnde
Itr t'rance (10 nvembre 1785)'. Le pplilic fut tr's-clroqu cle

voir la li'riutcrr ptler t.llc3rc tlllc fois liAutriche, et I'irnpopularit dc la 'cine s'cn accl'ut' Cette ngociation n'avait pourtant pas t tnal concluitc et le succr-)s poirvait justifier lc Souvel'netlrent de Louis XYI, si I'on savait

ntaintenir avec vigueur et lnener bonne {in I'utile alliance clui venait de rattacher la nrance Ia rpublique hollandaise, si longterlps I'iustrument de 1'Angletet're. Il n'eu devait rnalheul'etlsernent rien.tre
!

Ycrgcuucs, qni pchait d'orclinaire llar trop de circonspcctiott, Clt ptltrlua clanS tlne oCCASion asscz grilYc. PrObablcrttettt pour g'aglrer la leine, qui se plaigrrait tie le voir toujours contt'aire i\ sol frre et sa tnaison, il se laissr allcr' favoriscr ull llouyeau rlcssoin 1rar lerluct f infatigable Joseph II cllcrchait sc ddorr'rrtgcr dc ses checs sitecessifs. Joseph l.ait t'evenu son projct favori cle rluil la Bavire I'Autricile. N'ayttnt pu s'crr ellil)itt'i'r
t1e

llatrte lutte,

it visait tuaintetriurt

I'olltenir |n1change' Cathi:dcs 1'rcilds de

.lilassup.

1. Y. ]a Dgo,lirtioir rrrs GardCrr, IJlst.

ptir, t. v, p.

5?-?1;

t, 1'II, p, 3{tf-ili),

et

rlji
II, 'i'e

.LOUts

rt,t.

'tlans I'intrt de la n'rance

resta 1ra, ''achr.e l. Frdric iever rrne bar.rire q,i e,rpcrrt l,ci'pe'cur tlt' rcidivcr', 'oulut et, fort rnconlcnt de la cJur cle rnrrr., cc Jrt au d'Anglererre qu'il s'aclress corulne lecte'r cle llarro're. 'oi Il olg'anisa, le 23 juillet 1?95, aYec lcs lecteu|s cle trarroyr.e, rle saxe, de llaS'ence, res pri'ces de }lecrrrenbourg-, cre l{esse, cre Bade, etc., u'e confclratio' pour r'ainteni' la constit*lio' de I'Er'pire, les droits cles tats, res pactes cle farniile ct clc s*c_ cession. Le rapprochcrnent de |A'gretc*e et de ra prusse, qui tait a, fond de celte liguc ge.Ilanique, tait u' fair, grave et alat'tnant pour les int(rrts fi'arrai* , tn clevait en ltientt I'1lreu'e. Janrais rc cahinet cle versaiiles n'efit 'aii.e rJ manifester des yt.{ls susceptibles de lui aliner Ia p'usse, rnoins cl,tre bien dcid allcr jusqu au bout, ce qui n'tait ni crans sa pcusie
s.

Ilition ct rnrita plus rJue jarnais la rputation rle < l,hourrne qui corl)mence torrt ct ricn 2. > lTIais I'affaire n,cn

fois, Joseph recula crcvant ies rsistances souleves par son am_

de i'e'rpereur et pria Joseph d'y ,..nonrr". pour Ia quatrime

ncrgie, que le cabinet fianais dsavoua toute participation au dcsscin

Yersailles et de Bcrlin. F.'rcrric crata uor. une telre

ra trr.ance. L,ernpercur l'lecteur pour lui faire obte'ir le titre cle roi rJe Bou,rgognef . Un agent nrsse se chargea de com_ rnnniquer le trait d'crrange r'rrritier prsomptif cre Bar,ire, au duc lllaximilien de Deux-ponts (depuis roi cre Bavire), en i'i signifant que, s'il refirsait son Aver, on s,en passerait. Le cluc de Dc*x-Ponts refusa, comrne en 1778, et en appeta aux cours cre

pro'rit ses Jrons bffices

besoin de l,ernpereur, fclra, en re seconilant avec zle, de lui faire oubrier qu,eile ne lui avait pas donn sa part en orient. Le Ir janvier r7gb, r,rec_ teur palatin, duc de Bavire, s'engagea cder Ia Birvire l,emIlereur en change des pays-Bas autrichiens, rnoins Ie duch cre Luxernbourg et le comt d Nanrur. Joseplr voulait acheter ayec ces deux provinces Ie consenternent de

qui cornptait bien repre'clre l,rluvre de clmembrcrncnt dc Ia Turquie et gui pensait avoir encore

tt?ssl

,i

l.ayette, t. II, p. 280. 3. t:iarilen, Ilisr. iles de ptdr, t. I\r, p. 26g_:g2. .ll'rai-ris tle Lnttis X f I , L. \r, l'. J-? I.
ilfim. de I_a

l' 2.

On se rairpeile que les Pa;'s-Ras forrnrient ilans l'Ernliir

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c*cle4eBour.lolite.

Soulavie, lliu,..

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1.,Syte

?851

TiAY T

|j. LE COLL IE R.

ooi-)

iI $n somme, le gouvernement franais baissait au dehors; guerre la par regagn reperdait peu peu le terrain qu'il avait sa ruine. Les d'rnrique. Au dedans, il allait rapide'rent

ct en oscillation, choses, aprs avoir t si longtemps en suspens qui sont les scantlalcs, grands Les violence. se prcipitaient avec

signesprcurseursdcscatastroplres,prenaientuncat.actre prince de Gueiunngu, inouT. Le fracas de la banqueroute du d''un autre clatant ,.r.n ., tut clevant le procs bien autrement de prince de la mme -*iron, du cardinal de Rohan, r'que partie adverse strasbourg et grand-aumnier cle la couronne. La la reine de que moins rien n'tait procs du cardinal dans ce la rernplissait la cour cl'aotrt, ['rance ! Le jour de Ia Notre-Dame grand' cardinal gatrerie de ltrsailles; I'office allait conmencer;le pontiaunrnier tait l, prt se rendre la chaltelle cn habits pas et revient Iicaux. Tout coup, il est rnand chez le roi; il ne of{icier le bruit se rpand qu'il est parti pour Paris, escort d'un ! Le concluisait le qu on Bastille la des garcles du corps. C'tait le cartradnisirent roi du 5 septembre 1785, rlcs lettres-patentes dinal cle Rohan tlevant la grncl cltaml:re du parlement, avec une cle Henri II, comtesse de La 1\fotte-Valois, clescenclante d'un btard nom de comme ayant attcnt la majest royale en usurpilnt le la reine pour acheter crclit, des joailliers, un magnilque collier de cliamants du prix de 1,600,000 francs' d'trc jug par ses T_]e clcrg revc[cliqua le tlroit de I'accus pairs, par son ordre, et non par Ia magistrature lalque. Rohan, qui avait cl'abord rclam lui-tnrne le parlement pour juge,
revint Sur
Ses

pas, protcsta et tlemanda tl'tre renvoy aux juges d'glise. Le pape, en consistoire, suspendit Rohan des 1lt'rogatires du caldinalat pour avoir reconnu la comptcnce du parlernent et ne lui rendit ses honneurs qu'prs avoir t inform de le prosa ltrotestation tartlivc. Le parlernent passa outre et retint romaine cs : Ctait la prelrire fois qu'on abaissait la pourpre devant le juge sculicr et la justice tlu droit coir}Illun. Quelqucs
glande annes plus tt, I'opinion ne se ft proccupe que de cettc

vlctoire de I'esprit du sicle; mais, depuis I'aholition des jsuites, oll ne songeait plus gure Ronre; le public avait l'il sul la coul plus que sur I'liglise; on s'arrta peu arrr incitlents de la

ter la dernire des trois solutiorrs et en tirer les plus t'anges comnentaircs. 0n connaissait cepenclant fort bien la haine p-ersonnelle de la reine contre lc carclinal, haine qui remontait l'poq*e oir elle tait dauphine et lui arnbassacle en dntriche' ; mais on pensait que cette haine avait pu cder au repentir de Rohan et Ia passion qu'il avait affecte poo* Marie-Antoinette; {ue l\I'e de La }lottc avait peut-tre t rellernent I'intcr'rdiaire secret de la et du cardinal. Les pices du procs drnontrent 'eine que Rohan se crut, dc tr's,bonne foi, en.o.r.iporrclance avec la reine par nlme de La llotte et charg par la ,eine d'acheter le colIier en gage dc rconciliation.
1:ai,es, lfarie-A'toinett.c. La rei'e se'rontra d'aborcl stupfaite, i"i. exaspre; elle porta plai'te Louis xvl, et sa violence erit attest, pour dcs csprits non prr'enns, qu'elle n'a'ait pas cha'g de scntimerrts l'gard de Rohan et qu'elle n'tait pas sa corn_ plice. Le Jraro'de Breteuil, rle la uaison clu roi2, ennemi i'rplacnble de Roha'pour 'rinistrc cres ri'.iitcs diplornaticlues, ct l,abl-r de vcnnont, ancicn prccpteur ct conseillcr inlirne de slarie_ Antoinette, prcepteur gui ne lui avait rien appris, corsciller clui

de noml:reuses inconsquences et clix ans de diffarnations avaient fuite nlarie-Antoinette, de la facilit cl'une foule de gens accep_

556 LOUI S IVt. trzsbl lb'rne, dans I'arderte curiosit qu'on avait cle pntrer re fond de cette stupfiante affaire. De querque faon qu.1r, question ft pose judiciairetnent, le public la posait sans hsiter entre Rohan et trIarie-Antoi'ette.Ir s'agissait de savoir si le cardinal grand-aum_ nier avait cornmis une cscroquerie colossale, s'il avait t la dupe irnbcile d'un escroc fer'elre (l{.u de La llottej, ou si, enfin, il avail vritablement achet en secret le col,erpour la reine et par |ora.{ de la reine, I'insu cru roi. 0n peut juger, avec la renonrms que

L'affaire avait clat llarce que les joailliers, inquiets de ne pas reccvoir d'argcnt, s'taicnt aclresss directernent, pour tre

1. Ambassadeur Yien'c e' 1772, au monre't clu paage de la pologne, il.ohan, sccorlr.l ou ltlutt cliligcr pur son sccrtaire, l'ex]suiiu G*org"t, lromruc, tl,eset tf irrtt'igue', lrit' avait iLvcr'li son g'ouvcrnenr(.rlL tls tout a" qoi allrrit se fai'e et s'tait acquitt rle ses fr.xrctiorrs tl,une fat-,on asscz distirrguig; mais il s,tait lLttrr. la hai'e tie llarie-Thrse et celle cle lia.ic-Artoinette jrar u*, t"itr*, irrtc'ce1.rtcs,
bieri ou il parlait peu :tvarrtaEleusercnt ile l:r jeunc darrphirre. 2. Il avait suucrl u,ciot, ,lans l.'itut,rrrrrc cie l?tltJ.

tr 7851

I'liOC[1S DU C0LLIEti'

DAI

ne lui donna jamais que de pcrnicieux inis, vrai llaurepas cie Marie-Antoinette, aussi golste et rnoins sagace que Ie fatal ministle de Louis XVI , Brc'tettil et Yernront, disons-nous, excitrent encore la reiuc et entranrcnt, par elle, le roi mettre le feu cette nrine creuse sotts le trne et qu'il et fallu touffer tout prix. Les gouvernemeltts faibles et clconsidrs ne peuveut prolonger leur existence que dans le sileuce et I'ombre. II fallait tre pris de vertige pour ouvrir le sauctuaire de la farnille royale aux rticences transparentes d'un dl,rat judiciaire et aux rnalveillants cornmcntaires de la foule, colnlne ott ctit fait de I'intrieur'
quivoque d'une maison tnal fame, poul' titettre I'honneur de la couronne la discrtion du parlemeut, d'utt corps nagure terrass, puis relev conditionuellctnent par la ro,vaut, et plus irrit de I'outrage que reconnaissant dc la rplt'ation. Ce malheureux gouvernetnent cntrssait fautcs sur fautcs. Quc[ques sclraines aprs s'tre jet clans lcs rnaYns clu parlement, il sc brouilla avec, lui, I'occasion d'un troisirne eurpruttt envoy par Calonne I'eureg'istrentent. Il s'agissait de 80 rnillions eII rerrtes viagres, retnboursallles en dix ans et assigns sur lcs aides et gabellcs; cielnier secours, disait le prarnllule de l'dit, qui suffirait < pour effecttter I'accaparement total des tlcttt's ct rtablir I'ordre dans lcs affaires. > Dc tclles assertions faisaient piti et non plus iltusion : le parlctneut, d'tltle voix unatlinle, pria ie roi de retirer l'dit. Le roi rponclit pr' ull cxprs cotnmantlcment d'enrcgistrer. L'enregiStrernctrt cut liett, tlais avgc des tnodi{ications et des explications par lcscltrelles le parleincnt eu decli-

nait la responsabilit dcl'ant le public. Le parletnent fut rnand Versailles et i'enregistrcrnent pur et sinple fut imposc en lit dtl justice (23 clcemble 1?8.r). Pendant les pourparlers qui at'aient prcili ce coup d'autorit, Calonne s'tait alin personnellentetlt
le prernier prsitlcnt d'Aligre et les Inenculs les plus inlluents tie la compagnie. 0n en sentit le contre-toup di.rns le procs du car-

dinal de Rohan. Le procs clw col,lier se prolongea neuf tnois entiers , SanS lasser J'attente ni la curiosit publiques. L'acharnenrcnl maladroit clue mirent les affids de la reine, sttrtout le ministre Breteuil, pottt'' suivre le carclinal seul eu cherchant rejctel lrors du dbat

TOUIS XVI.

mes trsclrers frres, comme re disciple Timothe Ie fut au peupre gue Paul dans les liens ne pouvait plus enseigner, > etc. Quel Timothe et quel paul!.., il y eut aussi peu cle pod.o. d,un ct que tle I'autre, du ct de Breteuil que cre cerui des Rohan, qoi uui*ni pris parti pour leur parent et entran avec eux une cles branches de la maison royare, Ies tond, alris aux Rohan par re rnariage du prince de Cond avec une personne de cette famille. 0n vit ces illustres parents de I'accus, les princes et les princesses des maisons de cond et de Rohan, suivant I'usage des procs crimi_ nels, faire la haie, en habits de deuil, sur le purrugu de messiewrs dela granrJ'ch,antbreles jours de sance, et < es princes du sang se dclarcr en s'licitation ostensible contre ra reine de n'rance e. r Les intrigues secrtes firent encore plus que les sollicitations pu_ bliques.

aumnerie et confident de Rohan, qui cornmena en ces termes un rnandement pour le carmc : < flnvoy vers yous,

en sens inverse. Le public oublia Ie juste mpris longtemps inflig ce prlat perdu tle dbauches et couvert de dettes, [ui .rrloor.oait pas, s.ises propres paroles Qrr'wn garant, rromm,e p,t uiure auec 'ant 1,200,000 li,ures de rente, et qui, en consquence, compltait les revenus de ses dignits ecclsiastiquesr *o*, I fonds deia grantle aumnerie, payant ses matresses de l'argent destin souIage' les pauvres. 0n ne s'indigna pas, on se contenta de rire de I'efflonterie de l'ex-jsuite Georgel,vicaire-gnral de la grande

II'u de La Mottc, acheva de tourner l'opinion

l 786]

il avait cru un rendez-yous nocturne lui donn par la reines; qu'il cremandait pardon au roi et ra reine, en
tmrairenrent,
2,
1. L'vch de Strasbourg, seul, Iui valait 400,000 fr. tVm. de IIE'Campan, t. II, p. pgii. Tel est du rnoirrs le rsit de M,6 Campa'; (r. XXXTI, p. 86) ne partenr point ae la prsence der
dans

L'arr[ fut enfin renclu re Bl r'ai 1786. Le procureur-gnrar, Joli de Fleuri, conclut ce que le cardinal ftii tenu : lo de clclarer la chambre assemble que tmrairement il s,tait la ngociation du collier, sous le norn cle la reine; rnl cle que, plus

la;,rftL;i:Bachaumonr
semblait beaucoup
ntoirrctte.

3. Rendez-vous d'un moment,

la reine, aposte par M'. de La lrurru,

u'

bosquct de versailres, ou une fille qui resio* le rle rle l\Iarie-

lr?861

PIOC['S DU COLLTEIi.

ii;e

la c[ar3e ttre prsence fle la justice; 2o de donner sa drnission de cet'ttlitre une 3o tle s'abstenir il'approcher
grar,d-aorrrnier;

irton.. des lieur oir serait la cour, etc.

Ces conclusiolrs, trop

raisonnables, du moins quant aux prelniers points' ne pouvaient pottr satisfaire ni ceux qui voulaient que Rohan ft condattln vol, ni ceux clui prtendaient fltrir la reine en dchargeant
lwnorableme, Rohan de

toute accusation' Ce dernier parti I'ettlporta ! A cinq voix rle rnajorit, Ie cardinal fut acquitt puretuent
et simplernent, tandis que la comtesse de La l\Iotte el' son tttaLi, qui avaient grossirement clup Rohan et uten toute la ngociatiol du collier pour escroquer les diamants, taient condarnns tre fouetts et rnarqus, puis tre envoys, la fcnrtne la Sal'ptrire, lc rtrari aux galres. Le parlement vengeait cruellement son alTront de 1771. Les grancls pouYoirs de la vieitle socit s'entt c-tuaient' La fcule accueillit avec une joie dlirante I'urrt qui humiliait et abaissait le trne: on lit une oval,ion au cardi[al; on en rit une au liltrtettr thaumaturge Cagliostro, impliqu datrs le procs cause de ses liaisons avec Rohan et acquitt cornrne lui'. La reine, transpOrle tle colre ct d'iuclignation,lit exiler Rohan, PI lettre tle cachet, au foncl dc I'i\uvergne, faibles reprsailles d'une dtaite qui cn
prsageait tant tl'autres la royaut ! Nous n'avons pu entrer rlans les cltails cle cette longue ei cc,rrthse affaire; I'inlpressiou qui en rsulte pour nous cst I'impcissi-

bilit que la t'eine ait t coupablc; ruais plus les irnputations diriges contre elle taient invraisemblables, plus la crairce accorrle ces irnputations tait caractristique et attestait ia ruine

la monarchie. C'tait I'otnbre du Parc-aux-Ccrfs tltri Yersaitles; la terrible nuit du 5 octobrc tlevait toujours courrait montrer, plus tard, que les spectres du Pacte de fanrine n'avaient pas cess non plus de planer sur le palais des rois. IJn voyage que fit Louis xYI en Norurandie, 1-reu de jouls apr's le dnofrutent du fatal procs, offrit au Inonarque humili qtlelques colt)pcnsations; il fut trs-l-rien accueilli des populaliolts nomtancles; I'cntreprise cle therbourg, digne couronlletrtent tle la
rnorale de
L deBachaurnont, t. XIIII' lltjt. de Jlirabeau, t. IV, p.326. -LLnt. Les pices clu plocs orrt t reiunies err 2 voluures in-12; Itatis, l7tlti.

i]. t,;-ttl.

5ii0

LOU TS -\1't.

I r 786]

grierre d'Amrique, tait justernent populaire dans l'Ouest; il y eut u.n vritable enthousiastle lorsclue le roi, en prsence cle I'escadre et de la foule entassc dans les etnbarcations, sur la grve, sur I'amphithtre de granit qui domine la plage, vint s'installer srlr un cles fameur cnes dc ilI. de Cessac dj irnrnergs en pleine rner, pour voir Alneller et irnmerger un autre de ces cnes, destins former la diguer. Louis XVI fut rcornpens en ce monrent de son zle pour les progrs de la marinc franaise : c'tait peut-tre le seul ct par lequel it ft vrairnent chef de

l'tat (fin juin 1786)'?. Cc furcnt l ses derniers beaux jours. Une triste rvlatioti l'attenclait son retottr Versailles. Calonne tait au hout de son
orgie financire. Pendant les pourparlers avec le parlement pour le dernier emprunt de 80 millions (en dcembre 1785) et en attentlant I'ouveLture cle cet emprunf, Calonne avait ngoci des rcntcs furtivcment poulpr's de 100 rnillionsstlr des etnltrunts de 1?81 et de 1782 rlij rernplis : il alla ainsi jusqu' 123 millions. Ott ne pouvait renouveler une telle ressource. Le troisime vingtimr: altait expiler la fln de 1?86 et dirninuer encore le revenu de 21 nrillions. Le pallernent n'tait certes pas dispos se prter la prorogation de cet irupt, et la disposition des esprits rendait un coup d'autorit fort clranceux. Le crdit expirain"'. Les ressources du challatiruistne taient puises; les dcmiels exptidients anxquels on pouvait recourir n'eussent plus fait tnat'cltcr ia machine gouvel'nernentale au del de quelques mois. Lc char allait invitaltleurent s'arrter et se briser du choc. Se sauver par la route du cartlinal Dubois et de I'abb Terrai n'tait plus pos1. C'taient d'normes pauiers en charpente, chargs de pierres. - La cl.ralpcntc fut rit,-uite par les tlots, rnais les pierres sont resles la base de f enrtlchernent qu'ott a revtu de maonnerie et de blocs de granit. L'immense entreprise, suspenthic
parfois durant nos orages politiques, mais toujours reptise tvec une ntluvelle ardeur, i'est errfin acheve aprs plus tle soixaute rincies. - Il y a des dtails intressants r-lans les ]irnoires de Durnouriez, cttmmauclant de Chcr-bourg de l778 LTBB; t. lu', chap. v. Z. Utre srie d'ordonnonces sur la rnarine venaient d'amliorer le rgime des classes et tle sqpprimer Ia courpagnie des gardes de ia marine, ftr;-er de talrt d'abu> et tl'uu si funeste esprit de corps, pour la retuplacer pat des lves de marine;

janvier l?8ti; .Cnc. Loisfranaises, t. XXVIII, p. 123. g. L"r assignations sur les reyelrus publics ne se ngociaient que ifficilernent 9 et l0 pour 100 d'escotuPte.
1er

:r

tr 7861

cn inrpts de to.t genre,"co^.es cornp'ises, sans compter. ru'e grancre partie des rrr'its fo1r1y, pr", i.iq..rs ra base d,va_ Itratio' Ilous rnanq.e2. sur ccs gg0 -irrionr,'itair.rt lcvs au du .oi, au lieu cre 370 c1u'o' levait cru temps cre Turgot; 'o,r rrrais,

tlepuis Tnrgot, rnoiti po.' oa.roissenrenf -notor.t 140 'rillions a., recettes, paf nou\reaux i.urts et ac*ritions 'roiti u^ onri*ns. La trrance payait ra cou'onne et aux orcrres privilgis cn'iron gB0 rnilrions p.r an,

Sril sible; on r'tait plus assez fort pour.faire'anqueroute, et la justice oblige cre reconnatre que iouis xyl, quancr ir en aurait eu la force, n'en aurait pas ,u iu volont. Calonne se clcida faire vergennes, puis au roi, I'aveu de la situation relle, Depuis le renvoi de Turgot, vernr'lcnt avait dvor 1,600 T.r".1lgire depuis clix ans, Ie gou_ rnillions J*troor,rinaire, dont 1,338 rn'rions obtenus por toi* cl'emprunt, .nl.ntes,, et Ie reste, par anticipations et crcjations c'of'icls. p.;;;; les trois a'nes rle calonnc' en ternps cre paix, re rtIicit .,;;;;i s,tait accr.u cre 35 quoique le reuc'u puhlic .,it n,,g,r;t cle 'rilliolrs,

T)EFIC

I'I"

fe'rent sur le Trsor,

rgie, d,e 2?4 'rilrio's s'aScs, intclr[s cre cautionncme'rs et aulres crances privilgics, de ?7 llour Ia parr,ie clcs

p,ur rcntcs,

dduction faite crc 76

pour

rr.ir,

penses de r'tat, et_ce.failrle 'est*it relitluat rre tapt de

'

na

que

pension, o,.ionnance direc_

tgj ilri;rs

caronne co',uena cronc par raisser. cntrevoir au roi des nuagcs il lui avou., .r, gnraux, uo ,leririt ancicn, rron da's Ie cornple rendw cre Necker, .i qu, lui_'rrne 'renlionn avait t oblig cl'accroitre i p'is, dans un ,na*oi.. cr.it, aprs avoir rapper r'affrewsc sitwaiio,r'cres fttta,ces l,poque o re roi

-i',i;rlour

les trois guarts,

ion, te gourir.'0.,

trliuts a'ait

Ijour les cr_


s,en-

acguirs rle

ii I'horizon :

t.r-.,

1830, value ces gB0 lrillions plus de 1,200; aujourd,hui on pourrait -en les valuer,peur-rre cle 1,500 i,l;o1tuu 3. Bailli, t. II, p. Z6J_266.

,,i;jiiTT;ili1Necrier, ce 1776 1181; .ln sous Jori de l.reuri et d,or. ces 487,iit;l,Tjt":, soust c'aro-rrn". . ize, ,i rzsu. D;,,, 'o', ;;,;;:i*J en sep te rubre r 6. ., ;:#i,::ri;oi,. ";J:li:i, i "T:' i.Tf $ I' jiil j.i 2. Bailli,
7B

xvl'
g6

56p

LOU

IS

XV I.

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?861

les lui avait confier et les efforts d'abord heureux qu'il avait faits pour les relever, il dchra nettement que < le nrotnent actuel cachait un terrible elnbrras sous I'apparencc de Ia plus heureuse tt"anquillit; que la n'rance Ile se soutenait que pal' unc espce I1 est ncessaire cle prendre bicntt un parti qui lixe Lt'artifice. |r sort cle I'clt1t. - It existe un d{icit de 100 rnillions par anr' 0n ne 1:eut. combler un vicle aussi norme que par de grands lnoyens. Ccs moyens ne cloivent pas augrnenter le fardcau des que inrits, qu'il est rnue ncessairc de diminuer. - Le un rsoudre plisse qui 'lan seul perat le me i,ai forn, ajoute-t-il, de pas conu a n'cn qu'on croire irrolilrne aussi clifficile. J'ose la d'assurer et rgne plus'vaste , de plus digne cf illustrer votre

prcisprit de votre ernPire... ce serapeut-tre I'affai|e de six Inois ou cl'un an au Plus2. rr Le p)an annonc en ternres si pompeux fut prsent en secret profonau roi le 20 aott 1786. Sans aLhnettle qtre calontre I'cftt que rnal le col}rltl n'etit et drnent cornbin trois ans d'avance confesser tnoins porlr renclre le rernde indispensable, on doit au

qu'il avait, cotnnte il le dit lui-rnrne' pris ltromptenrent son parti. L'iclole des courtisans' le nrinistre des al)us, signifiait que ie s*ul iltoyen de salut tait < Ia rforme de tout ce qui existe de vicieux dans la constitution cle l'[rtat... 11 cst indispcnsable de rcplentlre en Sotls - uvre l'clifice enticr pour en prveuir Ia ,uin.... sire, le succs lvcra Yotle nom au-dessus dcs plus grands norns de cette tnonarchie et vous mriterez d'en tre'
le lgislateur. appetir D

ipros un tableau, qui semlrle ernprunt Ttrrgot, de I'ingalito, rle I'incohrence, cle I'a]rsence d'unit et d'harmonie qui rcndaient le royaurne inrpossiblc bien gonvcrncr, Calonne Drgpopai-s sai[ cl'effaccr toute rlistinction entre lcs pavs tl'Iitats , Ics

d'lection, les pays d'administt'ation provinciale et d'administt'ad'ailtion mixte. 0n apptiquerait tout le royaurne tln systtne trois de assen|les des sur rninistyations provinciales reposant distt'ict; de l'assetnble {egrs: lu I'asseml-rle fle paloisse; ?o feraient conilaitre le ?,, l'assctnble dc ltr prnvinct. C*t assernbles t. Il dit
2. V.
Plus tard 111. le I\fclrloirc ap' Soulavig

t. \-I, p' 117'

[1786

I'LA\ IJIJ OA.LONI\I,.


des populatiors sllr la

de I'iurpt et procderaient I'assictte et la rpartition 'ature des- crrarges pulrtiqo.r, vi'gti'res, clont les privilgis avaient ti.ouue - Les nrol,.r. de rejeter tre prt'crpal fhrdeau sur res taillabres, seraient rei'pracs pal. urle subvention territoriare portant sur toute terre sans exceptio', pas rnrne pour Ie dornaine royal. cette subyention

\-*u

aD-5

liti:.

allaic''t tre, suiva't Oalo"e, dir'inus de B0 r'illions pal,ilr, sillls co'lpter les 2I r'illions clu troisiclr'e qu,on alluit 'ingtirnc cesser de perccvoir, et la halance ertre les ressources ct tes ei-

les asselnbles provinciales le dernanderaient. Les clroils tle contrle et c|insin.ation se'aic't convertis en un seur droit cre tirubre lrlus rev, applicable toutes personnes et tencl' des objets qrti en taient jusqu'alors exernpts. - To's les dornai'es de la co'rorne seraient r,encrus titre 'info,lution et le prix de Ieu' ventc ('oncourrait l'extinction cle Ia dctte p'brique. _ La crisse d'arnortissement serait rnaintenue, en divisant les re'lJlotrrsenlcnls sur un plus grand nom1rre cl'annes. f), rliuri'uerait la clp.nse annneile cle z0 rnilions par des retrancher'c'ts sur tous les dparterncnts et sur ra maison clu roi. Par cettc transfbr'ration clu systrre fiscal, les i'rpts exista'ts

quancl

g'rale, serait acloucie, et re prir du ,.i o-i*iou. nre.ce des g'ains ser.ait librc, sau{' suspendre

taille et de ra capitation roturire, ct, par const1uent, paye par les seuls roturiers.-Les douanes intricures taiert abolies; Ies clroits de traite ou douanes des fio'tircs taient rcmpracr-rs rrar rn tarif qui serait combin cn rue des intrts de ra pori_ tique ct cle I'industrie. -_ I,,es rnatrises seraient corriges tle leurs al-rus. - 0n supprirnerait les taxes pt les droits qui entravaicnt les fabriqncs, re cornmerce maritirne et la grande pche. La fol''re ty.annique de la garrelre, dans res pais su;ets Ia f.rule
de Ia

du produit au man,nr,nt pour faire accepter aux prir,irgis Ia subvention te''jto'iare, on les affranchiruit ,t, la capitation: Ia capitation rottrrirc serait rnaintenue, ainsi que la taille, mais arrec une rd.ction notable. La corve en nature tait abolie, rnais remplacc pr une prestation pcuniairc rgre
au sixime

et.progressive suivant la qualit des terres, dans une Profto'tion s'levant clu quar.antie\me au,*in int*,i jusqu,au'ingtime

serait pel.ue en

_Le

coul_

l,exportation

LUTS SYI.

l ?861

augmentation pcnses or.dilaircs sertrit rtablie ctl, un @?l par ullc r' de 115 rnillions dans les I'evenus illusion luiAprs avoir tromp les autrcs, calonne se faisait iorm dc larn5eaux drolls tous ses dcYanrnnre. Ce Necker, Machault, Silhouctte, et mlne 'rojet, ciers, Turgot, plus colnnle 0olbert et vauhan, si tendu qu'il ft, ne suffisait

rformepolitiqueetnepouvaitproduire'commerfornrefinatr. D'ttne cire, les rsultats irnmdiats qtre promettait-calonne' part,toutcequirr'taitpasl'abolitionradicaledesprivilgesen I'opinion; de ilratire cl'impts n'taif plus capable de satisfaire ia classificatin des tc'rrcs, base tle l'irnpt progrcssif I,autre plus 'art,fonder le contrlcur-gnral, tlevait exiger llicn qo. \'ooloit lit natrtre, en paiement le et d.,un an cle travaux prparatoires, prt'at'oins encore rnoins pratique Ocs iAei de Vauba', devenue des cornplications ticalrle-qo* . son temps llar I'accroissemcnt impossilles socialcs, etrt emport des }'ais et des non-r'aleurs cle talonne taicnt clotrc calculer ar.ant I'exprience. Les calculs harcli, Puisclu'il s'attaquait totrt fait arbitraires. Son plan tait et lanait I'tat dans I'inclerg rrertenrcnt aux immu'its u hardi pour rttssit, en assez connu; rnais il n'tait pas encore 2' supposant le succs Possible cf itvance solr vcrge'ne*, aoo*oit par Calonne a{in d'amortir tte devant lcs chiffres olrporition prs du roi, avait courb la effrayantsprsentsparlccontrleur-gnrat.LotrisXVIdit avectontretnent:<I\Iaisc'estduNeckertoutpurqueYouSn]e donneztl_sire,clansl'tatcleschoses,onnepetttrienvotts
donner de uticux ! > cle chasser calonne et de La rponse logique du roi et ct tre et Calorrne' parodiant rappel*r Necker. iouis n'y songea pas'

rorgot,se{itpromettreparleroiunappuiinbranla]lledansles
I\I. de Calonou. - i-

I,

des ftnances, 'prsetttd' Prcis d,wn Tllan d'atnIioration

l'anal1'se dans Bailli,

t' II, p'

267'

au,roi le 20 aot 1?86' par ler' p' 461'

-Dtoz't'

2.M.Droz(t.I,.,p.a63)pensequelesrformestleCalonneeussentpu"foncler ."oyu''' que ce respectalrle histor'ierr, qui a jug la ptosprite ao ,oyoo*u. ,, ryoo; et de Necher, a t enttain top loin pat la 'Iurgot de riri'istres tes fort sai'ernent fatalisme historique. S'jl a t des temps Ie ,J,ailleurs, ractiorr, trs-morale "o,,t"e franaise, " ccs temps taient li,votution la ir;ger et , ou l,on pouvait p,"e*,ri" I'poclue ou notre rcit est patvenu' passs, nous le *'Jyott' du moins'

TRAIT DE OOIII,IEROE. t,6J grudes choses qu'il ailait entrcprenrlre pour sauver la monarchie.

I{?8IJ]

c0t alticle :
anglais

finances. pa' un articrc du trait de I7gB, lrs gouoernements cre tr'ra'ce et d'Angreterre s'taient cngags conclure urr trait de conllnerce. Depuis trois ans, vergennes ludait l,excution

pouvaient donner lieu des complications ir'prvues. vergennes pourvut de son rnieux aux ncessits signales par so'collgue

le caractre inconsistant de son successeur, Frclric_Guillaurne

l,Europe de sorr norn et de son in{ruence durant un demi-sicie (r7 aorii I7g6) ,,

Il fallait s'ssurer de n'tre pas surpris par querque e'rbarras extrieur pendant cette vaste opration. ta mort d* g.rancl nrdric, qui venait cle s'teinclre aprs avoir rcmpli
II,

des

"

il

la

?0 septembre.

conclusiorr, afin d'attacher les intrts conservation de Ia paix, et le trait fut

pressa

la

cle

sign le

Le succs fut compret, quant au but que nous vcnons d,indiquel' : les intrts a'glais furent conquis la paix. Reste savoir si les i'trts franais recnrent la m're satisfaction rales dignes d'roge. Dn cas cre guerre entre res clcux nations, lcs ngociants pourraienf tle'meurer librc'rcnt dans les tats'espec_

Le trait de cor'merce contenait qucrq'es stipurations gn-

sont pas contreb.rnile clc Suerre. Q'ant Arr .ra'cha'clises et denrcs dcs rre'x pays, Ics de l'r'ance sont assi.rils pour lcs droits, 'ins e' Angler,.', n,,, vi's de Portugal- Le clroit sur rcs vinaigrcs est rduit cle prus crc rnoiti. Le droit sur res eaux-cre-vie esi crirninri. lcs huiics d,orive franSo'' tlerrrier acie iinpoltant avait t la pleine mancipation civile des juifs fiuilooy"g" ln prusru, uuoit u,, ihonnuo" - Jfirabeau, tlc contrihuer * cette "ou rsolutiot t"r1rrl de Fttiric 1o*'uo mmoire sur ri[ustrc philosuprre iuii ll_rss JIende]ssohrr et sul la rforme politiquc tles.juifs.

tifs, ou, tout au moi's, auraient r.n rn dc crrai rlour arrang.er leurs affaires. Les leilres cre repr,saiiles, yrais restcs crc la guerre ltrit'e du moyen ge apprique aux internationaux, taient alrolics. Les Angliris rcnonaient'apports leurs maximcs exorliitanfes contrc lo droit tres ncutres et admettaient que le pavillon c,uyl'c la rnarchandisc qui n'est pas co'trcJrancle cle gucrre: lcs objets l]ropres rr construction et an grernent des navires ne

l'

let l78ti).

tlbO

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X \r

t.

i r ?8tJ

ccllcs tlt.s nations lcs pltrs favo|iscs' I-t's aises sollt assimiles i\ ,mocles,les glaccs ct tlivers olljets de lure , nc paicut plus fltt'url tes tlroit tle 12 p. o/o. Par compcnsatiou, les droits stlt' toutcs
sottl'

et [a potcrie, toffcs de lairre et cle cotott , sllr la faTcrrce sttr la quincaildroits ruil.s au rnmc tirux de {? p. "/"; les ies p'o/o.rfoutes trerie, l0 F.o/o; ccux su| la scllcrie, 15 Angleen ou rnlcs de soic, restcut prohilles
itoffes clc soie,

tclre, tanclis r1u'aucun tles grands articles dc falrricatiou anglaise Ti'est itlus intcldit en France.

I'anne rFri Lcs coilsqtrcnces rlcvaient tre complexes. Durant tles aflirires ]:ut'cart suivit lc tl'ait, il at'rit'a cltarltte sentaine, att la GtrYenne clc traugrcs, cles paquets dc lcttles de' r'ctncrcicutcnt
p-t

tlu [,augur'{oc, t d., parlut'ts cle lottlcs de plairrtcs et t1'oliviel's' rlia et clc la Norruandie '. Lcs in'opritaifl:s tlc viSnes Itc pene' laicnt Paris, gotit, et les labricants r],'articles cle ' fermaieut ou Allgoissc ,vcc tlant clue lcs rnatltrficturiers luttaient chez nous tleux leul's atclicrs. lXll sotntnc, 1'rlglctcrrc importftit n 0n tliI tlue }'ilrufois plus tle tltiirchancliscs cltL'ellc u'ctl tirait' cst fort tloutettx' lation aurait llicntt rclev notre intltrstlie' 0ela clatrs l'inl\on-setilctncttt ia snpriorit clcs capitalll accullruls
grailds sact'ifict's

dc la Picar-

lltltll' clustric anglaisc et perrnis ii rtos riuau-r tle I'ittdtrs vapcur la clc cr.aser lil t:oncurr.rra*, tuais I'ailplicatioll ]tit'trtlic comrne nroteur uuivcrscl, pal' Watt et rlcrvright, allait c[, si I'Arlglctc|re, tt tlc[plcr, ccntul:lcr l0 f'orce productive de ia Rvoltdc le traitti tle conuncilcc n'crit t hris par ia guerre ctlssettt tion, il cst probtbte qu'avanl quc les fabricants franqilis crass t eusscnt ils in'ovltions, ces gra'dcs 1',' ';nppropricr 2. pour longl.cilrPs
1. Flassatr, t. VII, P'
date t1a l7fi9en \Yatt, heurcux contin[ateut tle notrs PaFin.' rl'en alipr:cier comlllena on l?82, de partit A 1??6 tlans la pratiqrre. t{tr
nruo, historique-de
138.

2. I-lr
t}torie,

il,lcrtyg1,[6, rL. r1e

torte la porta. *i.t:


IJ,rreau tles lorugitrtcle.s

J. Il'ntt,, prr lI. '\ta.qo, dans I'lrtnutre V', sul ce trril, llailli' t' II' p' 2+7'- |I,o1t]liottr !'1153i1n, t' \tJI, p' 4!1-130' F,trticularitis sur lcs rnirrislres des ftnunces, p. 296. Politirlue cont'nterciale tle I'Artrlleh a' p' Ai 1813, {irt'ue tlcs Deur 'llontles. t. XXIVT tle l?||ti, trrre bien singulici'e |efre' pal }I. E, }-crrcatlr.. _ I1 y cut, au srrjet r1r.r traitci r:hef de l'oprle lB:')l'.
l-r-rs' alrlrs ,iscussion dans le parlc',lrcrri arlglais. Ititt, irlors nritristre, et ir' l tloflble politiqrie col}traile nllsol'[nent lirugege utr deux tous position, y tirrrcnt clepuis si bienveilFox, I'histOire' dans personifient qu,ils strivirent depuis et c1u'ils

iT?s0-ri87l

TIIA tTS DE

COIIIIERCD.

:i7

qtti n'al'ait Queiclues rnoiS aprs, nu autrc trait tlc cotntnerce, tttais qui conouriqttcs, point d.'inconvnients et que dcs avantagcs
pouvait avoir inconvnient politique de nous aliner lcs Tut'cs. l'ut conclu avec la Russie (janvicr 1787)t' vergcnnes avait cart les prils du deliors : il s'agissait rtraintenant, pour Calonne, d'aviscr I'excution de Ia rfo|trie intrieure. Y faire concourir les pat'Iernents tait irnpossil-rle : oli pouvait compter sur la plus violente rsistance de leur part tra tliminution clcs privilgcs. Leur imposer la rforlnc purement et sirnplement cottps de lits de justice tait trop fort pottr ce g'ottvel'nemcnt us ct dbile. Calonne' jugea indispensal'rle dc faire appel I'opinion clans dcs formes oflicielles ct dc chercher potlr tc irOne urt point d'appui dans la nation. Le nom rles Htats-G'rl-

raux et pOuvant le roi. Calonne s'avisa tl'un moycn tertne:

il

rappela au roi et Yergennes les asscurblcs de Notablcs conYoques cliverses poques, iomtne unc espce de grarld conscil

extraorclinaire, que le souvct'ain choisissait dans l'litc de la nation et tlont il prenait les avis sur un objet dtermin. Yergennes n'airnait aucune espCe d'asScmbles; mais Calonne sttt lui pcrsuadcr que c'tait Ie sctrl lloyen clc prr'enir toute rsistancc parletuentaire et d'carter les rclamations du clerg contre la subveution territoriale. Ouant Louis xvl, il fut stltlit
lant pour Ia France, combattit tout rapproehement entre les tlelx nations Yce tlne extrine violtnce, eb Pitt, clui clevait trc pour la Frtnce utr cnttei plus impltcable que son pre lui-mme, protesta dans les tcrlnes les plus philanthropiques ct Jes pius ptrilsophiques contre le prjug qui fait tl'un peupie I'ettnemi rraturel ct ucesslire d'u1 autre peuple. C'tait, suivant lui, cr;lotnrtfer lanulure humatne.ll est rrai qu'il expliquait sa philanthropie en ilmontrant que le brtfice de cette uoulelle
Iution qu'il airna.

amitid serait tout pour l'ngleterre. Quant F ox, il u'tait pas compltement inconsquent; c'tait la monarchie de Louis XIV qu'il hassait en l'rance; ce fut la Rvo-

1. t'tait un trait analogue celui que I'Angleterre avait avec la lius"ie, et dont le pacte entre la Ilussie et la Fr.ancc empchn le renouvellement. Ou se traitait r-

eip-roqoement sur le pietl tlcs nations les plts favoriscs. On ruisait ircllucoup, tle part et d'autre, les droits sur les nrarcirandises tles deux pays. Orl abolissait le droit 'aubairre. On pr.oclamait cle nouvenu le droit des tteutres, tel quc I'Arrgietel're urne venait r-le le reconnatr.e, en ajoutant la clause clue les btiments escorts lle pourraient tre visits. la suite cle ce pacte, llarseille tablit des lclations frtictueuses avec la mer Noire, oir les Russes n'avaierrt point encore atlopt urr systme tl'exclu-

sion et rle prohibiliorr.

Ln Guerre

cle

la livolution iuielrouipit bicntt

ces

rapports'

YII' P. 430"439. - V. !'lassan, t.

568

LOUIS XVt.

Ir

786i

tats- Gnraux taient clevcnus invitables, il ne fallailpas pcrdre un jour, pas une heure, pour les convoquer! chaquc heure per.due creusait I'abme plus avant ! un homnre plus clairvoyant que re roi et que les deux rninistres avait, si I'on en croit sa correspondance, suggr calonne I'ide et le plan de convocation des Notablcs; rnais i{irabcau comptait hien que cette convocation prcclerait dc peu cellc de I'Assrtrsru Nartoli,\Ln r.

entrait dans la voie des assembles, les l\otablcs n'taient bons qu' servir d'antichambre aux Etats-Gnraux, et gue, si les

rnme pas la diffrence entre un hros victorieux qui fermait u^e rvolution et un faible prince qui ailait en ouvril une autre infini,rent plus vaste et plus profonde. Aucun des trois personnases qui arrtrent Ia convocation des Nor.lnlss ne cornprit que .ruJt. runion, n'ayant aucun caractre reprsentatif, serait absolument sans autorit pour ce qu'on attendait d'elle; que, ds qu'orr

par I'ide d'imiter Henri IV aprs la Ligue, et ne soupon'a

cernhre). n{arie- ntoinettc cn garila une vive rancune calonne. Dans Ie mmoire clu contrleur-gnral au roi, orl relnarque la phrase suivante : < La succession cles temps et la rvolution cles vnements sernblent avoir amen le rnoment oir la monarchie, longtemps agite, est enfin parvenue au point de trartcltuillir et rle matu,rtt, qui permet de perfcctionner sa constitution 21... Le pauvre - (Calorrne) fort bien sa faort lcs Notables. ,, Cet homrre asserulile une truupl e guillots qu'il appelle nation, pour leur donner la vache par les cornes et leu. dire : 1\Iessit'urs, nous tirous tout, et le par-clel; nous mangeons tout, et le par-delir; " et ( nous allons tcher de trouver le rnoyen de ce par'-del,
t. IV, p. 492.
5', Mdm, de l\Iirabeau,

Le mmoire sur le plan et Ia forn-re des Notables fut prsentd, par calonne au roi vers le Ib dcernbre: le garcle des sceaux, IIiromesnil, avait serfl t mis clans le secret aprs vergcnncs. La reine elle-mrne ne sut rien jusqu'au jour o le plan'fut corlmuniqu au conseil et I'ordonnance de con'ocatiori arr,te (zg d-

t. IV, p. BB9,

840.

sorr pre, le vienx physiocrate, juge

' n'a rien cle commun avec res pauvres ; et nous vous avertissons que les riches, . c'est vous; dites-nous maintenant votre avis sur la marrire. , XIm, cle l\Iirabeau,

,,l" les riches dnt I'argent

2, V, le mmoire dans Soulavie, t. VI, p. 130. _ On ayait youlu faire quelque chose ert attentlant les }lotables. Le 6 novemhre, un arrt du conseil avait ordonn I'essair penclant trois ans, tJ.'un plan pour la convelsion de la corye en une prestation pcuniaire.

It 7 87]

LES NOTABI,ES.

b69

roi avait t si bien fascin par les belles phrases du ministre, qu'il lui crivait, le lendemain de la sance du conseil : < Je n'ai pas clormi la nuit, mais c'tait de plaisir ! n L'innocence du roi et la fatuit du ministre aboutissaient la rnrne insanit de confiance
!

Les Notables furent convoqus Yersailles pour le 29 janvier l7B7.Ils taient au nombre de cent quarante-quatre, dont sept princes du sang, quatorze archevques et vques, trente-sir

et pairs, rnarchaux de France, gentilshornmes, clouze conseillcrs d'tat et matres des requtes, trentc - huit prerniers prsidents, procurcurs gnraux ct autres magistrats des cours souveraines , douze dputs des pays d'tats, dont quatre du clerg, six de la noblcsse, dcux du Tiers-Iitat, vingt-cinq ofliciers municipaux. Le vrai Tiers-Etat, la grande masse nationale des non-privilgis, ne figurait, sur ces cent quarante-quatre Notables, quc par six ou sept rnunicipaux : tous les autres taient nobles ou avaient privilges de noblesse. A la vrit , parmi les personnes convoques, plusieurs prlats et gcntilshomrnes taient connus pour leurs opinions philosophiques et rformatrices. Entrc lcs noms nobiliaires clatait celui de La Fayette. Nlais il erit fallu tre fort enclin aux illusions pour croire que lcs sentirncnts de La n'ayette pussent tre ceux de la majorit. Tous ces privilgis se piquaient d'tre des gens clairs : la plupart eussent concd, en thorie, pcu prs tout ce que rclarnait I'esprit du sicle ; mais, en pratiquc, fort peu taient disposs sacrilicr leurs privilges. Quoi qu'il en ft, c'tait une assenible polititlue extraordinairc, dans un pays qui n'cn avait vlr aucullc depuis plus d'un sicle et demi r. 0n scntit quc, si cc n'tait iras du tout une solution, c'tait un comlncncernent. De i les alannes de la cour et I'attente agite clu public. Les courtisans, rveillcls en sursaut du songc riant oir lcs avait bcrcs un trop scluisant enchantenr, vo"vaient, avec stupeur et colrc,la main qui les avait tant caresss se levcr llour lcs frapper. Le vieur rnarchal de Richelieu. cette 1-rersonni{ication sculaile de tous les viccs clu despotisure,
ducs

l.

Dcpuis les Notables de 1626, sous llichelieu,

)rt-l

tT)UIS XVI.

:l';s?l

dernrndait quelle pcine Louis xlv ct inflige au niinistre qni lui erit propos d'assembler les Notables. Le jeune vicorute de sgur disait : Le roi donne sa cl,ntission. Le public espr'ait r.n raison de I'effroi de la cour'. 0n pas plus cre conrance dans la fennet ''avait du roi que clans la moralit du rninistre; on se cloutait.bien que Calonne n'appelait un fanture de reprsentation nationalc que parce qu'il tait bout dc ressources, qu'il ne voulait que tircr de I'argent ; mais on comprenait ccci : vcrsqL?as baisse; Ia Frutrce monte.Il y eut un incident caractristique : I'autorit avait envoy au Journal' de Pari,s I une note annonant la convocation cles Notahles. < La nation, > disait cette notc, ( \rerr.& avec transport que sorl souverain dal,grie s'approcher d'clie. > Cettc expression seryile produisit un si fc:lieux effet, que I'autorit la fit supprirner tlans un autre journal (Ies Petites- Affi,r,cs)2. calonne, enivr' dc lui-rnnle, n'avait pas le rnoindre instinct
tle la situation ri'elle.
arrclam par la nation.

Il cornptait tre acclarn lrar les Notables, Il ftait d'avance son trionrl:he assur cn

se plongeant sans rserve dans toutcs lcs sortcs cle plaisirs. Le jour dc I'asseurble approchait; rien n'tait prt : il voulut rpal'er, par un travail forc, le tort dc sa paressc; il tomba nalade, et, tlc dlai en dlai, trois semaincs s'coulrent entrc le jour fix par lcs lettrcs de convocation et I'ouverturc effectivc de I'assctuble. ce fut, pour Ie contrleur-gnral, bien pis que du temps perclu. L'opposition eut tout le loisir cle se reconnatre et
de s'organiser. Les honrmcs les plus avancs cl'opinions n'taient pas ceur que Calonne avait le plus craindre, au moins tout cl,a-

bord. La Fayettc apportait dcs dispositions nullemcnt hostiles; il tait dispos acceptcr ce clui pourrait tre propos dc raisonnable cl. nrmc consentir clcs ernlrrnnts et votcr quclques tases provisoires: il ne visait pas irnposer la convocation irnrncliate des tats-Gnraux, rnais setilement obliger lc roi, avanI rle lui portcr aidc, reconnatre cu.tains principcs constitwtiormels. Dans le prrlscnt, tirblir des assembles provinci.rles, abolir. les cntraves au cornlncrce, rendrc l'tat civil au-x protestanl.s; clans I'ilvenir, dans un avenir peu loign, arrivcr une assenl.rle natiouiile :

l.

Premire feuille quot'[dtenne publie


de

2. llm.

llachaunont, t.

e' r'rlnce; tb'rle e. r7??. XXXIII, p. SIB; XIIIV, p. J.

t1? S7 l

CALONIiB

IiT LA

ITATIi'T'TD.

t7l

les r'nx tr's-modrs tels taient, an cornlllcncetnctrl cle l?87, aclvct'saires' llotlr dangel'ctlx de I'atni cle lYashilgtonr. Les ltlus plrrs que ltri, ni roulaient qui talonne, n'taicnt ni les hommcs tout; c'taieut du rien ceux qui voulaicnt moins ou ne voulaient lui, tnais qui voulaiont ceux qui voulaicnt lcs tntncs choscs que
lcs fairre

naive; i)erlonne avait t, rlans cettc occasion, d'trne con{iatice Il Source,l'incousistirtrcc' mme la ltri ficlic et uavel. avaient chez retlottet position par la tlevait savoir qu'un hotnme consiclrable Lotnnie lable par l'csprit cl'intrigue, I'arcltcvque tle Toulouse, et,'non-sr:ilicdc Rrienne, visait clepuis longtcrnps au urinistre, ce c$ri tait inrnent iI avait fait appcler Brienne I'assetrtble, lt's itnits vitaltlc, rnais it t'aiaiL laiss s'entottrer clcs litrt'sonnagcs coaiitir-'tl aiusiuue prpat'a sc Ii tlisposs lui servi| cl'a[riliaircs. et ceux cltti rei:'c'Ltsentle lcs gens qui lepoussaienl. toute t'fonne la rfbrrne des ntains cic talon1c. I''0S no)llcs, clliotti't'lts
saient

sa placc.

si pcr{ide autrefois

cnYeIS La chalotais, Lla-

ri'esprit tie corps, sinon d'esilrit de caste, rt'avaient tl' clerge et rtr,ancc; r'rais les mcmSres dr:s cletrx gra*tls col'Ps dc la ragistratul'e s'taient ententltis cll rnajoriti:. cc n'taieut pas lcs griefs clui pouvaitrut lcttr ttranqueri Atl clrti ait rnornent urrue oir lcs Notablcs sc rrtttissnient, calonnc il"esln cirisse ile 11'anantir le cr'tlit. II for'ait lt's itctionttaires cutiollllcrl.leilt compte aprier Ie roi de leltrpc rtcttre c.le vcrscr uu ofl.crtc: au gtra11tic ltouvclle COtnme cle Qurrna-trGTs ItrLLloNS! niilliuns' qttc ?0 n'atccptcr clc ptrblic. Calonne eut la ntorll,rcLtion titt nt gt'anri dvcloppe le stirit versclnellt, qui atl.e

point

cuJlal

cet nolrne

ti'rtue qu'avait pris la caisse, rnais qui la urettait scc, frit srrivi ie,q to[s ga3'nil pnrrique guralc, t1ui, cles actions cle la caissc, l .ff.t* circulants. t'tait l une bclle inaugtlral.iotr tlcs Notalllcs La nrort cle vergcnnes (13 fvricl t?8?), apr's ttne tnaiatlie que I'iutltritucle avait aggLavtic, fttt eucore une catlsc cl'aff;ri]llis-

it deSclncnt potlr Ce golrYernettlcnt pr't ii crouler' Ce ministrc, secourl clc firut cle gt'utrtlt:s facults, ;tt'itil ltcartcoup de qualits cart:t6,'t'5 6'iletrllCrrclre et Cctte ConSiclratiOn qtt'OJltienner:rt leS lut retliplue pouvoir. Vcrgcttrte's du exercice sliects clans un long
\,
lfi:rtt. rle La Fayette,

t. II, p'

167-198'

572

,LOUI.S XVI.

au-elessous cle la position.

pr Ie cornte de n{ontrnori', honnte honrme, mais entirenrent

tr 787l

merce des entraves qui en gnent la circulation ef soulager, autant que les circonstances le permettent, Ia partie

prendre leurs avis sur de grands et importants projets, pour s amliorer les revenus de l'tat, assurer leur lilrratin .rri.. par une rpartition plus gale des impositions, librer le
cornde

Le roi ouvrit assembl e,re zz fvrier, dans l'hter des Menus, Depuis rongtemps, on avait cess de crier : v,iue ra reinel cette fois, il n'y eut pas non plus un seul cri de : viue Ie rodl dans la foule irnmense entasse sur le passage du cortciger. L,e roi annona en peu de mots aux Notabres qu'il voulait

versailles-

la plus indigente

phrase.

Le garde des sceaux, r{iromesnil, rtbita une harangue assez ernphatique; puis calonne entama, d'un ton cavalier, un long discours dont il attenclait un efet procligieux, discours brillant, spirituel et rnalad'oit, qui rrlessa t'autlitire ds ra prernire

ses sujets. >

< l{essieurs, ce qui m'est ordonn en ce moment m,honore tl'autant plus, que les vues dont le roi rne charge de vous prsen_ ter I'c'semble et les motifs lui sont tlevenues entirernent per_ sonnclles... >

bel ordre qu'y avait r{abli le rninistre, ne prsent.it tle satisfaisant; que le dficit a'nucl tait tr's-.onri,lrohle. 'ien Il clurait depuis des siclcs: l'quilibre ja*rais exist sous Lo*is xy. ''avait

que la connaissance acquisc dc l'tirt rel des Tinances, gr.ce au

mie; seulement, ce n'lait pas l'conomie clure, svre, parci'ro_ nieuse, la fa,n de lI. Necrrer, qu'il clsignait suf-samure't sans Ie nornmer; c'tait la large conornie, au visage souriant, aux dehors faciles, qui fait plus que I'autre e' se inontrant rnoins. Aprs ce brillant tabreau, farlait pourtant arriver

signifier ds le dbut, I'assemhle, que les vues du rninistre taicnt entirement personnelles au roi, c'tait en quelque sorte ferrner la discussion d'avance. calonne poursuivit par le pangyrique triornphal de so' administration : il sc donna toutes les gloires, mrne celle cle l,cono-

il

confesse.

\,

Mm, de lJachaurnont,

t.IIXt\-,

ir. 27.

5i3 ET LIJS -\OTAtsI,US. I-,e tlficit, port au del d.e 74 millions ar,ant I'abb Terrai, tait
ir767l

CAI,ONN E

cncore de 37 lorsque NI. Neclier avait pris ia direction des finances;

it avait ncessairement augrnent sous M. I\ecker, cause cle la guerre; il tait cle 80 rnillions la fin de 1783, indpendamtnent
depuis; Calonnene tlisait pas de quelle solnme. < Il est irnpossible, ajoutait-il, cle laisser I'tat dans le danger sans cessc imrninenl auquel I'erpose un dficit tel que cclui qui existe; impossible de continuer de recourir chaque anne des palliatifs et des expclients qui, en retardant la ct'ise, ne lotrrraient que la rendre plus funestc. 0n tte peut pas tottjours emprulrter; on ne petlt pas impo-

tl'une dette flottante tle 600 millions.

Il

avait cncore augrnent

ser plus; on ne peut pas anticiper davantagc : conotniser ne suffirait pas. Que reste-t-il qui ltuisse suppler tout ce qui rnaltque, ct ltrocurer tout ce c1u'il faudrait pour la rcstauration
des flnances
?

c'est dans lcs abus mtncs que se tLouve trtl foncl cle richesscs que I'tat a droit dc rcclarner et qui doivcnt scrvir rtablir I'ordrc... Les al:us ont pour dfenseuls I'intr, le crdit, ia fortune ct cl'ant'irpr,es pritr'gs que le ternps scmJrle avoir respects; Ilitis clue peut lcur vaine considration contl'e le bien puhlic et la ncessit clel'tat? Les abus qu'il s'agit aujourd'hui rl'anantir pour le salut public sont lcs plus considrables, les plus protgs, ceux qui ont les racines les plus profoniles ct les branches les plus tendues... Tels sont ceun qui psent sur la classe protluctive et laborieuse ; les abus des privilges pcuniaires, les exceptions la loi comrnune...,l'ingalit gnrale dans la rpartition des subsicles et l'nortle disproportion qui se trouve

Les < Qui, lnessieurs,


abu,s

entre les contributions des diff'rentes provinccs

et entre

les

charges cles sujets d'un mme Souverain, etc., etc. Si tant d'alltts, swjets d,'ttne f,ernelle censLlre, ont rsist jusqu' prsent I'oltinion pulllique qui les a proscrits et aux efforts des adrninistrateurs qui ont tent d'y rcrndier, c'est qu'on a voulu faire, par des opr'a-

tions partielles, ce qui ne pouvait russir que par uue opratiou gnrale. Les vues que le roi Yeut vous comnluniquer tenclent toutes cebut; cc n'est ni un systlne ni une invcntion nouvclle; c'cst Ie rsutn, et, pour ainsi dile, le rallierlrent des projets d'uti-

LOUTS TVI.

[t

7871

lit publique conus depuis longtemps par les homnres d'tat les plus habiles. r I[ expose ensuite pourquoi, dans les iroques antrieures, il n'a pas t possible de parvenir ce rginre d'uniforrnit, cette
unit du royaume que le temps est venu d'tablir. Dans ce tablcau dur pass, il appelle le rgne cle Louis xIV ( ce rgne clatant.., rrn l'tat s'apptruvrissait par des victoires, tanclis qu,e le ryaa,Ltrme se
,Je

newplatt

par l,''intolrance.

>

Aprs avoir condarnn le systme des privilges sur lequel reposait la vieille socit, I'organe de la couronnc condamnait Ie sv-sfep1s catholique dont Louis XvI avait encore jur Ie maintien son sacre, par le serment d'exterminer les hrtiqucs. cc dsaveu r3clatant de la Rvocation de l'dit de i\antes attestait que le g''Jrr.vcrnement tait rsolu rparcr, au rnoins en parl,ie, la
g^rancle

iniquit de

1685. Le dessein tait arrt, en effet, de renclre

l'tat civil aux protestants et de remplacer une tolrance cle fait pa.r la reconnaissance d'un droitr. Le parlement avait pris les devants, ds la Iin de \778, et dlibr sur Ia prsentation cl'urr vru au roi, pour la constatation authentique des mariages, naissnces et dcs des non-catholiques. Louis xVI, sous I'influence du clerg, avait empch la comytagne de donner suite cette titibration, qu'il approuvait au fond; mais, clepuis, I'opinion tait devenue tellement imprieuse, qu'on n'osait plus reculer, et le lrarlernent venait d'nrettre,le 2 fvrier l7B7,le vu dlibr en dcenrbre 1778, afin d'cnlever au rninistre I'honneur. de I'initiative
2.

calonne terrnina sa iraranguc en annonant l'tablissernent

trois dcgrs, charges de rpartir les charges pullliques dans les prorinct.s qui n'avaicnt pas d'tats-prorincianxs; le rernplacement des vingtiures par un irnpt territorial
d'ilsselnbles de l Depuis plus de vingt ans, les parlements avaient tabli en jurisprudence de tlcrarer rrort. rcceaable quicouque attaquait la lgitimit des enfhuts ns des rnariages protestants. ?. La Fayette avait travaill ib activement, depuis 1?85, prparer ce jour cle jurtice : aicl rle l\Ialesherbes, il :Lvait gagn deux des rniriistres, Castries et lJrcteuil, t r'*"lelrriel'avait inspit I'ouvlrtgc cie Rulrlire (cltrircissrlrer/s suf les reuses de 1,, RJror'tlirttl de l'dil' il'e Nruttes), qri f'ut conilile la prfacc des uresur.es rclparatrices. \-. ctafrr;issenren,l.sr etc,; et trIent. e La l'avettc, t. II, p. 121, 180. - 3^ Nous avolls I'u (lue son but trit C'tablil I'unifolniit ri cct gald et de faire

[7S7j

C/\LO\r\E tT tES NOTAIILES

/.t

O0llrprenant lcs bieils ccclsiastiques; la suppression de la capitation pou. lcs rnembres des prerniers ordres, et lcs cliverses autrcs tnesures qLre rlous avons indiques plus haut en analysant Ie plalr
clu con trleur-gnral.

sur Ia corve.

n'tait dispos se livrer sans de svres garanties. Le lendernain (23 fv'ier), dans .ne sr.concle sancc prsicle par l[ortsieur (Louis xvIII), calonnc vint exposer en dtail Ia pre_ r'ire partie de so' pla' ct clonne. lecture cle six rrrnoires sur les asscmhles provinciales, sur I'ir'pt territorial, sur le 'e'rboursement des dettes contractes par le clcrg l)our lc paiement de scs clons gratuitst, sur la taiile, sur le comrnerce des grains,

ce to' de forfa'terie, ces'antc'ies effroutes, ces aveux brcs et incornplets, cette absence d'honntet qu'on sentait clans cette parodie de Turgot, a'r'aient biess les plus conciliants; pcrsonue

' La porte de cette sancc et clu discours de calonne tait incal. culahle. La frivole personnalit cle I'hornme rendait la grayit cles choscs d'autant plus saisissante. on etit dit une de ces vulgaires pythonisses qui, jouet du clieu intrieur, prononaient parfis les paroles fatidiques sans le vouloir et sarrs les comprenrlrc. A partir de ce jour, la RuvorurroN commence. L'arr't cle rnort cle I'Ancicn Rgirne lui a t signili par Ie pouvoir mrne qui est la tte clc ce Rgirne. Le rctonr cn aruire n'est plus possible. L'impression sur les Notables fut bien clifftlrente de ce qu'avait espr calonne. Les homrnes du pass fur.ent aussi irrils qu'ef_ frays. Les partisans du progrs ue fulent nuliernent salisfaits.

pour ainsi dire, en pesant sur toules les inconsquences, tous les dsordres, toutes lcs injustices ilu rgirne fiscal, pr.rqu, clans les

Il rcdoul:la snr ses paroles de Ia veille; il les .rrfonu,

sihle; il fit connatre, ds ce jour'-hi, I'intention o primer les nrnroires prclsents aux Notablcs 2.
dispatatre les Etats-Provinciaux

rnrnes termes qu'avaient emproys lcs crivains les plus agressilb. Il avait brfil ses vaisseaur. Il vonlait rcrrclre la rsistance irnpos-

il

tait cl,iur-

; mais il cachait encore cette iutention. Tout ce qui regartlait les assenrbles de trois tlegrs lui avait td suggr par le rtlacteur: mrne 'lu g.antl plarr murricipal de Tti'g't, par D*pont de liemours, qu'il avait appel au_
pr's de

1. calonne e'terrdait

lui corume lrrenrier conrmis

2. v.

cles fiuances. que re clerg se librerait au moyen d,alinations. lcs de*x sances dans r'lntrotluction au rlonireurl p. rB0 paris, plon,

1847,

D/0

t0uls xvl.
r,

lr 78?l

L'assemhle avait t paltageie en sept bureaux, prsids par les

les trois princes de la branche de Cond et le duc de Penthivre, petit,fls de Louis XIV et de 1\,I*" dc }fontespan2. Le ministre avait dcid gue charlue bureau cornpterait pour une voix, plocd tr.s-vicieux et qui pouvait faire prvaloir une rnajorit purement nominale sur la rnajorit rellc. Ds I'ouverturc tles dlibrations, les rnernbrcs des cours souveraines et les dputs des pays d'lltat signifirent qu'ils ne pouvaicnt donncr que leur avis personnel et qu'ils n'ayaient aucun pouvoir d'engager leurs ordles ou leurs cornpagnies. C'tait toucher au vif de la question. Les Notables sc nontr'rent cn gnral favoralrles l'tablissernent dcs assembles provinciales, bien qu'avec des restrictions tr's-graves quant la fbnne 3, et moins bien disposs pour les assembles de paroisses et tle districts, c'est--dire qu'ils applaudirent ce qui, dans les vucs clu gouverncment, tait avantageux l'lrnent aristocratique. La rnajorit clemanda que la prsidence des assembles ne ft pas donne au plus g ou au prlus irnpos, conlure le projctait Ic g'ou\,ernerrent, mais que les prsidcnts fusscnt exclusivenrent choisis dans les ordres privilgis: la vrit, elle offrit, plcolpefrstion, une conccssion au Tiers-tat: c'tait que ses reprstntants galassent en nombre ceux des deux premiers ordles enscrnl.rle a. Le dbat s'anima bien autrement quand on ell vint lrr sulrvcntion terlitoriale. Une rninorit gnreuse approuva hauteruent l'altaque aux Privilges : la rnajorit n'osa les soutenir ouverternent contrc I'opinion publique, qu'elle redoutait bien plus que le pouvoir. La cause du pass tait tellement perdue, qu'elle n'osait plus s'avouer elle-mme. La rnajorit, ne pouvant se rlfendrc, attatlua. Elle mit en avant la proposition fort juste qu'on ne devait pas voter un nouvel irnpt sans connatre exactement
1. Depuis Plr,ilippe-galiti. Son pre tait mort le lB novembre 1785. 2. Fils du comte de Toulouse. 3. La rnaiorit jugea le rnlange des ordres inconstitutionriel et contraire

tleux frres du roi, le duc d'Orlans

ltessence

Je la monarchie. 4. Les privilgis taient, loirr il'avoir calorl Ia porte de cette concession. C'cst la i'origirrc de ce firtneux tloublentenl du Tiers, qrri, dans des circonstarrccs biet plus clcisives, eut de si grarrtles ctlnsquences. Deux bureaux allrent jusqu' prolroser que le l'iels et deux voix sul trois.

l{

7871

CALONNB E'T

tBS NOTAl}I,ES"

ot

les recettcs et les dpenses, l'tendue et la nature du dficit. Les

du progrs approuvrent ce qu'ils eussent leur ct, et tous les bureaux rclarnrent la conrtnrrrrication de L',tat M.t urai d,es ftnances. L'an des frres clu roi avait des premiers pouss cette rclamation: il se montrait hostile calonne, comme il I'avait t Turgot, Necher, tous les rformateurs; mais il commencait un r'le nouyeau en tchant
partisans sincres
dernand de de cuuruler la dfense des intrts privilgis avec une affectatiolt de popularit'

calonne rcfusa la communication demancle. Le roi, disait-il, veut avoir I'opinion des Notables sur les meilleurs moyens de subvenir aux besoins de l'tat, non sur l'tendue de ces besoins suffisammcnt constats dans ses conseils. Les bureaux persistrent. calonne essaya de llchir I'opposition de Brienne et de queiques autres prlats influents, de ceux qu'on appelait les vques aclmittistruteurs, parce qu'ils taient beaucoup plus hornmes d'afflaires que de religion et qu'ils avaient des lumircs, point de prjugs et gure plus de cro)'ances. certains de ces orateurs des bureaur taient disposs transiger avec les ides du ministre, mais non pas yec sa personne. II fut repouss. Il s'adressa un lrlus gr.ancl nombre d'hornmes importants : il fit indiquer par le roi, chez Monsieu,rr le 2 mars, une runion de quarante-deux mernbres de I'assemble, six de chaque bureau, leur prsenta des bordereaux de recettes et de dpenses, attaqua par des chiffres I'exactitude clu compte rendw de Necker et avoua que le dficit annuel tait arriv 100 rnillions, sans compter une douzaine de millions ncessrires pour parer aux besoins imprvus 2. sur les aflirmations du rnilistre, I'archevque de Bordeaux, lU. de cic, dclara que la confiance et le crdit ne pourraient renatre qu'autant qu'une vri-

ll.

lication exacte apprendrait la ['rance si c'tait nf. Necker ou de calonne qui avait tromp le roi, et qn'aprs que justice

aurait t faite du coupable. calonne, dans la discussion, ayant le roi avait droit d'imposer' volont et que ce principe ne serait contest pr aucune des personnes prsentes, rle
avanc que
1. \r. dans Louis Blanc, llist, d,e la Rduolution, t. II, p. 186, quelrlues dtails curieux sur le t'r'e de reconstruction de la fodalit tlue nourrit quelque temps ,lfonsiaur. ,. ,t un peu plus tard, au lieu de 112, 114 ou llb.

"rl:

87

578

TOUIS XVI.

rlTs?l

I'archevque de Narbonne, Dillon, protesta nergiquement. L'archevque d'Arles , Dulau, mit en doute si toute autre assemble que les Etats-Gnraux avait droit de voter dcs impts. L'esprit et le talent dc discussion dplo"vs par Calonne n'aboutirent qu' un chec complct. La runion se prgnona contre I'irnpt tcrritorial ct continua de rclamcr le

vifs mulurtrres s'ievrent

dpt des tats des finances. Le lenclenrain, le roi It signifier aux hureaux qu'ils avaient dlibrer nolt sur le foncl, chose ttcicte, rnais sur Ia forme de I'irnpt territorial. Les bureaux rpondirent que, s'il tait impos-

sible de se clispenser d'tablir I'impt, il faudrait le percevoir en argcnt et non en nature. Ils insistrent plus que jarnais sur la comrnunication des recettes ct dpense s, pour qu'on prit fixer la quotit, ct, si I'on pouvait, la dure de I'irnpt. Ils n'eussent vonln I'adrnettre que comtne un secOurs transitoire. Tortt en rcpclnssant tle fait, comme les autres, l'galit devant I'irnpt, le prcmier burcau, prsicl par /rIottsi,eur, se piqua de gnrosit et refttsa

I'cxeinption

cle

capitation offerte aux privilgis. Tous les hureaur

clemanclrent

le rnaintien intgral des droits et privilges tles

provinces et clcs clivers corps, protestant ainsi contre Ie r'gme t. Il y eut des rnembres qui tre wniformc annonc par le irrinistre nrotifs cessr.ent rle s'opposer I'irnpt territorial , mais par dcs clu procureur-gnral Le collgucs. tl'un autre orclre que leurs Ia dans La Chalotais de parlelncnt cl'Air, le vieur frre cl'armes hautcs par de gu.rr* contre les jsuites , M. cle castillon, se signala
paroies.

( Il n'est, dit-il, aucune puissance lgale qui puisse acltpettre les I'impt territorial tel qu'il est propos, ni cette assernble"' ni tatsles roi; le mme ni pa,'ll.ents, ni tes tats parti'liers,
2' Gnrau-r eu auraietrt seuls le droit
L.tne scconcle sance
>

gnrale eut lieu le 12 nal's' sous la prsipartie de sou rlence rJ.e Xlortsietn. cal0nne prscnta la scconde
qu,on voulait augmenter l.irrr. 1. La Bretagne s,tait vivement agite en apprenant daus les pa1's de gabelle' ct diminner le poul frarrc-sal, de pa1's les dans du sr,l pt paierait pas plus que par ne Bretagne que la pronrettl'e fait le gouvernenu,r, ut"ii

le ltass. 2. S*r les dbats tles bureaux, Y.

3ltirn,.

tle Bachaumout,

t' SXXII-, p' 215-?60'

Droz,

t. I",

P. 482.

[17E7]

Ol,O\NlJ ET LIIS NOTI\BLES.

ii?9

plan, sur la libert dc la circulirtion intrieure, les droits relatifs au cortrnerce, la gabelle , etc. holir les douanes intrieures ct les droits d'aidcs les plus nuisibles la circulation, c'tait, colllme il le dit trs-bien, rpondre, aprs cent soixante-treize ans, aux Etats-Gnraux de 1614 et accourplir I'uvre que le grancl Colbert n'avait pu mener terure. nlais il gta le bon effet de ces paroles par de nouvelles trnrits de langage. Il parut vouloir persuader aux liotal:les qu'eux et lui taient d'accord. c Sa Majest, leur dit-il, a yu avec satisfaction qu'en gnral vos sentiments S'accolclcnt avec ses principes... que les objections qui vous ont frapps... sont principalernent relatives aux forrnes... D Snr cette assertion, nouvel orage. Tous les bureaux protestent avec virulence contre ce prtendu accord. Ils signifient que leur opposition porte sur 1c fond et non pas seulement sur la forme. llonsiewr dclare < qu'il n'est ni honnte ni dcent de faire dire aux Notables ce qu'ils n'ont pas dit. > La seconde partie du plan de Calonne est mise en pices comme la premire. L'abolition des douanes intrieures est tlop hardie. Les rnodilications de la
galrelle sont trop tirnidcs. tr[onsi,eur veut qu'on fasse disparatre

entiremcnt I'infernale mualtne tle ta gabette et qu'on y supple par une taxe. L'ain des frres du roi sernl-rlait prendre ce rle de chef de I'opposition, qu iI paraissait plus capable de rernplir que le cluc d'Or:lans' La Fayette demande que, Pr la loi qui abrogera la gabelle, le roi ordonne la mise en libert de tous les malheureux que la gabelle a jets dans les prisons ou aux galres (par la contrebande). Calonne est attaqu personnellement pour les scandaleux changes ou achats de dornaines darts lesquels il a sacrifi I'intrt de l'tat. Le prernier prsident de la Charnbre des cornptes, NicolaT, auteur de la dnonciation, ayant hsit la signer, La n'ayette la reprend pour son compte. talonne collutieltait sentir vacilier sous Sa main le monarrlue qui tui avait fait les mmes prornesses qu' Turgot et Necher, et qui allait les tenir de rnrne. II gardait toutefois etlcore au clehors son imperturbable assurance, et, le 29 msrs, il lut, dans une troisime sance gnrale, la troisime partie de son plan snr l'inforlation des dornaittes et la rlbrne de I'adninistration cles eaux et forts, cortnte si les deux parties prcdentes eusseut

tt80

LOUIS XvT.

u7s7l

il lana dans le public lcs lfrnoiles dont se composaient les deux preruires ltarties, prcds d'un avertissement qui motivait cette publication sul la ncessit a de dissiper les inquitudes qu'on avait voulu inspirer au PEUIILE' Il n'est pas question de nouvel irnpt, mais de la suppression d'itrjustes exentptions, de I'emploi de moyens qui tendent tous l'alt adoptcs. Le lendernain,

lgernent des contribuables les moins aiss. - 0n paiera plus, Ceux-l seuletnent qui nc payaient ltas sans doute, utais qui? assez; ils paieront ce qu ils doivent, suivant une juste proportion, et personne ne Ser& grev. Dcs privilges seront sacrifis!... Oui, la iustice Ie veut, lc besoin I'exige. Vaudrait-il rnieux sttrchargcr les non-privilgis, le ruueln ? En mme ternps, iI accusait les Notablcs en affectant dc lcs
r>

dfenclre.

((

Ce

serait tort que des observations dictes par le zle,

lcs erpressions d'une noJrle franchise, felaient natre I'ide tl'tinc


opposition malvole f . > Cette pice, rclige par le ceilbre avocat Gerier, fut rpandue profusion cf envoye tous lcs curs pour lu propagn dans I'es paraisses.Il n'y avait rien eu de si grave jusqu'alors que cet apptti dscspr clc I'organe de la cor,ionne I'opinion clu peuple contre

les privilgis. Un cri de colre et d'effroi retentit parmi les Notables. Tous les hureaux portrent plainte au roi coutre la
publicatio n sditieu,se du contrleur-gnral. L'assemble, la coulo plusieurs des rninistres, se coalisrcnt pour abattre Calonne : Ia reine entra dans la ligue sous I'influence cle son conseiller intitne, I'abb de Vermont, dvou I'archevque de Toulouse; Calonne n'avait plus gure d'alli que l'tourdi comte d. Artois. L'opinion publique ne rpontlait pas son appel. Bien que satisfaite de le voir clchirer tous les voiles et briscr toutes les barrires, elle souteuait contre le ntinistre dilapidateur I'opposition uttne rtrograde; clle appltrudissait aux Notables par cela seul qu'ils taient une assemble dlibrante aur prises aYec ull rninistle du pouvoir 3. alrsolu. Le tcmps du progrs par le clespotisnte olair tait pass
1. Bachaumontr t. XXXIY, p. 343-373. - Droz, t, I"" p. 496. 2. Une cireonstance locale contribuait rendre Paris plns malveillant pour

Ca-

lolne I c'tit la construction ilu mur d'octroi et des nombreuses batrires qui empt'isonnerrt la capitale. Palis, depuis qu'il avait franchi ses vieux boulevartls, s'tait

u 78?l

CALONNE ET NECKBR.

58t

Les parnphlets pleuvaient sur Calonne ct rptaient avcc emporternent ce mot redoutable d'Etats-G,nrau,n, llrononc avec solennit dans quelques bureaux. Le paradoxal Linguet, qui nagure

clbrait le pur despotisrne et devait bientt 1rrcher la banqueroute, invoque I'assernble cles Trois-tats. ,r C'est oul,rager la nation, > crit Carra, prludant sa carrire de journaliste rvolutionnaire, ( que de lui proposcr, en I'absence des Dtats-Gnraux, qui tiennent sa constitution, de consentir refondre cette constitution en assentbl,es ltrouinciales, dont la vritable qualit serait celle de caisses d'emprunt au grir du contrleur-gnral. > Un adversaire plus considrable, provoqu par Calonne; apportait la coalition un appui trs-cfficace. C'tait Ncclccr. Calonne
avait contest le Contpte rendu,. Neclier dernanda au roi la per.rnis-

sion d'en dbattre la vracit contre Calonne par-devant les XVI fit dire Necher qu'il tait satisfait de ses sen'ices et qu'il lui'ordonnait de garclcr Ie silence. Necker n'tait pas homme obir, quancl il s'agissait de sa renomme; il prIlal'a un mnroire apologtique, ct, en attendant, il palla; il renrit dcs notes aux principaux mcmbres de I'assernble. Sur ccs entreNota}-rles. Louis

faites, Calonne s'avisa d'al'ancer que Necker n'avait pas laiss au Trsor, comme il le prtenclait, une somme suflisante pour achever les paiernents tle 1781 ct potrr colnmenccr ceux de I'anne suivante. Sur le terrain du Contpte rcnclu,, Calonne et pu assez bien se clfendre; ici il avait alrsoluurent tort. Le snccesseur de Necher, I'ex-contrleur-gnral Joli de Fleuri, interlog sul' cc point, clclara par crit clue Necher ayait dit la r'rit. Le garde dcs sceaux }liromesnil, trs-engag dans la ligue corrtre Calonne, lit palvenir la lettre de tr'leuri jusqu'au roi. Calonne, questionrr avec svritri par Louis XVI, r'crimila lubilerucnt contre les intligues dont on l'assaillait ci irnputa l'opposition dcs l{otablcs aux. cabales de l\Iirourcsnil. Louis tourna sa uliruraisc hurnenr contre le garcle dcs sceaux et agra la ploposition clue It Calonnc tkr renrplacer 1\Iiromesnil par M. de Larnoignon, prsidcnt au parletuent de Paris cI cousin cle ]Ialesherbes. Calonne voulnt pousser la victoire jusqu'au bor-rt et faire congciier aussi Bretcuil, rninistre
teut
rlrantlu librcnrent dans Ia calnpagnc oornrc aujourd'hui Lonclres, ct fut trs-rnconcle I'euccirrte c1u'on lui irnlosa.

682

TOUIS XVI.

r.7871

de la maison du roi. Louis X\rI ne s'y refusa pas; mais il voulut prvenir la reine, qui protgeait Breteuil. La reinc clata, s'cria que ce n'tait pas Bretcuil qu'il fallait renYoyer, mais Calonne, qui avait colnpromis I'autorit du roi en appelant les Notables et qui maintenant ne savait ni les contenir ni les gagner; elle s'emporta, elle pria, elle pleura. Le faible roi, qui taitvenu chez

I{arie-Antoinette ponr signifier le cong de Breteuil, cllargea Breteuil de porter Calonne sa destitution; mais il garda, en
renvoyant Calonne, le garde des sceaux que Calonne venait de faire (8-9 avril). Les plans de Calonne ne disparaissaient pas avec lui, cotntne Ies plans de Turgot et de Necker avaient disparu avec leurs auteurs. Il n'tait plus possible de retourner aux vieilles routines. 0n avait
Tait entendre Louis XVI que, cles projets de Calonne, il n'y avait Mais qui excuterait ces projets? supprimer que Calonne. Il y avait deux canclidats srieux, le candidat de la reine et celui de I'opinion, Brienue et Necher, qui gardait encore sa popularit

malgr I'attaque fond qu'un puissant champion avait rcemment dirige contre son systme d'entprunts r. Le roi ne pouvait souffrir ni I'un ni I'autre. Le nouvcau ministre cles affaires trangres, l\'Iontmorin, tenta un faihle effort en favcur de Neclcr : il chona, ct, Necher ayant, le jour mme clu renvoi de Calonne,
publi sans autorisation son mttroire apoiogtique, la calliile clc la reine profita de cette dsobissanc llour Ie fhire exiler vingt

lieues de Paris. lfarie-Antoinette avait tout fait oubli

son

ancienne bienveillance pour le Gertevois. Le palti de la reine poussa provisoirenrent au contrle*gnral un vieux conseiller d'tat sans consquettce, NI. de Fourqucux, et, le 23 avril, le roi alla en personne reuretlre aux Notablcs la qtratrinre paltie du travail de Calonne, annon 15 millions d'conomies et un droit de timbre tendu biaucoup d'ol-rJcts qui en avaicnt C't exempts jusqueJ, pour contribuer, aYcc la sttbvention territoriale, combler le dficit. Le roi accordait aus liolablcs la prsance pour les privilgis dans lcs assetnbles provinciales ct la
Ir" Lettre.sur
Dnonciutton del'agiotdge au toi etaur 'ofab/es, par le comte de niirabeau; I'adnrfrufstr(ttion de IlI. Netker, par le mlue; nlars l?87. lly a de bourtes rai"onsr nrais aussi de I'e.ugr'irtion et cle I'iujustice-

7.

[r ?s7]

CfJ UT

B DE CAI,OI{NE. BIi IE N \ E.

s83

il fut entendu que re contrreur-gnral ne serait que son premier commis (1.. rnai). Brienne tait un autre calonne pou. Iu moralit, avec moins de talents et cles prtentions cle grancl co_ norniste de plus. Personnage tout cl'apparence, n,ayant rien au fond que des vices et une petite arnbition cupicle et vulgaire, il tait cle ces hommes qui, ayec un esprit fircile.t brou.oup cle ma_ nge, se font juger capables cles grandes places tant qu'ils ne les ort pas rempiies, Il sut rier l* rcine sa clcstine rninistrielle colnnle aucun ministre ne I'avait encore fait. lfarie-Antoinette g'Ouverna cstensiblement avec lui, assistant clsormais tous les
contits chez

Brienne. Louis se rsigna Brienne pour chapper Necher. L,arcltet'que de Toulouse fut nomm chef du .onrlil des financcs, et

ccss; le Trsor tait la veille cle susirendre ses paiernents. Il fallait se hter de chercher quelque fbrte main pour lui remettre le gouvernail. Montrnorin, seconcl cette fois par Ie nonveau garde des sceaux Lamoignon, lit une seconclc tentative sur le nom de Neclier. Louis xvl allait plier, qua'd Breteuil vint son aide contre les deux autres ministres et insista en fa'eur cle

corrlrl)ulrication cornplte de ces tats de fi'ances tant rclarns. Les Notalrles n'en montrrent pas plus de bonne volont et pa*u'ent pcn disp'ss accueilir impl du tirnbre. La crise tinincire s'aggra'ait cl'heure en heure : toutes les affaires a'aient

le

f',e de 6 rnillions dri rcntes viagres. To,s les b*reaux sc jetr,ent a'cc rlnLr avidc curiosit sur ccs 1hrueux courptcs de linance.s qui ltur avaient

cl'une teile prornessc cre rcructions drtns res crpenses, Ics Not*hles cctnsentirent I'emp.nnt, qui f*t 'ris sous Ia

c'm'''e ministre d'tat sans portefeuille. ce n'tait pl's une garantie ni une force; c'tait une victirne de plus, et nalhenreuse_ rnr:nt I'illustre vieillarcl devait compromcttrc, clans ce nrinistre, plus que sa vie, sa gloir.c, qui appartcnait la I'rance! l.,e 2 ruai, Brienne annona anx Jrure&ux que ies conornies annuelles seraient de 40 rrrillions, ct non cle lb, mais qu,un crrtprunt cle 80 rnillions tait indispensable. sous f inrpression

deyait l'cr.ascr avec tous les siens llaleshcrcs fut rarnen au co'scil par son parcnt Lamoig.on,

bilit d'un rle pour lequel la natu.c I'avait si pe' faite et qui

loi et acce.ptant, appelant la recloutable responsa_

58&

tOU t S XVI.

i1787J

Ils n'y trouvrent pas de grandes lurnires. Il y avait une telle absence d'ordre, de mthode et de sincrit dans ces comptesr, qu'on ne vint pas bout de dmler le dficit perrnanent des charges extraordinaires et accidentelles, ni par consquent de s'entendre sur le chiffre du dficit rel. La plupart l'valurent approximativement 140 millions. Les cornptes de 1?88 nous donnent ce sujet des notions qui manquaient aux Notables en 1787 , et I'on peut reconnaitre que le dficit pellnanent ne dpassait pas 97 98 millions, y cornpris une tlouzaine de rnillions pour besoins irnprvus : Calonne, aYec sa tmrit tourtlie, I'avait exagr, probablement pour tirer des Notables
enfin t livrs. le plLrs rl'argent possihle2.
nlalgr les conomies annonces, Brienne dclara aux Notables

chiffle de 80 rnilfonne de nouvelle une lions par an, avec I'itnpt du tirnbre et capitation. De longs et vains dbats se renouYelrent dans les
que la subvention territoriale tait ncessaire, au

bureaux. Les Notables appartenant aux ordt'es privilgis, c'est-dire I'irnmense majorit de I'assemble, taient inquiets des leproches qui leur arrivaient des provinces. La nolllesse et le clerg taicnt fort tncontents que les Notablcs eussent admis en droit l'qate rpartltion,, au moins pour un impt spcial, togt eu cherchant l'luder de fait. II y eut, panni ces discrussiotts, tluelques jncidents remarqualiles. La Fayette proposa qu'on sttpptit Ie loi de convoquer une .lssnrunls NTIoNALE dans cinq ans, c'est--dirc pour 1792! < Quoi, monsieur, dit le comte d'Artois, prsiclcnt tlu burcau, volls tletnanclcz les tats-Gnraux ? - 0ui, > qwe celaT. n,eun nronseigneur; et mme La FaVette ne lrt pas soutenu. Il eut plus cle succs dans deur arrtres rnotious, I'une pour l'tat civil des ltrotestants, lnesure laqtreile le gouvernelnent, conrlte nous I'avous dit, tait dj
1. Ils ne furent pas tous livrs; car ( lc lcri fit lui-mrne le triag'e de ceux qu'il vollait bicn montrer aux Notables; et de ceux qu'il lui plut de lettr sousttaire, et
llm. de Begui, apparernrnent, contenaient ou cles clons ou tles ilprdatious. " senal, t. III, p.236. g. V. les observatiorrs de M. Droz, Ilist. dwrgne de Louis XVI, t' Iu', p.519-51 tr.

ll ue faut

pas oublier que lcs charges extraor:dinaires et flottantes, quand on tre les solcle pas, aboutisserrt usessairement une cousolidation qui augnientc Ie rJcitper'nianent'tle l'intr't de ces ft;nrls consoliils, 3, trlin. de La Iia)-ette, t, JI, p. 177.

I{?S?I

I{. de La Luzerne, qui apl)uye fut et fit passer la motion sur les pt'otestants, fait d'autant plus notable et d'autant plus nouveau, que l'vque de Langres tait rlvot et non pas philosophe. ilI. cle la Luzerne alla plus loin et accepta d'avance la libert tlcs cultes, en disant qu'il airnait mieur
un vque,
rles lernples dans les villes que dcs prches au dsertr. L'anticltte

dcid; d'observer que ce

NOTABLES. I'autre, portr la rforrne du code criminel. Il


BNIENNE ET LES

!JS5

est juste

esprit de saint Sfartin et du christianisrne vanglique reparaissait enfin pour donner la rnain la philosophie contre le catholicisrne
perscuteur. Lcs Notables, ne voulant pas prendre, aux yeux des provinccs, la responsabilit de voter ou mtne dc proposer des impts, finircnt par dclarer qu'ils s'en remettaient la sagesse du roi potrr dciclcr quelles contributions auraient le tnoins d'incouvnients, s'il tait vraiment indispensable de dernander la nation de uouveaux sacrifices; c'est--dire que les Notables donnrcut leur drnission cntre lcs mains du roi. La sance de clture eut lieu le 25 mai. 0n entendit bcatrcotrir rlc priodes retentissantes, beaucoup de contre-vritels sllr I'u,ttutt, rlcs crrrs et I'wnit des principes, sur les grands rsullats de I'itssenrble. La confiance de Calonne avait pass dans scin succt'sseul'; rnrnes rssurances qu'on va sortir de pril; que tout est fini... quanrl tout cornmence ! anncs auparavant, on crit - Quelques obtenu grand elet d'une phrase telle que cellc-ci : < La corve est proscrite; la gabellc est juge; Ies entraves qLii gnaient le commerce intrieur et extrieur seront tltluitcs, tt I'agriculture, encoul'age par I'exportation librc dcs glains, devicndra de jour en jour plus florissante. > llais les choses valent selon les ternps et lcs lierix : c'cst ce que Ies Bourbons n'ont pas su comprendre; c'tait dix ans lrop tirldl Bricnne termina en protestant de la volont clu roi de lirniter la dulele des nouvcaux inrpts, ainsi que de rnaintenil lcs forrnes et les prrogativcs des deux prcruiels ordres, csscntiellcs la uronarchie, ct c1u'il irnportait cle ne pas confondre ayec l'gale rpar'-

tition

cle I'irnpt2.
dans le recueil intitul

I. iIim. tte La Fa;'ette, t. i, p. 178. 2. \'. tout ce qui lcgar',Je cc.lte assernble

Asscnrblte des

586

TOUTS XVI.

1787

ce n'tait pas au profit de la ro1'aut que les Notables avaient donn leur dmission. 0n allait bientt s'en aperccvoir. EIte et pu toutefois en tirer un bnfice momentan et gagncr peut-tre
encore du temps, si Brienne avait eu quelque peu de coup cl'il

politique. Tout le monde s'attendait une sance royale o le roi ferait enregistrer en bloc au parlernent I'ensemble des clits
d'arlministration et de linances consentis clans des termes gnIl n'y et point eu de violente expiosion d'opinion ce sujet. Brienne eut I'incroyable maladresse d'envoyer les dits un un. Les trois premiers, sur la libert clu cornmerce des grains, sur les assemblcs provinciales, sur I'a.bolition de la corve, passrent sans difcult (r7-zz-27 juin). Restaient l'impt du timbre et la subvention territoriale. Il tait clc toute vidence qu'il fallait commencer par celui de ces cleux impts dont le principe tait populaire et que le parrement ne pouvait repousser qu'en repoussant, au nom des privilges, la base de l'gale rpartition, c'est--dire en se couvrant cl'un cliscrdit immense. Brienne fit tout le contraire. Il envoya l'clit clu timbre le premier! Le parlenrent, cornbl de joie par cette faute, se sentit matre de la situation : il rclama, I'exernple des'l\otalllcs, cornmunication des tats de finances, afTn de se renclre cornpte des besoins du trsor avant d'enregistrer (6 juiilet). Le rninistre refusa. Au milieu de I'orageuse cllibration qui suivit ce refus, un conseiller-clerc, Sabatier de Cabre, s'cria tout coup: < 0n demande des tats,ce sont des litats-Gn.rau,n qa'il nous faut ! > Ce jeu de rnots se transforma en une proposition 1ormelle, et la compagnie arrta que des comrnissaires rdigeraient

raux et indirects par les Notables.

des remontrances pour supplier le roi de rctirer sa dclaration sur le tirnbre et exprimcr le vu de voir la NTror{ ASSEITBLEE pralablerlent tout irnpt nouvc'au (16 juillet) '. Lcs Notables avaient abdiqu entre les mains clu roi : lc parlc-

ment abdiquait dans les mains de la tqauoN. C'tait le rcnvcrsement de toutes ses traclitions; lui,;usquc-l si jaloux des tats-Gnraur, si clsireux de nc l)as les voir l-eilaNotablesrl-TBi; 2 r'ol. in 4o.
d,ucliort, uw Xloniteui .

L.

Mrn. tle llachaunrorrt,

t. XXX\', p, 331.

Les sances

q'clnrales se

trouvcrrt aussi dans L'Intro-

u?87j

PARLE[IBNT BT
Ds

TATS-G]jNIIALTT.

5ts'

il fut efray de I'espc\cc de vcrtige clont Les avait t saisi. rdacteurs des rcmontlances attuuc\rent la porte de I'arrt du 16 juillet en crivant quc lcs tats-Gnreur seuls peuvent consentir un impt pcrptu,al. La pbrte tait ainsi rouverte aux transactions avec la cour. Le roi ne rpondit pas sul ce qui regardait les tats et dpctra au parlernent l'(tit qui tahlissaitla subvention territoriale et supprimait les deux vingtirnes. Le parlement, alors, rclama les lltats-Gnraux sans rcstriction. a La nation, reprsente par les ltrtats-Gnraux, est seulc en clroit d'octroyer au roi les subsides ncessaires (30 juillet) '. > La majorit, qui ne songeait qu' intirnicler la cour afin rl'olitcnir le retrait de la subvention territoriale, avait t enlrane par deux minorits mornentanrlnent coalises : I'nne, pelsonnifie dans la froide nergie d'Adrien Duport, nne des futures puissances dc la Constituante, savait oir elle allait, la libert drnocratique, une Rvolution o disparatrait le parlernent et ou les tatsGnraux eux-mmes s'absorberaient dans I'nnit dc cettc assernble nationale appele tout I'henre par La Fayette; I'autrc, guide par la brillante et folle imagination de cl'pr'rnesnil, rvait
ratre.
le lendernain,

il

une restauration des liberts privilcigies clu uroyen ge, un rgirne de rnonarchie aristocratiquc, oir les trois ordlcs s'ASSeutblcraient lemcnt.
Le roi manda le parlernent Yersailles, ct les deux dits furent enregistrs cn lit de justice le 6 aofit. Dcux rnois auparavant, le lit de justice et prvenu, ou du utoins ajourn Ia luttc; niaintenant ce n'tait plus qn'un pisode cle cr.ttc nrme lutte. I,,c |rrrl0 des poques dl.cnnincs et conficraient, dans lcs inter'valies de lcurs assembles, le rnaintien dcs droits pulilics au par-

mcnt avait lanc un branclon qu'il ne clpenrlait plus de lui d'teindre. La veille et dans I'attcntc clu lit dc justice, il avait niinut d'avance une protcstation oir.l'on rcrnarquait ccttc phrasc

'

accablante : < Le parlement, afllig d'avoir eu clonner, clepuis clouze ans, son suffrage sur dcs impts accumuli:s ct dont lcs Pl'ojr:ts pr'st.nts

porteraient la massc jusqr"res


L, I,nr. de Bacharuuont,

plus
p. 378,

cle ?00 ruillicus d'accroisse-

t, XXIV,

588

LOUIS XYI.

lr 78?l

rnent depuis I'avnement du roi la courorulc, n'a pas cru avoir des pouvoirs sufTisants pour se rendre garant de l'excution dcs dits vis--r'is des peuples... qui voient avec effroi les suites fcheuses d'une adrninistration dont la dprdation excessive ne leur parat pas mme possible'. > Le lendemain du lit de justice, le parlement dclara illgales et nulles lcs transcriptions faites sur ses registres. Les jeunes conseillers touffaicnt, sous leur supriorit numrique, les scrupules et les apprhensions des vieux magistrats de la grand'chambre. Une foule immense, qui encombrait le Palais et les alentours, accueillait de ses acclarnations les magistrats signals par leur opposition la cour et par leur intervention dans I'appel aux tatsGnraux

trn rglement publi, sur ces entrefaites, touchant la rduction roi et de celle de ia reinc (9 aot), afin de cornrnencer r'ernplir les promesses conotliqucs cle IJriennc, irrita plus les courtisans lss qu'il ne satisfit le public2. < Il est affreux, s'criaient les gens de cour, de vivle dans un pal's ou I'on n'est pas srir de possder le lendetnain ce qu'on avait la vcille. Cela ne se voyait qu'ert Turquies. - Beau rnrite, rpliquait le public, que cl'abandonner ce qu'on ne pcut plus garder et de ployer sous la ncessit ! rr Lc parlement, ccpendant, poussait sa pointe. Le 10 aot, Duport rlnona en rgle lcs rli,Iapitlat,or"ts, abus cI'awtorit, etc., de I'excontreileur-gnral Calonne. Le parlement accueiilit la dnonciation ct chargea le prc'cureur-gnral d'inforrner. L'arrt l'Lrt ciiss par le conseil; mais Calonne ne s'y lia pas et s'enfuit en Angleterre. Tous les parlernents des provintes renor'elrent I'ar. rt du parlcrnent de Paris. L'acte d'accusation dc Calonne tait, aur yeux de la foule, celui de la cour et de la reine. Les panrplilets sortaient de tcrre de tous cts. Les clcrcs dc la basoche,
des dpcnses de la rnaison du

L. lItnt. de Bachaurnont, t. XXXY, p. 389. ?. Les chalges tle la charubre et de la garcle-robe taient rduites de rnoiti r la glande el h petiie curie taient runies. Les gerrdarmes, Ies chevau-lgels et lcs galdes de la porte taient, supprims, ce qui rduisait la cavalerie t1e la maisoil du loi ncienrres Iois frttmatses, t. XI\tIII, p. 4f6.- L'Ecule aux gartles du corps.
ur:lirrile fut supplime de nouvcau le 9 octobre 1787. 3. .{Iirn. cle liesenlal, t. 1II, ir, 25ti.

-Y.

lr ?87j

LE PARLEI\IUNT ET I,A COUN.

iJSg

dans les cours du Palais, chansonnaient tout haut lladame Dficit" Xlrulunte Df,cit prparait XIathame Veto !L'irritation contre llarieAntuinctte tait arrive tel point que, sur I'avis du lieutenant de police, Louis XYI interdit exprcssment la reine de se montrer dans Parisr. Le parlernent avait ajourn au 13 aot la dlibration sur les mo.yens d'assurer I'excution de son arrt tlu 7. Le duc de Nivelnais, pair de t'rance et rninistle d'tat sans por.tefeuille2, essavir de cairner les rnagistrats en leur reprsentant la ncessit de rnontrer la X'rance unie et l'tat arm de ressources suffsantr-s, dans un moment ou les affaires de Hollande rnenaaient dc ramenel la guerre. D'prmesnil le rfuta vivement, et, la majorit de quatre-vingts voix contre quarante, la Compagnie persista dans ses arrts, dclara les dits du 6 aot incapables dc priver la nlrtiorr de ses droits et d'autoriser une perception contraire , totts Le s principes, et ordonna I'envoi du prcrsent arrt tous les bailliages et snchausses de son ressort. Des cris d'enthousiasme accueillircnt au dehors la nouvelle de cette dcision. D'Eprmesnil fLrt port en triomphe. Le peuple ignorait que, dans le prambule de I'arrt, le parleruent et dclar qu'on ne pouvait, sans violer les constitutions primitives de la nation, sonmetl,re le clerg et lanoblesse la subvention territoriale, et que ces princiltes seraient cenx dcs tats-Gnraux. Quand on Ie sut, on en tint peu de compte. Un infaillible instinct avertissait la masse non privilgie que les lltats-Gnraur ne profiteraient gu' eile seules. La cour rpondit par I'exil du parlernent Troies (tb aot). Les deux frres du roi furent chargs de faire enregisl,rer les clits, i'un la chambre des cornptes, I'autre la cour des aicles. lIotr,sieut', qui passait pour excuter, malgr lui, un ordre qu'il ds-

pprouvait,

fut

applaudi par

le peuple : le cornte d'Artois fut

rsiffl ethu. La chambre des cornpteset la cour des aides denrandrent le rappel du parlernenteI la convocation des [tats-Gnraur.

thaque jour

le

Palais et les quartiers environnants taierrt ie

l. Bachaumont, t. XXXV, p. 402. 2. C'est le fabuliste, plus connu comme ami des lettres que comme per.sonnge
politique. 3, Bachaurnont,

t. XXXY, p. ,{07.

-Droz, t. II, p, 12.

590

LOUIS XVI.

t1787 l

tlrtre de rassernblements oti I'on donnait la chasse aux mou'ches tle la ytol,i,ce et oir I'on manifestait I'esprit le plus hostile. Les cl,wbs,

cercles de lecture et de conversation emltrttnts I'Angleterre depuis 1?82, passaient par-dessus la dfense qtt'on leur avait faite de s'occuper de politique et devenaient les foyers d'une opposition qui soutcnait celle de Ia rue. Le tninistre ferma les clubs. Le 2? aot, le parlement, du lieu de son exii, lana un nouYel arrt plus violent que les prcdents. Deux jours aupravant, Brienne, sous prtexte de la ncessit d'un pouvoir concentr en prsence tl'une situation aussi tendue, s'tait fait nommer principal rninistre. I-.,es marchaux de Sgur et de Castries refusrent de reconnatre sa suprmatie et donnrent leur dmission. C'tait I'honneur militaire de la vieille F rance qui s'en allait. L'ignorninie extrieure arrivait avec I'anarchie du dedans. Le gouvernernent, aux prises, I'intrieur, avec les vieilles corporations, ployait honteusement devant I'tranger. Dans les derniers temps de ilI. de Yergennes, la diplomatie franaise avait dj reperdu bien du terrain : la considr'ation, toutefois, se soutenait encore. Elle se ruina rapidement aprs lui. Vergennes, parletrait de commerce de 1786, avait russi faire en sorte que I'Angleterre et intrt ne pas nous faire directement la guerre, mais il n'tait point parvenu I'empcher de nous la faire partout indirecternent par la diplornatie. I'instant mme o Pitt renrplissait la tribune anglaise de si belles paroles contre les haines internationales, iI mettait son principal soin miner par'lout les alliances et les intrts de la France. Irrit du pacte colnrnercial de la France avec la Russie, il s'en Yengea en Turquie. Second par Ie gouvernement prussien, qui tait tomb cornplternent sous sa main depuis la nrort du grand Frdric, il affecta tout coup un grand zle pour le maintien de I'empire othornan, jusque-l si compltement livr par I'Angleterre la discrtion des Russes, et poussa les Turcs reprendre I'offensive, afin que la France perdt I'alliance colnmerciale de la Russie si elle soutenait ies Turcs, ou vt anantir son inlluence dans le Levant si elle lte les soutenait pas. Les agents anglo-prussiens promirent au Divan d'anner le roi de Sude et de soulever les Polonais contre la Russie. Les Turcs, se croyant menacs par le fatneux voyage

Ir787

TUltQUlE. HOLLNDE.

591

tzaritte at'cc de Catlierinc II cn Crime et par I'entrevue de ia donc l,ernperelr Joseph II au borct de la mer Noire, dclar'rent ne Songeait la guerre aux RuSSes, dans un lnoment oir Catherine la Portc, contre prochaine tnme ni pas une ttaqne irnmdiate

,t ot

Joscph

Pays-Bas

.o, l,

Danube (aofrt 1787). Les arnbassadeurs franais tentt'ettt en vain tl'tcinclre le feu allum en Orietlt par les anglais. plus prs D'autres intligues, sur ces entrefaitcs, attaquaient de Prussc, la instrutnent, son surtout la ll'rance. L Angleterre, et Le Turquie. qu'en Hollande agissaient plus ostensiblernertt en le rclllarque cornme gio"rrn*m.nt franais avait eu grand tort, trOr-bi.t llirabeaur, cle ne point affranchir la Hollanclc cn rnule

II tait plus proccup des troubles suscits dans lcs u.,tri.hi.ns par ses innovations que dispos se battt'e

ternps qttc I'Amrique, c'est--clire cle nc pas profiter de I'intlignation excite parles infnes trahisons ctu prince d'Orange pour faire abolir le stathoudrat. La question, que Ie gouvernernent franais n'atait pas eu l'nergie de trancher clLtranl Ia guerre d'r\mrique,

restait penclante, depuis la paix, etttre I'indigne chef du pouvoir rnilitairc, soutenu par une coalition cl'aristocratie et de populace, et paet lcs principaux rnagistrats appuys sur la partie claire triotique rlu peuple des Sept Provinces. Les tentatives du stathou-

rder pour faire rnassacrer clans des tneutes les chef's du pnrti orclres ses trottiles les par pubiicain, les violences cornmises poussrent bout les patriotcs. La province de llollande suspcntlit le prince d'Orange des fonctiotrs tle cairitaine-gnral' Le stathoudei. invoqua I'intervention du roi de Prusse, frre de sa l'ctntne, son pguet l'ambassaCeur anglais La Haie souflla Ie feu de tout

voir. Le roi Sr'rlric-Guillaurne hsita toutefois d'al,rord se ttrettre uten opposition ouverte avec la France, et iI y eut uu essai de Le statlrouder, Prusse. la et tliation en cotnrnun par la n'rance llancet excit par Sa I'euune, Yrai dmon d'orgueil et de tue '

relusa les conclitions cl'accoulmo{.lelncnt (janvier 1?87). pas eu loute la viguetrr' 1\[. De Vergennes vint mourir. Il n'avait plus' on lteut dsiraltle; mais, aprs ltti, ce fut bienpis: il n'y eut clevcnait Prusse la de L'attitucle Ie clire, de rliptouratie franaise. L.
Adresse

au,r liatatesl 1788.

5C2

LOUIS XYI.

u?87I

Montrltgrlaante. Lc nouveau rninistre des affaires trangresn {u rnorin, proposa au conseil de former un camp Sur la frontire fut quand il ncessaires, fonds les fait Nord, a civet. calonne avait que sous ccongdi. La X'rance tornba bien plus bas encore on ne fortna lonne ! Brienne dtourna les fonds, et non-seulement de Rochanipas un corps d'arme Givet, sous le commandement ou ii*u,, ou 4e La l'ayette, comme il en avait t questionn mais frrc d'armes de dtourna les rpulicains holtanclais d'appeler le Iit prenrlre pour leur on et troupes, \Mashington la tte de leurs gnral

un lche intrigant allernanrl, le rhingrave de salm, qui faiblc llontir'tait propre qtl' rendre la dfense impossilrle. Le et I'histastries, rnorin n avait os rclamer ni soutenir sgur et grancl Turgot, toire est oblige d'avouer que lc collgue, Iarni du de faire sou X'rance Ia empcher contr:ibua, dirns le conseil, de distinctive quatit jamais la t deroir. L'nelgie n'avait d'autre maintenalt plus avait n I\latesheres : affai|li par l'ge, il

la guerre au dehclrs' ide que la peur des troubles au dedans et de franaises 0n rr'et pas eu la guerre si fon et tnontr les armes point dcide attaquet', Ia tlrontire; car l'Angleterre ne se ffit que la F rance n'aet la Prusse n agit que lorsqu'elle fut bien strre honte. Aprs llr la ,. eut on guerre; la gilalt pas 0n n'etrt pas eu la catastrophe castries, de et prar.hno* de sgur d*rission dcs fcmme, aprs odieuse ne se fit pas attcndre. Le stathouder et son pour surPrendre La llaie ar.oil. chou rlans un nouveau complot ouvertement les arlnes et faire gorger les magistrats, appelrent

tr'angres.Vingt-quatremillePrussiens,commandsparCe faire naufrage mrne dnc cle gruns-,ilick clont la gloire devait patriotes, cottLes Hollande. vahui, pntrrent rapidement en de Salrp, le rhingrave par stelns ele I'ilaction de la France, trahis ullc opposer qui s'enfuit au lieu de dfendre I]trecht, ne purent .r*irtuo.e efficace. Le stathouder rentra dans I-,,a Haie le 20 sepHol!787, Amsterdam capitula (10 octobre), et toute la
tembre

de la faction victorieuse lande futlivre au pillage et aux fureurs et de ses auxiliaires allemands' et la Flollande rpuL'important trait de 1?85 entre la B'rance

l.

Sgur, Tableati

de

l"

Euroytert'

lt", p'

342'

-Droz'

t' II' p'

28'

t17

87l

t,I'Atlt tis t)ts ilOLLrIt\ DB.


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lande ass.rvie dut subir avec lAngleterre et

Irlicaine fut annur tlc fait par lcs nouvearx pactes rlue vier
<

lioi-

ia

17SS).

prusse (rb jan-

'alheureux lrrls, qui ve'aient dernarrclcr la ['ra'ce


secours.

devait chasser devant eile les tendards du frre de Joseprr II ct du neveu de Frdric Ie Grand. L'ignorninieux dnotir'ent rlcs affaires de tlollancle couvrit le gouvcrnement d'un mpr.is gnral, que raviva la prrisence rie ftrns ces liatriotes hollanclais comprornis, abanrian_

La France vient de tornber! je doute qu'clle se rerve, u tri[ I'cmpcreur Joseph II t. Blle ne clevait pas se rclever, en effet, s*us le drapeau de Ia monar.chie. c'tait sous un autre drapcau q*.t lle

un ,*f,rg, clf,rrl

rie

leurs droits beaucoup prus tenclus, mais aussi avec leurrb',e cie privilge et d'ingalit, c'est--dire qu'ils revendiquaient le rginie dcs Trois-Ordl'es contre le nouveau systrne de reprsc'tati.li foncl sur le principc unique de la proprit foncire r" Lir: Trir] Flassan, t. VII. p.456. Les assembles tles deux degrs supr'ieurs, de l'lection et de ia rie cievaient tre reprsentatives qu' partir de i?gl, le " roi nommrr,;orqi"-l;;;r;;; 'r.*r,iricr des merubres, q,i se cornpltaient ensuite eux-mmes. v., comme spr.imerr. .ic Rglement sur la formation des ossenrblie.c d,e chatnpagne, a,p, Acinrmes Loit f ,,{rr,f.ir$*, l, XXVJII. p. Bri6; pB.iuin IZBZ.

jets au sou,uerain,r Plusieurs parlernents clemandaient, au nonl dcs l,oi's co,stttu,tiorutelles du royaun)c, qu'au lieu d'organiser les assenr_ bles provinciales, on rtabrt res anciens tats]provinciaux
avec

riguenrs tnises la place de Ia justice... lllessent une nation idcf {re de ses rois, nrais libre et tre, gracert res c*rs , et 7,ri1,1,rrtienl r,n1pr les liens qui atmcrtent re souue rain au,u st,ets eI rr.t stt-

tie calonue. Le*r rangage devenait trs-menaant. ,( Lcs Proc:s rorirrs rl'autorit sans cesse rcnouvels, > disait le parlemcnt de gesa*_ olr' ( les cnregistremenls fbrci:s, les exils, ia contraintc et lt:s

pirrlement de Paris, la convocation des ltrtats-Gnraux, Ir.

L'agitation causd'e par I'exil tlu parlernelt continuiri{,. Tcrus i.s t.iburaux i,frieurs, et r'nre ds trangers la rnugis_ 'orps .rrooll lrlture,l'universit, Far exempre, avaierrt Troics des ;rtlresses et des dputations. Les parlements provinciaux taient tlichains ct rclanr.ie't, les uns aprcis les auties, lc rulrg,ei du

l.

?'

:r !

LOUIS IVT.

u7871

lctucnt de Boldeaux alla jusqu' dfendreI'assemble provincialt;

du Limousin de se runir. Il dpassa cn hardicsse le parlernent cle Paris : exil Libourne, il refnsa d'enregistrer les lettres de
translation, comrne illgales. Les choses, pousses si avnt par les cours provinciales, semblaient s'apaiser eu ce mornent entre Yersailles et Troics. Le ministre avait pcrtr; la majorit du lrarlernent de Paris s'ennuyait dc I'exil et s'inquitait des suites ; Brienne lit des avances; la rnajorit ne les repoussa point et I'on alloutit une transrction sans logique et sans rlignit. [,e rninistre retira les dils du tirnhre et de la subvention territoriale, proclams nagure indispensables au salut de I'tat. Le parlement, tout en clciarant ne pas se dpartir clc ses arrts, enregistra le rtablissement des deux vingtinres, savoir : le premier indfiniment, et Ie second jusqrr'en 1792; lesquels vingtimcs seraient dsormais perus, ( sns distinction ni cxception, surl'universalit du revenu des biens qui

y sont soumis (19 septcmbre 1787)

Le pouvoir royal et le parlernent sorttricnt tous deux amoindris

'. ,

d'une lutte oir il n'y avait cu que des vaincus. L'opinion salua cornme une victoire le rappel du parlement. La jeune basochc et la rnultitutle turbulente qui lui servait d'auxiliaire firent illuminer les alentours clu Palais en citssnt les carrcaux des rnaisons qui n'obissaicnt pas. 0n brrila Calonne en effigie sur la place Dauphine; on promena au milicu des hues d'autres nlannequins reprsenlant Ie ministre Breteuil et I'amie clc la reine, la duchesse de Polignac. Pcu s'en fallut qu'on ne traitt de rume I'inrage de l{arie-ntoinettc. 0n sentait frruir dnns la frrule des sentiments violents qui ne cherchnient qu'une occasion d'd'clater. La capitulation ayec le parlement tait un rnisrable exptlient et non une solution. L'orage groudait parfout; toutes les rnes avides d'action aspiraient l'lectricit qui remplissait I'espace. < Du chaos tranquille, > crivait Mirabeau, < la France a pass au chaos agit : il peut, il doit cn sortir une cration. r Et Mirabeau, qni n'avait pas t appcl aux Notables et rltri scnl,ait sa tlestine dans une plus grande assemblc, pous-

{,

,{rrr'. Iois fi'olodses,

t. XX.VIII,

p.

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E BII}-}.\8.

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sait les parlementaires ii ne pas acceltter l'ajournetnent des EtatsGneiraux 1792, nais les exiger pour 1789, date cle rigu,ew', disait-il , tnontrant tout ce' qu'il y aurait d'insens, de fatal

pour Ie gouvernemenl lui-mrne, teuir la France en SuSpenS r. 0n mardurant quatre annes encole dans une telle crise chait vite; cette date de 1792, que l\firabeau repoussait si absolument par des raisons prernptoires, tait celle que La tr'ayette avait dcrnande quelques mois auparaYant, sans trop esprer
I'obtenir
!

ITfirabeau ne

fut point cout. Brienne avait son plan.

Ne pou-

vant plus reconrir I'inrpt, il avait rsolu d'en revenir I'entprunt, mais slrr l'chclle la plus hardie. Il avait fonn le projet de prscnter en bloc I'enregistretncnt une sonllne de 420 rnil2, lions tl'emprunts, ralisablcs en cinq ans avec prolnesse de convocation des tats-Gnraux aYant 1792. Ce dlai serait etnploy rtablir les Tinances, et les tats, arrivant dans une situa-

tion claircie et calme, potlrraiellt s'occuper loisir des arnlioraticlns qui assurelaicnt I'ai'crlir'. C'ctait l du moins cc qu'on allait d.ire au parlenrent. Quant au roi ct la reinc, Brienue calnra les apprhensions que leur causait le tlour d'Iitats-Gnraux, en leut' reprsentant qu'une fbis les entprttllts cnrcgistrs , Ics finatlces

et ies esprits amortis 1lar ulle si longue attente, o1 ferait des tats-Gnr'aux un vaiu spectacle, ou, tne\nter on ne les
restaul'es

conyoquerait pas du tout, puisqu'on n'aurait ltlus ricn leur


mancler.

cle-

C'tait avcc ce rnlartge d'avetrglemcnt et de fausset purilc que lcs derniers rninistres tle Ia l]lonr'chie S'apprtaientaugranti conrbat clc ll Rvolulion. ilricnne, dans I'esltoir de scluire l'opiniotr, ajouta l'dit cl'emplunt i'dit tant rclarn qui rcndait l'tat civil aux protestants, tout cn dclarant, pour Iiaiscr Ie clcrg ' quc Ia reiigioll c'atholiqtrc serait toujours Ie scul cultc public et autoris dans le r'yaulne , ct que la naissance, le uiariage et Ia tuort de ccux qui

ll

professcnt ne pclurt'aient, daus aucun cas


1?t]7

tt'e constatS qll'-'


de

l. Lettres des 30 octobre et 1B novembrc p.459-467.


2. 120 utilliorts en l?BB;90
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llirabeau,

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787J

suivant les rites et usages tle iadite religion,. Le lg novembre, ds le rnatin, le roi se transporta brusquemerrt au parlement, qui venait peine de se rouvrir aprs les yacances ct se trouvait en-

core trs-incomplet. Brienne, qui avait travaill les rnagistrats par toutes sortes de sductions, esprait enlever. la rnajorit et combiner, par une forme quivoque cle sance, le hnlice d'un enregistrement libre et celui cl'un lit dc justice obi sans rsistance. Le garde cles sceaux, Larnoignon, dhuta par un discours maladroit si I'on prtendait gagner et non contraintlre les votes : il ressassa toutes les maximcs alrsolutistes dcs lits de justice de Louis xY : < Au rnonarque seul appartient lc pouvoir lgislatif , sans dpcnclance et sans partage, > elc. , en y ajoutant ceci : Que le roi ne pourrait trouver dans les tats-Gnr.anx qu'un conseil pl,us tendu, et serait toujours I'arbitre suprrne de leurs reprsentations et de leurs dolances. Cependant, lu dlibr'ation fut librcrncnt ouverte : chacun donna e[ rnotiya son vote haute voix. Les chefs de I'opposition parlrent longuernr:nt, nergiquenrent, rnais avec conlrcnalrce, et I'opinion qu'ils soutinr.ent tail
celle de i\firabcau : accorder le prernier emprunt (celui de 120 rnillions), lnoyennant les tats-Gnraux pour 1?Bg. Le dbat se prolongea sixheures: la majorit tait acquise I'dit, ayer supplication au roi de hter lcs tats-Gnraux... Tout coup le garde llcs sceaux, all lieu tle laisser le prernier prsident cornptcr les voix, monta vers le trne, parla I'oreille du roi, puis, sur I'ordre obtenu de Louis, pronona I'enrcgistreurent de l'dit, d'aprs la lbrmule usite dans les lits dc justice. un long mnnnure parcourut I'assernble, qui voyait transformer soudain en lit de justice une sirnple sance royale avec dlibration libre. Le duc d.'0r'lans se leva, et, tloubl comrne s'il et entrevu otr le pas qu'il faisait devait le conduire, dit ces rnots entlecoups : s sire..., cet enregistrerncnt rne parat illgal !... > Louis xvl nc montrait pas moins de trouble. < cela m'est t1gal..., r rpliqua-t-il. < Si; c'estlgal, parce que je le veux2!r La rurlesse despotique du langage cachait mal I'hsitation clu cur..

iI

Louis

lit lire le second dit, celui des protestants, et se retira ,


/rarroser',

l,

'lnc. Loisf rcnctiser, t. XXYIII,p. 472. 2. Srrllier lccrnseiller au parlemenl)1 Annoles

p. l2E,

llg,

IT?87-17SS] LTl'DT, JUS'TICE.

PITOTBSTANT'S'

597

Iaissant le parlement en sance. La protestatiorl du duc d'Orlans fut rclige avec dveloppement et inscrite au procs-verbal, et

qui I'assemblele renclit un arrt par lequel, vu I'illgalit de ce ne dclarait venait de se passer la sance du roi, le prlement les sur prendre aucune part la transcription de l'dit d'emprunt
registres.

La folle dmonstration absolutiste du garde des sceaux avait ruin de fond en courble les plans de Briennc. La cour essaya la rigucur. Le tluc cl'Orlans fut exil Villers-Cotterets; deur conseillers, qui passaient pottr aYoir excit ce prince, fttretrt envoys prisonnies tlans des chteaux forts. Le parlement rpondit en accueillant ttne rnotion d'Adrien Duport contre les lettres de caClret, comme tutlles, illgales, ontraires au, droit pttblic et au droit natwrel,. Le roi mancla le parlernent Versailles, fit biffer I'arrt, et orclonna I'enregistrement de l'dit en favettr des protestants, r' nralgr lcs rclamations des vques prsents Paris Le parleruent, bicn qu'ii et voulu tout suspendre, cda sur ce point, non pas aux exigcnces de la cour, rnais I'impaticnce de I'opiniorr. L'opposition rtrogritde, que personnitiait d'Eprmesnil, se signala par cles clclamations fanatiques. < \roulez-vous, s'cria d'prmcsnil cn levant la main vers I'itnage du Christ, voulezvous le crucifier une secondc fois ! u It n'y eut ni'anmoins qre
dix-sept voix contrc I'dit (19 janvicr 1788).

Lc parlement renouvela ses retnontrallces aYec plUs d'nergie contt'e les chtiments arbitraires (tt rnars). Duport et I'opposition parlcr la ornpagnie utr llrogrcssivc I'emportaient et faisaient
iu"gog.

cluc Turgot et Voltaire ettsscnt t bien tonns d'cntendre tclles bcuchcs. a Lcs actcs arbitraircs violcnt des clroits de dans Les rois ne rgncnt que par la conqttte ou imprescriptiblcs. nation rclarne cle Sa llajcst le plus grand bicn purl lu loi. - La renclre Sirc, cc n'est ses sujcts, la tibclt... qo',,ntoi puisse rnagistrats plus deux plus un princc cle votre SanS ce ne sont

'

1. Les protestants restaient exclus des chargcs de juicatule royales ou seigtreuqui donriales, dcs offices municipaux ayant furrctions tlc jurlicature, et des places p. 'l?4. nent le iltoib d'enseignemet public. - Anc. Lois franaises, t. xxYIII, - Les juges civiis, en cfls de refus des curs ou vicaires, procdel'r:nt la publictf,ion des a],s, dci.rreront les parties urries en lgitime mariage, inscritont latlite clclaralion

io" ot, r'tgistre tcnu en 'loulrle,

etc,

5tl.\

l-oIrs

\\r.

It?881

que voh'c l)i]l'lcllrcnt l'erlen]andc ur lloir] des lois et de la laison; > Ce c1u'il y ctrt de grave, en fait, lcs remontrances parlcrnc'nt, ce fnt dans du lrltrs la phrase suiyante : < De tels nroyens , Sire, nc sont pas dans votre crlr, de tLlsexernples ne sont pas les plincipes de Votre Ilair:st; ils uienttentr cl'Lr,na au,tre slu,rc(. > La rnagistratulo se faisant ofliciellcrnent l'cho tles clanrenrs populaires contre la reinc, c'tait un cles signr's lcs phis vidents rprc la Rvolution
ce sont trois Franais, ce sont trois houunr.s !

eommenait. Cette Rvolution, qui de'r'ait clpasscr de si loiu lcs plus 3'r'ancles ryolulions du pass, prludait i\ la ntanire de [a Froncle. Comure au tcrnps cle llazarin et d'nne d':\ntriche, la Srlcrl'e tait paltout entre les parlerrtents et lcs gouvcl'lielu's rlcs plovinccs, crticntant les orth'cs du rninistl'c L'n soutanc e[ c]c la rcinc, sa prutectrice. Les gouvcrrleul's faisaicnt transcrire dr force l'rlit sur les rcgistres cles conrs. Lc.s parlcruents prot,.staicnt, se dflcndaicnt coups

tl'alrls, ct rcnclnicut I'crnpnuut inrpossilrlc. Il y cn ayaiI urrne qui avaient refus la prorogation du sr:conil vingtirne accor-tle par le parlernent cle Paris, ct ck'nr tl'enfr'e eux avticnt fait des rernontrances ctrntrc l'clit qui rtnileit I'i'tlt civil aux protestants. On n'en tait pas encore au-r luttes rnrtttii'icllcs, inais on y nlrr'chait ii grancls pas. l,e parlcntent tie Paris, rlui s'tait, tiuatre inois durant, erclnsivernent attach f'airc in gucrre aur lcttres de cachet, porta le tk:rrtier colrp l'empluut llar les remontrunces t1u'il arr*)ta enfin, [c l1 avril, contre I'cnregistlcnrart tlu ig novemlrre. Lc roi r(:pon'Jit,lc l7 alril, clu'cn n'avaif pas cu ltcsoin cle rsumer ni de courptcr les voix, pilrcc cJue, loi'sc1u'il tait prscnt la rllibr'ation, 1l ju,geait ltttr lui.*ntrme et n'avait pas ttuir cornpte cle la plLrralit. < Si la pltrralit{t, rlaus Incs corrrs, Ibrait rna volont, la monarchie ne serait plus t1u'urre uristocnilia tie rnagistrats {. r Le ?9 avril, strr la rlnonciatiort cl'un jeune conscillcr, Goislaltl de nfontsabt.rt, le parlenient prit I'oflcnsir,e en orclonnant une infbrnration sur la condLritc tlcs conlrleurs riui procrluient la r'r'ification cles dclaratious dcs l,ritrticrrlicrs sul' les vingtirnes l.
Inlrduction au Monileut, p. 2tJ4.

l1 7881

tsIiIEr*\E ET LE PAItI,EII,IBNT.

:;99

Parlement pr'tcndait que I'augmtntation progressive du pr.ocles vinglimes, but de ces vrifications, tait illgale. Aprs avoir ernpch la ralisation de I'ernlilunt, il s'attaquait aux rcssources de I'impt. Il n'y avait plus d'issue pacifque. La lianqucroute tait immincnte. De grands projets s'agitaient entre le principal ministre et lc garde des sceanx. Brienne, tourrnent, commc nagur'e Calonne, d'nn rnal que le caractre sacerdotal renclait chez lui plus scandalcur encore et qui urenaait sa vie en se portant sur la poitrine, sc rattachait avec unc pret rlsespre au pouyoir et nux avantages matriels du pouvoir: il troqua son arclrevclr de Toulouse contre cclui cle Sens, beaucoup plus lucratif , et sc fit donner en sus une coupe de hois de 900,000 francs pour payer ses dettes. Il porta son reyenu en bnfices jusqu' 07g,000 fi.ancs. Oet excs de rapacit,, chez I'hommc qui irnpos.rit l'conomie anx autrcs, excitait une indignation gnralc et achevait Ia dconsidration du pouvoir. L'opinion accueillait avec colre et nrpris lcs liruits de coup d'tat la Maupeou, qui prcnaient chaque jour plus de consistance. 0n racontait qu'un travail nrystrieux se l.isait Yersaillcs, pr ordre du rninistre, clans une irnlrr.ilrerie clandesline ori lcs ouvriers taient gar.cls vue. 'fons les cornrnandants militaircs des provinccs araient orclre cti se rendle lculs posles : cles conseillers cl'tat et cles rnatres des requc\tes taient r'r'o;rfs aux siges des parlenrents; le.s uns et les autres, avec dcs dpches qui devaient tle oulertes,le g mai, partout
[-,.e

duit

en mme ternps.
Des conciliabules cle rsistanc se tenaient, srlr ces entrefaites,

chez Aclrien Duport : les hourrnes lcs plus inllucnls dn par.lerue6t I y confraicnt avec La FayeH,e, Conrlorcet, lc ver.tncur et lillral

cluc de La Rochefbncauld, rserr, rurc fin si cruelle tlaus rros orases, le cluc d'Aiguillon, avicle d't'flircer les tristcs souvcnirs tle son pre, l'r'qne d'utun, Tallevrand-pri gord, clepuis si flur ciir sous tant de rgimes. un ouvrier iurprimcur trouva, tlit,oir, le moyen de faire parvenir d'Iiprrne.snil une preuve des iiits

l'
nes,

On rcmarque parmi eux deux norns destins figurer. rluln,nt de lorrgues anpa'ni les horni'es poritiques, sm''ville et l'abb Lorris.

6t)0

LOUIS XVI"

0788i

secrtment rnis sous presse par le ministre" D'ltrprrnesnil provoqua et ohtint sur-le-charnp I'assemble des chambres et la con-

vocation des pairs, et pria le premicr prsidcnt dc meltre err dlibrlration ce qu'il convenaif de faire sur r'tat o se trouvait la clrose publique (3 mai).

La dlibration aboutit nn arrt de la plus haute, irnportance, qui n'tait rien moins qu'une Dc\o.ratort cr,es tlroits au point de vue parlementaire. n, [-,,a cour... les pairs y sant, avertic... des coups qui menacenl la rration en frappant la magistraturc; - considrant que les enfreprises cles ministrcs sur Ia magistrature... ne peuvent avoir d'utre ohjet que de couvrir... sans rccourir aux Htats-Gnraux, les anciennes dissipations... et d'anrsantir les principes de la
nionarchie; - dclare que la llrance est une rnonarchie gouverne ilarle roi, suivant les loisi- Que, cle ccs lois, plusicurs, qui srrnf t'cnrlamentales, embrassent et consacrent le clroit de la rnais')n t'gnante au trne, de mle en mle, etc.; de la -le droit nation d'accorder Jibrenrent cles suhsides, par I'organe des Btats* Gnraux; - Ies contumes et les capitulations clcs provinccs; I'inamovihilit des magistrats; lc droit des cours clc vrifier', dans chaque province, lcs volonts clu roi, et de n'en ordonner ['enregistrement qu'autant qu'elles sont confornes aux lois consti* [utives dc la province, ainsi qu'anx lois fondanrentales cle I'tat; [e droit de chaque citoycn cle n'tre jamais trarluit par-clevant d';nrtres que ses jugcs natulels, qui sont ceux que la loi lui tlsigne; et le droit de n'tre arrtd:, par quelrlue ordre que cc soit, que
Irour tre rernis sans dlai entre les mains de juges compterrts; - irroteste ladite cour contre toute atteintc tlui serait porte aux princilres ci-dessus exprims; ._ dclare nnanimmtent... qu'en crtnsquence aucun des rnembrcs qui la cornposenf ne doit... Ttrendre plare dans aucane clnlpsgnic qu,i ne strait Ttas Ia cour ellememe, compose des mmes 'persTnnagcs et reutue rlcs mmes tlroits;

et, tliurs ie cas ou la forcc, en clisliersant la cour, Ia riluirait l'irnpuissance de maintenir par ellc-nrrne les principes contenus au prscnt arrt, Iaclite cour dclare qu'ellc cn rcrncl , des a 1rrsent, le dpt inviolal:le entre les rnains tlu roi , rle srur iruEuste lanrille, des pairs du royaunrc, des tats-rir.aux

lr?881

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et rlc chacun deS ot'dres runis ou spars qui fonrtertt [a nationr .u Tout ce qui, dans ces maximes, regarde lcs provinces, ert colrvenu au xv. sicle plus qu'au xYIIie, et aux parlements provinciaux plus quau parlement de Paris, autrefois si unitaire; cc n'tait l ni la Dctaretiotl des clroits amricaine, ni celle que la tr'rance allait

bientt jeter la face du tnonde par I'organe de reprsentants plus lgitimes que le parletnent; mais c'tait ttne contre-tltiue parfaiternent dirige et ouverte tetnps llour Ycnter le tlavail souterrain du ministre. De nouvelles rernontrances furent, en outre, rdiges potlr rpliqucr la rponse du roi, du 17 avlil. < Lcs ministrcs, disent les parlementaires au roi, nous imputt'ttt le projct insens d'tablir une aristocratie de magistrats... Qtrel monrent ont-ils choisi pour cette irnputation? Cclui oit votre parlement, clair par lcs faits et revcnant Stlr SeS ps, prouve qu'il est plus attach aur droits de Ia nation qu' scs propfcs c:renlplcs. La constitution franqaise paraissait oublie; on traitait cle cltimrc I'asscntblc des tats-Gnraux. Richelicu et ses cl'tltuts, Louis XIV et sa gloire, la Rgencc et ses dsordres, lcs tninistles du fcu roi et leur inscnsibilit, semblient avoir potlr jamais etac tles csprits et iics curs jusqu'au notn de la nation. Tous les tats itar oiL passetrt les pcuples llour arriYcr I'alrattclou d'e1x-mnles, terreur, enthousiastne, corrupti orr, indifl rence, lc ministr\rc n'avait rien ncglig poul y laisser tomber la natiorr franaise. Ilais il lcstait le parlernent. 0n lc croylit frapp d'tttttr lthargic en apparctrce utril'ersclle : olt se trompait. Avcrti tout coup de l'tat dcs flnanccs,.. il s'inquic\te, il cesse clc sc faile illusion, iI juge de I'avenir parle pass; il ne voit pour la na{ion qu'une ressource, la tration cllc-rlrne... Il sc clciclo, il tlortne I'univers I'cxctnple inoui tl'un corps anticpe... tcrtant aur racines dc l'tat, qui remet dc lui-rntrte ses coucitoyells uu 3'rancl ltottvoir, dont il usait llour cux clcpuis ttn sicle, ntais sans lcur tlonsentcurent exprs...Il exprime ie vu dcs tiits-Gnraux... Yotl'*:
Maiest... lcs prl)ret, sa pat'ole est sacre.., Les tats-Gnriraux

selont clouc assernbli's!... '\ '1rti ie roi doit-it


L.
Introdwction au trIortttetrr, 6r JB4,

ce

gfalld dcssein?

principes, furent casss par le conseil, et I'ordre fut donn d'cnlevcr les promofeurs dcs deux arrts, Goislartl et d'prrnesnil.
Ces cleux conseillers, prvenus, se rfugirent, rlc nuit, au palais mmc. Le parlement se rasseurJrla de grand matin le b mai, rell_ tlit arrt pour rnettre les rnagistrats rnenacs sous la sauvegarde du roi et cle Ia loi, dpcha une dputation vcrsailles et dciila

sire , poirtt cl,a_ - | l{on r[stocrutie en, Itrancel mais poittt cle clespatisnie ! Ds le lcndemain (4 rnai), res arrts clu zg avril contre le.s contrleurs des vingtimes, et du 3 rnai sur la dcla.ation cle
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LOL IS -\\'I. qui la nation doit-elle ce grand bienfhit?...


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de ne pas dsenrparer jusqu'au retour des clputs. La nuit cl,aprs, les gardes f'anaises entrrent clans le palais tra'ers u'e fbule ilrite et grondante, et investirent la grand'c:hnnrllre, o sigcaient

les rnagistrats rcnforcs d'nne clizainc cre pai.s.

LTn

gardes,

roi qui l'i lard partout oir il les trouverait. Il dernancla qu'on les lui incliqut. - < Nous solnmes tons Duvar ct Goislartl ! > s'cria tout d'une voix I'assemble; ( si vous prtcnclez lcs c'le'cr, eule'eznotrs tons ! >

lc nrarq'is d'Agoult, vint

capitainc aux

clorruer lec:ture d'un orclre du presc'ivait d'arrter nIlI. Duvar d'pr'resnil et Gois-

retira pour faire son rapport. Les clpnts revirrreirt avoir t reus. L'officier rcpalnt onzc hcur.cs du lnatin et ritra sa solnrllr.tion; llcrsonne ne lui rpondit. nl lit entrer un exelnpt pour reco'nat.e d'prnresnil et Goislard. L'honrrne cle policc, saisi par I'cntraneure't sy'rpathique tle ce
se
cle trrersailles sans

L'officicr

spcctacle, clclara qu'i,1, ne les t-oyui,t pas. Le capitaine d'goLrlt sortit cle nouveau. Les deux conseillers et leurs collgues jr.rgrcrit qu'on avait fait assez pour rservcr le droit. on rappcla tl'lgoult, et d'prnresnil se tlsigna lui-mrne et suivit cct officier apr.s tune loquente protestation. Goislard cn fit aufant, et le parlerncnt se spara, aprs plus de trcnte heures de sance, en arrtant des
rc'monfu'anccs llolrr Ia lil-rcrt de ses deur nternJ:res, < arrachs ar.rec violencc du sanctnaire tles lois. >

Le snrlcntlcruain
Yersailles porlr le l"

I rnai, au matin, lc parleurenl futrnancl lit cle justice auqucl on s'attendait. Le roi parla

In!ro,Iuclin atr lllr,nitw r', p, 21i5.

lr

881

ell tcl.mcs svcles tlcs carts tlc trlut gent'e iltllqtlels

s'laiclrt

iivrs lcs parlements dcptlis uttc annc, atlllona ttue vastc i'tifonnc cle I'ordrc judicriaire, conue tlatts un esprit d'unit oplriis aur maximes spnratistes e[ provirtcialistcs dcs parleurents, et la runion dcs tats-Gnraur toutes les fois fluc lts besoins de I'citat I'exigeraient; puis il fut donn lecture de sir dits ou dclarations du roi. Lc premier tlit, stir I'aclminislration cle Ia justice ' iltlg-

rnentait ta cornptertce tles prsicliaux, i-ltablissait entre les prsidiaur et lcs llarlements qnarantc-sept grtnds bailliagcs jugeattt en rlernicr rcssort toutes les coules{ations civilcs dont Ie lbrrtls n'exctlerait pas ?0,000 francs, et totttes lcs affaires criruiuelr's, sauf cclles coltcclnant les ecclsiastirlucs, gcntilshorllnles olx iilltres plivilgis. Le sccontl drdit supprintail. les tribnnatlx d'erc','lttion, bulcau\ dcs flnauccs- lections et juliclictions dcs llitilrs (dcs clouancs), rnatrises dcs cartx et fol't\fs, gleniers se[, chal''lbres tlu dotnuine et dn Tt'tisor. Le tlOisitne, ellattcudant I.r rerision gd'nrale cle I'olrlonnancc crimir-lelle cle 1670, i'r'isiou lottclrant laclucllc tous les sujcts tlu roi taicnt autoriss ettvover Icurs ofuscrvitfious iltr garde dcs sceett:i, lc lroisime dit rbolissait la sellette. ct toutes autres ]nuniliations irlfliges aur acctlss; enjoignait aux jttgr:s cle ne plus ctlrirlrll-cr', dans les arrts rle COndatrtrratiou, la fOmrUle YAg'ue : plLt"l' It:s trts r(su,ltttttt tlu prrtli"\, et d'ltoucer exllrcssnient ies crinres et t1lits dont I'accttst' aulaitt collyililtctl; poitrit trois voix, art licn de cleux, ltr tliajoyit ncessairc ponr lcs conclanrnatiorts ir niort; ortlotlulril. titr sursis rl'un tlois entre la conclarrtttation et I'exi:cution (afin ciue lc droit de grce appartenarlt au roi ne ffrl plus t'entlu illttsoire ,, , It: clrs de stlition exceirt; accorclait aux accuss acquitls I'afflrlte de I'arrt d'acquittctncnI atrx frais dtr domaine; al]ro3'cait la qti{-'S-

tion pralable (praltblc I'exculion), qui lvait t nraintcritte lors rle I'abolition clc'la qllesl,ion prparatoirc, en t?S0' Le cltrutliure dit suppriurait cleux dcs clrantJrres dcs cnqui'tes tltt ''ltrk'rrrcnt dc llaris et r'iluisait les trois autres cliattrlircs soixatrteSclit Incrnbres en tout. Le cilrqui'lne, aprs utl 1tranrhtrle tlui taisait ressortir ssez htbilernent ll ncessit quc lcs lois colnilltlncs tout le ro.yanlne lussent enregistres cians tritc cotlt' airssi cotrtinunc totrt le rOyatttne, enlevait aUx t]ir-ers ltat'lcurellis la

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LOUIS

XVT.

il

788 t

v'l"itication des ordonnances, dits, dclarations ou nettres patentes, et en investissait la cortr pl,nire, institution que l'dit prtendait antrieure au parlement et fontle sur I'ancienne constitution de l'tatr, et qui avait t mentionne en 1774, dans i'dit de rtablissement dcs parlcments, comlne une menace pour (c cas de forfaiture de leur part. La, cou,r plnire se composerait tlu chancelier ou du garde des sceaux, de la grand'chambre du parienrent de Paris, y coinpris lcs princes et lcs pairs, des grands

officiers de la maison du roi et d'un certain nombre d'autres nrenrbres pris liamri les dignilaires ecclsiastiques et militaires,
daus [e ccnseil d'tat, dans les parlements de province et h.s autres cours souveraines. ( Dftns le cas de circonstances extraordi-

naires o nous serions olrlig d'tablir de nouveaux impts sur


nos sujets avant d'assembler les Btats-Getnraux, I'enregistrement

notre cour plnire n'aura qu'un efct provijusqu' snire et l'assemble desdits [tats, rlue nous convoqucrons,
'p,)(,t,t',

desLlits impts en

swr lewrs dlibrations, elre statu lta,r nlu,s cll:,fini|,iuenrcnl.

t>

L;r longue srie des mesures conrbines par Brienne et Lamoign,)n se terrninait par une dclaration clui mettait tous lcs parlcrnrlnts n vacances jusquc aprs I'entire excution de l'ordonnilnce sur I'organisation des tribunaux infrieurs. Il tait interdit aux llarlernents de s'assemblcr sous peine de dsoliissance. {l't'tait refaire Maupeou sur une plus grande chelle. Il(ais ia nronarcirie dfaillante oubiiait qu'il s'tait pass di:i-sept ans dans I'intervalle , et quelles annes!... conune Maupeou, Bricnne et Lamoignon essayaicnt de fairc passer le despotisme sous le couvr:rt du progrris; la plupart des r'fornres proclames dans la lgisla{ion crirninelle ct dans I'adnrinistration de la justice, silr'tout la suppressiou des tribunaux d'crception, taient chose cx-

cellente; rniris Ia nation n'lait plus dispose s'cndormir

sur"

rluelques amliorations parliclles, tandis qu'on ludai{ sa volontri de conqur'ir la libre dispositiou d'cllc-nruro et qu'on voquait nrn I'antrne de cour suprnrc pour obte.nir des iurpts provisoires, l. [,e vieuxnom de cour pltitti're n'avait jarnais dsign, au moyen g'e, une asselnblee politique ou jurliciaire. Le roi tenait cowr Ttlttttire mrx grarrdes ftes, c'est-ii-dire qu'il rlonnait tlcs festins et cies tournois ses vassauK et ses hi,ies : ler asscnble.r tl':rft':rrte. se no:lrrnaier plui,Js Dtt pnrienettts,

t11881

LA

OC)t

ti PLliNlIiE.

{fuel'onesl)oritSignr.trlldredfinitifs'0nvisait'enfait'u:cle leur autoritt!: ru,.-Gnraux, ct, en droit' onniait

;;;t;.n.,
roi
se

teurs rlblibratioris' rservait de stat'wer d,fittitiuemettt su'r leut'reconnaissait llne pas. rre leur denrtrnderait peut-tre mme entre les .;'iabme un rlonc qu,.ne valeur cinst,ltatiuel It y avait de la couronne ct celles de la France'

qu'il

nions

Lar'sistanceavaitcoll}lntncdarrslelitdejusticemtrre:le vieuxltretrrierprsidentd'ligre,aprslalecttrredcsdits,df]. rlevait ni u'etttendait prc'tlclara qoe t. purl.,nrrrt ne pouvltit, nc tre fait dans la llrtist'tllc tlre aucune part tout ce qr-ri pourrait le l'ellversenteutr tit: s^'ce. Il protesta tlevant iot is XYI contre rcente du sifge tte ]a la constitutio, de I'tat, coutre la violation tttailtlt'et contre Ie despotismc qu'on loulail' itrstice souveraine, er que la natiotr fl"{t't'nuisr' nant rnettre dans les mains du roi ,
que lul illtriau roi pour dcliner les fonctions .l,unanitnit, crivit pour la prt'rilii'rt'

rlaclopterui'tjnntais'Atrsortirt]clasattce,lagrand'clrantl:re,.i.r

buaient les clits. Le len;ernain, convoque protesta cle n'assister que ltassivt'sance de la cowr pl,ttii:re, e\le dcs sccaux signa colrllrle rnent la sa'c, itt gcndre 6u garcle le parlernent ! Le roi' {:olt.tlrrc les antres; soll fils rnrue tenait pOur dclala devaut Ia rt'rll' L,ouis xv der'ant Ie parlement $Iaupeou, il D'osa convoqtlel' plnire qu'il persi stet'tt,t tottiowrs. ccPenrlant,

une seconcle sance , la majorittl des La cltatttllre tles cotnlrtr'r et lnmcrs intcntions qo* t*, rnagistrats' Le chtclet dotttia la cour dcs aides avaietlt suivi Ie rnouYemerlt' de t'eftrse| le.titre et les iltt|illux tribunaul infricurs I'exemltle

pails

a-vant rnanif'estc les

hrrtionsdegr.andhailliage,exerrrplequ'unepartiedesprsitliartx honneur de suivre' dsigns pour cc titre tinrent

Lemouvc,o*'deI'opinilrr,Paris,neclescerrditpasdati;|iit rlle'con]l]]0olll,etpucroired'aprslcsincirlcntsdesderniers de la lilrert s'inquitrettt rnois; certains des amis lcs plus vif's L'instincl 1ro1'tlertgourclier' si peuple rrrme de voir la tnasse du
l. La Fayette avait
I78?, que crit, Waslringtolr, le 9 octobre

. la France arrl-

vcraitpeupeu,ron,g,ond,conow.lsion,unereprsentationinilpentlante't'triatr

consquent,une<limirrutionilet'o..to"ite"oy"te;maisquecelamarcheraitlent'ement''Le25rrrail7BtJ,illuicrit,'.[,.,off"i*.,deFrancetotrchetrturtet.r!se, que le peuple' en gnra'l' r" l: J'-'rrt rl'autant plus incertaius'


clont les non,

"*r..r,tt:

LOUIS .\VI.

ll

881

laire, dans la capitale, sentait rlu'au lonrl la causr du parlement rt'ftait nullernent cclle clu peuple , et qu'il ne s'agissait encore que tl'une guerre civile de I'ancicn rgirne contre lui-rnmc, prfacc de la guerre du peuple contre I'ancien rgime. Ce qui tait instinct dans la masse tait systrne chez des hommes considrables par l'intelligence, chez beaucoup de penseurs et de lettrs, N{irabeau en tte, qui se rservaient et attendaient, sfirs de ne pas
longtemps attendre Tandis que Paris conservait un calme trompeur, les provinces clataient. Tout ce qui subsistait d'esprit provincial se soulevait contre I'anantissement des dernicrs restes des vieur concorclats qui liaient les provinces la couronne. f.e gouvcl'nement, ayant bless les privilgis sans satisfaire le peuple, avait plesque tout lc monde contre lui. La noblesse tl'pe, oubliant sa vieille antipirthie contre les gens de robe, soutenait partont les parlernents tlans leurs violentes protestations. Les privilgis, plus influents dans les grandes villes de province qu' Paris, donnaient I'irnpulsion : la jetrnesse et le peuple des villes teient avec quiconquc reuruait : la masse bourg:eoise, tnoins ardentc et plus dispose I'expectative, n'avait cepenclant ni estirne ni confiance pour le gouvernenrent, ct n'attendait rien que des Etats-Gnr'aux. Le pouvoir n'avait pas mtne su faire nergiquement de I'arbitraire : sa seule chancc, fbrt douteuse, de prvenir la rsistancc dans les provinces, etit t de frapper fond sur les parlements et d'exiler
nuile inclination en venir aux extrmits, trIourir Ttour la ltbert rt'est pas la devise rle ce ct de I'Atlantique. " La Rvolution avait t prvue lorgtemps cl'avance. Maintenarrt qu'ott y touchait, qu'on I'avait sur la tte, on ne la voyait plus, ou. du moins, on ne la voyait que confustiment et sans calculer les ri-aies distances. La l-ayette ne comptait encore que su.- le mdcontentenvnt lcssif otr nnt-obissance, conrrre tant, le plus grantl rsultat que pussent obtenir les amis de la libert. " Le peuple, ditil, a t si engourdi que j'en ai et malaile. r'Ioutefois " les amis de la libert se foriificut journellement. " II sourrtrence esprer une cots!'it'Llti.on. - Mm. de La Fayette, t. II r p. 227. - Une t,,ttsltution!st aussi le cri cle .''lirabeau. " Tott est l! Fllle ii'esf I)as encoft, ' dit-il, par opposition ceux qui invoquent la prtendue constitution du royaume : " tr lle rre peut naitre qu'au sein des Ilcats-Guraux. " Cet esprit,, bien plus fort et plus piretrant que celui de La Fayette, se faib, d'ailleul's, uhe ,illusion, qutil puise dans sa tbrce mme, sur la facilit de terminer la crise. Il n'y voit qu'un clfiI franctrir', Les maux dott on fait tant de bruit " pour la plupart n'existent pas. Il rr'y a de Mirap&s {r embarras qui puisse arrter le taleut le plus llriocre 1,,., " -,|fim, bern, t. V, p. 151, L5\ 164,

I t?E8]

l)r\liLl'l Il ENT DE IiOU E-\.

00"i

les individus en suspendalrt les corps de rnagistt'uture. Les magistrats, derneurs en masse dans leurs villes, purcnt partout se collcerter, se rasselnbler malgr lcs dfenses du t'oi et lancet' des an'tels foudroyt-rnts contre les comtnandants rnilitaires et contre cerrx des triJrunaux infrieurs qui abandonnaient la cawse des lois

et qLri acceptaient leurs attributions nouvelles. Le potrvoir rpondit trop tard en exilant ccrtains parletlents, en tnandant d'autres cours Yersailles, en publiant un arrt du conseil qui supprimait les protcstations des cours, dfendait de rcrtdre des arrts selnblables, peine cle forfaiture, e[ mettait les tribunaux f,dles sotrs

Ia protection du roi (20 juin 1788). Le mouvement imprirn ne s'arrta pas. Le parletuent de Rouclt, qui avait nagure proclam que la loi est au-dessns du roi, n'avait d'abord oppos c1u'une rsistance prssive; il se runit secrtement le 25 juin, derclara tratres au' roi,, , Iatrutiort, la prource,'1tarjtrres et nots r)'infan,e tous officiet's ou juges qui procderaient en yertu dcs ordonnances du 8 nai, et dcida qu'au roi ,( seraient incessamment dnoncs, cotme tratres cnYers lui et enYct's l'tat, les ministres , autcurs des sut'prises frites la religion de
Sa Majest, et notammeut Ie sieur de Lamoignon, garde des sceaur

de France. > L'ordre d'cxil expdi ltar le roi en rponsc donna lieu

cles incidents graves. Un des prsidents rcplocha au colttrrlandant de la force armc son obissaltcc passive : << L'autorit du roi est illimite pour faire lc bien de ses sujets, nitis tous doivcnl lui donner des ltornes quand elle tourne vers l'oppression r. > La position clcs chefs militaires devenait extrureurent difficile : ils voyaient cn face tl'eux uon plus seulement des robins et des boutEr,iers. rnais I'ordre de Ia noblessc auquel ils appartenaicnt et qui exerait sur eux uuc forte pression tnorale.

L'agitation de la Norrnandie n'alla pas jusqu' I'insurrection,

bien qrrc Rouen frit profonclurent irrit cles cmprisonneutents arltitraires et des vexaLious de tout g'enre que se pennettait le cotnrnandaut, rnarquis cl'Flarcourt, qtri se conduisait cotntne etl pays concJuis. D'autres provinces furent moirts paticntes. L'altit'tr Bretagne tait en feu. vant mme I'an'ivc tles couunissaires tlrr
L
FloLluet, Hist. du pnrlenwnl
d,e

Nornwndte,

t.

-VII,

p. ?31'

6(1.Ii

I,OUIS \VI

r78t{]

roi, le syndic des Htats, cornte de Botherei, avail protc'st, au norn tles trois ordres, devant le parlenrcnt de Renncs, rclamant l'erc'wtton clu contro,t d,e

mariage cle Lowis XII et

d.e

La tlu,chesse ttne.

Tous les corps appuyrent cette dmalche. Le comntandant et I'intendant de la provincc furent hus et inenncs cn allant porler lcs ordrcs du roi au Palais de Justice. La modratiou du comrnandant arrta seule la guerre civile. Lc parlcrnent s'tant runi malgr la dfense du roi, un dtachement de soldats ntarcha pour le disperser. fJne troupe de gentilshorunres arurs, suivis d'unc foule de peuple, actoururent pour protger la dlibration, qui s'acheva en dpit dc I'autorit rnilitaire. Oomme au temps du rontbat r/es Tnuxtn, I'afl'aire aboutit uu duel collectif de quinzc gentilshomrnes contl'e quinze officiers. Les officiers d'un autre rgirncnt, celui de Bassigni, prircnt parti pour la rsistance ct protcstrent par crit contre lcs ordres qu'ils alaient rcus. La jcunessc dc Nantcs arriva cn al'lnes au secours des habitants de Rennes. La noblesse, runie llennes, Vannes, Saint-Brieuc, tlclara infiirnc quiconque accepterait une place, soit dans les nouvcaur tril,runaux, soit clans une nouvclle forrnc arbitraire des Etats. Douze gentilshornmcs firlent tlp0ciri's i\ Yclsailles, por'teuls d'unc dnonciation contrc les ministres. Le rninistr'c les fit r]tettre la Bastil)c, licencia le r'girnent de Bassigni et fit mar'cher seize mille soldats sur Ia Bretagne . Lcs deux autres ordrcs s'unilent Ia noblcsse bt'ctonnc pour envoyel'une scconde dputation, puis une troisime bcauconp plus nornbreuse. Le rninistre s'tonna et n'osa trniter res noulcrur dputs comrne les prenriers. Pcndant ce tcmps, l'intr'ndant, llet'trand de lllolleville, aussi violent que Ie commandant, le cornte cle Thiard, tqit rnoclr', avait t pendu en efligie par le peuple cl s'tait cnfui de
Bretagne r. Les vallons des Pyrnes eurenl leurs orages comme les grves tle la Bretagne. Les paysans propritailes des moutagnes !, unis la noblesse, descendirent en rnasse sur Pau, s'ernparrent de

l'artillerie

cle

la place et rouvrirent de fc,rr:r: Je Ilalais dc Justice


hernanl'rurir'cliu

tiarlernent de I'au.

X , V. Prdcis lt,islor{ que des itttnrrcnts de Breto'grrc: lterrrrer. l?8E. 2. ,, l)ans no: canlpa:ne*, tout le mcin,Je est frrol'rit'aire, " -

Ir 7S8l

BRBTAGNE. BEAIN,

DAUT'HIN.

609

fenn par les ordres du roi. Le cotnutandant urme de la province, faisan[ capituler le pouvoir royal, invita le parlement de Pau se rasselnbler pour rtablir I'orclre. Le roi envoya le duc de Guiche, d'unc famille trs-influente, dans les Pyrnes, avec des pouvoirs extraordinaires. Les Barnais, nobles et plbiens, allrent au-devant du duc en portant au milieu d'eux, comme un palladium, le berceau d'[Ienri IY et rclamant, sur cette enseigne sa,cre, le contrat que Ie roi avait fait avec eux comme seigncur de Barnt. Ces incidents avaient un caractre urouvanf et dramatique;
mais les agitations du Dauphin eurent une porte politique liierr plus dcisive. Le 7 juin, sur la nouvelle que le parletnent de Grenoble, suspendu, comrne les autres, depuis un mois, tait envoy en exil, le peuple de la ville courut aux armes, appcla son aitle, par le son du tocsin, les villages de la montagne, leva des barricarles, refoula les deux rgiments cle la garnison, qui urontraient beaucoup de rpugnance se battre, envahit I'htel du gouver'ncuf, duc de Clerrnont-Tonnerre, et rnenaa le duc de lc pendre a.u iustre de son salon s'il n'invitait lui'rnrne le parlement se rriirrstaller au Palais de Justice. Le parlement, un peu effrayir d'une telle victoire, s'ernploya caltner et dsarmel I'insurrcctiuu, et, dcux jours aprs , totts ses menbres, se drobant lcur tliornphe, partirent sans bruit et sparnrent pour I'exil auqtrel lc roi les ayait condamns, rnais aprs avoir rdig de nouvelles i'cmontrances trop bien rnotives par les vnetnents. Lu direction du mouyelnent, abandonne par le parlement, f'ut saisie par d'autres. Utte notnbreuse assernble de citoyens des trois ordres se runit I'htel de ville de Grenoble et dcida que les Iltats de Dauphin, tornbs en dsutude depuis bicn des gnrations, s'assembleraient spontanment le 21 iuillet. Jusqu'ici on avait vu des rsistances spciales de corporations et des meutes lropulaires : ce jourJ on vit la souverainet nationale en acte i)our la premir'e fbis. (lct acte ouvrait la Rvor,uuoN !'RAI\AISE" I. Le Bearn, de rnrne que Ia Navarte, rre relevait pas de la couronne. - V. les Ilentontrarnes du parlemeut de Pau, trs-intressantes cornme rsuruatrt les traditionr Irtl,'roilucli,on au tr[anilewr, p.345 et suiv. politirlues r"1t' ces deux provinces. \YI. -

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Le nrottvetncnt tlanplrinois, en effet, It'Ait un tout autre .llit rpre Ie letour aur lirivilges tlu lttoyen ge . Bicu diffrent des insul'rections suscites pal" la noltlcsse Jrreloune et barnaise, il ,',tait, otr il dcvint lrc\s-vitc, heiiucoulr plus national quc provirtcial. ,, I.,,e conscntcment dcs pcuplcs rnnis cn assctnJtle nationale est la base cle l'tat social, r tlisait la tlclaration grenobloise. Cetttr populaliou tl'lile, unc fois la violcrlce clu pretlicr tnoment apai-

tenue, UIl ordre adrniralrle dans jurait de rnourir pour les tlroits tle I'agitation ntnrc. La lol-rlesse sa provincc. Le Tiers-tat visait plus haut. Un juge royal de Gre1oble, Nouuier, auli de Neclier et grand partisan des instittltions anglaises, qui ottvrait avcc ttne haute nergie la carrire cle la Rr'olution, tnitis qui clelait s'y arrtct'Ilromptetrtent, clirigcait Ie Tiers-tat d'uuc rnain hahilc et fcrme. L'archevque de Vientle,
sc, rtrontra

lln

Jtclu sens, une

Pornpignan, frre du pote, poussait le clerg et honorait sa vieillcsse par des sentitnents cle libert politique inesprs chez ce virulcnt adversait'e de la philosophie. Lc u-rinistrc, cependant, arait rnis vingt mille soldats sous lr:s tir.drcs clu urarchal de Yaux, pour cotnprimel lc Dauphin. Lc vieux marchal crivit qu'il tait trop talcl ! La cour I'autorisa transigcr'. I[ voulut qu'on lui demanclt la perrnission de lenir i'assenrlrle dcs litats annonce. 0n y consentit, sur sa parole de Ia perrnettre. Il tlf'endit que I'assemble se tnt Grenoble : on la convoqua au chteau tle Vizille, ancienne rsidence des Datr-

phins. L, en invoquant la mmoire du hros du Dauphin, tltr Bayard, dont la spttlture est entre Grenohle et Vizille, on jura I'union tles Dauphinois entre eux et avec les autres provinces, e't le refus de tout irnpt nouYeau jusqu'aux Etats-Gnraur; on dclara infute et tratre quiconque accepterait une place dans les
nouveaux tt'ibUnauX; mais, en mnre ternpS, on proclalna, Cotnnle I'avait clj fait I'assemble dc Grenoble, que les Dauphinois taient prts sacrifier, pour le bien de l'tat, tous lcurs privilges particuliers , et ne reuencli,qu,eraient qu,e les tJroi,ts de Franaist; qtle I'irnpt tabli pour remplacer la corve serait acquitt par les trois ordrcs et non plus seulement par les taillables; et que le Tiers, I. Ccta tait loiu des parlements affirnalrt que " lcs lois d.'un vaste royaume lle doiverrt pas tre uniformes. "

I]I4 VIZILI,E, dans les tats-Provinciaux, aurait urc reprsentation gale au clerg et la noblesse runis en ure seule chanrbre. Les deur
{r 788)

ASSE}IBI,E DB

ordres privilgis, emports par un gnreux lan, avaicnt adhr toutes les propositions du Tiers, et Mounier, secrtaire de I'assernble, en avait t le vritable directeur. ct de lui s'tait signal un jeune avocat de Grenoble son alli maintcnant, et plus tard son adversaire dans la grande Constituante, Barnave. L'assenrble s'aiourna au lu. septernbre, aprs avoir demand au roi lc retrait des dits, I'abolition des lettres de cachet, la convocation des tats-Gnraux et ltr sanction du rtablissement cles tats dc Dauphin,. Les mouyements des autres provinces n'avaient pas un si grand caractre; mais la fermentation tait universelle. Les troubles taient permanents en Proyence, en Languedoc, en Roussillon : le Nord et I'Est protestaient avec moins d'emportement, rnais non

pas al'ec moins de rsolution. t'anne vacillait dans la nrain tlu ministre. La justice tait interrornpue dans presquc toute la X'rance. L'anarchie tait universelle. Les caisses taient yiclcs : on

ne pouvait plus vivre d'anticipations, les banquiers se refusant toute ayance. Le gouvernement tornbait en dbris. Le roi se rfugiait dans une lnorne insouciance et passait sa vie chasser. Le principal ministre tranchait du Richelieu dans son caltinet: aJ'ai tout prvu, mme la guerre civile!- Le roi sera ohi! > Grands mots qui retentissaient dans lc vide. Tout se retirait : le ministrc qui parlageait la faveur de la reine avec Brienne, Breteuil, donna sa dnrission. Brienne avait essay d'une dernire rcssource. Il avait convoqu, en juin, une assemble extraordinaire du clerg, esprarrt que I'ordre dont il faisait partie viendrait son secours; que Ie clerg, si menac par I'esprit du sicte, comprendrait tout ce qu'il

avait redouter d'une assemble nationale, et se dciderait

rnettre la couronne en mesure de se passer des tats-Gnraux, soit par un emprunt que garantirait I'ordre ecclsiastique, soit par I'abandon des biens monastiques I'tat. Le clerg ne contprit rien : comme la noblesse, il rclama nergiquement le lnain-

l.

p. 209.

Introd.wctior, au, trIoniteur, p.34Ir547, Droz, Floquet, Ilisl. dw parlement de Nornwndie,

t. II, p.71. - Soulavie, t. VI, t. YII, p. 157.

6t2

touls xv[.

[r

881

tien des capitulations provinciales contre une itryusf e uti,t: il prit parti pour lcs parlernents, ses anciens adversaires, et il rclama
aussi les litatsGnraux sous bref dlai. Chacune des puissances dc I'ancien rgime rptait son tour, conlme rnatrise par un

csprit invisible, la parole qui allait fairc crouler l'difice du


pass.

En mnre temps qu'iI voquait le gnie de la Rvolution et qu il dclarait Qilg u le peuple franais n'est pas imposable voIont, > le clerg, rtrogradant au del des Notables, protestait formellentent contre I'application de I'impt aux possessiotrs
ccclsiastiques, contre Le dsordre d'u,ne fawsse galit, et revendiquait le renouvellement des lois de Louis XIV et de Louis XY sttr la garantie intgrale de ses immunits! Ce fut l-dessus qtle se spara la dernire assernble de I'ordre du clerg de tr'rance 'Le gout'crru:utettt, si I'on pouvait encore donner tc nom I'anarchie de Yersailles, ploya deyant le clerg; un arrt du conseit interdit d'tettdre la pcrception des vingtirnes sur les bicns d'c!glise (5 juillet). Utt urisrirable don, gratu?t de 1,800,000 lit't'es fut tout ce qu'on put obtenir conditionnellernent dc I'assemblc. La monarchie mourante se dbattait en vain; une force invipcible la poussait cette convocation de la nation qui lui inspirait une si profoncle terreur. llrienne, tt'espt'ant plus viter les EtatsGnraux, t,cha du moins tle rorupre la coalition des trois ot'drcs contrc la couronne. Le 5 juitlet, un arrt du conseil dclara qu'aprs plusieurs rnois cle lccherches sur les anciens Etats-Gnrattx, iI avait t irnpossible < de constatcr d'une faron positive la lbnnc tlcs lections , non pl us que le nombre et la qualit dcs lecteurs et {es lus;
>

les conclitions ayant vari suivant les temps ct les lieux. En consquence, Ies litats-Provinciaux et les nouvelles assernbles de divers degr's taient invits forrnuler leurs vux

sur cette question, e[ tous lcs oflicicrs tttunicipaux, ofliciers des juridictions, syndics d'tats-Provinciaux et asseutbles provinciales, de distlicts et de paroisses, et, enfin, toutes personnes ayatlt connaissance rle pices relatives aux tlts-Gnraux, aiusi que
L, Introduction au tr[au,tteur, p. 37fl et suiv. - L'archevque cle Nar|onne, ]I' tle Dillon, orateur tlu clerg, pptour'a cependaut, sauf quelques l'serYes, la restittrtiott de l'tat civil aux protestttttts'

tl

881

rars-cnufiaux

coNvoQus'

613

invits adresser au el, )erslnn/rs i,nstrtti,tes, taient ,ous souo? sur Ie mme mmoires et garde des sceaux tous renseignernents

is

sujet r.

de La main qui avait voulu restaurer le despotisme dchanait justc en ce faitla libert de la presse! Le calcul de Brienne tait conluttc en d'entrcr manquer pouvait point, que le Tiers-tat ne royaut; la qu'ouvrait lice ire l*s ordres privilgis rlans cette prolit de la mais s,imaginer diriger lcs coups du Tiers-tat au

royaut tait un absurde anachronisme' il ,r'tuit plus possible d'lucler Ie prorligieux mouvement cl'opiune nion auqoai l* gouvernement venait lui-mme d'imprirner Le rsignrcnt. roi, se le puis irn'ulsion rro.rr.ilr. Le ministre, tatsdes tenue la 1789 uil 1" 8 aot, un arrt du conseil fixa u.i
de Gnraux et suspendit iusqu' cette poque Le r'tabltssernent
cowr 1tlni,re.
La

0n en venait donc cette date fatidique, dsigne, ds I'anne I'orprcdente, par le doigt e l\'Iirabeau! La vieillc socit, ltAr
g.un. de son pouvoir suprmc, marquait elle-mme son hcttle2' un pareil appel, fait ternps, ct t accueilli par un transport

jusquc tle joi et cle gratitude unanime. La France fut rctnue pas tenue .lans ses dernires profoncleurs, tnais elle nc se crut la reconnaissance enYels ceux qui I'appelaient malgr eux ' aYeu-

gles et fr"agiles instrutncnts d'ttnc tlvre imtlense. Tandis clue I'arrl cle convocation retentissait cl'chos en clios, le ntinistre qui I'avait fait rendre s'ablmait dans I'ignominie' Brienne, bout d'expdients, n'avait pas eu honte de s'etltparet' du procluit de sousciiptions clestines fonder quatre nouveaux lrpitaur dans Paris, et des foncls d'une lotcrie ouvcrte pol'll' soulager les victimcs d'une grle clui vcnait de ravager uos pius feltilcs contr'es soixarttc lictres tr la londe autour de la capitale! Le
Anciennes Loit f ranaises, t. XIYIII' p. 601. 2. Ialeshelbes et tl'autrcs hornmcs politiques avaient propos au roi tle convoqucr, au lieu tles l.itntr-Gn.Aux, une asseurble nationale qui aurait sa blrse dans

7.

les assenrbles prorincialcs, c'est--di

t. II, p. gz. Il

"tuit la les tris ori6:es pour les remlllacer par I'trnit fonile sur le principe uuique de proprit. Les oldres pliviigis eussent rsist, et le pcuplc rr'et pas sotrtenu une .euototion qui n'et pas t cli.rnocr'atiqus '1 rlui n'etrt couveltu qu'alrx solnmits du Titrs tat.

telt' grantle rnunittpulit de Turgot' - V' I)roz, tlop tard : la royaut u'avait ptus la force tle supprimcr ainsi

6'r &

LOUIS

X 1-I.

lr?881

16 aot, il fit dcrter par le conseil que les paientents de l'tat seraient susirendus pendant six semaines, puis qu'on paiet'ait les lentes et gages jusqu'au 3l dcembre 1789, partie en argent et partie en billets. Les remboursetnents taient reculs d'un an. Deux jours aprs, il tt autoriser la Caisse d'escotnpte, jusqu'au 1er janvier, ne pas rembourser ses billcls cn argent : cela parut Ie prlude vident de la banqueroute. < La maldiction publiqrte fondit sur lui comnre un dlrrge r. > La cour I'abandonna. Bricnne tenta une dernire chance de salut. I1 offrit le contt'le gnral I.{eclier. Le Genevois refusa de s'associer utt ministre perclu dans I'opinion. Briennc donna sa drnission (25 aofit), ct Louis XVI sul-rit Neclicr en vaincu, comlne il avait subi la convocatiou des fitats-Gnraux. Le garclc tles sceaux Lamoignon suivit Bt'iennt'

tiois setnaincs aprs


la Rvolution.

2.

Le second ministre de Necker fenle I'Ancien Rgime et ouvrc Nccliel rentra aux affaircs sous de funbres auspices. Le mome silence cle Paris avait fait place de fotrgueuses explosions. La joie clu renvoi de Brienne, puis de Lanroignon , cut un caractre d'curportemcnt qui allontit rlr dcs sr:ncs sanglantes oir I'autorit fit tour tour rnpriser sa rnollesse et maudire sa violcnce tardivc. Aprs trois jours ci'illuurinations, de fuses, de cris, de chants, le guet, jusqti'alors imnrobile, lit, snr le Pont-l{enf , une charge inattendue et brutale. Le lendeurain, la jeunessc basochienne reyint en .forces, armc de btons, ct brla en efligie Brienne; rine rnullitude aux visages sombrcs, aux vtcments dIabr's, sc joignit atrx jeuucs gcns. Lcs corps de garde du guet fulent assaillis e[ dtruits, sauf ]a Grvc, o une dcharge rrreurtrire dispersa les assaillants. Lcs troubles furcnt pius gra-

Larnoignoir. Des bandes notnhreuses se lrortrent aux htels de Briennc et de Larnoignon ct Ia maison du chevalicr du guet, avec dcs tnenaces d'incendic; les gardes
ves encol'e de 1. llm. de I'Jarmontel, p" 3ri0.

la chute

t. IV, p.29,

an

xllr

(180.1).
sa

Introductiop.au liloniteurt
encore

2. L'aveugle faveur

de

la reine suivit Brienne dans

letrrite, et lui valut


tor.rs deux

le t'hapeau clc caldinal. Lanroignon et Blieune ilnirent Illrlrrierr lc 18 mai 1789; le secontl, le lti fvrier 179.1.

par le suicide; le

u?881

RtiTOi]Ii DE II'OKEIi.

(j,f

li

li'anaiscs et suisses marchreut cotltre l'meutc; sur deur points, la for-rle sc trouva ptisc etrtre lcs dtachcuteuts clc troupes chirt'gcunt en sens oppos, et il y eut un vrai tnassrcre. Il en rcsta de

farouches ressentinents claus les masses.

L'olclre matriel se rtablit natttnoins pottr cluelque ternlis Paris, et Necker {it dc grancls et d'intelligents ctforts poul'soulagt'r les rnisres exceptionnelles qui aigrissaient lc peuple et pour releyer le crdi[ et la circulatiorr commerciale. Contrne niinistre clcs finances, iI justi{ia tle uouyealr la confiance qLr'il avait inspircle ii la nation : les bourses fcl'mes llrienue Se rouvrirent pour lui; les I'oncls rnolltrcnt cle 30 D.olo; il olrtint clcs avances des capitalistes et de certaines corporations, ]Ilgagea gnreusetuent sit pl'opl'e fortune comme garantie des crtgagcments de l'tat, lit patienter les cranciers, rvoqller I'al'It du l6 aot, que le public appelait l'arct, cle l,a banrlLrerlLr,te , et parvint pourvoir aux besoins ordinaires, tout en subYenant tux llesoins extraordinaires de la discttc., puis du rigoureux hiver cle 1788 1789r. En deux mots, il aida la France vivre durant les quelques mois cl'anxit suprrne clui sparrent I'i\ncien Rgime dc la Rvolution. Ce fut l lc principal et le tlernicr honnellr du tninistre genevois. La chute cle Bricnne et cle Lauroignon elnportait ncessailcmcnt celle de tout lcur systme. Pour la seconcle fois clu rgtte, "les parlcments furent rinstalls en triomphe. Lir dclaration cltr roi qui rappelait < les officiers dcs tours I'exct'cice dc icnt's < fonctions, ) ayauait la ruuiotr cles tats-Gnraux au tnois cl.: janvier 17Bg (23 septembre l7B8). L. parletnent de Palis tlbttta par ordonner, aux acclarnations de la nrultitucle, clcs infortrtations Sul' ( les excs, violences et nretu-tt'es cotnmis clans la ville de Pat'is dcpuis le 28 aorit, r liuis d'autre.s informatiolrs stlr lcs ct'itrtt's d'tat imputs aux cleux ministres clchus. Iais les allplautlisscments tombrent tout cottp, lorsque I'on connut les lcrtnes cl;ttts lesquels le parlcmcnl avait cnlegistr la dclaration ro1'ale : .'r lic

porlr clue les litlts-Gnraux... soient rgulir'ernent convoqus et conposs, ct ce, sttit'aut la forrne observe en 1l/r. > La forme de ltillr irnplitluait le lote
cessera

la cour'...

cle rclarner

l.

?0 millions fttrettt di'lterrss en seuouts et en acltat-r cL: glirills.

6r6 LOUIS XVI. lt788l par ordres et rveillait les souvenirs les plus contraires aur intrts et Ia dignit du Tiers-tat. Il se fit I'instant mme un vide imrnense autour du parlement. son anne d'avocats , de procureurs, de notaires, de praticiens, de jeunes clercs, I'abandonna. sa popularit factice s'vanouit. Le torrent des brochures politiques, des parnphlets, qui dbordait flots toujours croissants depuis I'appel du b juillet, se tourna contre lui. ce frrt le signe que la vritable lutte commenait, la lutte du peuple contre I'Ancien Rgime. La confuse prface de la Rvolution tait finie. 0n et pu toutefois se faire une dernire illusion aux caractres apparcnts des premiers incidents de la lutte. Tandis que lcs parlenrents provinciaux revencliquaient, cornlne la cour suprme de Paris, les vieilles forrnes aristocratiqucs des tats-Gnraux, les corporations officielles du Tiers-tat, corps de ville, conrurnnauts industrielles, corporations de lgistes, et les commissions intrirnaires des nouvellcs assernbles proyinciales, rpondaient par des aclresses au roi or) eiles demandaient nergiquemcnt que la reprscntation du Tiers galt en nornbre celle des deux ordres privilgis enseurble : ellcs invoquaient le souvcnir de Louis le Gros, de saint Louis, de Philippe Ic llcl, de Louis le Hutin, de tous les rois qui passaient pour avoir t les ailis de la bourgcoisie contre la fodalit. c'tait un dernier effort pour relier au pass l'avenir inconnu ct sans prctlents otr l'on touchait. Ni le roi ni rnme Neclcer n'entendirent ce dernier appel. Neclicr se montra tout la fois le plus habile des financiers ct le pltrs mdiocre dcs hontntes cl'tat. Mconnirissant entirernent Ia force respective clcs partis (force qu'au reste ni l\Iirabeau ni personne n'apprciait tout lhit encore), il ne songeait qu' se mnagcr entre le Tiers et Ies privilgis, et dclinait la rcsponsabilit de

dcitler la question praiable toutes les autres, la clouble r.eprr,,senhtion dLr Tiers, colruue si cc'tte 1lrtenlion folt rnocleste, ti laquclle sc bornait encole lc Tiers, n'ett pas t chose acquise d'avauce par la loi sur les assembles provincialcs et par I'initiative dcs Trois litats dc Dat4rhinr. Petr irnportaient que lcs pr.ccr:.
1. IJrre assernble extrtordinaire, runie sporrtrtrrrnerrt Privas, adhra, au lr(rrx des tr','is orcllcs clr-r Yir-irr.ais. rr.ur actes dcs tats tle Darrphin

?881

RETOUIi DES NOTAI]LES.

6r.7

tlents variassent; que

jamais gals runis. II ne s',agi,t pas , cornt]le I'avait dit }lirabeatt mille oo ,roro de tout le xvrrr. sicle, et comtne le rptaient lcs qu'i' doit ce de htais t,, qwi a pas ce d,e voix cle la plesse, il, ne s'agit les puis l\otablcs, Les tre. tre. Necher n'osa rlire ce qwi d,euait retnetS'en en parleurents, avaient donn leur drnission, Ies uns lunt uo loi, les autres ell en appelant aux tats-Gnraux : Ncckcr qu'on donna la sienne son tour, par l'acte lc plus irnpolitiqtte pt irnaginer. Il rappela les Notables pour leul soutucttre Ia composition et Ia forme des tats-Gnraur. Il ajoulna de nouveau, par le fait, la runion si urgente des tats, afin tle consulter cette assemble de privilgis qui s'tait dj montrc si impuissante tlir-huit rnois tlparavant et qtre le rnouvetnent extraordinaire cn rles esplits et clcs faits scmblait avoir rejete un dcmi-sicle arrire.
norme Les Notaltles reparuretrt le 6 novcmltre Versailles' Unc reprsentation la double majorit, par.mi eux, se pronona contre et rlemanda le rlaintien des formcs atlcicnnes, dcs

sttrpass ctt les erit nombre, dans les tats, chacun des deux autt'cs orctres, ne

le

Tiers ,

s'il avait toljolrs

du Tiers,
sans

alciennes clivisions lectorales par llailliages et snchausscs,

lenir contpte de la monstrtreuse ingalit de ces districts cn population, cn richesse, en tencluer. Iln mtne tellps que lcs l{olables Se cramponnaient, pgul: ainsi tlire, au pass , ils strbissaient prtotlt I'infltteucc tle leur terlrps, ntlis d'une faon tt'ssingulirc; c'est--clirc que cette clrnocl'atie c1u'ils repoussaient avcc effroi clans I'cnseurble c]c I'institution natiotrale, ils I'acccPtaient en particulicl dans chacun des trois ortlres qui colllposaient la vieillc soclt. Ils aclrnettaicnt quc tout citoyert domicili, rnajcur. et inscrit au rle tlcs contributious, etrt droit de sufli'agc

lans Ies asseutblcs prinrircs clu Ticrs-tat, que les gentilshorlllllcs non ficfls eussent clroit cle vote ct dcs scigneul's foclaur dans les assctnblecs cle Ia noblesse, et que toutes les ltet'sonncs ellgages clals les or.tlres sacrs prisscl]t part, ctc clcs titulaircs clc
snchausse de ltr-ritiers avaient, I'utt, l'autle. 692,810. Les bailliagcs rle Dourtlun et rie Gex en avaietrt, celui-ci, 13,u5?; cclui-l'r. 7,1(i2!- Un seulL.ruleiLut sur scpt ' tot'ft ltoul Ie douLleurelt tlu Tielsn a uue loj-r rie.r,,;r"i.;-,r'jt,i ertcole cette vt-rix fut-clit-'tl;ie au hasaltl.

l. Le lrriiliage de !crmantlois et la

77-1,504 habitrrilis I

6t8

LOL tS X YI.

[{ 788]

loi ni par aucrn usagc constant, il n'tait ni dans re pouvoir dans l'intention de la cour d'y supprer; cJue 'i ra conr s,en l.arlpor_ tait la sagesse du roi sur res rnocrifications q*e la raison, ra Iibcrt, Ia justice et le vu g'rar pouvaient irrdiqrrer. Le parlcsuppliait, de plus, le roi de ne plus permettrc aucun dlai 'rent pour la tenue des Etats-Gnr'aux; de dclarer et consacrcr lcur priodique, ra rsolution cre supprimer les impts suppor.'etour ts par *n seul orrlre, pour les rempracer, d'accorcl avec les trois ordrcs, par des subsides communs, galernent r.partis ; la res* ponsahilit des ministres; les rapports des tats-Grrrru,,x a\cr
l.
Irr,trottLr,ction, uu trI()rtiteur,

entencru par les formes cte 1614 que la ''avoir convocation par bailliages ct snchausses, plus convenable que celle par golrvernements orr par g'ralitr'; qo*, le nornbrc des dputs respectifs des crivers orcrres n'tant dtermine

derrce. > trl dcla.ait

I'irnpt f . Le parlernent intervint tout coup au nrilieu des clbats des Notables par une clatante palinoclie. Abasourdi dc ra te'rptc d'opinion qui I'avait assailli, pouvant cle Ia solitucle q.,il s,tait faite, il s'effora de se rhabiliier par un arrt o il expliq*ait, dit-il, ( ses vritables intentions, clnaturcs rnalgr leur vi_

elle Ia dilrenciait fortement de I'Angleterre; elle avaii prp"ar sur notrc sol la dmocratie unitaile. ce qui apparlenait bien au xvrrru sicle, ctait Ie vu arrach aux Notahles par Ia force de I'opinion : ( que res impts fusscnt supports par tous les Franais; > clix-huiimois auparavant, ils s'taient co'tents de ne pas repousser ce principe; il cst v'ai que, cette fois encore, en Ie procramant, ils I'arnoinilrissaient de lcur micux; ils entendaient gu'on cet gard les fo.nes 'raintnt propres la constitution de chaquc ordre, .'.-rt-_dire r1',ils s'opposaierrt toute loi gnrale sur l,assiette e[ la perception
cle

bnfices, aux iections ccclsiastiques. cette dmocratic rclative, c'tait bien I'esprit du xvrrre sicle qui la rveillait crrez res p'iviri:gis, rnais ce n'tait pas lui qui I'avait cre; cornbattue, touffci. par I'aristocratie ccrtaines poques et surtout clans cer[aines provinces, elle tait au fond de Ia vieiile France du moyen ge :

par aucune

p. itgti.4g7,

6i: les cours souvcraines, ctl telle sorte que les cours ne doivent ni ne puissent souffrir la ler'e tl'aucun subside ni I'excution d'altcune loi non conscntie par les tats-Gnraux; la iibelt indiriduelle; la liberl de la presse, sauf resilonsabilit apr's I'itrtpression (5 dcembre) '. Quet effet n'et pas produit un tel acte pcnclant la lutte cles parlements et de la cour ! L'effet fut nul maintenant. Les priviln788j

I,E I'A

TT

LE \I ENT. LES

PRII{CES.

gis s'inclignrent; le Ticrs se railla d'une adhsion tardive et sans

sincrit sa cause. Lc rle cles parlements tait lini. La natiou n'avait plus besoin d'intermdiaires. Tandis que le parlemcut de Paris capitulait devant la Rvoltrtion naissante, les princes du sang tentaient contre elle un dbile et vain cffolt. Le 28 novembre, le prince dc Conti avait dclclar, dans son bureau, aux Notables, que la mouarcirie tait tnenacc, et avait propos cle rclarner auprs tlu roi pour que ( tous les
nonyeaux Systmes fussent proscrits janrais et que la Constitution et ses formes anciennes fussent maintenues dans lcur intgrit. rr Le roi dfenclit aux Notables de dtibrcr sllr un sujet llour iequel il ne les avait pas convoqus, ct invita les princes lui colllmu-

niquer tlirecternent les vues qu'ils croiraient utile tl'exprimcr. Le colnte d'rtois, les trois Cond 2 et le prince de Conti adressreut donc Lotris XYI un l\Imoire o ils dnonaient < Ia rvolution rlui se prparait dans les principes du gouvernement, )) se dcha' naient contre le projet de doublcrnent du Tiers, et faisaient entenclre que lcs cleux ltrcmiers oldres, si leurs droits taient rnconnus, ne reconnaitraient pas I'atitorit dcs Iltats-Gnraux; que le peuple saisirait I'occasion dc leurs protestations pour ne
pas pa)'er les iurpts consentis par: les tats. La fodalit princire Iinissait par un appel I'anarchic; ce n'tait pas dmentir st.s

prccients.
C,ttttl.

0n prludait di l'nriglation et

l'arntite

de

La presse politique, dont les princes avaient attaqu avcc anlertttrtre I'effert,esce,ca ct'Oissante, leur rpondit sans mnasemcnt. l. InltorJwction au lffoniteur, p. 5{J4. - Plus de la moiti du parlctuetlt ne irrit point pttt, au vote. 2. Le prince de cond , le duc de Bourbon , son fils , et le dr.rc d'Enghierl ' sctl
petit-fi1s.

610

tOI]IS XVI.

tr 7881

L"opinion s'incligna de I'espce de capitulation qu'ils offraien ddaigneusenent au Tiers-litat. u Que le Tiers-Etat, crivaientils, cesse donc d'attaquer les droits des deux premiers ordres ' tlroits qui, non moins ancicns que Ia monarchie, doivent tre aussi inaltrables gue la Constitution; qu'il se borne solliciter la dirninutiorr des impts dont iI peut tre surcltarg; alors les
tleux premiers orclres poumlnt, par la gnrosit de leurs sentiments... renoncer aux prrogatives qui ont pour objet un intrt

pcuniairer.

>

Le Tiers-Iltat n'entcndait point implcrer une grce, mais exiger la iustice. Les concessions pcuniaires ne pouvaient plus le contenter. Ses crivains opposaient menace rncnace, et conseiliaient, les uns, de ne pas nommer de dputs si I'on n'obtenait le donJtlcrnent du Tiers; les autres, d'en lire en nombre suffisatrt, d'aprs les anciens usagts, sans s'arfter au chiffre qni serait lix par les lettrcs de convocation. Bcaucoult trouvaient di le dcru-

bleurcnt du Tiers insuflisant, et s'criaient que 24 millions d'homutes devaient avoir plus de reprsentants que 000,000 ! Suinze jours aprs avoir fait congdier sa tnalencontretrse assernble des Notables ( 12 dcembre) , I'{ccker se dcida et dcida le roi trancher la grande question de la double reprseutation du Ticrs dans le sens oppos au vu de cette assernble. La dcision royalc fut publie sous le titre singulicr de Rswltut tlw cottsei.I du roi tenu, it Versaill,es te 27 dcembre 1?88. te roi statuait : 1o que les clputs, aux prochains ntats-Gnraux, seraient au tnoilts au notnbrc tLe 1,000 ; 2o que ce notrtbre serait fortn , antant que possible, en raison coltpose de la population et des contributions cle chaque baitliage; 3o que Ie nombre des dputs 2. du Tiers-lltat serait gal celui des deux autres ordt'es ruuis La rc.ine, irrite du concoul's que la nolrlesse avait prt aux piu'lcnlcnts contre Brienne, ne s'tait point oppose cette tlcision. Neclicr, dans lc long rapport au roi qui prcclait le Risultut (lti t(n'tscii, setnbiait tt'at'oir song r1u' attnuer la ltorte e}c ia
1.
JrttruLiucttttn att

" 'fit }ieche'r daus sriri lapport au r.oi. Les Notables avaient esplim prcismeut I'o6riliiorr ron* l,raire. C"dtait bierr la pcirre tle les cortsulteri

g. ., Il 'J r

lloneur, p.

'199'

qu'urre seule opiuiorr dans lc roJ-aume strr cette question,

ft?881

DOUBTBTIENT DU TTERS.

2t

rnesure qu'il venait de dicter Louis XYI" o L'intrt qu'on attackre ir cette question (Ie douhletnent du Tiers), disait-il, est peut-tre exagr de part et d'autre; car, pwisqwe l,'anciemte Constt'twtiort' ou
i,es a'nciens usa,ges axttorisent les trois ordrcs tt dlibrer e[ ulter' sparment, a,u,& Etats-Gnra,u,fi,le nombre dcs dputs, dans chacun de ces ordres, ne parait pas une question susceptible du degr

de ,;haleur qu'elle excite. Il serait sans doute dsiler que les trois ordres se runissent volontairement d,ans l'enanten' de towtes
[cs o,ffaires oi.t, l,ewr int,rt est absolwment gal ow senlable; rnais u:ette dtet'miuation tntne dpend du Yu tlistinct dc.s trois ordt'es r.

l
la double reprsentatiolr lr'entraittait

Neclier avait raison. Si

pas le vote en cotlrnrun, c'tait une concession insignifiante; tnais i'opinion publique entendait bien que Ia prenrire victoire entranr:rait la seconde, et quil u'y aurait qu'utte assenrblc, et non T,rois assemblcs indpendantes. 0uelqucs publicistt's s'indignrent drr lurgage de Necliet et I'accusrent de trahir la cause tlu peuple. I-.,"o1riuion fit mieux que de s'irritel des rscrvcs du rtrinistle : e[[e n'en tint comptc. Paris, en s'illuruinant de millc feux, le soir

du jour oir l'ut publie la dcisiou royale, tuotttt'a colutnettt il l"interprtait. L'in'itation fir'reuse des privilgis rpondait i'assut'ltuc rrlr:naante du Tiers-litat. L'exetnltle tlu Dauphin ne tut pas slnvi. Le spectacle de patriotique union qu'avait ofl.elt cette 1-u'ovince dans la lutte contre Brienne se rcproduisit nanuoins tlatts urr{) nouvclle session des tats de Dauphin la lin de dcctrtbrc'. 0es fltats, sur le rapport de ]Iounier', dcidretrt que les dputs qur reprsenteraient le Dauphin aux tats-Gnraux auraicnt Lc rnaudat spcial d'obtenir que les dlibrations fusscu.t coustatnnrent prises par les trois ordres ruuis et que les suffragcs fussent rlr)tupts par tte. Dans ce cas seuleuten[, les dputs set'aient irutorisS concourir l'tablissettlent d'uuc constitution tllli
l. Ptus loln, il itif, " qu'i[ n'entrera jarnais ans i'esprit clu Tiers-tat tle cberclr,'r a diminuer les prrogatives seigneuriales ou honorifiques tlui distirrguetrt les rleux
premiers ordres...
Troytnt o,ussi resqtectable qu'aucwrt'e utrer

pItrrrris de

la

J(t{)-509.

n'est aucun Franais qui ne sache que ces pr'r'ogatives sottt ur " tc' ('e n'est' pas'lurgot qui et ct'rnsorte le principe 'le la ptopriet ! - Y ' ltt'!r''t'l'utLto,r u xlrtttttettrr

Il

622

LOUIS XVt.

lr?88-r7891

ilssurt la stabilit dcs droits du rnonarque et de ceux du peuple franais. Un certain nombre de privilgis avaient protest; la tnajorit resta unie au Tiers. Il n'cn fut pas de mme ailleurs. Pendant que la noblesse dauphinoise montrait cette sagesse et ce dsintressernent, la noblesse bretonne tentait la guerre civile. Les tats de tsretagne s'taient pareillement assernhls sur la fin de dcembre. Le Tiers prsenta une liste de griefs dont il demandait Ie redressenrent pralablc toute dlibration, et rclarna le vote par tte, et non par ordre , et tr'abolition dcs privilges en matire d'impts. La noblesse, tle son ct, amta de ne dlibrer sur les rclamations particulires du Tiers qu'aprs avoir termin les affaires gnralcs de la province. L'assemble s'puisait en dbats violents et striles. Un arrt du conseil la suspendit jusqu'au 3 fvrier, et renvoya les dputs du Tiers demander de nouveaux pouvoirs lcurs villes. Le Tiers obit. Le haut clerg et la noblesse dcidrent de ne pas dsemparer, et rpandirent dans les campagnes, en franais et en bas-breton, une dclaration o ils accusaientles dputs des villes de tromper le peuple et de se servir de lui pour des intrts contraires aux siens. Les tudiants en droit, la jeunesse de Rennes, rpondirent par une contre - dclaration virulente. Le 26 janvier' 1789, les domestiqucs des nobles, grossis de pauvres gens qu on avait ameuts sous prtexte de faire baisser le prix du pain, assaillirent dans les rues, coups de btons et de pierres, la jeunesse bourgeoise. Il n'y avait aucune justice attendre du parlement, tout dvou la noblesse. Le lendemain, on essaya de recommencer; mais les jeunes gens taienf prtst, Ils march-

rent droit au cloitre des Cordeliers, otr tait runie la noblesse.


Au bruit des coups de feu qui s'changeaient, le tocsin sonna; le peuple se leva, mais pour soutenir les bourgeois. Sans I'intervention pacifique du eomte de Thiard, gouverneur cle Bretagne, ia nohlesse erlt t crase. Les jours suivants, on vit la jeunesse des lilles voisines accourir par bandes armes au secours des Rennois. Il vint neuf cents Nantais le 30 janvier. Angers, Poitiers , Caen, se tenaient prts marcher. 0n a conserv une pice qui

l.

Parmi les tudiants en droit

tgtruit un jeune homnre qui fut le gural

I[oreau.

t1?891

IJRET,\GNB.

FlfCiltt-CONl'8.

613

tnroigne de I'cx.altation dlirante

qui s'tait cmpalcle des mes; c'est un arrct thes nrcs, sLr,t's, powses et antantcs des jetmcs citluens cl'Angcrs, dclarant qu'en cas de dpart de la jeunesse

angevine, elles se joindrottt , la nati,on, et priront plutt que d'abandonner leurs arnants, lcurs poux, leurs fils et leurs
frres r. La noJrlesse vacua Rennes et se dispersa dans ses chteau\, eouvrant sa retlaite d'un nour,el ordre du roi qui prorogeait ind{inirnent lcs lltats de Bretagne (fvricr 1?89). Les privilgis n'eurent pas un meilleur succs en Franchctornt. Le roi venait de consentir au rtablissement des ]itatsProvinciaux dans ce pys, qui ne lcs avait pas yus rassernbls depuis la conqute de Louis XIY. Les Etats de Franche-Comt devinrcnt aussitt Ie thtre d'une lutte ardente entre le Tiers-Iltat,

d'une part, et, de I'autre, la nobiesse et le haut clerg, qui protcstaient contre la double rcprsentation du Tiers et I'oulaient que l'lection des dputs aux tats-Gnraux se fit par les tatsProvinciaux, forrns aristocratiquement I'ancienne manirc, et non Ilas dirccternent liar la population. Le parlemenf de Besanon rendit arrt dans ce sens ct protesta contre tout changernent dans ltr constitution de la province, niant ce droit aux tats-Gnrairx eux-mrnes (27 janvier 1789). Le peuple se souleva et rnit le parlement cn fuite. L'intpression de ces prerniers chocs fut profonde dans toute la X'rance. L'effroi commena de se mler' la colre chez les privilgis. Ils commencrent entrevoir que ce grand parti, qui dbutait ainsi, pouvait aller tout. Le parti dc la Nation avanait, du reste, visage dcouvert. C'tait en annonant ses plojets avec clat qu'il en prparait Ie succs. D'innornbrables crivains r lui serr'icnt de hrauts. La diversit tait infinie dans lcs dtails; rnais Ia grande majorit n'avait alors qu'un esprit et clrr'un but. < fious n'avons pas de tonstitution; il nous en I'aut une t.-Quand
L. Introduction au llottiteur,p. 544. 2. Il y eut, dit-on. plus de trois mille blochures
dans les dix mois entre

juillet

1788

et rnai 1789. 3. Les privilgis u'taient pas mme d'accord pour rpondre qu'on avait une Constitution. Les princes du sang I'avaient revendique : d,'Eprmesnil, dans urre brochuredejanvier l?89, se dchaine contre " I'imbcillit de ceux qui soutiennent

621*

LOUIS X\i I..

u ?8el

mrne nous en urions une, nous aurions le droit de la changer : d'rudition! ne trales morts ne peuvent lier les vivants. -Pas vestissons pas en combats de chartes et de titres la question des droits de I'homme. > La distinction des trois ordres est vivement attaque. Aux charnpions de la noblesse qui rappellent perptuellernent le sang des gentilshommes vers pour la patrie, on rpond par lc grand mot : < Et l,e sang dw lteu"ple teit-U de l,'eaw? >> Un parnphlet s'intitule : le Glontl lN ExcELSts cJw peupl'e, suivi de Prires , l,'u,sage de tows l,es ordres, con'tenant le }Ia.cnIrtclu dwpew' ple, lB Mrsnnnnn d,e Ia noblesse,Ie tn PRonuunts dw clerg, le Nuuc Dlulrrrs d,w ytarlentent , la nASSIoN, LA MoRT ET LA RESURRECTIoN DU pEUpLE. L'avocat-gnral Scrvan veut que les tats-Gnraux dbutent par la dclaration des Droits d,e I'hontme et dw citoyert,, por' tique ncessaire de I'difice de la Constitution. - Mirabeau demande la suppression des parlernents, qui seraient rernplacs par des jugcs lectifs et temporaires. Il abandonne I'opinion qtr'il avait expr"irne ailleurs surl'attribution du droit lectoral aux seuls

propritaires; ce qui serait, dit-il, ( un grand pas vers I'ingalit' I1 nc doit exister aucun individu dans la nation qui politiquc'.
ne soit lecteur ou

lu: tous doivent tre reprsentants ou reprdoit tre gale, Cest--dire chaclue reprsentation La sents. agrgation de citoyens doit choisir autant de reprscntants qu'unc Sans le Tiers, les deux ltrerniers autre de rntne irnportanss t. or.dreS ne forment Certaineurent pas la nation , et, seul, Salls ce S deux premicrs otdres, il prsente encore une image de la nation... Je ne dirai pas quc I'ordre de la nation doit I'emporter sur les oldr.es qui ne sont pas la nation : ie i,guerai, ce,princi,pe it la'pstyitt.... Je ne veux pas trc, clu moins dans les assembles politiqlues, ni plus juste ni plus sage que rnon sicle... ) hlirabeau crivait ces lignes au rnoinent mtne o le Tiers-trrt de Bretagnel'emportait, de haute lutte, sw' les orrlres qwi ne sotrt e'll ltas l,a nati,ort. Les t'aits allaient noutrcr collibien le sicle
que la France u'a pas de Corrstitution. ' Pendant ce .temps, Besenval avoue, tlatts s.ln Mmoires, qu'il n'y en a pas i n qu'il n'y a que des faits et rles trarlitions. , Plus tard. Calonne crit contte; Illorrthion crit pour'

l. II enteld par importauce la


chesse du pays et tles servics que d,uetion au trIonilew, P' 600.

combinaison tlu norubre des habitirnts' r-le la rr' l'tat retire des hornmes et des tbrturls*' - [r1[1q-

fJLTES:l'-08 QttE LE TtBtis_E'1..\'t? (iz,j masse marchait plus vite que les plus grands entre les indiviclus. ce n'est pas l{irabeau qui a le terrible horrneur de rsumer I'orrragan et de lancer la foudre prcde de tant cl'clairs. C'est tlll nouvcau yenu, sorti , comme lui, des ordres privilgis :
lr ?8sl

(Ju'nsr-r-:s oug LE Trnns-rur? deurande I'abb Srnys. < Qu'est-ce que le Ticrs-tat? Tout.
? Rien '" A y devcnir quelclue chose. < Le Ticrs csf une nation cornpltc. si I'on tait l'orclre pr[-

< Qu'a-t-il t jusqu' prsent dans I'ordre politique


o

Quc deruaudc-t-il ?

wiltgi,2, la nation

rluelque chose de plus.-Il n'est pas possiblc, clans le nombrc. ric tt-rutcs Ies parties lmentaircs d'une nation, de trouyer o placer la caste dcs nobles. - Qu'est-ce qu'une nation? - LTn corps d'associs vivant sous une loi cornrnune et rcpr'sents par la mmc lgislaturc. L'ordrc des nobles est uu peuplc part tlans la.

- chose de rnoins, ne serait pas quelque urais

glande nation.
<

- ps tles taulois ct tles Rorrrains , pourqJuoi nc renr'.r,ionr-nous les prtcndus hritiers des Francs dans les for,ts de la Franconie? - Notre naissance vaut bien la leur. - Oui, dira-t-on, rnais... par la conqute, la nofrlcsse dc naissance a pass du ct des conclurants. Eh bicn, il faut la faire reprsser de I'autre ct : le Tiers redeviendra noblc en devcnant conqurant son tour. o Oue denrancle le Tiers? - Le moins possil-rle, en vcr.it : que ses dputs soient au moins en nourbrc gal ceux dcs plivilgies, tu,nt qu'il, y au,ra dcs priuilgils.
n

- I'oppression j'oserai le peuple dans , rlernandcr quel titre. si I'on rponcl : A titre de conqute... lt' f icrs se lcportcra I'anne qui a prcd Ia conqute... il est arrjould'hui assez fort pour ne plus se laisser conqurir. Fil.s
entreprennent de retenir

Qu'est-ce que le Ticrs a t?

Le Tiers est tout.

Rien.

Oue si les aristocrates

sieys attaque ensuite l'cole anglaise, qui loudr.ait liyrer urie tles branches du pouvoir lgislatif trois ou quatre cents I'aprilli:s
ce fut chamfolt qui tburnit sieys peu prs son fameux titre : , eu"est-ce ? - Qu'a-t-il ? - Rien. ' sie)s le motlifia heureuserlelt, - rout. r-le C-'liarnf<rt. V. les OEut,rcs choisies - 2. Il dit l'ordre, non les orrlres, parce,que le clerg, n'tant pas urre caste hcjreuitaire, n'est pas pour lui ul crldrc, niais une prufi35si1111.
rlue le 'Iiers-Etat

l.

xI.

40

696

rS I\"I. [l?se] de haute noblesse, en rejetant la petite noblesse sur la charnbre


LOU des reprscntants du Tiers.
< Qu'a-t-on fait? > demantle-t-il ensuite. Et ce qu on a fait, il le critique avec force. u Qu'y a-t-il faire ? > Il paraissait d'abord rclamer seuleurent, commc Miraheau, cluc lc Tiers, qui est tout en droit, devlnt quclque chosc en fait. liais, ici, il aboutit cc que le Tiers soit tout en fait colnme en

dloit. < La nation est la loi elle-mme : la nation n'est pas soumisc une constitution : elle ne peut pas ftre. - Les partics de ce qu'on croit tre la Corrstitution franaise ne sont pas d'accold entre elles; qui appartient-il donc de dcider?-A la nation, iridpendante de toute forme positive. Quand la nation aurait ses ntats-Gnraux rguliers, ce ne scrait pas ce corps constitLr prononcer sur un diffrencl qui touche la Constitltion. < ... Une reprsentation entraorclnaire peut seulc toucher Ia Oonstitution ou nous en donner une, et cctte reprsentation coNSrrruANTE doit se forrner sans gard la distinction tles
ordrcs.

Il fallait prendre la nation dans quarante mille paroisses. Qui a le droit de convoquer Ia nation? Quand le salut de la patrie presse tous les citoyens, il faudrait plutt dernandel qui n'cn a
<

droit!- Que reste-t-il fairc au Tiers-tat? 0rganiser le corps du gouvernement, le souurettre des fbrrncs qui garantissent son aptitude la fin pour laquelle il est tabli. Le Tierspas le

Iltat seul, dira-t-on, ne peut fbnner des Etats-Gnraux. Tant il une ASSTiTTDLEB N.\TroI\ALB... reprsentants mieux! cornposera Scs auront ia procuration de 25 26 millions d'individus qui composent la nation, I'exception d'envilon 200,000 prtres o noblest. Ils dlibreront pour Ia nation entire, I'exceplion de 200,000 ttes... n est impossible de dire quelle placc deur corlis privilgis doivent occuper dans I'ordre social; c'est dernander quclle place on veut assigner, dans le corps d'un rnalade, I'humeur rnaligne qui le mine et le tourmente. Ii faut la tteutrttl. Il aurait fallu d,ire
enfauts. 500,000

tt00,000, erl collrpre,,ant tes fentrnes et

leo

It?sel
Xi;e,r'.

ii'(iLE\IENT DIS LIiCTIOI( S. et rtal,rlir assez bicn le jeu des orgncs, pour qu'il ue s'l'

fonue plus de cornhinaisons ntorbifiquesr. > Le prograrnme de la Rr'olutiou tait tra. La Nutiort n'avait plus qu' excuter le plan de campagne de son audacieux tacticictt.

LeZ4janvier

1789, aYait paru la lettre de convocation des tats-

Gnraux Yersailles pour Ie 27 aYril, accolnpagne d'un rglcrll]ert sur la formc des lections. Lc nombre des dputs tait port 1,200, dont 600 pour le Tiers et300 pour chacun des dcur. premiers ordrcs. Le roi statuait clue les bailliages et snchausselcs iii avaient dput dircctement aux litats de 1014 cortserveraiellt ce privilge; que le petit nomltre des bailliages et snchausses qui avaient aciiuis des titres analogues aux prellliers, deltuis 1614, set.aient admis la mme prrogativc; cela pt's, on tchait de

proportionnef le nombre des dcputs la population et

I'in-

portance de chaclue agrgation. Les bailliages et snchausses tlui

n'at'aient pas dput directernent en 161/+ ne dputeraient tlue


coujointement avec ceux tle la plernire classe, suivant la pro-tiLes baillis ou snchaux dc premire classe nrit et I'origine. convqueront au plus tartl pour le 16 nlars les vques, abl.rs, 2, ctrr's, communa ths rentL cs ecclsiastiques pourvtls de hnlices et nobles possdant fiefs, I'assemhle gnrale du bailliage 0u snclrausse. Les chapitres nommerout un dclput pour dis chanoines; les prtres attachS aux chapitres, et les prtres salls hu1ices, rlornicilis dans les villes, un dput pour vingt; ies 3. Cotutlrunauts religieuses, un dput par tol]llllunaut Les biltrliciaires ct les nobles possdant fiefs voteront individuellernent. Les 1irtres sans bnfices, donricilitis dans L:s campagncs, et les rroltles sans fiefs, auront droit de venir voter individuellenrent. Dans les vilics dnomrncs en Itat annex au prsent rglemetlt, les habitanl.s s'assenrbleront d'abord pal' corporation; les corps ,[.'arts et nttiers nolltmeront un dput 1]our cent lecteurs 1it'1. Le pturphlet de Sieys est devetru rate. On en peut roir I'aualyse drlrrs l'Irrtrr,1ttc1iol aw:llonircur, p. 606-608; * et lcs citatious donncs pilr Soulavie, ilyte 'i ' L,tuis XVI, t. YI, P. 299-303. 2. Les moines meniliants taient excltts. 3, Les comrnulauts de femmes alaieut d-^-oit de se l'aire rep|eseuter |itr uf'
e':,: l ; irr s t i rirr.c.

28

LOUIS }.VI.

{1 7891

sents; Ies corporations des arts Iibraux, des ngociants, ctr., clr nommeront deux po.ur cent; les habitants ns ou naturaliss lrnnais, gs de vingt-cinq ans, donricilis et compris au rle tles irnpositions, qui ne font partie d'aucune corporation, liront 1rareillerneut deux dputs pour cent. Les dputs choisis dans les diffrentcs assembles particulires formeront I'IItel de \rille
I'assemble du Tiers-Iitat dc la ville, y rdigeront le cahier des plaintes et dol(:anccs de la ville , ct nornmeront, au nornbre fir dans l'tat susdit, des dputs de second dcgr, liour portcr' le

cahier au bailliage ou snchausse. - Paris seul dputcra dircclcrnent aur tats-Gnraux; ics aulres villes ne voteront 1-rour les tats qu'avet I'enscmble du bailliage ou srtchausse dont ellcs Dans k:s paroisses , bourgs et villages, et claus feront paltie. les villes non conUlrises en I'tat susclit, tous les habitants runis concourl'ont la rdaction clu cahier de leur cornlnunaute. ct nonrmcront dircctement deur dputs pour 200 feux ou att-tlessous;trois, pour 200 300 I'eux, ctc., alin de porter leur cahlr:r au bailliage. Les dputs du Tiels, lus dans lcs villcs et clans lcs campagnes, se runiront, clans chaque bailliagc ou sncltaussc, l)our rduire les cahiers en uu seul et choisir cenx d'entr"c eur, dans la proportion d'un sur quatre, qui portr'ront le cahier du bailliage I'assernble g'nnle du bailliage dc plenrire classt-', contribueront rduire cn un seul les caltiers des divers hailliages ressortissant au bailliagc suprieur, et liront les clepuls aux tats-Gnraux. Chaque ordre r'digcra ses cahit'r's et nomrnera ses dputs sparment , , rnohts c1w''ils ne pr'if'tr,'ttt. d'y ltroader en, cornrnwt" r. Les cahiers de chaque ordt'e scront arrts dfinitivenrent dans I'assemble de I'ordre. - Les cltlputs ilux assemblcs de divers degrs seront ltrs haute voix; les dputs aux tats-Gnraux seront seuls lus au scrutin secret. Il Y aura autant de scrutins que de dputs'. Aux anomalies, aux ingalits que conservait cette forme llnrtlvelle d'lection, et que Mirabeau blma nergiquetnent au ltoitrt
]. Necher provr.rquait tirnidemerrt, pal cet article, dans les assernbles dlectorales, r'ette runion des trois ordres qu'il rr'osait faire prononcer pttr le roi pour l'Assenrble nationale. L'appel ne fut pas entendu' 2.
Introduclott au Moniteur,

p,

557,

t?801 c1c

LEc't'io

NS.

629

vuc clu vote nniversel et direct', o[ reConnaissait la pensuie tl'une transaction entre les confuses traditions des temps passs2 et les exigenccs rationnelles cle I'esprit du sicle. Lc gnie du riroit tommlrn avait su toutefois se faire une part imtttense, en (,onqurant la participation formelle de tout contribttable aux uprations prparatoires. C'tait aux assembles sorties de ces oprations qu'il appartiendrait de complter l'uvre' La priocle lectorale s'ouvrit. La France ne S'assembla pas tout cntire lc mme jour, la mme heure, comme on I'a vu depuis[,es bailliages furent convoqus les uns aprs les autres. Durant prs de trois mois, le mouvement parcourut lentement la surface du pays avec une varit infinie d'incidents et d'motions. Il y aurait tout un livre, et un bien grand livre, faire sur les procs-verbaux de ces milliers d'asscurbles oir le plus humhle des citoyens, clans le coin le plus rccul de la t'rance, put venir ouvrir Sr)n cur, pancher SeS aspirations et SeS vux. Au fond de nos archivcs natiOnales lellose i'tlte de toutc une gnration, ct quelle gnration ! cclle par laquelle s'opr'a le passage tl'un tnonde utr lulre, de I'ancienne la nottvclle Francc ! Le caltne, la tlignit tles dlibrations signala gnralement lcs runions du Tiers: il marchait comme ulle grandc arme disciptine et conflante dans Ia victoirc.AParis, il dbuta par fairc acte de souverainet en rerriplaant les pr'sidents et secrtaires qu'avait imposs I'autorit, par des pri:sidcrtts ct des sccrl,aires librenrent lus. Les assembles des villes furent toutefois plus rctnarrprables par le caractre que litr la foule des votants : les lnasses titair.irt plus prpares I'action rvoltrtionnaire qu'au jeu rguliel des institutions libres; lcs proltaires proprelnent dits se trouvaient en clehors des assembles, ct une grande partie dcs
p. Lors

I.

Rponse

go5ne, en ltrovence, en Langucdoc, en Bretagne, par les Etats-Provinciaux, si oliParis, en 1614, larchi.loes clans leur compositiou, sans intervention du pcuple. A ies lections avaient t faites par le corps de ville, avec ur1 petit nombre de notables choisis en graucle partie par 1es quarteniels. Une portion seulement du peuple tait intervenue par quelques deputs des corps de mtiers. V. notre t. XII' p. 234' par un rglernent d.u l3 :r,r'ril 1789, il fut statu qu' l'aris on ne serait point aclmis ilarrs les :rssenrbles du 'liers, si I'on rre payait six livres dc capitatitln . - Intro'luq' Oette restriction souleva de vives plairrtt:s.' t{,,t, 112 tr[o,titturt p. 576.

Cerutti, ap. Mn. de }firabeau, t. V, P. 223-227' 6es anciels tats-Gnraux,les dputs aYaient t nomms, en Bour-

6:10

r.0[,rs \\-f.

I 17 E9J

rlisans appels Tle lotl.cnt l)as : rc {'t la classe moyenne qui fit les lections prcsque partontr.Il n'y eut, au coutr.airc, que 1r.o*_ hle et que claureurs clans lcs runions ile la Les g.eirtif shorlrmcs cle provirtce rcrinrinaicnt contr.e 'obkrssc. la noblessc cle cr.rur et accusaicnt lcs grnncls cl'avoir ouvert la porte aux plrilosophcs : cn etrt clit unc armic en tlroule cpri tire sur scs chcfs. Avec lroips de tum'lte, lcs asscmbles d. clerg n'offrirent pas de 'roi's tles sliscoriles' La tlrnocratie des curs tint en chec I'arlistocratie vqncs, et les rncontcntements sculaires dn l:as clerg prorlirisirent une explosiol gnralc, quc bicn cles sl,rnptrues et nolaur_ n:ent bon nouibrc de hrochtu'cs politiclLrcs ai"aicnt pu faire

scntir.

lrl"rlg-

l'ancien rgime tlans lcs ntah-Gnraux. En Provencc, Icrs scncs rcs plus violcmurent ch.ainatirlues signalrent l'poque dcs lections. L, colnrle err Bretagne, cornrllc dans les deux Bourgogncs, Ies privilgis avaient protest contrc le clouhlernent du Tiers et revencliq* l'lection cles dputs arir Etals-Gnraux ponr les Dtats-provinciaux rcemrnent rtablis en Ilrovence, cle r'ure qu'en Da'phinri et en tr'ranche-comtri. l\Iiraheau , dans la charnbre cle la nolrlesse, aux Etats-provinciaux,
avait soutenu aYec un clat extraorclinaire les clroits et les intrts du Tiers, et rvl un oratcur tcr que le moncle n'en avait pas
1" AParis, lesclassespopulairesallrentpcuvoter,sicen'estdanslcsgraldsfaut'outgs l nanmoins, M. Droz rduit infinimeut trop le nombre des votants (I?,000 )l ilL y en eut probablement au moins 25,000 sur 60,000 lecteurs, com're l{' Ruclrez; Ilist. parlementaire ile Ia Rduor.,tion, t. I"., p. p40; 2e dit. Il yre crit avait soixante arrondissements ou quartiers lectoraux, et nous voyons qu'il y eut 426 votants clans le seul quarrier de saint-Itrtienne-du-ilont. peut 1toii., p. i;e.). remarquer que Ia proportion des votants au chifii'e total des - on lecteurs a t g'eralement croissant dans les rtiverses phases lectorales de la Rvolution depuis soixanl,e ans. Bailli, dans ses-Mnoires (t. Iu', p. lr), fait |observatio'qu' pris les gens qli craignaient de dplaire Ia cour et aux ar:lversar'res tles changemerrts immi'errts s'abstjnrent de paraitre aux assernbles.

si.n tlont lcs princes clu sang avaicut rnenac la France clans ler,rr muroire au roi. Ils rclamr'cnt, Irour les lltats-provinciaur, le tlroit cle nornnrer lcs dputs aux lltats-Gnraur, et, 0orDre olr passait oulre, ils refusrent tle proccler aur lections [7-p0 avrill. Ils n'alroutirent qu' di'ri.uer c|une lrcntainc de vois te parti r{p

La nolilesse et le hatrt clcr51 lcn{r.cnt, en Brctagne, cetie scis_

ilTEel

IIIIiRE.q.U EN PIIOVENCE.

6:11

entenclu depuis que la tribttne de l'loqueuce antique tait fcrme'"

Exclu par son ort.lre, sotls un prtexte fi'ivole,

il tait tlet'euu l'iclole du peuple provenal (janvier-fl'rier). Quand il reparut au mois de mars, pour les lections, lcs populations entircs sc por'trent au-devant tle lui sttr les routcs, senrant Sur Son passage lcs palmes, les lauriers et lcs olivicrs; Ia jcunesse I'cscorta chcvai; les villes le reurcnt la lttcut' des feux tle joie. L'mcute cependant grondait dans [Iarseille : I'cffervcscence politique clu motnent, les souffranccs d'un cruel hiver cornbincs avec la chert gnrale,
les provocations irnprudentes des noblcs, qui avaicnt tch d'elcilar les cmpilgnes contre les villes, tout s'tait runi pour irriter le peuple, et il vcnait de forcer les chevins de tarer la vianrle et

le pain un prix hors tle proportion avec la valeur relle. XIarscille tait en plcinc anat'chie. llirabeau accourt : il usurpe, pour ainsi rlire, la dictature du gnie ; il irnprovise ttne rnilice civique; il retve le cur du conseit de ville ; iI s'adresse att bon sens populaire, et, sans conflit, sans raction, par le setrl ascenrlant de l'loquence et de la t'aison, il ramne le peuple souffril I'abc'lition de la taxe extorque par l'meute (2P-26 mars). Pendant ce temps, le sang coulait Aix. Le tnarquis de La n'arc, premier

consul d'Aix et chef du parti nobiliaire, furieux de voir que le Tiers se dispost lire Mirabeau, avait dfl le peuple pal' ses provocations, cherch I'occasion d'un conflit et ordoun aux soldats de tirer. Plusieurs ltommes du peuple tombr'ent. La forrle se rua sur les soldats, les dispersa, fora le prernier consul de s'enfuir pour chapper une tnort cet'taine, et s'enrpara clcs bls
1. C'cst dans une rponse aux chambtes du clerg et de la noblesse, qui I'avaient trait d'eflnami dela pair pwblque, qtle se trouve le fameux pas3age : ,, DanS tous les
pays, dans tous les ges, les aristocrates ont implacablement poursuivi les amis du peuple; et si, par je ne sais quelle conrbinaison de la fortune, il s'en est lev quelqu'un dans leur sein, c'est celrri-l surtout qu'ils ont frapp, avides qu'ils taient rl'inspirer la terreur par le choix de la victime. Ainsi prit le dernier dcs Gracqucs dela main des patriciensl mais, atteint du coup mortel, il lana de le poussire vers le ciel, en attestaut les dieux vengeursr et de cette poussire naquit Nlarius l Marius, moins grand pour avoir extermin lss Cimbres que pour avoir abattu dans Rome I'aristocratie de Ia noblesse... J'ai t, je suis, ie serai jusqu'au tombeau I'homme de la libert publique, l'homme de la Constitution. I\{alheur aux ordres privilgis, si Cest l plutt tre I'homme du peuple que celui des nobles; car les privilqes tniront, mais le peuple est ternel. " (5 janvicr 17Bg). -Y' Mrn, ds Mirabeau, t. V, F. ?33-?60.

LOUiS XVT, u 78el ernmagasins par la vjlle. llirabeau revient de l{arseille Aix, harangue le peuple, lui fait tomber les annes des mains, rtablit la lihre circulation des grains, rernet tout en ordre comme par enchanternent, apaise pareillement Toulon soulev, va dlivrer, par la persuasion, l'vque de Sisteron , un des chefs des aristocrates, poursuivi et assii'gi: dans Manosque par les paysans, et repart pour Paris, lu clu Tiers-tat d'ix ct dc lfarseille, aux applaudissements tle la Provence et de la France cn{ire. te furcnt
6i]2

l les heures les plus prlres et les plus vritablement glorieuses de cette carrire si orageuse et si conteste'. Dans la plupart des provinccs, I'irnnlense agitation rnorale dcs
lections ne se traduisit point en luttes matrielles ni en dsor'dres de la rue. La solennit de I'actc qu'on accomplissait saisissait les rnes. Cepenrlant la Provence ne fut pas seule trouble : Ies

lections cle Paris, retardcs par la faute du rninistre, furent assourhries par dcs scnes qui prsageaient dcs ternptes sociales par deli\ Ia rvolution comrncnce, et annonaicnt ces luttes sinistres entre Ia bourgeoisie et le proltariat, qui devaient tre le flau de Ia socit nouvelle. Entre la nornination des lecteurs par les asscmbles primaircs et celle des dputs par les i:lecleurs eut lieu Ic sac de la maison de Rvcillon, nlanufacturier du fauboulg Saint-Antoine, qu'on avait accus de propos hostiles anx ouyriersr. Une foule furieuse clvasta, brla tout cirez Rveillon. L'autorit, qui avait laiss l'rneute grossir pendant dcux jours sans rierr faire pour I'arrter, l'touffa enfin par une tnasse de troupes et par nne large effusion de sang, aprs unc lutl,e acharne oir l'meute s'tait clfentlue avcc dcs picrres et des btons contre les fusils (?8 avril). Lcs prr{,is s'irccu-creut rciproqtrerncnt d'avoir provoqu la sdition iiorrr en profitcrs.
Ruchez, Ilist, Ttnrlemenf., t. Ier, p. Z2gun p1'otest,nr fut lu par le Tiers-Iltat de }farseille. Le ministreliabaut-Saint-Dtienne, fils rl'un clbre pasteut d.u tlisert, fut nomm Nlrnes. 2. On prtendait qu'ii avait dit quc lcs ouvriers gagnaicnt trop; qrr'ils pouvaieut vivre avec quinze sous paljour. ri'ctait, selon toute appareucc, l1e pure calomrrie. 3. Le langage de certaines publicatiorrs contre-rvolutiounaires tait de nature fortifici'Lrs soulrolrs. r Qui peut nous dire, crivait le journal I'Am,i dtt 11,,f, si lc despotisme de la bourgeoisic ue snccdera pas la 1trtendue aristocratie rles nohlei? " lleveillon accusa un abb, son enncmi personnel ct altirsh la mais,lrr clu cornbo
trtem. de 1\Iirabeau,

1.

t. Y, p. 27t-:]Og.

?']1.- A ct de 1\IirlLeau,

d'Artois, tJ'lvoit' dirig le mouyelDellt,

l1?8$l

33 nvElLLoN" fle fut sous I'impression de cet incidcnt lrrgubre que s'achera

umgurr

la rdaction des cahiers de Paris. Les oprations taicnt termines peu prs partout dans les provinces. II n'est pas possible de donner ici uue analyse complte des cahiers des llailliages et snpouchausses, ce vaste testarnent de I'ancienne France. Nous ne puisinlrt Un plus saillantes. vons qu'en rsumer les parties les sant s'attache cette delnire manifestation des trois ct'dres entre lesquels avait t partage la socit franaise depuis tunt de
sicles.

Les cahiers du clerg demandent qu' la religion catholique


rornaine seule appartienne le culte public; une partie des cahiers acceptent latolrancc ciuile; les autres t'ciatncnt la rvocation ou Ia rvision de l'dit cle novembre 1787 sur les tnariages protcstants, et I'interdiction des offices et charges aux non-catholiques; I'observation la plus rigoureusc des dimanchcs et ftes. Beaucoup de cahicrs rclarnent le tuaintien de la censure pour les livres; presque tous, le rtablissement des conciles natiouaux et pltlinciaux, afin de relever ta disciplinc ecclsiastique; -_ l'alrolition de la pluralit dcs bnficcs; - I'excution des lois qui prescrivent la rsiclencc aux prlats. Bon nombre de cahiers dclrandelt I'afuoiition du concordat, le rtablisserncnt des librcs lections ecclsiastiqucs et la rintgration des curs dans tous leurs ilroits prirnitifs; que I'autorit (des vqucs) se rettfct'tne Le clcrg rdans les hornes poses par les saitrts canons. clame [e maintien de tous ses droits ]ronorifiqtles ' comme prcrnier orclre cle l'tat; il renonce tt toute encntlttiott Tti:ctu'aire{, llll}is en dernandant rpartir lui-mme sa part, de I'irnpt' - Attgtuctrtation du revenu tlcs cttrs et vicaires , et suppression du castt.'l; conservation dcs ordres uronastiques, sauf les employcr' plus gnralernent l'ducation de la jeunesse, atl servicc des hpitaux, etc.; abaissernent de l'gc des vux rnonastiqrres clis-

huit ans!

Un cahier, ccpendant, prvoyant l'vcntrralitc dc lir suppr.cssion des couvents, demandc qu'au utoitts on asstrl.c ic sor'[ dcs rcligieux.

l. La dcrniere Asscmble du clerg, en juin 1?BB, avait detuand lc rtrairrtrerr ,lepriviltlqcs pcuniairesl mais ces assemblcs rre lepr:sentaient quc le har:t ciei'gri; [e bas rderg nvait la prpondrance son tour aux lltats'

r"t+

LT]LIS IvI.

[78eI

Rclanratiilns contl'e le cytrisltre de la prostitution et du libcrtinage pulllic; contre les peintures, sculptures et gravures lascives
qr.ri corron'tpent Ie cwr ltar lcs 1JrLL; contre les tnaisons de jeu; soit fait un contre I'intmolalit des pices de thtle; - qu'il par-* que I'tducation soit con{ie natioirale; cl'ducation lrlan

tout dcs colltmunauts ecclsiastiques, sculires olt lqigulires; - qu'il soit tabli dans toutes les paroisses tles maitres et rnatlesscs d'cole soumis I'inspection des curs, et mnte clestituables par eux. Le clcrg prscnte l'ducation publique
cornrDe tant dans

un

tat clptorable dcpuis

jsuitcs. Lc cahier de Laon clemande

la destruction r'les la forrnation d'ttn corps

enseignant, sous I'autori des vques. Qu'il ne soit athnis dans lcs universits aucun professeur qui n'ait donn des preuves de mttre pour de son attachement la religiorr catholiquc;
les coles.

biissemcnts particuliers d'ducation soient sotrtnis


ecclsiastique. Des cahiers veulent que le

-Que

non-seulement les collges publics, mais les ta-

I'autorit

roi soit suppli d'tablir une nouvelle

division lectorale du royaurne, cornbine en raison de l'tentlue et de la population, sans distinction de provinccs, de pays d'Etats,
de gnralits. Lcs uns demandent les tats-Gnraux permanents;

priodiques.- Inviolabilit des dputs. Les cahicrs partags sur la grancle question du vote par ordre ou par scnt tte; plusieurs, par une sorte de juste milieu, acceptent le vote par tte pour I'irnpt seulement. En gnral, ils posent la distincles autres,

tion

des trois ordres comme base de la constitution de l'tat avec la monarchie hrditaire. Le cahier de la vicomt de Paris tablit, parmi les lois fondamentales, le culte public exclusif pour la religion catholique et I'inviolabilit des proprits des corps coulme Adrnissibilit de tous les citoyens aux ernplois tles particuliers. ecclsiastiques, civils et nrilitaires, en raison de leur mrite et de Aucune leurs serviccs, et non point en raison de leur naissanCe. Ioi ne doit tre tablie que pal'I'autorit du roi et Ie consentement L'impt ne doit tre consenti qtte libre des tats-Gnraux. doit tre renouvel chaque consentement et le temporairetnent, Le cahier de Lyon demande I'abosession des tats-Gnraux. lition de tout privilge ou exemption de province, de ville ou de

c,\ilItttis DL ci,gti{tii. ,13,5 Lil:crt iridivitluclle, irbolition ou rcluction rlcs lettrcs de caclrct cn des fonncs rgulie\res avec clcs galantit.s ; abolition rle la traite ct de I'esclavas'e clcs noil's, ou, au moirrs,
corpol'atiOn. atlotrcissctnent clu sort des ugres. Les cahicls cle n{clup et J6r'et deurandent la dcstruction d: tout rcste cre serag'e en Flanchecornt et dans tontc la tr'rance. - Rcsponsabilit ilcs rninistlcs.Oue la violntion clu se'clet des lettr"cs soit janrais intcrrlite.

117891

Etats-Pi'ovinciaur pilltont; une corlr souveraine oLr tribunal, d'appcl dans chacFie province. Tr.ibuna'.rx clc paix ou conseils tl'arbitrage.- Inamovibilit clcs magisLriits. Abolition dc la vlalit tk;s charges. bolition cles tril:rrnaur cl'cxcc'pticn; aholitiol o1 rforme des justiccs seigneuriales. - Rfonnes dans la justice civile ct criuriuelle. Plus clc tlistinction ctc rang ct de naissance tllns I'application cles peines'. Aborition cles supplices qui rroltcnt I'huruauitc. (Err gnr'al, lc clcrg clcr'anclc, sur la justicc crirlinelle, les rnrnes rfolures c1u'on[ prches les philosopSgs, crccpt qu'il r.eut le rnaintien cle la peine cle mort pcur le saclilge on crime de k)se-rnajest divine.) Qu'on tahlisse dans les villes, bourgs et villages une mme folmc d'aclrninistration lective porir toutes les rnunicipalits. suppression dcs loteries et des nronts-de-pit. Hospices rlans les carltpagnes. (Jue tous lcs tablissernents cle charit soient sournis clcs aclministrations publiques ou bureaux cle charit. sirnplilcation clans I'assiette et la perception cle I'irnpt. Le - tle clcrg clcrnandc quc sa dc{te, contracte, dit-il, pour le servicc l'tat, soit mise la charge de I'tat 2. Abolition cle la milice et c.l.e la corve. _- suppression d,es capi.taineries (tablies pour la consclvation des chasses du roi, et source de vcxations infinics); suppression, pill' voie cle rachat, des banalits, fi.ancs-fiefs, corves seigncuriales, cens, charnparts et autres droits fodaux. Beaucoup de cahiers dernandent la suppression cle tous privilges industriels et comrnerciaux, des jurandes et rnatrises, etc.
1. Les uobles taie't dcapits, et les roturiers pcndus pour les mmes crimesl le prenrier de ces dcux supplices n'ta't pas corrsitlr cor'r'e i'fa*rarrt. 2. Pr'tc'tion trs - mal fonde : le cler.g ayait mieu.t aim ernprunter que de prendre ses dons gr&twits sur ses I'evenus. Si sa prtention ct t accueillie, il n'ett dorre fait, par le pass, que tle siurples avnces I'tat. Sa rclamatiorr rr,tait spcieuse que pour les empr*rits <,r il avait se.lernent prt sa gararrtie au 'tri.

636
Ucs cahiers rclameut intrt r.

LOU

IS

XV

r.

[t78el

qu'0n maintienrte i'itlterdiction du prt

Le caractre essentiel des cahicrs du clerg est la prpondrnncc dcs curs. Le bas clcrg, tenu dans une tloite sujtion par lcs vques depuis Louis XIV, s'est relev avec nergie dans les assernbles de bailliagcs et a irnpos son esprit aux caltiers. Il a rleux faces, pour ainsi dire, I'tlne tOurne vcrs l drnocratie et le progrs, I'autrc vers le moven ge. Ainsi il veut une rforme drnocratique jusqu' un certain point dans l'glise ct dans I'tat;
l'lection partout, sauf la royaut ; I'abolition des privilges pcuniaircs 2 et de la fodalit; un grand dvelopperncnt de Ia charit publique; la rforme de la jLrsticc; le respect dc la libert individuelle. Sur tous ces points, il est tl'accord avec le mouvcment. Sur la rforme des murs, il s'entendlait encore au moins avcc l'cole de Rousseau. Sur la guestion capitale du vote par tte ou par ordre, c'est--dire sur I'unit ou la triplicit de I'assemltle nationale, il se trouble, il se divise. Sur la proscription de la libert des cultes, sur l'attribution universelle de l'ducation au clerg, sur les restrictions de la presse, sur la conservatiott de ses privilges honoriflqucs, il regarclc vers le pass. 0n pcut dj prvoir que le clclg, non plus le clerg aristocratique c'les ancienncs asscrnbles tricnnales, nais le clerg drnocralique des tats-Gnr'aux, favorisera la prernire phase de la Rvolution et cornbattra Ia scconde. Les cahiers de la noblesse offrent plus de diversits que ceux du clcrg. Quelques-uus dernantlcnt que I'ordre du clerg soit supprinr, et ses rnernbres, rpartis entrc les dettx autres ordrcs. D'autres, au contrairc, vculent qu'on cle un quatrime ordre, en sparant lcs paysalis du peuple des villcs. Quelques cahiers acceptent Ie vote par tte, au moins pour l'irnpt: la grande lrla1. I,c cahier de Colmar et Schlestadt, pour arrter lt" ytullulatton des juifs qui devorcnt I'Alsace, demaudc qu'on ne permette le mariage t1u'au fils ain de chaque thuiille juive ! 3. II a une singulire faon d'interprter scs immunits en rnatire d'impts r Ic clerg, suivaut, ses cahiers, avait seul conserr' le droit de voter librcrnent I'impt, tlroit tlue Ies dcux autres ordres avaicnt laiss priurer. Cette interpr'tation ttestait I'inrmeuse plogrs de I'opiuion. Le elerg dcs teurps passs n'eutendait p uoter Librement I'irupt; il entendait ne ps prl'er d'irupt du tuut.

Ir?891

CA

lltEliS IrE LA. NOBLESSE.

637

jorit est absolunlent contre. - Les dputs seront inviolablcs. La France a unc Constitution, rluoi qu'en disent des novateurs facticux. Il ne s'agit pas de la changcr, mais d'en draciucr les La royaut est le plus grand des privilges; lcs autrcs abus.
privilges dtruits, celui dc la royaut ne poul'rait subsister longtemps. Lcs tats-Gnraux n'ont pas Ie droit tl'abolir lcs lois fbntlamentales, srr?ls le consuentcnt e rprs cle Ia natiottr. - Suivant, par I'ernpire tornbe en dsutude de franais, la tonstitution qu'il rappeler faut ses vrais I'usage du pouvoir arliitraire et principes, deux causes doivent toujours concourir' la fonnation et I'abrogation dc la loi : le conscntetttent de la nation et le dcret du lrriuce . Lct cousc)1sLt/ poprLli fit ct cottstitu'tione regis ( cahiers d'vreur et d'Alcnon ). - Quelqucs cahiers, en minorit, tendent au contraire la ruonarchie pure, en attribuant au roi le pouvoir lgislatif, sans autre r'serve que pour I'impt.
Des cahiers dernandcnt une dclaratiort des droits appartenant tous lcs ltornmcs. - Sur la libert individuelle, lcs leltrc's rle cachet, la violation rlu secret des lettres, la priodicit des litats(lnraux, f invioiabilit du roi, ia resltonsabilit des tttinistrcs, colnme le clerg. Quc les lois constilutives soient rdigcs en une espce de catchisrne, qu'on cnseigncrl dans ics paroissLls. Des cahiers protestent contre l'talrlisseurent d'une chambre hrditaile ou viagr'e (c'cst Ie cri de la petite noblcsse contre la P]trsicurs cahiers demandent granclc) (I[antes et ]Ieulan). I'abolition des lirisons d'l"at; celui dc Paris appclle la dmolition tle la Bastille. Ilantcs et i\leulan ct lc Bcrri deruandent I'al:olition tlc cc qui reste de servitude de glbe, et qu'on prpare la destrucLibelt de la prcssc, enlir'e, sauf tion de I'esclavage des noirs. responsabilit de I'irnpriureur et de I'auteur, suivant la plupart

des cahiers; quclques-uns rservent la censttre ecclsiastique pour les livres qui traitent du dogrne, ou le droit dcs juges de ;rolice d'empcher la distribution des ouvrag'es dangeroux.
I.euvent, da lewr seule outoril, r'emplacer la monarchie par I'aristocratie ou la dmocratie, Ils seraient tles tyrans, s'ils osaient jamais porter la main Ia libert iudividuelleetlaproprit. " 1I,d.) Ainsi Ia noblesse reconnat la pleirre souveraine <}e la nation quant, aux formes poiitiques, non quant aux droits qui tiertrrent la 1,erstunalit hunraitte. II s'agit seuletlent de bien dfinir laltropritll,

l. Calrier du Bugey, ap.

Ilsum gnrat d'es cah'iers,

t. II, p. ?9. " Les Etats

ne

638

C,

tS ,\ t'{.
it,

[,r

se]

La nobles se clnsent I' abandon cle ses priu i!,)gr,s pctuttait,es,


Iit, de I'i,ntpt; mais elle

dc I'accus par ses pairs , Ie jwrry. Quelqucs cahiers, ,o,onr. ceux du clclg, veulent I'abolition cle Ia distinction dans lcs supplices. sur les loteries, les hpitaux, etc., comme le clerg.

riales, etc., et enjoint ses dputs cle refuser tolte rnoclificatio. ou remboursenrent par voie lgislative'. Elle q'alifie galeme't de proprit les coutumcs, co'tlats et capitulatins cles provinces. EIle dernande des tars-provincitrux, mais sur un autre plan que le clerg, et en cherchant rduire I'influence des curs comre trop drnocratique. - Que les provinces s'achrinistrent elles_ rnmes. Beaucoup de cahiers, comrne ceux du clcrg, dernan_ dent qu'il y ait autant de cours souveraines que de plovinces; certai's veule*t clue les offices dc juclicature soient cro'ns par re roi au collcollrs ou sur prsentation du peuple. _ suppression dcs interrdances et des tribunaux cr."exception. Justices de paix. _ &Iunicipalits tectives partout. Le cahier de Dourdan der'ande des municipalits, non proissiales, mais cantonales.sul lir rforme judiciaire, peu prs comrne re clerg. nIais, de plus, beaucoup de cahie's demandent le rtablissemenl ou jugeneni

qualifie de propr.it sacre et inviolable les droits, tant utiles qu'honorifTques, qu'ellc tient cte ses a.c_ tres , les droits forlaux, clistinctions el honneurs, jusfices seigneu_

l,i:g,t-

Lcs cahiers de Ia noblesse denrandent aussi un plan cl'ducatio' nationale. Beaucoup consentent que I'enseig'ement soit donn au clerg. Le cahier de Bayonne veut q',o' titabiisse des coles d'adrninistration ct de droit des gens llour for.rer des administrateurs et des menbres du corps rliplomatiquc. lcs - Que dettes du clerg et des clivers corps r.estent leur charge. pltis
d'ernprunts viagers.

papier-monnaie; d'autr.,;s en acceptent l,ventualit. _ Qu,on tablisse un impt sur le reyenu mobilier et industriel. _ La noblesse demande des m*sules qui favorisent les lcngs banx. Dr.s cahiers veulcnt qu'on rnette des obstacles la for.mation clcs g'randes fermes, corlme nuisibles I'ag'riculture et la population. avec cles - La majorit veut le maintien de la rnilice,

Ijr:s cahiers protestent d'avance contre tout

'rais

1. Des cahiers acceptent cepeudarrt le

'lelrr*,

tLe- 1lt'agcs

et baualitts.

tt?rrel

CAHIERS DE LA

I{OtsLESSE.

63',J

seigneurs daus rformes. - Droit de chassc exclusif rserv aux leurs ficfs. La plupart dernandent la libert du cotumerce et de I'industric. 0ue le prt intrt soit permis dlinitivement. - Rdur:tiou tlu nombre des ftes. Qu'on ne paie plus Rome d'annates tti Abolition du concordat, r4tablissement des lecde dispenses. [ioirs et autres rforrnes ecclsiastiques, colnme aux cahiers du cierg. Beaucoup cle cahiers dernandent le rachat des dmes, avcc rcrnploi pour le service du culte, I'entretien des dilices rciigieux et le soulagement des pauvres; d'autres veulent leur xtinction au profit des propritaires des terres. - IJne partie des cahicrs dernandent qu'on utilise lcs moines; les autres, qu'on les surtprinc. Que les non-catholiques soient rtablis dans tous les pour la noblesse droits de citoyens. - Les cahiers demandent ullc malque de distinction exclusive et honorifique, et lc droit exclusif de porter I'pe. Qtre la noblesse ltuisse thire le conrluerce ou prendre des terres fernte sans droger. - Plusieurs cahiers rclament des mesures qui empchent I'arme dc dcvenir contre les lois I'instrument du pouvoir excutif ou nrinistricl. D'autles veulent Ie rtablissement des corps supprims de la ruaison du roi. oflicier ne puisse tre dcstitu sans un - Qu'aucun jugeuient lgal. La plupart des cahiers approuvent les rlcsul'es qui interdisent les grades militaires aux non-noblcs et rclarnent contre la prlrence accorde la noblesse de cour sur celle de province pour les grades suprieurs. Les ressemblances ct les diflrenccs avec les cahiers du clerg sont galement remarquables. Des dcux ordres privilgis, chacun sacrifie volontiers ics privilges de I'autre : le clerg condarnrre les tlroits fodaux et les privilges de naissance; la noblesse attaque la dme et les couvcnts : la couclusion est facile tirer. Courure le clerg, la noblesse en est yenue consentir I'galit de I'impt. Ces exernptions pcuniaires, dont les ministres rformateurs eux-mmes n'osaient solliciter qu' demi le sacrifice, dont les priviigis, la veille encore , reprochaient aux Notables de n'avoir pas dfendu le principe, lcs privilgis, asscrrllrls d'un bout l'autre de la n'rance, et ronsults cn masse, les abandonnent en principe et en f'ait. C'est une des plus bcllc-s

610

LOLiIS

.X,Vt.

[1

78e]

lc senliurcnt du Suste ait renrpoltes sur la ter.r'c_ Jlalheureusenrent it tait trop tard pour que le peuple qrii I'ou olliait ce sacrifice y vit sculement le sentirnent du juste. 0rr lui concdait ce qu'il se sentait en tat d'exiger, et il y vit sur.tout un hornmage sa force. Il ne restait que trop de causes dc lutte.
victoires que

La noblesse dfendait le reste de ses pr'rogatir-es avec d'autant plus d'opinitret. Elle refusait la runion des trois ordres en une
seule assernble nationalc; elle refusait le rachat de la plupart des clroits f,odaux; ellc avait le scntiment de la lilrert indivirluelle, et c'est l son meilleur titre; rnais elle ne voulait la libert poul les aulres que darrs ce c.1ui ne fi'oissait pas ses intrts ou son orgueil; clle voulait l'galit aussi, mais dans I'intrieur cle son

{rrdre, et I'ind'galit au dchors. illte justitait trop la parole de Sieys : c'tait une petite nation darrs la grande, et cette pctite nalion voulait suJrsister part et viyre de sa prople vie. C'cst ce que le Tiers-Iltat, Ia grande nation, ne pouvait plus soufli'ir. L'galit!... rclane-t-il par les rnille vr-rix tlc ses (raIriels, dans la langue du contrat social. - Tous les homrncs taient gliur avlnt lerr association civile : ils doivcnt encore tre gaux devant les lois constitutives des corps politiques. - Le corps ou l'irrclividu qui refuse de participer aux charges publiques, ou lle reut les supporter que dans une moindre proportion el, dans unc fonne diffrentc de celle que I'on suit pour les autres citovens, ronrpt I'association civile en ce qui le concerne. (Cahier du liivernais. ) - Nous prescrivons nos reprrsentants, dit le cahier de Paris, de se refirser invincibleutent tout ce qui pourrait offenser la dignit tlcrs citoyens libres, qui viennent exercer les droits solll'erains de la nation. - Il leur est enjoint expressment de ne consentir aucun subside, que la dclaration des droits de la nalion ne soit passe en loi. - Tout pouvoir mane de la nation. - La volont gnrale fait la loi: la fbrce publique en assure I'excution. Toute proprit est inviolable. Nul citoyen ne peut tre

arrt ni puni {1ue par jugerneut lgal. rnrne - Nul citoyen, militaire, ne peut tre destitu sans jugementr. Tout citoyen a le droit d'tre admis tous les ernplois, professions et dignits2.
1. Adrnis par le clergi.. 2. La noblesse ayait fai la
urme rclarrial,iou.

l,r 76s l

CA

IItU Ii S DU TI INS. [T AT.


sans auculle

6tll

rncnts et non par corporations r.

ilrterveni. da's lcs asscmblcs lcctorales. l.olau're scl,a divis par districts lectoraux. Les lcctions-Le se feront, clans les calnlagnes, paI conullunruts.; dans les viltes, pr. al'r.ondisse-

de la serlitucle rellc, en jndernnisant Ies propr.i(rtirires; de la force; de la la foi publiq*e tlans lcs lettres 'rilice conties la poste; 'iolatio'de de tous les privilges exclusifs, si ce u,est tc'rporaircrnent pour Ies irrycnteufs. - Libert cle Ia pl.esse, a\rcc t'e'slronsaltiiit de I'autenr et tle I'iutln.iureur. Lc potivoir excutif, discnt unc fbule de cahiels, 1c cloit jalrlis

Allolition de la scrt'itircle personllellc,

inclclrnit;

bien plus loin que cclui tlc par.is. Il lrr sttppt'ession cles orih'es. < Les Ittats-Gnra*x ser.orrt cotltposs des dputs de tonte Ia natiou, colrpltcmcut ct unjforrttluettt rcprsenlc dans tout le royaume, sans clistilctiol cl,or.tlres, et sans que le nonible clcs cipuls ecclsiastiqucs ou 1orr1_.s

Le cahicr dc Rc''es 'a tl.'tttnilc

Tous les cahiers e-rigcnt lc lote par tte, ( pour corrigcr lcs jur:ottr'nicrtls de la clistirrciion dcs olch.cs, > clit le cahier. clc pa'is.

Iitat a tc qualifi cl'ortrre..avec ou sans lcslrrivilg.ior, il s,:rppelle Pctqtlc on Naliott - Les agents du Iisc, lcs cld,positaircs Je q*elq'e partie dc l'autorit r'oale, lcs age'.ts tles seigncu's, ue tloivcnt tle ni lecteurs ni ligiblcs. (cahier clc Ren'es.)_ Les runs deuranilent le vorc dcux ou trois clegri's; les autres, lc r-ote direct. -Les dputs des litats-G.raus rle cloivent lias tre t:onsidrs conlrne porteurs dc qlouvoirs particulicrs, liais colrlre de la natio', Lcs Dtats-Gc1nraux se r,uniront, 'cpr'sent,nls - de tlroit ct sans convocation, des d,|oques cller.nrincs (des crlriers lcs de'ra,tlent pe'nanents; Ia piupart lcs au 'e'lcui nroins triennaur). PIus clc clistinctions hunriliantcs pour. le - plus Tiers; plus de rotu,r'e, dc dolanccs. le cas otr les -Da's tlputs du cle'g et de la nobressc refuseraient d'olrincr en colllct par tc\te... les dputs du Tie's-Iitat, r'e1irsc,ntant viugt_ 'run clnatrc nrillior's d'homnrcs, ytotr,ttanr, et cltuant toujotn.s se clire l,,As_ l, Le crhier de lle',es qu'o' arrarette les procurateu's cles vcuves dont les nraris auraient eu droit de 'e.t vote.
XTI,

cscder la propoltion clLr norubre iles r.otants dc chacune de ccs dcux classcs. c'cst par erreur quc ce rlu'on appclle Tit's*

puissc

.il

6Ln)

LOUIS IVI.

[17Se]

malgr la scission dcs reprsentants dc rltr.atre cent rnille individus..., se dclareront prts conconrir, avec Sa Nlajest, I'cxcution de totrs les objcts qui dcvaient r)tre sournis I'exatttcn dcs trois ordres runis, offrant d'admcttrc lettlS rllibratious les dputs du clerg et cle la noblcsse clui vou-

semble ,nationalo,

draient

concourir. (Cahicrs cle Dijon, Dttx, Saint-Sevcr ct

Dayonne.)

Inviolabilit des clputs. - Lcs pt'ovinces et les assembles d'lccteurs ne polrrront prescrire aucune conclition limitativc atlx clputs qu'ellcs enverront I'asscmlrle souveraine de la nation
(Paris, e$tr&-n1Llros.)- La principale Soul'ce des errettrs et tles abus clc I'aclministration cst dans lc tlfaut d'trne loilfotltlamentale qtri ait fx, tl'une manir'e prcise et authentiqtte, les efTi.ts de la Constitution natiolrale et les limites des pouvoirs. Il firut que les Etats posent les bases de cctte Constitution, etc. - Les cahiers reconttaissent le fait de la royaut hrditaire, tle utle en mle, etc., et I'inviolabitit royale. -L, plupart posent en prittcipe que le pouvoir Igislatif appartient la ntttionr, le polvoir exctrtif au roi, et, ccpenclant, accorclent au roi le droit de sancti6nner les lois et le partage cltt droit cf initiative avec les litlrtspoint par I'tablissement d'une chatrtllre Gnraux. - Ce n'est haute, mais par une triple dlihration dans I'asscrnble, cltt'on
prviencra les inconvnients d'une clcision prcipite. - La Constitution qui sera faitc dans les litats-Gnraux actuels tre pourra tre change clue par les reprsentants tle la nation llol]1ms ucl, /r,oo par I'universalit des citoyens. Pour la convocation de cette assernble nationale extraordinairc, il faudra le vu llien
connu des deux tiers des aclministrations provinciales. Aholition des lettres de cachet et des prisgns d'tat. - Que, sttr le sol rle la Bastillc drnolie, on tablisse une place publiquc, et, au milieu, une cOlonne aYec cette inscription: A I'ottis XVI, res'

Ia ti,bertt Ttubtiprn. (tahiers de Paris et de fl{ontibrtRforlne du cocle noir : prparer I'abolition de I'esl'urauri.) -Les lbnctions de la puissance publiquc ne peuvettt clavage. - proprit. Les clroits qui violent le droit naturel n'ottt ttne devenir
tau,rateur
cte

l.

A la nation, conjointement avec le roi, dit le cahier

de

Paris'

[1789]

Cll

tEliS DU TIEIiS-'1':\T"

43

Lcs ministles sont responsablcs ianrais pu tre une proprit. -tentera envers la nation. cl'ernpcher la runion des - Ouiconque Etats - Gnraux ou de rtablir le pouvoir arbitraire scra puni colnlne tratre la patrie. Oue tous les contribuables soient cots, sans distinction, sur les rnmes rles d'impts. - Sur les administrations provinciales ct municipales, peu prs comrne les autres ordres. Lcs communauts doivent lendre comlrte aux districts; les dislricts , aux assentbles provinciales; celles-ci, une cornmission cles tatsnraux. - sur les tlihunaux, couls d'appel, justices de pair, peu prs cornrne les autres ordres; dcs cahiers dernandent l'lection dcs juges par tous les gens cle robe. (cahier rle saintQuentin.) - La plupart veulent llabolition des justices seigneut'iales; d'autres, seulcment leur rf'orme, - Oue la connaissiurce des dlits commis par les gens de guerre soit attribue aur juges orclinaires, sauf les dlits purcment rnilitaires. La plupart - uniquc tlcs cahiers rclament la confection cl'un cocle civil porlr toutc la France. <r un asscmblage infbrme de lois romaines et rle couturnes barbares, de rglemcnts et d'ordonnilnces sans l'apport avec nos murs comme sans unit de principes... ne peut fonncr une lgislation digne d'une grancle nation. > (Cahicr

tle Paris.')

Abolition ou restriction des retraits fodaux et lignagcrs; abodes substitutions.- Abolition de I'inique loi (loi enrytorern) qui autorise I'acquretrr d'une proprit rsilier le bail fait par le prcdcnt propritaire. Abolition du droit d'anesse r.

lition

Abolition de la confiscation et de toute tache sur la farnillc innocente du coupable. - Oue la peine de mort pour vol suit alrolie. Oue la peine de mort ne soit dorenavant prononcc quc pour les cas d'incendie, poison,
de
d'assassinat et de viol.
1. Le cahier de Nivernais demande I'abolition d'un article cle la coutume cle ce pays qui exclut les surs et leurs enfants au profit des frres et rle leurs cnfants dans les successions collatrales. Ll'tait uu reste tles antiques lois barbares.

Qu'on spare les prisonniers pour dettcs des prisonniers poLlr prt intrt lgal soit lierrnis tous. dlit. - Que le - Qu'orr avise l'tablisgernent du jug'ement par jwrs. Nouveau cotle climinel (avec toutes les rirforrnes denrandes par les }hilosophcs).

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allsous. (Cahier cle l{ivernaist.) - Aboii- Indenlnit I'accus tion du liarare etlit de l{enri II, qui col}dalllne mort les filles enccintes dont le fruit mcul't sans qu'elles aient dclar lcur
grossesse.

Permissiolt tous cultivateurs d'avoir des fusils. - Sur Ia lott'rie, sur la prostitution, ctc., peu pl's coliltne Ie clerg- - Pluieurs cahiers rnanifestent un esprit rglcnlentaire oppos l'conotnie polilique, Stlr la taralion clu pain ct cie la viatltlc, ct tutlle sur cclle tlcs salaircs. Sur I'assistaucc publique, I'esprit dc Turgot Qu'on assurc tlu trarail i'r tous reprat : il est ttttne dpass. lcs ltauvres valides, des lnoycns dc soulagenrenl aux iufirmcs, et des errr;,ri'r utts {aciles aux lahourctlrs ct artisans qui manquent d'ustensiles pour travaillcr. - Que cliaque co[ttltttttilrrl soit tcttuc r-le nourrir Ses panvres invalides; qllo, dans cltittltte tlistrict, il srlit rltabli un atclicr tle charit. - Qttc, poul. la sullllrcssioll clc la menclicit, unc partic tlcs biens cccisiastiques soil r'ap1lelc sa destination priurilii:c. Qu'ou pottrvoie l'tlucation ilrofessiottnelle des etriiitlts tt'our's. Bcaucottlt cle cahiers deutattclctrt r1u'il u'y ait qtte cleux irnltts : lc retr, sul- les tbnds; le personrrel, sur les rn'etrtts nioJtiliers. I)'autres, qu'ftu lnoins on reurplacc lir galtcile ct les airlcs llitr tlcrtr taxcs sinip.lcs, uniftrrutcs, gaiement rtiil;rrties. Qut:iqucs-titls scraient r1ulc ltoru'l'uuit d'irnpt sut'les I'oucls, cottlttlc les phvsiocyates. -.- Que, si l'on conscrve clcs inrpts sttr lcs cousotltillittions, I'on ue frappe pas ies cleurrics dc il'enrir'c ucessit. -Suppressiort dc tous les droits qui gnent lc conturcl'te. Corntnc les autres orrlres, le Tiels denrande un plan d'ducation natirtpale : il y revendiquc utte place Ilolrr lcs ercrciccs qui dotttlcltt au corps une constitulion rohuste. -- ]lcolts gratuilcs dans chaque paroisse, oir les cttfants allprenncnt la Lt'clul'c, l'Critul'e, Ct, dAr]S lcs villcs, les lments des arts utiles ; qu'oll crlve, pour lcs colcs, des livres classiqutts enseigirlant lcs plincipcs llnenlaircs dc la I-rcs coles rclvelout des ururalc et dcs clroits constitutionuels.

l. Ce cahier est un des plus rernarcluables. Nous le citons ici cnuse de la hatrte moralit rle son opiiiion, qui I'er-rt la fois I'abolitiou ,-1e h peine de trrott pout les sir.lplcs atteltuts il la proptit, et son maiutien pour lcs attcrrtats la petsontret couseLvrtnt rur la mtlte ligne I'a-*sassiriat ct lc viol'

Ir7SgJ

(.r\IIIEIiS DU TIBRS-E T,\T.

645

Ou'on tablisse dans chaclue univelsit une chaire cle rnorale et cle droit public. soit tabli des collges dans toutes les - Ou'il villes importantes. Il convient cle rlodifier, clans le rgime de nos collges, ce principe qui, en assujettissant au culte catholique
tous lcs jeunes gcns qui les frrluentent, en loigne ncessaircrnent ceux qui professent nn culte tranger. (tahier de La
Rochelle.
)

asselnblcs rnunicipales c't proyiDciales. lts chaircs au - Toutes soit concours, dans lcs universits ct collges. tabli une - Ou'il cole de droit public, national et tranger (pour la diplornatie. )

caisse de secours pour les besoins de I'agricultnle.

couragemcnt aux agliculteurs.

rlc la comrnunAutui t. iutrieure du cornrnerce tles - Libert grains; erportation intcrclite qtiand ies pr.ovinccs le clemancleront. _- Ncessit cle reJroiser la France. Oue la lodalit soit abolie. (suit la longue liste des r.cntes Iliodales, chrnrparls, clroits de rachat ct de retrait, banaiilels, corvcs tlivcrses, pr-1lgt's, ctc., ctc., y conrpris ces yicux droits
anssi outrageun qu,'e ah'ctc-agants, tels quc le jantugr, rernplac par nrrc tasc, ct lc silctrce tlcs grmottilIcs s .) 0ire Ie flanc-alleu soit

lirnites la trop grande tendLrc cles ferrnes, conlrue prijuiliciablc la population et aussi I'abonclancc clcs bestiaux et des engraisr. Qu'on rcstitue aux cornnrunauts rtrrales leurs cornrnun&rlx usurps. Les litats-Gnraur anront examincr s'il est plus titile de consen'er lcs colnrnunilux ou dc les partager cntre les rnembres

marins appartiennent tous. droit de fouillcr les rnines et carrires dans leurs tt-'r'res. - supprcssion des haras et distribntion d'talons da.ns les campaEnes. - De rnme clue la noblesse, le Ticrs demande qu'on pose des

Oue les plantes rnarines et sels Oue lcs propritaires aient le

-prix

tl'en-

,netnLtTes

blisscrrt r1u'il ne s'agit pas selrlenrer,t ici d.'erlyrtlcher lcs bnficiers dc louer leurs t,erres etl mitsse ir des spculatcurs qui les sous-loucrrt, rris anssi ti,interdire des ruirils el'fectives cle cultures. 2' (-)rr n'a pa asscz ltfltle lii (rne ce partage entre lcs ntsrrri,res l)risents dpoqille les

l. Cette opirrio hostile i\ la granclc culture est rcnrartprblc. I-cs rltails irta-

ti uettir"

cle tlomliirre congable, de urote et clc quevaize, restes otlieux de h t;'r'annie fo4ale. Ll'est le vu le plus liarqu des colorrs. ,, L'origine foclale tlu r/ornruinc cottguble,

3. Le cahier. dc Rennes rlcruantle I'abolition , des usements barL,arcs sous lesriucls cinrl cerit rnille individus gniissent encore en liasse-Br.etagnc tels que ceux ,

646

LOUIS XVI.

u?891

trniversel. - Que le droit naturel de dtniire les anirnaus nuisibles soit rendu chaque cultivateut' sur son terrain. - Que I'on supprime lcs capitaineries. QLre la chasse soit perrnise tout propritaire tle cinquante arpents et tout fcirnier de dcux cents
arpents. (Cahicr d'tarnpes.) Que les dlits de chasse ne puissent tre punis quc par des amendes rnodres. Que les propritaires de la chasse ne puissent en jouir que depuis Ie 15 septernbre jusqu'au 1*' rnai pour les terres labourables, et depuis lc l" novenrlire pour les vignohles. Pleine libert du comnlerce et de I'industrie I'intrieur; restrictions protectrices pour Ie dehors. La plupart des cahiers dernandent I'abolition des jurandes et rnatrises, en conservant un

rglement pour I'apprentissase. fornr une caisse - Qu'il soit y nationale de secours pour le commerce. Qu'il ait, dans chaque pour le faciliter cornmerce et dtruire ville considrablc, une caisse Erclusion des caboteurs l'usure. IJnit des poids et mesurcs.
trangers, et autres lnesures protectrices du comrnerce marilime. Etabtissement d'un code de comrnerce. Pour ce qui regarde les non-catltoliques, tous les cahiers sont

d'accord sur Ia pleine libert de conscience et pour qu'il n'y ait point d'exception au principe d'admissiltilit de tous les citoyens tous les emplois civils et rnilitaires; mais on remarque encore de fortes tlaces de ce pnjug d'unit extricure qui a survcn, dans beaucoup d'esprits, au fonds ntrne des croyantes; ainsi le cahier de Rcnnes, si rvolutionnaire, veut que la religion catholique ait seule le culte public; le cahier tnme de Paris adrnet que l'ordre public ne souffre qu'une religiorr dorninante. Ntnes, Nivernais et autres demandent qu'on perrnette la libre profession de toute religion fonde sur la saine morale; le rtalllissement, au rnoins, de l'tat de choses antrieur la rvocation de l'dit de Libert des rnariages entre personnes dc religions difNantes.
frentes.

Liturgie uniforrne dans l'glise dorninante r.

- il

cet antique usement du pays de langue celtique, est conteste. Nous rte pouvoll.q entrer. dans le dbrr,t ; nous constatons seuletlent I'hostilit populaire de 89. Le cahier rle Yannes est d'accorcl avec celui de Rennes, et explique en dtail les abus de cet asenr'enl. l. Une partie des cahiers du clelg avaient iuis le utne vu I mais on etiten'

()87 CIIIBIiS DU TIERS-I1]'AT. serail dsircr que les offices et prircs publiques sc lTssent en Iangue franaisc. (Paris, erh'a-nw,r0s.) - Rtluction dutrop grand notttllre cles {tes. }Iaintien et conscration constitutionnelle des liberts gallicancs, conformment la dclaration de 1B?. Abolition du concordat; de tout envoi d'argent Rorne. Ceci est

lr

891

le cri gnral; la plupart veulcnt que les vques et les curs redevicnnent lec,tifs; quelques-utls laisseraicnt le choix des vques au roi. - Rtablisscrncnt dcs conciles nationaux ct provinciaur. Aliolition du lbrmulaire d'Alexandre VII {. Plus de dispenses perrnis sans clispenses. -- Que les revenus ecclsiastiques soient rarnens leur destination primitive, qui est I'entretien des rninistres dc la religion, la subsistance des pauvrcs et I'entretien des lieux destins au service divin. Amlioration du sort des curs et vicaires, et suppression du casuel et des qutes. Une partie des cahiers demandent la suppression de tous lcs couvents; d'autres, au moins la supprcssion des ordres mendiants; d'autres, seulcmcnt qu'on avise rendre les ordres religieux plus utiles,

demandes Rome.Quc les mariages entre cousinsgermains

soient

diminuer le nombre dc lcurs maisons, reculer jusqu' vingtcinq ou trente ans l'nrission des vux; que les religieux ne
pcrdent pas leurs droits civils, mais qu'ils ne puissent disposer de leurs liiens en favcur des rnonastres" - Lcs reyenus des abbayes en commende et des monastres supprims, et une partie des rcvcnus dcs plus richcs vchs, seront appliqus aux collges, aux hpitaux, etc., ct payer les dettes du clerg et subsidiairernent acquittcr la dctte publique. vende une partic des - Qu'on biens du clerg porlr payer sa dette. Des cahiers appellent la suppression dcs dimcs; les autrcs, urre rduction trs-consiclrable avec un rglernent pour I'aplilication; plusieurs, la. transforrnation en une taxe foncire pour I'entreticn des desservants, des dificcs, et le soulagernent des pauvres. La noblesse hrditaire ne pouvant tre qu'un respcct, une pr'frence d'opinion pour les descendants des hornmes minents, on
dait par l une liturgie gallicane, et non l'adoption de la liturgie romaine, comme aujourd'hui. 1. Qui oblige les ecclsiastiques jurer qu'ils croient evpoint de fait dcid par le pape contre Jansnius.

648

LOUIS

X\"L

tt?sel

n'en pcut faire I'objet d'unc loi qui rencie cctte prfell'ence indpcndante de I'opinion publique et du rnritc cle ceux qui en sont I'objet. La nohlesse hrditaire ne doit donc confelrel aucune prtirogative lgale, aucune exemption cles charges publiclues, aucun droit spcial la reprsentation nationale ni aucune place. (tahier cle Rennes.) Plus de noblesse acquisc prir d'arg'ent. Qu'il soit tabli par tes litats-Gnraux une rcornpense honorable ct c;ivique, purement pcrsonnelle et non hrclitaire, larpelle, sur leur prsentation, sera dfr'e par le roi aux citoyens dc toute classc qui I'anront mrite par l'mincnce de leurs vertns patriotiques et de leurs scrvices. (Cahiers de Paris, de Toul.)
Les tronpes, appartenant
renclre coupables

la rral.ion, ne pourront, sans sc clu crirne dc rbellirtn et de lse-nation, favo-

risel ia violation tle la Constitution ou des lois nationalcs, gner la libert tles assenrbles d'litats-Gnruux ou Provinciirux, en emp'cirer la fonnation olr runion, ou en effectLrer la rlispersion. Aucun officier ou soldat ne pourra agir hostilernent dans sa

patrie que

dans lcs cas prvus par unc loi positive, et ce, peine de urort, comme traitre la patrie r. nul militaire ne puisse -.Que tre priv de son tat que pilr un jugemcnt. I'anne ne sr_rit - Que plus cornpose que de troupes nationales. - Que tout engagcme nt soit volontaire (en tentps de pai-x). Quc lcs troupcs, eti teurlrs dc paix, soient crnploycs aux travanx puhlics. La clernire page dti ck-rnicr r,olurne tltr Rstun gnl'al tlcs cahiers laisse unc irnpression dont ricn nc sanrait surpasscl. le tlagique. 0'es[ un cstrait clu cahicl cle Rouen, rlernanrlant rgue la

nation lvc Paris, au milieu cl'unc grlace qn'on nornmcru la Place tles Etuts-Gn,iratm, un ulonuurent ddi Louis I\r{, en tnutoirc tiu nctttveau pactc cf itlliancc cntle le roi ct sou lreuplc !
Atr lieu de la Place cles Etnts-G,nratrn, on eut la Pl,ate dc la RitnIuttotr,; au ntilieu de cettc placc, on sait quel lnonumcrit trt rig au clernicr roi de I'ancienne Francc !... Il serait inrpossible de corupl'en(lre unc si effroyable vicissi{urlc en nroins rle rlualre anncs, si I'on ne voyait que lcs lctcs irLrblics et les p;rloles officielles tle Eg; si I'r_ru crovait, que tont frit tlnns l. Athnis par
les cilhiers dc la rroblesse,

tt 7 8el

C;\tllEIiS DI. TtBl\S-Ulf -{l'.

{9

les cabicrs tllinitifs cles bailtiagcs, tlftns ce rsullat ntesur, tentpr, de tout le tnouvemellt d'icles produit. eu Scin des asst-ttlbld'es tle tous degr's. Les cahiers du Tiers-Etat sont la dcrnirr-'

tentative de conciliation cntre la nation et t'ancien gouYernctttettt,

le dclnir:r effort pottr lransfortner pacifiqtlenlcnt la royaut tlatlilionnclle ct I'associcr un nouvcl orclre de choscs. La rnotlration tlu Tiers nlteste qu'il sent I'itntnense gravit cle la situation. D'Accord aver les autres orrlres sur la destruction de I'arbitrailc atlnrinistratif, sut' lir libelt inclivirluclle, sur la libert clu travail' srlr Cc qu'oll notrtmerait aujourcl'hui la dcentralisation, snr llr r'forrue judicitirc et sur heaucoup d'autt'es ]lesoins sociartx; d'accord avcc le clerg contre les privilgcs de la no]ilessc, avcc la noltlesse cotttre les plivilges clu clerg; proclalllAttt, cotnttre les autres ordlcs, lc principe de Ia proprit, rttais y attachrnt trn tcrut aulre sclts, le scns des philosollhcs, et s1tcialr:ntcut cles conornistcs, ct ne t'cconllaissanf clue la proprit indiviclueller ct la lrropr:it1t ltublicJttc; r"oularlt enlin, de plus qne les autt'cs ol'dl'L's, et vorrlant ultsolunrcnl I'unit cle l'ssctnble natiottale, Ic Ticrs cr'pcntlant, la majorit clu lnoins, ne tlctnanclu' lras tuule l'allolilion t'orntclle cle I'ancicituc Cortstittr,ti,ott socialc', dc la tlisliuctiorr dcs trois orclles; la ntajorit sernl-rle consentir eltcorc inrplicitciltent ce qu'uu tlemi-million de citoyens, ot'gartiss ii part clc la
conscrycnt dans I'Asscrnllle natiOnale autant clc reprserltants rlue 25 rnillions cle citoyens ! '\ plus fotte raison ne met-cllc llrs la royautti cn qttestion, tctttt cn proclanrattt la natiou soLlverainc. En tloit-on concltlre qu'il n'y ctit rien, par I'opinion, au clel {cs vrcux forniuls officiellernent dans lcs asseinl-rles? qtt'otr ffit, arr fonrl, attssi royaliste, anssi gnllictut, que le langage des caliiers I'irrdirluc? Ct'tte conclusion nc sct'itit pas foncle, et pout'tirtlt I'tltt ftnit sincrc. 0u cherchait relier i'avenir au pass, pour i'glisc colnlue pour l'tat, sans bien intcrroger les linritcs clLr ltossible,
lnASSe,

slns Lrien sc dernancler si la vieilte rovaut, attr colllplcres et cr-rit1. I)ans laquelle ne sauraieut tre corrrpris de prteutlrrs clroits cst'eiitiolutels, ri:Ltrflil'es au tlroit naturel et iru vrai tlroit civil. 2. (,'ottsl.i.iution sociole.' nous erlployons ce tctrne tlessr'in1 la It'r'ance ltvrtit ut.e constitution sociale,puisqne la socidtti y tait organise suf un ccrtaitt plan: cllc n'uvlit pas ou lr'aait plns rle t'trii>t-jtrrtir"r'. lroiitique, l.ruisque cette olgatri.iLtiott rr'alrorrtis:ait lrrs urr jcu r'gulie r rl'irrstitutiorrs rlfirrits.

6;i0

LOUTS XVI.

Ir ?891

la nlouarchirr de droit divin selon LouisxIY et Bossuet, tait propre devenir. la tte et le bras d'un gouvernement d'lcction et de libert; et si la gnration leve par Yoltaire et Rousseau tait dans les conditions morales qui convenaient pour restaurer I'Eglise lective du christianisme antique. C'cst que les socits ne sc jettent jamais volontairernent dans I'inconnu : cnest Dieu qui les y jette rnalgr elles ! et quel inconnu I 0uelle socit, depuis que le monde existe, avait jarnais yu se poser devant elle un si gigantesque problme
?

fttscs traditions, concentres et unifies enfin dans

I'inviter d'tre I'arbitre de leurs dbats, et qu'il aurait la gloire de conclure par quelque moyen ferme. II ne voyait pas quc sa frle individualit allait disparatre sous les premiers pas du colossc de la Rvolution.

cette dcrnire tentative de conciliation faite par re Ticrs, un dput d'Auvergne, Ivlalouct, pressa le ministre Necker d'y r1iondre en faisant saisir I'initiative par le roi, en lui faisant tranchcr la question du vote par tte, de I'unit de I'Assernble, et prscnter aux Etats-Gnraux les bases d'une Constitution confonne aur vux de la rnajorit dcs cahicrs du Tiers. I\falouet voulait que L,ouis XVI, n'ayant pas su tre I'auteur de la Rforme, se ft lc chef de la Rvolution ; mais, cette Rvolution, I\falouet tait toin cl'cn sonder toute la profondeur. Quoi qu'il en snit, cerit t, clu ntoins, entrer la tte haute dans I'inccnnu. La proposition n'arriva mne pas jusqu' Louis xvl, qui I'et infailliblernent rejetc. Necker se retrancha derrire la tibertt d,es Etarc-G,n,rawr; eur seuls de dcider sur eux-rnmes. Sous un scrupule respectable se drobait une illusion d'arnour-propre : Necker se figurait que le Tiers et les privilgis, aprs les premires luttes , viendraient

ne restait plus aux reprsentants du Tiers qu' agir dans la la nation, qu' marcher devant eux travers tous obstacles et toute rsistance, &vec leurs mandats ou sans leurs mandats, non pas seulement si les rnandats taient muets, mais s'ils taient insuffisants, contradictoires ou inapplicables. La thorie des rnandats impratifs, voque parfois rtrospectivernent par les charnpions de I'ancien rgime, est celle des rpubliques fdratives, o dc's corps politiques indpendants s'asso-

Il

plnilude clu droit de

[1?89i

OUVEIiTURB DES

IiTATS.

65I

cient dans des lirnites et pour dcs rsultats dtennins. 0lle ne saurait tre celle d'un tat unitaire : une grande llation ne pouvant s'assembler tout entirc dans un Champ de i\lars pour dictel
ses intentions ses reprsentants, les diverses sections de cette rnme nation, dlibrant isolrnent, sont trs-loin de donner l'quivalent du sentiment qu'aurait la nation runie, et les reprsentants de ces diverses sections, lorsquils se runissent en un seul corps, expriment le sentiment national d'une manire beaucoup rnoins imparfaite que ne feraient les vux des sections aclditionns bout bout. Les lus cessent alors de rcprsenter les locu lits pour devenir les reprsentants de la nation. L'on ne saurait nier qu'il se dgage dcs individualits runies toute autre chose que la collection des sentiments isols des individtrs; la forruation du sentiurent collectif cst un des grands mystres du monde

moralt.
L'ouverture des litats-Gnraux, annonce pour le 29 avril, eut lieu seulernent le 5 rnai. 0n a partout dcrit cette fanreuse pl'ocession o, la veille de I'ouverture, {igurrent enscrnlile le roi et Ies trois ordres, pacifique inaugurution de l'rc des temptes. La paix tait dans les formes et dans les rites : la guerre tait clans les choses plus eucore que dans les curs; elle tait jusque dans cet humble et sombre costume irnpos au Tiers par l'tiqueite provocatrice dc la cour et port avec une Iiert qui ressemblait au dli, devant les dorures et les panaches de thtre qui dcoraient la nolrlesse. Le lendemaiu, 5 mai, lc roi ouvrit les lXtats par quelques mots qui n'avaient de saillant que I'absence totale d'ilitiative. Lorsqu'il se couvrit, en terilinant, lcs rnemlrres des ordres privilgis I'intitrent, suivant la couturne. Une partie tles memltrcs du Tiers en Tirent autant. Une grande rutneur parcourut I'asseurbie. Lc roi se deouvrit, n'osant repousser et nD voulant pas autoriser l'galit dont s'ernparait le Tiers. te n'tait plus le tetulls

I. Mirabeau, le premier', devant les tats de Provence, avait nettement dni unc subdivision quelconque du royaume le droit de limiter la souvelainet nationale, l qui ne rside que daus la collectiou des reprsentants. ,' Beaucoup de gens clair,ls sentirent que les mandats impratifs menaient uue irupasse, r Le Tiers, r dit entre autrcs, le cahier de Nmesr. a expos les vux des peuples; il laisse ses tlputs le soirr de les modifier. r l?irurrud gnrttl de.r cahierr, etc., t. 1II, p. 543.

02

LO

UIS XVI.

tr 78e I

ott les dputs du peuple s'agenouillaient I'arrive dn rr_ri ! Le garclc des sceaus {it une harangue fleurie et gnralemcnt vaguc, oir il paraiss;rit toutefois approuver le vote par tte, si Ie corrsentcment lil,rre des tats-Gnraux oprait ce changement. Necker fuf encore moins explicite dans son vaste discours, dtaill, justlu' I'cxcs, sur lcs finances, plus philosophique et moral que polilique sur le reste. Il conscillait qu'on vott d'aborcl par ordrc.s, pour que les privilgis eussent le rnrite de sacrifier libre-

tuent leurs exemptions pcuniaires, pnis qu'on eraminiit dans qucls cas on pourrait se runir, dans quels cas voter sparrnent. Il faut trancher le mot: c'tait puril. L'iinpuissance clu nrinistre clatdt aprc\s celle cln roi. vant la question du vcite en commun se posait ncessairernent cclie de la vr'ification des pouvoirs cn cornrnun, qui ne rlcidait
pas a.bsolurncnt la seconcle, mais engageait snr. la voie. Le 6 ntai, lc ministre fit nne tentative pour dcider de fait cette prernir'c qucstion dans le scns clu Ticrs : un placard anuon qrle lc loc,rl
LlrsiiL rcctttoir les tlytut,s serait prt ncuf heurcs clu matin. tle

local tait la grande salle otr avait lieu la stnce d'ouvcriurer. T,e Tiers s'y rcndit. Les autres orch'cs ne llrul'cnt pas. Le Tiers apprit qn'iis drtaicnt assernbls dans les salles qui leur avaient t assignecs pour leurs sances particr.rlires?. {,e Tiers attcndit. i\ deux hcures et dentic,

i[ fut inforrn quc lo clerg venait clc voter la vrilication spare, 133 voir conlre i l-?, ct la noblessc, l88 voix cuntre 47. Lc Tiers considra ccs dcisions (:ornntc ltorl avenLtc's, et, le lendeniain, sur la pl'opositirrn de n{ounicr, cnvoya offtcieu,sentcrrl quclqucs-Lrns cle scs rner}rlrr,rs inr.iter lcs autres dputs

se r'nnir aux corDlliunrs,

ttrui

attcndaicnt cctte runion avant de corntncnccr vricr les pouvrtirs. Le clcrg, r'eyerlant stu'ses pas, prol)osa, une couutrission
l,
rlcr
(-''i'tit cette nrlure saile tles -llelus ou s'tltlricnt teuueslcs cleux
assenrLrld'es r-lcs

ldcr',libl,es.

un veu irnplicite que le 'ficrs krit le cct'Jr.s de Ia ultion. La cour' en avait senti Ia cons,jquorce, ct a'r'ai song assigrier. iin 'I'iel's un local particul,er : urre circonstonce insigrrifiante fil manqr,er. ce prclic-t,
r-i'iurr:c$

3. Le'l'icrs n'ayait lrtsr sclou l'ancictr usagc, d'autre lieu


{ni'rales.

Il y nvait l

tl'assemb)e que la sulle

cr.rnrrue

L'trthrrini*tlatiou dt's curics ne vou'lut poirit crler urr maugc denurntl pal uri rles tuitristles pour en faire la ttoisime sallc. (|uoi r1u'on ct 1irit, au rc,ste, le Tiers se fr seriti l:l nation I]ftI'tr)ut,

Ir789

LE 't'iIIIS BT I,tJS PIiIYII,JiIJ TIiS.

ii.J:J

nlixte pour exalnilter de nouvcau la questiott, et stisliendit la vtlrit'ication ttru'il avait colDrrleltce (7 nlai). L,,a nol-ricssc lle rptlntiit (lue Ic 1? mai ; elle conseutit noitrtttcl des coll]rnissirt's, tttilis apri:s s'trc dclar'c lgalenient constitue, la rnajolit tic' l9.l voix conlre 3t , ce rlui tait lendr.c d'avancela cotunrissi{)Ii inutile. A I'rtrnotion profoncle clui Se uralrifcsta sur les Jlattcs clu Tiers, run seit{,it quc Ia grancle luttc s'eng'ag'cait. Un dput bt'ctou, I-r-' {)ha.litrlit:r, proposa cle significr au clcrg ct la tloblessc < QUt' It's

poul' t'efrselltantS lg'aux rlLit] ccux tlout les pouvoirs auraietrt to cramins par tles coututissailr.s lIolDlDS cn asscnlltle gnrale; cltt'a1it's l'out'et'lttt'tl tir:s lituts il n'1'- avait plus de clputs d'ortlLr's ou dc ltrot'ittct's, litilis sculentcni clcs rcpt'scntluts de la tiatiou; que lt's tli-puts Lics c{Jlntnrillr-s inr,itaicnt douc les r1puts du clclgir ct tic ll itoltlt'ssc ir sc r',ir-urir cux tlans ia salle clcs tats. c1 ir se forurcr. t'rt i{atrifii.nratn pour lcri{icr lcs pouvoils de tuus lcs rept'scntiults (J{i ta nltirin. > La rna,iorit voulut ponl;scr. la rn<irlrl'r'atjon jusrlu'rttr lrou(. Iiile ajounla, c0rltttrc 1trtitatur'e, la tttotiritr de I.,c Cirll;clit:r'. ct. acccpta ia cottftrcllcc avec lcs atttrt's ot'tlt'r's. Les plil'iigis annuucrcnt I'al-ranclon dc lcurs ercmptiotis ilcuniaires : iitr le savitit d'avance ct l'cffct fut nrauqti : la cotrft'cnco lt'ell iit'ot'til f);]| nlr.'iirs, et la noltitrsse rnaintiut la vl'iication sparrie dr's puiivoii's (36 ruai ). Le clerg'ne s'tait ps tlrottonc dfirtilirt'rrrcut" Le'Iir,'rs, sut'Ia proposition de nlilalteau, adjura le clt:r:tl clt' su rilllg'er' < du ct de la raisott, tlc la jtrsticc et clc la vi'it. r I.,c clcrg tait lrranl : un grancl ttotrtbt'c dc curs, tltir'lqur's ('l't1ues , r'oulaieuI rpouclre I'appcl. La cour inlervitlt. ].,1 ?8 rtriti, rurc lettre du roi inr.ita les coultrissait'cs tL's truis ot'tllts rtrprr:ntirc lcurs cc'nferences cl] pr'scutrc du garLlc'tlcs sr-tr:llltl c', cle cornntissaires l'oyaur. Louis XYI avait t I'instlttutcut el'titi intrigue ouldie entre lcs pr{rlats at'istocratcs ct la socid't cle l;t leine et tlu cotnte cl'Artois (le corr,irl Pclignaci. 0n i'oulait t'tttlirchrrr la rttnion du clelg ct venir en aicle la uolilesse. La ttoJrlessc, r:e jour-l uture, arrta, la lraiorit dc 202 r'oix ctillli'r' l(i , tlue la dlibration par ordl'e et le urdo dc chacluc .)t',-li't rltaierrt aonsl,itutifs de Ia mctt,trthte. Accepter ic t'ctt'.tttt,clk:utctit tit's
r.oll)lt)unr.S

llc rer:onnatr:aietit

0,54

LOUTS }.\rl.

If

?691

conflnces, aprs un preil acte, tait une drision de la part

cle

la noblesse. chez le Tiers-Etat, ce fut un clernier effort dc longanimit. M. Necher, clui avait pris place entre les cornmissaires
royaux, proposa que les pouvoirs fussent vrifis d'abord spar_

rnent, que ceux-l seulement sur lesquels s'lveraient cles diflicults fusscnt dfrs des cornmissaires des trois ordres; qu'enIin, si les trois ordres ne pouvaient se mettre d'accord, la descision sur l'lection conteste ffit dfre au conseil du roi. Le clerg accepta- Le Tiers, dcid r'cfuser , ne se hta point, et sa , grande joie, fut prvenu par le refus de la noblesser. Les confrences furent closes le g juin.
Le gant tait jet. Le 10 juin, le puissant mtaphysicien politique qui a pos et rsolula question: Qw'est-ce qLre l,e Tcrs-Etut? I'abb Sieys , dput du Tiers-Etat de paris, propose d'adresser aux lus du clcrg et cle la noblesse une dernire sommation d.e venir, dans la salle des atats, concourir la vrification cornmune des pouvoirs, avec I'avis que I'airpel gnral ttes bailliages se fera dalrs une h,eu,re, et que cl,fawt sera donn contre les non,-comparats. La motion est adopte la presque unanimit, avec quelques
adoucissements de forme : on substitue le mot ,i,nuilation celui de sommation , le ja'ur l'hewre, et la utr,ifi,cation, tant en ytrsence !w'en l,'absence au dl,fau,t 0n re les non-oontparattts. La vrification des pouvoirs commence le 12 juin au soir. La noblesse mainticnt ses arrts. Le clerg dlihre sans condure.

Du 13 au 15, une dizaine de curs, parmi resquels le clbre Grgoire, se rendent I'appel du Tiers-Etat. <Je viens, r dit le cur IIarolle, dput du clerg de Saint-Ouentin, ( reconnaltre la ncessit de la vrification commrne des pouvoirs d'une assemble nan'ionale. > D'autres s'apprtaient res suivre; mais dj I'appel des bailliages tait terrnin, et la vrification achcve pour tous les rncmbres qui avaient rpondu I'aitpel. Le moment dcisif est arriv : il faut que I'assemble se constitue. Sous quel titre?

l. Non pas un refus formel, mais une acceptation nominale tles conditions qui changeaient compltement Ie projet.

tr ?8cl

sIHYs

g'r ltlIiaBEAu.
err de dbat de cette imliortauce stlr

moncle poliLa destine rl'une grande socit, celle de tout un conciles tlu prerniers les tiqtrc, cst suspendue i u' mot ! Depuis

christianisrne,

il u'y a point

la terre.

ralit sttr cntrcnt en lice; mais la cliscussion se concentre en t tleux ttes, SieYs et llirabcau ' des reilr< cette assemble, > dit sieys, < est clj compose

homtnes tninetlts Diverses propositions se croisent. Plusieurs

au moins cle sentants cnvoys par les quatre-vingt-scize centitnes inactive tre la nation. Une telle Inasse de tlputations ne saurait quelclucs de par I'abscnce clcs dputs de quelques bailliages ou niltiorestauration la de colnlnune L'ttvre .lorr*, cle citoyens... les dpttts par tous retard sans nalc peut et cloit tre cotntnence C7mn"Le sutts obst'a' prSents, et ils tlOj"^enl l,a S1iure SanS inteffttlltiott' rle.

>Et il

propose le

titre

d'Assemble des Reprsentants cottnus et

attx Ia pense se lnasses dcs fortnes plus sinples ct plus rapides, ou est toutefois I'ide n'Iais clair. un concentrc dans uu rnot, clans veut qu'otl sieys a crit, qu'il viclente clui sait comprenclre. ce est calme, sicys de Lc ricls est la Aatiott.- La parole le fasse.
pas heureuse.

urifis rle

la liatiatt franraise' La forrne de ce titre n'cst

Il faut prsenter

de llirabeau rigoureuse, iil{lexible comme son palnphlet : celle d'une tue en clate en rnotions contraclictoires colllme le cri lutte avec elle+nme. se2s; il se $Iirabcau attaque la clivision cles orylt'es, tnot ui'do de coliectif, e[o ttn privilgis dchine contre ia prt,:nlion des dnomination toute une action spur'e; et cepenclant il cornbat qui quivaudrait celle cles tats-Gnratrx et constituerait le n'alt< Tiels seul en reprscntation souvcraine tle la nation. Yous que votls cc tout nccssaire roi.-Elleest riczpas Ia sanctiolclu enn'uspire pas. Il soutienclrait Yous pcuple ne allez faire. -Le pas Ia comprendrait ne core rFr' dcs sotrlagernents matricls ct
rntaphysique

politi[',1.
a si

-\liralleau,

qli
la

biel

jtrscombattu les rnandats irnpratifs, va


legilinte des teTtrtisentutts tle la Iu mineure partie'

Il

ventlrait ses tlroits pour

d'

pain !

>

.l.Laseuleproposit,ionnrrtab]e,endehorscleSie"r.setdel\[irabeatr,futcellerle

llounier, c|ri voulait qu'on se constitut e a-c.serlrblde


majeure ltartie
Lte

ruttiort ugissant en' l'absence

cle

656

L'UIS x.'/['

tt78e]

qu' sc rejctcr sitr lcs tttirudats ciui n'autoriscnt pas les dputs s'arroger le titrc propos par Siels! II voque dcs slreclres d'anarchie, de despotisme ct cle ruine, si la lutte ouverte s'engage,

ct corrclut par pl"oposer lc litre

d'assemble des Reprisentants t|u

Putltla, c'cst--clire de Ia msse plbicnne. t'est que l'crivain passionn, I'orageux tribun, se scnt dpass pal la logique fi'oide et trancltante du thoricien politiquc. Bicrr qu'il ait reconnu dans ses livrcs la sout'erainet nirtionale et lcs prirrcilres da Contrat, social,l\Iiraberu a toujotrrs voulu la Prt,olution avcc Ia royaut. 11 sent qrre Ia souverainet du pculile va sortir clu dliat ct tout ahsorber; que la Rvolution va se fair:e sans la ro,vaut, et, en toucliant aux choses tnntes, il vcit s'r'arrouir le r'r'e d'unc dtmocrntte royale. Sou cslrrit aperoit les rlouleurs inoues, lcs calarnits ltroc1ues quc la Frauce va trat'crscr pour sc faire une nouvelle existeucer. C'egt la tnort entt'e cleux yies. Son csprit est trop clairvol'ant ct son cceur n'cst pas assl'z stolque liour affrortter ce fornridaltlc avenir. Il veut arrter lr luour'orucnt, tlansiger ayec le pass; pour lui, sott tonr, il est trop lard ! Sl pi'oposition cst rcjete: les dclains sculaircs clcs privilgirs pr)5e111 cncor snl' ce grand nom cle Pcuple.0n repousse, cotnnt.

troli lrurnltle,

Ce titrc de llcpri,sentalits dtc Pcuple, qu'ulle atrtrt' asseurblc reutlra bicntt si terrilrle aux rois tle I'Eulo1tc. L,'inlptucux $Iiralleirlt l'ccttl. L'irnpassible Sie;'s se lvr: et

prononce Ir: tnol du Dcstin. < J'ai chang nta ntotion, > dit-iI: < ie propose de strltstitucr la dtinrrnrination de Reltritscntants c011ns et urfils le titre tl'Assultnuu ira.rtoNLE. ) La foudrc a clchir le nuage. La lurnirc se lhit. 491 voix r;otttre 90 atloptent la lttotion dc Sic3'e\s, Salls restriction et cottlttlc actc tlc souvnRAltitirg. I,'ANtENNE I-RNCE trST FINIE,

l Un dput encore obscur, cltri fut Ilarr\re, crrait c'l,r rl,re rrne gr[rle ptr0lc. ' Yous tes appelels recommencer I'liistoire. " Le Point Ju Jcrt.r (journel de B*rre ), rro 1.

u?89J

L'A

SSEMtstE NAI'ION ALE.

657

Rvolution est consomme en droit. Il n'y a plus qu' tirer Ies consquences. La Socit des Trois Ordres est abolie en droit par les reprsentants de I'immense majorit de la nation. Il n'y a plus, au lieu d'ordres privilgis, que des citoyens plus ou moins distingus. La royaut est subalternise; elle n'est plus qu'un rouage politique qui peut tre ou ne pas tre. Le principe de la souverainet de la Nation une et indivisible a remplac la monarchie absolue de Louis XIV et la vieille nonarchie des Etats - Gnraur et dcs parlernents, la souverainet du roi et la hirarchie
I-,a

des privilges.

I,E

IONDE NOUYEAU EST CouuTnc.

{t

CONCLUS TON'
Du haut de ces cimes orag,euses cle gg qui spar.ent dcux nrondes,

jetons un coup d'il en arrire afin de I'ensemllle des 'essaisir destines dc I'ancienne trnrance, qui renferment tons les prsag.es d'ave'ir de la x'rance nouvelle. Les institutions, les coutumes, les tbrrnes sociales, ont disparu; le fonds essentiel, la nature de la France, n'a pas chang. c'est toujours le mrnc tre, pour ainsi dire, qui continue et qui continuera se dr,clopper dans le borr ou malryaft usage de ses nergies propres. La France nouvelle, l'ancienne F''rance, la Gaure, sont une seule et rnme personne ntorale. La France existait longternps avant cle s'appeler x'r.ance, nom de baptrne et d'adoption sous lequel a disparu son norrr naturel.
Ds I'origine des temps historiques, Ie sol de la Fra'ce apparat peupl par une race vive, spiritueile, imaginative loqe'te, , porte tout ensernble la foi et au doute, aux exaltarions de l,nre et aux entranements des sens, enthousiaste et railleuse, sponta_ ne et logicienne, sympathique et rtive la discipline, clouoe de sens pratique et encline aux illusions, plus dispose aux clatants dvouernents qu'aux efi'orts patients et soutenus; rnobile quant aux faits et aux personnes, persvrante quant aux tendanccs et aux directions essentielles de la vie; galcrnent active et compr.hensive; airnant savoir pour savoir, agir pour agir; aimant par-dessus tout Ia guerre, rnoins pour la conqute que pour la gloire et pour les aventules, pour I'attrait du danger et de l,in_ connu; unissant enfin une extrrne soriabilit une pefsonnalitri i.do'rptable, un esprit d'indpendance rltri l.epousse absolumenfi le joug des faits extrieurs et dr:s trtn;r:s tatalt:s.

L.

Er,'tit, en 1854"

6,5q

Dans cctle antique socit se sont dvelopps, sul' un fonds patrialcal prirnitif, dcux principes dorninants, le principe religicur et le principe liroTque, cornhins dans une croyance souverainement propl'e cu,ltiutr la force,, suivant une de ses nraxirncs, et inspirer aux hournres Ie npris de la mort par la certitude dc toujorrrs ro'iyre. La cloyance gauloise, Ie druidisrne, donrinant dc haut les religions toutes lerrestres de la iGr'cc et de Rorne, pr'sentc, au foncls cle l'Occident, un dveloppernent thologique et philosophiquc gal celui dcs grancles religions dc l'Oricnl, rnais dans un esprit trs - oppos au pallthisrne indo-gyptien, et rlui parat n'avoir cn d'affinit moralc qu'avecle ma:cl,snte de Zoroastre. La lutte victorieuse de la libert et de la volont contre Jes puissances fal,ales, I'indestruclible inclivicluaut humaine s'levant progressivement du plus bas degr de l'tre, pal' la connaissaltce ct la force, jusqu'aux somlnits inrlfinies du cicl, sans jarnais se confondre dans le Cratcur : tcls paraissent avoir t les fondements de Ia foi dnriclique et le secret de I'intrrlpidit et de I'indpenclance gauloises. La notion la plus f'crrne, la plus claire, Ia plus dveloppe cle I'irnmortalit et de ia deslinc de l'nre esl le caractre essentiel de la philosophie bardique, hritire des clruides. {Jne pareille race, appuye sur un levier si formidable, semblerait dcvoir cnvahir lc rnonde. lxlle le parcourt triomphalemento I'agitc, l'tonne, l'pouyante, mais ne Ie dornine pas d'une ma*i:l'e durahle. Il y a chc'z clle les rnatriaux d'rrne grande nation : il n'y a pas une nation. Il manque ccs nratriaux lc cirnent qui les rclie. celte religion inspire une forcc tout inrlivirluelle : elle n'cnseigne J)as le devoir social ar,ec I'autorit de ces religions localcs ettoirtes ten'estres qui leposent sur la divinit cle la patrie; elle n'a pas non plus en elle cette flanrme de I'amour dilin et hunrain, dc la charit universelle, qu'il est rserv au christianismc de ri'pandre dans le rnonde. Les forces de la Gaule ne se coordonnent pas et se tournent contre elle-mme. Ces inclividualits si purssantes n'alroutissent qu' une faible et anarchire socit. Les trilrus patriarcales se sont groupes cn dlrocraties
1. " Honorez les clieuxl rre raites Pas rle rnal autrui; cultivez druirlique, citc par Diogrrt ,le Liicr.t*:.

la

force,,, Triarj,*

660

CON CLLJSION.

guerrires qui subissent I'autorit urorale d'un grand sacerdoce recrut par alfiliation, crporation savante et non caste hrditaire. C'tait I'apoge cle la vieille Gaule; rnais cet tat ne s'est pas soutenu. L'ingalit sociale s'accrot; les aristocratics locales grandissent avec le progrs de Ia richcsse et accaparent les avantages de la civilisation, qui se dveloppe irnparfaitement. Les influences se rendent hrditaires; les trihus se scindent en clientles groupes autour d'un petit nonbre d'homrnes puissants; on arrive ce point qu'il n'y a plus que deux classes qui comptent dans les Gaules: lcs druides et les chevaliers, ou, pour parler le langage moderne, le clerg et la noblesse, qui se disputent ie pouvoir et ne s'entcndent que pour repousser la royaut hrditaire, antipathirlue au gnie de la Gaule. La dcadence se prcipite, lc ressort moral s'affaiblit; le peuplc
s'affaisse, la noblesse s'entre-dchire. L'tranger s'avance. La Gaule

est entame d'un ct par la civilisation politique et rnilitaire la plus fortemcnt organise qui ait paru sur la terue; de I'autre, par une barharie systmatiquement ennemie de tout dveloppement, de toute richesse, de tout progrs. Des deux comptiteurs, c'est Rome qui I'emporte sur la Germanie. Les divisions de Ia Gaulc, malgr des efforts tardifs et dsesprs, la jettent sous l'pe du conqurant. Les prestiges de la civilisation hellno-latine achvent l'uvre de la conqute. La noblesse se latinise et se fond tlans la socit romaine; le corps sacerdotal est proscrit. Les superstitions du Midi envahissent la Gaule, o elles ne doivent laisser de trace que dans les formes classiques des lettres et des arts. Le gnie politique de Rome entre plus foncl et modifie sensiblement la nature gauloise; il apporte nos pres I'ordre, la disci-

pline, la limite, le poids et la mesure, I'esprit administratif et


centralisateur, avec ses grands avantages pour I'orgardsation extrieure de la socit, et, aussi, sa tendance prilleuse mettre le mcanisme la place de la vie dans le corps politique. Le matrialisme latin doit aussi laisser chez nous trop de vestiges, en se combinant avec la tendance critique et railleuse qui est comme le contre-poids de notre tendance enthousiaste. Nous devons Rome, par compensation, un progrs d'un ordre plus lev que aptitude I'organisation matrielle: c'est I'intro-

coNcLUStoN.

66,1

rluction rle ce Droit romain transform par la philosophie grecque, qui est clevenu tant d'gards la raison uite et le code de I'lr,unmtr,it, et qui claire et agrandit les gnreux instincts de nos
coutumes prirnitives. lrl'urtit romai,ne, la pai,r romaine aussi, le

mrite d'avoir prpar le terrain o peut clore et croitre Ia Religion d'amour et d'rmion, le Christianisrne. L'vangile manifeste enfin l'0ccident cet EsTtrit de uie, ce double principe de I'Amour en Dieu et du Yerbe mcliateur qui avait rnanqu au druidisme pour vivifer ses sublimes notions de la destine humaine. La Gaule retrouve dans le Ohristianisne, avec une notion suprieure de la nature divine, cctte certitude de I'irnmortalit humaine, sinon ce vaste systrne des destines de I'nre qui la distinguait entre toutes les nations. Elle embrasse la foi nouvelle, et bientt exerce une haute et salutaire influence sur la formation du dogme; elle contribue puissamment repousser les hrsies montaniste et gnostique; elle tente, par I'organc de son grand aptre, de saint llartin de Tours, d'touffer au berceau le fatal lirincipe des perscutions religieuses qui doit couvrir la chrtient de sang et de crimes durant de longs ges ! Elle dfend la Trinit contre Arius; fidle sa tradition, elle essaie de dfendre la libert contrc saint Augustin. Le Christianisnre ct le Droit rourain ne suflisent pas cependant T)our faire vivre I'Enrpirc ou pour faire renaitre les nationalits qu'il a allsorbes. Cosmopolites tous deux, et c'est leur gloire, ils s'adressent au genre humain : il faut quelque chose de plus sur la terre, il faut des nations entre lesquellcs se rpartissent les fonctions diverscs du genre humain. L'uvre transitoire de I'Empire rourain cst accontplic, puisque la Religion et lc Droit sont clos et assurs de lui sttrvivre. Les barbares, quc la Providence a carts cinq siclcs atUlirravant, lieuvcnt venir maintenant. Ils viennent : l'Emllile esl drnembr. La Gaulc, ne pouvant rcssaisir elle scule unc eristcncc ind(rpendante, choisit du moins entre ses dominateurs : elle se donue aux Franhs et rejette les autres Jrarbares. La racc franlie, vaillante comme les Gaulois dans Ieur ge le plus hroqrte, devicnt l'pe du christianisme orthodore conlre lcs barbares ariens, et les vques trinitaires partagent la doniination cle la Gaule avec les rois tles Franks; on voit re-

,b^6

coN0Llsl{lli.

natle lc tentps oir rgiraient ctrst.tttblc les clruides et les cliefs de gUefre, a\rcc llne ntlttltcc pluS tuOnafcltiquc, lc COtrttuatrclemcnt militaile tant uraintcnaut conccntr entrc les membres
d'une Sertle farnille. C'Cst, nOtniual,'il'lent, la prernire FnruCn, la

I'rance gallo-gerltalt0-l'olttaine. Les Frartlis en sont le cimeut et lui tlonncnt lcttr notll, qu'cllc ue pcrilra plus; les tlivet's lrnents de la nationalit franaise sotrt tttain[cnant jnrtaposs; rnais la nationalit fi'anaisc n'est pas etlcol'e nire. Il n'y a tlas encore un peuple franais ni unc lartgue frar-raisc. Ct't,te prentire France n'est encore quc la Gaule frttlit', c'cst--dirc la troisime phase
de nos origincs, et il faut urmc trjotiter tlue ces Franhs, dont nous tenons notre nont, cloivcnt laisst'r cll nous iniinirncnt rloius de traces que les Rornairts; ils ne font gure que ravivcl en Gaule r:eux dcs lrneuts gaulois qui corrcsltonclt'nt aux lnients germaniqucs; quant aux caractt'es spcialenrent prciplcs la race

germanique, nous n'en gardcrolts prcsque ricn, sinon dtuts quelques ljrovinces

ilu norcl et dc I't'st. La Gaulc franhc a clcur pr'iotles : la prerrrire est celle

ttres

lllrovingicns, allis des vques gaulois et t'ainqueurs des Goths ariens; la seconde cst celle des Caroiingiens, vilin(iueurs cles Sirrrasins et des Saxons, et allis de la papaut rotnnine.Ils sauvent I'Europe de l'invasion mnsultnatte, conquirettt la Germanie au
christianisrne et rtablissent I'ernpire ronrain au prolit dcs Franks, en s'apliuyant sur les papcs, qui confrent la royaut franke un caractre serni-sacerdotal par la ruovation dtt vieux sacre hbraque, et qui reoivent d'elle, en change, ult apptti dcisif rlans leurs prtentions spirituelles et cians leur agrandissement

tcrnporcl.
Les gcrmes de nationalit qui s'cffoLcent de croitre sbnt quIque temps touffs sous cette rlasse dc I'empire franh, qui enveloppe, avec la Gaule, toute la Gcrrtranie, ttne partie des rgions slaves,les trois quarts de I'Italie, le uortl de I'Espagne; nais cette unit factice, malgr le coucours du clerg, qui veut un seul empire cornrne une seule foi, est brise par les instincts des peuples, et, du drnernbretucnt tle I'enrpire de Challetnagne, sortent enlin les nations modernes, renaissance des grarltles rtccs de l'antiquit sOus une fornte ttottvelle,

{1NCL,USION.

nt'3

Cette fois, c'cst rniiu I,l Frattct', uotr plus la tr'rancc germanique, r]tais la Ft'ance u,et t'lle, cotlllne l'appellent les Allernancls, la Franctl

gauloisc. Les F'r;rnlis sont fontlrrs clans la lllasse gallo-romaine; il n'y a plus ni Romains nt Ba.rltnrcs; il Y a tles Franuis; ils ont lc signc d.'nne pense pl'oprc, cl'une fonction nationale; iiS out ttne langne nouvelle, appelc cl'abord rllnne ou no-rotnaine' canse

ttc la prponcLirallce que l'glisc tant contribu d'assttrer

Att

iatil

clals notre vocalrulaire; cette langue sera

cle

llloills en lnoins

rotnai,nc, et le gnie logicl're et rntaph.rsique de

la Ganle, rveill

dans la pliilosopiric

du tnoyeu tige, lni

cionnera pcu petr une

fornre cntie\retnent sui gcnerts,


La Erancc, cepcndant, a sernhl prs cle prir en llaissant. 0n et dit qu'avec I'etnpire clcs Franlis toute socit allait se dissoudrc. L'anarchie est partout. Les pirates normancls, qui ravagent incessanrurcnt la France, sernblent cles corlleanx acharns stlr nn caclavt'c. Une cit prcle'stine, Paris, arrte enfin ces derniers venus des barbares, qui entl'ent leur tour, comme ont fait les Frauhs, clans la socit chrtienne, ct le centre cle formation du corps politique dc la France s'tablit autottr de Paris, dans ce bassin de la Scine si heureusemeut dispos par la nature. Le monde lodal sorL tlu chaos du txe sicle. Ses racines plongeaient loin dans lc pass. C'est ttn viettx fontls

celtiquc renouvel par les Gerrnains. Qu'on se fgttre l'lrnent primordial de la socit gauloise, la tribu, disparue, et l'lment seconclaire, la clicutle, reste seule ct fixe au sol : on a le rgime fodal. La hirarchie dcs fiefs n'est qu'ttne hirarchie de clientles superposes et al-routissant un patron suprrtte, le roi, que la noblesse fodale voudrait nraintenir lectif comme les anciens chefs ou rnagistrats des peuplades gauloises, et qui ne se rend hr'ditaire que par les cousquenccs logiques d'une certaine analogie dc situationt, et par I'appui de l'glise, galement favorable la monarchie et au droit d'anesse. La lodalit est une hirarchie cle foi et d'honneur entre les fodaux, de services conditionnels et lihres; une hirarchie d'np pression et d'iniquit pour tout ce qui n'est pas cle la caste gtler-

l.

L'hrdit tant le principe

cles

fiefs, le licf supr'nre terrdait ncessairenerrt

deveuil hrditaire coruur les autt'es.

66&

COtiCt USrOl\.

rire et fodale, et qui est considr conrme en dehors du droit.


Elle tend absorber le clerg dans ses rangs et refouler les simples hommes libres dans la condition des serfs de glbe, bien plus durement traits que chez lcs anciens Gaulois. Du sein de ce rgime, dont le nom doit rester si impopulaire, se dgage cepcndant un idal admirable et respect par les classes et par les gnrations les plus hostiles la fodalit : c'est idal chevaleresque, la protection aux faibles, aux opprims, assigne pour but I'hrosme, l'galit fratelnelle entre les guerriers dvous cette uvre chrtienne, une conception toute nouvelle de I'amotrr, I'infini dans amour devenu une religion comme I'honneur, merveilleux enfantement du gnie gatrlois fcond par le souffle chrtien r. Des mmes sources ccltique et chrtienne la fois jaillit I'art du moyen ge, cet lan inou de l'me vers le ciel; art o, ni la Romc papale, ni la Germanie, n'ont rien revendiquer, et tout franais comme la posie chevaleresque2. Pendant que le sentiment de la t'rance se manifeste avec tant de puissance, sa pense se discipline dans Ie rude gylnnase de la philosophie scolastique, autre produit dc notre sol3. Au xrrru sicle, la socit franaise du moyen ge est dans son
plus vif clat. Par sa posie, son art, sa scolastique, par son action extrieure sur I'Angleterre, sur I'Italie, sur I'Espagne, sur l'0rient, par la dircction des croisades, cctte grande raction europenne contre I'islamisme, clle s'est mise la tte de la chrtient. La fodalit ayant chou absorber le clerg et asservir les homrncs libres des villes, un lment nouveau s'est fait place ct des deux lments ecclsiastique et nobiliaire. IJne foule de petites rpubliques municipales se sont Iel'es parnri les mille donjons et les mille clochers des seigneuries et des monastrcs. La royaut a grandi, Janus trois faces : lc roi est la tte des ficfs, I'hritier des monarqucs franlis, pour la n.rblesse; I'oint tlu Seigneur', pour le clerg; le reprsentant du Csa'r rontain, du rgirne d'gaiit
I. V. notre t. III, p. 35'l et suivarrtes, sur les types primitifs des rornans de chevalerie crits en laugue celtique. 2. La nuance ntre ccs deux grandes manifestatiors est que la posie est plu.; nobiliaire et I'art plus poirulaire. 3. La scolastique ne nous appartienb pas aussi exclrrsivement que la po"ie chevaleresque ou l'architecture ogivale, mais elle eut son grand centre Puris,

COIiCLUSION. civile sous un matre, pour les lgistes, qui reparaissent

665

leur

tour dans ce monde nouyeau. cette socit atteint sa perfection relative au commencement du xrv. sicle. C'est alors qu'est pleinement organis ce qu'on a nornm la tonstitution franaise. Les rpubliques bourgeoises et lassalcs sont devenues la bourgeoisie, le Tiers-tat, 0t, dans les tats-Gnraux, le Tiers figure ct du clerg et de la noblesse. Il n'y a plus deux ordrcs politiques comme au temps de I'invasion de sar, comme au tcrnps de I'empire franh, comule aux premiers jours de la f'odalit; il y en a trois. Le clerg reprsente la science: la noblesse, la force guerrire; le Tiels-Iitat, le travail libre. La rovaut est I'unit superpose cettc tlipticit; elle reprsentr: la nationalit dans son cnscmble. 0n pcut voir, cls I'orig'ine de cet tablissement, par o il croulera un jour. ce fractionnernerrt artifciel des fonctions nalionales, au rnorlrcnt otr il cst solenncllement constitu, ne rpond clj plus I'exacte r'alit. Les lgistes , tte du Tiers-ritat, disputent le douraiue scit'ntifique au clerg, et le Tiers rr'est pas non plus crclu des
r'lnes.

La 0orrstitution des Trois-Etats clliute toutefois avcc grancleur cn af{irrnant I'indpenclance nationale contre les prtentions cosmopoli{es de la papaut, qui revendiquc la succession cles Csars. Le svstnre de Grgoire YII vicnt se briser cltifinitivemcnt contre les'trois-E/als de B'rance. La constitntion politique est peine fxc , que la nationalit rnrne est attaque darrs son principe. L'Angieterre, cetle socit nouvellc: si plochc parcnte de Ia ntre, et forme d'un triple lrnent celtique, saron et franco-norrnandr, se jcil,e sur la Flaucc, et vent son tour lui imposer des nratrcs, cornrne elle en a reLr d'elle. La dcadcnce de la fodalit apparaf au prerniel choc. La noblesse francaise est vaincuc. Le Tiers-tat essaie un effort prnraiur pour s'eniparer des dcstincs nationales. Il chorre. La
l. L'Anqleterre est surtout en ralittt un peuple gallo-teuton, comille la France est sultout un peuple gallo-rornain, rrvec cette diffrence que l'lnent rornain n'a t en France qn'urle forme rno,,lifiaut le forrds gaulois, tandis qu'en Anglcte're I'rilrnenttt-utonique (saxon ct danois)s'estcoubinparas-"cz g'rarrr-les slir$ses avec lr-' i'orttls ltliuritif qu'il a recouvelt,

{,6(',

CONCIUSION.

gcoisie, tout s'affaisse ou s'entre-crchire clans tles convulsioris

gucn'c trangr\re et ia gucrre ciyilc s'unissent pour dmemi.;rcr la li'rancc. Les grands prcipiterit l'tat sa ruine. tr.,,transer r,st dans Paris. Tout semble pcrdu. Royaut, clerg, noblesse, bour,-

eIacti lcs a{Tronts, par le clcrg, qui mconnat en elle I'enloyc de Dicu, le }fessic dc la natiorrarit, elle renouvellc Ie talvaire, et, par sa Passion, rachte la Fr.ance. L'u'i'e de dlivrance s'achve. La F'ance sort transfb*'e et

veille clans l''re d'une enfant, ci'une je''e inspire, {ui rclve l'pe tornbc dcs mains cles forts ct chasse clev*nt elle les c''qnrants comme un troupeau frapp d'pouvantc. Tralrie par le roi, qui clle a renclu Ia couronne , par Ia noblesse', dont elle a

tl'agonie, Lc salut viert des clernires p'ofo'cleurs du peuple, d'entre les laboureurs et les ptles. Le rnystclr'ieux gnie cle la Gaule se r-

socialement, rnais le bnfice politique est pour la royaut, qui rclevc , appuyc sur une arrne pcrrnanente et sur un imliot pel'ulanent, I'aitle desquels elle pourra liientt loigner., .t , plus tard, supprirncr dc fait les Etats-Gnraux et la constitution rlcrncure sans gara'ties. La royaut cltient irnrudiaternent la rnajcure partie tlu vieux soi gauiois. Des g'uerrcs et des alliances galernent hcureuses out arnen peu peu presrlue tous les grands Iiefs dans Ia main du roi. Le moyen ge n'est plus. sa pense est puise. ses arts s'teignent ou se transfornent. Un esprit la fois antique et nouveau sc rpand sur I'Burope. c'est |antiquit grecque et romaine qui renat pour prsider la prernire phase du rnoncle urodern-e, sorti du cercle trop troit o la chrtient tait rcsser.r.e ciepuis les Pres de I'Ilglse. c'est la science laique q.i s'mancipc ae
-q'est

de cette iurnrense crise qui a failli I'anantir. La grancle 'a'ive fodalit politique et rnilitaire est tornbe. Le Tiers s'est fortili

territoirc national pou' jeter la France cl*ns de folles et injustes guerres de conqutcs au dehors. A'rnilieu de ces guerres, la

ta science ecclsiastique pour marcher la conqute des lois de la nalure et de cet univers sans limites qu'avait ignor. le nroycn ge. La royaut seconde cet essor cle la civilisation; mais elle fait payer cher ses services en cessant de travailler au complrnent du

CONCL-tr-SlOl.

Franc;c esl In'isc pilr l crisc religieuse qui partagc cn clc,ur Ia crhrticnt au xvle sicle. EIle, I'initiatlice de I'Buropc dulant lout lc movcn ge, la rndiatlice du Norcl et du llidi, clle pcrd , cctte lbis, I'initiativc : clle est tlispute cournre une proie entrc le Nord et le trIirli, entre le papc ct Luthcr, entre Roine et la Germanie, couunc au tcrnps cle Csar ! Le gnie de la Gaule n'aura-t-il pas sa parole lui, son affilrnation i)rollrc, clans cc grantl rlbat? Il a dit nne parole, clt cffct, clcpuis longteutps dej, nrais une

perolc de rscrve, cle prservation plus que d'affimration . une parole insuffTstnte poul inrposer aur dctx partis ct clonncr rrr monrlc nnc impulsion nouvelle. C'est ce Gallicanisrne, qui garlntit, il cst vrai, ll Francc cle partagi'r lu chutc profonde. tle I'llsprp,'.,e ct rlc i'I1alic, ct qui rcfusc I'infaillibilit au ponti{'e romain, rnlis Iui lcconnat la supr'rnatie, la direction spiritLrellc, et maintirnf , par consquent, la sLrborcliuation cle I'esprit religicur de la Frirnce unc autorit ertrieurr.. Le Gallicauisnre n'ernr:t'he ps l;r Irancc d'f:tre enrporte clans I'effrotablc torirbillon clcs gncrr.es tlc Religion ct de clcvcnir le chanrir de bataille des clcnx firctit'ns
culopennes. IJnc racc l'oyalc faltnte cliins la fange et le sang. nationalit cst cle nouvcu clt pr'il. Le redor-rtaltlc chcf rlu parti papal, le monarquc austro-espagnol, s'efforce d'alrsor'Ler lil Frnnce. Itrllc s'arrachc de ses ntaius. Un hros repollsse Ie Drrtc,,t, du, )tidi ct clt les gucrres de Rcligion, en reconnlissant la libcrt religieuse au pro{it clcs nouvcllcs sectc.s chrtienncs et en lbulant aux pieds le systme de perscution qui a fauss l'vangilr: et tyrannis la chrtient depuis six sicles.
T,,a

La ro1,'aut, un moment brise et submcrge, sc r'organise


dans des conditions cle force et d'activit toLrtes nouyelles ct reclevient l'nergiquc expression de Ia nationalit. L'anllchie princire et nobiliaire gui reclressait la tte est crase pour toujours. La t'rance recouvre I'initiafiye et bientt la pr''pondrance cn luropc ayec une splendeur extraorclinaire. Elle ressaisit victorieusernent I'offensive contre la maison d'Autriche : clle reprcnd l'rlre de son cornplrnent territorial et sauye en Allemagne le protestantisme ct la libert de I'esprit humain. Elle fonde l'quilihre europen qui rlissipe le rve de monarchic universelle hrit des csars par les papes, pr les empereurs et la maison d'Autri-

668

CON

CLUSION.

che. et qui enveloppe l'ide des nationalits gales, indpendantes et fraternellement associes, Cest--dile I'avenir du monde. L'initiative est reconquise ayec Ia mme puissance dans Ies clioses de I'esprit. L'hroque personnalit du gnie gaulois avait donn, an xve sicle, par Jeanne Darc, sa plus sublirne manifestation dans I'orclre du sentiment : il ne se manifeste pas moins solennellement, au xvrro sicle, dans I'ordre de la raison. Descartes renouvelle la philosophie et I'esprit humain lui-mme, en le dgageant du poids des vieilles autorits, de la tradition amoncele par les sicles, et en le rnettant nu, pour ainsi dire, afin de le

retremper dans sa source ternellement vivante. La raison est affranchie. La libert rgne dans la sphre des ides abstraites; elle descendra dans la sphre des ralits. La posie s'lance d'un cssor gal celui de la philosophie. Le mrne gnie de libert et de volont inspire I'immortel idal de Corneille. Les mes, forternent retrcrnpes, se portent avec parcille vigueur dans tontes lcs directions. Les lettres, {ui donnent Ia France son grand sicle, rival des sicles de Pricls et d'Auguste, les arts, la guerre, I'administration, I'industrie, tont se personnifie dans des individualits nergiquernent accuses; tout cst empreint de ce caractre de raison active, d'esprit brillant et solide, de volont vaillante. La rovaut, son apoge, domine tout ce splendide ensemble, ou la noblesse apporte pour contingent les grands capitaines; la bourgeoisie, lcs grands crivains et les grands aclministrateurs. L'glise gallicane, aussi, met au service de la I'oyaut les dons les plus rares du gnie. Toute I'Europe est la suite de Ia n'r'ance et se modle son irnage. Pour la secondc fois, la France offre I'lristoire une socit cornplte. Le xrrru sicle a t une socit adolesccntc; le xrrl. est une socit mre. Le changernent de la langue exprimc cette diffrence. Le franais clc la Renaissance, comple[ au xvlre sicle, colllne le franais-ronran I'a t au xlrre, est moins cloux et plus fort; la prcision et la lucidit mtaphysique y remplacent la naivet. Dcs principes de dcaclence minent sourdernent cette grandeur. La constitution des Trois-tats a pri cornme constitution poritique : elle n'est plus qu'un rginre civil, qu'une classifical.iorr des citoycns en corps sprrs par des privilgcs et des lois tiivcrscs.

CON CI,U SION.

Ie roi. Les conscluetictrs Tout pouvoir politique est concentr dans

devenir tyrannie l,action modratrice de la !'rance menace de tenclances la et dtennine la raction de I'Europe contre les chcz Ia nation monarchie universelle, qu'elle croit voir renatre principe dedans Au nrme qui a fond l'Oquilibre europcn' ' le avaient locales, {ui d,unit est pouss I'elitrme. Les liberts la nation , de parties les toutcs dans vie la entretenu autrefois

pas se drouler' Au dehors ' tle la monarchie absolue ne tardent

rrationale, mais du dessont touffes au prnfit non dc la lihert fausse et fatale ' tie potisme. Enlin on conclut, par une logique

l,unit politique I'unit

de I'extricur I'intrieur touch au dogrne religieux dans cle l,honrrne. Descartcs n'avait pas systtDe de perscutiotl resa rvolution mtaphysique. Le vieux dveloppetnent nat au nrilieu d'une re clc raison et d'inrmense presque entire est entrane dans

t.ligi.ut*;

intellectuel. une gnration de I'uniformit ' par unc cette contradiction insense, 0f amour La libert d.e I'esprit collectif rle la Gaule'

exagration monstrueuse sicle' soLrs prtcxte de conscience est abolie. 0n rccule d'un ['rance. Ia tl,ttnit, on tlc}rire la socit et l'on mutile par trois fois a*x Le chtirnent vient. La n'rancc af'aiblie est et son gnie prises avec de formidables coalitions : ses ressources sr'ie de ses vics'y opuisent. Les reyers succclent la longue des elTorts dsesprs, toires. Blle rre sauve son territoire que par

ct sort a*roinclrie de

sa l*tte contre I'Burope. La dcadence a l'glise gallicane ' pOur la cornmenc pour la monarchie, pour noblesse fodale' noblesse monarchique qui remplace I'ancienne rapidit' 0n a cette dcadence se prcipite avec une elfrayante a eu I'hypocriroulu imposer I'unii extrieure en religion : on jette lra-s matrialisme Ie : le cynistne sie. I'hypocrisie succde les ressorts du pottle rnasque. on u tendu jusqu I'arbitraire
tracassier cle n,est plus, AU XVIII, qU'un despotisme

royaut du xvtt' sivoir : Ies ressorts se sont f'ausss; I'invincible

I i

impuissant , est livre qui n a pius la force d.'tre une tyrannie. La n'rance qui rappelltl un gouyernement d,'intrigants et de femrnes perdues, La tlid'0rient' rois les chez et le rgne des eunuques Byzance tt impolitiques guerres Des ptomtie est annule conlme le reste.

'

malconduitesaboutissentdesignominies.0nperdungrand

IiiO
eurliirc colonial. u

CONCLUSTON.

laisst,r pr'ir la Poiogne. Le corps politiquo 'rt srtcial se dtraque parmi des agitations striles. La cour ,le Versuillcs rcnouvelle les deruicrs jours de ccs antiques empirr:s d'Asie teints dans les paroxysmes de I'orgie. - A1:rbs nous le di:,Irtge ! Cette parolc du roi cst l'pte d'une commune voix pal Ia nolrli:sse, par le haut clcrg, par la finauce, pr toutes les classes suprilieules de la. socict. Le dl,ugc approche en effet : dc grancles rurneurs dcscendcrrt tlu ciel et inoiitcnt de I'abme : on entcnd gronder dans lcs prof,,rrrtleurs les prcmires lafales de ce vent qui balaie les ernpires, La philos<-rphie du xvru" sicle cst ne. Aprs le matrialisrne pratique de la Rgence, arrive la philosophic sensualiste, Iille et non mre de la dcomposition nroralc, ng'ation du 1-rass tout entier, sous tous ses aspects Jrons ou rnauvrils. L'esprit critique de notre race, mais aussi son sens pratique et sa profonde hurnauit, se persouni{ent avec une puissance

inoue dans Voltaire. [-,a philosophie cartsienne, si grande, si nationalc, tait inconrpitrte. D'une part, elle n'at'ait pas touch directernent la politiqut. et ,i la lcligion, quoique sa mtltode y ffit applicable comme trrut le rcsle; de I'autre part, celte mthode n'avait pas donn , auprs de la Raison, I'autre principe de certitude, au Scutimcnt, sans lequel la Raison est si t'ite arrte. Par cette brclu; entre la philosophie de la sensation,I'cole anglaise tle LocLc" Les novteurs qui s'attaquent aux croyariccs et aux institutioris du irass le Tont avcc I'arlne dc l,oclie, ct non avec I'at'tne plus sre dr: Descartes, et font de la Raison souvet'aine la servante de la S,lnsation. Le disrne chrticn cle Loclie, devenu le disrne piculir:n chez Yoltaire, aboul.it au scepticisrnc pur ou u panthisnte laturaiistc dans la sec.te encyclopdique. Par uue logique qui entralne l'cole malgr ell,:, l'gosme est le dernier nlot en moralert,, 0n politique, une durocratie matrialistc ct ngative. Un nouvcl athlte llarat, portant sur son front, dvast par les passions et les souffi'anccs, ce signe des choses divines qui a tnatlr1u jusqu'alors son siclc. Par Rousseau, le Sentirnent rarttctr, dans la philosophie y ralnne lcs vr'its pt'imordiales, Dieu et I'nre inmortelle. Dans la politique, Rousseau, aptre de la sorrirlaee

CON'CLUSI O N,

67{

tre, tnais sans assurer suffisarnment la rser.vc cle I'incliviclualit hurnaine en face de la socit. l\[alheureuscrnent, emport I'idal imrnobile des rpubliclues antiqucs ct par la ractio, liar contre les raffinernents d'une ci'ilisation corro'puc,

vcrainet du pcuple, rassoit I'iclal dmocratiquc sur lcs bases r1e la moralc spiritualiste et des clevoirs clu citoyn, siurs 1rconna-

Les ge'ncs d'un monde nouveau sont

croient r'icn , Pour la plupart, au dcl de cettc tcrre; ils la tcrrc de tant cl'espranccs , qu,elle leur. 'rais sc'rble 'ernplissent suffire au genre huniain. Ronsseau ne partage pas leurs illusions.

tihilit, aflirme par ceux,l rrrn es q u c leum otriulirrne ern pche d'cn tablir la doctrine sur ses vrais fondements. ces philosphcs allient un enthousiasrne, u' lar i'concevables aux opi'ions lcs ruoins propres soutenir l'rne. Ils valent bien micux quc leurs doctrines. II se dgage du rnilicu cle leurs erreurs un inrmense rnouvcllrent d'humanit, de justice cle raison pralique, , cl'csprit scientifirluc, cl'ar'liorations en tout genre. Inrpies de pa.oier, it* sout cn quelqLrc sorte religieux de cur et d'action; tr.ange con_ traste alec lcs poques ori l'esprit confessc lc yr.ai sans cluc lc cur teint pratique lc bien... Les hornrnes du xyrrr" sicle ne

il ,ie Ia perfcc-

la thorie de la rih,esse et du ltrogrs et toute l'conomic sociale ct politique sur le principe de la proprit, arrive au pouvoir. Elle e'tameune rforrnc dont le dernierrnot serait un roi, Ia ttc d'un corps politique de propritaires fonciers, clans lequel s'alrsorberaient les trois ordrcs. La ro1'aut n'ose essayer jusqu'au bout cette chance de salut. En mme ternps qu'elle se rattachc aux vieux abus, entrane par I'opinion, elle aide, rnalgr elle, un nouveau monde rpublicain clore au clel cles rners. aprs cette diversiorr lointaine, elle se retrouve aux prises avec les prils aggravs clu cledans. La ruine des financcs s'achve. Irrrpos_ sible de rnainteni'prus longte'rps la hirarchie des privilges et d.es abus. La royaut, aur abois, porte une rnain rnal assure sur

de cornbien de sang et de larrnes ne cloivent-ils pas tl.e arrosi:s, et irendant comJrien de gnratio's, a'arrt tle s'panouir clans I'ordre inconnu que rvlera l'avenir! Uue grancle tentative a licu pour transfolmer pacifiquement la vic'ille socit. une fi'action dcs philosophes, qui a voulu foncler

bien dans ce chaos , rnais

Ei

CONCLUSION.

Ies institutions d'ingalit. Les privilgis rpliquent par des attaques contre I'absolutisrne. L'ancien Rgime se dchire de ses ltlopres mains. Pousse de position en ltosition , trouble, pet'duc , la royaut se laisse arracher un appel la nation. Les tats-Gn'

raux sont convoqus aprs cent soixante-quinze ans d'intervallc. Les trois orclres sont en prsence. Le Tiers-tat sornme les deur
autres ordres de se
Assulrsls L'AxctsNi\u
est finie.
NATIoNALE,

runir lui. Sur leur refLrs , il se c'est--dire la nartoru lui scul. n'nrucr, cornme llous I'avons dit, I'anciettne

dciare France

La direction scientifique et morale avait

Les deux orclres privilgis avaient pertlu leur raison d'trt'. chapp au clerg et

La caste guerrire, son existcnce ds ['tacompronlisc dans le principe tnme dc blissernent de I'arme permanente, tait devcnue inutilc la dfense nationale. Le Tiers avait en lui tous les lments d'une sopass aux penseurs et aux savants laquesr. cit complte. Quant la royaut, clle n'at'ait t clue Ie synrhole de I'unit; rnaintenant I'unit vivante se pose elle-mme et reven-

dique la fois le principe et I'exercice de sa souYerainet. Un moment subjugus par ce souffle d'en haut qui passe sttr la lr'rance, les reprsentants des privilgis, dans Ia nuit du 4 aot, rpondent I'appel des reprsentants du pcuple en brfilant sttr I'autel de I'unit les titres d'un rgne de dix sicles, nuit dont les tnbres sacres enfantent des inspirations sans exemple dans I'histoire, lans que le sympathique gnie de la France prruvait
seul donner en spectacle I'uuivers! Au tnoment de s'abmer dans I'unit, les ordres privilgis se relvent, par un suprtne effort, la hauteur de leur antique vertu, et anoblissent leur lin en la rendant volontaire. La faiblesse humaine, les passions, le retour des regrets gostcs, auront en vain reni cette nuit im-

rnortelle. L'histoire tiendra compte d'un mouvement sublime ceux-l mmes qui n auront pas su en soutcnir I'essor' La noblesse hrditaire et privilgie abolie avec le droit d'anesse et les suJrstitutions, l'galit des partages fonde dans la Iarnille, les droits fodaux et toutes les institutions qui s'y ralt:t-

l.

N'en

et-il

pas t ainsi,

continut de fornrer

qu'iln'y aurait pas eu de motif pour que le clerg ur corps politique rgi par des lois palticulires.

OONCLTJSTON.

673

chcnt anantis, l'tirt civil constittL cn tlchors clu clcrg, lc tlr'uit canolique e[ la sanctiou civile clcs vttux religieur al-rolis, I'r-rt'clt'c' ecclsiastique supprirn en tant que corps poiitititrc, et scs itttlllcllses proprits vendues eu dtail, afin cle drnocratiser la proprit f'uncire, tous ies privilges tle corporations, t1c lantillcs et d'olfices, totrtes les cliversits pn-rrinciales, ntunicripales, judiciaires, fiscalcs, totttcs les appropliations de {bnctions socialcs, toutes les cliffrcnces cl'clrigine entre lcs proprits, toLrtes les conclitions qui restreignent la libcrt cle travailler ct d'acqurir, dlruits, auantis : voil clucls sout lcs lirsultats irnurcli.-,ts et dtnitifs clu 17 jLrin et du 4 aot l?89; r'sultats auxquels s'ajouteu[ bientt, clans I'ortlrc moral, la libt:r't de couscience et cle culfe, principe cle droit et non plus simple tt'iursaction eutre clcs scctes annes, cglnme avait t f dit de l{antcs, et, dans l'ordre tr1ittriel, avec une nouvelle clivision ciu territoire qui baleie tr.rutes les tr.aces de la tnonarchie foclale ou ahsoltte, cctte unit dcs poicls eI ltesures clui est I'unit c:ottoulique de la Frauce et I'crelttplc otTert au lroncle de I'applicatiorr des lrttutes md;thocles scictltilitlucs
au rglernetrt tles usilges de la vie. Partout a pass lc niveau dc la tlvolution. II ne reste tlellout r. (ldilice quc la tration d'une 1:art, I'indivicltr de I'autre Le vastc

de

Ia hirar.chie sociale s'est riclottl ctt tttoins tle jcltrrs qrt'il

n'avait dur' de sicles cottstruile. La ilrance vtr Sc lclttettt'e ctt tlavail tl'une tbrtne et c['un organistnc llonveaux. Plus 0u rildite sur le sens tlc ct't ynctnent que I'univel'S a si bien nomnri' la
Rvolurtox, collltne si tor-rtes les autrcs r'voluliorts du globe et de

I'humanit se ftrssent cffaces clevant celle-ci, plus on est saisi de son imtnensit. Il n'est rien de comltarable dans l'histoire du huurain. On avait 1,u jusclu'alors la plupart des socits
Scnre
se dissolvait; on en avait vu queLques-trnes

nrort violente ou cle langueur, quaud lcur ot'gatlistne translbrtner progresjarnais ulle ttation etrtreYtl n'avait ort organes; lcurs sivernent droit al-rsolu et tle tlu rtotrt au a7n'iora rrrentlrede se reconstituer gratrd pcuple se d'un l'me l.r raisgn pure, ct, pour ainsi dire, de se reconcn tlevoir rllivrer d'une crtveloppe use et se ntettre
1trir ou de

l" Iit ta conllllulllrr pourrait-ou aiouter,


TYI.

groupe

prirnitif et irrtlesttuctible.
i!3

67/_

co NCLUSI0N.

struire un nouveau corps ! La Rvolution retlouvelle clans I'ot'dre


social l'uvre accomplie pr Descartes dans la philosophie, et, se clgagcartt cles sophismes de I'incrclulit, par ce cri que les hornmes assclnhlS ne manqucnt jamais cle pousser Ycrs le cicl, elle ddie son entreprise l'ltrtre-Suprmet. Ce qui a t entrevu dans une hroTque extase, il faut I'attcindrc par la.force patiertte. La Rdrvolution a. Youlu supprirner le ternps

et la tradition. Il faut renotter I'une et subir les conditions de I'autre. La souverainet du peuple est lecouquise, c'cst--dirc le droit inamissible de la socii:t rlc se modifier son gr sans tre
enchane r\ aucurtcs frrrntes
eS[

ni aucunes pcl'Sollncs. Le principe


clc ce

retontltris; ntais la question cst cle sitvoir ce qu'on fcra principe : I'icle n'est rien, si I'esltrit ne la vivilie.

Uue fera la F'l'ance nouvelle? Au lieu. cl'une socit r1ui, avcc sa

royaltt et SeS trois ordt'es, tr'tait corlplte qu'en fragtuetltaut I'lrornnte, la France cioit conslituerl'hontrne complet dans lct socit contpltee. Yoici plus de soixautc ans qlle la France chct'chc cette Terre Prornisc. Dals I'orrh'e civil, rle grancls r'sultats sont clfinitiventcnt acquis: tlans I'orclre politique et rnoral, cles conqutes non rnoins clatantes ont t tnintes lbis saisies et reperdues; on passe paI
des alternatives gigantesqucs de progrs et tlc

raction; des lans

procligieux sont suivis de longucs et profondes dfirillances. Le xvlrte siCle avait irnprim un essor cl'une itntnense andaCe; il n'a pas laiss cles ressources Inorales suflisantes pour soutcnir I'intpulsion jusclu'au Lrout, et le xlxe sicle n'a pas Su encole contillucr clignernent son devancier en le rectifiant et en le compltant. Des influences malheureuses. ont troultl I'hritage de la Rvolution. De faux prophtes ont dvoy les tues. Des aspirations parfois gnreuses, mais gares, cles thories cosmopolitcs ct panthistes, ont branl la libre personnalit et le patriotisme. Notre gnration s'est trouve dispute entre les fantmes du pass et les rves cl'un avettir contraire u gnie de la Fratlce'

'

1. Constitution de gl, Dclaration tles Drotts de l'hornme et 4w citoyen, 2. cette belle forrnule appartient II. Pierre Leroux, qu'elle n'a malheureusement pas prserv de systmes o I'homtne ne saurait Lte complel, puisque lalibre inrlividualit n'y est poirrt assure"

CONCIUSION

67li

Prise de torpeur aprs ces violentes agitations, elle semhle s'aban-

donner clle-nrme : elle se laisse emporter passiverlent par le reflux des doctrines rtrogrades, inrpuissance entrane par une
autre irnpuissance, et ne retrouve d'nergie que pour Ie culte des intrts matriels envelopp dans une sorte de fatalisme pratique. Prenons garde: les peuples sont faillibles et responsables colllrle les individus. Il n'y a point de fatalit, point de force inui,rtcible des choses par laquelle les destines s'accomplissent d'elles-mmes.
Ce sonl,l les rves rnalsains des

jours de dcadence, o les mes, les tres rels, abdiquant leurs fonctions, rvent on ne sait quelle machine fantastique qui rernplace par son utcanisme I'activit volontaire et libre. ll n'y a que deux forces dans le tnonde rnoral : la volont de la Providence et la volont de I'homtnc. La Providence a fait iucessatntnent son uvl'e chez uous : I'homme ne fait plus Ia sienne'. La Providence a thit appel sut' appel la France depuis soixante ans. La France avait bien commenc, mais continue-t-elle de rpondre ? Ce que la Providence nous deurande, ce n'est pas I'abclication de nons-mmes; 0e ne sont pas de puriles imitations du pass, des rminiscences sniles du rnoyen ge; ce sont des actes d'hotntnes; c'est le rveil de I'esprit de vie et de tibcrt, le rveil du droit et du devoir, du dvouement au vrai et a1 juste ; c'est la foi par les uYres; c'est une rnovation rcligieuse qui procde des vrits ternelles que le genre humain a reues dc Dieu, et non de combinaisons bumaines que le cours des ges a uses ct qu'il emporte. C'est un dveloltpetnent social qui cherche l'galit et la justice par la fraternit, sans s'imagitter
c:hanger les bases naturelles et ncessaires des socits

ni inventer

rrn homme autre que celui que Dieu a l'ait. Prenons garde ! la Providence peut se lasser: iI n'y a point de destines infaillibles. Pcrsonne n'est ncessaire Dieu. Le matre peut transfrer d'autres I'hritage nglig par le serviteur infidle. Que la Frattce regarde I'Espagne et I'Italie ensevelies durant trois sicles dans un tombeau dont elles soulvent aujourd'hui la pierre avec tant

cl'effort

rielx champsdebataille; maisil fautque I'on retrouve stln esltrit

l. crit en 185{. Depuis,

on recommene ile retrouver lal'rance srrr de glocomme son pe'

676

coN0ltrsloli'

tlans le pass, sonde ton le joug de hors de toi+urne!Depuis longterups tu n'es pltts st'rtts est, romaine Iatradition dcs Gerrnains; le cycle de l'ducation plus rien puis n'a son touL, achev pour toi: le gnie tle Rome sous sa tliscipline despotique , qui
t,apprenclre :

si avant tes racines Race des Gaulois, race novatrice qui plonges ! I{e cherche pas reconuais-toi cur et

ili'etouffcrait aux fait acheter Ie progrs rnatriel et une superlicielle unit totl Interroge hurnaine. dpens de la vie utorale et de Ia dignit qui as parole Toi chrtienne. prp.. gnie, transform par ia et la cloctrine autrefois dvelopp dans le moncle le sentirueut dans ta source irnage ton regariler tlc de I'irnrnortalit, i1 te suflit matrialisme le dont souill pour rejeter loin cle toi le linceul

celte mmoire i'errueloppe. Rcssaisis cette i,nspiration pr;morcl,ale, un pro. suivant propl.e, c,ett,e inrJestrtlctibLe i,n'c]i,uiduatit que Dicu, tout tre ett iorrd interprte de tes antiques souvenirs, a donnes et tu le crant. Rpte Ia parole cJu sage : colfuats-rot rot-rrntr: !
seras sauve.

TTIN.

TBLE DES MTlnEs


CONTENUES DNS LE TOME SEIZIEITE

SEPTIEME PARTIE.
DEOADENCE DD LA UqNAnCIIIE.

LME

XCIX.

- Lns rnrr,osopnps.

(Suile.

Pages'

Vor,rernl; ET r,ES Excvcr,orDISTES. - Voltaire Berlin et l-ernei. IttaphyCandide. Dveloppements de la philosophie du xvlrro sicle. I\[ouvenrent, des sciettces. sique de Condillac. - Illorale d'Helvtius. Sciences de la Nature. Burrox. Lhsrornn N.c,ruHnLLE. D'Alembert.

tlistoire et Thorie de Ia Terre, poqnes d,e la Natute. Histoire iles anirnanr. I)rpnnor:. Ses plerniers crits. Sotr association avec Ne'run,rr,rsnru. cle Diclelot. L'Encyclopdie. Le Discowrs prilrmid'Alembert. Univelsalit noire. Esthtique de l)iilerot. If-c.rtiRr"rr.rsun. (1748-1774\ .
LIVI{E

C.-

Lns P}trlosoPnrs. (Suilc.)


reli-

Rousspeu.

et jeunesse de Rousseau. gieuse et dmocratique. - Discowrs - Origines sur les sciences. Discours sur l'Ingalitd. Essai, sur l'origine des lan'gues, Noutelle IlIotse. Eltrr,p. ,f,a Vrcrrnp sAvoYRD. Conrur socrAr,. I'eltres ile I,a

- Le Spiritualisme ramen par le sentiment. l'hilosophie

trlontagne.(L749-L767).. LME
CI.

60

Lps rsrrosopgns.

(Sud,e.)

Roussuu DT LDs pgrLosopnrs.-Lus coxoursrps.- Influence

de Rous-

seau sur les crivains. Voltaire modifi par Rousseau. Iif?rtmes rclames Rsistance de la philopar Voltaire. Voltaire et les parlenents. Calas.

678

'AtsLE lltt s I,lrI TIE

R ES.

sophie matrialiste. I,ropagancle athe de d,Holbach. _ Communi..n. l\Io-PnB.r. ses irles politiques et sociares. Influence tre Rousseau sur - Ilabri*s murs - David. et sur les arts. Grctrr. Gruck. Louis politique' PHrsroc*r's' - Ii.;;;ie Quesnai' Gournai. Tuneor, conomiste et phirosophe.

relli'

(r762-\i74).

133

LIYRE CII.
Mrnrsrnn on cnorsrur,'

Lours xv.

(Sar.te et frn,)
nenrus

a, capareur.-MortdeLouisXV.(l?63.l774).,.

-_ Nouvelles querelles avec les pallemerrts. procs de La clialotais. -* l'or.t du dauphin' Projets de clioiseul pour releve' la France. Amliorations - et dans I'arme la marine. Aco}iisiiion de Ia Colse. Iraoii. _ Afhires de Pologne. cathe'ine et Frcrdrii IL conrdra,tiott, d,e IJar. {assacres de I'ukraine. Les polouais et J.-J. Roussea*. Dumouriez en pologrre. Guerre des Russes et cles Tu19s. projets entre Ia prusse et l'Autriche pour le partage de Ia Pologne.:Mariage du rouvcau dauphin et d,e trIarie-Antoinette. Terrai, contrleurrgnral. Systme de banqueroute.Chute .e Choiseul. Rgne de Ia Dun-r.nru. TrrulryrnT prr r{,ruer:;ou, Tr:nnlr Brn,ArGurLLoN. Dnsrn'crroa Dns La Russis adhrc aux prans de Frddric II. p-c.*recn Dn 'ARLnrrENis. LA por,ocxu. Le mirristre d,Aiguilro'aban_ donne la Pologne.. L]AnSl$gye comptice. _ pacte p^tr. Le roi
ac_

lementl. madame - Ifort de dans Ia politique. premiers essais

les constitutions des Jsuites. Lns Jsur'cr* sion de I'ordle par le pape Clmcnt
de

proc;

.u

pre La valette. com,ptes

ooo"r, ,r; F;;*"u. s'ppresXIV. L"it*; .il io-i,o" et cles parde pompaclour. _
fnvasion des conomistes libert comrnerciare et indust'ielre.

sur

illrliE CIIL Lours

Lours xvr Er ftneor.

xvl

etc. Rtabrissement des parlements. Rformes conomi- comrnerce ques- Libert cru - Nucnnn des grains. Attaque de contre res plans de Turgot. coalitiou des p"i-vitegis contre Turgot. Les philosoprres diviss sur la question conornique. ombats .e Voltai'e en faveur. de Turgot. Guerre des farines. La sdltion f<rmente par les privilgis est comprime. clbres remontrances de Ia cour des ai*es co'tr le systme fiscal' Ialesherbes, leur auteur, appel au ministre. Nombreuses amliorations conomiques. ao J",Saint_cermaio. - Rformo*-.irito;r'ou de la corve. "rnrtu Suppression jurancles des et maitrises : tablisse-Abolition ment de ra libert du commerce et de l'industrie. Resirt"rrce-au"parlernerrt et attaques violentes contre Turgot. Lit de justice. d.u commerce des - I-ibert s,unissenr Lc's princes , Ilraurepas, la cou' et le par.leme't lnr. contre Turgot. Chute de Turgot et de n{alesherbes. (l7?d -1726).

d'w royawnte,

Tunor contrleur gnrar. ses planis-ile refoin e z ra

Er sA FAMrr,r,n. Marrrepas appel an pouvoir. chute d. triwmrirat,


Grantd' municipuritti

Bl0

LIVRE CIV.
Gupnnn n':unrqun.

Lours

xvr. (Sur.re.)

DE r,'np DE L Rvor,urrox. - onvnnrrrRn Clugni, contrleur-gnral. Raclion. La loterie. Rtablisscment de la corve.

TAllL

li DBS I'l A'l'lltttES'


arrte'

679
Pages.

cleclugni. La raction Rtablissement cles maitrises et jurandes. IIofi l'ordre darrs ]a comptabiNecker, tliregteur des firrances. Rtubli,..*ent de Voltaire Paris' Ilort de lit et du crdit public' Rformes cliverses'

\roltaire et

u'lrnrQuD' Dcr"rn'luoN DEs des frrstr'rgents. ]lle culieux de DROTTS. souivement, indirects aux litsurgents' Beaumarchais. Le gouvernement fournit des secouls en AnrriDcr.ln.lr toN o'rxprnND-r)icu nus r'trs-UNrs' L'L FlrErrB
cle Rousseau.

-RvoLUrIoN de l'opilion cn faveur

"urr." eilcs Etats_I_I'is. Rupt*re avec I'A.g'leterre. Bataille d'Fstaing en saut. L'IDde ilglige. I'elte de I'onilichri' ExpditioD -cle Arnriquc.Pl'isedelal)orrriniqrre.Pertetleslrinte-Lucie.CorrqutcduSnl)russe. I,aix .-le Tes. gat. _.ltoaiation de lil Frarrce entre l'Autr'iclre ct Ia

que.Legouvefnementctrtrarrparl'rrpini<lrr.Traitd'trlliarrceentrela

navale cl'o.es-

chen'_L,Uspagrres'lrlliela}-r'lncc.-I,risedesaint.Virrcerrtet'dela Les EspaC"-a.. .,rr.'irr Sa'ar'rah. Iixploits de la mariue franaise'


(luicircn contre Iiotlrrey' Exptli gnols envahissent les Floritles. succs rle cle la rntrine anglaise Viole'ces t"t*-U'is. tir-rrr de Rocha'rltcau -

contrelesneutres'NeutraliturmdedwNord.L'rigleterreattaqueleHollande et euvahit ses colouies.

"o*

conqute cle.[Iinolque. Prise de'Tabago'

-Capitrrlationd'Yor'l<-To11'n:unearnreanglaiseserenrlprisonuireaux d'mrique' Plisc de !-ranco-Amricaius, lieprise tles colo[ies hollanclaises

bataille navale aux Sai't-Christophe. - Cjrute rte Neclier'. -Pcrte 'urre tarilifs clans I'Intle' Antillt s. Attaqrie infructrieuse cle Gibraltar. - Eti"orts Trinquernal' Ilussi Surnnrx' Siz batailles navales en deux arrs' Reprise de rerrvoydansl'Ind'e.Haider.AlietTippoo-Sah.Suffr'cnsauveBussiassig traits ilans Goudelour par les Anglais' Il est artt par'! P$'-Nouveaux iles 1i165-fTnis' T'a Frarrce de paris. L,Angleterre recJ'nait f inilpe'clance negarrl'edesesconqutesclueT'abagoetlesngal,ctt'ecotrvrecequ'elle ct les Floricles' a pelclu pcnrlant la'g.,er.ei.L'ltrspagne garcle Xlinorque

(u?6-r?s3).

383

LIVIfE CV.

Lours

xvr'

(srzile')

MrxrsrnpDENECI{ER.EtatfirrancierclelaFrancesousNeckeretsessuc-"rrr.orr,jusqu'en1?83.-mliorationsconomiqnesetjudiciaires'Assemblesprovinciales'Conlpterettilu,tlt.s|inances.I)nissiondeNeclier._ aux finlnces'-- }luns' Raction. Ilott de }laulepas' Caloune appel guerr,e rl'Amric1ue.- La socit tle LETTRES o" *"ro..La aprs la

rnfos,

lareine.Lexlariaged,eliigaro,_Betnarrlinclesaint-Pierre._I,agrange.

mystique. l\fesnrer' L-lvorsrnn.- Les arostais. - Condorcet. - Mouvernent (17?8-1789 ) Saint Martin. Fr*rruonnerie' - N1nls e'

490

LIYRE CVI'

Lours xvr' (Suite et firt'lr

Dnnxrpns JouRS DI' r, rloNRcrrln'

finances.-ProcsclucolJier.-Calonneveuttentersontourlarforme. Assnlrgl,BDEsNOTBLES.veudrrd'ficit.ChutetleCalorrrre._}Iinis. et les parlements. ;* ,, Brienile. La lutte ecommerrce eutre Ia cououne Al'aissement au uts-cr'lnlux' les demanile I'aris de pu.l.ro"nt f" contre les

Ministre de C'lr'oNxn' Chaos

des

Lrror, I affaires rle


parleureuts. t

Flollancle.

cowf l)tnire. Larroblesse

Brienne recommeuce x'Iaupeou

soutielt

les parlements. 'rroubles

,/
I
I

680

TA

B[,8 DES

lII

ATI}']RES.
Pages,

gis. Pamphlet de srnvs: eu'est-ce guere Tiers-Etat?'I'ourrles cle B'etagne. Ihnl''o,l.u en Provence. tections. Les c,\nrrrrns. ouverture des

en Bretagne, en l]anr , en Dauphin. Assemble rle \rizille. promesse tles r.e.rs-cNnaur pour 1789. commenceme..t de banqueroute. crrute de Brienne. Ilappel de Necher'. seco'de assernble cles Notables. Immense - de mouvement la presse politique. Lutte e'tre re Tiers-tat et res p.;oite-

rirLrs-cnRAu'i. Le Tiers-tut se dclare assMBLE rq.c.rrow,\ln. l.lx on, r'ANcrEN Iiclnrn Er DE r,e Morvencurr. 538 {17g3_l?gg).
CONCLUSION

.'

.65t1

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IN DE L rBLn nrs u.r,rtngs.

PaRrs. -

ttr pRrttERIl DE J. cLATE, RUE saINT-BE, l{olt.

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