Histoire Ancienne Afrique Du Nord Stéphane Gsell Tome1
Histoire Ancienne Afrique Du Nord Stéphane Gsell Tome1
Histoire Ancienne Afrique Du Nord Stéphane Gsell Tome1
HISTOIRE ANCIENNE
DE
LAFRIQUE DU NORD
TOME I
LES CONDITIONS DU DVELOPPEMENT HISTORIQUE LES TEMPS PRIMITIFS LA COLONISATION PHNICIENNE ET LEMPIRE DE CARTHAGE
PARIS
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
LIBRAIRIE HACHETTE
HISTOIRE ANCIENNE
DE
LAFRIQUE DU NORD
LIVRE PREMIER
LES CONDITIONS DU DVELOPPEMENT HISTORIQUE
CHAPITRE PREMIER
LES RGIONS NATURELLES DE LAFRIQUE DU NORD
I La contre dont nous nous proposons dtudier lhistoire ancienne, jusqu la conqute arabe, stend, au Nord, entre le dtroit de Gibraltar et lextrmit Nord-Est de la Tunisie; au Sud, entre lAnti-Atlas et le golfe de Gabs. Nous adoptons pour la dsigner le terme conventionnel dAfrique du Nord; on a aussi nomme Berbrie, Afrique Mineure. Nous y joindrons, comme une sorte dannexe, le littoral du fond des Syrtes: dans lantiquit, cette lisire du Sahara a t rattache ltat carthaginois, puis lAfrique romaine. Vaste quadrilatre, baign par la mer lOuest, au Nord et lEst, bord par le dsert au Midi, lAfrique du Nord est isole
comme une le : les Arabes ont pu lappeler lle de lOccident(1). Mais cet isolement fait seul son unit. Elle est compose dun grand nombre de rgions disparates(2). II Celle quon nomme le Rif, et qui est encore fort mal connue, stend au Nord du Maroc actuel, opposant la Mditerrane un front escarp. A lintrieur, se succdent, des intervalles rapprochs, des plis parallles au rivage ; dans la partie NordOuest du pays, ils se recourbent vers le Nord, constituant avec les montagnes de lEspagne mridionale un grand hmicycle, que le foss de Gibraltar a coup brusquement et qui marque la bordure dun massif ancien, effondr dans la Mditerrane. La disposition du relief empche la formation de rivires importantes. Mais, grce au voisinage de la mer et il lexistence de montagnes leves, les pluies sont abondantes; les valles, courtes et troites, qui sillonnent cette rgion tourmente et daccs malais, se prtent il, larboriculture, llevage et, par endroits, la culture des crales ; elles peuvent nourrir une forte population, capable de dfendre son indpendance. A lEst du Rif, dbouche la Moulouia, qui, du moins dans
____________________ (1) Djezirat ci Maghrith. (2) Il na pas t crit douvrage gnral sur la gographie de lAfrique du Nord depuis lise Reclus (Nouvelle Gographie universelle, tome XI, 1880). Pour le Maroc, voir surtout Schnell, LAtlas marocain, traduction Bernard (1808) ;Th. Fisher, Mitelmeer Bilder, I, p, 358 et suiv.; L. Gentil, le Maroc physique (1912) ; A. Bernard, le Maroc (1912), p. 11-34. Pour lAlgrie, Bernard et Ficheur, Les Rgions naturelles de lAlgrie, dans les Annales de Gographie, XI, 1902, p, 221-240, 330-367, 419-437. Pour la Tunisie, Pervinquire, La Tunisie centrale, dans les Annales de Gographie, IX, 1900, p. 434-455 ; le mme, tude gologique de la Tunisie centrale (1913) ; le mme, Le Sud tunisien, dans la Revue de Gographie, III, 1909, p. 393-410 ; Ph. Thomas, Essai dune description gologique de la Tunisie, premire partie, Aperu sur la gographie physique (1907). Pour la Tripolitaine, Mhier de Mathuisieulx, dans les Nouvelles Archives des missions, XII, 1904, p, 48-59, et dans les Publications de lAssociation historique de lAfrique du Nord, V, 1906, p. 47-81.
son cours infrieur, a marqu pendant des sicles une limite entre des royaumes indignes, puis des provinces romaines. Au Sud, une longue dpression(1), oriente de lEst lOuest, tablit une communication facile entre lAlgrie et la cte de lAtlantique. En suivant un afuent de gauche de la Moulouia, on arrive par Taza un afuent de droite de loued Sebou, euve qui se jette dans lOcan. Ce fut probablement par cette voie naturelle que passa la frontire militaire des Romains dans la Maurtanie Tingitane. Le reste du Maroc a pour pine dorsale le Haut-Atlas. Cette chane commence au-dessus de lOcan, au cap Ghir, et, se dirigeant du Sud-Ouest au Nord-Est, forme une norme muraille compacte, dont les sommets atteignent 4500 mtres et o les cols sont levs et difciles. Ce nest quau Sud de la haute valle de la Moulouia quelle sabaisse et se morcelle, ouvrant des passages qui permettent datteindre sans peine les oasis sahariennes de loued Ziz et de loued Guir. Sur une grande, partie de son parcours, le Haut-Allas est anqu, au Nord-Est, par les plissements parallles du MoyenAtlas, au Sud-Ouest, par la chane de lAnti-Atlas, rattache au Haut-Atlas par lnorme volcan teint du Siroua. Au Nord et au Nord-Ouest du Haut et du Moyen-Atlas, stend, partir du littoral, une rgion darchitecture tabulaire, que lon a propos dappeler soit le plateau subatlantique, soit la meseta marocaine (parce quelle offre la mme structure que la meseta ibrique, plateau central espagnol). Une longue falaise la divise en deux terrasses superposes, la premire dune altitude moyenne de 150 mtres, la seconde de 500 mtres, coupes par les lits profonds de quelques rivires qui se dirigent vers lOcan, en scartant comme les branches dun ventail. troites au Sud-Ouest, ces terrasses slargissent ensuite ;
____________________ (1) Qui fut un dtroit lpoque miocne, comme la montr M. Gentil.
elles disparaissent au Nord pour faire place la plaine dalluvions de loued Sebou, entoure dun pays de collines et de mamelons. Le long des ctes et sur une profondeur moyenne de 70 kilomtres, cette rgion est en gnral sufsamment arrose par des pluies quamnent les vents dOuest. Il y a l dexcellentes terres, surtout les sols noirs auxquels on a donn le nom indigne de tirs et dont lorigine est encore trs discute. Cette partie du Maroc, dpourvue darbres, est, sur de vastes espaces, trs propice la culture des crales ; elle offre aussi de riches pturages au gros btail; chevaux et bufs. Mais les sources y sont trs rares et lon doit sy procurer leau potable en creusant des puits profonds, ou en tablissant des rservoirs. En arrire, s allonge une zone de steppes, dont la strilit a pour cause la raret des pluies, bien plus que la nature du sol. Lirrigation y est difcile cause de la hauteur des berges des euves. On y lve des troupeaux qui, pendant lt, doivent transhumer. Enn, une altitude moyenne de 600 mtres, au pied mme des montagnes, qui attirent les pluies et dont les neiges gardent des rserves deau jusque vers la n du printemps, de nombreuses sources peuvent servir des irrigations et faire prosprer de magniques vergers. Des ceintures de jardins entourent les villes et les villages qui ont pris naissance dans, cette rgion leve, au climat tempr et salubre. Le; Haut et le Moyen-Atlas forment des crans qui arrtent le, nuages chargs dhumidit. Au del de ces montagnes, la vie nest possible que le long des rivires qui en sortent et dont leau sert arroser des cultures. Du ct de lAtlantique, entre le Haut-Atlas et lAnti-Atlas, loued Sous parcourt, sur environ 200 kilomtres, une plaine troite, trs encaisse. Cest un dsert en dehors de la bande
de jardins qui accompagne la rivire, entirement utilise pour les irrigations. Loued Ziz, loued Guir et dautres cours deau qui les rejoignent naissent sur le versant mridional du massif atlantique et vont alimenter, en plein Sahara, des chapelets doasis, dont les plus belles sont celles du Talelt. Plus lOuest, loued Draa, dabord peu prs parallle ces rivires, tourne ensuite brusquement vers le couchant et son sillon se prolonge jusqu lOcan, travers le dsert. Des oasis bordent les rivires qui le forment et celles qui, sortant de lAnti-Atlas, cherchent le rejoindre. Au del mme du coude quil dcrit, loued Draa garde quelque humidit souterraine, et de maigres cultures sont possibles dans son large lit. III LAlgrie comprend dans toute sa longueur une zone centrale de grandes plaines, situes une altitude leve, et, au Midi et au Nord, deux zones fort accidentes. Au Sud, cest la srie de montagnes, orientes du Sud-Ouest au Nord-Est, qui constituent lAtlas saharien. Au Nord, stend, sur une largeur moyenne de cent kilomtres, le Tell, dont le nom se rattache un mot arabe signiant colline, plutt quau mot latin tellus, terre cultivable. Le Tell est hriss de chanes confuses de diffrents ges, diriges le plus souvent du Sud-Ouest au Nord-Est dans la partie occidentale de cette contre, de lOuest lEst dans la partie orientale, jusque vers Bne, o une sparation assez nette est marque par la plaine basse de la Seybouse. Il est fort difcile de dbrouiller le chaos des montagnes du Tell(1).
____________________ (1) Le Tell na pas dunit orognique. Cest un habit dArlequin ; Gautier, Annales de Gographie, XX, 1911, p. 300.
MM. Bernard et Ficheur lont tent dans un mmoire(1) que nous avons beaucoup mis contribution pour tracer cette rapide esquisse de lAlgrie. Le littoral est bord par les dbris, pars et l, dun massif ancien, fait de gneiss et de schistes, contre lequel sest dresse au Sud une chane calcaire. Le massif, qui couvrait une partie de lespace occup aujourdhui par la Mditerrane, a t presque entirement englouti. Le golfe de Bougie est une fosse creuse par cet effondrement, qui eut lieu lpoque pliocne et fut accompagn de phnomnes volcaniques sur les bords de la fracture (2). Entre les restes de ce massif, dans le voisinage immdiat de la mer, sinsrent quelques plaines basses, trs tendues, mais dont les anciens nont pas pu tirer grand parti. Celle qui sallonge au Sud-Ouest et au Sud dOran, et quencombre une cuvette sans coulement, est rendue strile par la salure des terres ; ce sel, arrach des gisements situs sur le rebord de la plaine, est charri par les eaux et vient samasser dans le lac. Plus lEst, deux rivires importantes, le Sig et lHabra, se runissent et forment, dans la plaine de la Macta, des marcages que les alluvions comblent peu peu. Dans lantiquit, le sol humide devait tre presque partout impropre la culture. On ne trouve gure de ruines que sur la lisire mridionale de ces deux plaines, le long dune voie qui parait avoir marqu, pendant plus dun sicle et demi, la frontire militaire de lEmpire romain. En arrire dAlger, la Mitidja, que la colonisation franaise a rendue si prospre, fut jadis un golfe, puis un lac, quun bourrelet de collines sparait de lamer et que les apports des rivires qui viennent du Sud ont lentement combl : lcoulement des eaux y est encore imparfait. Le centre de la plaine
____________________ (1) Voir plus haut, p. 2, n. 2. (2) Bernard et Ficheur, l. c., p. 222. Au Sud-Ouest dOran, la rgion dAn Temouchent prsente des vestiges de volcans, dont les cnes dtruits et les coules ont form des terres noires, trs fertiles, exploites dj dans lantiquit.
tait probablement marcageux aux premiers sicles de notre re. Des ruines romaines ne se rencontrent que sur les bords, de la Mitidja, au pied des montagnes qui lenserrent de tous les cts. A lextrmit orientale de lAlgrie, une autre grande plaine stend prs de la Mditerrane, derrire Bne. Elle, est aussi occupe en partie par des marcages. Parmi les pays montagneux qui bordent les ctes, le Dahra, limit au Sud par la valle du Chlif, offre des plateaux dnuds, favorables la culture des crales, pourvus de sources abondantes, et des chanes encadrant plusieurs valles, dont les parties les plus fertiles ont t exploites par les anciens. A lEst du Dahra, la rgion schisteuse de Miliana est trs ravine et en gnral strile, avec de maigres pturages dans les clairires des forts et quelques sols cultivables sur les lisires du massif. La grande Kabylie est constitue au centre par un plateau de terrains anciens, gneiss, schistes, micaschistes, et borde au Sud par la chane calcaire du Djurdjura, aux cimes denteles, dont la plus haute dpasse 2300 mtres. Des valles trias encaisses coupent le plateau et forment de vritables fosss entre les tribus dont les innombrables villages couronnent les crtes(1) . Le sol est peu fertile, mais leau abonde, grce aux condensations que provoquent les hautes altitudes et aux rserves de neige que le Djurdjura garde jusquau mois de mai. Cest un pays darboriculture, o, dans lantiquit, la population devait tre dj dense, mais o la colonisation romaine ne semble pas avoir pntr. Au Nord, stend, de lEst louest, la valle de loued Sebaou, propice aux crales, puis, entre ce euve et la mer, une chane de grs, au pied de laquelle des ruines de cits schelonnent le long du rivage. Langle oriental de la Kabylie est aussi occup, par des grs, qui portent de belles forts de chnes.
____________________ 1. Bernard et Ficheur, l. c., p. 226.
A lEst de la grande Kabylie et jusqu Bne, la Mditerrane est borde presque partout par des massifs trs tourments, o les rivires se fraient pniblement un chemin. Les grs couvrent de vastes espaces, revtus de magniques boisements de chnes. Les terres, siliceuses, se prtent mal la culture des crales, sauf dans les valles, dailleurs troites, o des alluvions argileuses se sont dposes. Mais, dans cette rgion leve et bien expose aux vents humides, les pluies entretiennent de belles prairies et des vergers prosprent autour de nombreuses sources. En dehors des forts, elle parait avoir t assez peuple aux temps antiques. A lintrieur du Tell, des valles, de hautes plaines, des plateaux sparent ou pntrent les massifs montagneux. Des plaines, dune altitude moyenne de 400 mtres, se succdent lEst de la Moulouia jusquau del de Mascara. Celle des Angads, qui fait partie du Maroc, est sche et strile. Celles qui stendent au Nord de Tlemcen et de Lamoricire sont mieux partages. La plaine de Sidi bel Abbs est couverte de terres lgres, friables, dans lesquelles sont incorpores des par celles de phosphate de chaux et qui nont pas besoin de beaucoup dhumidit pour porter de belles moissons. Les pluies, bien rparties il est vrai, atteignent peine une hauteur annuelle de 40 centimtres Sidi bel Abbs. La plaine dEgris, au Nord de laquelle se trouve Mascara, en reoit moins encore et la constitution du sol y est moins bonne : aussi na-t-elle que peu de valeur agricole. Ces plaines sont bordes au Midi par une srie de grands gradins, forms de grs, de dolomies, de calcaires(1). Des rivires assez importantes prennent naissance dans cette rgion accidente et la traversent pour se diriger vers le Nord, coulant dans des gorges ou dans des valles troites; elles dbouchent
____________________ (1) Monts de Tlemcen, de Daya, de Sada, de Frenda.
brusquement sur le pays plat, quelques-unes par des cascades. Les sources; nombreuses la lisire des plaines, permettent la cration de beaux jardins. Tlemcen, admirablement situe plus de 800 mtres daltitude, tourne vers la mer, dont elle reoit les brises rafrachissantes, dfendue des vents brillants du Sud par le vaste talus auquel elle est adosse, sappelait lpoque romaine Pomaria (les Vergers), et ce nom serait encore trs justi. Sur les gradins, il y a des forts tendues, mais clairsemes ; quelques zones marneuses sont propres lagriculture. Une frontire militaire, tablie par les Romains vers le dbut du troisime sicle, longeait, par Lalla Marnia, Tlemcen, Lamoricire, Chanzy, le rebord septentrional de ce haut pays, quelle coupait ensuite, passant vers Franchetti, Tagremaret, Frenda, et traversant, sur une partie de son parcours, des bandes de terrains fertiles. Au del mme de cette frontire, une population assez dense sest installe, soit dans lantiquit, soit plus tard, sur les sols favorables a la culture, en particulier aux alentours de Sada. Le Chlif, euve qui nat dans lAtlas saharien, traverse les hantes plaines de lAlgrie centrale; stant soud un cours deau mditerranen, il entre dans le Tell Boghari. Bientt, il tourne vers lOuest, direction quil garde jusqu la mer. La valle quil suit forme une longue dpression entre le massif de Miliana et le Dahra, au Nord, le massif de lOuarsenis, au Sud. Elle tait parcourue par une voie militaire romaine, qui a sans doute t faite aussitt aprs la conqute de la Maurtanie et qui a dvelopp la colonisation. Cette valle nest cependant pas un couloir largement ouvert : des tranglements, forms par des collines, la divisent en trois parties(1). Les terres alluviales, compactes et profondes, sont trs fertiles quand elles sont arroses. Mais la barrire du Dahra arrte les pluies qui,
____________________ (1) Plaines du Djendel et dAffreville, plaine des Attafs, plaines dOrlansville et dInkermann.
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souvent, tombent en trop petite quantit pour assurer la bonne venue des crales et qui sinltrent mal dans un sol peu permable. Cest par une irrigation bien comprise ou par le choix dautres cultures que la valle du Chlif petit prosprer. Le massif de lOuarsenis est form de plissements confusment entasss autour dun grand dme calcaire et coups par des afuents du Chlif. Il offre de belles forts, mais, sauf dans quelques valles, o lon trouve des ruines antiques, les terrains, schisteux ou grseux, ne se prtent gure qu llevage. Ce massif est bord lOuest par la Mina, qui, avant de rejoindre le Chlif dans une large plaine, facilement irrigable, descend un couloir donnant accs au plateau de Tiaret, au Sud de lOuarsenis. La rgion, dune altitude de 1000 1200 mtres, situe au Sud et au Sud-Est de Tiaret, se distingue par sa fertilit des plaines leves du centre de lAlgrie, qui la continuent sans transition. Grce aux pluies quelle reoit du Nord Ouest par la valle de la Mina, les terres dalluvions, riches en phosphate de chaux, qui la couvrent peuvent porter de belles moissons. En grande partie incorpore par les Romains dans leur frontire militaire du IIe sicle, elle a t trs peuple dans lantiquit, et mme dans les temps qui ont suivi linvasion arabe. Cette zone fertile se continue au Nord-Est, le long du Nahr Ouassel, qui se dirige vers le Chlif. La frontire romaine dont nous venons de parler passait par l, sur la lisire mridionale de lOuarsenis, pour aller couper le Chlif vers Boghari. Au del des montagnes abruptes et ravines qui dominent au Sud la plaine de la Mitidja, le plateau, argileux et nu, de Mda, au relief tourment, dcoup par les profonds sillons des rivires qui sloignent vers lOuest, le Nord et lEst, a de nombreuses sources et nest pas dpourvu de terres propices aux crales. Il forme un passage, dailleurs assez difcile, entre la valle
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du Chlif et les trois plaines des Beni Slimane, des Aribs et de Bouira, qui se suivent de lOuest, lEst, reprsentant une ancienne valle, une altitude de 600-500 mtres. La premire de ces plaines souffre de la scheresse ; plus a lEst, la rgion dAn Bessem a de bonnes terres et reoit assez deau de pluie : les ruines antiques y abondent. La plaine de Bouira conduit la valle de loued Sahel, appel plus bas oued Soummane, qui borde la grande Kabylie au Sud et lEst. Comme celle du Chlif, cette valle est coupe par des obstacles : sur deux points(1), le euve a de se frayer un passage a travers des barrires rocheuses. Le sol dalluvions est trs fertile. Mais, l encore, les pluies sont souvent insufsantes : la chane du Djurdjura les arrte. La culture des crales est alatoire ; larboriculture, qui craint moins la scheresse, court moins de risques. Lextrmit de la valle, prs de la mer, jouit pourtant de conditions plus favorables. Les ruines sy pressent et une colonie importante, Tubusuptu, y fut fonde ds lpoque dAuguste. La voie militaire romaine, venant de la valle du Chtif, ne passait pas par Mda, ni par les plaines qui se suivent jusqu loued Sahel. Elle lait plus au Sud, par Berrouaghia, Sour Djouab et Aumale, tablie sur une large bande calcaire(2), dans la partie septentrionale dune rgion accidente, que parcourent dOuest en Est des chanes parallles. Les intervalles ravins sont occups et l par des marnes, mles de phosphate de chaux, qui constituent des terres fertiles, ou par des argiles do sortent des sources et qui portent de beaux pturages. Ce pays montagneux fut enferm dans la frontire militaire du IIIe sicle, qui en suivait la lisire mridionale, depuis Boghari jusqu Sidi Assa, au Sud dAumale. Dans le Nord de la province de Constantine, derrire la
____________________ (1) A. Takriets et Sidi Ach. (2) Cnutier, Annales de gographie, XIX, 1910, P. 232.
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chane calcaire qui borde le massif ancien, les montagnes de grs ou de calcaire se succdent, gnralement en rangs compacts, jusquaux hautes plaines de la zone centrale. Les rivires suivent dtroites valles, ou se faulent avec peine dans des gorges trangles. Cependant, les plaies sont abondantes, et, l o les terres conviennent aux crales, larboriculture, llevage du gros btail, les tablissements antiques ont t nombreux. Deux bassins compris dans cette rgion furent surtout trs peupls. Celui de Constantine est un ancien lac, long denviron 80 kilomtres de lOuest lEst, large dune vingtaine de kilomtres, combl par des argiles et des poudingues, dun aspect tourment. Quoiquil ne soit pas particulirement fertile, il a t cultiv dune manire intense, formant en quelque sorte la banlieue de la ville de Cirta (Constantine) ; qui, bien avant la conqute romaine, a d son importance une incomparable position dfensive, sur un roc abrupt. Le bassin de Guelma, parcouru par la Seybouse, qui en sort en rompant une barrire, offre des marnes favorables la viticulture et aux crales. On rencontre partout des ruines romaines au Sud de ce bassin, dans le pays montagneux sillonn par loued Cherf, une des branches de la Seybouse, et par ses afuents, par dautres rivires qui vont se jeter plus loin dans la Seybouse, enn par le cours suprieur de la Medjerda : des terres fertiles, argileuses, satures de phosphate de chaux, y couvrent de grandes tendues. IV Au Sud du Tell, sallonge, dans les provinces dOran et dAlger, une rgion de steppes, qui commence ds le Maroc, entre le Moyen et le haut-Atlas, et qui va se rtrcissant et sabaissant de lOuest lEst, avec une altitude de 1200 800 mtres.
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Elle se compose de vastes plaines, spares par des rides lgres et parsemes de grands lacs, cuvettes peu profondes, presque sec en t, rceptacles en hiver deaux qui charrient des sels. Le sol des steppes est form dalluvions dordinaire siliceuses, meubles ou agglomres, recouvertes peu prs partout par une sorte de crote calcaire, qui empte des cailloux et des graviers, et dont lpaisseur varie de quelques centimtres plusieurs mtres(1). Lexistence de cette carapace, la nature sale de beaucoup de terres rendraient la rgion impropre la vgtation arbustive et lagriculture, mme si les pluies y tombaient en quantit sufsante. Il ny pousse que dhumbles plantes, qui rsistent la scheresse et se plaisent dans les terrains sals. Cest un pays de maigres pturages qui ne durent mme pas toute lanne. Entre ces steppes et les hautes plaines de la province de Constantine, sintercale le Hodna, bassin ferm, qui offre au centre un grand lac, aliment par les eaux du pourtour. Rgion effondre ou cuvette drosion(2), le Hodna na quune altitude moyenne de 400 mtres, trs infrieure celle des pays qui le anquent. Il reoit peu de pluie et ne pourrait tre quune steppe, malgr la fertilit de ses terres dalluvions, sil ntait le dversoir de rivires qui naissent dans les hautes montagnes de la bordure septentrionale du bassin, ou qui les franchissent, permettant des irrigations sur de grands espaces, au Nord du lac. Au Sud, des dunes forment une sorte de dsert, avec la belle oasis de Bou Saada, Le Hodna a t incorpor au territoire romain. Le centre de la province de Constantine est occup par de hautes plaines, qui se prolongent dans la Tunisie occidentale. et l, surgissent des chanons, le plus souvent calcaires, morcels et ravins par les rosions, aux ancs nus ou portant
____________________ (1) Bernard et Ficheur, 1. c p. 420. (2) Voir Gautier, dans la Gographie, XXI, 1910, p. 98.
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une maigre vgtation de pins dAlep, de thuyas, de genvriers, doliviers sauvages. Dans la partie Nord-Ouest de cette vaste rgion, ils se dirigent de lOuest lEst, comme les plissements du Tell de lAlgrie orientale. Les autres, beaucoup plus nombreux et qui se rencontrent dj dans le voisinage du Hodna, sont orients du Sud-Ouest au Nord-Est, comme lAtlas saharien ; ils se prsentent souvent sous laspect de dmes base circulaire ou elliptique : type caractristique de lorographie tunisienne, mais quon observe dj en Algrie. A lEst, les rosions ont parfois dcoup des tables, plates-formes aux pans abrupts, dont la plus remarquable est la Kalaa es Senam, entre Tbessa et le Kef(1). Les plaines, mamelonnes dans la Medjana et aux alentours de Stif, plus unies lEst, sont situes des altitudes de 700 1000 mtres. Celle de la Medjana sincline vers le Sud et cest la direction des cours deau qui vont rejoindra loued Ksob, avant son entre dans le Hodna. Les autres plaines septentrionales de la rgion dont nous parlons appartiennent au versant mditerranen et sont parcourues par des rivires qui contribuent la formation de la Soummane, de loued et Kbir, de la Seybouse. Au Sud, il y a des plaines cuvettes centrales, o viennent samasser en hiver des eaux souvent sales, absorbes en t par lvaporation : nous retrouvons l, mais dans de petites proportions, la nature des steppes des provinces dOran et dAlger. Dans lAlgrie orientale et dans la Tunisie occidentale, dautres plaines ont leur coulement par lafuent principal de la Medjerda, loued Mellgue, qui prend sa source au Nord de lAtlas saharien, non loin de Khenchela, et se dirige du Sud-Ouest au Nord-Est, ainsi que par les afuents de cette rivire. Enn, en Tunisie, des eaux scoutent vers le Sud-Est.
____________________ (1) La mme forme tabulaire se retrouve au Kef. Une table analogue constitue une forteresse naturelle la Meslaoua, au Nord-Ouest de Batna : Bernard et Ficheur, l. c., p. 362.
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Cette zone nest pas partout fertile. Les sols, imprgns de sel, qui stendent autour des cuvettes des bassins ferms, et mme ailleurs, en particulier entre Souk Ahras et Tbessa, ne conviennent gure qui llevage du mouton ; leur supercie est du reste assez restreinte. De vastes espaces, couverts de limons et de marnes riches en phosphate de chaux, se prtent au contraire fort bien la culture des crales. Mais les pluies sont parfois insufsantes dans les plaines du Nord ; elles le sont souvent dans celles du Sud, sauf en avant de lAurs et des monts de Batna, dont les masses provoquent des condensations. Toutes ces plaines sont entirement dnudes et il est probable que le dfrichement na fait disparatre que des broussailles, la nature du sol ntant pas favorable aux arbres(1). Abandonnes en gnral aux pasteurs avant la conqute romaine, elles ont t ensuite habites par une population agricole trs dense, surtout autour et au Sud du Kef, sur la lisire de lAurs, bien pourvue de sources et o une forte occupation militaire a donn lessor la colonisation, enn au Sud-Est et au Sud de Stif. V La zone centrale de lAlgrie est borde au Midi par lAtlas saharien, prolongement oriental du Haut-Atlas marocain. Au Sud des hautes plaines des provinces dOran et dAlger, comme au Sud du bassin du Hodna, sallongent des plissements parallles, orients du Sud-Ouest au Nord-Est, crtes troites et nues, formes surtout de grs friables. Les intervalles sont remplis par les dbris infertiles de ces chanes et lon y retrouve les maigres plantes des steppes. Cependant, le massif du djebel Amour, qui prsente dans sa partie orientale de grandes tables aux ancs verticaux, est mieux partag. Il a de beaux pturages,
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entre des forts de thuyas, de pins dAlep et de genvriers ; les sources, assez nombreuses, servent irriguer des vergers et alimentent des villages, qui sont sans doute trs anciens. Dans le Sud de la province de Constantine, stend le massif de lAurs, auquel on peut rattacher, au Nord-Ouest, les monts calcaires dits de Batna, qui dpassent 2000 mtres et portent des forts de chnes, de genvriers et de cdres. Entre ces monts et lAurs, un long passage souvre vers le Midi, command aujourdhui par Batna et dans lantiquit par Lambse, le grand camp de lAfrique romaine. Cette voie de communication importante entre les hautes plaines et le dsert suit loued el Kantara, qui a coup une barrire transversale par une courte gorge, au del de laquelle on rencontre aussitt une oasis saharienne. Les plissements calcaires, minces et abrupts, de lAurs, qui culmine plus de 2300 mtres, sparent des valles troites, sinclinant vers le Sud-Ouest. Une rosion trs intense a profondment creus ces dpressions et entran jusquau Sahara des masses normes de dbris. Dans ce massif, o la population indigne tait dense aux premiers sicles de notre ivre, les sources abondent et les rivires peuvent servir des irrigations. Cest surtout, comme la grande Kabylie, un pays darboriculture. De belles forts de chnes verts, de genvriers, de pin dAlep, de cdres couvrent les ancs des montagnes. A lEst de loued el Arab, le djebel Chechar, trs tourment, coup de ravins que des cailloux encombrent, fait suite lAurs. Plus loin, les plissements serrs de lAtlas saharien disparaissent. Le pays des Nmenchas, situ au Sud-Ouest de Tbessa, se partage en deux rgions distinctes. Au Nord, de vastes dmes elliptiques ont t dcaps, aplanis par les rosions et transforms en plaines, dune altitude moyenne de 000 mtres, dont les rebords saillants indiquent le pourtour dan-
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ciennes montagnes et donnent naissance des sources. La rgion est sans arbres ; il n y pleut pas assez pour la culture des crales; llevage du mouton est peu prs la seule ressource des indignes. A lpoque romaine, ces plaines furent, on grande partie, plantes doliviers et bien peuples. Au Midi, une srie de gradins caillouteux, dirigs de lOuest lEst, descendent vers le dsert, sillonns et ravins par des oueds. Lorientation de ces terrasses et du bourrelet qui les termine au Sud se retrouve dans le relief de la Tunisie mridionale. Les eaux abondantes qui dvalent du Haut-Atlas font, nous lavons dit, prosprer de belles oasis au Sud du Maroc, En Algrie, les oasis de la lisire du dsert ont beaucoup moins dimportance. Elles doivent leur existence aux oueds qui sortent de lAtlas saharien, ou aux nappes souterraines qui sont alimentes par des eaux de mme provenance. Les principales sont celles de Laghouat, au Sud-Ouest des monts des Ouled Nail et la tte de loued Djedi, qui, savanant de lOuest lEst, creuse un long sillon dans le Nord du dsert ; celles ds Zibans, dans la rgion de Biskra ; enn celles qui se sont formes aux points o des rivires dbouchent de lAurs, du djebel Chechar et des terrasses des Nmenchas. Au Sud du Hodna, entre des plissements des monts des Ouled Nal, les Romains ont tabli, bien au del de leur frontire, une ligne de postes militaires, qui ne sarrtait qu peu de distance de Laghouat et gardait un passage reliant le Hodna et le Sahara. Ils ont occup les oasis des Mans et, de ce ct, la limite de lEmpire longeait loued Djedi ; puis elle suivait le bord mridional du massif de lAurs.
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La Medjerda nat dans les montagnes qui slvent au Sud du bassin de Guelma et va dboucher dans le golfe de Tunis. Elle pntre en Tunisie aprs stre glisse dans une cluse, limite par deux plissements dun massif, dont les chanes couvrent langle Nord-Est de lAlgrie, entre la plaine de Bne, la Calle et Souk Ahras, et se continuent dans la Tunisie septentrionale, au mord du cours moyen du euve, en Khoumirie et de Mogodie. Cette rgion trs accidente offre des suites de croupes allonges, orientes, comme lAtlas saharien, du Sud-Ouest au Nord-Est, coupes par de profonds ravins, spares par des valles courtes et troites. Des falaises pic dominent la Mditerrane entre la plaine de Bne et le cap Blanc, voisin de Bizerte. Elles sont interrompues par des dunes lEst de Tabarca, le point du littoral qui communique le plus facilement avec la valle de la Medjerda. Les grs, du massif, de mme nature que ceux qui stendent plus lOuest jusqu la grande Kabylie, portent de magniques forts de chnes. Les pluies sont trs abondantes, les sources nombreuses. Il y a de beaux pturages dans les valles et les clairires. Mais le sol siliceux se prte mal la culture des crales. Au Sud dune bonne partie de cette zone montagneuse, depuis la frontire algrienne jusquau conuent de loued Bja, la Medjerda traverse deux plaines, celle de Ghardimaou et celle de la Dakhla, qui furent autrefois des lacs. La premire a une vingtaine de kilomtres de longueur, lautre est beaucoup plus tendue; une barrire, coupe par le euve, les spare. A lextrmit oppose de la Dakhla, la Medjerda se heurte des chanes quelle franchit avec peine, par des dls tortueux,
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et quelle longe ensuite jusque vers Tbourba. L, commence sa basse plaine, accrue, dans le cours des sicles, par les alluvions que ses eaux entranent vers la mer et souvent encore inonde. Combles par les limons fertiles quont apports la Medjerda, loued Mellgue (qui rejoint ce euve dans la Dakhla) et dautres rivires, les plaines de Ghardimaou et de la Dakhla, les Grandes chanes des anciens(1), sont dadmirables terres crales. Elles ont t exploites ds lpoque punique. Le centre de la Tunisie est occup, au Sud de la Medjerda, par un vaste plateau, dune hauteur moyenne de 800 mtres(2). Cest, en ralit, un immense dme, trs surbaiss, parsem de bosses irrgulires, dcoup par les rosions en tables, dont les ancs tombent pic sur des valles profondes(3). De l, des rivires schappent dans toutes les directions. Au Nord, ce sont loued Tessa, loued Khalled et la Siliana, afuents de la Medjerda ; lOuest, des oueds qui se jettent dans loued Mellgue ; au Sud et lEst, des cours deau qui vont converger vers la sebkha Kelbia, prs de Kairouan ; au Nord-Est, loued et Kbir, appel plus bas oued Miliane, qui apporte en toute saison de leau au golfe de Tunis. Les valles, plus ou moins larges, que ces rivires parcourent et qui stoilent autour du plateau central, ont un sol form dalluvions paisses et fertiles. Sur le plateau, dominent des marnes, mlanges de phosphate de chaux et propres la culture des crales. Les sources ont, pour la plupart, un dbit mdiocre, mais elles abondent. Dordinaire, il tombe assez de pluie, grce laltitude. Tout ce pays fut jadis trs peupl, trs prospre, mme avant la conqute romaine. Du plateau se dtache, lEst, la chane Zeugitane, forme de calcaires gris ou bleus, aux crtes denteles(4). On y retrouve
____________________ (1) Polybe, XIV, 7 ; Tite-Live, XXX, 8. (2) Rgions de Ksour, Ellez, Souk el Djemaa, Maktar, Henchir Mided, Kessera. (3) Pervinquire, Annales de Gographie, IX, p. 441-3 (4) Pervinquire, l. c., p. 447-8.
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des sries de dmes, souvent morcels, spars par des cuvettes : en particulier au djebel Zaghouane, haut de prs de 1300 mtres, massif riche en sources, do les Romains ont tir leau ncessaire lalimentation de la grande ville de Carthage. Cette chane se dirige dabord du Sud-Ouest au Nord-Est, comme toutes les montagnes de la Tunisie septentrionale et centrale ; puis, elle soriente vers le Nord et aboutit au fond du golfe de Tunis, prs de Hammam Lif. Des plissements secondaires la anquent et encadrent avec elle, au Nord, la fertile valle de loued Miliane, cultive partout dans lantiquit ; au Sud, la longue plaine de loued Miliane, rivire qui se dtourne ensuite vers le Sud-Est pour rejoindre la sebkha Kelbia. Deux autres plis se prolongent jusqu lextrmit de la pninsule du cap Bon. Dans la Tunisie orientale, les ctes plates qui courent du golfe de Hammamet au golfe de Gabs prcdent la rgion dite du Sahel, bande de plaines basses, comme lEnda (entre la chane Zeugitane et la mer), ou de plateaux trs peu levs, comme celui dEl Djem. Au-del, stendent des bassins, dont la cuvette est lgrement concave et que limitent de faibles bourrelets. Des lacs fond argileux se forment en hiver au centre de ces plaines, ne laissant gure sur le sol, pendant lt, que des eforescences salines. Le plus important, mais non le plus tendu, est la sebkha Kelbia, au Nord-Est de Kairouan, o convergent de nombreux oueds, qui viennent du Nord-Ouest, de lOuest, du Sud-Ouest, et prennent leur origine soit dans la chane Zeugitane, soit dans le plateau central. Ils ne sont pas grossis en route par des afuents, car il ny a que fort peu de sources dans cette rgion, o il ne pleut gure, et ils nalimentent que trs mdiocrement la sebkha, leur eau tant absorbe par lvaporation, ou sinltrant dans des sols trs permables. La sebkha Kelbia nest cependant jamais tout fait sec. Elle a un missaire qui la relie quelquefois. aprs de
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fortes pluies, une lagune du littoral, la sebkha dHergla. On rencontre dautres lacs plus au Sud; le plus grand est la sebkha Sidi et Hani, au Sud-Est de Kairouan. La Tunisie orientale a des espaces sals, qui ne comportent que llevage du mouton. Mais, en gnral, les terres, lgres, sont composes dlments fertiles. Les bls des environs de Sousse taient fameux dans lantiquit pour la grosseur de leurs pis. Par malheur, les pluies sont trs souvent insufsantes pour la bonne venue des crales : la chane Zeugitane et la masse du plateau central les arrtent du ct du Nord-Ouest. Si les rcoltes sont assez rgulires autour de Sousse, elles deviennent trs alatoires plus au Sud et lintrieur du pays. Mais, comme la montr M. Bourde(1), la constitution du sol se prte trs bien larboriculture. Sous la couche suprieure, o le sable absorbe rapidement la pluie et que les racines des crales ne dpassent pas, existe, une profondeur assez faible, une couche de tuf calcaire, peu permable. Alors que la surface est compltement dessche, le sous-sol reste humide cest l que se dveloppent les racines des arbres. Ainsi, dans des campagnes o les oueds ne tranent que de misrables lets deau, taris en t, o les sources sont trs rares, une population nombreuse peut vivre par les cultures fruitires. A lpoque romaine; des plantations doliviers couvrirent une grande partie des steppes que parcouraient auparavant les troupeaux des nomades. A lOuest de cette zone, au Sud du plateau central et des plaines qui continuent celles de la province de Constantine(2), stend une rgion borde au Midi par une vaste dpression vers laquelle elle sabaisse. Cette dpression na jamais t, comme on la soutenu, un bassin maritime, communiquant avec
____________________ (1) Rapport, sur les cultures fruitires, en particulier sur la culture de lolivier, dans le centre de la Tunisie, Tunis, dition de 1809. (2) On ne peut user la limite que dune faon assez arbitraire. Ce serait peu prs car ligne passant par Kasserine, Sbitla, Djilma.
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le golfe de Gabs. Elle est remplie par le chott et Djerid, qui projette au Nord-Est un long bras, appel chott et Fedjedje, par le chott Gharsa et, plus lOuest (au Sud de lAlgrie), par une suite de sebkhas aux contours capricieux,, dont la principale est le chott Melghir. Dans la Tunisie mridionale, les plissements qui sallongent vers la latitude de Gafsa et plus au Sud, jusqu aux chotts, sont gnralement orients de lOuest lEst. Ces chanes hrissent le pays, limitant des valles ou des plaine, prol courbe, dont le centre est occup, pendant une partie de lanne, par des mares. Au Nord de Gafsa, courent, dans diverses directions, de petites artes, isoles ou soudes entre elles, dominant de larges plateaux. Cette rgion est presque entirement dnude. Les pauvres pturages des steppes sont brouts par des moutons, des chvres et des chameaux. Cependant, en maints endroits, le sol nest pas infertile beaucoup de terres sont riches en dbris de phosphate de chaux. Mais la pluie tombe trop rarement pour assurer les rcoltes de crales. Les cultures arbustives, qui rsistent mieux la scheresse, se sont dveloppes, aux premiers sicles de notre re, dans les lieux o des amnagements hydrauliques pouvaient procurer aux hommes leau ncessaire pour vivre et faire quelques irrigations. Autour des rares sources, se sont formes des oasis, avec leurs palmiers, accompagns dautres arbres fruitiers. Ce pays de transition produit la fois des dattes et des olives(1). A la lisire mme du Sahara, que la domination romaine a atteinte, il y a de belles oasis dans le Djerid, entre le chott el Djerid et le chott Gharsa; dans le Nefzaoua, lEst du chott et Djerid et au Sud du chott et Fedjedje ; enn, sur la, mer, Gabs.
____________________ (1) La Blanchre, dons les Nouvelles Archives des missions, VII, 1897, p. 83.
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Comme nous lavons dit, nous rattachons lAfrique du Nord, pour des raisons tires de lhistoire, les terres qui bordent au Sud, le vaste golfe des Syrtes. A lEst de la grande sorte, stend la Cyrnaque, contre physionomie bien distincte, sorte dle qui appartient la Mditerrane orientale. Une colonisation prospre en t un pays grec ; plus tard, la Cyrnaque, devenue romaine, ne forma quune province avec la Crte. Gographiquement et historiquement, elle appartient un monde tout diffrent de ce que nous appelons, lAfrique du Nord. Entre Gabs et le cap Misrata, le littoral, bas, bord de dunes derrire lesquelles des lagunes stalent et l(1), sem doasis que sparent des espaces dserts, prcde un pays de plaines lgrement ondules, qui slve en pente trs douce vers lintrieur. Cest la Djeffara des indignes, dont la profondeur atteint 100 kilomtres la frontire tunisienne et diminue vers lEst. Sablonneuse et sche, elle nest pas habite. Elle ne ltait pas davantage lpoque antique, sauf dans sa partie Nord-Ouest, en Tunisie, o elle est trs troite : la proximit du bourrelet dont nous allons parler la fait, de ce ct, bncier de quelques pluies et permet dutiliser jusque dans la plaine les oueds qui descendent des hauteurs, pour des cultures exigeant peu deau. La Djeffara est domine pic par une longue suite de falaises calcaires, qui se dressent une altitude moyenne de 300 mtres, formant un vaste demi-cercle, tourn vers le Sud, depuis les environs de Gabs jusquau voisinage du cap Misrata. Cette
____________________ (1) Depuis les parages de Djerba jusquaux ruines de Sabratha.
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zone(1), que les indignes appellent le Djebel (la Montagne), nest que le rebord dun immense plateau saharien. Elle est loin davoir laspect rgulier d un rempart continu. Sur une largeur variable, elle a t dcoupe, dchiquete, dmantele par les rosions. Parfois, elle se prsente en gradins. Certaines parties ont t dtaches de la masse; elles constituent des avant-chanes dans la partie Nord-Ouest du Djebel(2). Au Nord-Est, ce quun nomme le djebel Tarhouna est un plateau ravin, qui forme une sorte de grand bastion, en saillie sur la bordure, et qui se prolonge, dans la direction de Khoms et de Lebda,.par des collines slevant au-dessus du littoral(3). Le brusque obstacle du Djebel contraint les vents humides qui soufent quelquefois de la mer se dcharger de la vapeur deau quils contiennent ; les pluies, quoique peu frquentes, permettent une population assez nombreuse de vivre dans cette rgion. Des ruisseaux se prcipitent en cascatelles travers les crevasses, les couloirs tortueux, et servent des irrigations ; sur les pentes, ont t constitues des terrasses tages, que bordent des murs de soutnement et qui portent des champs dorge ou des arbres fruitiers, surtout des oliviers et des guiers. Au pied mme des falaises, au del des boulis de la frange saharienne, lirrigation rend la culture possible. Mais les oueds spuisent trs vite; ils nont pas la force de traverser, la Djellara. Derrire le Djebel, commence le dsert, immense champ de pierres. Le littoral occidental de la grande Syrte, au Sud-Est du cap Misrata, est bord par la longue lagune, aujourdhui dessche, de Taorga, vers laquelle convergent de nombreux oueds, venant de lOuest. Ces ravins sillonnent le plateau saharien qui, de ce cot, sincline vers lOrient et qui nest quune vaste solitude. Mais les fonds plats et souvent assez larges des oueds
____________________ (1) Elle porte successivement les noms de djebel Matmata, djebel Demmer, djebel Douirat, djebel Nefousa, djebel Yffrne, djebel Gariana. (2) Dans le pays des Ourghammas, en avant du djehel Demmer. (3) Collines de Msellata.
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sont imprgns de quelque humidit, circulant par un parcours souterrain, et ne se refusent pas de pauvres cultures. Ces thalwegs ont t peupls dans lantiquit, comme ils le sont encore aujourdhui. Dans les intervalles pierreux qui les sparent, la vie a toujours t impossible. Au Sud de la grande Syrte, le dsert savance jusquau rivage. Il ny a rien tirer de cette rgion; il a suf aux anciens dtablir, le long de la cte, une route assurant les communications avec la Cyrnaque. VIII Cet aperu gographique montre combien lAfrique du Nord manque de cohsion. Si les rgions que renferme la France sont trs diffrentes, elles se groupent autour dun noyau central, elles se succdent sans violents contrastes, elles souvrent et se parcourent par des voies faciles, terrestres et uviales. La France est un pays dharmonie et dquilibre. Il nen est pas de mme de la Berbrie. Stendant sur une longueur de plus de quatre cents lieues, depuis locan Atlantique jusquau golfe des Syrtes, mais nayant quune largeur mdiocre, elle se prte mal la formation dun empire unique, au dveloppement dune civilisation uniforme. A lOuest, il est vrai, la contre fertile comprise entre lOcan, le Rif et lAtlas forme un ensemble assez bien agenc(1) ; lEst, un grand plateau, dailleurs tourment, occupe le centre de la Tunisie, et de nombreuses valles en rayonnent, Mais, mme proximit de ces deux rgions, il en est dautres que la nature a isoles : au Nord du Maroc, le Rif, hriss de chanes
____________________ (1) Il ne faut cependant pas en exagrer lunit ; voir Th. Fischer, .MittelmeerRilder, II, p. 370. Au Sud de loued Bou Regreg, le pays trs accident des Zars spare les deus rgions qui ont actuellement pour capitales Fez et Merrakech, coupant eu deux le pays obissant au sultan du Maroc.
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compactes ; au Sud, le Sous, qui senfonce entre deux hauts remparts ; au Nord de la Tunisie, le massif bois de la Khoumirie. Dans lintervalle, lAlgrie est obstrue par des montagnes le long de la Mditerrane, en grande partie occupe par des steppes lintrieur des terres. Dans ce corps long et mince, mal conform, les cours deau nassurent pas la circulation. La navigation nest possible que sur deux ou trois euves de lOuest du Maroc(1), qui sont spars de la mer par une barre dangereuse. Les autres rivires se desschent presque toutes, ou nont quun dbit insigniant pendant lt ; en hiver, ce sont pour la plupart des torrents, se prcipitant dans un lit encombr de rochers, par de fortes pentes. Leurs valles mmes noffrent que rarement des voies dun accs facile. Pour gagner la Mditerrane, de nombreux oueds coupent transversalement des chanes parallles la mer; ils se fraient avec peine un passage par des gorges profondes et tortueuses, ou par de brusques cascades ; dautres, dont le cours sadapte lorientation gnrale du relief, sont parfois resserrs entre deux plissements, ou doivent rompre et l des obstacles, par des dls troits. Le euve le plus important de lAfrique septentrionale, la Medjerda, traverse, en amont et en aval des Grandes Plaines, deux rgions tourmentes, o sa valle se rduit un couloir. Dans le Tell algrien, les longues valles du Chlif et de la Soummane stranglent en deux endroits. Entre les plaines de Guelma et de liane, la Seybouse est un foss parois rocheuses. Plus loin vers lintrieur, des oueds vont se perdre dans des cuvettes sans issue. Les rivires de la Berbrie ont quelquefois servi de limites politiques. Mais leur rle conomique a toujours t trs modeste. Beaucoup changent de nom, selon les pays quelles
____________________ (1) Surtout loued Sebou.
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parcourent : ce qui prouve quon ne les suit gure. Au del du littoral, les villes du Tell se sont leves auprs de sources abondantes et dans des lieux faciles dfendre ; elles nont pas t, comme tant de cits gauloises, des carrefours uviaux. Parmi les rgions naturelles de lAfrique du Nord, certains massifs montagneux sont trs peupls, malgr la mdiocrit du sol, car les hommes sy sentent plus en scurit quailleurs tels lAurs, la grande Kabylie, le Rif(1). Il sy est form de petites socits, jalouses de leur indpendance, noccupant que des territoires restreints. La valeur des pays plats est, nous lavons vu, fort ingale. Les uns ne reoivent pas assez de pluie, dautres sont marcageux, dautres striliss par la forte proportion de sel qui se mle la terre. Sauf quelques rgions tendues, surtout le centre de la Tunisie et lOuest du Maroc, les espaces fertiles ne forment que des lots, qui contrastent avec la pauvret et la rudesse des pays environnants, et qui communiquent difcilement entre eux, par des passages dont les montagnards sont les matres. Cette vaste contre tait-elle donc destine navoir dautre histoire que les annales monotones dune foule de cantons, agits par des ambitions vulgaires et de mesquines querelles de voisinage ? Il est certain que les Berbres ont trop souvent dpens leur nergie dans des luttes, sans grandeur et sans intrt, dindividus, de familles, de coteries, de villages, de tribus. Ils ont presque toujours manqu des sentiments de large solidarit qui constituent les nations(2).
_____________________ (1) Il nen est pas de mme du Moyen et du Haut-Atlas, o la densit de la population est faible : Bernard, le Maroc, p. 136, 163. (2) On peut dire deux ce que Strabon (III, 4, 5) disait des Espagnols : .., nayant daudace que pour les petites choses, mais incapables den entreprendre de grandes, parce quils navaient pas su se former en socits fortes et puissantes.
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Cependant des rapports se sont tablis de bonne heure entre les habitants des diverses rgions de lAfrique septentrionale. Une seule langue sest rpandue partout, celle dont drivent tous les dialectes berbres. Dans les stations qui remontent da civilisation de la pierre, on trouve dj des indices de lointains changes. La domestication de certains animaux dut rendre les relations plus frquentes et plus rgulires : le climat obligeait, en effet, beaucoup de pasteurs transhumer. Les nomades du Sud eurent besoin des crales moissonnes par les agriculteurs du Tell, auxquels ils apportrent les laines de leurs troupeaux et les dattes des oasis. Des groupements, que nous appelons des tribus, naquirent sans doute des besoins de la dfense et de lattaque. Plus tard, des tats se formrent, unissant des rgions naturelles distinctes, mais coupant en tronons la longue bande nordafricaine. Carthage sannexa une grande partie de la Tunisie, un royaume se constitua dans le Maroc, dautres royaumes stendirent sur lAlgrie et la Tunisie occidentale. Enn, Rome t, en plusieurs tapes, la conqute de tout le pays. Mais chacune des provinces quelle cra vcut de sa vie propre. Tandis que Lyon fut vritablement la capitale des Gaules, Carthage, redevenue aux premiers sicles de notre re une des plus grandes villes du monde, ne fut que le chef-lieu dune de ces provinces. Dans lantiquit, lAfrique du Nord na jamais eu une entire unit politique et administrative, comme la valle du Nil et les plaines ouvertes de la Msopotamie(1). Ses matres nont jamais pu faire accepter leur domination dune manire dnitive et complte. Les souverains des grands royaumes maures et numides ne paraissent pas avoir t aussi absolus quils
____________________ (1) O lagriculture dpend dirrigations qui exigent des mesures gnrales et solidaires, par consquent un gouvernement obi de tous. Les conditions de lexploitation du sol sont autres dans la Berbrie.
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prtendaient ltre; ils eurent souvent, comme Carthage, il rprimer les soulvements de leurs sujets. La paix romaine fut frquemment trouble par des rvoltes dindignes, dont les moins graves ne furent pas celles qui clatrent sous le BasEmpire, aprs plusieurs sicles doccupation. La structure du pays maintenait chez ses diverses populations le contraste des murs et des intrts. La civilisation et la barbarie vivaient cte cte : lune, dans les plaines et les plateaux fertiles ; lautre, dans les rgions dshrites des steppes, dans les massifs montagneux qui dominaient et isolaient les riches campagnes, et do elle guettait les occasions favorables pour se prcipiter au pillage. Cette opposition a empch la formation dune nation berbre, matresse de ses destines, et, quand la conqute trangre a pu imposer lAfrique septentrionale une apparence dunit, elle na pas russi fondre dans une harmonie durable des lments aussi disparates.
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entre la Berbrie et le Nord-Est de lAfrique. Les langues ont la mme origine lointaine. Les ressemblances physiques dune partie des habitants permettent de croire des parents plus on moins troites, Vers le second millnaire avant une divinit gyptienne tait adore dans le Sud-Ouest de lAlgrie(1), Mais, lpoque historique, les relations par terre entre le Nord-Ouest et le Nord-Est du continent neurent aucune importance : les dserts qui bordent la grande Syrte sparaient la Cyrnaque grecque de lAfrique carthaginoise, puis latine. Ce fut seulement la n des temps antiques que la voie de terre fut suivie par les conqurants arabes ; trois sicles aprs, les conqurants fatimides prirent la mme route, en sens inverse, Pour gagner lgypte. La Berbrie appartient la Mditerrane occidentale, bien plus qu lAfrique. Cest avec les deux pninsules europennes qui savancent vers elle, lItalie et lEspagne, quelle a eu les relations les plus nombreuses et les plus fcondes. Des anciens la plaaient en Europe(2). Si vous voulez en croire la renomme, dit Lucain(3), la troisime partie du monde est la Libye, mais si vous tenez compte des vents et du ciel, vous la regarderez comme une partie de lEurope. Autant que son climat, sa structure, sa ore, et, dans une certaine mesure, sa faune la rattachent au Sud de notre continent, Elle ressemble surtout lEspagne(4) par les hautes terres qui occupent la
____________________ (1) Voir livre Il, chap. III. (2) Salluste, Jugartha, XVII, 3 : In divisione orbis terrae plerique in parte tertin Africam posuere, pauci tantummodo Isiam et Europam esse, sed Africam in Europa. Voir aussi saint Augustin, Civ. Dei, XVI, 17 ; Orose, Adv. paganos, 1, 2, 4 et 83. Conf. II. Berger, Geschiekte der wissenschaftlichen Erdkunde der Griechen, 2e dit., p. 78, n. I. (3) Pharsale, IX, 411-3 ; Tertia pars rorum Libye, et credere famae. Cuncta velis ; at, si ventos caelumque sequaris, Pars erit Europae. Je ne crois pas quau vers 413 on puisse lire par : pars se justie par le contexte (tertia pars, etc.) et aussi par le passage de Salluste cit la note prcdente. (4) Conf. Bernard et Ficheur, Annales de Gographie, XI, 1902, p. 222 ; Joly, Bull.de la Socit de gographie dAlger, XII, 1907, p. 283 et suiv.
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majeure partie des deux contres, par les plaines basses qui, et l, stendent dans le voisinage du littoral, au pied de montagnes escarpes, par le rgime et la disposition des rivires, torrents en hiver, fosss pour la plupart desschs en t, qui se fraient difcilement un passage vers la mer et sont des sillons plutt que des voies. LAfrique du Nord fut soude jadis lEurope. Le dtroit de Gibraltar ne date que du dbut de lpoque pliocne(1). La Tunisie a peut-tre t relie lItalie pendant une partie de lpoque quaternaire, dans des temps o ces deux contres pouvaient tre dj habites par des hommes(2). Du reste, dans sa forme actuelle, la Mditerrane occidentale nest pas un obstacle infranchissable, mme pour des primitifs, ne disposant que de moyens de navigation trs rudimentaires. Le dtroit de Gibraltar a seulement quatorze kilomtres de largeur(3) : il convient dajouter que les courants et les vents rendent le passage difcile. Ailleurs, les lignes grises des les, se prolant dans les clairs horizons, pouvaient guider les traverses et promettaient des abris. La mer intrieure nest que trs rarement voile par des brouillards et, pendant des priodes plus ou moins prolonges, on peut se er au calme de ses ots. En gnral, les ctes dAfrique, entre le dtroit et le Nord-Est de la Tunisie,
____________________ 1. Gentil, apud de Segonzac, Au cur de lAtlas p. 707 et suiv. Il est vrai quauparavant, la Mditerrane et lOcan communiquaient peut-tre par des dtruits, souvrant 1un au Nord de la Cordillre btique, lautre au Sud du Rif : Gentil, le Maroc physique, p. 93 et suiv. De son ct, M. Boule (dans lAnthropologie, XVII, 1906, p. 283-4) se demande si, lpoque pliocne, une communication terrestre na pas exist, lOuest du dtroit, entre le Maroc et la pninsule ibrique. 2. Boule, 1. e., p. 283. 3. Exactement 13800 mtres au point le plus troit, 16030 au point le plus large. Tissot (Mmoires prsents lAcadmie des Inscriptions, IX, 1re partie, 1878, p. 173 et suiv.) est dispos croire que le dtroit sest largi depuis les temps historiques. Strabon (II, 5, 19 ; XVII, 3, 6) indique une largeur de 60 70 stades (11100 et 12050 mtres) ; Pline lAncien (III, 3 et 4) donne dautres chiffres, infrieurs aussi aux chiffres actuels. Nous aimais mieux admettre des erreurs dans le calcul des distances.
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____________________ 1. Mare saevum , dit Salluste, Jug., XVII, 3. 2. Priple du Pseudo-Scylax, 110 (Geographi graeci minores, dit. Mller, 1, p: 88), Salluste, Jug., LXXVIII, 3. Pomponius Mla I, 35 et 37. Lucain, IX, 439 et suiv. Josphe, Bell. jud., II, 381. Silius Italicus, II, 63 ; III, :320 ; VII, 510 ; XVII, 246, 634. Procope, dices, VI, 3. Corippus, Johannide, I, 356 et suiv. Etc. Cette mauvaise rputation tait dailleurs exagre : voir Perroud, De Syrticis emporiis, p. 117-123 ; Tissot, Gographie de la province romaine dAfrique, I, p. 223. 3. Conf. Stace, Thbade, VIII, 416-7. 4. Lucain, IX, 310 et suiv. ; Silius Italicus, XVII, 246-7. Conf. Tissot, l. e. 5. Jug., XVII, 5 : mare... inportuosum .
sont bordes par de grandes profondeurs : avant de les atteindre, on ne risque gure de sabmer sur des rcifs. Il est vrai que, frquemment, des vents violents dchanent de subites temptes(1) : vents qui soufent de lOuest et du NordOuest, en hiver, vents de Nord-Est et dEst, de mai octobre. Les parages des Syrtes taient trs redouts des anciens et clbres par leurs naufrages(2) : le plus grand de ces golfes est surtout dangereux, soit par les vents du Nord(3), qui poussent les navires la cte, soit par les vents du Sud, qui, parcourant librement des terres basses, viennent bouleverser les ot(4). Aux approches des ctes, certains courants peuvent contrarier les marins. Tels sont ceux qui se heurtent autour du cap Bon : tel celui qui, venant de locan, longe le littoral du Maroc, de lAlgrie et de la Tunisie : sil favorise les voyages dOuest en Est, il gne ceux qui saccomplissent dans le sens oppos. Il faut aussi tenir compte des calmes plats, qui rgnent parfois sur la Mditerrane pendant plusieurs jours et qui sont un obstacle la navigation voile. Mais les relations maritimes de lAfrique du Nord avec les autres contres mditerranennes sont surtout entraves par la nature de ses ctes. Mer sans ports , dit Salluste(5). Lhistorien exagre. Il est exact, cependant, que, sur ce littoral, les abris sont peu nombreux. Il noffre pas de dcoupures profondes, formant des havres bien protgs : ce qui sexplique, par la plus grande partie de la cte septentrionale, par le paralllisme du rivage et des montagnes qui le bordent. Les golfes
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tendus sont rares(1). Ceux de lAlgrie souvrent trs largement au Nord, celui de Tunis, au Nord-Est, cts do viennent des vents redoutables. Il ny a ailleurs que des chancrures, creuses par des empitements de la mer sur des terrains peu rsistants : elles sont plus ou moins exposes aux soufes du large. Le littoral septentrional de la Berbrie consiste surtout en des pentes raides ou en des falaises verticales, contre lesquelles les navires, entrans par les vents, risquent de se briser. Sur quelques points, il sabaisse, mais il est alors bord de dunes. A lOuest, le long de lOcan, des suites de falaises et de dunes foraient un rivage monotone, peu prs dpourvu de fortes saillies et de baies(2), sans dfense contre les vents dOuest et du Nord : on ny trouve aucun bon abri. Les ctes orientales de la Tunisie, exposes aux vents dEst et de Nord-Est(3), et celles de la Tripolitaine sont basses, sablonneuse, souvent bordes de lagunes et prcdes de hauts-fonds(4) ; l aussi, les abris srs font dfaut(5). Dans la petite Syrie, o la mare slve jusqu trois mtres, le reux accrot les dangers dchouement(6). Pourtant, les marins de lantiquit avaient besoin de nombreux ports. Pendant longtemps, ils craignirent de sloigner des rivages et vitrent de voyager la nuit. Le soir, autant que possible, ils sarrtaient, ils tiraient leur btiment sur la grve : ils se rembarquaient au jour, aprs avoir fait leur provision deau. A ce cabotage primitif, il fallait de nombreuses escales(7). Plus tard, les vaisseaux saventurrent plus facilement en
____________________ 1. Conf. Srabon, II, .1, 3, 33 ; Pline, V, 1. 2. Strabon (XVII, 3, 2) dit le contraire, mais il a tort. 3. Conf. Corippus, Johannide, I, 339-360. 4. Conf. Polybe. I, 39, 3 ; Salluste, Jug., LXXVIII, 2-3 ; Strabon, XVII, 3, 20 ; Mla, 1, 33 ; Lucain ; IX, :303 et suiv. 5. Conf. Mla. l. c.; Procope, Bell. vand., I, 13, 8. 6. Sur ces mares, voir Polybe, 1. c.; Strabon, XVII, 3, 17 et 20 ; Mla, l. c.: Pline, V, 26 ; Denys le Prigte, 107, 198 et suiv., et le commentaire dEustathe (dans Geogr. gr. min. de Mller, II, p. 109, 112, 232) ; Solin, XXVII, 3-4. 7. Voir ce sujet Brard, les Phniciens et lOdysse, I, p. 303 et suiv.
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pleine mer et, dans le port, ils demeurrent au mouillage. Mais la navigation resta assez timore, la merci des sautes de vent, en qute de refuges. Aussi, mme lpoque romaine, les ports abondaient-ils sur les ctes africaines, comme le prouvent les indications dcrits qui datent du IIe et du IIIe sicle de notre re(1). Quelques-uns taient bons, la plupart mdiocres ou mauvais, parfois, ils occupaient des embouchures de rivires ctait le cas de plusieurs ports du Maroc, de Leptis Magna en Tripolitaine(2). Mais, sur lOcan, laccs des euves est rendu difcile par lexistence dune barre ; ailleurs, lensablement par les alluvions est un grave obstacle. Dautres ports furent tablis en arrire dune ou de plusieurs les, trs rapproches de la cte(3). Les Phniciens recherchaient ces positions avantageuses : lle formait un cran contre les vents du large ; elle tait aussi un emplacement favorable pour des entrepts, dfendus contre les convoitises des indignes. Souvent encore, le port tait abrit par un cap, pointe en roches dures qui avait mieux rsist lrosion que les parages voisins ; sur le littoral septentrional, le havre se trouve en rgle lEst du cap, qui le couvre des vents dangereux dOuest et de Nord-Ouest(4). Plus tard, on constitua quelques ports articiels, en construisant des jetes, ou en creusant des bassins intrieurs. Ce ntait pas seulement la raret des bons ports naturels qui pouvait carter les trangers, de lAfrique du Nord. Ctait aussi la difcult de pntrer dans lintrieur du pays, soit pour y traquer, soit pour en prendre dnitivement possession. Sur la cte septentrionale, les plaines bordant la mer sont rares et
____________________ 1. Ptolme, la Table de Peutinger, litinraire dAntonin, le Stadiasme. 2. Voir aussi Pseudo-Scylax, III (Geogr. Gr. Min., I, p. 90) : Il sagit peuttre de Tns ; conf. Gsell, Atlas archologique de lAlgrie, I, 12, n 20. 3. Thapsus, Utique, Tabarca, Alger, Tipasa, Cherchel, Rachgoun (Portus Sigensis), Mogador, Voir aussi dans Scylax la mention dles situes probablement entre Cherchel ( ) et lle de Rachgoun et qui paraissent avoir disparu. 4. Bne, Stora, Collo, Bougie, Dellys, Alger, Arzeu, Melilla.
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nous avons vu(1) quelles navaient que peu de valeur pour les anciens. Presque partout, des chanes de montagnes se dressent comme des remparts, au-dessus de ces plaines, ou immdiatement au-dessus des ots. Il y a bien quelques voies daccs vers lintrieur. Des places maritimes ont pu tre cres leur dbouch : Tabarca, prs de loued et Kbir: Hippone, non loin de la Seybouse(2), Bougie, lextrmit de la valle de la Soummane. Mais ces routes stranglent bientt(3). Au Nord-Est, le golfe de Tunis, sur lequel les Phniciens fondrent Utique et Carthage, savance dune cinquantaine de kilomtres dans les terres : il reoit un euve important, la Medjerda. Ce fut dans lantiquit la porte principale de lAfrique du Nord, lentre de la Mditerrane occidentale, en face de la Sicile. Cependant la valle de la Medjerda nest pas une voie dpourvue dobstacles(4). Des ctes de lOcan et de la Tunisie orientale, la pntration est plus facile, mais cest prcisment dans ces parages que les ports naturels manquent le plus; en outre, ils sont dj loigns des contres qui font face la Berbrie et qui sont, par consquent, destines avoir avec elle les relations les plus suivies, Lorsquun conqurant a pris pied dans ce pays, il lui est malais de senfermer dans les rgions dont la possession lui semble protable. Il est entran tendre sa domination sur les peuplades belliqueuses qui menacent sa conqute ; des plaines fertiles, il doit pntrer dans les massifs montagneux qui servent de repaires aux pillards; du littoral, il doit savancer jusquaux espaces parcourus par les nomades, jusquaux steppes, jusquau Sahara.
____________________ 1. P. 6-7. 2. LUbus (la Seybouse) dbouchait dans lantiquit plus lest quaujourdhui, par consquent quelques kilomtres dHippone, et non auprs de cette ville voir Gsell, Atlas, t 9, n 180. 3. Voir p. 20. 4. Voir p. 18.
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Toutes ces difcults expliquent lisolement relatif de la Berbrie, lattrait assez mdiocre quelle a exerc. Le dtroit de Gibraltar a d arrter plus dun peuple(1) ; dans lantiquit historique, les Vandales seuls lont travers en masse. Quand les Phniciens stablirent dune manire durable en Afrique, ils paraissent stre soucis surtout doccuper lentre de la Mditerrane occidentale et de jalonner dune suite de stations la route qui reliait lEspagne au bassin oriental de cette mer. Carthage ne se constitua un territoire africain que plus de trois sicles aprs sa fondation, alors quelle possdait dj un vaste empire colonial. Rome ne simplanta en Tunisie que pour empcher son ennemie de renatre et pour garder le passage entre les deux bassins de la mer intrieure ; elle attendit prs de deux cents ans pour occuper toutes les ctes africaines, jusqu lextrme Ouest. Ce fut pour se dfendre qu plusieurs reprises, elle avana ses frontires vers le Sud. Cependant les afnits de lAfrique du Nord avec les pays qui sont si voisins delle devaient ncessairement crer des civilisations et des dominations communes. Carthage rgna en Espagne et sur une partie des les mditerranennes, comme sur la Tunisie et sur les rivages de lAlgrie et du Maroc. Elle sattacha surtout, avec une longue obstination, maintenir et accrotre ses possessions de Sicile, voulant tre matresse du dtroit qui donne accs la Mditerrane occidentale. Rome soumit tous les peuples de la mer intrieure; elle rpandit les murs latines en Afrique, comme en Espagne et en Gaule. Parmi ses provinces africaines, la Proconsulaire fut, certains gards, un prolongement de lItalie, la Maurtanie Tingitane, une sorte
____________________ 1. Les Celtes et les Goths, qui ont conquis une grande partie de lEspagne, nont pas travers le dtroit
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de boulevard de lEspagne. Plus tard, lIslam stendit en Espagne et en Sicile, aprs avoir conquis le Maghrib ; la civilisation musulmane du Maroc et de lOuest de lAlgrie ressembla celle de la pninsule ibrique. Les Portugais et Charles-Quint ont tent de stablir dans lAfrique du Nord, dont la France est dsormais matresse. Depuis des sicles, le commerce de la Berbrie sest fait surtout avec les autres pays de la Mditerrane occidentale : do limportance quont dans cette contre les villes maritimes. Mme quand elle na pas t rattache lEurope par des liens politiques et des relations paciques, elle na pas pu se passer delle : lpoque vandale, lpoque turque, elle sest enrichie ses dpens par la piraterie. La pointe Nord-Est de lAfrique Mineure, qui nest loigne de la Sicile que de 140 kilomtres, spare les deux bassins de la Mditerrane. Lune de ses petites faces est tourne vers le bassin oriental, tandis que sa pointe Nord-Ouest limite avec lEspagne lextrmit du bassin occidental. On comprend quelle ait pu servir de lieu de passage et de champ de bataille entre lOccident et lOrient, que, dans une certaine mesure, elle ait eu une destine comparable celle de la France, dont lhistoire est domine par lopposition et laction rciproque du Midi et du Nord(1). Au seuil des deux bassins, Carthage fut une nouvelle Tyr, qui soumit une partie de lOccident et y rpandit ses marchandises, voire mme ses murs et ses croyances. Puis, Rome abattit sa rivale et t rgner dans tout lOccident la civilisation latine. Aux premiers sicles de notre re, ce fut surtout en Afrique que slabora la fusion des lments orientaux et occidentaux dans le christianisme. A la domination des Vandales, ces Germains qui vinrent par lextrme Ouest, succda celle de lempire byzantin, la fois hritier de Rome et reprsentant
____________________ 1. Jullian, Histoire de la Gaule, 1, p. 66 et suiv.
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de la civilisation grco-orientale. Enn, la conqute arabe rompit les liens qui attachaient lAfrique au monde latin et y implanta la religion et la langue de lIslam. Isole par la mer et par le disert, dun abord et dune pntration difciles, lAfrique du Nord tait cependant appele, par sa position gographique, t tenir une place importante de lhistoire de la Mditerrane. Mais elle a beaucoup plus reu que donn. Incapables de runir en un faisceau toutes leurs forces, de fonder un empire et de crer une civilisation qui leur fussent propres, ses habitants ont accept ou subi les suprmaties matrielles et les inuences morales qui, successivement, se sont prsentes eux. Ils ont mme contribu les propager. Des guerriers libyens ou berbres conquirent lEspagne au prot de Carthage et de lIslam; les grands crivains latins de lAfrique chrtienne aidrent puissamment au triomphe dune religion qui, quelques sicles aprs, disparut compltement de leur patrie.
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Indiquons tout dabord les traits gnraux du climat actuel(1). LAfrique du Nord est situe dans la zone tempre borale, mais dans la partie mridionale de cette zone. Elle est comprise en effet entre le 29 de latitude Nord (extrmit occidentale de lAnti-Atlas) et le 37 (extrmit Nord-Est de la Tunisie). Elle appartient donc laire des pays chauds. Cependant le voisinage ou lloignement de la mer et la diversit des altitudes y dterminent des diffrences de temprature bien marques. Cette contre offre une trs grande tendue de ctes, le long desquelles linuence rgulatrice de la mer tablit un climat o les maxima de chaleur et de froid ne prsentent pas de grands carts. Il est rare que le thermomtre descende audessous de zro, du moins dans le cours de la journe, et quil slve au-dessus de 30 degr centigrades. Il faut nanmoins tenir compte, mme proximit du littoral, des refroidissements nocturnes, qui saut causs par le rayonnement dans les temps clairs, frquents en Afrique, et qui affectent la couche infrieure de latmosphre, jusqu une hauteur denviron un mtre; il arrive souvent en hiver, et parfois mme au printemps, que la temprature, pendant une partie de la nuit, tombe au-dessous de zro dans le voisinage du sol(2). Ces refroidissements peuvent tre funestes la vgtation. En t, lhumidit de lair est pnible pourtant, elle attnue lardeur des rayons du soleil, modre lvaporation, et, quand le siroco svit, tempre sa brlante scheresse. De mai septembre, la brise de mer soufe au milieu de la journe et apporte une fracheur bienfaisante(3). Mais lAfrique du Nord est, dans son ensemble, un pays de
____________________ 1. Pour la Tunisie, voir surtout Ginestous, tudes sur la climat de la Tunisie (Tunis, 1906) ; pour lAlgrie, Thvenet, Essai de climatologie algrienne (Alger, 1896) ; pour le Maroc, Th. Fischer, Mittelmeer-Bilder, II, p. 303-306, et L. Gentil, le Maroc physique, p. 244-271. Rsum dans A. Knox, the Climate of the continent of Afrika (Londres, 1911), p. 32-63. 2. Rivire et Lecq, Culture du Midi, de lAlgrie et de la Tunisie, p. 12, 24, 37. 3. Surtout sur la cte occidentale du Maroc, longe par un courant marin froid, qui modre la chaleur en t : voir Gentil, 1. c., p. 232-4.
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hautes terres. A mesure quon slve et quon sloigne du littoral, lcart entre les tempratures extrmes augmente. En hiver, le thermomtre peut descendre dans la journe -9 degrs Tiaret, -11 Stif, -13 Batna, -5 au Kef, -6 Maktar. Les froids nocturnes que le rayonnement provoque la surface du sol sont souvent trs vifs, mme au printemps, dans une saison o la gele est particulirement redoutable aux cultures. Dans les jours dt, la transparence de latmosphre laisse toute leur force aux rayons du soleil ; la chaleur et lvaporation sent intenses. Mais la fracheur des nuits exerce une action tonique sur les hommes et les animaux ; le rayonnement produit des roses, qui rparent, dans une certaine mesure, les effets de lvaporation diurne. Parmi les vents, le siroco prsente des caractres spciaux. Ce nom, qui parait venir du grec (dun mot signiant desscher), est donn dans lEurope mridionale et quelquefois me dans lAfrique du Nord, des vents dhiver humides et chauds. Il en est rsult des confusions. Conformment ltymologie qui vient dtre indique, il convient de rserver le nom de siroco un vent sec. Tantt il ne se manifeste que sur une tendue trs limite, tombant verticalement, sans perturbation apparente de latmosphre, et durant en gnral peu de temps. Tantt cest un vent dorigine saharienne, dont la direction varie par consquent du Sud-Est au Sud-Ouest. Il peut traverser la mer et savancer jusquaux ctes mridionales de lEspagne et au centre de lItalie. Il soufe avec violence, obscurcissant lair par les poussires quil entrane, pompant lhumidit, amenant une chaleur de four, sauf lorsquil passe sur des montagnes couvertes de neige. Quoiquil puisse clater en toute saison, il se dchane surtout en t et dure soit quelques heures peine, soit plusieurs jours(1). Son inuence sur les tres vivants
____________________ 1. La frquence du siroco varie beaucoup selon les rgions. Le vent chaud du Sud est trs rare au Maroc, au Nord du Haut-Atlas, qui larrte. A Alger, il ne
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est dprimante. Il dessche la Vgtation et est particulirement redoutable la vigne ; les crales, moissonnes au dbut de lt, sont moins exposes ses ravages(1). Le siroco mis part, les vents qui dominent pendant lhiver sont ceux du Sud-Ouest et de lOuest au Maroc, du NordOuest en Algrie et en Tunisie. Dans cette saison, ceux du SudOuest et de lOuest sont frquents aussi en Algrie. Les vents dominants dt viennent du Nord et du Nord-Est au Maroc et en Algrie, du Nord-Est et de lEst sur la cte orientale de la Tunisie(2). Cest la quantit plus ou moins forte des pluies et leur rpartition plus ou moins favorable la vgtation, beaucoup plus que la qualit des sols, qui font la valeur conomique des rgions : pays de cultures et darbres ; steppes o ne poussent que des plantes permettant llevage despces animales sobres ; enn dserts. Les pluies sont amenes dans lAfrique septentrionale par les vents du Sud-Ouest, de lOuest et du Nord-Ouest, qui; ayant pass sur de vastes surfaces marines, arrivent chargs de vapeur deau. En Algrie, pays au les conditions mtorologiques ont t assez bien tudies, on a constat que les prcipitations les plus frquentes, les plus abondantes et les plus tendues sont dues aux vents du Nord-Ouest. La saison pluvieuse concide peu prs avec lhiver, en y comprenant la seconde moiti de lautomne et le dbut du printemps, entre les mois doctobre novembre et davril-mai : cest la priode de lanne o les vents dont nous venons de parler dominent et o la vapeur deau quils contiennent rencontre au-dessus des terres africaines des tempratures plus
___________________ soufe quun petit nombre du tours par an. Il est au contraire frquent dans lEst et le Sud de la Tunisie, o il ne rencontre pas dobstacle. M. Ginestous (l. c., p. 404) compte 113 jours du siroco Sousse, 134 Kairouan. 1. Surtout lorge, qui mrit un mois plus tt que le bl. 2. Les vents dEst soufent presque toute lanne dans le Sud de la Tunisie.
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ou moins froides, qui la forcent se condenser. Il y a souvent dans cette saison deux poques de prcipitations plus abondantes, deux maxima, spars par une priode de scheresse. Entre mai et octobre, les pluies tombent rarement et sont de courtes ondes, dordinaire sous forme dorage. Elles font presque entirement dfaut en juillet et en aot. Les vents dominants du Nord-Est et dEst ne trouvent pas, au-dessus du sol surchauff, les conditions atmosphriques ncessaires la condensation de la vapeur deau dont ils se sont imprgns en passant sur la Mditerrane. Les chaleurs prcoces provoquent sur les montagnes la fusion rapide des masses neigeuses, qui, dans des pays plus septentrionaux, constituent des rserves, alimentant les rivires la n du printemps et pendant une partie de lt. Les neiges disparaissent en mai des hauts sommets de la Kabylie. Elles durent plus longtemps sur lAtlas marocain, beaucoup plus lev, et ont une inuence heureuse sur le dbit des cours deau ; mais, mme dans cette rgion, elles ont peu prs achev de se fondre en juillet, sauf peuttre dans des anfractuosits que le soleil ne chauffe pas(1). On sait ce que sont en t; la plupart des rivires de lAfrique du Nord. Cette saison sche est, il est vrai, un peu attnue par lhumidit que la brise de mer porte parfois assez loin dans lintrieur, et aussi par les roses, Quand elle nempite pas trop sur lautomne et sur le printemps, elle nentrave pas la culture des crales, dont le dveloppement a lieu pendant la saison des pluies. Elle ne peut tre que protable la vigne et lolivier et, dune manire gnrale, elle ne nuit gure la vgtation arbustive, assez rsistante pour la supporter. Mais elle cre de grosses difcults llevage. Quant, la saison humide, elle se prsente avec des irrgula____________________ 1. Cof. Gentil, le Maroc physique, p. 263-6.
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rits qui font courir des risques graves lagriculture. Quelquefois, les pluies manquent presque entirement : cest heureusement lexception. Pour un mme lieu, les variations dans la hauteur totale des chutes sont souvent trs fortes dun hiver lautre(1), sans quon puisse expliquer les causes de ces diffrences(2). Mais la quantit des pluies a beaucoup moins dimportance que leur rpartition. A Sidi bel Abbs, la moyenne annuelle des pluies natteint pas 0 m. 400, mais, grce il leur bonne rpartition, les rcoltes donnent presque toujours les meilleurs rsultats(3). Il faut surtout que leau du ciel tombe en octobrenovembre, an quon puisse labourer les terres dessches et faire les semailles, puis en mars-avril, an que les plantes dj formes simbibent de lhumidit ncessaire pour rsister au soleil dj chaud et achever leur maturit, Dans lintervalle, il faut des alternatives de pluie et de beau temps(4). Or, souvent, les pluies dautomne se font attendre, ce qui retarde les semailles et, par contrecoup, lpoque de la maturit, qui doit seffectuer lorsque le soleil est devenu trs ardent et aprs la date normale du maximum des pluies printanires. Souvent, la scheresse, se prolongeant pendant des semaines et mme des mois(5), empche la germination des grains et la croissance
____________________ 1. Pluies Alger en 1893, 0 m. 516 ; en 1889, 0 m. 978 : Thvenet, p. 65. A An Braham, en 1893, 0 m. 925 ; en 1894, 2 m. 253 ; A Tunis, en 1904, 0 m. 311 ; en 1892, 0 m. 639. Au Kef, en 1897, 0 m. 310 ; en 1898, 0 m. 913. A Gafsa, en 1891, 0 m. 132 ; en 1892, 0 m. 433. Voir Ginestous, p. 219 et 220. Au cap Spartel, en 1896, 0 m. 872, ; en 1897, 1 m. 143 ; Gentil, l. c., p. 261. 2. On connat la thorie de Brckner. Ce savant admet des cycles dune dure moyenne de 33 ans, comprenant chacun une suite de variations dans la temprature et la pluie, variations qui se reproduiraient au cycle suivant. Mais nous navons pas les moyens de contrler cette thorie pour lAfrique du Nord. Notons cependant qu Alger, il sest coul 36 ans entre les deux maximum de pluies des priodes 1850-4 et 1886-1890 : Gauckler, dans Annales de Gographie ; XII, 1903, p.331. 3. Lecq, lAgriculture algrienne (Alger, 1890), p. 12. 4. Lecq, 1. c., p. 9-10. 5. Sur sept annes, de 1887 1893, M. Saurin (lAvenir de lAfrique du nord, Paris, 1890, p. 20) a compt, Tunis six hivers ayant eu des scheresses dau moins deux mois.
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des plantes. Enn, les pluies de printemps, dcisives pour la rcolte des crales, peuvent manquer tout fait ou tre trs insufsantes. Ces pluies si capricieuses ne sont pas toujours bienfaisantes. Elles ont frquemment une allure torrentielle(1). Cest ce qui explique,par exemple, pourquoi Alger, avec cent jours de pluie, a une tranche deau suprieure celle de Paris, o la moyenne des pluies est de cent quarante jours (Alger, 0 m. 682 ; Paris. 0 m. 594)(2).Au lieu de pluies nes et prolonges qui humectent le sol sans linonder et le bouleverser, qui pntrent jusque dans les profondeurs et y forment des nappes do jaillissent les sources, de vritables trombes se prcipitent. Alors, surtout dans les terrains argileux, nombreux en Afrique, les eaux ruissellent rapidement sur les surfaces inclines, sur les sols durcis par le soleil. Dans les ravins o elles convergent, des torrents se gonent et roulent avec dautant plus de force que les pentes sont souvent trs raides et les diffrences de niveaux brusques dans cette contre tourmente ; ils entranent dabondantes quantits de terre vgtale, provoquent des boulements, creusent de profonds sillons, causent par leurs inondations de grands ravages ; presque aussitt aprs leur lit est vide. Ces mfaits; du ruissellement ont t aggravs, depuis des sicles, par le dboisement, dont nous aurons reparler(3). Les surfaces planes peu permables, sur lesquelles les eaux de ces pluies sauvages tombent directement du ciel ou dvalent des montagnes, se transformant subitement en des lacs, qui, du reste, disparaissent vite ; car lvaporation est trs forte par suite de lardeur du soleil, frquemment aussi de la violence du
____________________ 1. Voici quelques exemples pour la Tunisie (Ginestous, p. 384, 398, 403, 417) ; Kelibia, du 26 novembre au premier dcembre 1899, 0 m. 386 de pluie ; au Kef, le 19 septembre 1888, 0 m. 384. 2. Je donne ici les chiffres indiqus par M. Gauckler, dans Annales de Gographie, XII, p. 213. 3. Voir chap. IV.
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vent(1). Dans des terres plus faciles pntrer, il arrive que le sol se dtrempe tellement que les labours dautomne se font dans de mauvaises conditions, que les grains enfouis dans les champs et les racines naissantes pourrissent. Les prcipitations torrentielles prennent parfois la forme dorages de grle, qui svissent dans les pays levs du Tell, cest--dire de la partie cultivable de la Berbrie. Ils ont lieu principalement en hiver et au printemps : dans cette dernire saison, ils peuvent tre fort nuisibles la vgtation. Les diffrentes rgions de lAfrique du Nord reoivent des quantits de pluie fort diverses. Par exemple, An Draham, en Khoumirie, la moyenne annuelle est de 1 m. 641 ; Philippeville, de 0 m. 766 ; Constantine, de 0 m. 632; Batna, de 0 m. 399 : Tbessa, de 0 m. 344 ; Biskra, de il 0 m. 170(2). Ces ingalits tiennent plusieurs causes : voisinage ou loignement de la mer: diffrences daltitudes : accs plus ou moins facile que tel ou tel pays offre par son exposition aux courants atmosphriques chargs de vapeur deau. Les vents humides viennent, nous lavons dit, du SudOuest, de lOuest et du Nord-Ouest, aprs avoir pass soit sur locan, soit sur la Mditerrane. Les ctes occidentale et septentrionale du Maroc, les ctes de lAlgrie. la cte septentrionale de la Tunisie, que ces vents rencontrent tout dabord, sont donc favorises sous le rapport des pluies. Cependant elles ne le sont pas dune manire uniforme. En face du Maroc et de la province dOran, la Mditerrane est beaucoup moins large quen face des provinces dAlger et de Constantine et de la Tunisie ; elle offre par consquent un champ dvaporation moins vaste.
____________________ 1. M. Bernard (Une Mission au Maroc, Paris, 1904, p.9) observe que, dans le Maroc occidental, lvaporation parat tre moins intense quen Algrie, la temprature souvent couvert aprs les pluies.
2. Les chiffres que je cite ici et plus loin sont emprunts M. Thvenet (p. 62, 63) et M. Ginestous (p. 20) : Tunisie, annes 1886-1900). Ils ne peuvent prtendre qu une exactitude approximative.
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A langle Nord-Ouest du Maroc, cet inconvnient est compens par les vents qui viennent de lOcan(1). Mais, plus lEst, les vents du Sud-Ouest qui arrivent jusqu lOranie se sont dpouills de la majeure partie de leur humidit sur lAtlas marocain ; dautre part, les vents, particulirement pluvieux, du Nord-Ouest atteignent le rivage africain aprs stre presque dbarrasss, de leur vapeur deau sur les hautes montagnes du Sud de lEspagne, et sans avoir pu la remplacer sufsamment dans leur courte traverse de la Mditerrane(2). Plus loin vers lEst, et peu prs depuis lembouchure du Chlif, ils se chargent dhumidit : au-dessus de la mer intrieure, qui slargit de plus en plus, et ils viennent aborder de front le littoral, presque perpendiculaire la direction quils suivent. Il en rsulte une augmentation des pluies, surtout au pied des massifs montagneux de la grande et de la petite Kabylie. Les moyennes sont, Tns, de 0 m. 594 ; Alger, de 0 m. 766(3) ; Bougie, de 1 m. 306 ; Djidjeli, de 1 m. 007 ; Bne, de 0 m. 738 ; la Calle, de 0 m. 861 ; Tabarca, de 1 m. 094. Quant la cte orientale de la Tunisie, les vents pluvieux dhiver ne latteignent quaprs avoir souf sur des espaces terrestres auxquels ils ont abandonn la plus grande partie de leur vapeur deau. Aussi les moyennes annuelles y sont-elles beaucoup moins leves : 0 m. 471 Tunis, 0 m. 415 Sousse, 0 m. 246 Sfax, 0 m.190 Gabs(4). Soit dans le voisinage de la mer, soit lintrieur des terres, il faut tenir compte des altitudes pour expliquer les diffrences des prcipitations. On sait que les montagnes provoquent la
____________________ 1. En dehors du dtroit, au cap Spartel, la moyenne des pluies a t de 0, m. 810 pour la priode 1894-1904 : Fischer, Mittelmeer-Bilder, II, p. 335. 2. Bernard et Ficheur, dans Annales de Gographie, XI, 1902, p. 233. Conf. Thvenet, l. c., p. 62, 71. Moyenne annuelle Oran : 0 m. 486. 3. Selon Gauckler, O m. 682 ; voir plus haut, p. 46. 4. Chiffres donns par M. Ginestous (p. 201), pour la priode 1886-1900. Pour la priode 1900-1904, M. Ginestous (p. 218) indique les chiffres suivants : Tunis, 0 m. 399 ; Sousse, 0 m. 367 ; Sfax, O m. 130 ; Gabs, 0 m. 159.
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formation des pluies : les courants qui viennent les heurter se refroidissent par le mouvement dascension quils subissent et par la rencontre de tempratures plus basses que la leur; ce qui amne la condensation de la vapeur quils contiennent et des chutes deau, ou, si lair est au-dessous de zro, des chutes de neige. Plus le massif est lev, plus la barrire quil prsente aux vents humides est abrupte, plus les prcipitations sont abondantes. Mais les montagnes sont de vritables crans, qui arrtent la pluie, dune manire plus ou moins complte, au dtriment des pays qui stendent en arrire, surtout si ces pays sont des dpressions brusques et profondes : les courants, qui se sont dchargs dune grande partie de leur humidit en gravissant les pentes, s chauffent dans leur mouvement descendant et la vapeur deau quils contiennent encore ne se condense que trs difcilement. On peut poser en principe que, dans lAfrique septentrionale, les cts Nord-Ouest et Nord dune chane, dun massif reoivent beaucoup plus de pluie que les cts Sud et Sud-Est. Il sensuit qu proximit du littoral, les rgions altitude leve ont, en rgle gnrale, un climat dhiver plus humide que les terres basses. A Fort-National, dans la grande Kabylie, il tombe 1 m. 121 de pluie ; Taher, dans la petite Kabylie, 1 m. 153 ; le maximum est atteint en Khoumirie, An Draham, o, une altitude de 1019 mtres, on a constat une moyenne de 1 m. 641(1). Au contraire, certaines rgions trs voisines de la cte ne reoivent que des prcipitations peu abondantes, si des montagnes empchent laccs des vents humides. Tel est le cas de la valle du Chlif, dpression spare de la mer au Nord, par les terrasses et les chanes du Dahra, domine en outre au Sud par la massif de lOuarsenis, qui attire les nuages : Orlansville, la moyenne est de 0 m. 442. Il en est de mme
____________________ 1. Annes 1886-1900 ;1 m. 670 pour la priode 1900-1904.
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de la valle profonde de la Soummane, au Nord et au NordOuest de laquelle le Djurdjura forme une puissante barrire. En arrire de la Khoumirie, la tranche annuelle sabaisse 0 m. 478 dans la plaine de la Medjerda, Souk el Arba. A lintrieur, la diminution des pluies devrait tre en proportion de la distance qui spare les diverses rgions de la mer, do viennent les courants humides, si le relief du sol et lexposition ne dterminaient pas des variations importantes. Lorsque le relief est dispos de telle sorte que des plans successifs stagent, se prsentant de front aux vents chargs de vapeur deau, lorsque des couloirs inclins sers la cte ouvrent ces vents des voies daccs, les pluies peuvent pntrer fort loin. Ainsi, la partie centrale de la Tunisie, avec ses hautes plaines, avec ses plateaux, coups par des valles encaisses, avec le rempart que forme la chane Zeugitane, offre une aire tendue de condensations ; quoique les montagnes situes plus au Nord enlvent aux vents une bonne partie de leur humidit, elles ne sont pas assez leves pour laccaparer. Le Kef reoit 0 m. 543 de pluie ; Souk et Djemaa, 0 m. 508. Nous avons dit(1) quen Algrie, le couloir de la valle de la Mina permet aux courants humides de parvenir facilement la rgion de Tiaret, o la haute altitude est favorable aux condensations(2) : la moyenne est de 0 m. 744. Loin dans le Sud, les massifs montagneux importants provoquent des recrudescences de pluie. Tandis que, dans les steppes des provinces dAlger et dOran, les chutes ne dpassent gure 0 m. 200, elles atteignent presque le double dans lAtlas saharien, qui forme la bordure mridionale de ces steppes : 0 m. 389 Gryville, 0 m. 380 Djelfa. Mais, en arrire, cest--dire au Sud et au Sud-Est des crans que forment les montagnes de lintrieur, la diminution des pluies saccuse nettement : 0 m. 398 Sidi bel Abbs, derrire
____________________ 1. P. 10. 2. Conf. Bernard et Ficheur, l. c., p. 347.
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la chane du Tessala : 0 m. 453 Stif, derrire le massif des Babors (o la moyenne dpasse un mtre) ; O m. 269 Bou Saada, dans la dpression du Hodna, borde au Nord par un cercle de hautes montagnes ; 0 m. 450 environ dans lEnda, derrire la chane Zeugitane ; moins encore Kairouan (0 m. 364(1)). Au Sud du Maroc, immdiatement en arrire du rempart norme de lAtlas, le ciel est serein presque toute lanne dans la rgion de loued Sous et sur la lisire septentrionale du Sahara. Laghouat et Biskra, situes au pied mridional de lAtlas saharien, ne reoivent que 0 m. 187 et 0 m.170 de pluie. Ainsi, existence dune saison presque entirement sche pendant quatre mois au moins (la dure de cette saison varie suivant les pays) ; quelquefois, scheresse presque absolue pendant toute lanne ; frquemment, au cours de la saison humide, insufsance et mauvaise rpartition des pluies, priodes de scheresses prolonges ; rgime torrentiel des chutes ; vaporatien abondante et rapide ; distribution fort ingale des pluies sur les rgions hautes ou basses, accidentes ou plates qui senchevtrent souvent dans un grand dsordre : tels sont les caractres principaux du climat actuel de lAfrique septentrionale.
II Quel tait le climat de cette contre dans lantiquit ? Depuis lapparition de lhomme (les historiens nont pas remonter plus haut), il sest assurment modi. A lpoque plistocne ou quaternaire, pendant la priode laquelle appartiennent les plus anciens outils de pierre trouvs en Afrique, il devait tre, dune manire gnrale, plus chaud et plus humide
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qui aujourdhui(1), comme lindiquent les ossements de certains animaux, recueillis avec ces instruments : lphants (de lespce dite Elephas atlanticus), rhinocros, hippopotames(2). Le Sahara, sans doute plus sec que la rgion mditerranenne(3), ntait cependant pas un dsert(4). Il est permis de supposer qu il a pu tre travers par des animaux qui ont besoin de quantits abondantes deau(5), car on a constat lidentit dun certain nombre despces qui existaient alors en Berbrie et qui vivent encore aujourdhui au Soudan et dans lAfrique australe(6). Un climat chaud et trs humide rgna dans lEurope centrale pendant une partie de lpoque quaternaire, dans le long intervalle de deux priodes glaciaires ; cest alors quapparaissent dans cette contre les plus anciens vestiges de lindustrie humaine : puis vint une priode de froid humide, suivie dun climat la fois sec et froid, caractris, au point de vue de la faune, par le renne ; les cavernes servirent de demeures aux hommes. Ce refroidissement dut aussi se faire sentir dans lAfrique du
____________________ 1. Mais non pas, semble-t-il, pendant toute la dure de lpoque plistocne : voir Pomel, dans Comptes rendus de lAcadmie des Sciences, CXIX, 1894, p. 314 et suiv. ;Gautier, Annales de Gographie, XX, 1911, p. 442 ; Flamand, Recherches gologiques et gographiques sur le Haut-Pays de lOranie, p. 744-5. Noter que, mme pendant la priode dont nous parlons, il y avait dans lAfrique du Nord des animaux qui saccommodent aujourdhui dun climat chaud, mais sec : la girafe, le zbre, le chameau. 2. A Gafsa, dans le Sud de la Tunisie, des alluvions superposs sur une grande paisseur contiennent des outils palolithiques offrant les types les plus primitifs. Ltude de la formation de ces alluvions a convaincu M. de Morgan quil y avait eu cette poque des prcipitations atmosphriques trs abondantes et trs violentes (Revue de lcole danthropologie, XX, 1910, p. 220). 3. Gautier, Sahara algrien, p. 20. 4. Largument tir de la botanique, que Schirmer (le Sahara, p. 135) invoque pour afrmer la trs haute antiquit du dsert au Sahara, nest nullement premptoire. Voir Chudeau, Sahara soudanais, p. 130. 5. La question est, il est vrai, trs obscure, car il y a lieu dadmettre que, dans une priode quaternaire, peut-tre celle dont nous parlons, un dsert coupant les communications, stendait sur le Nord du Soudan : Chudeau, l. c., p. 272 et suiv. 6. Voir chap. IV. Plus tard, la faune de la Berbrie et celle du Soudan se distingurent trs nettement ; le Sahara ne fut plus un pont, mais une barrire :Kularlt, Studien zur Zoogengraphie, l. p. 32 et suiv., 83 ; II, p. 233.
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Nord, y causant la disparition(1) ou la diminution de quelques espces animales, amenant peut-tre lhomme sabriter sous des grottes. Mais il fut beaucoup moins marqu que dans le centre de lEurope(2). Il ny a probablement jamais eu de glaciers en Berbrie, mme sur les montagnes trs leves de lAtlas marocain(3). Il est bien difcile de dire ce qua t exactement le climat de lAfrique septentrionale pendant la longue srie de sicles qui scoula entre cet ge primitif de lhumanit et lpoque laquelle appartiennent les documents historiques les plus anciens, cest--dire le milieu du premier millnaire avant JsusChrist. On peut seulement constater que, dans le Tell, la faune qui accompagne les restes de lindustrie palolithique la plus rcente et de lindustrie nolithique vit, ou pourrait vivre encore dans le pays ; des espces aujourdhui disparues ne sont que faiblement reprsentes(4). Notons, dune part, labondance des dbris dufs dautruche, animal auquel un ciel trop humide ne convient pas(5) ; dautre part, celle des escargots, qui ne saccommodent point dun air trop sec. Les stations, les ateliers, ciel ouvert ou dans des abris sous roche, que lon a rencontrs sur divers points du Tell, occupaient des lieux o les conditions climatriques permettraient encore de fonder des tablissements permanents(6).
____________________ 1. Elephas atlanticus, puis hippopotame et rhinocros. 2. Ce ne fut pas 1absence de communications terrestres qui empcha le renne de venir habiter lAfrique du Nord ; en Europe mme, il ne pntra pas dans la pninsule italique et il parat stre arrt en Espagne au Nord-Est de la Catalogne. 3. Bernard, le Maroc, p. 40. 4. Voir chap. IV. 5. Il faut ajouter que cette afrmation nest certaine que pour les autruches actuelles. 6. Mme pour le Sud de la Tunisie, M. Collignon crit (Matriaux pour lhistoire primitive de lhomme, XXI. 1887, p. 197) : Partout o, de nos jours, on trouve une source, les silex abondent et, o il ny n pas deau, ils manquent, ou sont plus rares... Dans les plaines et le fond des valles, on ne trouve que des pices isoles; il en est de mme sur les montagnes : mais dune manire presque constante, le pied de celles-ci est couvert dateliers. Partout o il y a de leau
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Au Sud de la Berbrie, dans lOranie surtout, existent des gravures rupestres, excutes, au moins en partie, dans les derniers temps de lindustrie nolithique. Elles semblent indiquer quun climat assez diffrent du climat actuel rgnait alors dans les montagnes qui bordent le Sahara : les lphants et les grands bufes apparaissent frquemment parmi les animaux reprsents(1). De nos jours, lAtlas saharien nest pas assurment un pays dsertique : il tombe prs de 400 millimtres de pluie dans le djebel Amour(2), autant qu Sidi bel Abbs, presque autant qu Stif et Sousse ; les sources ny manquent pas et on y voit des fort ts et de bons pturages. Il est cependant peu probable que des troupeaux dlphants y trouveraient encore, pendant la saison chaude, lalimentation liquide et solide ncessaire leur existence. Quant aux bufes, qui se baignent en t et craignent la chaleur sche, on ne voit gure comment ils pourraient vivre dans lAtlas saharien. Lhypothse dune modication de climat dans cette rgion nest donc pas invraisemblable. Le Sahara est en dehors de la contre qui fait lobjet de notre tude. Pourtant il ne sera pas inutile den parler ici, au moins brivement, car le climat de cette partie de lAfrique a pu stendre ou exercer une inuence plus ou moins marque sur les pays qui lavoisinent au Nord. Cest un fait bien connu que des stations et des ateliers dits prhistoriques se rencontrent, en nombre vraiment extraordinaire, dans le Nord du grand dsert(3). Limportance de beau____________________ lheure actuelle, ceux-ci sont considrables ; ils sont moins importants au niveau des thalwegs actuellement arides. Il faut avouer cependant, quaux environs et au Sud de Gabs, lextrme abondance des stations nolithiques parait indiquer un climat moins sec que le climat actuel. Gafsa, M. de Morgan, tudiant les alluvions de lOued Bache, a cru reconnatre quelles tmoignent de pluies beaucoup moins intenses et moins torrentielles depuis lpoque de lindustrie palolithique rcente (Revue de lcole danthropologie, XX, 1910, p, 220). 1. Voir Livre II, chap. III. 2. 0 m. 389 Gryville, 0 m. 369 Aou. 3. Voir Livre II, chap. I.
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coup de ces tablissements atteste quils ont t occups pendant fort longtemps, soit dune manire permanente, soit par intermittences. On y trouve des mortiers, des pilons, des rouleaux, qui servaient craser des grains(1). Certaines parties du Sahara taient-elles alors cultivables ? Ces dcouvertes permettent tout au moins de poser la question(2). Les outils; les armes en pierre que lon a recueillis offrent, pour la plupart, des types nolithiques. Au Sud-Est de lAlgrie, dans lErg oriental, ils prsentent une troite parent, souvent mme une entire ressemblance avec ceux qui se rencontrent en gypte et qui datent de plusieurs milliers dannes avant notre re. Mais il serait imprudent dtablir un synchronisme entre les civilisations lithiques des deux contres : il est possible, nous le verrons(3), que lindustrie de la pierre, conservant les mmes procds, les mmes formes, se soit maintenue dans le Sahara plus longtemps quailleurs. Une population nombreuse a donc vcu dans le dsert actuel pendant une priode aux limites incertaines, mais trs longue, qui descend peut-tre jusqu lpoque historique et remonte sans doute beaucoup plus haut. Il faut observer que les stations et ateliers du Sahara ne se trouvent gure que dans des rgions qui sont encore ou ont t des dpressions, rceptacles naturels des eaux, plaines dalluvions des anciens euves(4). Mais ces valles plus ou moins humides se creusaient travers un pays, dont le climat tait dj assez sec pour que lautruche y vct(5) : des restes dufs de cet oiseau abondent dans presque toutes les stations nolithiques sahariennes. Puis les dpressions elles-mmes sont devenues de moins
___________________ 1. Gautier, Sahara algrien, p. 130. 2. Gautier, ibid., p. 135. 3. Livre II, chap. I. 4. Gautier, p. 134. 5. Cette observation est de M. Schirmer (le Sahara, p, 134).
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en moins habitables pour lhomme. Des dunes de sable, formes aux dpens des dpts dalluvions, faonnes par le vent, les ont peu peu barres, morceles, obstrues, combles(1). Leau qui coulait jadis la surface ou une faible profondeur est maintenant absorbe par les dunes et se cache sous le sol, au bien elle svapore rapidement dans des cuvettes sans issue. On peut cependant se demander si lengorgement des valles suft expliquer un changement aussi complet dans le rgime hydrographique, si la diminution des pluies na pas contribu au desschement progressif du Sahara. III Passons la priode pour laquelle nous disposons de documents historiques. Elle commence, nous lavons dit, au Ve sicle avant Jsus-Christ. Dautre part, linvasion arabe, au VIIe sicle de lre chrtienne, marque pour lAfrique du Nord, la n de lantiquit. Nous parlerons dabord du Sahara(2) Des textes, dont quelques-uns ont t souvent cits, prouvent que cette contre tait alors un dsert. Cest Hrodote, indiquant, au del de la zone maritime et de la zone habite par des btes sauvages, une rgion de sables, terriblement sche et vide de tout(3), une zone de sables qui stend depuis Thbes dgypte jusquaux Colonnes dHracls(4)... Au del, vers le midi et lintrieur de la Libye, le pays est dsert, sans eau, sans animaux, sans pluie, sans bois, et on ny trouve aucune humidit(5). Cest
____________________ 1. Cela a t bien expliqu par M. Gautier, 1. c., 41 et suiv. 2. Pour le climat du Sahara dans les temps historiques, voir Schirmer, l. c, p. 120-138. 3. II, 32. 4. IV, 181 (cest--dire jusqu la longitude des Colonnes dHracls). 5. IV, 185.
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Thophraste, mentionnant la partie de la Libye o il ne pleut pas avec des palmiers grands et beaux(1) . Cest Strabon, qui nous montre, au del du littoral, la Libye intrieure, dserte, rocailleuse, sablonneuse(2), strile et sche(3) . La rgion, crit Diodore de Sicile(4), qui stend au Sud (de la Cyrnaque)... est strile et manque deau courante. Elle ressemble une mer, ne prsentant aux yeux aucune varit, entoure de dserts difciles franchir. On ny voit ni oiseau, ni quadrupde, sauf la gazelle et le buf [cest--dire, sans doute, lantilope bubale], ni plante, ni rien qui puisse rcrer le regard. Au loin, vers lintrieur, la terre noffre que des amas de dunes. La plus grande partie de lAfrique, dit son tour Pomponius Mla, est inculte et recouverte de sables striles, ou dserte cause de la scheresse du ciel et des terres(5). Le vent violent du Sud y pousse les sables comme les vagues de la mer(6) . Citons enn Snque(7) : Si les solitudes de lthiopie(8) sont sches et si lon ne trouve dans lintrieur de lAfrique que peu de sources, cest, dit-on, parce que la nature du ciel y est brlante et que lt y rgne presque toujours. Aussi les sables arides, qui ne reoivent que rarement let pluie et la boivent sans retard, stendent-ils, sans arbres, sans cultures. Quoique ces divers passages(9) contiennent certains dtails contestables, ils ne laissent aucun doute sur la nature dsertique du Sahara lpoque historique. Il convient cependant dobserver quau del du Maroc, en un
____________________ 1. Hist. Plant., IV, 3, 5. 2. II, 5, 33. 3. XVII, 3, 23 (il sagit de la rgion situe un del de la grande Syrie et de la Cyrnaque). 4. III. 59. 5. I, 31. 6. I, 39. Voir encore Mla, I 32 : lOuest des Garamantes (Fezzan actuel), stend sur un vaste espace une rgion inhabitable. Conf. Pline lAncien, V, 43. 7. Naturales quaestiones, III, 6. 8. Pour les anciens, lthiopie commenait au Sud de notre Berbrie. 9. Voir encore Lucien, Dipsad, I.
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point du littoral de lAtlantique qui parait rpondre la Saguia el Hamra, entre les caps Juby et Bojador, le Carthaginois Hannon remonta un grand euve, missaire dun vaste lac ; celui-ci communiquait avec un autre grand euve, plein de crocodiles et dhippopotames(1). Ces indications, sur lesquelles nous reviendrons(2), montrent que, vers le Ve sicle avant notre re, la rgion de la Saguia el Hamra offrait, un aspect bien diffrent de celui quelle prsente aujourdhui. Mais dautres textes prouvent aussi que le littoral de lOcan, au Sud du Maroc, tait dj un dsert(3), On doit chercher expliquer par des causes particulires lexistence des euves et du lac mentionns par Hannon ; on ne doit pas conclure de ses assertions que le Sahara, dans son ensemble, ait joui dun climat beaucoup plus humide que de nos jours. Nous venons de citer les auteurs qui attestent le contraire. Il est pourtant probable quon le traversait plus facilement. Si nous sommes trs mal renseigns sur les relations que 1Afriqueseptentrionale a eues dans lantiquit avec le Soudan, ce nest pas une raison pour les nier(4). Ds lpoque carthaginoise, des caravanes franchirent le Sahara(5). Plus tard, vers la n du premier sicle de notre re, des troupes, conduites par des ofciers romains et accompagnes par des Garamantes, rent
____________________ 1. Priple, 9 et 10 (Geogr. gr. min., I, p. 8-9). 2. Voir Livre III, chap. III. 3. Outre le passage dHannon dont nous parlerons plus loin, voir Strabon. XVII, 3, 1 (la Libye, lintrieur et le long de lOcan, est en majeure partie dserte) ; XVII, 3, 5 (le pays des thiopiens occidentaux, au-dessus de la Maurusie, le long de la mer extrieure, est trs peu habit) ; XVII, 3, 8, daprs Artmidore (le pays des thiopiens occidentaux est sec et trs chaud) ; Mla, III, 100 (le littoral de lOcan, au milieu de lAfrique, est ou torride, ou enseveli sous les sables). 4. Conf. Schirmer, l. c., p. 323. 5. Athne (II, 22, p. 44, c) parle dun Carthaginois, Magon, qui traversa trois fois le dsert. Hrodote (IV, 183) indique quon mettait trente jours pour aller de chez les Lotophages (cest--dire du littoral entre les deux Syrtes, o il y avait des villes de commerce phniciennes) au pays des Garamantes. Peut-tre ntait-ce que la premire partie dune route de caravanes conduisant au Soudan, Les Garamantes, chasseurs dthiopiens (Hrodote, ibid,), ont pu tre les convoyeurs, et aussi les pourvoyeurs de ces caravanes.
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____________________ 1. Gsell, Essai sur le rgne de Lempereur Domitien, p. 230. 2. Conf. Schirmer, p. 321-5, 328. 3. Voir Toutain, dans Mlanges de lcole franaise de Rome, XVI, 1896, p. 63 et suiv. 4. Toutain, 1. c., p. 65. 5. Ou, pour parler exactement, du dromadaire. Seule, lespce une bosse existe en Afrique. 6. Sur cette question, voir entre autres : Tissot, Gographie de la province romaine dAfrique, I, p. 349-354 ; Reinach, dans Collections du muse Alaoui, p. 33.44: Cagnat, Arme romaine dAfrique, 2e dit., p. 331-3 ; Flamand, dans Bull. de la Socit danthropologie de Lyon. XX, 1901, p. 210-4. 7. Le chameau a pourtant exist dans le Tell une poque trs ancienne. Des ossements de cet animal ont t trouvs Ternillne, avec des outils de type chellen et des restes dlphants, dHippopotames, et de rhinocros ; voir chap. III (remarquer que le chameau actuel craint les climats humides). On a aussi constat lexistence du chameau (dromadaire) dans quelques stations nolithiques. Il nest pas impossible quil ait disparu avant lpoque historique et quil nait t rintroduit dans lAfrique du Nord quaux environs de notre re. 8. Actes du XIVe congrs des Orientalistes, II, p.119 et suiv. (conf. Revue africaine, XLIX, 1903, p. 341) : tous; les dialectes berbres se servent pour dsigner le chameau, dun mot que M. Basset croit dorigine arabe. 9. Les Romains, qui rent des expditions en Afrique au cours des premire et seconde guerres puniques, ne connurent le chameau que plus tard, dans leur guerre contre Antiochus : Plutarque, Lucullus, II.
de mme(1). Des pistes, partant du rivage des Syrtes, senfonaient dans le dsert. La grande prosprit des villes de la Tripolitaine, de Leptis Magna, dOen, de Sabratha, de Gigthi, de Tacapes(2), loccupation par les Romains de certaines oasis, qui, au del des frontires de lempire, commandaient ces routes(3), ne sexpliquent gure que par un trac actif avec le Soudan : trac dont les matres du littoral protaient et quils cherchaient protger, mais qui ne pouvait pas se faire sans lentremise des indignes. Comme les Touaregs actuels, les Garamantes durent tre les convoyeurs du Sahara(4). Or, nous savons que lemploi du chameau(5) comme bte de somme est assez rcent dans le Nord de lAfrique(6). Il ne gure pas sur les gravures rupestres prhistoriques(7). On ne connat, selon M. Basset(8), aucun nom berbre qui le dsigne. Il nest jamais mentionn au temps de la domination carthaginoise(9). Pline lAncien, qui parle des chameaux de la Bactriane et de lArabie, qui dit expressment que lOrient est la patrie de ces
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____________________ 1. VIII, 77. 2. Bell. afric., LXVIII, 4 (vingt-deux chameaux de larme de Juba, pris par les Romains). 3. Une terre cuite de Sousse, qui date probablement du second sicle de notre re, reprsente un homme sur un chameau (Reinach, l. c.). Il nest pas certain, cependant, que cette gurine ait t faite sur un moule fabriqu dans lAfrique latine. Voir aussi une peinture murale de la rgion de Sousse, qui date du Haut-Empire : Catalogue du muse Alaoui, Supplment. P. 40, n 88. 4. Ammien Marcellin, XXVIII, 6, 3 ; : en 363, le gnral Romanus exige des habitants de Leptis Magua quatre mille chameaux pour faire ses transports. Voir aussi Vgce. III, 23 (conf. Cagnat 1. c., p. 333, n. 4) ; Vibius Sequester, dans Geographi latini minores, p. 147, l. 29-30. 5. Procope, BeIl vand, 1, 8, 23 et suiv. ;II, 11, 17 et suiv. Corippus, Johanide, II, 93, 474 ; IV, 397 ; V, 351, 377, 422 et suivi., 489 ; VI, 83, 194 ; VII, 238, 341; VIII, 40. 6. Dessins et bas-reliefs ; Mlanges de lcole de Rome, X, 1899, p. 580, et Corpus inser. lat.. VIII, 17 171978, n 33 (au Sud-Ouest de Biskra) ; Bull. de lAcadmie dHippone, XVIII, p. XXIV et 123, pl. VII, g. 3 (au Sud-Ouest de Tbessa) ; Bull. archologique du Comit, 1902 p. 407, pi. XLVII, g. 7 ; ibid., 1906, p. 116 (Sud de la Tunisie); Denham et Clapperton, Narrative of travels and discoveries, pl la p. 303 (conf. Tissot, 1, p, 353, g. 22) ; Mhier de Mathtuisieulx, dans Nouvelles Archives des missions, XII, 1904, pl. X (Ghirza en Tripolitaine ; plusieurs images de chameaux, dont lun est attel une charrue). Aucune de ces images ne parait tre antrieure au Bas-Empire. Lampe chrtienne : Catalogue du monde Alaoui, Supp1., p. 246, n 1436, pl. XCVII. g. 6. 7. Les chameaux furent aussi employs dans le Tell ; voir Ammien Marcellin, XXIX, 5, 53; Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1900, p. 118). Mais ils sy rpandirent peu, semble-t-i1 ; le climat du Tell ne leur convient pas. Au VIe sicle, les chevaux des troupes vandales et byzantines qui allaient combattre dans le Sud ntaient encore accoutums ni leur aspect, ni leur odeur. 8. La prosprit conomique de la Tripolitaine prit certainement un grand essor sous la dynastie des Svres, dont le chef tait originaire de Lupus Magna, Ce fut cette poque que Rome fait des garnisons dans les oasis situes sur les routes du Soudan, ce qui favorisa videmment le commerce des caravanes. Peut-tre le dveloppement du trac transsaharien t-il alors adopter dnitivement lusage du chameau. Notons qu la n
animaux(1), parait ignorer leur existence dans lAfrique septentrionale. Il y en avait cependant dans cette contre ds lpoque de Jules Csar(2), mais on nen faisait sans doute quun usage restreint(3). Le premier texte qui nous montre un grand nombre de chameaux servant des transports, la lisire du dsert, date du Bas-Empire(4) ; il est conrm par dautres textes du VIe sicle(5) et par des documents archologiques(6), qui sont aussi dune poque tardive(7). Peut-tre des dcouvertes futures permettront-elles dassigner une date plus recule lemploi gnral du chameau dans les caravanes sahariennes(8) cependant
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____________________ du IIIe sicle, lAfricain Arnobe (Il, 23) parle du chameau comme dun animal quil connat bien : discit) ramelus sese submittere, sive cum sumit onera, sive com ponit . 1. Rolfs (cit par Schimer, p. 131) a soutenu que le mhari est un animal propre au Sahara, distinct du chameau dorigine arabe, mais cette opinion est certainement errone. Le mhari est un chameau dont les qualits de vitesse et dendurance ont t obtenues par slection et dressage ; conf. Gautier, la Conqute du sahara, p. 84-87. 2. Hrodote IV, 183. 3. Pseudo-Scylax, Priple, 112 (Geogr. gr. Min., I, p. 94. 4. Hrodote, IV, 183. Il existe au Sahara (dans le Fezzan, Telliz Zarhne, et dans le Tibesti) des gravures rupestres reprsentant des bufs. Celles de Telliz Zarhne paraissent tre antrieures aux temps dont nous parlons ici ; lge de celles du Tibesti est incertain. 5. Questiones ex utroque Testamento mixtim, 115 (crit attribu Saint Augustin dans Migue, Patrologie latine XXXIV-V, p. 2350 : Garamuntum, qui supra Tripolim Afrorum sunt, regibus tauri placurunt ad sessum. 6. Conf. Gautier, Sahara algrien, p. 54. 7. Il y a des bufs bosse (zbus, dorigine soudanaise, non seulement dans lAdrar des Horass et dans lAr, qui sont la lisire mridionale du Sahara, mais aussi plus au Nord, dans lAhaggar ; Duveyrier en a signal dans loasis se Ghat : voir Gautier, p. 108, 137, 318 ; Chudeau, Sahara soudanais, p. 203. Mais, quoique la chose ne soit pas absolument impossible (Schirmer, p. 128 ; Gautier, p. 137, il serait draisonnable de traversern le Sahara avec des bufs.
le silence de Pline, qui tait all en Afrique, parait interdire de remonter plus haut que la n du premier sicle(1). Au temps dHrodote, au Ve sicle avant notre re, ctait sur des chars attels de quatre chevaux que les habitants du Fezzan actuel, les Garamantes, allaient donner la chasse aux thiopiens troglodytes(2), qui vivaient peut-tre dans le Tibesti. Des thiopiens occidentaux, tablis sur la cte de lOcan, en face de lle de Cern, dans un pays privilgi, il est vrai, mais envelopp par le dsert, passaient pour de bons cavaliers, au IVe sicle avant Jsus Christ(3). Outre leurs chevaux, les Garamantes possdaient des bufs(4), qui servaient de montures(5) et probablement de btes de somme. Ils ont pu employer aussi des nes(6), quoique aucun texte nen mentionne. Or, si le chameau peut rester une huitaine et mme une dizaine de jours sans boire, le cheval, pour ne pas parler du buf(7), est beaucoup plus exigeant. Les indignes qui savanaient travers le Sahara cheval ou sur des chars sastreignaient-ils emporter des provisions, destines abreuver et nourrir leurs btes
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durant plusieurs jours ? Cest possible(1) : cependant on est en droit de supposer que les points deau, et aussi les pturages, taient alors moins espacs le long des pistes du dsert. Leur nombre a pu diminuer par suite des progrs des dunes, qui saccumulent de plus en plus dans les anciennes valles du Sahara. Peut-tre aussi les pluies qui alimentaient ces points deau sontelles devenues plus rares. Mais il ne faut pas se faire illusion sur la fragilit dune telle hypothse. IV A-t-on au moins des raisons dadmettre que le climat se soit modi la lisire septentrionale du Sahara et dans la partie de la Berbrie qui borde le dsert au Nord ? La Blanchire a crit ce suje(2) : Il est une partie de la Libye du Nord o, certainement, sest produit, et depuis les temps historiques, un grand changement hydrographique, hygromtrique, mtorologique. Il est tout fait hors de doute que le Sud de cette contre, le Nord du Sahara, a t, au moins en partie, une rgion trs mouille, pleine de marcages et, naturellement. de grands vgtaux. Cette humidit stendait sur les espaces contigus. La cuvette des chotts, que les textes(3) ne nomment jamais que paludes ; les fonds, galement tremps, des plateaux les moins levs; le bassin de ce Nil, de ce Niger, de ce euve vague que les auteurs anciens entrevoient presque tous derrire la Berbrie ; la dpression qui existe en effet au pied de lAtlas saharien ; les valles, encore imprgnes, du djebel Amour, de lAtlas marocain ; les longs thalwegs de lIgharghar, de loued
____________________ 1. Conf. Strabon,n XVII, 3, 7 ; il dit que, pour traverser le dsert, les Pharusiens (peuple vivant dans le Sud du Maroc) attachent des outres pleines deau sous le ventre de leurs chevaux. 2. Nouvelles archives des missions, VII, 1897, p. 31-33. 3. Ces textes rduisent, je crois, Mla, I, 36 ; ingens palus Tritunis Conf., si lon veut, Hrodote, IV, 178 ; Ptolme, IV, 3, 6.
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Mia, de loued Ghir, de loued Djedi, ceux de loued Draa, de loued Guir, de loued Zousfana, qui, dIgli Figuig, est encore un marais : tout cela fut jadis une espce de jungle, relie ou non aux forts du Nord... Comment sest faite la transformation ? Comment la scheresse a-t-elle triomph, la ore disparue, la faune, migr vers le Sud ? Cest ce que nous ne saurions dire. Mais il en a t ainsi... Au moment o lAfrique du lord est entirement colonise, lagriculture, quand elle Vient buter contre le Sahara, sy heurte bien un dsert... Les colons le dcouvrent tel quil est aujourdhui, en meilleur tat toutefois, bien plus riche de sources, du puits et doasis. Ltude des textes ne permet pas dadopter cette opinion. De lOcan jusquau fond de la grande Syrte, la plupart des tmoignages grecs et latins, les plus anciens comme les plus rcents, nous montrent une suite de rgions sches, vritables vestibules du dsert. Nous les examinerons tout dabord(1) ; puis nous apprcierons la valeur de ceux qui semblent les contredire. Vers le Cinquime sicle avant Jsus-Christ, Hannon longe le dsert ds quil a dpass le Lixos, cest--dire loued Draa, au Sud du Maroc(2). Au milieu du premier sicle de notre re, le gnral romain Sutonius Paulinus le rencontre ds qui il a franchi lAtlas marocain, en savanant dans la direction du euve Ger, peut-tre loued Guir daujourdhui. Il trouve des solitudes de sable noir, o, a et l, font saillie des roches qui paraissent brles ; quoique lexpdition ait lieu en hiver, ce pays est inhabitable cause de la chaleur(3) : La rivire que le roi Juba identiait avec le Nil et qui prenait sa source dans une montagne au Sud de la Maurtanie, non loin de lOcan coulait
____________________ 1. A ceux que nous allons citer, ajouter Salin (XXVII, 5). Il dit de lAfrica, cest--dire de la Berbrie : Latere quod ad meridiem vergit fontium inops et infamis siti. 2. Priple, 8 (Gogr. gr. min., I, p. 6). 3. Pline, V, 14.
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travers une rgion dserte, brlante, sablonneuse, strile(1) Au Sud du massif de lAurs, Vadis (aujourdhui Bads) tait situe dans des sables secs, brls par le soleil(2) . Dans le Sud de la Tunisie(3), le chott el Djerid et le chott et Fedjedje ntaient pas plus tendus dans lantiquit que nos jours(4). La crote de sel qui forme la surface de ces lac, ne sest pas abaisse. Au milieu mme du chott et Djerid, sur une piste, on rencontre un puits ancien (Rir el Menzol), obstru depuis longtemps, qui salimentait par une nappe deau douce. Or le rebord de ce puits ne dpasse que de deux ou trois pieds le sol environnant(5). Il est vident quautrefois la crote saline qui permettait de latteindre ne devait pas, ou du moins ne devait gure s lever au-dessus du niveau actuel. La grande voie militaire, tablie au dbut de lre chrtienne, qui reliait Tbessa Gabs, franchissait lextrmit Nord-Est du chott el Fedjedje, et une borne, blatte au 155e mille, a t trouve c sur le bord du chott, prs des dernires terres cultivables(6) peut-on conclure que, comme aujourdhui, il ny avait cet endroit que des eforescences salines, faciles traverser, mme pour de lourds chariots. Tacapes (Gabs) tait, au tmoignage de Pline, qui parait lavoir visite, une oasis au milieu des sables(7). Au sud des chotts, au sud-Est de Gabs et le long de la route qui reliait lAfrica la Cyrnaque, on essayait de remdier la pnurie
____________________ 1. Pline, V, 31 et 32 : per deserta et ardentia . 2. Corippus, Johannide, II, 138. 3. Il ne faut pas, pour cette rgion, chercher des arguments en faveur dune modication de lhydrographie dans les indications quHrodote, le Pseudo-Scylax et Ptolme donnent sur le lac Tritonis et le euve Triton. Voir dans Tissot, Gographie, I, p. 100 et suiv., la critique de ces textes, qui contiennent manifestement de graves erreurs. 4. Conf. Partsch (crit cit plus haut, p. 40. 5. Tissot, I, p. 126, Thomas, Essai dune description gologique de la Tunisie, I, p. 111 et g. 19, la page 112 (daprs un croquis de Tissot). 6. Toutain, dans Mmoires des antiquaires de France, LXIV, 1903, p. 204 et carte. 7. Pline, XVIII, 188 : in mediis harensis .
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de leau courante par des puits et des citernes, si ncessaires aux voyageurs que les Itinraires anciens les mentionnaient(1). Cet t un prodige, au dire dun pote africain, de voir les ravins des Syrtes apporter de leau la mer(2). Entre le rivage, o slevaient les villes de Sabratha et dOea, et le rebord du plateau saharien, il ny a. pas de ruines dans la rgion plate appele aujourdhui la Djeffara(3) ; on ne pouvait pas plus y vivre autrefois quaujourdhui(4). Le littoral de la grande Syrte est, dit Strabon(5), un pays sablonneux, dessch, strile. Des vers de Lucain(6) dcrivent cette cte, o il ne pleut pas, o la chaleur et la poussire sopposent toute vgtation. Cinq cents ans plus tt, Hrodote indiquait dj(7) que le pays situ dans le fond de la Syrte tait dpourvu deau(8). Tel tait le littoral. A lintrieur, au del de la bordure du plateau saharien, dont les falaises dominent pic la Djeffara, citait le dsert brlant, inhabitable, de vastes dserts, dit Pline(9), stendant dans la direction du pays des Garamantes ; des lieux tristes, o il ny a nul moyen daller ni de vivre , dit Corippus(10). Pour se rendre de la cte chez les Garamantes,
____________________ 1. Table de Peutinger: Puico (au Sud des chotts) ; Patea Pallene, Ad Cisternus (conf. Ptolme, IV, 3, 4), Puten nigra (sur la route du littoral). Voir aussi Enqute sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 202 et suiv. ; II, p. 17 et suiv. ; Carton, tude sur les travaux hydrauliques des Romains en Tunisie (Tunis, 1897), p. 34. 2. Anthologia latina, p. 275, n 349. En 347, les Byzantins et les indignes se livrrent une grande bataille pour la possession dune rivire qui donnait de leau, une quarantaine de kilomtres au Sud-Est du Gabs ; Corippus, Johannide, VI, 473 et suiv., 493 et suiv., 513. 3. Conf. Supra, p. 23. 4. Mhier de Mathuisieulx, Nouvelles archives des missions, XIII, 1904, p. 82. Conf. Corippus, II, 116-117 : Muctuniana manus calidis descendit ab oris Quae Tripolis deserta calit. 5. XVII, 3, 20 et 23. 6. IX, 431 et suiv. ; conf. Ibid., 402-3, 523-5. 7. IV, 173 ; conf. IV, 175. 8. Voir aussi Diodore, XX, 42 ( la n du Ive sicle avant J.-C., larme dOphellas sengage, le long de la grande Syrte, dans un dsert sans eau, infest de serpents) ; Salluste, Jugurtha, LXXIX, 3. 9. V, 26 : conf. V, 35. 10. Johannide, VI, 283-6 ; conf. Ibid., 294.
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on suivait des pistes jalonnes par des puits. Il sufsait aux indignes de combler ces puits avec du sable pour supprimer les communications(1). Citons maintenant quelques tmoignages qui paraissent aller lencontre de ceux que nous venons dindiquer. Sur lAtlantique, Hannon, arrivant lembouchure du Lixos, qui vient, dit-il, de hautes montagnes, trouve un grand euve, sur les rives duquel des nomades font patre des troupeaux(2). Le Lixos, on le sait(3), est loued Draa. Or, de nos jours, sauf dans des crues exceptionnelles, loued Draa napporte gure deau la mer. Depuis le coude partir duquel il se dirige vers lOuest, sur une longueur de 600 kilomtres, cest dordinaire, un large foss, nayant quun cours souterrain. Sans doute, il faut tenir compte des irrigations qui saignent le euve dans la partie suprieure de son cours, mais, mme si cette cause dpuisement disparaissait, le courant natteindrait probablement pas lOcan. Il semble bien quil en ait t autrement au temps dHannon : celui-ci naurait pas quali de grand euve un lit dessch(4). Plus tard, Polybe (ou Agrippa), dcrivant la cte, signalait des crocodiles dans le Darat, qui parat correspondre aussi loued Draa(5). Cela ferait croire que les montagnes qui alimentent ce euve et ses afuents, cest--dire le Haut-Atlas et lAnti-Atlas, recevaient plus de pluie quaujourdhui(6).
____________________ 1. Pline, V, 38. 2. Priple, 6 (Gogr. gr. min., I, p. 5, 6. 3. Voir plus haut, p. 63. 4. Je noterai cependant, sans insister sur cette remarque, que les riverains du euve taient, au dire dHannon, des pasteurs nomades, et non des sdentaires qui auraient utilis leau du Lixus pour des cultures. 5. Pline, V, 9. Il est malais de dire si cest une citation dAgrippa (voir Riese, Geographi latini minores, note la page 5) ou de Polybe (comme on le dit gnralement : opinion dfendue par Klotz, Quaestiones Plinianae geographicae, dans Qellen undForschungen de Sieglin, XI, 1906, p. 14-15).. 6. Kobelt (Studien zur Zoographie I, p. 79) suppose quil existait autrefois, sur le cours suprieur de loued Draa, un ou deux lacs, qui lui servaient de rservoirs et lui assuraient un dbit abondant en toute saison. Mais ce nest l quune fragile hypothse.
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____________________ 1. Pline, V, 51 (daprs Juba) ; Pausanias, I, 33, 6 ; Dion Cassius, LXXV, 13. Voir aussi Mla, III, 96 : Ammien Marcellin, XXII, 15, 8 ; Paul Orose, 1, 2, 29. Pline (V, 52) indique galement, daprs Juba, des crocodiles dans un lac situ chez lez Masaesyles, dans la Maurtanie Csarienne. 2. Pausanias (I, 33, 5), dont les indications sont du reste trs sujettes caution, parle de trois rivires qui descendent de lAtlas, mais qui sont aussitt absorbes par le sable. 3. Crocodile (espce du Nil) captur en 1909 par le capitaine Niger, dans le Tassili des Azdjers ; la dpouille, adresse M. Flamand, a t envoye par ce dernier Paris, au Musum (indications de M. Flamand). Voir aussi Schirmer, le Sahara, p. 142. 4. Conf. Dinaux, dans Enqute administrative sur les travaux hydrauliques anciens en Algrie, p. 142. 5. Gsell, dans Mlanges Boissier, p. 227 et suiv. ; le mme, Atlas archologique de lAlgrie, Ier 48, n69.
Il y avait aussi des crocodiles dans une ou plusieurs rivires qui, comme loued Draa. sortaient de lAtlas et que des anciens identiaient avec le Nil(1). Avaient-elles plus deau que nen ont de nos jours loued Ziz ou loued Guir ? Il ne faudrait pas lafrmer trop vite(2). Des crocodiles pourraient vivre dans les rivires que nous venons de nommer ; il en vit encore en plein Sahara(3). A peu de distance au Sud de loued Djedi, qui nat prs de Laghouat et se prolonge vers lOrient jusqu au Sud-Est de Biskra, on peut suivre, sur environ soixante kilomtres, la trace dun gigantesque foss. Il partait de la rivire et on la naturellement regard comme un ouvrage dhydraulique agricole. Sil en tait ainsi, il serait ncessaire dadmettre que loued Djedi fournissait un volume deau assez considrable pour sufre des irrigations trs tendues(4). Mais on na retrouv aucun dbris de limmense barrage de drivation quil aurait fallu construire sur le lit de la rivire : dailleurs, dautres raisons portent croire que ce foss marquait une frontire romaine et quil est rest toujours sec(5). Sur les bords de loued Itel, dont le lit est parallle celui de loued Djedi, une cinquantaine de kilomtres au Sud, existent des vestiges de bourgs, construits par des maons indignes. Pourtant les dispositions de certains ouvrages dfensifs
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prouvent que lon sest efforc dimiter les forteresses romaines ou byzantines. Sur le sol de ces anciens tablissements gisent des fragments de poteries vernisses, de fabrication romaine. De nombreux tombeaux sont des tumulus, type de spulture qui remonte sans doute une haute antiquit; mais on y a trouv des objets en fer, des poteries vernisses. Ils ont probablement t levs par les villageois voisins(1). Il nest pas certain que ces ruines datent toutes de la mme poque, car les centres habits ont pu se dplacer. En tout cas, elles attestent, sinon un peuplement trs dense, du moins des murs sdentaires, dans un pays qui nest plus occup que par des nomades, et seulement pendant une partit de lanne. Faut-il admettre un changement de climat ? Sufrait-il, au contraire, de faire des barrages sur la rivire, de creuser des puits, pour ranimer la vie passe ? Cest ce que nous ignorons. Les ruines romaines abondent au Sud et au Sud-Est du massif de lAurs, comme aussi au Sut-Est de Gabs. entre les Monts des Matmatas et la mer. Les anciens. nous le savons, ont choisi pour lexploitation de ces rgions des cultures exigeant trs peu deau, et ils ont utilis,de la manire la plus judicieuse et la plus attentive, les ressources que pouvaient leur offrir les oueds descendant des montagnes, les pluies, les nappes souterraines. On est cependant tent de se demander si ces vestiges ne tmoignent pas dune densit de population que ne comporterait point le climat actuel, dans des conditions semblables dexploitation du sol et demploi de leau disponible(2). Pline lAncien, aprs avoir dcrit la province dAfrique,
____________________ 1. Hamy et Lerny, Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1896, p. 10-13. Blanchet, Bull. archologique du Comit, 1899, p. 137-142. 2. Conf., pour le pays du Sud-Est de Gabs, Carton, Annales de la Socit gologique du Nord, XV, 1887, p. 44. Dans le Nefzaoun, lEst du chott el Djerid, lexistence de citernes qui ne pourraient plus tre alimentes aujourdhui, permet de croire que le rgime des pluies sest modi dfavorablement depuis lpoque romaine : Toutain, Bull. archologique du Comit, 1903, p. 339.
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parle des deux Syrtes. Pour aller, dit-il(1), la petite Syrte(2), il faut traverser des dserts de sable, infests de serpents. Viennent ensuite des saltus(3), pleins dun grand nombre de btes sauvages et, plus lintrieur, des solitudes o vivent des lphants ; bientt, de vastes dserts et, au del, les Garamantes, qui sont loigns des Augiles de douze journes de marche. Daprs ces indications, les saltus et les lieux habits par des lphants devaient se trouver entre le golfe de Gabs et le Fezzan, sur la bordure du plateau saharien, dans la zone appele par les indignes le Djebel (monts des Matmatas, Djebel Douirat, djebel Nefousa)(4). Des bois trs pais sont signals par Hrodote(5) deux cents stades de la mer, la colline des Grces, do sort le euve Cinyps(6), cest--dire dans le pays situ au Sud de Lebda (autrefois Leptis Magna). Le mme historien parle avec enthousiasme du pays parcouru par ce euve(7) : La rgion du Cinyps vaut les meilleures terres du monde pour les crales et ne ressemble en rien au reste de la Libye. Le sol est noir, arros par des sources ; il na pas craindre la scheresse, ni lexcs des pluies, car il pleut dans cette partie de la Libye. Le produit des rcoltes y est avec la semence dans le mme rapport que sur la terre de Babylone..., de trois cents pour un. Les terres leves qui dominent presque le rivage, en arrire de Lebda, arrtent les vents chargs dhumidit et reoivent quelques pluies. Ou y voit encore de belles plantations
____________________ 1. V, 26. 2. En venant du Nord, comme le prouve le contexte. 3. Cest dessein que nous ne traduisons pas ce mot, qui signie, dune manire gnrale, lieu couvert de vgtation naturelle : soit fort, soit maquis, soit pturage. Ici le sens parait tre maquis. 4. Dans un autre passage (VIII, 32), Pline reparle de ce pays o lon trouve des lphants : lphantos fert Africa ultra Syrticas solitudines. 5. IV, 175. 6. Le Cinyps est loued Oukirr, qui dbauche dans la mer peu de distance au Sud-Est de Lebda et dont le cours est plus tendu que ne le croit Hrodote. Voir Mhier de Mathuisieulx, Nouvelles Archives des missions, XIII, 1904, p. 96. 7. IV, 198.
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doliviers, de vastes champs dorge, dinnombrables troupeaux de moutons(1) . Ce nest plus cependant le paradis dcrit par Hrodote. Peut-tre linformateur de celui-ci a-t-il exagr(2). Quoiquelle reoive aussi un peu de pluie, la rgion du Djebel est moins favorise. Il serait sans doute impossible des lphants dy vivre. Lexamen des textes et des documents archologiques dont nous disposons peut donc autoriser quelques hsitations. Pourtant il parait certain que, dans le demi-millnaire qui prcda lre chrtienne et dans celui qui la suivit, la lisire septentrionale du Sahara tait dj une zone sche. Mais il est permis de croire que les montagnes qui la bordent recevaient un peu plus de pluie. Elles accaparaient leau du ciel ; plus boises peut tre quaujourdhui(3), mieux garnies du terre vgtale, elles emmagasinaient mieux cette eau, qui ressortait ensuite par des oueds, ou formait des nappes souterraines, quon atteignait par des puits. V Il nous reste tudier le climat de la Berbrie proprement dite. On produit quelques arguments pour soutenir quil tait plus humide dans lantiquit que de nos jours. Cest dabord le desschement ou labaissement dun certain nombre de sources et de puits(4). Plusieurs causes peuvent tre
____________________ 1. Mhier de Mathulsieulx, dans Publications de lAssociation historique de lAfrique du Nord, V, 1906, p. 67. 2. Sil pleuvait dans cette rgion, les pluies ny taient pas trs abondantes, du moins sous la domination romaine. On y a mnag les eaux avec le plus grand soin. M. de Mathuisieulx (l. c.) parle de barrages colossaux, de vastes citernes, de puits profonds. 3. Les bois pais de la colline de Grces ont disparu, de mme que ceux qui sont indiqus par Strabon (XVII, 3, 18) au cap Cphales, aujourdhui cap Misrata, lEst de lembouchure du Cinyps ; conf. Tissot, l, p. 213-6. 4. Carton, dans Annales de la Socit Gologique du Nord, XXIV, 1886, p. 32. La Blanchre, dans Archives des missions, troisime srie, X, 1883, p. 63.
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___________________ 1. Voir par exemple, Poulle, dans Recueil de Constantine, XVIII, 1870-7, p. 568-570 ; Mougel, dans Bull. de lAcadmie dHippone, XX, 1885, p. 166-7 ; Notice sur lhydraulique agricole en Algrie (Alger, 1900), p. 62-63 ; Bourde, Rapport sur les cultures fruitires dans le centre de la Tunisie (dit. De 1899), p. 6 ; Payen, Rec. De Constantine, VIII, 1864, p. 3. 2. Cassiodore, Var. pist., III, 53. Comperimus aquilegum Roman venisse de partibus Africanis, ubi ars ipsa pro locorum siccitate magno studio semper excolitur, qui aridis locis aquas dare possit imatiles, ut beneco suo habitari faciat loca nimia sterilitate siccata. Une inscription du troisime sicle (C. I. L VIII, 8809) mentionne dans la Medjana, au Sud-Ouest de Stif, une source qui, depuis lontemps avait disparu, et que des travaux y remdirent. 3. Enqute sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 66 et 70 ; II, p. 149, 150. Carton, dans Bull. archologie du Comit, 1898, p. 128. 4. Papier, dans Rec. de Constantine, XIX, 1878, p. 280. 5. Enqute Tunisie, I, p. 73.
invoques pour expliquer ses faits : 1 la diminution des pluies ; 2 laggravation du ruissellement, consquence du dboisement, de la destruction des terrasses construites en tages sur les pentes, de la diminutions des tendues ameublies par les labours ; 3 les mouvements du sol, qui ont pu modier ou obstruer les issues des sources et bouleverser les nappes souterraines : on sait que les tremblements de terre sont frquents dans lAfrique du Nord. Dans les deux dernires hypothses, il sagirait de phnomnes locaux, qui nintresseraient pas le climat. Ajoutons que lasschement de certains puits, la disparition de certaines sources ne sont sans doute quapparents. Sources et puits sont simplement obstrus, par la faute des indignes, qui ngligent de les curer(1). Bien diffrente tait la conduite des anciens, qui recherchaient les sources avec beaucoup de soin ; il y avait, dans lAfrique romaine et mme vandale, des ingnieurs spciaux (aquilegi) dont ctait le mtier(2). Dautres fois, le point dmergence de la source sest seulement dplac(3). Ailleurs, on constate quune source cesse de couler pendant quelque temps, puis reparat(4), quune autre, importante lpoque romaine, mais aujourdhui misrable, coulait assez. abondamment il y a peu dannes(5) : ces caprices doivent tre attribus soit des mouvements de terrain, soit
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aux alternatives de priodes dannes pluvieuses et, de scheresse. Il faudrait donc, pour que largument et une relle valeur, lappuyer sur des constatations certaines, nombreuses et embrassant des rgions tendues. Jusqu prsent, on ne dispose que de quelques observations, faites, pour ainsi dire, au hasard(1). Plusieurs mritent de ne pas tre perdues de vue, bien quon ne puisse pas encore en tirer une conclusion gnrale. Dans le pays des Nmenchas, au Sud-Ouest et au Sud de Tbessa, M. Gunin(2) a remarqu que de nombreux puits antiques, dblays de nos jours, sont demeurs sec . Entre Gafsa et Sfax et autour de Sfax, le nettoyage de beaucoup de puits na pas donn de meilleurs rsultats(3). Il sagit, on le voit, de pays peu loigns du Sahara. La plupart des sources qui alimentaient des centres romains existent encore : cest mme pour cette raison que nos villages de colonisation slvent presque toujours sur lemplacement de ruines. Leur dbit a-t-il diminu depuis une quinzaine de sicles ? Il nous est impossible de rpondre avec prcision, mais de rares constatations permettent de croire quen divers lieux, ce dbit ne sest pas modi(4). Cependant, dans certains pays,, qui sont couverts de ruines attestant lexistence dune population nombreuse, les sources sont rares aujourdhui et trs peu abondantes, ou bien elles manquent tout il fait. Tel est le ces pour les rgions situes
____________________ 1. Mercier, dans Bull. archologique du Comit, 1888, p. 109 (rgion de Guelma). Carton, tude sur les travaux hydrauliques des Romains en Tunisie, p. 80 (au Sud de Madjerda) ; M. Carton observe : Cest le seul exemple bien net que jaie rencontr dune source compltement disparue depuis lpoque romaine. Germain de Montauzan, dans Nouvelles archives des missions, XV, 1908, p ; 87 ; le dbit de laqueduc de Carthage devait tre lpoque romaine notablement suprieur au dbit actuel. Mais lauteur ajoute : On peut attribuer cet appauvrissement soit au dboisement des montagnes, soit lobstruction des veines deau souterraines. 2. Nouvelles Archives des missions, XVII, 1090, p. 76. 3. Enqute Tunisie, I, p. 256. Carton, tude, p. 12. 4. A Lambse : Moll. Dans Annuaire de Constantine, III, 1836-7, p. 159-160. A Thelepte, Cillium, Sufetuin ; Bourde, Rapport, p. 6.
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lEst de Sada, au Sud et au Sud-Est de Tiaret(1), au Sud du Stif, au Sud-Est de Khenchela, au Sud de Tbessa(2) et aussi pour la Tunisie mridionale. Il faudrait tudier trs attentivement les moyens que les anciens ont employs dans ces diffrentes rgions, an de se procurer, indpendamment des sources, leau dont ils avaient besoin et dont ils paraissent Stre servis surtout pour lalimentation ; il conviendrait dexaminer si ces moyens ne permettraient pas encore un peuplement aussi dense. Dautre part, nous rpterons ici une observation dj faite plus haut. Ces ruines peuvent se rpartir sur une assez longue srie de sicles(3). Deux bourgs, dont les vestiges se rencontrent peu dintervalle, ne sont peut-tre pas contemporains ; lun a pu remplacer lautre. Il ne serait pas prudent dadditionner les populations de ces divers centres, pour essayer de xer un total sappliquant une poque dtermine. Il ny a donc pas l une preuve premptoire de la diminution des sources et, par consquent, des pluies. On a fait observer que certaines forts sont en dcadence, que les vieux arbres y meurent dpuisement, sans tre remplacs, en quantit sufsante, par de jeunes sujets(4). La diminution des pluies en serait cause. L encore, une enqute minutieuse serait ncessaire pour dterminer quelle est la part des
____________________ 1. La Blanchre, dans Archives des missions, 3e srie, X, 1883, p. 60-61, 63. Conf. Joly, dans Association franaise pour lavancement des sciences, Lille, 1900, II, p. 885. 2. Gurin, l. c., p. 76. 3. Les archologues oublient trop que lAfrique est reste trs cultive, trs peuple pendant les sicles qui ont suivi linvasion arabe. Il suft, pour sen convaincre de lire les gographes, El Yacoubi, Ibn Haucal, El Bekri. Beaucoup de ruines quon qualie de romaines pourraient bien tre des ruines de constructions berbres, dans lesquelles avaient t employs des matriaux datant de lpoque romaine. Je parle ici des habitations et non des dices ofciels et religieux, quil est ais de dater, au moins approximativement. 4. P our les forts de lOranie, voir Battendier et Trabut, dans Bull. de la Socit botanique de France, XXXVIII, 1891, p. 320 ( ces forts semblent steindre naturellement par suite dun changement climatologique, survenu une poque relativement rcente ). Les forts de cdre des monts de Batna et du massif de lAurs sont aussi en dcadence : Vaissire, Revue africaine, XXXVI, 1892, p. 128 ; Battendier et Trabut, lAlgrie, p. 40.
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hommes et du btail, et quelle est celle du climat dans le dprissement progressif de ces forts(1) Si le desschement est rel, il importerait de dterminer, dans la mesure du possible, quand il n commenc : il peut tre d des causes rcentes. Enn, on a souvent indiqu, comme preuve dune modication de climat, lexistence de llphant dans lAfrique du Nord lpoque antique. Les textes mentionnant des lphants dans cette contre sont trs nombreux et se rapportent une priode de plusieurs sicles(2). Hannon en signale, vers le cinquime sicle avant Jsus-Christ, dans le Maroc actuel(3) ; Hrodote, au mme sicle, dans le pays qui, selon lui, se trouve lOccident du euve Triton, cest--dire en Tunisie(4). Puis viennent Aristote, qui dit quil y a dans la rgion des Colonnes dHracls des lphants, comme en Inde(5) ; Agatharchide(6) ; Polybe, qui afrme que la Libye est pleine dlphants(7) et raconte, daprs le roi Gulussa, ls de Masinissa, que, dans le Sud de lAfrique (Berbrie actuelle), aux contins de lthiopie, les dfenses dlphants sont tellement abondantes quon sen sert pour faire des poteaux, des haies, des cltures de parcs bestiaux(8) ; le pote Manilius(9) ; le roi Juba(10), auquel sont probablement emprunts la plupart des passages dlien relatifs aux lphants afri____________________ 1. On attribue la dcadence actuelle des forts de cdres de la province de Constantine une cause accidentelle, une priode de grande scheresse, qui a dur de 1874 1881 et qui a tu beaucoup de vieux arbres. et aux ravages causs depuis lors aux jeunes sujets par les chvres. M. Lapie (dans la Revue de Gographie, III, 1909, p. 119), qui constate aussi la dcadence des boisements de cdres du Djurdjura, croit que la faute en est aux indignes et leurs troupeaux. 2. Sur les lphants de lAfrique du Nord, voir en particulier : Armandi, Histoire militaire des lphants, p. 13 et suiv. ; Lacroix, dans Revue africaine, XIII, 1869, p. 1735, 350-1 : Tissot, Gographie, l. p. 363-373. 3. Priple, l (Geogr. gr. min., l, p. 3). 4. IV, 191. 5. De Caelo, II, 14, 15. 6. Geogr. gr. min., l, p. 117, n 9. 7. XII, 3, 5. 8. Cit par Pline, VIII, 31. 9. IV, 664. 10. Voir Fragmenta historicorum graecoram, dit. Mller, III, p. 474-5.
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cains(1) ; Strabon, qui mentionne des lphants en Maurusie (Maroc)(2) ; Pline, qui en indique dans le mme pays(3), ainsi quau Sud des Syrtes(4) ; Juvnal(5) et Lucien(6), qui parlent de livoire que les Maures expdient Rome et des bandes dlphants quon rencontre en Maurtanie(7). On sait quau IIIe sicle ayant notre re, les lphants jourent un rle important dans les armes carthaginoises. Pour ne citer que quelques chiffres, Polybe en mentionne 140, employs en Sicile pendant la premire guerre punique(8) ; Hannon et Hamilcar eurent leur disposition 100 et 80 lphants pendant la guerre des mercenaires(9) ; Asdrubal, gendre dHamilkar, en eut 200 en Espagne(10) ; Asdrubal, ls de Giscon, 140 dans larme quil commanda prs dUtique, en 204(11) ; Hannibal, 80 Zama(12). Les remparts de Carthage renfermaient des curies pour en Loger 300(13). Les rois numides et maures possdrent aussi des lphants de guerre. Dans une bataille, Jugurtha en perdit 44(14) ;
____________________ 1. Nat. Anim., VI, 30; VII, 2; IX, 38; X, 1; XIV, 3. Var. hist., XII, 33. 2. XVII, 3, 4; XVII, 3, 7 et 8. Conf. Mla, III, 104 (il indique labondance de livoire dans une region qui correspond au Sud du Maroc). 3. V, 5, 13 et 18 ; VIII, 2 et 32. 4. Voir plus haut, p. 69, n. 1 et 4. 5. XI, 124-5 6. Quomodo historia conscribendu sit, 28. 7. Tous ces textes montrent combien est fausse l(hypothse de Kobelt (Studien zur Zoogeographie, I p. 70-71), qui se demande si les lphants dont les Carthaginois rent usage la guerre ne venaient pas dailleurs (du Sngal ou de pays situs plus au Sud) ; pour viter des expditions coteuses, on aurait tabli un certain nombre de ces animaux dans des lieux de Tunisie, o ils auraient vcu en demi-libert et se seraient reproduits. Il suft de faire remarquer : 1 que les Carthaginois nemployrent pas dlphants la guerre avant le IIe sicle, tandis quHannon et Hrodote en signalent dans lAfrique du Nord, une poque bien antrieure ; 2 quune bonne partie des rgions o lon indique des lphants ntaient pas soumises la domination de Carthage. Il ny a pas lieu non plus dadmettre lexistence des deux races, lune indigne, lautre introduite par les Carthaginois : aucun texte ne justie cette hypothse. 8. I, 138, 2. Voir aussi Pline, VIII, 16. 9. Polybe, 1, 74, 75. 10. Diodore, XXV, 12. 11. Appien, Lib., 13. 12. Polybe, XV, II. Tite-Live, XXX, 33, 4. Appien, Lib., 40. 13. Appien, Lib, 95. 14. Salluste, Jug., LIII, 4.
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Juba Ier en amena 120 aux Pompiens pour combattre Jules Csar(1). Ces lphants taient capturs dans lAfrique du Nord. Appien(2) raconte que, dans la seconde guerre punique, lorsquon apprit que Scipion sapprtait passer en Afrique, les Carthaginois envoyrent Asdrubal, ls de Giscon, la chasse aux lphants : il ne dut pas aller les chercher loin de Carthage, car le temps qu il mit accomplir sa mission fut trs court(3). Un autre Asdrubal, peut-tre le gendre dHamilcar, put pntrer chez des Numides, sous prtexte dy capturer des lphants, qui abondent en Numidie , ajoute Frontin(4). Pompe chassa llphant en Numidie(5). Les lphants que Juba 1er mit en ligne la bataille de Thapsus sortaient peine de la fort(6) . Pline lAncien(7) et Plutarque(8) indiquent, daprs Juba II, comment on sy prenait en Afrique pour capturer ces animaux. Llphant devint, en quelque sorte, le symbole de cette contre. Il gura sur les monnaies des rois indignes(9) et lart hellnistique(10) coiffa lAfrique personnie dune dpouille dlphant(11). Les Romains, qui avaient dj eu combattre les
____________________ 1. Bell. afric., l. 4 ; XIX, 3. 2. Lib., 9. 3. Armandi, l. c., p. 17-18. 4. Stratagmes, IV, 7, 18. 5. Plutarque, Pompe, 12. 6. Florus, 11, 13, 67 ; bellorum rudes et nuperi a silva. 7. VIII, 24-25. 8. De sollertia animalium, 17. 9. Monnaies de Juba 1er : Mller, Numismatique de lancienne Afrique, III, p. 43 ; de Juba II : iblid., p. 103, 108 ; Revue numismatique, 1908, pl. XIII, g. 26. Les monnaies dargent publies par Mller, III, p. 17 et 34, paraissent avoir t frappes par les Carthaginois en Espagne ; elles ne doivent donc pas tre cites ici. 10. Lexemple le plus ancien est, je crois, une monnaie dAghatocle ; voir Lexikon der Mythologie de Roscher, s. v. Libye, p. 2039. 11. Claudien, De consulatu Stilichonis, II, 236 ; De bello Gildonico, 1378. Doubret et Gauckler, Muse de Constantine, p. 42-42 etc. Il faut remarquer quAlexandrie parce quelle formait le trait dunion entre lAfrique du Nord. Lthiopie orientale et lInde, les trois rentres o les anciens connaissaient des lphants.
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lphant, asiatiques de Pyrrhus, connurent les africains lors des guerres puniques. Ils apprirent le nom que leur donnaient les indignes(1) et les Carthaginois(2), kaisar (ou quelque forme voisine). Les lphants africains, disent les auteurs, taient plus petits et moins vigoureux que les indiens(3). Des images, dailleurs imparfaites, nous montrent quils avaient des dfenses plus longues et surtout des oreilles plus larges, disposes eu ventail(4), particularit, qui se retrouvent dans lespce africaine actuelle (Elephas capensis)(5), Quoique la question soit obscure, on peut admettre quils descendaient de lElephas africanus(6) distinct de lElephas atlanticus et qui a survcu ce dernier(7). Parmi les textes qui nous font connatre lexistence des lphants, la plupart napprennent rien de prcis sur leur rpartition gographique. Quelques-uns, cependant, nous donnent
____________________ 1. Spartien, Aelius, II, 3. Caesarem... ab elephanto, qui lingua Maurorum caesai dicitur. (2) Servius ; In Aeneid., I, 286. Ce nom parait se retrouver sur des inscriptions puniques de Carthage : Corpus inscriptionum semitienrum, Pars. I, nos 336, 389 (Kaisar). Conf. Clermont-Ganneau, Recueil darchologie orientale, I, p. 230-4. 3. Pline, VIII, 27, Tite-Live, XXXVII, 39, 13. Diodore, II, 16 et 35, Strabon, XV, 1, 45. 4. Monnaies reproduites dans Tissot, l. p. 365 ; voir aussi Revue numismatique, 1908, pl. XIII, g. 26 : Babelon, Monnaies de la Rpublique romaine, I, p. 263-5, nos 14, 17-20 ; p. 273-5, nos 38-43 ; p. 278, n 47 ; II, p. 10, n 9. Stle punique de Carthage : Corpus inscriptionum semiticarum, Pars, I, n182, pl. XLV. Mosaque dOudna : Bull. archologique du Comit, 1906, pl. I, g. 2. Mosaque de Virs ; Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1899, pl. la page 170. On ne retrouve cependant pas ces grandes oreilles sur les deux images dlphants du pont de Constantine : Delamare, Exploration scientique de lAlgrie, Archologie, pl. 118, g ? 1 (conf. Tissot, I, p. 374, g 42) ? Je ce connais pas les bas-reliefs du thtre de Medrina, qui reprsentaient, comme Constantine, deux lphants affronts : Bull. archol. Du Comit, 1897, p. 423. 5. Pourtant les lphants de la Berbrie taient de plus petite taille que les africains actuels, puisque ceux-ci sont plus grands que les indiens. Ils paraissent avoir t faciles dresser, tandis que le dressage des lphants modernes dAfrique offre des difcults, qui, du reste, ne semblent pas insurmontables (voir Bourdarie, Association franaise pour lavancement des sciences, Saint-Etienne, 1897, II, p. 364 et suiv.). 6. Sur cette espce, voir Pomel, lphants quaternaires (Alger, 1895), p. 20 et suiv. 7. Pomel, l. c., p. 64 et 67.
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dutiles renseignements cet gard. Rappelons dabord ceux qui indiquent des lphants au Sud de la Berbrie, la lisire du Sahara : les deux passages de Pline qui les signalent au del des Syrtes, le passage de Polybe, reproduit par le mme auteur, o il est question du labondance des lphants aux conns de lthiopie. Il y eu avait aussi, daprs Pline(1) et lien(2), au pied du Haut-Atlas marocain, et, autant quil semble, sur les deux versants, car le texte de Pline parait en mentionner sur le versant mridional, dans le voisinage immdiat du dsert. Dautres textes se rapportent des rgions plus septentrionales. Hannon, aprs avoir doubl le cap Suloeis (le cap Cantin), arriva, en une demi-journe, la hauteur dune lagune, pleine de grands roseaux, o il y avait des lphants, avec beaucoup dautres btes(3). Les environs de Sala, a lembouchure du euve du mme nom (cest aujourdhui loued Bou Begreg), taient, au dire de Pline(4), infests de troupeaux dlphants. Aristote(5) et Pline(6) en signalent aux Colonnes dHercule. Nous ignorons o se trouvait le euve Amilo, situ dans les forts de la Maurtanie, o, selon une lgende rapporte par Plin(7), sans doute cho de Juba, des lphants venaient se purier solennellement la nouvelle lune(8). Mais des documents de lpoque romaine indiquent, en Maurtanie Csarienne, en Numidie et dans la province dAfrique, peu de distance du littoral, des localits dont le nom est signicatif(9) :
____________________ 1. V, 15 (citant Sutonius Paulinus). 2. Nat. Anim., VII, 2. 3. Priple, 4 (Gogr. gr. min., p. 3) 4. V, 5. 6. V, 18. Conf. Solin, XXV. 1. 7. VIII, 2. 8. Il nest pas certain que lAmila soit loued Amilou (ou oued Mellila), afuent de la Moulouia, comme le veut Tissot, Gographie, I, p. 368. 9. Sur le dtroit de Gibraltar, Strabon (XVII, 3, 6) mentionne lphant . Mais ce nom sexplique peut-tre par une vague ressemblance de la montagne quon appelait ainsi avec la silhouette dun lphant : Tissot, dans Mmoires prsents lAcadmie des Inscriptions, IX, Ire partie, 1878, p. 165.
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Elephantaria(1), peut-tre au pied des montagnes qui dominent la Mitidja : le castellum Elephantum(2), non loin de Constantine: Elephantaria(3), dans le voisinage de Medjez et Bab (valle de la Medjerda). De telles dnominations paraissent attester que ces lieux out t habits par des lphants : il est vrai quelles ont pu persister longtemps aprs la disparition de ces pachydermes. Cest ainsi que, dans la province dOran, lEst de Tlemcen, il existe une source quon appelle An Tellout : or telout (sic) est peut-tre le fminin ou le frquentatif du mot ilou, qui signie lphant dans plusieurs dialectes berbres(4). Les lphants disparurent de lAfrique du Nord dans les premiers sicle de notre re, Au IVe sicle, Thmistius dit quil ny en a plus dans cette contre(5). Au VIIe sicle, Isidore de Sville crit(6) : La Maurtanie Tingitane fut autrefois pleine dlphants ; maintenant, lInde seule en produit. Cette disparition na pas eu ncessairement pour cause une modication de climat Les grandes chasses(7) entreprises pour capturer des animaux destins aux spectacles(8), le dsir de se procurer de livoire(9) sufsaient lexpliquer(10). De nos jours, les lions se
____________________ 1. Gographie de Ravenne, III, 8 (dit. Pinder et Parthey, p. 157) : Helepantarin . Ce lieu fut peut-tre un vch : Notice piscopale de 484, Maur. Cesar., n 96. 2. Bull. archologique du Comit, 1899, p. CCV. Gsell, Atlas archologique de lAlgrie, l. 17, n 96. 3. Table de Peutinger : Elefantaria (Gographie de Ravenne, III, 6, p. 131). Ce fut probablement un vch : Mesnage, lAfrique chrtienne, p. 22. Pour lemplacement, voir Tissot, Gographie, II, p. 249. 4. Indication de M. Basset. 5. Discours, X, p. 166 de ldition G. Dindorf. 6. Etymolog., XIV, 5, 12. Conf. Ibid., XII, 2, 16. 7. Conf. Elien, Nat. Anim., X, 1. 8. Frielnder, Sittengeschiechte Roms, II, p. 490 de la cinquime dition. 9. lien, l. c., VI, 56, Properer, II, 31, 12, Ovide, Pont., IV, 9, 28, Pline, V, 12 ; VIII, 7, Martial, II, 43, 9 ; IX, 22, 5 ; XIV, 3, 2, Juvnal, XI, 123. 10. Jamais, notre connaissance, les lphants ne furent employs dans larme romaine dAfrique, sous lEmpire. Mais lutilit de ces animaux au pont de vue militaire est incontestable : trs souvent, ils saffolaient au milieu de la mle et senfuyaient, ou se retournaient contre les troupes qui combattaient de leur
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____________________ ct. Quand mme les Romains auraient pu disposer de nombreux lphants, on peut admettre quils ne voulurent pas sembarrasser dauxiliaires aussi dangereux. 1. Conf. Armandi, l. c., p. 21-22, M. Engell (Verbreitung und Hugkeit des Elefanten und Lwen in Afrika, dans Petermanns Mitteilungen, Ergnzungshelt CLXXI, 1911, p. 6) croit aussi que la destruction de llphant dans lAfrique du Nord a t luvre de lhomme. 2. Rien nempche didentier avec le euve dHannon, le umen Bambotum, crocodiles et hippopotamis refertum , mentionn par Pline(V, daprs Polybe ou Agrippa. Vitruve (VIII, 2, 7) indique un euve qui sortait de lAtlas, en Maurtanie, et quil regarde comme le Nil ; il ajoute ; Ex Mauretania caput nili prouere ex eo maxime cognoscitur quod ex altera parte montis Atlantis sunt alia capita item prouentia ad occidentem in Oceanum, ibique nascuntur ichneumones, crocodili, aliae similes bestiarum pisciumque naturae, praeter hippopotamos . Mais le mot praeter, quon traduit dordinaire par outre, ne signierait-il pas ici except ? 3. Je nignore pas que cette question est trs dlicate et quon a souvent exagr les difcults quprouvent les animaux sadapter des climats diffrents de ceux qui paraissent leur convenir le mieux. Je nirai pas cependant jusqu dire, avec Lucien (Dispad., 2), que les lphants peuvent supporter la soif et lardeur du soleil dans les dserts de la Libye o, assure-t-il, les Garamantes vont les chasser.
sont teints trs rapidement en Algrie, et il est prvoir quil en sera de mme des panthres. Pourtant le climat ny est pour rien(1). On ne rencontre plus, lpoque classique, aucune mention dhippopotames, ni de rhinocros, dans la Berbrie proprement dite. Les hippopotames indiqus par Hannon vivaient plus au Sud, probablement dans la rgion de la Saguia et Hamra(2) Llphant est le seul des grands animaux de lAfrique centrale dont lexistence soit certaine dans lAfrique du Nord pour la priode qui nous occupe. Pour qui il pt y vivre dans des conditions normales(3), il y a moins de vingt sigles, il fallait qui il trouvt en tout temps des quantits abondantes deau et dherbe. Il existe encore des pays o il passerait la saison sche sans mourir de soif et de faim : par exemple, au pied de latlas marocain et dans le Rif, o les textes anciens le signalent. Mais, en juger par les autres indications que nous avons sur le climat de la Berbrie, il est permis de supposer que, dans les sicles qui prcdrent leur disparition, les conditions dexistence des lphants devaient tre
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____________________ 1. Voir, entre autres, Proche, dans Annales de la Socit gologique du Nord, XXIV, 1896, p. 69 et suiv. ; Carton, la Restauration de lAfrique du Nord (extrait du Compte rendu du Congrs colonial de Bruxelles, 1897), p. 17 ; Gnuckler, dans Enqute sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 122. 2. Hann, Handbuch der Klimatologie, I, p. 372 et suiv. (de la seconde dition). Leiter (mmoire cit p. 40, n. 1). P. 139. Voir aussi de Lamothe, le Climat de lAfrique du Nord pendant le pliocne suprieur et le pleistocne (extrait des Comptes rendus du Congrs gologique de Mexico, 1906), p. 6. 3. Carton, dans Bull. de lAcadmie dHippone, XXVII, 1894, p. 5, 14. Le mme, dans Revue tunisienne, III, 1806, p. 99. 4. Voir chap. IV. 5. Carton, tude sur les travaux hydrauliques des Romains en Tunisie, p. 124.
ailleurs assez pnibles. Un peut croire que ctaient des survivants dune faune approprie un climat plus humide, cantonns peut-tre dans certaines rgions hors desquelles ils auraient succomb. Tels sont les arguments invoqus en faveur de lhypothse dun changement de climat. On voit quils mritent lexamen, mais quils nentranent pas la conviction. En tous cas, ils ne prouvent pas que ce changement ait t profond. Ceux qui ladmettent essaient de lexpliquer par diffrentes causes. Tantt on fait intervenir des phnomnes gnraux : inuence du dplacement de laxe de la terre(1), modication du rgime des vents dans la partie mridionale de la zone tempre borale. Ce sont l des hypothses trs fragiles. Il est impossible de prouver que la position de la ligne des ples ait vari, depuis les temps historiques, au point dagir sur le climat(2) ; en ce qui concerne les vents, nous verrons tout lheure que les rares renseignements contenus dans les textes anciens cadrent bien avec le rgime actuel. Tantt on allgue linuence que, depuis lantiquit, le dboisement a d exercer sur le climat de lAfrique du Nord(3). Quoiquon en ait souvent exagr limportance(4), le dboisement a atteint beaucoup de rgions plus ou moins tendues. Il a frapp, non seulement des forts naturelles, mais aussi de grandes plantations darbres fruitiers(5). Il a eu des consquences graves, en rendant plus rapide et plus funeste le ruissellement,
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qui dnude les pentes et bouleverse le bas pays par les trombes deau, par les amas de boues et de terres quil apporte. Il a pu tre cause de la diminution ou de la disparition dun certain nombre de sources, en permettant aux eaux de pluie de glisser sur des surfaces lisses, au lieu de sinltrer lentement dans des terrains meubles. A-t-il eu aussi des effets importants sur le rgime des pluies, comme on la soutenu maintes fois(1) ? Lvaporation qui se dgage des forts maintient lhumidit et la fracheur de lair ambiant. Quand cet air est heurt, ce qui arrive surtout dans les lieux levs et sur les fortes pentes, par des courants chargs de vapeur deau, il complte leur saturation, les refroidit et favorise par consquent leur condensation; les arbres font obstacle leur marche en avant. Il en rsulte des brouillards ou des pluies sur la fort et les alentours immdiats(2). Pour produire cet effet, il faut naturellement que la fort soit tendue. Lorsquun contraire le sol des montagnes est dnud, il schauffe facilement au soleil, et les vents, qui le balaient sans rencontrer dobstacles, contribuent encore le desscher : son tour, il chauffe lair qui lefeure et lloigne de son point de saturation(3). Il convient videmment de tenir compte cet gard du dboisement qui a svi sur bien des points de lAfrique septentrionale, du ruissellement qui a dpouill les ruches de leur revtement de terre, dherbe, de broussailles, et en a fait, pour ainsi dire, des plaques de rverbration. Cependant il ne faut pas non plus on exagrer les consquences. Ces pluies, plus frquentes et plus rgulires, ne devaient pas stendre beaucoup au del des forts qui les provoquaient ; elles tombaient surtout sur des terrains de montagne qui, soit par leur revte____________________ 1. Par exemple, Carton, Bull. dHippone, XXVII, p. 5 ; Revue tunisienne, l. e. 2. Voir, entre autres, Buffault, dans Bull. de gographie historique, 1910, p. 151. 3. Voir ce sujet Hann, l. c. I, p. 194-197 ; Brckner, dans les Geographische Abhandlungen de Penck, IV, 2 (1890), p. 12.
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ment forestier, soit, par leur constitution gologique, soit par leur altitude leve, navaient gure de valeur agricole ; elles taient tout au plus bonnes entretenir, la lisire des bois, quelques pturages dt. Mais, si les forts qui nexistent plus aujourdhui ont pu accrotre les prcipitations atmosphriques sur des espaces assez restreints, elles navaient aucune inuence sur le rgime ordinaire des pluies, qui tenait et tient des causes trs gnrales, agissant sur de vastes zones de notre globe. VI Certains jugements sommaires que lon trouve dans des auteurs anciens pourraient nous faire croire que la Berbrie tait alors, au point de vue du climat, encore plus mal partage quaujourdhui. Cest Time, cit et dailleurs rfut par Polybe(1), qui prtend que la Libye tout entire est sablonneuse, sche et strile. Cest Posidonius, qui parle du manque de pluies dans le Nord de la Libye, de la scheresse qui en rsulte(2). Ce sont ces mots fameux de Salluste(3) : caelo lerraque penuria aquarum. Virgile fait dire un personnage, forc de sloigner de lItalie Nous irons chez les Africains altrs(4). LEspagne, dit Justin(5), nest pas, comme lAfrique, brle par un soleil violent. Frontin(6) afrme que lAfrique est une contre trs sche, regio aridissima. Le rhteur gaulois Eumne parle des campagnes assoiffes de la Libye. Libyae arna sitientia(7).
____________________ 1. XII, 3, 12. 2. Cit par Strabon, XVII, 3, 10. 3. Jug., XVII, 5. 4. Bucol., 1, 65 : At nos hinc alii sitiences ibimus Afros. Conf. Martial, X, 20, 7 : sicci Poeni ; saint Augustin, Lettres, XXXI, 4 : Africam... siccitatis nobilitate laborantem ; etc. 5. XLIV, 1. 6. De controversiis agrorum, dans Gromutici veteres, p. 36. 7. Orat. Pro restaurandis scholis, 21.
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Ces apprciations sont assurment exagres. Pour que lAfrique ft le pays dont la fertilit est proclame par tant de tmoignages, il fallait quil y tombt de leau, du moins pendant lpoque de lanne o la pluie est ncessaire aux cultures. Nous allons citer une longue srie de textes et de documents archologiques qui paraissent prouver que le climat de cette contre ne diffrait pas, ou ne diffrait gure, dans lantiquit classique, de ce quil est aujourdhui. Parmi les vents, le siroco est mentionn plusieurs reprises. Je traduirai deux passages dauteurs africain, qui donnent des descriptions trs prcises de ses effets : Victor de Vite, historien de la n du Ve sicle, et Corippus, pote du sicle suivant. Le premier parle dune scheresse terrible dont lAfrique souffrit tic son temps. Voici ce quil dit, entre autres dtails(1) ; Si, par hasard, quelque gazon, vgtant dans une valle humide, commenait offrir la couleur ple plutt que verte du fourrage naissant, aussitt un vent brlant, enamm, accourait et le desschait compltement, car la tempte, grillant tout sous le ciel sec, tait venue couvrir le pays entier de ses nues de poussire. LAfricus qui votait des hommes, crit Corippus(2), commence incendier la terre de son soufe et abat la force et lardeur des troupes. Tous les corps se tendent sous lhaleine de ce vent du feu. La langue se dessche, la gure rougit, la poitrine haletante respire avec peine, lair qui passe par les narines est embras, la bouche brle, pre et vide de salive, le feu dvore la gorge sche. Toute la sueur schappe des tissus et trempe la peau, mais la chaleur malfaisante de lair la dessche et lenlve tide de la surface du corps(3). Comme on le voit, le siroco dcrit par Corippus est appel
____________________ 1. III, 36. 2. Johannid, VII, 322 et suiv. Ce siroco dura dix jours (ibid., 370-1) 3. Voir encore Curippus, ibid., VI, 272-3 ; VIII, 84.
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par lui Africus(1). Dordinaire, pour les Latins, lAfricus est le vent qui, en Italie, soufe du Sud-Ouest, cest--dire de la direction de lAfrique, vent violent et redout des marins(2). Le nom par lequel les crivains dsignent le plus souvent le siroco est Auster, le vent du plein Sud. Tantt ils indiquent exactement les effets de ce vent sec(3), qui peut se faire sentir jusquen Italie(4) ; tantt ils appliquent le nom dAuster un vent violent et pluvieux, qui svit parfois dans la pninsule et qui, en somme, ne diffre gure de lAfricus(5). Pline a soin de distinguer lAuster dItalie, humide, de lAuster africain, qui a amne en Afrique une chaleur brlante par un temps serein(6) . Dautres, au contraire, parlent dun Auster humide, mme en Afrique(7). Cette pithte nest pas de mise pour le siroco vritable. On peut observer, il est vrai, quen hiver, le Siroco est gnralement suivi (et non accompagn) de pluie : mais il est plus simple dadmettre que ces crivains se sont trop souvenus de lAuster italien. Par contre, cest bien le siroco africain quHrodote(8) et Lucain(9) mentionnent dans le voisinage de la grande Syrie, sous le nom dAuster, et dont ils exagrent beaucoup les effets ; cest
____________________ 1. Il ne parait pas le distinguer nettement du Notus ou Auster : voir Johan., I, 387 ; II, 197 ; VII, 387 et 450. 2. Voir, entre autres, Virgile, nide, I, 85-86 ; Horace, Odes, III, 29, 37-38 ; Tacite, Annales, XV, 46. 3. Par exemple, saint Augustin, Annal. In Job, 38, 21. 4. Horace, Satires, II, 6, 18. plumbeus Auster . Ailleurs, Horace (Odes, III, 23, 5) appelle ce vent Africus : ... pestilentem sentiat Africum Fecunda vitis. 5) Virgile, Gorgiques, III, 278 ; Ovide, Mtamorphoses, I, 65-66. Conf. Nissen, I, p. 387. 6. XVIII, 329 ; Africae incendia cum serenitate adfert. Conf. Aristote, Mtorol., II, 3, 28 : le vent du Sud (Notos) est serrin en Libye 7. Stace. Silves, I, 6, 78 ; ... quas udo Numidae legunt sub Austro. Claudien, De consulatu Stilichonis, II, 395 : umidus Auster (il sagit de lAfrique). Conf. Lucain, IX, 328 : densis fremuit niger imbribus Auster. 8. IV, 173. 9. IX, 463 et suiv.
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le mme vent que Salluste(1) indique, sans le nommer, dans les mmes parages, et qui Soulve, dit-il, des tourbillons le sable. Cest aussi le siroco quun trait de la collection Hippocratique(2) dcrit exactement : Le Notos est chaud et sec en Libye, Il y dessche les productions de la terre et il y exerce sur les hommes, leur insu, la mme action. Nous avons dit que, pendant la saison dhiver, les pluies sont surtout amenes par les vents du Nord-Ouest. Les anciens nignoraient pas quelles venaient en Afrique des rgions septentrionales, comme lattestent des vers de Lucain, de Stace et de Rutilius Namatianus(3). Pendant la belle saison, les vents du Nord et du Nord-Est dominent sur le littoral, dtermins par les mmes causes que ceux qui soufent du Nord en gypte (les Vents tsiens des Grecs), On peut citer il ce sujet un passage de Galien(4) : En gypte et en Libye, les pays voisins de la mer Sont moins chauds en t que ceux de lintrieur des terres, parce quils sont rafrachis par les vents du Nord. Sur la cte orientale de la Tunisie, le vent dEst soufe trs souvent durant la saison chaude : Procope(5) le signale un septembre.
____________________ 1. Jug., LXXIX, 6, Conf. Silius Italiens, XVII, 246-8, 2. Hippocrate, du Rgime, II, 38 ttome VI, p. 532 de ldition Littr). 3. Lucain, III, 60-70 : ... medium nubes Borea cogente sub axem, Effusis magnum Libye tulit imbribus annum. Ibid, IX, 112-3 : ... Arctoos raris aquilonibus imbres Accipit et nostris recit sua rura serenis. Since, Thbade, VIII, 410-1 : ...tanta quatitur nec grandine Syrtis, Cum Libyae Borcas Italos niger attulit imbres Rutilus Namatianus, I, 147-8 : Quin et fecundas tibi conferat Africa messes, Sole suo dives, sed magis imbre tuo. 4. Edit, Khn, tome XVII B, p. 597. Conf. Oribase, dit. Bussseinnker et Daremberg, II, 14, 17. 5. Bell, vand., I, 14, 17.
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En t, le soleil dardait ses brillants rayons(1) ; la pluie ne tombait pas(2), ou, du moins, elle ne tombait que rarement(3) ; les rivires se desschaient(4). Cependant, la nuit, les roses donnaient de lhumidit aux vgtaux(5). Il nest pas possible de dire si les grandes chaleurs de lt commenaient et nissaient plus tt ou plus tard quaujourdhui ; si, dune manire gnrale, elles taient plus fortes(6). Nous navons pas de renseignements prcis pour lpoque des
____________________ 1. C, I, L., VIII, 11824, vers 13 (inscription de Maklar) : Bis senas messes rabido sub sole totondi. Corippus, Johannide, III, 12-25 (en septembre). ... solis torridus ardor..., tervens nestale persula. Columelle, III, 12, in ne. Etc. Naturellement, les ts pouvaient tre plus ou moins chauds. Dans un ouvrage crit en 352, saint Cyprien (Ad Demetrium, 3) indique quon traversait alors une priode dt temprs : Non fragibus aestate torrendis solis tanta agrantia est. 2. Aristote, Histor. Animalium, VIII, 28 (27), 7 : manque de pluies en libye ; manque deau pendant lt. Pline, X, 201. Strabon (XVII, 3, 7) indique, sans sen porter garant, que des pluies tomberaient abondamment en t chez les Pharusiens et les Nigrtes (peuples qui habitaient le Sud du Maroc actuel) ; au contraire la scheresse rgnerait chez eux en hiver. Mais il est permis de douter de lexactitude de ce renseignement contraire la rgle gnrale de la climatologie de lAfrique du Nord : scheresse en t, pluies en hiver. Peut-tre a-t-on transport au pays des Pharusiens et des Nigrtes des indications qui sappliquaient des rgions du Soudan ou de la lisire mridionale du Sahara. 3. Saint Augustin (Enarr. in Psalm, LXXX, I, et LXXVI, 5) parle de pluies qui peuvent compromettre le battage des rcoltes ou la vendange. 4. Appien, Bell. civil., II, 45. 5. Pline, III, 153 ; XVIII, 186. 6. Pline (V, 14) afrme, daprs Sutonius Paulinus que le sommet de lAtlas est, mme en t, couvert de neiges paisses (conf. Dion Cassius, LXXV, 13, et, daprs Dion, Zonaras, XII, 9, t. II, p. 551 de ldition de Bonn ; voir aussi Virgile nide, IV, 240). Actuellement, la neige ne demeure pendant toute lanne que dans quelques coins bien abrits du Haut-Atlas (voir plus haut, p. 44). Mais il serait sans doute bien imprudent den conclure que les chaleurs de lt taient autrefois moins fortes. Dautre part, rien ne prouve que le dattier, qui, pour fructier, a besoin dt trs chauds et trs secs, ait port des fruits ailleurs que dans les oasis du Sud o il fructie encore aujourdhui. Dans lOuest du Maroc, Pline (V, 13) indique des restes danciennes palmeraies sur un euve Ivor, ou Vior, quil place entre le Fut (oued Tensit) et lAtlas. Mais produisaientelles de meilleurs fruits que les dattiers qui sont si nombreux dans la rgion de Marrakech ? Appien (Lib., 71) dit que, chez les Numides, lhiver nest pas trs froid et que lt nest pas dune chaleur excessive, comme chez les thiopiens et chez les Indiens : ce qui ne nous apprend pas grand-chose. Appien lui-mme (Lib., 73) parle de la chaleur de lt africain.
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____________________ 1. En Italie et ou Sicile, en constate quaux environs de notre re, elles se faisaient environ un mois plus tard quaujourdhui : les chaleurs taient donc, plus tardives et, sans doute, plus modres. Une pice de vers, insre dans une anthologie africaine (Anthologia latina, dit. Riesc, p. 133, v. 13), indique la moisson en juillet. Actuellement, la rcolte de lorge se fait en Afrique en mai-juin, celle du bl en juin et dans la premire quinzaine de juillet. 2. Columelle, XI, 2, 60. Cest lpoque o, de nos jours, on commence la vendange sur le littoral. 3. Saint Cyprien, Ad Donatum, 1; conf. Arnobe, 1, 21. Une pice de vers dun recueil africain (voir la note 1) indique (V, 18-20) que les raisins sont mrs en septembre; elle place la fabrication du vin en octobre : ce qui, actuellement, serait une date bien tardive pour lAfrique. 4. Procope, Bell. vand., I, 16, t: I, 17, 10. 5. Saint Augustin (Enarr. in Psalm. CXXXVI, 9) ds quon met des olives sous le pressoir la lin de lanne. Sur une mosaque de la rgion de Sousse, la gure de lHiver est accompagne dun homme ramassant des olives : Catalogue du muse Alaoui, Suppl., pl. XVI. g. 2. Dans le pome du recueil africain cit plus haut, la fabrication de lhuile est indique en novembre (v. 21.22) Arva November arans focundo vomore vertit, Cum teretes sentit pinguis oliva moles. 6. On admet dordinaire que la limite daltitude pour les oliviers fructifres ,est denviron 900 mtres dans lAfrique du Nord (en Kabylie) et quils ne doivent pas tre exposs des froids persistants de -6, Cependant nous trouvons, dans la province de Constantine, des restes de pressoirs huile des altitudes dpassant 1000 mtres. Mais cela ne prouve pas que les hivers aient t moins froids quaujourdhui dans les parties hautes de la Berbrie. Les anciens ont pu planter des varits plus rsistantes la gele que les varits cultives actuellement des altitudes moins leves. Dailleurs, au Maroc, il existe encore des oliviers fructifres 1300 mtres, et mme prs de 1500 mtres daltitude : Fischer, Der Oelbou ni (Petermanns Mitteilungen, Ergnzungsheft (CXLVII, 1904) p.26, 79 et 81.
moissons(1). Pour les vendanges, un texte indique la n daot(2), un autre lautomne(3) : dates qui sont encore exactes (elles varient selon la temprature, laltitude et mme les cpages). En 533, au mois de septembre, les soldats de Blisaire trouvrent en abondance des fruits mrs sur le littoral de la Byzacne(4). Procope ne donne pas de dtails : sil sagit de gues, de grenades, de raisins, fruits que nous savons avoir t trs rpandus en Afrique dans lantiquit, lindication concorde avec lpoque actuelle de leur maturit. Quant aux olives, on les cueillait, comme de nos jours, depuis novembre jusque pendant lhiver(5). Les hivers taient-ils plus ou moins rigoureux qui aujourdhui ? Nous lignorons(6) Mais quelques renseignements nous sont donns sur le
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rgime des pluies. Parfois, comme il arrive encore de notre temps, il y avait des annes de trs grande scheresse. Quand Hadrien visita lAfrique, en 128, la pluie qui, depuis cinq ans, avait manqu, dit le biographe de cet empereur(1), tomba son arrive et, pour cette raison, il fut aim des Africains . Arnobe, la n du IIIe sicle, parle de scheresses qui, dans lanne o il crit, ont svi sur les champs des Gtules et de la Maurtanie Tingitane, tandis que les Maures de la Csarienne et les Numides taisaient de trs belles moissons(2). En 484, afrme un crivain contemporain, Victor de Vite(3), il ny eut aucune pluie, aucune goutte deau ne tomba du ciel . Il est question dans quelques textes dabsences de rcoltes, de disettes, causes videmment par le manque de pluie. Tertullien(4) dit que, sous le gouvernement dHilarianus (vers 202), on ne t pas de moisson. Une inscription de Rusguniae (prs dAlger) clbre la libralit dun magistrat municipal, qui fournit du bl ses concitoyens et empcha ainsi le prix de cette denre de monter(5) . A Thuburnien (dans la rgion de la Medjerda), une autre inscription nous montre le bl atteignant le prix trs lev de dix deniers le boisseau(6) : ce qui ne peut e expliquer que par une mauvaise rcolte. Une inscription de Madauros mentionne une disette(7). Sur une inscription de Rome, un personnage, qui fut proconsul en 366-367, est remerci solennellement davoir chass la faim de la province dAfrique(8). En 383, les rcoltes
____________________ 1. Histoire Auguste, Hadrien, XXII, 14. Ce fut peut-tre alors que le lgat de la lgion t Lambse deux ddicaces Ventis, bonarum Tempestatium potentibus , et lovi O(ptimo) M(axima), Tempestatium divinarum potenti : C. I. L. VIII, 2610 et 2609. 2. Adversus gentes, I, 16. 3. III, 53. Lanne 547 fut aussi trs sche : Corippus, Johannide, VI, 247 ( sterilis nam cernitur annus ). 4. Ad Scapulam, 3. 5. C. I. L., VIII, 9250. 6. Bull. archologique du Comit, 1801, p. 183. 7. Martin, dans Recueil de Constantine, XLIII, 1909, p. 1 et 6. 8. C. I. L., VI, 1736 : ob... depulsam ab eadem provincia famis et inopiae vastitatem consiliis et provisionibus.. Conf. Ammien Marcellin, XXVIII, 1, 17.
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ne donnent pas de quoi sufre aux besoins du pays et il faut faire venir dailleurs des grains pour les semailles(1). Ces scheresses, qui avaient des rsultats dsastreux pour lagriculture, se prolongeaient parfois pendant plusieurs annes : nous venons de voir que, sous Hadrien, cinq ans staient couls sans pluie. Un sicle plus tard, saint Cyprien cite, comme un argument en faveur de sa thse sur la vieillesse du monde, la diminution des pluies qui nourrissent les semences(2). On tait sans doute alors dans un cycle dannes sches. Cependant, la scheresse absolue tait, comme aujourdhui, un phnomne exceptionnel, du moins pour la rgion du littoral. Dans un discours prononc Hippone, saint Augustin fait remarquer quau lieu o il se trouve, sur le bord de la mer, il pleut presque tous les ans(3). Il lui arrive mme de se plaindre dun hiver trop pluvieux(4). Il est vrai qualors comme aujourdhui, la rpartition des chutes deau laissait souvent dsirer. La pluie se faisait attendre et lanxit semparait des cultivateurs. On implorait le secours divin(5) ; les paens sadressaient surtout la desse Cleste, la prometteuse de pluies, comme lappelle Tertullien(6). Nous voyons en particulier quune scheresse persistante pouvait
____________________ 1. Symmaque, Lettres, IV, 74 (au proconsul dAfrique). 2. Ad Demetrianum, 2 : ... quod imbres et pluvias serena longa suspendant. Ibid., 3 : non hieme nutriendis seminibus tanta imbrium copia est. Ibid., 7 ; quereris si rara desuper pluvia descendat, si terra situ pulveris squaleat, si vix ieiunas et pallidas herbas sterilis gleba producat..., si foutem siccitas statuat. Ibid., 10 : quereris claudi imbribus caelum. Voir encore ibid., 8, dbut. 3. Enarr. in psalm. CXLIII, 10 : pluit hic prope omni anno et omni anno dat frumentum (Deus). 4. Lettres, CXXIV, 1 (hiver de 410-411). 5. Augustin, Enarr. in psalm. XCVIII, 14 : Nonne clamant pagani ad Deum et pluit ? 6. Apolog., 23 : Virgo Caelestis, pluviarum pollicitatrix. Conf. une Inscription de Sidi Youcef (C. I. L., VIII, 16810) Tu nimbos ventosq(ue) cies, :tibi, Juno, sonoros Perfacilest agitare metus : nam, fraire c[adente], lntonas, nubigenam terris largita mado[rem]. Les indignes recouraient, comme aujourdhui encore, des procds magiques : voir Dion Cassius, LX, 9.
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retarder le temps,des semailles(1). Saint Augustin, parlant aux dles le jour anniversaire du martyre de sainte Crispine, le 5 dcembre, nous apprend que la pluie, depuis longtemps souhaite, venait seulement de tomber : Le Seigneur a daign arroser la terre de sa pluie pour nous permettre de nous rendre dun cur plus joyeux au lieu o lon vnre les martyrs(2). De son cot, Corippus(3) nous montre des paysans africains attendant la pluie avec angoisse au printemps et prenant leurs dispositions pour quelle produise sur leurs champs les meilleurs effets possibles Les cultivateurs de la terre altre de Libye regardant les nuages, quand les premiers clairs brillent dans le ciel agit et que le vent du Sud frappe lair de coups de tonnerre rpts. La foule des paysans court par les campagnes dessches, esprant la pluie. On nettoie, on nivelle les lieux par lesquels leau doit passer, on rgle par avance sa course, an que les ruisseaux coulent par les prs verdoyants (la triste scheresse lexige !) ; on forme des obstacles en dressant des, tas de sable; on barre les pentes du sol fertile. Quand la pluie tombait, elle se prcipitait souvent dune manire torrentielle, comme de nos jours. Lors de la guerre de Jugurtha, larme romaine marchant sur Thala reoit tout coup des trombes deau(4). Au dbut de lanne 46 avant notre re, les troupes de Csar, campant dans la rgion de Sousse, furent surprises pendant la nuit par un orage terrible : un nuage immense stait form soudain; la pluie, la grle tombrent si dru que les tentes furent bouleverses ou rompues(5), En 212,
____________________ 1. Augustin, Enarr. in psalm. LXXX, 1 : Non pluit Deus, non seminamus. 2. Enarr. in psalm. CXX, 15. 3. In laudem Iustini, IV, 215. 4. Salluste, Jug., LXXV, 7 : Tanta repente caelo missa vis aquae dicitur, ut ea modo exercitui satis superque foret. 5. Bell, afric., XLVII, 1 et 6 : Circiter vigilia secunda noctis, nimbus cum saxea grandine subito est exortus ingens... Itaque subito imbre grandineque consecuta gravatis pondere tentoriis aquarumque vi subrutis disiectisque...
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____________________ 1. Ad Scapulam, 3: imbres anni praeteriti..., cataclysmum scilicet. 2. Orage subit pendant une bataille que Marius livre Jugurtha et Bocchus, dans la rgion de Cirta : Paul Orose, V, 13, 15-16. Pluie torrentielle et vent violent lors dune bataille livre par Pompe prs dUtique : Plutarque, Pompe, 12. Pluie torrentielle en 42 environ aprs dans le dsert : Dion Cassius, LX, 9., Orage violent en 238, probablement prs de Carthage : Histoire Auguste, Gordiani ires, XVI, 2. 3. Ad Demetrianum, 7 : ... si vineam dubilitet grando caedens, si oleam detruncet turbo subveriens. 4. Enarr. in psalm. LXX (Ire partie), 17; LXXVI, 5 ; CXXIX, 8 ; CXXXVI, 5. Dans la lettre XCI, 8, il est question dune grle qui clata sur Calama (Guelma) au commencement de juin. 5. Johannide, III, 256 : Ceu glaucam veniens grando destringit olivam, Arboris excutiens concusso vertice fructus Tum pariter praeceps ad terram pondere nimbi Et tener excutitur, quassatus grandine, ramus. Conf. Ibid., II, 216 et suiv. ; VIII, 513 et suiv. Voir aussi Actes des martyrs dAbitine, 3 (dans Ruinar) Acta primorum martyrum, Paris, 1680, p. 410). 6. Frontin (De controversiis agrorum, dans Cromatici veleres, p. 47) parle des inondations ( inundatio camporum ) qui modient laspect des champs en Afrique, 7. Bull. archologique du Comit, 1908, p. CCXLIII (inscription de la rgion du Mornag, au Sud de Tunis) : templum vi uminis ereptum. Ibid., 1899, p. CLXXXI (inscription de Tigzirt) : ... cuius voragine semper attrita pecora. 8. C, I. L, VIII, 10208-9, 10302, 10304, 10308-9, 10315, 10320, 10323, 22371-3, 22379 (bornes milliaires de la route de Cirta Rusicade) : viam imbribus et vetustate conlapsam cum pontibus restituit. Ibid., 22307, 22309 ; Procs-verbaux de la Commission de lAfrique du Nord, mars 1912, p. XVI (bornes de la rgion de Djemila, entre Constantine et Stif) : vias torrentibus exhaustas. 9. XXVII, 5 : Africa qua septemtrionem patitur aquario larga. Conf. Strabon, XVII, 3, 10.
Tertullien parle des pluies de lanne prcdente, qui avaient t un vritable dluge(1). Dautres pluies torrentielles sont signales, soit au voisinage du littoral mditerranen, soit lintrieur des terres(2). Saint Cyprien(3), saint Augustin(4), Corippus(5) mentionnent aussi des orages de grle, funestes lagriculture. Ces avalanches inondaient les campagnes et les couvraient de boues(6), gonaient les torrents et causaient des dgts(7), endommageant en, particulier les routes(8). Dans lantiquit comme de notre temps, la quantit des pluies variait beaucoup selon les rgions. Il y avait de leau dans les pays voisins du littoral. La partie de lAfrique, dit Solin(9), qui est expose au Nord est bien
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arrose. Cette eau tait-elle plus abondante quaujourdhui ? Les documents dont nous disposons ne le prouvent pas. Nous avons dj not que, le plus souvent, on trouve encore des sources auprs des agglomrations antiques. LOcan recevait le Sububus, euve magnique et navigable , dit Pline(1). Cest loued Sebou, qui est encore navigable sur une cinquantaine de kilomtres en toute saison, et bien plus haut en hiver(2). A lEst du dtroit de Gibraltar, la disposition des montagnes du Tell empche la formation de euves aussi importants(3). Quelques rivires du Nord du Maroc sont cependant indiques comme navigables par Pline(4) : le Tamuda, le Laud, la Malvane ; ce sont loued Martil, loued Laou, la Moulouia(5). Si le mot navigable veut dire que, pendant une partie de lanne, ces oueds peuvent tre remonts par des barques jusqu une certaine distance de leur embouchure, lassertion est encore vraie. Dans le Nord de lAlgrie et de la Tunisie, on rencontre quelques ruines de ponts romains(6) ; ils nont pas t construits pour traverser des lits plus larges que les lits actuels, qui, il faut le dire, sont rarement remplis. Ce qui est plus digne de remarque, cest le nombre assez peu lev de ces ponts, dans un pays qui tait sillonn par beaucoup de routes. Sur bien des points, le trac des voies nest pas douteux : on constate qui elles franchissaient des rivires sur lesquelles il ne reste aucune trace de pont. On peut supposer que ces cours deau se passaient sur des bacs ou des ponts de bateaux, mais
____________________ 1. V, 5 : amnis Sububus magnicus et navigabilis. 2. Des bateaux fond plat pourraient le remonter jusqu 250 kilomtres de son embouchure. Annales de Gographie, XXI, 1912, p. 281. 3. Mla (I, 28) parle des parva umina de la cte mditerranenne de la Maurtanie, cest--dire, du Maroc. 4. V, 18. 5. Tissot, dans Mmoires prsents LAcadmie des Inscriptions, IX, 1re partie, p. 150-7. 6. Gsell, Monuments antiques de lAlgrie, II, p. 9-10 ; p. 11, n 1, n 2 et n4. Tissot, Gographie, II, p. 251, 266, 273, 282, 330, 371, 441, 449, 536, 570, 576. Saladin, dans Nouvelles Archives des missions, II, 1892, p. 403-414, 437-439.
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lhypothse la plus vraisemblable est quils se traversaient gu(1). Il y a donc lieu de croire qu lpoque romaine, leur dbit maximum ne diffrait gure de ce quil est aujourdhui. Sufsamment humectes, les rgions voisines de la cte taient fertiles, sauf dans quelques parties. Polybe(2), rfutant Time, dit que la fcondit de la Libye est admirable . Strabon crit(3) que le littoral, de Carthage aux Colonnes dHracls, est en gnral fertile . Il dit ailleurs(4) que tous saccordent pour dclarer que la Maurusie (le Maroc) est un pays fertile et bien pourvu deau, lexception de quelques dserts peu tendus (il indique, parmi ces rgions arides, le canton de Mtagonion, au cap de lAgua, prs de lembouchure de la Moulouia(5)). Du Mtagonion au cap Trton (cap Bougaroun), les terres du littoral sont fertiles(6) . Mla afrme que lAfrique est extrmement fertile partout o elle est habite(7). Il fait lloge de la cte ocanique du Maroc(8). A lintrieur des terres, les pluies ne manquaient pas tout fait, Salluste(9), en mentionne Capsa (Gafsa), Thala (probablement dans la mme rgion que Capsa). Mais, bien souvent, elles taient insufsantes pour assurer la bonne venue des crales. Cest ce que remarque saint Augustin(10) : La Gtulie a soif, tandis que la mer reoit de la pluie... Ici ( Hippone). Dieu fait tomber la pluie tous les ans, et, tous les ans, il nous donne le bl ; ... l (en Gtulie), il ne le donne que rarement, quoique
____________________ 1. Certains de ces gus correspondent ceux daujourdhui. Pour celui de Medjez Sfa, entre Duvivier et Souk Ahras, voir Mercier, Bull. archologique du comit, 1888, p. 116 et 119 ; Gsell, Atlas archologique de lAlgrie, f. 9, n 223. 2. XII, 3, 1. 3. II, 5, 33. Conf. XVII, 3, 1. 4. XVII, 3, 4, Conf. XVII, 3, 7. 5. XVII, 3, 6. 6. XVII, 3, 9. Conf. XVII, 3, 15. 7. I, 21. 8. III, 106 : adeo est fertilis ut frugum genera non cum serantur modo benignissime procreet, sed quaedam profundat etiam non sata. 9. Jug., LXXXIX, 6 ; LXXV, 7. 10. Enarr. in psalm. CXLVIIII, 10.
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en grande quantit. Le climat tant humide sur le littoral et sec en Gtulie, les grains se conservaient beaucoup mieux chez les Gtules. Aprs avoir dit que la cte est fertile entre les caps Mtagonion et Trton, Strabon(1) ajoute quau-dessus, sauf quelques parties cultives, appartenant aux Gtules(2), on ne trouve quune suite de montagnes et de dserts jusquaux Syrtes. Le gographe grec mentionne bien un pays de marais et de lacs, que les Pharusiens, indignes du Sud du Maroc, traversent pour aller de chez eux jusqu Cirta (Constantine)(3). Mais ces lacs existent encore, au milieu des steppes du Maroc oriental et de lAlgrie centrale ; ils sappellent chott Gharbi, chott Chergui, les deux Zahrs. Ce sont, nous lavons dit(4), des bas-fonds, humides en hiver, desschs en t, sallongeant dans un pays strile; les indignes dont parle Strabon voyagent en emportant des outres pleines deau, quils attachent sous le ventre de leurs chevaux. Nous navons aucune preuve que ces chotts aient t plats tendus dans lantiquit que de nos jours. Au contraire, on constate lexistence de ruines romaines El Khadra, au bord du chott Chergu(5). Cest le seul point des steppes que les matres du Tell aient occup, pour garder un passage de nomades. Ils ne se soucirent pas dannexer leur empire de grandes plaines arides. Au Sud-Ouest de la province de Constantine, il y a aussi des ruines antiques la lisire des terres couvertes par le chott et Hodna pendant la saison dhiver(6). Il est vrai que, dans le bassin de ce chott et autour des sebkhas ou lacs dont nous allons
____________________ 1. XVII, 3, 9. Conf. XVII, 3, 10. 2. Ce membre de phrase est allg dans la texte : le sens cet donc incertain. 3. XVII, 3, 7. Conf. XVII, 3, 10, o Strabon indique aussi de grands lacs lintrieur des terres. 4. P. 13. 5. La Blanchre, dans Archives des missions, 3e srie, X, 1883, p. 75. Cagnat, Arme romaine dAfrique, 2e dit., p.666. 6. Gsell, Atlas archologique de lAlgrie, f 26.
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parler, les irrigations ont pu diminuer sensiblement les apports des oueds. Mais les habitants de ces rgions nauraient pas eu limprudence de placer leurs demeures de telle sorte quelles eussent t inondes, si les irrigations avaient t suspendues pour une cause quelconque ; il et t absurde de leur part de siniger lobligation dirriguer au moment o quelque pluie survenait et, tout en grossissant les oueds, rendait lirrigation des champs superue(1). Il faut donc admettre que ces habitations taient situes en dehors des terres recouvertes par les lacs en hiver, lpoque o les oueds recueillaient le plus deau. Les pluies taient rares, du reste, dans le bassin du Hodna. A la n du Ve sicle, les environs de Macri et de Thubunae, au NordEst et lEst du chott(2), passaient leur des dserts(3). Les sebkhas situes au Sud-Est de Stif, celles qui stendent au Nord de lAurs et qui sont alimentes par des cours deau descendant de ce massif, ntaient pas plus grandes qui aujourdhui, car on rencontre aussi des ruines sur leurs bords(4). Le Muthul, dit Salluste, il sagit de loued Mellgue, principal afuent de droite de la Medjerda(5), traverse une rgion sche et sablonneuse ; le milieu de la plaine est dsert, par suite du manque deau, sauf les lieux voisins du euve(6), Capsa, dit encore Salluste, se trouve au milieu dimmenses solitudes; sauf dans le voisinage immdiat de la ville, qui possde une
____________________ 1. Cela pour rpondre aux observations de Th. Fischer, dans Verhandlungen des achten deutschen Geographentages (1889), p. XV. 2. Gsell, Atlas, l. 26, n 111 ; l. 37. n 16. 3. Victor de Tonnenns, Chronique, lanne 479 (dans Mommsen, Chronica minora, II, p. 189) : Hugnericus... Tubunis, Macri et Nippis aliisque heremi partibus catholicos relegat. Conf. Victor de Vite, II, 26 : exilium heremi ; ibid., 37 : solitudinis Ioca . 4. Gsell, l, c., f 16, 20, 27, 28. 5. Gsell, l. c., f 18, n 519 et 535, 6. Jug., XLVIII. 4-5 : ... arido atque harenoso Media autem planities deserta penuria aquae, praeter umini propincua loca. La plaine de Cilla, que mentionne Appien (Lib., 40) et qui se trouvait peut-tre dans cette rgion, tait sans eau.
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source intarissable, tout le pays est dsert, inculte, dpourvu deau(1). Thala, ville dont le site est semblable celui de Capsa, est bien entoure de quelques sources(2), mais, entre elle et le euve le plus voisin, sur un espace de cinquante milles, la contre est sche et dserte(3). Mtellus, marchant sur Thala, Marins marchant sur Capsa, doivent charger leurs troupes dabondantes provisions deau(4). Salluste observe qu lintrieur de lAfrique (cest--dire de lAfrique du Nord), les indignes vitent de manger des aliments qui les altreraient : leau pourrait leur faire dfaut pour tancher leur soif(5). A lpoque de la domination romaine, leau courante manque presque partout entre Kairouan, Gafsa et Sfax. On ne rencontre on effet dans cette rgion que de trs rares vestiges de barrages sur les ravins(6) : labondance dautres travaux hydrauliques prouve que, si lon ne tirait pas parti de ces ravins, ctait parce quils restaient gnralement vides. Sur le littoral mme de la Tunisie orientale, qui, nous lavons dit, est aujourdhui assez sec, les troupes de Csar, faisant campagne aux environs de Sousse, manquent deau en hiver et au commencement du printemps(7). Six sicles plus tard, en septembre, les soldats de Blisaire, aprs avoir dbarqu un peu plus au Sud, au cap Kaboudia, se trouvent dans un pays
____________________ 1. Jug., LXXXIX, 4 : Erat inter ingentes solitudines... Capsa ; ibid, 5 : praeter oppido propinqua, alia omnia vusia, inculta, egentia aquae. 2. Jug., LXXXIX, 6. 3. Jug., LXXV, 2 : inter Thalanin umenque proxumum, in spatio milium quinquaginta, Ioca arida atque vasta. 4. Jug., LXXV, 3; XCI, 1 (il faut dire que lexpdition de Marius eut lieu la n de lt : XC, 1). 5. Jug., LXXXIX, 7. conf. ce que Pline (X, 201) dit sur un moyen que les Gtules ont trouv pour se dsaltrer. 6. Blanchet, dans Enqute sur la installations hydrauliques romaines en Tunisie, I, p. 40 ; le mme, dans Association franaise pour lavancement des sciences, Tunis, 1856, II, p. 809. Aucun reste de barrage na t relev dans la rgion de Kairouan : Enqute, I, p. 205. 7. Bell. afric., LI, 5 : Csar choisit pour tablir son camp un endroit o putei eri complures poterant ; aquatione enim longa et angusta utebatur ; LXIX, 5 : lennemi sefforce de faire camper Csar ubi omnino aquae nihit esset ; LXXIX, 1 : aquae penuriam .
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____________________ 1. Procope, Bell. vand., I, 15, 34 ; dices, VI, 6. 2. Enqute Tunisie, I, p. 9, 11, 59. 3. Conf. Blanchet, dans Enqute, I, p. 40. 4. Les aqueducs qui amenaient des eaux de source dans certaines villes importantes taient parfois trs longs (aqueduc principal de Cirta, 35 kilomtres ; aqueduc de Caesarea, 28 ; aqueduc de Carthage, 132). Cela ne prouve pas que les sources manquassent dans le voisinage de ces villes. Mais ou bien leau quelles fournissaient na pas t juge assez bonne, ou bien-elle et t insufsante pour alimenter de trs forte agglomrations. Conf. Fischer, Verhandlungen des achten Geographentages, p. XV.
entirement dessch, et cest par un hasard providentiel que des terrassements font rencontrer une nappe deau, enfouie sous le sol(1). Des villes qui furent importantes lpoque romaine, Leptis Minor, Thysdrus, se passaient deau de source(2). Dans les premiers sicles de notre re, le travail opinitre de lhomme, les faons donnes au sol pour retenir lhumidit quil pouvait emmagasiner, le choix de cultures fort peu exigeantes au point de vue de leau ont transform en de riches campagnes, une bonne partie des rgions africaines o la pluie ne tombait gure, o les sources taient rares, o dordinaire les ravins taient vides. Dans ces pays, on voit partout des restes de bassins, de rservoirs, de citernes, de puits, qui servaient lalimentation des hommes et du btail, bien plus qu lirrigation des cultures(3). Les eaux qui tombaient du ciel, celles que reclait le sol taient si prcieuses quon ne ngligeait rien pour les recueillir et quon ne les gaspillait pas des usages vulgaires. Les travaux hydrauliques ne manquaient pas non plus dans des rgions plus favorises sous le rapport des pluies. Ceux qui alimentaient des villes, des bourgs tmoignent surtout du dsir que les habitants avaient de boire une eau aussi pure, aussi saine que possible(4). Mais dautres attestent que, mme dans ces rgions, leau du ciel -ne sufsait pas toujours aux besoins agricoles. Quand on le pouvait, on recourait aux irrigations, soit pendant la saison dt, pour les cultures marachres et fruitires, soit mme pendant lhiver, dans les priodes de scheresse persistante qui, nous le savons, ntaient pas
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rares en cette saison. Une remarque de Frontin mrite dtre cite : En Italie et dans quelques provinces, sous causez un grave prjudice votre voisin si vous faites pntrer leau dans sa proprit ; en Afrique, si vous empchez leau de passer chez lui(1). Les textes que nous venons dtudier manquent souvent de prcision; ils ne doivent pas tre tous accueillis avec une conance aveugle. Ils permettent cependant quelques conclusions. Au Sud de la Berbrie, le Sahara tait dj un dsert dans les sicles qui prcdrent et suivirent lre chrtienne. Mais il tait peut-tre un peu moins sec que de nos jours. Il est inexact de dire que, pendant une partie de lpoque historique, la lisire septentrionale du Sahara ait t une zone humide. On a cependant quelques raisons de supposer que les montagnes qui bordent le dsert recevaient un peu plus de pluie qu aujourdhui. Quant lAfrique du Nord proprement dite, elle jouissait dun climat, sinon semblable, du moins trs analogue au climat actuel : scheresse habituelle en t, scheresse parfois pendant toute lanne, pluies irrgulires et souvent torrentielles, bien moins abondantes, dune manire gnrale, lintrieur du pays que dans le voisinage de lOcan et de la Mditerrane, depuis le dtroit de Gibraltar jusquau cap Bon. Que cette contre ait t un peu plus humide quaujourdhui, cela est possible : dfaut de preuves, on peut invoquer quelques indices, qui ne sont pas dnus de valeur. Mais, en somme, si le climat de la Berbrie sest modi depuis lpoque romaine, ce na t que dans une trs faible mesure.
____________________ (1) De controversiis egrorum, dans Gromatici veteres, p.57 : In Italia aut quibusdam provinciis non exigua est iniuria si in alienum agrum aquam immittas ; in provincia autem Africa, si transire non patiaris. Conf. Agenius Urbicus, ibid., p. 88. Frontin dit encore (l. c., p. 36) : Cum sit regio aridissima (il sagit de lAfrique), nihil magis in querela habent quam si quis inhihuerit aquam pluviam in suum inuere ; nam et aggeres faciunt et excipiunt et continent eam, ut ibi potius consumatur quam efuat.
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____________________ (l, c., p. 18-19, pl. I, g. 2) a cru reconnatre une autre espce dlphant, daprs un fragment dune petite molaire, en mauvais tat. 1. Ternine ; lac Karar : Pomel, Hippopotames, p. 12-27, pl. V-XII ; Boule, l. c., p.10-11. Grotte dAn Turk, prs dOran, et grotte des Bains Romains, prs dAlger (poque plus rcente) : Pallary, Bulletin de la Socit danthropologie de Lyon, XI, 1892, p. 295 ; Ficheur et Brives, Comptes rendus de lAcadmie des sciences, CXXX, 1900, p. 1480. M. Flamand (Association franaise pour lavancement des sciences, Ajaccio, 1901, II, p. 730) signale encore lhippopotame dans une grotte de Mustapha-Suprieur (Alger), avec une industrie qui parait nolithique. 2. Ternine ; Aboukir ; lac Karar : Pomel, Rhinocros quaternaires, pl. I, IV, XI; Boule, l. c., p. 7-9. Avec une industrie palolithique plus rcente, dans diverses grottes : An Turk (Pomel, l. c., p. 41-45, pl. III et IV), Oran (Pomel, p. 46 ; Pallary et Tommasini, Assoc. franaise, Marseille, 1891, II, p. 645), aux Bains. Romains (Ficheur et Brives, l. c., p. 1487), Constantine, grotte dite des Ours (Pallary, Rec. de Constantine, XLII, 1908, p. 1501), la Mouillah, dans le dpartement dOran (Barbin et Pallary, Bull. dOran, 1910, p. 85). On a retrouv aussi le rhinocros dans des escargotires du Sud-Ouest de la Tunisie : Gobert, dans Bull. de la Socit prhistorique de France, 24 nov. 1910. 3. Ternine (douteux) : Pomel, Carnassiers, p. 8, pl. VII. 4. Constantine, grotte des Ours : Pallary, 1. e., p. 155, 5. Abris de la Mouillah (indication de M. Pallary). 6. Ternine Pomel, Carnassiers, p. 12, pl. III. Constantine, grotte des Ours : Pallary, 1. c., p. 155-6. 7. Constantine, grotte des Ours : Pallary, l. c., p. 157-8 ; mme lieu, grotte du Mouon : Debruge, Assoc. fran., Lille, 1909, II, p.821. M. Pallary observe que les os dours trouvs dans la premire de ces grottes ne sont pas briss, que, par consquent, lhomme ne les a pas utiliss pour sa nourriture. Lours a d vivre dans la caverne une poque o elle ntait pas occupe par des hommes, peut-tre dans des temps antrieurs. Les ossements de flins, de chacals, dhynes quon rencontre dans les cavernes ont pu aussi appartenir des animaux qui les habitrent dans des priodes o les hommes ny sjournaient pas. 8. Ternine ; lac Karar : Pomel, Suilliens, p. 12 et suiv., pl. II ; Boule, l. c. p. 11. Grotte des Ours, Constantine : Pallary, 1. e., p. 152. Escargotire dAn Mila, dans le dpartement de Constantine : Pomel, l. c., p. 17. 9. Station moustrienne de loued Temda, dans le Dahra : Pallary, Assoc. franaise, Tunis, 1898, II, p. 762. 10, Lac Karar : Boule, l, c., p. 9-10. Mme espce Ternine : Pomel, quids, p. 19 et suiv., pl. III-VII (Pomel croit quil sagit dun cheval, quil appelle Equus mauritanicus), Constantine, grotte des Ours : Pallary, Rec. de Constantine, XLII, p. 151-152.
Lhippopotame, espce actuelle(1) ; Le rhinocros, sans doute le rhinocros camus, qui vit actuellement en Afrique(2) ; Le lion(3), la panthre(4), le caracal(5), lhyne(6) ; Lours(7) : Le sanglier(8) ; le phacochre, quon retrouve encore au Soudan(9). Des zbres, dont une espce au moins parait tre le dauw actuel de lAfrique australe(10) ;
102 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. Un chameau(1) ; La girafe, espce actuelle de lAfrique centrale(2) ; Des cervids(3) ; Des gazelles(4) ; Lantilope bubale, ou alclaphe(5) ; Le gnou, espce actuelle du Sud de lAfrique(6) ; Des restes dovids(7) ;
____________________ Abris de la Mouillah, o le zbre est trs abondant : Barbin et Pallary, Bull. dOran, 1910, p. 86. Escargotires de la rgion de Tbessa et du Sud-Ouest de la Tunisie : Pallary, Rec. De Constantine, XLIV, 1910, p. 100. 1. Ternine : Pomel, Camliens et cervids, p. 14 et suiv., pl. III-IV ; Pallary, Bull. de la Socit gologique de France, 1900, p. 909. Il tait de plus grande taille et dune membrure plus forte que le chameau actuel. Pomel na pu lidentier avec aucune espce vivante ; Boule (dans lAnthropologie, XII, l901, p. 604) pense, au contraire, quil est identique au dromadaire. Le chameau a t aussi signal dons la grotte dAn Turk : Pallary, Bull. de la Sodl danthropologie de Lyon, XI, p. 205. 2. Ternine : Pallary, Bull. de la Soc. gologique, l. c., p. 908. La girafe gure peut-tre dans la faune dune grotte de Mustapha-Suprieur (Alger), habite par lhomme une poque plus rcente : Flamand, Assoc, franaise, Ajaccio, 1901, II, p. 730. 3. Lac Karar: Boule, lAnthropologie, XI ; p. 11 (molaire dun cerf, apparent au cerf actuel). Grotte des Bains-Romains (Alger) Ficheur et Brives, l. c., p. 1480 (Cervus pachygenys de Pomel ?). Grotte des Ours Constantine (douteux) : Rec. de Constantine, XLII, p. 153. Abris de la Mouillah : Bull. dOran, 1910, p: 86. On a trouv aussi des restes de cerfs dans les escargotires du dpartement de Constantine et du Sud de la Tunisie. 4. Aboukir : Pomel, Antilopes Pallas, p. 14, pl. V. Dans des grottes ; Oran (Doumergue, Assoc. franaise, Pau, 1892, II, p. 624), aux Bains-Romains (Ficheur et Brives, l. c., p. 1480), Constantine, grotte des Ours (Rec. de Constantine, XLII, p. 153), la Mouillah (Bull. dOran, 1910, p. 86). Dans des escargotires du dpartement de Constantine : An Mlila (Thomas, Bull. de la Socit zoologique de France, VI, 1881, p.120 ; Pomel, l. c., p. 12 et pl. XIII) ; aux environs de Tbessa (Rec. de Constantine, XLIV, p. 100). 5. Lac Karar: Boule, l. c., p, 13 (il pense quil sagit soit de lAlcelaphus bubalis, qui vit encore en Berbrie, soit de lAlcelaphus caama du Sud de lAfrique). Aboukir, et peut-tre Ternine : Pomel ; Boslaphes Ray, p. 27 et suiv., p. 52 et suiv., pl. IV, VI, X. Grotte des Bains-Romains : Ficheur et Brives, l. c. Grotte des Ours, Constantine : Rec. de Constantine, XLII), p. 154. Abris de la Mouillah Bull. dOran, 1910, p. 80. Escargotires de la rgion de Tbessa : Rec. de Constantine, XLIV, p. 100. 6. Ternine; Aboukir ; lac Karar : Pomel, Boslaphes Ray, p. 9 et suiv., pl. I-III ; Boule, l. c., p. 11-12. Grotte des Bains-Romains : Ficheur et Brives, 1, c. Grotte des Ours : Rec. de Constantine, XLII ; p.153-4. Abris de la Mouillah : ibid., XLII, p. 154. Escargotires de la rgion de Tbessa : Ibid., XLIV, p. 100. Peut-tre encore dans la grotte de Mustapha,Suprieur : Flamand ; l. c. 7. Lac Karar : Boule, l. c., p. 12 (molaire dun ovid indtermin). Ternine : Pomel, Ovids, p. 22, pl. XI (tronon de mandibule dovid). Grotte des Ours Pallary, Rec. de Constantine, XLII, p.154 (mouon).
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Un buf, appel par Pomel Bos opisthonomus(1), de grande taille, dont les cornes, longues et fortes, se recourbent en avant des yeux(2) espce teinte, selon Pomel, mais plus probablement varit du Bos primigenius dEurope et dAsie(3) ; Un autre buf, plus petit, mal connu, que Pomel qualie de Bos curvidens(4) ; Peut-tre dautres bovids(5). Les dbris dufs dautruche abondent dans les stations palolithiques rcentes(6). Il y a dans cette faune des animaux identiques ou apparents un certain nombre de ceux qui habitrent LEurope aux temps quaternaires(7) : hippopotame, rhinocros, lion, panthre, hyne, sanglier, phacochre, ours, cerf(8) ; les deux continents, certainement unis lpoque pliocne, communiqurent peuttre encore pendant une partie de lpoque suivante. Dautres, espces, qui manquent dans les pays europens, offrent au
____________________ 1. Ce nom a t emprunt Hrodote (IV, 183). Mais il nest nullement prouv que le buf indiqu par lhistorien grec soit celui quon trouve dans les stations primitives; Pomel lui-mme le reconnat (Bufs-taureaux, p. 15, 24-25). Thomas avait appel ce buf Bos primigenius mauritanicus (Bull. de la Socit zoologique de France, VI, 1881, p. 125). 2. Aboukir : Pomel, l. c., p. 15 et suiv., pl. I-IV, VI-VIII, X, XVIII. Peut-tre au lac Karar : Boule, l. c., p. 12-13. Grotte dAn Turk : Pomel, p, 55, pl. IX ; Pallary, Bull. de la. Socit danthropologie de Lyon, XI, p. 295. Grotte des Bains-Romains : Ficheur et Brives, 1. c. Grotte des Ours : Rec. de Constantine, XLII, p. 154-5. Abris de la Mouillah : Bull. dOran, 1910, p. 86. Escargotires du dpartement de Constantine et du Sud de la Tunisie : Thomas, 1. c., p, 125-6 ; Pallary, Rec. de Constantine, XLIV, p. 100. 3. Drst, dans lAnthropologie, XI, 1900, p.147 et suiv. 4. Ternine; Aboukir : Pomel, l. c., p. 95 et suiv., pl. XV et XVII. Peut-tre la grotte des Ours : Rec, de Constantine, XLII, p.155. 5. Les ossements de bovids ne sont pas toujours, on le comprend, faciles classer avec prcision. Voir Boule, l. c., p. 12 (lac Karar); Barbin et Pallary, Bull. dOran, 1910, p. 86 (abris de la Mouillah) ; Pallary, Rec. de Constantine, XLIV, p. 100 (escargotires de la rgion de Tbessa). 6. Bull. dOran, 1910, p. 86 (abris de la Mouillah). Rec. de Constantine, XLIV, p.63 (escargotires de la rgion de Tbessa). 7. Trouessart, La faune des mammifres de lAlgrie, du Maroc et de la Tunisie, dans Causeries scientiques de la Socit zoololique de France, 1, 1005, p.358. Boule, dans lAnthropologie, XVII, 1906, p.279, 283. 8. Ajouter lElephas africanus, le macaque, le serval, le chat gant. Pour le Bos opisthonomus, voir plus haut, n.3.
104 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. contraire une troite parent avec des espces actuelles du centre et du Sud de lAfrique(1), soit quelles aient pu traverser le Sahara, soit que les communications aient eu lieu par ailleurs. Plus tard, la Berbrie, isole par la mer et par le dsert, possde une faune dune physionomie particulire(2), qui prsente cependant des afnits avec celle de lEurope mridionale et, pour las rgions sches, avec celle de lgypte et de la Nubie(3). Elle conserve des animaux qui disparaissent de lEurope; elle en perd dautres qui, sauf quelques exceptions, se maintiennent au del du Sahara. LElephas atlanticus steignit dabord, peut-tre par suite du refroidissement et de lasschement du climat ; puis ce fut le tour de lhippopotame et du rhinocros. Des dbris dufs dautruche se rencontrant en abondance dans les stations nolithiques(4). On y trouve des restes de flins (lion, panthre. etc.(5)), lhyne(6), le chacal(7), le renard(8), le sanglier(9),
____________________ 1. Boule, dans lAnthropologie, X, 1809, p. 371. 2. Polybe (XII, 3, 5) observe que la Libye nourrit quantit dlphant, lions, panthres, antilopes, autruches, animaux qui nexistent pas en Europe. Hrodote (IV, 192) numre une srie danimaux qui vivent dans la pays des Libyens nomades et qui sont, dit-il, propres ce pays. 3. Conf. Cosson, le Rgne vgtal en Algrie (Paris, 1870), p, 57. 4. On a recueilli aussi des ossements de cet oiseau dans des grottes dOran : Doumergue, Assoc. franaise, Pau, 1892, II, p. 625 5. Grotte du Grand-Rocher, prs dAlger : Pomel, Carnassiers, p. 8. pl. IX (lion ?). Grotte voisine dOran : ibid., p. II (lion ?) et 12. Grotte de Sada, dans le dpartement dOran : Doumergue et Poirier, Bull. dOran, 1894, p. 109-110 (lion, caracal, serval). Grotte de Mustapha-Suprieur : Flammand, Assoc, franaise, Ajaccio, II, p. 730 (panthre). Grotte de Bougie : Doumergue, ibid Cherbourg, 1905, II, p. 630 (lion). 6. Grand-Rocher, Mustapha-Suprieur : Pomel, l. c., p. 13, 15, pl. V-VII. Sada : Bull. dOran, 1894, p.100. 7. Grand-Rocher : Pomel, l. c., p. 28. Mustapha Suprieur: Assoc., l. c. Sada ; Bull. dOran, l. c. Grottes dOran: p. ex. Bull. de la Socit danthropologie de Lyon, XI. 1892 p. 360). 8. Grottes dOran et de Sada : Assoc. franaise, Marseille, 1891, II, p. 645 ; Bull. dOran, 1. c, Pour la prsence de ces divers animaux dans les grottes, conf. lobservation faite p. 101, n 7. 9 Grand-Rocher ; Mustapha-Suprieur; grottes dOran : Pomel, Suilliens, p. 13, 17, 22, 23, 24, 26, pl. III, IV, VIII. Sada : Bull. dOran, l. c., p. 111, Etc.
105
____________________ 1. Mustapha-Suprieur ; Oran (Grotte dite du Polygone) : Pomel, l. c., p. 29 et suiv., pl. IX-X. 2. Les ossements dquids sont en gnral peu dterminables. Pomel (quids, p. 26) indique au Grand-Rocher son Equus mauritanicus, qui est probablement un zbre. Conf. la grotte de Mustapha-Suprieur : Assoc. franaise, Ajaccio. II, p. 730, Nous reparlerons des quids quand nous tudierons les animaux domestiques (livre II, chapitre II). 3. Grottes du Grand-Rocher, de Mustapha-Suprieur, de Fort-de-lEau : Pomel, Camliens et cervids, p. 6-9, pl. 1. Grotte de Sada : Bull. dOran, 1894, p. 111. Le dromadaire a t aussi trouv loued Seguen, entre Constantine et Stif ; Pomel, l. c., p. 11-12, pl. II. Conf. Flamand, dans lAnthropologie, VIII, 1897, p. 201-2 ; Boule, ibid.,X, 1809, p. 364. 4. Grand-Rocher ; Mustapha-Suprieur : Pomel, 1. c., p. 44, pl. VII ; Assoc. franaise, Ajaccio, II, p. 730. 5. Grottes de Mustapha-Suprieur, dOran, de Sada : Assoc., 1. e. ; Pomel), Antilopes Pallas, p. 14, 25, pl. II, V, X ; Pallary et Tommasini. Assoc. franaise, Marseille. 189I, II, p.645 ; Bull. dOran, 1804, p. 113. Abri de Redeyel (Sud-Ouest de la Tunisie) : Gobert, dans lAnthropologie, XXIII, 1912, p. 167. 6. Difciles dterminer, Grottes du Grand-Rocher, du Mustapha-Suprieur, dOran, de Sada : Pomel, 1. c., p. 35, 38, 39, 44, pl. VI et X ; Assoc. franaise, Ajaccio, l. c., ibid., Pau, 1892, II, p. 625 ; Bull. dOran, l. c. 7. Grand-Rocher ; Mustapha-Suprieur ; Oran ; Sada : Pomel, Boslaphes Ray, p. 31, 32, 36, 38, 41, 45, pl. IV, VII-X ; Assoc. franaise, Ajaccio, 1. c.; ibid., Marseille,1. c., Bull. dOran, l. e, Abri de Redeyef : Gobert, l. c. 8. Grotte de Bougie : Debruge, Assoc. franaise, Cherbourg, 1903, II, p, 631. Grotte du Mouon, Constantine : ibid., Lille, 1900, II, p. 821. 9. Grottes dOran : Pomel, Ovids, p. 7. 9, pl. VI, VII. Grotte de Mustapha-Suprieur : Assoc., Ajaccio, l. c. On a trouv aussi le mouon [et non le bouquetin] dans un abri de Redeyef : Revue de lcole danthropologie. XX, 1910, p. 271-2 ; Gobert, l. c. 10. Grottes dOran, de Sada, de Mustapha-Suprieur : Pomel, Bufs-taureaux, pl. II-V, VII ; Bull. dOran, 1894, p. 112; Assoc., Ajaccio, l. c. Station dArbal, prs dOran : Doumergue, dans Assoc., Nantes, 1898, II, p. 575. 11. Bos curvidens (?), Sada : Bull. dOran, 1894, p. 112-3. Nous reviendrons sur les ovids et les bovids dans ltude des animaux domestiques. 12. Grottes du Grand-Rocher et de Mustapha-Suprieur : Pomel, Bubalus antiquus, p.70, pl. IX ; Assoc., Ajaccio, l. c, Probablement dans des grottes dOran : Pomel, l. c., p. 77. Le Bubalus antiquus na pas encore t rencontr avec certitude dans les stations palolithiques : Pomel, l. c. (conf. Boule, dans lAnthropologie, XI, 1909, p. 12). M. Flamand (Recherches sur le Haut-Pays de lOranie, p. 729) dit, il est vrai, que les gisements incontestables du Bubalus antiquus sont, dans le Tell nigrian et dans le Haut-Pays, tous plistocnes rcents ; que les restes de ce bufe nont jamais t rencontrs dans des
le phacochre(1), le zbre, qui semble devenir rare(2), le dromadaire, rare aussi(3), le cerf(4), des gazelles(5) et dautres antilopes(6), lalclaphe(7), le gnou(8), le mouon(9), le buf dit Bos opisthonomus(10), dautres bovids(11). Un bufe, dit Bubalus antiquus, qui est peu frquent(12), devait atteindre 3 mtres de longueur, 1 m. 85 de hauteur au garrot et l m. 70 la
106 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. croupe(1). Pomel croit quil sagit dune espce propre lAfrique septentrionale, aujourdhui disparue(2),dautres lidentient avec le Bubalus palaeindicus, qui vcut en, Inde, dans lAsie antrieure, et mme en Europe, et qui existe encore dans le Nord de lInde, sous le nom darni(3). Ce fut alors, sans doute, que les Africains commencrent avoir des animaux domestiques ; mais il est difcile dindiquer dans quelle mesure ceuxci se rattachent des espces sauvages indignes et de faire la part des importations. Le lion, le chacal, le sanglier, la gazelle, lautruche apparaissent sur des dessins rupestres de la rgion de Guelma(4), qui ne semblent pas dater dun autre ge que les gravures prhistoriques du Sud de lAlgrie. Ces dernires(5), du moins en partie, sont, croyons-nous, contemporaines de lindustrie nolithique rcente. Elles nous montrent souvent des lphants(6), qui, selon Pomel, auraient appartenu lespce dite Elephas atlanticus(7), mais quil est plus vraisemblable de regarder comme les descendants de lElephas africanus et les anctres directs des lphants signals dans le Nord de lAfrique lpoque histo-
____________________ dpts actuels ; cest mme un de ses principaux arguments pour attribuer une trs haute antiquit aux gravures rupestres, sur lesquelles le Bubalus est trs frquent. Il faudrait tirer celui question au clair. 1. Pomel, l. c., p. 7, 69, 71. 2. L, c., p. 6, 70. 3. Drst, dans lAnthropologie, X1, 1900, p. 130 et suiv. Pomel (p. 69 et 80) nie cette identit. 4. Gsell, Monuments antiques de lAlgrie, I, p. 47-48. Pomel (Bosphales Ray, pl. XI, g. 3) a cru reconnatre des gnous : opinion qui ne semble pas fonde. 5. Gsell, 1. c., p. 41-47. Gautier, Sahara algrien, p. 87 et suiv. Jai, pu consulter des photographies et des dessins excuts ou recueillis depuis de longues annes par M. Flamand, qui les a mis libralement ma disposition. 6. Tissot, Gographie de la province romaine dAfrique, I, p. 372, g. 41. Pomel, lphants quaternaires, pl. XIV et XV. Flamand, dans lAnthropologie, III, 1892, p. 140, g. 1. Etc. Il y peut-tre aussi des lphants sur des gravures du la rgion de Constantine : Bosco et Selignac, Rec. de Constantine, XLV, 1911, pl. IV et V, aux p. 338 et 340. 7. L, c., p. 61, 63, 67. A mon avis, les gravures ne permettent pas de dire avec prcision quelle tait la conformation des oreilles des lphants, rien ne prouve quelle ait t diffrente du celle que nous observons sur des images dlphants des temps historiques.
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____________________ 1. Voir plus haut, p. 77. 2. Flamand, Bull. de la Socit danthropologie de Lyon, XX, 1901, p.194 et suiv., et gures, le mme, apud Pomel, bubalus antiquus, pl. X. Gautier, l. c., g. aux p. 91 et 95. 3. Le cerf est reprsent Guebar Rechim. 4. Pomel, Antilopes Pallas, pl. XV, Gautier, p. 99, g. 18, n3. 5. Antilope addax : Gautier, ibid., n1. Pomel (l. c., g. 1-4) a reconnu loryx leucoryx : ce qui me parait admissible (Gautier, p. 113, en doute). La mme antilope parait tre reprsente sur une gravure signale lEst de Constantine par MM. Bosco et Solignac, Rec. de Constantine. XLV, 1911, pl. III, la p. 330 (conf. p. 337). Lalclaphe (antilope bubale) serait gure Tazina, selon Pomel (Boslaphes Ray, pl. XI. g. 7-8) :opinion trs contestable (conf. Boule, dans lAnthropologie, X, 1890, p. 585). Je reconnatrais volontiers cet animal Moghar (Bonnet, Revue dethnographie, VIII, 1889, p. 151, g. 2). Il y a peut-tre des antilopes de lespce dite mohor, ou nanguer, sur des gravures sahariennes Flamand, Bull. de gographie historique, 1905, p. 201, pl. X, n 8. Pomel (l. c., g. 1) croit que le gnou est reprsent Moghar. Cest plus que douteux (Gautier, p. 95). 6. Maumen, Bull. archologique du Comit, 1901, p. 304, g. 4 ; conf. Delmas, Bull, de la Socit dauphinoise dethnologie et danthropologie, IX, 1902, p.144. Flamand, Bull. de la Soc. danthr. de Lyon, XX, p. 194. 7. Voir plus loin, livre II, chap. II. 8. Elle est trs douteuse Tyout, Moghar et El Hadj Mimoun, o elle a t signale (pour Moghar, voir Bonnet, Revue dethnographie, 1. c., p. 150 et p.153, g. 6 ; Flamand, Bull. de la Soc. danthr, de Lyon, XX, p. 100, g, IV, n 5), mais certaine Guehar Hechim. On la retrouve sur des gravures du Sud du Maroc (Duveyrier, Bull de la Socit de gographie de Paris, 1870, II, p.136 et pl. n 48 ; Douls, ibid., 1888, p. 456), et probablement Barrebi, sur la Zousfana ; au Sud-Ouest de Figuig (Duvaux, Bull. dOran, 1091, p. 310 et pl. IV. g. 8 : gravure qui pourrait tre de date relativement rcente). Elle apparat aussi loued Taghit, dans lAhnet, en plein Sahara : Gautier, l. c., p. 104 ; g. 21, n C, si la p. 103. Une girafe est peinte sur un rocher, dans le Sud du djebel Amour (Maumen, Bull. archologique du Comit, 1901, p. 306 et pl. XXV, g. 10). Cette image est peut-tre plus rcente que les gravures prhistoriques de la mme rgion. Sur une gravure de la rgion de Figuig, Mme de la Rive a cru reconnatre lokapi, animal vivant actuellement dans lOuganda : de Saussure, dans lAnthropologie, XVI, 1905, p. 110-120. Cette identication parait hasarde (conf. Gautier, l, c., p. 96). Le rhinocros a t reconnu sur une gravure du Sud du Maroc : Duveyrier, l. c., p.132, et pl., n 42 ; conf. Pomel, lphants quaternaires, p. 60. Je doute fort de lhippopotame, signal au Sud du Maroc (Douls, l. c.), Tyout et Moghar (conf. Bonnet, l. c., p. 150 et 156). Pomel voit un singe sur une gravure du Sud oranais (Singe et homme, p. 11 ; pl. II, g. 9); mais cest peut-tre un homme dans une posture bestiale.
rique(1). Le Bubalus antiquus est aussi trs frquent(2). On reconnat encore le lion, la panthre, le cerf(3), des gazelles(4), dautres antilopes(5), le mouon(6), des boeufs(7), lautruche. La girafe est gure, mais rarement(8).
108 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. II On sait que llphant a vcu dans lAfrique du Nord jusquaux premiers sicles de notre re(1). Nous navons aucune preuve certaine de lexistence, aux temps historiques, du grand bufe (Bubalus antiquus)(2). Il nest pas impossible que la girafe se soit maintenue et l, en Tripolitaine(3) et mme dans le Sud de lAlgrie(4). Les animaux que mentionnent les auteurs grecs et latins, ou que reproduisent des monuments des poques carthaginoise et romaine, vivent encore, pour la plupart, en Berbrie. Dautres ont disparu ou ont migr depuis peu. Nous ne parlerons pas ici de la faune domestique, que nous tudierons ailleurs(5).
____________________ 1. Voir plus haut, p. 74 et suiv. 2. Il peut avoir survcu plus ne Sud, peut-tre dans la rgion de la Saguia el Hamra. Strabon XVII, 3, 5) mentionne, daprs Hypocrate (ou Iphiernie), dans le pays des thiopiens occidentaux, des animaux, appels rhizes ( ) qui, par leur aspect, ressemblent des taureaux, mais qui, par leur genre, de vie, leur taille et leur ardeur belliqueuse, rappellent les lphants. 3. A Ghirza, en Tripolitaine, des bas-reliefs dpoque tardive reprsentent des girafes : Mhier de Mathuisieux, dans Nouvelles Archives des missions, XII, 1904, p.23. 4. Un chroniqueur, Jean de Bichar, raconte quen 573, les Maccuritae envoyrent Constantinople des dputs, qui offrirent lempereur des dfenses dlphant et une girafe (dans Mommsen, Chronica minora, II, p. 213). On sest, demand (Mommsen, l. c., note la p. 213 ; Diehl, lAfrique byzantine, p. 328) et cette tribu dtail pas identique celle indique par Ptolme (IV, 2, 5) en Maurtanie Csarienne : ceux-ci vivaient peut-tre dans le voisinage de la valle du Chlif (voir Cat, Essai sur la province romaine de Maurtanie Csarienne, p. 76 ; C. 1. L., VIII, 21492). La girafe mentionne aurait pu tre capture non loin de l, dans les steppes de la province dAlger, ou plus au Sud (dans le djebel Amour et dans le Nord du Sahara, des images rupestres reprsentant des girafes ne sont peut-tre pas prhistoriques ; conf. P. 107, n. 8). Mais le rapprochement entre les Maccuritae et les est incertain; quand mme il ferait fond, on pourrait supposer que lanimal avait t amen du Soudan, do venaient sans doute les dfenses dlphant. En tout cas, si la girafe existait encore dans lAfrique septentrionale aux poques romaine et byzantine, elle devait y tre rare. Les Romains virent, pour la premire fois une girafe en 40 avant J.-C., un sicle aprs leur tablissement en Afrique, et cet animal fut amen dAlexandrie ; Friedlnder, Sittengeschichte Rome, II, p. 495 de la 5e dition. 5. Livre II, chap, II. Tissot (Gographie de la province romaine dAfrique, I, p, 321-383) a donn des indications, dailleurs bien incompltes, sur la faune de lAfrique du Nord dans lantiquit.
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Les singes, signals assez souvent(1), taient, sans aucun doute, des magots : on en rencontre aujourdhui sur plusieurs points de lAlgrie et au Maroc (dans le massif de lAndjera, entre Ttouan et Ceuta)(2), mais non plus en Tunisie, o il y en avait autrefois, daprs le tmoignage des textes(3). LAfrique tait pour les anciens la terre classique des btes froces(4). Avant la domination romaine, elles abondaient tellement dans certaines rgions quelles empchaient les hommes
____________________ 1. Hrodote, IV, 194 : les Gyzantes (peuplade de la Tunisie) mangent des singes, ( ), qui existent en trs grand nombre dans leurs montagnes. Diodore de Sicile, XX, 38, 3 : la n du quatrime sicle, dans une expdition lintrieur des terres, Eumaque, lieutenant dAgalhocle, traversa un pays o les singes abondaient et vivaient familirement avec les hommes ; il y avait l trois villes, appeles daprs le nom de ces animaux (en grec ). Le Priple de Scylax ( III : Gogr. gr. min., I, p. 90) mentionne, au quatrime sicle, un autre lieu, appel de mme, avec un port, et, en face, une le avec une ville. Ce lieu tait situ entre Bizerte et Philippeville : peut-tre Tabarca. De son ct, tienne de Byzance indique un port eu Libye dans la rgion de Carthage. Plaute, Poenalus, 1074 : singe apprivois, Carthage. Athne, XII, 16, p. 518, c, citant Ptolme vergte : mention de gens qui venaient acheter des singes en Afrique, au temps de Masinissa. Strabon, XVII, 3, 4 : la Maurusie (Maroc actuel) abonde en singes. Strabon ajoute que Posidonius, abordant sur le littoral, lors dun voyage de Gads en Italie, en vit un grand nombre dans une fort, spectacle qui le divertit beaucoup. Mamilius. IX, 600 : il indique en Afrique des cercopes, mot fort mal choisi, puisquil dsigne des singes queue (chez les magots la queue est trs rudimentaire). Juvnal, X. 103-5 : singes des forts de Thalbenca (Tabarca). Lucien, Dipsad, 2 : dans le dsert, dit-il. lien, Nat. anim., V, 54 : ruse des panthres en Maurusie peur prendre des singes. Anthologia latina, dit. Riese, p. 267, n 330 : singe savant Carthage, lpoque vandale. Isidore de Sville, Etymol., XIV, 5, 12: singes en Maurtanie Tingitane. Sur une stle punique de Carthage, on voit un singe grimpant un palmier : Comptes rendus lAcadmie des Inscriptions, 1885 p. 102. Les singes reprsents sur deux mosaques dOudna (Gauckler, Inventaire des mosaques de Tunisie, n 392 et n 381 = Monuments Piot, III, p. 218, g.12) ne sont pas des singes de Berbrie, car ils sont pourvus dune longue queue. 2. Et aussi, me dit M. Brives, dans le Haut-Atlas. 3. Hrodote, Juvnal et probablement Diodore de Sicile, ll, cc, Il y en avait peut-tre aussi en Cyrnaque. Un de ces animaux se voit sur une coupe du sixime sicle reprsentant un roi de Cyrne, Arcsilas : Perrot, Histoire de lArt IX, pl. XX ( la p. 494). 4. Hannon, Priple, 7 (Geogr. gr. min., l, p. 6). Hrodote, II, 32 ; IV, 174 ; IV, 181 ; IV, 101. Aristote. Hist. Animalium, VIII, 28 (27), 7. Polybe, XII, 3, 5. Diodore, IV, 17, Strabon, XVII, 3, 4 ; XVII, 3, 6 ; XVII, 3, 15. Vitruve, VIII, 3, 24. Pomponius Mla, I, 21. Pline, V, 9 ; V, 15 ; V, 22 ; V, 26. Appien, Lib., 71. lien, Nat. Anim., VIII, 5. Solin, XXVI, 2 ; XXVII, 12 Isidore de Sville, Etymol., 5, 9 et 12.
110 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. dy vivre et dy travailler en scurit(1). Mais, avec le temps, leur nombre diminua(2). On les chassa avec ardeur (ctait une occupation favorite des habitants du pays(3)), soit pour se dbarrasser delles(4) et se procurer du gibier, soit pour fournir la capitale du monde(5) et bien dautres villes(6) des animaux destins gurer dans les spectacles. Ainsi, Auguste indique qui environ 3 500 btes africaines furent tues dans vingt-six ftes quil donna au peuple (7). On en expdia Rome ds le commencement du IIe sicle avant notre re(8), et ces envois continurent jusque, sous le rgne de Thodoric(9). Des mentions de ferae libycae(10), de ferae ou bestiae africanae(11), on mme simplement dafricanae(12) (terme qui dsignait principalement les panthres) se rencontrent dans les auteurs et parfois aussi dans
____________________ 1. Strabon, II, 5, 33 ; XVII, 3, 4 et 15. Mla, I, 21. Salluste (Jugurtha, XVII, 6) parle des indignes qui bestiis interiere . Voir encore Virgile, Gorgiques, III, 245-9. 2. Strabon le remarque dj (II, 5, 33). Conf, Friedlnder, 1. c., II, p. 355 (5 dition). 3. Salluste, Jug., VI, t ; LXXXIX, 7. Strabon, II, 5, 33. Mla, I, 41. lien, Nat. anim., XIV, 5. C. l. L., VIII, 212 (l. 29). 17938. Les mosaques reprsentant des scnes de chasse sont trs frquentes dans lAfrique romaine : voir aux index des inventaires des mosaques de Tunisie et dAlgrie, par Gauckler et de Pachtere, s, v. Chasse. 4. Diane est qualie de victrix ferarum sur une inscription de Maurtanie : C. l. L., VIII. 9831. 5. Friedlnder, l, c., p. 348 et suiv., 400 et suiv. 6. Voir, par exemple, pour lItalie, Pline le Jeune, Lettres, VI, 34 (Vrone) ; C,1. L, IX, 2350 ; ibid., X, 530 (Salerne). Pour Gads : Columelle, VII. 2, 4. Pour Carthage : Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1910, p. 135-6 ; Passion de sainte Perptue, 19-21; Audollent, Dexionum tabellae, n 247 ; 250, 252, 253. Pour Rusicade : C.1. L VIII, 7960. Ete. 7. Res gestae Divi Augusti (Mommsen, 2 dition, p. 94), IV, 39 et suiv. 8. Tite-Live, XXXIX, 22 (en 186) ; XLIV, 18 (en 160). Plaute. Poenuius, 1011. 9. Cassiodore, Chronique, anne 1364 (en 519). 10. Histoire Auguste, Gordiani tres, III, 6 ; Ibid., Aurlien, XXXIII, 4. C.1. L., X, 549. Conf. Symmaque, Lettres, VII, 122 (Libycae, pris substantivement). Dion Cassius, LIII, 27 ; LIV, 26 ; LIX, 7 ; LX, 7 ; Plutarque, Syllla, 5. 11. Pline, XXXVI, 40 (ferae africanae). Varron, Rust., III, 13, 3 ; Res geslae Divi Augusti, 1. c., ; C, I. L., IX, 2350 (bestiae africanne). 12. Caclius, apud Cicron, Lettres, VIII, 8, 10 ; VIII, 9, 3. Tite-Live, XLIV, 18, Pline lAncien, VIII, 64. Pline le Jeune, Lettres, VI, 34. Sutone, Caligula, 18 ; Claude, 21. Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1910, p.136. Conf. Thesaurus lingude latinae, I, p. 1262,
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les inscriptions. A lpoque de Pline lAncien, ctait surtout la Numidie qui les fournissait(1). Parmi les fauves, ceux que les textes signalent le plus souvent sont les lions(2), qui nont disparu de lAlgrie et de la Tunisie qu la n du XIXe sicle et qui existent encore au Maroc. Le lion apparat sur des monnaies indignes(3) et il est donn pour compagnon lAfrique personnie sur des monnaies impriales romaines(4). Ces animaux taient trs redouts. lien(5) parle, peut-tre daprs le roi Juba, dune tribu entire quils dtruisirent, dans une rgion riche en pturages. Ils osaient mme sapprocher des villes : Polybe en vit quon avait mis en croix, pour carter les autres par la crainte dun pareil supplice(6). On eut beau leur donner la chasse(7) ; ils restrent un des aux
____________________ 1. Pline, V, 22. 2. Hrodote, IV, 191. Polybe, XII, 3, 5. Salluste, Jug., VI, 1. Plutarque, Pompe, 12. Virgile, Bucoliques, V, 27 ; nide, IV, 159. Horace, Odes, I, 22, 13-10. Ovide, Ars amal., I, 183. Manilius, IV, 664. Strabon, XVII, 3, 4 ; XVII, 3, 5 ; XVII, 3, 7. Snque, Brevit ? Vitae, XIII, 6. Lucain, IV, 685-6 ; IX, 947. Pline, VIII, 42 ; VIII ? 53, 1-2 ; IX, 71, I. Stace, Silves, II, 5, 8. Lucien, Quomodo historia conscibenda sit, 28. Oppien, Cyneg., III, 35 et suiv. lien, Nat. Anim., III, 1 ; VII, 23 ; XVII, 27. Athne, XV, 20, p. 677, e. Salin, XXVII, 12. Claudien, Bell. Gidon., 358 ; Cons. Stilich., III, 333 et suiv. Saint Augustin, De Genesi ad litteram, XII, 22, 47 ; Snarr. In psalm, XXXVII, 15, C. I. L., VIII, 21567 (B, I, 12). 3. Monnaies de Juba Ier et de Juba II : Mller, Numismatique de lancienne Afrique, III, p. 43, n 58, p. 103, n 21, p. 107, n 75 ; Revue numismatique, 1908, pl. XIII, g. 15. Une tte de lion se voit sur des monnaies frappes en Afrique par Clodius Macer, en 68 aprs J.-C. : Cagnat, Arme romaine dAfrique, 2e dit., g p. 143. 4. Cohen, Monnaies impriales, 2e dit., II, p. 117, nos 149, 152 ; III, p. 235, n 69 et gure ; IV, p. 6, n 25, p. 52, n 403 ; VI, p. 590, n 65, p. 503, n 91, p. 504, n 106 ; etc. Conf. Helbig, Wandgemle de Stde Campaniens, n 1116 (peinture). Une monnaie frappe par les Pompiens en Afrique, au milieu du premier sicle avant notre re (Babelon, Monnaies consulaires, I, p.280, n 51 ; conf. II, p. 135, n 21), et des statues en terre cuite de Bir bou Rekba, en Tunisie (Merlin, le Sanctuaire de Baal et de Tanit prs de Siagu, p. 44-47, pl. III) reprsentent une desse la tte de lion, quon croit tre le Gnie de la terre dAfrique. Mais lexplication G(enius) T(errae) A(fricae), quon a donne des sigles qui accompagnent limage de la monnaie, me parait bien hasarde. 5. Nat. Anim., XVII, 27. 6. Apud Pline, VIII, 47. On connat lusage que Flaubert a fait de cette indication dans Salamb. 7. Sur la chasse aux lions et les manires dont on les capturait en Afrique, voir Lucain, IV, 685-6 ; Pline, VIII, 54 ; Oppien, Cyneg., IV, 77 et suiv. ; Claudien. Cons. Stilich., III, 330-341 ; ainsi que des mosaques ; Gauckler, Invent. Tunisie, nos 6917, 672, 753 ;
112 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. du pays(1). Nous trouvons cependant quelques mentions de lions apprivoiss(2). Les panthres, qui commencent devenir rares dans lAfrique du Nord, y taient fort nombreuses autrefois(3). Les auteurs les appellent (4) pardi(5), pantherae(6), leopardi(7). Les mot et pardi, a d servir aussi dsigner les gupards, qui, plus petits que les panthres, ont peu prs la mme robe(8). Le terme africanae(9) a pu sappliquer, non seulement aux panthres, mais aussi dautres flins (gupards, servals, catacals), et peuttre aux hynes(10). Plusieurs textes(11) et des mosaques(12) nous renseignent sur la chasse la panthre. Les pardi apprivoiss,
____________________ de Pachiere, invent. Algrie, nos 45 (= Mlanges de lcole de Rome, XXXI, 1911, p. 337, Pl. XlX-XX), 346, 422. 1. Une ordonnance de, lanne 414 (Code Thodosien, XV, II, 1) permit aux particuliers du tuer les lions (la chasse au lion tait un droit rgalien). 2. lien, Nat. Anim., V, 33 ; Plutarque, Paecepta gerendae rei publiene, III, 9 (Moralia, Didot, II, p. 976) ; Maxime de Tyr, Dissert., II, 3 (Didot, p. 5). Silius Italeus, XVI, 235 et suiv. lien, l, c., III, 1. Saint Augustin, De Genesi ad litteram, VII, 10, 15 ; Contra epistolam Fundamenti, XXXIV, 38. 3. Elles sont frquemment reprsentes sur les mosaques africaines. Voir en particulier Gauckler. Invent. Tunisie, n 122 (= Gauckler, Gouvet et Hunnezo, Muse de Sousse, pl. I, g. 2) ; de Pachtere, Invent. Algrie, n 450 (au muse dAlger). 4.Polybe, XII, 3, 5. Strabon, XVII, 3, 4 et 7. Elien, Nat. anim., V, 54 et XIII, 10. Aux second et troisime sicles de notre re, des colons dun domaine imprial, situ louset de Stif, sappelaient Pardalarii, ou Pardalarienses : C. I. L., VIII, 8425, 8426. 5. Pline, VIII, 41-43 ; VIII, 63 ; X, 202, Pardus tait le nom du mle. 6. Pline, VIII, 62-63 : XXXVI, 40. Tite-live, XXXIX, 22. Des auteurs regardaient les pardi et les pantherae comme deux espces diffrentes : Pline, VIII, 63. Les quHrodote signales chez les Libyens nomades sont peut-tre non des lopards, ou panthres, mais dautres flins (des gupards ?) : lauteur du Trait de la chasse, attribu Xnophon (XI, 1), numre la fois (avec les lions, les lynx, les ours) les et les . 7. A une connaissance, ce nom apparat pour la premire fois, en latin, dans un crit africain du dbut du troisime sicle, la Passion de Sainte Perptue chap. XIX et XXI). Conf. Histoire Auguste, Probus, XIX, 7. 8. Voir Trouessart, dans Causeries scientiques de la Socit zoologiques de France, I, 1003, p. 381, g. 9. 9. Voir plus haut, p. 110. 10. Conf. Friendlnder, l, c., II, p. 350 et 490. 11. Oppien, Cyneg., IV, 320 et suiv, (il prtend que des Africains prennent les panthres en les enivrant). lien, Nat. Anim., XIII, 10. 12. De Patchere, Invent, Algrie, nos (= Mlanges de lcole de Rome, XXXI, 1911, pl. XIX-XX), 443, 450 ; Guckler, invent. Tunisie, n 672. Conf. Une peinture dHenchir Tina : Bull. archologique du Comit, 1910, p. 92.
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___________________ 1. Anthologia latina, dit. Riese, p.281, n 360. 2. Nat. anim., XIV, 6. 3. Conf. Trouessart, 1. c., p. 387, g.13. 4. Les lynx, ennemis des singes, que mentionne une pice de vers africaine (Anthologia latina, dit. Riese, p. 304 , v. 20), sont aussi des caracals (conf. O. Keller, die antike Tierwelt, I, p. 82). De mme, les lynx qui, dit Pline (VIII, 72), abondent en thiopie. Voir encore Virgile, nide, I, 323 : maculose lyncis . 5. XX, 58. 6. Lataste, Faune des vertbrs de Barbarie, Mamifres (extrait des Actes de la Socit lianenne de Bordeaux, XXXIX, 1885), p. 103 et suiv. Trouessart, l, c., g. 12, la p. 387. 7. Lataste, p. 104 ? Trouessart, g. 10 et 11, la p. 386. Conf. Peut-tre Timothe de Gaza (dans Hermes, III, 1869, p. 22, 36) : le chat est apparent au pard en Libye. De Pachtere (Invent, Algrie, n 115) signale un chat sauvage sur une mosaque de Timgad. 8. Hrodote, IV, 192 : n chez les libyens nomades. Pline, VIII, 108 : Hynenae plurimne gignuntur in Africa ; conf. Solin, XXVII, . Hynes sur des mosaques : Gauckler, l, c., n 301 ; de Pachtere, l, c., n 440. 9. Nmsien de Carthage, Cyneg., 52 et 307. Chasse au renard sur une mosaque dOudna : Gauckler, n 375 (=Monuments Piot, III, pl. XXIII). Hrodote, IV, 192 : chez les Libyens nomades. Hsychius . Ce sont sans doute des fennecs, petits renards du Sahara ; conf. Trouessart, g. 7, la p. 381. 10. IV, 192.
quun pote africain nous montre chassant avec des chiens(1), taient sans doute des gupards, qui, de nos jours encore, sont dresss par les Arabes forcer la gazelle. On doit reconnatre le caracal dans le lynx qulien(2) signale chez les Maures : animal qui ressemble, dit-il, la panthre, avec des poils lextrmit des oreilles(3) et qui est excellent sauteur(4). Diodore de Sicile(5), racontant une expdition faite lintrieur des terres par des Grecs, la n du IVe sicle avant J.-C., parle dune haute chane de montagnes, longue de deux cents stades (37 kilomtres), qui tait pleine de chats ; aucun oiseau ny faisait son nid, cause de linimiti qui existe entre ces animaux. Il sagit soit du chat gant, espce rpandue dans toute la Berbrie(6), soit peut-tre du serval, appel vulgairement chat-tigre africain(7). Lhyne(8) et le renard(9) sont mentionns. Cest sans doute le chacal quHrodote(10) indique chez les Libyens nomades sous le
114 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. nom de (1), et, labsence du loup tant peu prs certaine dans lAfrique septentrionale, on peut supposer que les lupi de quelques auteurs latins(2) taient en ralit des chacals. Tels taient probablement aussi les qui arrachrent, afrmat-on, les bornes-limites de la colonie fonde Carthage par C. Gracchus(3). Les loups dAfrique et dgypte, dit Pline(4), sont lches et de petite taille : observation qui sapplique bien aux chacals(5). Lichneumon (la mangouste) est signal par Vitruve(6) dans le Maroc actuel. Strabon(7) mentionne, dans la mme contre, un animal quil appelle , semblable au chat, si ce nest que son museau est plus prominent : ce dtail fait penser la genette. Il parle ailleurs danimaux sauvages africains du mme nom(8), dont les habitants du Sud de lEspagne se servent pour forcer les lapins dans leurs terriers. Les auxiliaires que les Espagnols employaient ainsi taient sans doute des furets(9) cependant il faut observer quil ny en a pas aujourdhui en Afrique. Hrodote(10) indique aussi des chez les Libyens nomades, dans la rgion qui produit le silphium ( lEst de la grande Syrte) ; elles ressemblent beaucoup, dit-il, celles de Tartessos (Sud de lEspagne)(11). Sagit-il ici de genettes ? ou dit quelque mustlid ?
____________________ 1. On identie gnralement avec le chacal lanimal appel thos par Aristote, lien, Pline, Solin, et que en dernier (XXX, 27) qualie de lupus nethiopicus. 2. Apule, Florida, 17 : luporum acutus ululatus . Nsunien, Cyneg., 52 ; 307. Peut-tre Corippus, Johannide, IV, 353 et suiv. 3. Appien, Lib., 136 ; Bell. civ., I, 24, 105. Plutarque, Caius Gracchus, 11. Conf. Tissot, I, p. 373. Les loups, , quAristote indique en Cyrnaque tait probablement aussi des chacals : Hist. Anim., VIII, 28 (27), 8. De mme, le mot arabe dib, qui signie loup, est employ pour dsigner le chacal. 4. VIII, 80. 5. Chacal sur une mosaque de Cherchel : de Pachtere, l. c., n 440 6. VIII, 2, 7. 7. XVII, 3, 4. 8. III, 2, 6 : , . 9. Les viverne de Pline (VIII, 218). 10. IV, 102. 11. Lespce dite est aussi mentionne par lien (Var, hist., XIV, 4), par une scolie aux Grenouilles dAristophane (v. 475) et par Suidas.
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Lours, qui existait en Berbrie lpoque quaternaire(1), vit peut-tre encore au Maroc(2), et il est vraisemblable qu il ne sest teint en Algrie qu une poque assez rcente(3). Pline(4) soutient cependant quil ny a pas dours en Afrique. Mais cette assertion est contredite par Hrodote(5), Virgile(6), Strabon(7). Martial(8), Juvnal(9), Nmsien(10), Solin(11). Ce dernier nous apprend que les ours de Numidie lemportaient sur les autres par leur frocit et la longueur de leur poil. Les images dours sont frquentes sur les mosaques africaines(12). Des ours de Numidie parurent plus dune fois dans les spectacles de Rome(13) et ce furent sans doute des animaux du pays qui gurrent dans les amphithtres de Carthage(14) et dautres villes de lAfrique d u Nord(15). Cest tort que plusieurs auteurs(16) ont ni lexistence dans
____________________ 1. Voir plus haut, p. 101. Il convient dobserver que, jusqu prsent, on ne la pas rencontr dans les stations nolithiques. 2. Trouessart, 1. c., p.:375. Les ours indignes auraient t signals au Marne en 1834 ; le fait reste douteux. 3. Reboud, dans Rec. de Constantine, XVII, 1875, p. 9-10 (reproduit par Tissot, I, p. 381-2). Conf., sur cette question, Kobelt, Studien zur Zoogeographie, II, p. 140-1. 4. VIII, 131 et 228. 5. IV, 191. 6. nide, V, 37 ; VIII, 368. 7. XVII, 3, 7 (dans le Maroc actuel). 8. I, 104, 5. 9. IV, 99-100. 10. Cyneg., 336. 11. XXVI, 3. Voir aussi Anthologia latina, dit. Riese, p. 270, n 334. Charlemagne reut un ours dAfrique : Friedlnder, l, c., II, p. 351. 12. Inventaires de Gauckler et de Pachtere, index, s. v. Voir en particulier Gauckler, n 28 (ours dress par un dompteur), n 598 (chasse lours) ; de Pachtere, n 306 (ours dansant) ; Procs-verbaux de la commission de lAfrique du Nord, janvier 1912, p. XIV (chasse aux ours) ; ibid., fvrier, p. XVIII-XIX (ours apprivoiss). 13. Pline, VIII, 131 : cent ours de Numidie au cirque, en 61 avant J.-C. (cest tort que Juste-Lispe et dautres ont suppos que les Romains qualirent les lions dursi numidici). Dion Cassius, LIII, 27 ; LIX, 7. 14. Passion de sainte Perptue, 19, Audollent, Derionum tabellac, nos 247, 250, 252, 253. 15. A Thuburbo, en 304 ; Analecta Bollandiana, IX, 1890, p. 115 (chap. VI). A Thagaste : saint Augustin, Coutra Academicos, 1, 2. Voir aussi le mme, Sermons, XXXII, 20 ; C. I. L., VIII, 10470, n 51 ; Hron de Villefosse, Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1903, p. 107 ; Carton, ibid., 1900, p. 690. 16. Hrodote, IV, 192. Aristote, Hist. Anim., VIII, 28 (27), 3. Pline, VIII, 228. lien, Nat. Enim., XVII, 10.
116 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. cette contre du sanglier, qui y vit depuis lpoque quaternaire(1), qui y abonde encore, qui, du reste, est signal par des textes anciens(2) et frquemment reprsent sur les monuments(3), en particulier sur les mosaques(4). Les nes qui errent aujourdhui dans le Sahara sont des nes marrons, dorigine domestique, laisss en libert(5). Nous navons pas de raisons de croire quil en ait t de mme des nes sauvages, des onagres que les anciens mentionnent dans lAfrique septentrionale(6). Ils vivaient en bandes, formes dun mle, qui commandait, et dun certain nombre de femelles(7) ; on prtendait que le mle tait jaloux au point de chtrer ses petits leur naissance(8). Les Africains chassaient volontiers
____________________ 1. Voir plus haut, p. 101 (conf. p. 104). 2. Chasse nu sanglier: Nmsien, Cyneg., 306 ; saint Augustin, Sermons, LXX, 2 ; Anthol. latina, dit. Riese, p. 118, n 307. Sangliers lamphithtre de Carthage : Passion de sainte Perptue, 19 ; Audollent. Dexionum tabellae, n 250; Anthol. latina p. 204-5, n 384-5. On peut encore citer Virgile, nide, I, 324, et IV, 159, quoique ces textes potiques aient peu de valeur. Des dents de sanglier ont t trouves dans des tombeaux romains, Cherchel : Pomel, Suilliens, p. 10. 3. Gauckler, Muse de Cherchel, pl. XV, g. 4 (bas-relief).Waille, Bull. archologique du Comit, 1892, p. 463 (moule). Delamare, Exploration scientique de lAlgrie, Archologie, pl. 10, g. 5-6 (gurine). Mller, Numismatique de lancienne Afrique, III, p. 60, n 77 (monnaie). Etc. 4. Gauckler et de Pachtere, Inventaires, index, s, v. Surtout Gauckler n 362, 598, 607, 648, 770 ; de Pachtere, n 320, 450 : ce sont des scnes de chasse. Voir aussi une peinture reprsentant une chasse au sanglier : Bull. archol. du Comit, 1910, p. 92 Une pice de vers de lpoque vandale dcrit une peinture dont le sujet tait le mme : Anthol. latina, p. 256, n 304. 5. Chudeau; Sahara soudanais, p. 204-5. Gautier, Sahara algrien, p. 317 : Un de ces animaux fut chass, abattu et on le trouva chtr (voir plus loin lexplication que les anciens auraient donne de ce fait et dont je ne prends pas la responsabilit). 6. Pline, VIII, 108 : ...Africa, qune et asinorum silvestrium multitudinem fundit VIII, 39 : asini feri ; VIII, 174 : onagri . Arrien, Cyneg XXIV, 1 et 3-4. Lucien, Dipsad., 2 (dans le dsert). lien, Nat. anim., XIV, 10 (nes de Maurtanie ; le contexte montre quil sagit dnes sauvages, bien qulien ne le dise pas expressment). Solin, XXVII, 27. Passim de Tipasius, dans Analecta Bollandiana, IX, 1800, p. 118, chap. III : onager dans une fort, chass par des cavaliers. Isidore de Sville, Etymol., XII, 1, 39 : Onager interpretatur asinus ferus Hos Africa habet magnos et indomitos et in deserto vagantes ; XIV, 5, 8 et 9. Les nes sans cornes et qui ne boivent pas, signals par Hrodote (IV, 192) chez les Libyens nomades, sont peut-tre des onagres. 7. Pline, VIII, 108 ; conf. Oppien, Cyneg., III,11)1 et suiv. On a observ les mmes moeurs chez les hmiones de Mongolie et les nes sauvages dAsie et de Nubie. 8. Pline, VIII, 108 (conf. Solin, XXVII, 27 ; Isidore de Sville, XII, I, 30). Oppien, 1. c., 197 et suiv. Lauteur du trait De mirabilibus auscultationibus, mis sous le nom
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cheval ces animaux trs rapides; pour les capturer, ils se servaient souvent de lassos(1). La chair des poulains tait trs estime(2). On pourrait se demander si certains de ces quids ntaient pas des zbres. Nous savons, en effet, que ceux-ci ont t qualis quelquefois dnes sauvages par les Grecs(3) et que le zbre a t rencontr dans des stations prhistoriques(4) : il ne serait pas inadmissible quil et subsist dans quelques rgions. Cependant lhypothse nest pas valable pour les nes sauvages dont parle Oppien, puisque cet auteur afrme quils sont de couleur dargent(5), cest--dire gris cendr, comme les onagres actuels de Nubie. Le cerf, dont lexistence est certaine lpoque prhisto(6) rique , qui se rencontre encore aux conns de lAlgrie et de la Tunisie et dans lextrme Sud tunisien(7) vivait en Berbrie pendant lantiquit historique(8), malgr les afrmations contraires dHrodote(9), dAristote(10), de Pline(11) et dlien(12). Il est
____________________ dAristote, raconte une histoire analogue propos des onagres de Syrie (chap. X). (.) Arrien, l. c., Mosaque dHippone, o lon voit un ne sauvage pris au lasso par un cavalier : de Pachtere, dans Mlanges de lcole de Rome, XXXI, 1911, p. 334, 336-7, pl. XIX-XX (lanimal a des raies transversales aux jambes, comme les onagres de Nubie). lien (l. c.,) dit que les nes de Maurtanie, quoique trs rapide, se fatiguent vite et sarrtent ; les indignes qui les poursuivent descendent alors de cheval, leur jettent une corde au cou, puis les emmnent en les attachant leur monture. 2. Pline, VIII, 174 : ... onagri... ; pullis eorum ceu praeslantibus sapore Africa gloriatur, quos lalisiones appellat. Conf. Martial, XIII, 97. 3. Philostorge, Hist. eccles., III. 11 ( ). On trouve aussi, pour dsigner le zbre, le terme : Dion Cassius, LXXVII, 6 ; Thodore de Gaza, dans Hermes, III, 1869, p.10. 10. ( ). 4. Voir plus haut, p. 101 et 105. 5. L. c., 186 : . 6. Voir p. l02 et 105. 7. Reboud, dans Rec. de Constantine, XVII, p. 9 et 22. De Bosredon, ibid., XIX, 1878, p. 37. Tissot, Gographie. 1, p. 340. Ph. Thomas, Essai dune description gologique de la Tunisie, I, p. 93. Lataste, Faune des vertbrs de Barbarie, p. 164-6. Jolenud, Revue africaine, LVI, 1912, p. 476-7. 8. Sur cette question, voir Clermont-Ganneau, tudes darchologie orientale, limagerie phnicienne (Paris, 1880), p. 53-58. 9. IV, 192 10. Hist. anim., VIII, 28 (27), 3. 11. VIII, 120 et 228. 12. Nat, anim., XVII, 10.
118 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. indiqu par Virgile(1), Arrien(2), Oppien(3), Nmsien(4), saint augustin(5), et mme par lien(6) ; des chasses au cerf sont reprsentes sur des mosaques africaines(7). Il ny a pas lieu, croyons-nous, de supposer qui il ait disparu durant un certain nombre de sicles et quil ait t introduit de nouveau sous la domination romaine, aprs Pline(8). On trouve quelquefois des daims prs de la frontire de lAlgrie et de la Tunisie, dans la rgion de la Calle(9). Ces animaux ne sont pas signals parles anciens(10), car les dammae, aux cornes droites, quun pote de lpoque vandale, Dracontius, attribue lAfrique(11), paraissent avoir t des antilopes(12). Pline dit avec raison quil ny a pas de chevreuils dans cette contre(13). Un pote, qui crivait sans doute sous la domination
____________________ 1. nide, I, 184 ; IV, 154 : tmoignage qui, sil tait isol, naurait pas grande valeur, comme le remarque Tissot, l. c., p. 347. 2. Cyneg., XXIV, 1. 3. Cyneg., II, 255. 4. Cyneg., 306. 5. Sermons, LXX, 2. Voir encore Anthol. latina, dit. Riese, p. 258, n 307. Le Priple de Seylas ( 112 : Geogr. gr. min., I, p. 94) mentionne le commerce de peaux de cerfs fait par des thiopiens qui habitaient la cte de lAtlantique, au del du Maroc. 6. L. c., III, 1. 7. Gauckler, Invent. Tunisie, nos 607, 771, 886 (dUtique; cavalier prenant un cerf au lasso : O. Keller, Thiere des klassischen Alterthums, p. 82, g. 24) ; de Pachtere, Invent. Algrie, n 422. Toutes les images de cerfs trouves en, Afrique ne sont videmment pas des preuves de lexistence de ces animaux dans le pays. Voir cependant Gauckler, n 124 : cerf dans un paysage de domaine africain; Bull. archologique du Comit, 1889, p.220, n 104 : au bas dune stle du culte de Saturne, un animal qui parat tre un cerf. Peut-tre le cerf tait-il parfois offert en sacrice au dieu ; on sest demand si cet animal nest pas dj mentionn sur des tarifs de sacrices puniques : Corpus inscriptionum semiticarum, Pars I, p. 231 ; Rev. de lhistoire des religions, LXI, 1910, p. 282. Voir ce sujet ClermontGanneau, l. c., p. 69 et suiv. ; Joleaud (l. c., p. 489 et suiv.) croit quil sagit du daim. 8. Opinion de Judas, dans Rec. de Constantine, IX, 1865, p. 7 (conf. Tissot, I, p. 347) 9. Lataste, Catalogue des mammifres de la Tunisie (Paris, 1887), p. 35. Joleaud, l, c., p. 484. 10. On a cependant reconnu le daim sur des monnaies de Cyrnaque : Rainaud, Quid de natura Cyrenaicae Pentapolis monuments tradiderint, p. 76. 11. Laud. Dei, l, 313 : Cornibus erectos sortita est Africa dammas. 12. Voir plus loin, p. 121. 13. VIII; 228, Par le mot caprea, Pline dsigne le chevreuil (conf. XI, 124). Cependant, dans le passage o il indique labsence en Afrique de sangliers, de cerfs, de capreae, il sinspire dAristote (Hist. anim., VIII, 28, 3), qui dit que le sanglier, le cerf
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des Vandales, en mentionne (capreae)(1) : on les avait peut-tre introduits pour avoir le plaisir de les chasser. Les ruminants de la famille des antilopids, frquents mme sur le littoral aux temps prhistoriques, sont aujourdhui de plus en plus rares au Nord de lAtlas saharien(2), mais ils abondent encore dans le dsert. Ce sont : plusieurs espces de gazelles, dont les plus connues sont la gazelle ordinaire (Gazella dorcas) et la corinne, ou gazelle de montagne (Gazelle dorcas hevella) ; lantilope addax, lantilope mohor, ou nanguer, lantilope bubale (Alcelaphus bubalis ou Bubalis boselaphus)(3). Nous rencontrons dans les auteurs anciens diffrents termes pour dsigner ceux de ces animaux qui existaient dans lAfrique du Nord lpoque historique; il est souvent difcile de dire de quelles espces il sagit. La gazelle est mentionne sous le nom de dorcas par Hrodote(4), chez les Libyens nomades; par Thophraste(5), dans la partie de la Libye o il ne pleut pas ; par Diodore de Sicile(6), dans le dsert, au Sud de la Cyrnaque ; par Strabon(7), dans le Maroc actuel; par Arrien(8), qui indique que les Libyens la chassent cheval; par lien(9), qui la dcrit et parle aussi des chasses que les cavaliers libyens lui livrent. Le mot dorcas a t employ en latin par Martial(10). Hrodote(11) signale, chez les Libyens nomades, des ,
____________________ et la chvre sauvage ( ) manquent en Libye. Or il ne semble pas que, par le terme chvre sauvage Aristote ait voulu dsigner le chevreuil. 1. Anthol. latina, dit. Riese, p. 238, n 307. 2. Au Maroc, il y a encore beaucoup de gazelles au Nord-Ouest du Haut-Atlas. 3. Conf. Trouessart, l, c., p. 400-410 ; P. Sclater et O. Thomas, the Boock of Antilopes (quatre volumes, Londres, 1894-1900), passim. 4. IV, 192 (). 5. Hist. plantar., IV, 3,5. 6. III, 50. 7. XVII, 3, 4. 8. Cyneg., XXIV, 1. 9. Nat. anim., XIV, 14. 10. X, 65, 13 ; XIII, 98. 11. IV, 102.
120 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. qui sont de la grandeur des bufs et dont les cornes servent faire des lyres phniciennes : on a corrig, avec vraisemblance, en . Loryx, au dire de Pline(1), vit dans les parties de lAfrique, dpourvues deau, que parcourent les Glules; il se passe de boire. Juvnal(2) mentionne aussi loryx gtule, dont la chair tait apprcie des gourmets. Pline dit encore, propos des oryx, quils ont le poil tourn vers la tte(3), et quils nont quune corne(4), indication quil a emprunte Aristote(5). Il nest pas sr que, dans ces divers textes, le terme , oryx dsigne lantilope appele aujourdhui par les zoologistes Oryx leucoryx, qui vit en Nubie et dans le Soudan, mais dont lexistence dans le Nord-Ouest de lAfrique na pas t constate avec certitude. Un ce qui concerne lanimal dont parle Hrodote, je croirais volontiers quil sagit de laddax(6). Laddax est mentionn par Pline(7) : Le strepsiceros(8), que lAfrique appelle addax, a des cornes dresses, autour desquelles tournent des cannelures et qui se terminent par une petite pointe; elles conviendraient pour faire des lyres(9). A la n du IVe sicle, Symmaque(10) tait en qute daddaces, destins paratre dans des spectacles. On peut admettre que ce strepsiceros,
______________________ l. X, 201. 2. XI, 140, Voir encore Martial, XIII, 93. 3. VIII, 214. 4. XI, 255. 5. Hist. anim., II, 1, 9 ; Part. anim., III, 2. Peut-tre cette assertion a-t-elle t motive par des images o lanimal tait reprsent de prol et o lune des cornes cachait lautre, Peut-tre aussi linformateur dAristote avait-il vu des antilopes qui navaient rellement quune corne, lautre ayant t casse par accident : le cas est assez frquent. 6. Pour les cornes en forme de lyre de cette antilope, voir Gautier, Sahara algrien, pl. XXXIV. 7. XI, 124. 8. Conf. Pline, VIII, 214 (strepsiceroles). 9. Erecta (cornua) rugarumque ambitu contorta et in leve fastigium exacuta, ut lyras decerent, strepsiceroti, quem addacem Africa appellat. On nest pas daccord sur le sens de ce passage. Littr admet la correction : ut liras diceres Il traduit : Le strepsiceros.., a les siennes droites, parcourues par des cannelures qui forment un lger relief, de sorte quon dirait des sillons. 10. Lettres, IX, l44.
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ou addax, est bien lantilope laquelle le nom daddax a t donn par les modernes. Hrodote(1) indique le ( cul-blanc ) dans le pays des Libyens nomades. Le mme nom, pygargus, se retrouve dans des auteurs latins, Pline(2). Juvnal(3), Symmaque(4) ; ce dernier rclamait des pygargi en mme temps que des addaces. Nous avons parl des dammae, aux cornes dresses, du pote Dracontius(5). Nmsien de Carthage mentionne aussi ces animaux(6). Pline dit quils habitent de lautre ct de la mer (par rapport lItalie)(7) ; il observe quils ont les cornes recourbes en avant(8). Daprs ce dtail, Cuvier les a identis avec lespce dantilope dite nanguer, on mohor, qui on rencontre au Maroc et dans le Sahara(9). lien(10) dcrit un quadrupde africain dont il parle en mme temps que de la gazelle ; il a le poil roux, trs pais, et la queue blanche ; ses yeux sont de couleur bleu fonc, ses oreilles, remplies de poils fort abondants ; ses belles cornes, se prsentant de face, constituent des armes dangereuses. Il court avec une grande rapidit et traverse la nage les rivires et les lacs. Les animaux appels aujourdhui antilopes bubales sont bien, en effet, ceux que les Grecs dsignaient sous le nom de (11).
____________________ 1. IV, 192. 2. VIII, 214. 3. XI, 138. 4. L. c. 5. Voir plus haut, p. 118. 6. Cyneg., 51. 7. VIII, 214 (comme les oryges, les pygargi et les strepsicerotes). 8. XI, 124. 9. Conf. Selater et Thomas, 1. c., III, pl. LXXII. 10. Nat. anim., XIV, 14. 11. Voir en particulier la description dOppien, Cyneg., II, 300-5. Conf. Hehn, Kulturpfanzen und Hausthiere, p. 590 de la 6e dition. Ils sont mentionns en mme temps que les par plusieurs auteurs (Hrodote, Strabon: passages cits plus loin; voir aussi Aristote, Part. anim., III, 2 ; lien, Nat, anim., X, 25) il sagit donc de deux genres diffrents.
122 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. ou . Ils sont signals en Afrique par Hrodote(1), chez les Libyens nomades ; par Polybe(2), qui vante leur beaut; par Strabon(3) et lien(4) (en Maurtanie) ; par Dion Cassius(5), qui raconte quen 41 avant notre ivre, le passage dune troupe de ces animaux causa une panique, la nuit, dans un camp romain : lvnement eut lieu dans un pays de montagnes, en Tunisie. Ce nom a t adopt par les Latins des lampes, portant linscription Bubal, reprsentent une antilope bubale(6). Pourtant, dans le langage populaire, le nom de bubalus fut donn lurus, buf sauvage dEurope (Bos primigenius); Martial luimme la employ dans ce sens(7), bien que Pline(8), et fait remarquer que ctait l un abus de langage : le bubalus, observe le naturaliste, est un animal dAfrique, qui ressemble plutt au veau et au cerf(9). Sur des monuments gurs africains, ce sont surtout des mosaques(10) , on voit des gazelles(11), des antilopes qui nous
____________________ 1. IV, 102. 2. XII, 3, 5. 3. XVII, 3, 4. 4. Nat. anim., III, 1. 5. XLVIII, 23. 6. Catalogue du muse Alaoui, Supplment, p.203, n 984 ; C. I. L., VIII, 22644, n 9 et 10 (conf. n 8). Elles nont pas t reproduites. 7. Spectac., 23, 4. 8. VIII, 38 : uros quibus imperitum volgus bubalorum nomen imponit, cum id gignat Africa vituli poilus cervique quadam similitudine. Conf. Timothe de Gaza, dans Hermes, III, 1809, p. 18, 20, 9. Diodore (III, 60) afrme quon ne trouve dans le dsert, au Sud de la Cyrnaque, dautres quadrupdes que la gazelle et le buf. Na-t-il pas voulu parler de lantilope bubale ? Conf. plus haut, p. 57. 10. Il serait utile de revoir avec soin ceux de ces monuments quon a dcrits sans les reproduire, an de reconnatre la nature exacte des animaux qui y sont gurs, Une tude spciale de la faune des mosaques africaines par un zoologiste serait trs dsirable. Elle pourrait tre intressante, non seulement pour lhistoire naturelle, mais aussi pour lhistoire de lart : en ce qui concerne les animaux trangers la Berbrie, elle nous donnerait des indications sur lorigine des modles employs par les mosastes. 11. Mosaques dOglet Atha (Gauckler, Invent. Tunisie, n 17; Bull. archologique du Comit, 1899, pl. VII) ; dEl Djem (Gauckler, n 71 ; Catalogue du Muse Alaoui, Supplment, pl. XIV) ; de Sousse (Gauckler, n 140 et 155 ; Gauckler, Gouvet et Hannezo, Muse de Sousse, pl. VII, g. 1, en haut, et pl. IX, g. 1, droite) ; de Carthage (Gauckler, Invent., n 703 : chasse la gazelle) ; dOued Atmnia (de Pachtere, Invent.
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paraissent tre des oryx leucoryx(1), laddax(2), lantilope bubale(3). Les images doryx leucoryx nindiquent pas ncessairement que cette antilope ait alors vcu dans le pays, car elles ont pu tre copies sur des modles alexandrins. Cependant, comme il est probable que loryx est dj reprsent sur les gravures rupestres(4), nous sommes dispos croire son existence dans le Nord-Ouest africain, pendant la priode historique. Au dire dlien(5), le catoblepon () animal dAfrique, ressemble au taureau, mais a un aspect plus terrible. Il n des sourcils relevs et pais; ses yeux, plus petits que ceux du buf, sont injects de sang ; il regarde, non devant lui, mais terre : do son nom. Une crinire, ressemblant celle du cheval, part du sommet de la tte, descend travers le front et garnit la face, donnant au visage un air encore plus farouche. Le catoblepon se repat de racines vnneuses. Lorsquil regarde en dessous, la faon des taureaux, il se hrisse aussitt et dresse sa crinire; ses lvres se dcouvrent et un soufe lourd, ftide, sort de son gosier, empoisonnant lair au-dessus de sa tte. Cet air est funeste aux animaux qui le respirent : ils perdent la voix et tombent dans des convulsions mortelles. Aussi senfuient-ils le plus loin possible du catoblepon, car ils connaissent, comme lui-mme, son pouvoir malfaisant.
____________________ Algrie, n 260 et 263 : chasses la gazelle) ; de Cherchel (de Pachiere, n 440 ; Bull. des antiquits africaines, II, 1884, g. la p. 306). Bas-reliefs de Kaoua, reprsentant une chasse la gazelle (Gsell, Monuments antiques de lAlgrie, I, p. 104-6). Mme sujet sur des bas-reliefs de Ghirza, en Tripolitaine (Mhier de Mathuisieulx, dans Nouvelles Archives des missions, XII, 1904, p. 25). 1. Mosaques de Sousse (Gauckler, Invent., n 136 ; Gauckler, Gouret et Hannezo, l. c., pl. VII, g. 1, en bas, droite) ; dOudna (Gauckler, Invent., nos 359 et 381 ; Monuments Piot, III, p. 198, g. 5, vers le milieu, sur la droite ; ibid., p.218, g.12, gauche, vers le bas) ; dHippone (de pachtere, l. c., n 43; Mlanges de lcole de Rome, XXXI. 1911, pl. XIX-XX: scne de chasse) ; de Cherchel (de Pachtere, n 425 ; Revue africaine, XLVIII, 1904, pl. III : scne de chasse). 2. Laddax est probablement reprsent sur une mosaque de Tbessa : de Pachtere, n 3 ; Gsell, Muse de Tbessa, pl. IX. 3. Mosaque dOudna : Gauckler, Invent., n 381 ; Monuments Piot, III, p. 218, g. 12, droite, vers le bas. 4. Voir plus haut, p. 107, n 5. 5. Nat. anim., VII, 5.
124 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. Athne(1), citant Alexandre de Myndos, parle aussi du catoblepon. En Libye, crit-il, les nomades disent que la gorgone est le catoblepon, qui vit dans le pays. Il ressemble un mouton sauvage, ou, selon dautres, un veau, De son soufe, afrmet-on, il tue tous ceux quil rencontre. Il porte une pesante crinire, qui descend du front sur les yeux. Il la secoue avec peine quand il xe quelquun, et ce regard est mortel. Dans la guerre contre Jugurtha, des soldats de Marius, voyant la gorgone qui savanait tte baisse et se mouvait lentement, crurent que ctait un mouton sauvage. Ils se prcipitrent sur elle, voulant la tuer avec leurs pes. Effray, lanimal secoua la crinire qui lui couvrait les yeux et regarda les agresseurs; ceux-ci moururent aussitt. Dautres subirent le mme sort. Enn, sur lordre de Marius, des cavaliers libyens turent de loin le catoblepon, coups de javelots, et lapportrent au gnral. Des peaux de ces btes sauvages auraient t envoyes par Marius Rome et places dans le temple dHercule. Pomponius Mla(2) et Pline(3) signalent le mme animal, quils appellent catoblepas : ils disent quil vit chez les thiopiens occidentaux, prs de la source que beaucoup croient tre lorigine du Nil (cest--dire au Sud du Maroc). Il est de taille mdiocre, a des membres inertes et se contente de porter avec peine sa tte, qui est trs lourde ; il la tient toujours incline vers le sol. Autrement, il serait un au pour le genre humain, car tous ceux qui voient ses yeux expirent aussitt ; cest son seul moyen dattaque ; jamais il ne fonce, ni ne mord. Il convient de rejeter ddaigneusement ces sottises, dont la responsabilit incombe peut-tre, en bonne partie, au roi Juba. Pourtant, certains dtails, Cuvier a cru reconnatre lantilope
____________________ 1. V, 64, p. 221 2. III, 98. 3. VIII, 77.
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gnou, qui vit aujourdhui dans lAfrique australe(1). Le gnou offre des ressemblances la fois avec le buf, le cheval et lantilope ; il a des touffes de poils sur le museau(2) ; son regard parait tre celui dun fou(3) . Il faut ajouter quil se meut avec une grande rapidit. Nous avons vu quil a exist dans lAfrique du Nord lpoque prhistorique(4) ; il ne serait pas impossible quil et survcu dans le Sud de cette contre. Des bliers sauvages sont indiqus par Hrodote(5) (chez les Libyens nomades) et aussi par Columelle(6). Celui-ci raconte que son oncle acheta Gads quelques bliers africains dune couleur tonnante, quon avait transports en Espagne pour les exhiber dans des spectacles(7), et quil les croisa avec des brebis de son domaine. Dans Timothe de Gaza(8), nous trouvons la mention dune espce de moutons sauvages de Libye, animaux stupides et dune chasse facile, dont la laine est sans valeur. lien(9) parle de chvres sauvages qui frquentent les sommets des montagnes de la Libye. Elles atteignent presque la taille des bufs. Leurs cuisses, leur poitrine, leur nuque, leur menton sont garnis de poils trs pais. Elles ont le front bomb, les yeux vifs, les jambes courtes ; au lieu dtre droites, comme chez les autres chvres de montagne, leurs cornes divergent en sens transversal et descendent obliquement pour se rapprocher des paules, tant elles sont longues. Il ny a pas de chvres plus agiles. Elles sautent avec une grande facilit de crte en crte; quand elles tombent, elles ne se font aucun mal, cause de la
____________________ 1. Conf. O. Keller, die antike Tierwelt, I, p. 206. Pomel (Boslaphes Ray, p. 7) se refuse admettre cette identication; il croit quil s agit du phacochre. 2. Voir Sclater et Thomas, l. c., I, pl. XI et XII. 3. Brehm, la Vie de animaux, Mamifres, trad. franaise, II, p. 581-2. 4. P.102 et 105. 5. IV, 192 : . Voir aussi Athne, cit p. 124. 6. VII, 2, 4-5. 7. Cum in municipimn Gaditanum ex vicino Africae miri coloris silveslres ac feri arietes, sicut aliae bestiae, munerariis deportarentur... 8. Dans Hermes, III, 1869, p. 21, 34. 9. Nat. anim., XIV, l0.
126 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. duret de leurs membres, de leur crne et de leurs cornes. Mais il est ais, mme un mdiocre marcheur, de les prendre en plaine, car elles sont sans vigueur pour fuir. Leur peau protge les ptres et les artisans des froids les plus vifs ; de leurs cornes, on fait de vastes gobelets pour puiser leau des rivires et des sources. Cette description convient au mouon manchettes(1) (aroui des Arabes), qui vit dans les montagnes du Sud de la Berbrie et dans celles du Sahara(2) : il nexiste pas de vritables chvres sauvages en Afrique(3). Les bliers sauvages dHrodote et de Columelle sont probablement aussi des mouons(4). Un de ces animaux est peut-tre reprsent sur une mosaque dEl Djem, en Tunisie(5). On trouve en Libye, dit lien(6), une quantit innombrable de bufs sauvages, vivant en libert. Les taureaux errent avec les vaches et les veaux. Quand ils ne sont pas fatigus par de longues courses, ils lemportent en vitesse sur les cavaliers qui les poursuivent et ils parviennent le plus souvent leur chapper, en se dissimulant dans des broussailles et des bois. Des chasseurs russissent cependant semparer la fois dune vache et dun veau. Lorsquils ont pu capturer ce dernier, ils lattachent avec une corde et vont se cacher. La vache accourt; en cherchant dgager son petit, elle, sembarrasse les cornes dans les nuds et demeure prisonnire. Les Libyens, survenant, la tuent, extraient le foie, coupent les mamelles pleines, enlvent l peau et laissent le reste aux oiseaux de proie.
____________________ 1. Conf. Tissot, Gographie, I. p. 340. 2. Voir Trouessart, 1. c., g.19, la p. 400. 3. Comme lobserve Aristote, Hist. anim., VIII, 28 (27), 3 ; conf. plus haut, p. 118, n. 13. Si lon veut que les ferae saxi deiectae vertice caprae , dont parle Virgile (nide, IV. 152), aient t des animaux vritablement africains, on peut y voir des mouons. 4. Je ne sais pas de quelle espce Timothe de Gaza veut parler. 5. Gauckler, invent. Tunisie, n 71 ; Catalogue de Muse Alaoui, Supplment, pl. XV, g. 5. 6. Nat. anim., XIV, 11.
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____________________ 1. Je suis peu dispos le croire : ces animaux sont si remarquables par leur taille et leurs cornes que, sils avaient abond en Afrique aux environs de notre re, nous en aurions sans doute des mentions et des images. Les animaux dont parle Don Cassius (XLVIII, 23) sont des antilopes bubales, et non des bufes voir plus haut, p. 122. Isidore de Sville (Etymol.. XII, 1, 33) indique le bubalus, aprs les articles taurus, bos, vacca, vitulus, et avant larticle urus : Dubali vocati per derivationem, quod sint similes boum ; adeo indomiti ut prae feritate iugum cervicibus non recipiant. Hos Africa procreat. Dans la pense dIsidore, il sagit bien ici de bovids. Mais on peut se demander si les mots : Hos Africa procreat nont pas t ajouts par suite dune confusion entre le bubale dAfrique (antilope) et lanimal qui, en latin vulgaire, tait appel bubalus. 2. Ceux que Tissot (l, p. 345) indique dans le district de Mater sont issus danimaux lchs par un bey de Tunis : Kobet, Studien zur Zoogeographie, II, p. 154. Le prtendu bufe rouge, mentionn par Tissot (I, p. 343) et appel, dit-il, begueur el ouahach par les indignes, est lantilope bubale : conf. Lataste, Faune des vertbrs de Barbarie, p. 170. 3. Voir Blyth, cit pur Lataste, 1. c., p. 167-170. 4. M. Brives, que Jai consult, ne regarde pas comme des animaux sauvages les bufs trs nombreux qui paissent dans la fort de Mamora, entre loued Sebou et loued Bou Regreg, au Nord-Est de Rabat. 5. Mme au sahara : Thophraste, Hist. plantar., IV, 3, 5, 6. Inscription trouve prs de Mdaourouch, publie Bull, archologique du Comit, 1896, p.230, n 27 : Iu[veni]bus sen[i]or leporem monstrabat et ipse. Chasse au livre sur des mosaques : Gauckler, Invent. Tunisie, Nos 64, 375, 598, 607, 648 ; sur une lampe africaine : Rec. de Constantine, XLII, 1908, p. 268 ; sur une terre cuite : Bull. de la Socit archol. de Sousse, IV, 1906, p. 17, g. 1. 7. IV, 102. Pour des animaux africains que les auteurs appellent mures, voir Aristote, Hist. anim., VIII, 28 (27), 7 (conf, Pline, X, 201) ; Pline, XXX, 43. Les mures
Quant au veau, ils lemmnent chez eux. Cest un mets succulent. Nous navons pas dautre mention de bufs sauvages en Berbrie, lpoque romaine. taient-ce des descendants de ces grands bufes qui vivaient dans le pays aux temps prhistoriques(1) ? des bufs vritablement sauvages ? ou des bufs dorigine domestique, rendus la libert ? Les bufes quon trouve aujourdhui en Afrique sont dimportation toute rcente(2). On a signal de prtendus bufs sauvages au Maroc(3), mais ce renseignement est sujet caution(4). Les livres abondaient(5), comme de nos jours, et lon aimait les chasser(6). Hrodote indique chez les Libyens nomades trois espces de rats(7) : Les uns sappellent ; les autres,
128 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. cest un nom libyque, qui signie en grec [collines] ; ceux de la troisime espce, . On a admis, avec raison(1), que les ( bipdes ) sont les gerboises(2), qui savancent en sautant sur leurs deux pattes de derrire, beaucoup plus longues que celles de devant,(3). Les ; sont peut-tre des rats de montagne : on a propos(4) de les identier avec les gondis(5). Les paraissent tre les mmes animaux que les , cest--dire des hrissons(6). Les , hystrices, quHrodote(7), lien(8) et Pline(9) signalent en Afrique sont nos porcs-pics(10). III Aux temps prhistoriques, il y avait partout des autruches, depuis le littoral jusque dans le Sahara. Elles continurent habiter la Berbrie lpoque historique. Les Carthaginois recherchaient leurs ufs : ils les transformaient en vases, en coupes(11),
_____________________ africani dont il est question dans le Poenulus de Plaute (vers 1011) nont probablement rien voir avec les rats. Selon juste-Lipse les Romains auraient dsign ainsi par plaisanterie les panthres. 1. Voir, entre autres, Neumann, Nordafrika nach Herodot (Leipzig, 1802). p. 160. 2. Conf. ce quElien (Nat. anim., XV, 26) dit, daprs Thophraste, des dgypte, quil classe aussi parmi les rats et qui sont certainement des gerboises (image de cet animal dans Trouessart, l. c., p. 308, g. I7). 3. Une gerboise est reprsente sur une mosaque de Carthage : Gauckler, Invent. Tunisie, n 640. Pour les gerboises en Cyrnaque, voir Rainaud, Quid de natura Cyrenacae, etc., p. 77. 4. Tissot, I, p. 373-4 (daprs Reboud). Neumann, l. c., p. 161. 5. Image de gondi dans Trouessart, p. 300, g. 18. 6. Conf. lien, l. c., XV, 26 (en Cyrnaque), il range aussi les hrissons parmi les rats. 7. IV, 102 (chez les Libyens nomades). 8. L. C., XII, 26. 9. VIII, 125. Porcs-pics sur des mosaques : Gauckler, Invent., n 508 ; de Pachtere, Invent., n 221, 223. 10. On ignore ce que sont les et les , mentionns par Hrodote (IV, 192) chez les Libyens nomades Cest tort que Pline (XXXII, 77) indique des castors en Afrique. 11. Cet usage persista : voir Lucien, Dipsad., 7 (il prtend mme que des indignes coupent en deux de grands ufs et sen font des bonnets). Conf. Pline, X, 2.
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____________________ 1. Voir Gsell, Fouilles de Gouraya (Paris, 1903), p. 35-37. 2. Hrodote, IV, 192 (chez les Libyens nomades) ; conf. IV, 175 (les Maces, peuplade des Syrtes, se servent de boucliers en peau dautruche). Aristote, Hist. anim IX, 15 (16) ; Part. anim., II, 14 ; IV, 12 ; IV, 14; Anim. general., III, 1. Thophraste, Hist. plantar., IV, 3, 5 (dans le dsert). Polybe, XII, 3, 5. Pline, X, 1 : struthocatneli Africi Lucien, Dipsad., 2 ; 6 ; 7 (dans le dsert). Oppien, Cyneg., III, 482 et suiv.; Halieut., IV, 630. lien, Nat. anim., XIV, 7. Hrodien, I, 15, 5. Histoire Auguste, Gordiani tres, III, 7 : strutiones Mauri . Isidorc de Sville, Etymol., XIV, 5, 12 (en Mauritanie Tingitane). 3. Stle de Saint-Leu, prs dOran : Doublet, Muse dAlger, pl. III, g. 2. Stle dAbizar (Kabylie) : ibid., pl. IV. Bas-reliefs du Sud de la Tunisie : Bull. archologique du Comit, 1804, p. 394. Bas-reliefs de Ghirza, en Tripolitaine : Tissot, I, p. 338, g. 10 ; Mhier de Mathuisieulx, Nouvelles Archives des missions, XII, 1904, p. 25, Mosaques : Gauckler, Invent., n 903 ; de Pachtere, Invent., index, s, v., et surtout le n 45, reproduit dans Mlanges de lcole de Rome, XXXI, 1011, pl. XIX-XX (chasse aux autruches). 4. Depuis le commencement du second sicle avant J.C. : Plaute, Persa, 199, Voir Friedlnder, Sittengeschichte Roms, II, p. 492 (5e dit.). 5. Mhier de Mathuisieulx, Nouvelles Archives des missions, XIII, 1904, p, 94. Gsell, Fouilles de Gouraya, p. 30. Au temps du gographe Edrisi (douzime sicle), lautruche existait encore dans le pays des Chaouias au Maroc, au Sud de Casablanca : Doutt, Merkech, p. 45. 6. Chudeau, Sahara Soudanais, p. 199-200. 7. Cyneg., 313. Lybie, magnarum avium focunda creatrix. 8. perviers (accipitres) : Pline, X, 22. (les perviers de toute la Massylie naissent dans lle de Cern, sur lOcan). Corbeaux : lien, Nat. anim II, 48. tourneaux :
quils ornaient de peintures et de gravures ; ils les taillaient en disques ou en croissants, sur lesquels ils traaient des visages(1). Les autruches sont assez souvent mentionnes dans les textes grecs et latins(2) et reprsentes sur les monuments africains(3). Elles gurrent dans des spectacles Rome(4). Au XIXe sicle, on en rencontrait encore en Tripolitaine et dans les steppes de lAlgrie(5). Elles ont disparu de ces rgions et elles sont devenues trs rares dans le dsert(6). En qualiant lAfrique de mre fconde de grands oiseaux, le pote Nmsien de Carthage(7) pense aux rapaces, trs nombreux dans cette contre. Dune manire gnrale, la faune ornithologique, qui ne se heurtait pas aux mmes obstacles que les mammifres, devait, comme aujourdhui, ressembler beaucoup celle de lEurope mridionale. On ne trouve ce sujet que de rares indications dans les auteurs anciens(8). Quant
130 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. aux oiseaux reprsents sur les mosaques, ils devraient tre tudis par un naturaliste, capable de les dnommer avec prcision, de dire quels sont ceux qui appartiennent au pays et ceux qui ont dit tre copis sur des modles orientaux(1). Pline(2) et lien(3) parlent des tortues dAfrique. Nous avons cit(4) les textes anciens indiquant des crocodiles dans le Sud de la Maurtanie, la lisire du dsert(5). Dans les lzards longs de deux coudes, qui, dit Strabon(6), se rencontrent en Afrique, on a reconnu(7) des varans(8), sauriens qui atteignent en effet et dpassent mme un mtre, et qui abondent dans le Sud de la
____________________ la Table de Peutinger indique un lieu appel Ad Sturnos, lEst de Stif. Un Carthaginois sappelait Hannibal ltourneau () : Appien, Lib., 68. Hirondelles : saint Augustin. Enarr. in psalm. XC, Ire partie, 5. Perdrix lieu appel Perdices, au Sud de Stif : Gsell, Atlas archologique de lAlgrie, I, 26, nos 40-42. Pintades (mlagrides). Le Priple de Scylax ( 112) prtend que toutes les mlagrides sont originaires dun lac voisin de lOcan, sur la cte du Maroc actuel (conf. Pline, XXXVII, 38, citant Mnasas) ; selon Tissot (dans Mmoires prsents lAcadmie des Inscriptions, IX, Ire partie. p.198), il ny a plus de pintades dans cette rgion. Voir aussi Varron, Rust., III, 9,18, et Pline, X, 74. Appeles par les Latins gellinae Africonae, Afrae aves, Numidicae, elles devinrent lpoque romaine des oiseaux de basse-cour. grues : lien, l, c., III, 13 (les grues de Thrace vont lautomne en gypte, en Libye et en thiopie). Cigognes : saint Augustin, Enarr. in psalm. LVIII, 10 ( annuae nostrae hospites ciconiae ) ; ibid., XC, Ire partie, 5. Porphyrion, ou poule sultane : Athne, IX, 40. p. 388, d, daprs Alexandre de Myndos (ctait, dit-il, un oiseau sacr chez les Libyens). 1. On signale les oiseaux suivants (index des Inventaires de Gauckler et de Pachtere) : aigle, faucon (employ la chasse lpoque vandale : Gauckler, n 508), corbeau, pie, moineau, hirondelle, rossignol, grive, tourterelle, coq de bruyre, perdrix (voir en particulier Gauckler, n 302 : mosaque dOudna, sur laquelle est reprsente une chasse aux perdreaux), caille, pintade, outarde, poule de Carthage, bcassine, cigogne, hron, grue, poule sultane, amant, cygne, oie, canard, macreuse. 2. IX, 38 (dans le dsert) ; XXXII, 33. 3. Nat, anim., XIV, 17. 4. P. 67, n. 1. Un crocodile, rapport dun cours deau qui sortait dune montagne de la Maurtanie, prs de lOcan, fut consacr par Juba II dans le temple dIris, Csare ; on ly voyait encore au temps de Pline (V, 51). Strabon (XVII, 3, 4) indique aussi que les euves de la Maurusie (Maroc) nourrissent dit-on, des crocodiles. 5. Le crocodile a peut-tre vcu sur le littoral lpoque de lindustrie nolithique : M. Flamand (Assoc. franaise, Ajaccio, 1901, 11, p. 7JI) signale des dents de crocodile dans une grotte de Mustapha-Suprieur, Alger. 6. X VII, 3, 11 : . 7. Tissot, l, p. 320. 8. Louarane des Arabes.
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Berbrie, ainsi quau Sahara(1). Cette identication convient aussi aux crocodiles terrestres, longs de trois coudes et trs semblables aux lzards, quHrodote(2) signale chez les Libyens nomades(3). Pline fait mention des camlons(4). LAfrique du Nord, terre des fauves, tait aussi la terre des serpents(5), dont il est question dans un grand nombre de textes(6). Ces reptiles pullulaient dans certaines rgions et y rpandaient la terreur. Parmi ceux que les anciens numrent(7) et sur lesquels ils donnent des indications plus ou moins vraisemblables, nous citerons : le craste(8), de la couleur du sable, avec deux cornes sur le front; cest la vipre cornes (lefa des
____________________ 1. Pausanias (I, 33, 6) indique, auprs dune source situe au pied de lAtlas, des crocodiles nayant pas moins de deux coudes ( ) : expression dont on peut stonner, puisque le crocodile du Nil atteint sept mtres. Peut-tre sagit-il de varans. Lanimal, que Dioscoride (Mater. medica, II, 66, dit. Wellmaan) mentionne en Maurtanie, parat tre le Varan. 2. IV, 192 : , . 3. Conf. Brehm, la Reptiles, traduct. franaise, I, p. 247 ; Battandier et Trabut lAlgrie, p. 269. 4. VIII, 120. Voir aussi Tertullien, De pallio, 3. Lzards sur des mosaques africaines : Gauckler, Invent., n 640, 903 ; de Pachtere, n 291. 5. Vitruve, VIII, 3, 24 : Afrien parens et autrix ferarum bestiarum, maxime serpeatium. Solin, XXVII, 28 : Africa serpentibus adeo fecunda est, ut mail huius merito illi potiusimum palma detur. Parmi les noms de la Libye, Alexandre Polyhistor indiquait celui d (la terre des serpents) : apud tienne de Byzance, s. v. 6. Outre ceux qui seront cits plus loin, voir : Salluste, Jug., LXXXIX, 3(rgion de Gafsa) ; Diodore de Sicile, III, 30) (dans le dsert) et XX, 42 (le long de la grande Syrte) ; Horace, Odes, III, 10, 18 ; Satires, II, 8, 93; Manilius, IV, 602 ; Strabon, XVII, 3, 4 et 14 ; Pline, V, 13 (au Sud de lAtlas, daprs Sutonius Paulinus) ; V, 26 (dans des dserts, au Sud de la Tunisie) ; Silius Italicus, I, 211-2 ; Oppien. Cyneg., II, 254 ; Victor de Vite, II, 37 (dans la rgion du Hodna) ; Isidore de Sville, Etymol., XIV, 5, 8 et 12 (chez les Gtules et en Maurtanie Tingitane). 7. propos de la marche de Caton le long de la grande Syrte, Lucain (IX, 700 et suiv.) donne les noms dune quinzaine de serpents. Il a emprunt ces indications un contemporain dAuguste, milius Macer, qui lui-mme stait servi de Nicandre, et peuttre aussi de Sostrate : Fritzsche, Quaestiones Lucaneae (Gotha, 1802), p. 10 et suiv. ; Wellmann, dans Real-Encyclopdie de Wissowa, I. p. 507 ; Pichon, les Sources de Lucain, p. 40-41. Un certain nombre de serpents africains sont numrs par Solin, XXVII, 28 et suiv. Voir encore Lucien, Dipsad., 3. 8. Crastes. Diodore de Sicile, III, 59 Lucain, IX, 716. Silius Italicus, I, 413. Lucien, 1. c. lien, Nat. anim., I, 57 ; XVI, 28. Nicandre (Theriaca, 261) et Pline (VIII, 83 ; conf. Solin, XXVII, 28) prtendent que les crastes ont souvent quatre cornes.
132 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. Arabes), frquente dans le Sud des steppes et dans le Sahara ; laspic(1), dont le cou se gone quand il est irrit ; cest le naja, qui habite le Sud de la Berbrie ; la dipsade(2), animal dassez petite taille, dont la piqre, mortelle comme celle de laspic et du craste, provoque une soif inextinguible. Les petits serpents, pourvus dune seule corne, quHrodote(3) indique chez les Libyens nomades, sont sans doute des vipres ammodytes(4). Des fables nombreuses couraient sur le basilic(5), dont la longueur ne dpassait pas douze doigts (0 m. 22)(6) et qui avait sur la tte une tache blanche, formant une sorte de diadme. Il savanait en se tenant dress sur le milieu du corps. On prtendait quil mettait en fuite les autres serpents par son sifement, que son soufe seul dtruisait les broussailles, brlait les herbes, faisait clater les pierres, que son venin se propageait le long du bton ou de la lance qui le frappait ; que, cependant, lodeur de la belette et le chant du coq le faisaient mourir, etc. Les psylles, tribu du littoral de la grande Syrte, passaient pour tre insensibles aux morsures des serpents, avec lesquels ils vivaient familirement; ils gurissaient les blesss par des
____________________ 1. , Aspic, Hrodote, IV, 101. Aristote, Hist. anim., VIII, 20 (28) , 2. Varron, apud Priscien. Institut., X. 32 (Keil, Crammatici latini, II, p. 524). Helvius Cinna, apud. Aulu-Gelle, IX, 12, 12. Lucain, IX, 610, 700 et suiv. Lucien, l. c. lien, l. c., III, 33 ; VI, 38. Solin, XXVII, 31. Un aspic est reprsent sur une mosaque dOudna : Gauckler, Invent. Tunisie, n 302. 2. , Dipsas, lien, l. e., VI, 51, citant Sostrate : serpent blanc, avec deux lignes noires sur la queue (conf. Suidas, s. v.). Lucain. IX, 610, 718, 737 et suiv. Silius Italicus, III, 312-3. Lucien, Dipsad., 4 et 6. Solin, XXVII, 31 (il indique la dipsas parmi les aspides). 3. IV, 192. , . 4. On trouve en Berbrie la vipre dite de Lataste, dont les uns font une espce particulire, les autres, une varit de la vipre ammodyte. Elle a un museau attnu en une pointe molle, cailleuse, obtuse, retrouss et inclin en arrire ; Olivier, dans Mmoires de la Socit zoologique de France, VII, 1894, p. 124 ; conf. Dommergue, Bull. dOran, 1901, p. 81. 5. , Basilicus ou regulus (reguli serpentes : Tertullien. De baptismo, 1). lien, l. c., II, 7 (citant Archlaos) ; III, 31. Lucain, IX, 724 et suiv., 828 et suiv. Pline, VIII, 78-79 (il indique ce serpent en Cyrnaque) ; conf. Solin, XXVII, 51-53. Voir Wellmann, dans Real-Encyclopdie, s. v. Basilisk. 6. Pline, VIII, 78 ; lien, l. c., II, 5. Solin (XXVII, 51) dit : peine un demipied (0 m. 148).
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succions et, ajoutait-on, par des applications de salive, des potions bizarres, des pratiques magiques(1). Des serpents de trs grande taille sont mentionns par quelques auteurs(2) ; ils appartenaient sans doute la famille des pythons. On racontait sur eux dtranges histoires. Des marins prtendaient que des serpents dAfrique dvoraient des bufs; que quelques-uns de ces reptiles, stant lancs du rivage leur poursuite, avaient retourn un de leurs navires(3). Tout le monde connat le serpent que larme de Rgulus aurait rencontr sur les bords de la Medjerda(4) et qui aurait fait de nombreuses victimes ; les Romains auraient d employer des machines de guerre pour le tuer. La peau fut envoye Rome et expose dans un temple jusquau temps de la guerre de Numance, pendant plus dun sicle. Cet animal aurait eu une longueur de cent vingt pieds, cest--dire de plus de trente-cinq mtres(5) : ce quaucun zoologiste moderne ne peut admettre. Une araigne de Libye, appele , est, au dire dlien, ronde, noire et ressemble un grain de raisin ; elle a des pattes trs courtes et la bouche au milieu du rentre. Il sagit probable____________________ 1. lien, l. c., I, 57 ; XVI, 27 (daprs Agatharchide) ; XVI, 28 (daprs Caillas et Nicandre). Varron, apud Priscien, l. c. Strabon, XIII, 1, 14 et XVII, 1, 44. Celse, VII, 27, 3. Lucain, IX, 800 et suiv. Pline, VII, 14 ; VIII ; 93 ; XXI, 78 ; XXVIII, 30. Silius Italicus, I, 411 et suiv. ; III, 301-2. Sutone, Auguste. 17. Plutarque, Caton le Jeune, 56. Pausanius, IX, 28, 1. Aulu-Gelle, IX, 12, 12 ; XVI, 11, 3 Dion Cassius, LI, 14. Arnobe, II, 32. 2. Hrodote, IV, 191 : . Chez les thiopiens occidentaux, au Sud du Maroc, Strabon (XVII, 3, 5) indique, daprs Hypsicrate (ou Iphicrate), de grands serpents, dont le dos est garni dherbe. Voir encore Diodore de Sicile, III, 51. 3. Aristote, Hist. Anim., VIII, 28 (27), 6. 4. Vibius Sequester (De uminibus, dans Riese, Geographi latini minores, p. 147) place lvnement Musti ( Bagrada iuxta oppidum Musti, ubi Regulus, etc. ). Il ne sagit pas, en tout cas, de la ville de Musti que nous connaissons (C. I. L., VIII, p.192 et 1301) : elle tait situe au Sud du Bagrado, loin de ce euve. 5. Sur le serpent de Rgulus, voir Q. Aelius Tubero, apud Aulu-Gelle, VII (VI), 3 ; Valre-Maxime, I, 8, ext., 10 (daprs Tite-Live : conf. Live, Periocha 1. XVIII) ; Pline, VIII, 37, et dautres auteurs, indiqus par Meltzer, Geschichte der Karthager, II, p. 560.
134 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. ment de la tarentule. lien ajoute que sa morsure tue trs promptement(1). De son ct, Strabon(2) signale une espce daraigne, trs rpandue, remarquable par sa grande taille. Sur des monnaies de lempereur Hadrien, lAfrique personnie est reprsente tenant un scorpion(3). Divers crivains anciens(4) mentionnent ce funeste animal africain , ce au de lAfrique(5) . Strabon(6) prtend que, pour carter les scorpions, les indignes frottaient les pieds de leurs lits avec de, lail et les entouraient dpines. Selon lien(7), ils portaient des sandales creuses et couchaient dans des lits trs levs, quils avaient soin dloigner des murs et dont ils plaaient les pieds dans des cruches pleines deau. Prcautions qui pouvaient tre vaines ! Le crdule auteur afrme que les scorpions sassemblaient sous le toit, do ils faisaient la chane pour atteindre leurs victimes(8). A Carthage, on enfouissait sous les maisons des images en mtal de ces animaux, talismans destins protger les habitants et peut-tre surtout mettre en fuite les scorpions vritables(9). Cest sans doute pour les mmes raisons
____________________ 1. Nat. anim., III, 38 (sont. Pline, XXIX, 86). lien parle ailleurs (XVI, 27), daprs Agatharchide, daraignes dont la morsure est mortelle, sauf pour les Psylles. Voir encore ibid., I, 57. 2. XVII, 3, 11. 3. Cohen, Monnaies impriales, 2e dit., II, p. 116, nos 136-147. Je ne vois pas de bonnes raisons pour admettre, avec M. Jatta (le Rappresentance gurale delle provincie romane, p. 63), que ce scorpion est un symbole zodiacal, comme le serait aussi le lion qui accompagne souvent lAfrique. 4. Pline, XI, 86 et suiv. ; XXCVIII, 24. Dioscoride, II, 141, dit. Wellmann, Plutarque, Marius, 40. Lucien, Dipsod., 3. Victor de Vite, II, 37. Sur quelques monuments africains, le dieu Mercure est accompagn dun scorpion : Merlin, dans Bull. de la Socit archol. de Sousse, IV, 1906, p. 125. Voir aussi Catalogue sommaire des marbres antiques du Louvre, n 1735. Strabon (XVII, 3, 11), Pline (XI, 89), Lucien (l. c.) parlent de scorpions volants (voir aussi, pour lgypte, lien; l. c., XVI, 42). On a suppos que staient des panorpes, appeles vulgairement mouches-scorpions. Voir Brehm, les Insectes, trad. franaise, I, p. 510. 5. Pline, V, 42 : dirum animal Africae ; XI, 89 : hoc malum Africae . 6. XVIII, 3, 11. 7. Nat. Anim., VI, 23. 8. Pour les scorpions, voir encore lien, l, c., XVI, 27. 9. Audollent, Carthage romaine, p. 427-8. Gauckler, dans Nouvelles Archives des missions, XV, 1907, p. 503. Catalogne du Muse Alaoui, p. 118, n 27, p. 120, n 23 ; supplment, p. 132. n 130-1, p. 137, n 54 et pl. LXX, g. 4; conf. p. 335, n 933-4
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un scorpion est reprsent sur un linteau de porte, dans la rgion de Dougga(1). La mdecine et la magie avaient invent diffrents remdes contre les piqres(2). Les chrtiens faisaient sur la blessure un signe de croix, accompagn de prires ; puis ils frottaient la plaie avec le corps mme de la bte crase(3) : pratique en usage aussi chez les paens(4), et qui sest conserve chez les indignes. Scorpiace, cest--dire antidote contre les scorpions, tel fut le titre que Tertullien de Carthage donna un trait contre les gnostiques, ces tres malfaisants qui cherchaient empoisonner et tuer la foi(5). Les sauterelles, originaires du Soudan(6), venaient souvent, comme de nos jours, visiter lAfrique septentrionale(7) ; des ufs quelles dposaient dans le sol, sortaient dinnombrables criquets, encore plus redoutables quelles. Si ces insectes servaient, en certains lieux, de nourriture aux indignes(8), on les regardait en gnral comme une calamit, envoye par la colre des dieux(9). Le pote africain Corippus dcrit ainsi une invasion de sauterelles(10) : ... telles les sauterelles, vers la n
____________________ (moules). Un scorpion analogue a t recueilli Bulla Regia . Cat. Alaoui, p.118, n 28. On a aussi trouv Carthage des plaquettes de plomb sur lesquelles un scorpion est reprsent : Audollent, Dexionum tabellac, p. XXXV ; Cat. Alaoui, Suppl., p. 137, n 55, pl. LXX, g. 5. 1. Carton, Dcouvertes faites en Tunisie, p. 318, g. 108. 2. Tertullien, Scorpiace, 1. La terre de lle de Galata (La Galite) et celle de Clupea (au cap Bon) passaient pour tuer les scorpions : Pline, V, 42 ; XXXV, 3. Tertullien, l. c. 4. Pline, XXIX, 91. 5. Voir en particulier le chapitre I de ce trait, o Tertullien dcrit le scorpion. 6. Cest lAcridium peregrinum. Il y a une autre espce (Stauronotus marocanus), qui est indigne. Voir Battandier et Trabut, lAlgrie, p. 288 et suiv. 7. Outre les textes cits dans les notes suivantes, voir Strabon, XVII, 3, 10 (daprs Posidonius) ; Victor de vite, II, 31. Des sauterelles sont reprsentes sur un cippe funraire de Constantine : Doublet et Gauckter, Muse de Constantine, p. 21, 75, pl. II, g. 1. 8. Hrodote, IV, 172 (les Nasomons font scher des sauterelles au soleil, les pilent et arrosent de lait cette bouillie), Dioscoride, II, 52, dit. Wellmann (dans la rgion de Leptis). Beaucoup dindignes du Sahara et de la Berbrie mangent encore des sauterelles. 9. Pline, XI, 104. 10. Johannide, II, 196 et suiv.
136 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. du printemps(1), quand 1Auster (vent du Sud) soufe sous les astres, tombent en se dissminant sur les campagnes de la Libye; telles les sauterelles, lorsque le Notus, du haut des airs, les pousse, les entrane dans ses violents tourbillons et les prcipite vers la mer. Les agriculteurs sinquitent et leur cur tremble de voir lhorrible au dtruire les rcoltes, anantir les fruits tendres encore, dvaster les jardins verdoyants, ou abmer les eurs de lolivier, pointant sur les rameaux exibles. Varron prtendait que certains Africains avaient d abandonner le territoire quils occupaient, par suite des ravages des sauterelles(2). Des auteurs indiquent les diverses mesures que lon prconisait pour se dbarrasser delles(3) ; il faut dire que plusieurs semblent fort saugrenues. En Cyrnaque, une loi ordonnait la population la destruction des ufs, des criquets, des sauterelles adultes, et punissait les contrevenants dune peine trs svre(4). Linvasion qui laissa les plus cruels souvenirs fut celle de lanne 125 avant notre re. Par toute lAfrique, dit Paul Orose(5), des multitudes immenses de sauterelles samassrent. Elles ne se contentrent pas de dtruire compltement les crales sur pied, de dvorer toutes les herbes avec une partie des racines, les feuilles des arbres avec les tiges tendres; elles rongrent mme les corces et les bois secs. Un coup de vent subit les arracha du sol et les porta longtemps travers les airs, runies en masses serres, jusqu la mer, o elles sengloutirent. Mais les vagues en rejetrent dnormes quantits sur les ctes. Leurs cadavres, pourris et dcomposs rpandirent une odeur dltre. Une peste terrible frappa tous les animaux,
____________________ 1. Les sauterelles dites plerines, venant du Sud, arrivent en avril ou en mai dans le Tell. 2. Pline, VIII, 104 : M.Varro auctor est ab ranis civitatem in Gallia pulsam, ab locustis in Africa. 3. Voir Lacroix, dans Revue africaine, XIV, 1870, p. 119. 4. Pline, XI, 105. 5. Adversum paganos, V, 11, 2-5.
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oiseaux, troupeaux et autres btes, dont les corps putrs, gisant partout, accrurent encore le au... En Numidie, pays o rgnait alors Micipsa, on dit quil prit quatre-vingt mille hommes ; dans la zone maritime o sont situes Utique et Carthage, plus de deux cent mille. Prs dUtique, trente mille soldats, qui formaient larme romaine dAfrique, furent extermins par cette peste. Elle se dchana avec tant de rapidit et de violence quen un jour plus de quinze cents corps de ces jeunes gens furent emports, afrme-t-on, par une seule porte(1). Aux temps prhistoriques, les Africains taient grands mangeurs descargots, comme le prouve labondance extraordinaire de ces mollusques dans presque toutes les stations. lpoque romaine, on apprciait fort les escargots dAfrique(2) : ils servaient de mets de choix(3), ou de mdicaments(4). Ils taient alors Lobjet dun vritable levage. IV La ore de la Berbrie ressemble beaucoup, dans le Tell, celle de lEspagne, du Midi de la France, de la Sicile, de lItalie. Des deux cts de la Mditerrane, ce sont dordinaire les
____________________ 1. Saint Augustin (Civit. Dei, III, 31) raconte les mmes faits daprs la mme source. Il ajoute que, sur 30000 soldats, 10000 seulement survcurent. Voir encore Tite-Live, Epit. l. LX (cest probablement de cet historien que drivent les indications donnes par Augustin et Orose); Julius Obsequens, 90 (il nous apprend que le au svit aussi trs cruellement en Cyrnaque). 2. Les plus clbres taient les coeleae Solitanae (Varron, Rust., III, 14, 4 ; Pline, IX, 173), ou Iolitanae (Pline, XXX, 45). Sagit-il dIol (Cherchel) ? Dans ce cas, Varron et Pline les auraient qualis descargots de Maurtanie, plutt que descargots dAfrique. Les Cinyphii campi, dont Stace (Silves, IV, 9, 32-33) vante les escargots, ne paraissent pas tre spcialement la rgion du Cinyps. (en Tripolitaine) : cest une manire potique de dsigner lAfrique. 3. Horace, Satires, II, 4, 58-59, 4. Scribonius Largus, dit. Helmreich, 122. Pline, XXVIII, 211 ; XXX, 44 et 45 : XXX, 56 et 57 ; XXX, 73 et 74 ; XXX, 127 ; XXXII, 109. Discoride, II, 9, dit. Wellmann, Pelagonius, Ars veterinaria, 330 et 331.
138 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. mmes vgtaux qui tapissent le sol, qui forment les forts, o les espces feuillage persistant dominent ; ce sont les mmes plantes, les mmes arbres fruitiers qui, depuis une longue srie de sicles, constituent la richesse agricole. Dans les rgions de steppes, on rencontre, ct despces europennes, des vgtaux qui se retrouvent en gypte, en Palestine, en Arabie, dans la Perse mridionale(1). Les afnits avec lOrient dsertique sont plus grandes encore au Sahara, o le dattier permet de vivre dans les oasis. Sous le rapport de la gographie botanique, crit Cosson(2), sloigner du littoral dans le sens du mridien, cest moins se rapprocher du tropique que de lOrient(3). Nous tudierons ailleurs la ore agricole et nous nous bornerons ici examiner les documents anciens qui concernent les forts(4). Ils sont malheureusement peu nombreux et souvent peu prcis. Limportance des forts de lAfrique septentrionale a ts afrme par Hrodote et par Strabon. Le premier dit que la Libye occidentale (cest--dire le pays situ lOuest du golfe des Syrtes) est beaucoup plus boise que la rgion occupe par les nomades , quelle est trs boise(5) . Le second indique que la Maurusie (le Maroc actuel) est boise et que les arbres y atteignent une trs grande hauteurs (6) Des textes, que nous avons cits, signalent en Afrique labondance de
____________________ 1. En Tunisie, des reprsentants de cette ore orientale, caractre dsertique, savancent au Nord jusqu la base de la presqule du cap Bon. Dans la province dOran, ils atteignent la mer : Battandier et Trabut, lAlgerie, p. 51. 2. Le Rgne vgtal en Algrie, p. 57. 3. Conf. Battandier et Trabut, l, c., p. 53 : Sur environ 3000 espces que comprend la ore algrienne, 1900 se retrouvent en Espagne ; 1600 au moins sont communes a lAlgrie et lItalie, 1500 lAlgrie et la France ; environ 600 sont spciales ;... 195 ne sont communes qu lAlgrie et lorient. 4. Sur cette question, voir des indications de Lacroix, dans Revue africaine, XIII,1869, p. 171-8, et de Tissot, Gographie, I, p. 275-282. 5. IV, 191. Il convient dajouter quHrodote est mal renseign pour cette partie de lAfrique : conf. Bourde, Rapport sur les cultures fruitires dans le centre de la Tunisie, p. 9. 6. XVII, 3, 4.
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divers animaux dont lhabitat ordinaire est la fort : singes, panthres, ours, sangliers. Dautre part, des constitutions du Bas-Empire nous apprennent que cette contre pouvait fournir Rome de grandes quantits de bois, pour le chauffage des bains publics(1). Nous voudrions connatre la rpartition de ces forts. Mais les renseignements dont nous disposons sont bien maigres. Strabon afrme que le mont Abil (sur le dtroit de Gibraltar) porte des arbres levs(2). Hannon mentionne sur lOcan le cap Soloeis (aujourdhui cap Cantin), couvert darbres(3). Des forts paisses, dont parlent Virgile(4), Pline(5), Silius Italicus(6), Pausanias(7), lien(8), se dressaient sur lAtlas marocain. Pline indique aussi(9) des forts, peuples dlphants, prs du euve Amilo, que Tissot croit tre loued Amlilou (ou Melillo), afuent de gauche de la Moulouia : ce qui nest pas certain(10). On ne sait peu prs rien sur les forts du pays qui, lpoque romaine, fut la province de Maurtanie Csarienne (Ouest et centre de lAlgrie)(11). Le mont Ancorarius, qui porta
____________________ 1. Code Thodosien, XIII, 5, 10 (en 304) : conrmation des privilges accords jadis aux armateurs africains qui doivent transporter des bois destins aux usages publics ( navicularios africanos qui idonea publicis dispositionibus ac necessitatibus ligna convectant... ). Ibid., XIII, 5, 13 (en 369) : constitution xant au nombre de soixante les linteones (des tisserands, quon stonne de rencontrer ici) et les armateurs, chargs de ce service par Constantin. Elle dfend de leur demander plus que nexigent les besoins des bains ( amplius... quant necessitas exigit Invacrorum ). Conf. les commentaires de Godefroy. Symmaque (Lettres, X, 40 ; en 384-5) mentionne aussi les navicularios lignorum obnoxios functioni . 2. XVII, 3, 6. 3. Priple, 3 (Geogr. gr. min., I, p. 3). 4. nide, IV, 248-9. 5. V, 6 ; V, 14 et 15 (daprs Suetonius Paulinus). 6. I, 205-6. 7. I, 33, 6. 8. Nat. anim., VII, 2. 9. VIII, 2. 10. Conf. supra, p. 78, n. 8. 11. Lamoricire, lEst de Tlemcen, on a trouv une ddicace Dianne deae, nemorum comiti, victrici ferarum : C. I. L., VIII, 9831.
140 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. de magniques boisements de thuyas, puiss au temps de Pline(1), tait situ dans le voisinage de la valle du Chlif ; on a suppos que ctait lOuarsenis(2). La rgion forestire de la Numidie que mentionne Solin(3) devait tre celle qui stend sur le Nord-Est de lAlgrie et le Nord-Ouest de la Tunisie. Les fauves y pullulaient(4). Il est probable que les bois quon expdiait Rome sous le Bas-Empire en provenaient, car les frais de transport eussent t trop levs sil et fallu les faire venir de lintrieur. Une inscription indique des pins dans le voisinage de la mer et de lAmsaga (au Nord-Ouest de Constantine(5)). Juvnal(6) parle des forts ombreuses, pleines de singes, de Thabraca, aujourdhui Tabarca(7). Le castellum dAuzea, au dire de Tacite, tait entour de vastes forts(8) : ce bourg forti se trouvait probablement en Numidie, mais nous ignorons son emplacement exact. Il en est de mme des lieux boiss o Jugartha attira Aulus Postumius, qui assigeait Suthul(9), et de ceux o il senfuit aprs avoir t vaincu par Mtellus prs de loued mellgue, afuent de droite de la Medjerda(10). Au VIe sicle de notre re, des forts
____________________ 1. XIII, 95 : Ancorarius mons vocatur Citerioris Mauretaniae, qui laudatissimam dedit citrum, iam exhaustus. 2. Gsell, Atlas archologique de lAlgrie, f 23, n 1. 3. XXVI, 2: qua parle silvestris est (Numidia)... Conf. Isidore de Sville, Etymol., XIV, 5, 9. 4. Pline, V, 22. 5. C. I. L., VIII, 7750 : In qua frondicoma odoratur ad maro pinus. 6. X, 194 : ... umbriferos ubi pandit Thabraca saltus. On a trouv Tabarca une ddicace Faunus, dieu silvestre italique : Bull. archologique du Comit, 1894, p.241, n 24. 7. Posidonius, cit par Strabon (XVII, 3, 4), racontait quallant de Gads en Italie, il fut port sur le rivage de la Libye et quil y vit une fort pleine de singes. Mais rien ne prouve que cette fort ait t dans le voisinage de Tabarca, comme celles dont parle Juvnal ; elle parait avoir t plutt situe en Maurtanie. 8. Annales, IX, 25 : vastis circum saltibus claudebatur. Il ne sagit pas dAuzin (Aumale), comme on la cru : voir Gsell, Atlas, l. 14, n 105) (p. 8, coll. 1. en bas). 9. Jug., XXXVIII, 1 : saltuosa loca . 10. Ibid., LIV, 2 loca saltuosa .
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slevaient autour de la ville de Laribus, aujourdhui Lorbeus, au Sud-Est du Kef(1). Une ddicace Silvain, dcouverte non loin de l, dans la plaine du Sers, entre le Kef et Maktar, mentionne un bois prs dune source(2), mais ce ntait peut-tre quun simple bosquet. Des cdres de Numidie servirent de bonne heure de matriaux de construction. Pline parle des poutres qui, places dans le temple dApollon Utique, lors de la fondation de la ville, taient en bon tat 1178 ans plus tard(3). Si la rpartition des forts de cdres tait la mme il y a trois mille ans que de nos jours, ces poutres maient d tre apportes de loin, de 1Aurs ou des monts de Batna(4). Nous trouvons dans Corippus(5) une allusion aux forts de lAurs, massif qui est encore trs bois. Au milieu du second sicle avant J.-C., il y avait des bois peu de distance de Carthage. Le consul Censorinus, qui assigeait cette ville, traversa le lac de Tunis pour aller chercher des matriaux propres fabriquer des machines et des chelles(6), Corippus mentionne frquemment les forets qui existaient de son temps (au VIe sicle) dans le centre et le Sud de la Tunisie. La plupart de ses indications sont vagues(7) ; et il est
____________________ 1. Corippus, Johannide, VII, 143. Urbs Laribus mediis surgit tutissima silvis. 2. Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1909, p. 468. Chtelain, dans Mlanges de lcole de Rome, XXX, 1910, p, 77 et suiv. 3. Pline, XVI, 216 : memorabile Uticae templum Apollinis, ubi cedro Numidica trabes durant ita ut positae fuere prima urbis eius origine, aunis MCLXXVIII. Blmner (Technologie der Gewerbe, II, p. 302) croit quil sagit de genvrier. Je ne vois pas de raison dadopter cette opinion. 4. Il ny a pas de cdres en Tunisie, ni dans le Nord de la province de Constantine (sauf au Nord-Ouest de cette province, dans les Babors, rgion qui, lpoque de Pline, faisait partie de la Maurtanie, et non de la Numidie). 5. Johann., III, 304 : In mediis tremuit Romanos currere silvis. Il sagit dun personnage qui tait chef des tribus de lAurs. 6. Appien, Lib., 97. 7. Johann., II, 5, 9, 164, 167, 182, 237, 424, 463, 471; 484 ; III, 204, 211, 218 ; IV, 630 : VI, 42 ; VIII, I73. Les telles de Corippus ont t pour la plupart cits par Lacroix, Rev. africaine, XIII, p. 340-350 ; conf. Tissot, Gographie, I, p. 277 ; Diehl, lAfrique byzantine, p, 403-6.
142 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. impossible de dire o tait Ifera, aux forts paisses,(1) , dans quelles rgions vivaient les Silcedenit(2), les Silvaizan, les Macares(3), dont les territoires taient boiss. Nous connaissons cependant lemplacement des forts au milieu desquelles le gnral Solomon livra une bataille qui lui fut funeste(4) : elles taient situes prs de Cillium (Kasserine), entre Sbitla et Friana(5). Les saltus que Pline signale au del de la petite Syrte, cers le Sud(6), ntaient peut-tre pas de vritables forts(7). Rappelons enn les bois trs pais quHrodote indique la colline des Grces(8), au Sud de Lebda, en Tripolitaine, et ceux qui, daprs Strabon, ombrageaient le cap Cphales(9) (cap Misrata), un peu plus lEst. On sait que le mot saltus signiait espace couvert de vgtation naturelle(10) et, le plus souvent, forestire(11). A ct de ce sens propre, nous rencontrons frquemment en Afrique un sens driv : grand domaine(12). Avant dtre mis en valeur, plus dun de ces domaines dut tre, partiellement ou totalement, couvert de forts ou de broussailles(13). Mais il ne faudrait pas croire que,
____________________ 1. II, 57 : densis Ifera silvis . 2. II, 53-4. Silcadenitque forus, celsis qui vivida silvis Bella dolis metuenda parat. 3. II, 62-4 : Silvaizan Macaresque vagi, qui montibus altis Horrida praeruptis densisque mapalia silvis Obiectae condunt securi rupis ad umbram. 4. III, 419. Congreditur mediis commiscens proelia silvis. 5. Diehl, lAfrique byzantine, p. 343, 406. 6. V, 26. 7. Conf, plus haut, p. 69, n 3. 8. IV, 175. Conf. plus haut, p. 69. 9. XVII, 3, 18. 10. Voir, entre autres, Schulten, die rmischen Grundherrschaften, p. 25. 11. Par exemple, Juvnal, X, 104: umbriferos ubi pandit Thabraca saltus. . 12. Pour ces deux sens, voir en particulier suint Augustin, Enarr, in psalm, CXXXI, 11. ( propos du texte invenimus eam in campis saltuum ) : Qui sunt campi saltuum ? Non enim quemadmodum vulgo dicitur : sltus ille, verbi gratia, centurias habenv tot. Saltus proprie locus adhuc incultus et silvester dicitur. Nam et quidam codices in campis silvae habent. 13. Un domaine de la rgion de Stif, quon appelait Saltus Horreorum, tait exploit par des colons. qualis de Pardalarii : C. I. L., VIII, 8425) (conf. 8426). Ce saltus,
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partout o lon trouve mentionn un saltus-domaine, il y ait eu autrefois un saltus-fort, puisque le sens du mot stait modi. Une remarque analogue doit tre faite au sujet des mentions de Silvanus, qui eut de nombreux dvots dans lAfrique romaine. Que ce dieu ait t ador en certains lieux comme un protecteur des forts, on peut ladmettre(1), mais il nest pas prouv qu il en ait t toujours ainsi nous savons quen Italie, il devint le protecteur du btail, des jardins, des champs cultivs, des limites. Les inscriptions qui indiquent des saltus et les ddicaces Silvain ne sont donc gure utiles pour dterminer les emplacements des forts antiques. Est-il possible de suppler linsufsance des textes par ltude de la rpartition des ruines ? Elles sont rares dans des pays aujourdhui couverts de forts : par exemple, en Khoumirie, au sud-Ouest de Collo, au sud-Est et au Sud-Ouest de Djidjeli, dans les montagnes des Bibans, dans lEst de la grande Kabylie, dans le massif qui stend au Sud de la Mitidja, dans lOuarsenis(2). Dans ces rgions, la civilisation latine sest trs lieu rpandue; les villes manquent ; les villages, les hameaux, du reste peu nombreux, sont situs dans les valles qui offraient des terres cultivables. Quelques ruines romaines que lon rencontre dans les parties accidentes reprsentent dordinaire des
____________________ o lon cultivait des crales, contenait donc, ou avait contenu, des bois habits par des panthres. Dans une rgion de saltus impriaux, une inscription (Carcopino, Mlanges de lcole de Rome, XXVI, 1906, p. 368) mentionne des espaces forestiers, que des ptitionnaires demandent planter en oliviers et en vignes : ... in paludibus et in silvestribus . Mais ce dernier mot pourrait dsigner de simples broussailles. 1. Cela cet vident pour le Silvanus Silvestris que mentionne une inscription dAzziz ben Tellis, entre Constantine et Stif : C. I. L., VIII, 8248. Nous avons signal (p. 141) une inscription de la plaine du Sers, o Silvanus tait ador dans un bois. Un temple de ce dieu fut lev sur les hauteurs, encore trs boises, qui laminent Lambse au Sud : C. I. L., 2671=18107 ; Gsell, Atlas, f 27, n 235. On pourrait aussi reconnatre une divinit des forts dans le Silvanus ador sur la pente du djebel Chettaba, prs de Constantine, et au sommet du djebel Borma, au Sud de cette ville, pris de Sila : C. I. L., 6963 et 5880. 2. Voir lAtlas archologique de lAlgrie.
144 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. habitations isoles, peut-tre des fermes, tablies sur des clairires. Cependant, il ne faut pas attacher trop dimportance ces constatations. Labsence ou la raret de ruines daspect romain, de constructions faites en matriaux durables, ne prouvent pas, dune manire premptoire, quun pays ait t jadis dsert ou presque dsert, car beaucoup dindignes ont pu vivre sous des huttes qui, une fois abandonnes, ne laissaient aucune trace. Les auteurs ne nous apprennent pas grand-chose sur les espces qui constituaient la vgtation arbustive naturelle de lAfrique du Nord. Ils mentionnent : le chne vert, ou yeuse(1) ; le cdre(2) ; le pin(3), probablement le pin dAlep, et peut-tre aussi le pin maritime(4) ; le frne(5) ; le peuplier(6) ; le gen-
____________________ 1. Ilex. Pline, XVI, 32 : gignitur in Africa . Salluste, Jug., XCIII, 4 ; grandis ilex coaluerat inter saxa . On faisait une belle teinture rouge avec le coccum, quon recueillait en Afrique : Pline, XVI, 32 ; XXII, 3 (conf. XXIV, 8) ; Silius italicus, XVI, 354 ( Cinyphio cocco ). Les anciens le prenaient pour un produit vgtal ; il tait en ralit tir dune cochenille, parasite du chne kerms (Quercus coccifera) et du chne vert: conf. Battandier et Trabut, lAlgrie, p. 10. Le mot thakerrouchth, qui dsigne le chne en Kabylie, vient peut-tre de quercus : Basset, dans Orientalische Studien Th. Nldeke gewidmet, p. 440, n 1. 2. Vitruve, II, 19,13 : nascuntur eae arbores maxime Creine et Africae et nonnullis Syriae regionibus . Pline, XVI, 197 : cedrus in Creta, Africa, Syria laudatissima . Conf. plus haut, p. 141. 3. Virgile, nide, IV, 248-9 ; Silius Italicus, I, 203-6 (mais ces potes veulent peut-tre parler du cdre). Selon Duveyrier (Bull. de la Socit de gographie de Paris, 1876, II, p. 41, n 2), des indignes de lAurs se servent, pour dsigner le cdre, du mot bignou, qui parait tre une dformation de pinus. 4. C. I. L., VIII, 7750 ; conf. plus haut, p. 140, n. 5. Actuellemcnt, le pin maritime, qui exige un climat trs humide, ne se trouve quentre bougie et la cap Bougaroun, cest-dire dans la rgion o notre inscription signale des pins le long de la mer: Lefebvre, les Forts de lAlgrie (Alger, 1900), p. 432 5. Corippus, Johann., VIII, 612: fraxineam hastam . 6. Un lieu appel Popleto tait situ prs de Timgad, au Nord de lAurs, et le Gographe de Ravenne indique dans la mme rgion, autant quil semble, une rivire quil nomme Puplitus : voir Gsell, Atlas, f 27, p. 29, col. 2, vers le bas. LItinraire dAntonin mentionne un Popleto umen, euve ctier, lOuest de Nemours : Gsell, l. c., f 30, n 2. Ctaient des cours deau le long desquels slevaient probablement des peupliers. Conf. le nom de Safsaf (peuplier) donn par les indignes une rivire qui dbouche dans la mer prs de Philippeville. Le peuplier libyque dont parle Pline (XVI, 85) doit tre une autre espce : Quae Libyca appellatur minima folio et nigerrima fungisque enascentibus laudatissima. Sagit-il du tremble (Populus tremula), comme on la cru ? Cet arbre est trs peu rpandu dans lAfrique du Nord; il ne se rencontre gure que dans les Babors : Lefebvre, l. c., p. 87.
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vrier(1) : le trbinthe(2) (pistachier trbinthe. ou peut-tre lentisque) ; le thuya(3) ; lolivier sauvage, dont nous reparlerons(4). Il faut ajouter lorme, le nom berbre thoulmouth, usit en Kabylie, tant certainement driv du latin ulmus(5). Nous navons trouv aucune indication prcise sur le chne liges(6), qui est aujourdhui la principale richesse forestire de la Berbrie(7). Quelques dtails nous sont donns sur le citrus(8). Le bois de cet arbre, dj renomm lpoque de Masinissa(9), servit, dans les derniers temps de la Rpublique et au dbut de lEmpire, faire des tables qui atteignirent des prix fort levs(10). Dans les
____________________ 1. Corippus, l. c., II, 131-2. lancea duplex Iuniperum ferro validam sufgit acuto. 2. Pomponius Mla, III. 104 (sur la cte du Maroc) : Amoeni saltus citro, terebintho, ebore abundant. Une ville situe en Tunisie, lOuest de Maktar, sappelait Thugga Terebinthina : C. I. L., VIII, p. 77 et 1217. 3. Voir ci-aprs. 4. Chap. V. Nous reparlerons aussi de lamandier, du merisier et du chtaignier. 5. Basset, l. c. 6. Il est tonnant que Pline ne parle pas de lAfrique dans le passage du livre XVI (34) o il traite du lige. Pour le Gaule, il dit expressment quelle na pas de Chnes liges, ce qui est inexact. Diodore de Sicile (XX, 37) mentionne une ville , qui fut prise par des troupes dAgathocle la n du IVe sicle avant J.-C. Ce nom, comme on la fait remarquer, vient peut-tre de , chne lige. 7. Parmi les arbrisseaux, on indique des myrtes (Salluste, Jug., XLVIII, 3), des lauriers (C. I. L., VIII, 1750), des tamarix (Corippus. Johann., VI, 572 : steriles myricae ; lieu appel Tamariceto,entre Berrouaghia et Sour Djouab : Gsell, dans Rev. africaine, LIII, 1909, p. 22). Pour le lotus, voir liv. II, chap. II. Pline (XIX, 63) signale comme un fait curieux lexistence dune mauve en arbre, prs de la ville de Lixus, sur la cte ocanique de la Maurtanie : Elle est haute de vingt pieds et dune telle grosseur que personne ne peut lembrasser. On ne voit pas de quoi il sagit. Lacroix (Rev. africaine, XIII, 1869, p. 164) montre quil ne faut pas penser un cotonnier arborescent. 8. Voir Lacroix, 1. c., p. 171-2, 374-8 ; Tissot, Gographie, I. p. 278-2822. Les principaux textes qui indiquent la provenance africaine, et plus particulirement maurtanienne, du citrus sont ; Varron, Sat. Menipp., fragm. 182 (dans Ptronii Satirae, dit. Bcheler) ; Pomponius Mla, III, 104 ; Ptrone, Satir., CXIX, 27-28 ; Lucain, IX, 426-430, et X, 144-5, Pline, V, 12 ; XIII, 91 et 03 ; Martial, IX, 22, 5 ; XII, 66, 6 ; XIV. 89 et 90. Allusion dans Strabon, XVII, 3, 4. 9. Masinissa envoya aux Rhodiens du bois de (il sagit de citrus : voir plus loin), en mme temps que de livoire : Suidas, s. v. 10. Pline, XIII, 92 ; conf. ibid., 102, Tertullien, De pallio, 5.
146 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. belles pices, il tait de la couleur du vin mlang de miel. Il prsentait soit des veines, soit des taches brillantes : de l, les noms de tabulae tigrinae et pantherinae quon donnait ces tables(1). On employait pour les faire des loupes qui croissaient sur les souches(2) et qui taient parfois trs Larges. La plus grande table dun seul morceau appartint un affranchi de Tibre ; elle mesurait prs de quatre pieds. Une autre, que possda Ptolme, roi de Maurtanie, tait plus grande encore (quatre pieds et demi), mais elle tait forme de deux pices ajustes(3). On t aussi avec ce bois des crdences, des placages de meubles et de portes, des lambris, des vases, etc.(4). Le citrus ressemblait, dit Pline lAncien, par le feuillage, lodeur et le tronc, au cyprs sauvage(5). Leau de mer le desschait, le durcissait et le rendait incorruptible(6). Cest le mme arbre(7) que Thophraste(8) appelle ou et quil indique comme existant en Cyrnaque et dans loasis de Zeus Ammon. Il ressemble au cyprs par la forme, les branches, les feuilles, le tronc, le fruit... ; son bois est entirement incorruptible. Sa racine est veine et on en fait des ouvrages trs soigns. Daprs ces renseignements, le citrus est le thuya (Callitris quadrivalvis), dont la souche forme ces belles loupes noueuses, si richement marbres de rouge fauve et de brun, qui en font un bois dbnisterie des plus prcieux(9) . Actuellement, il est de taille mdiocre. Mais nous savons par Pline(10) que les forts du mont Ancorarius, qui avaient
____________________ 1. Pline, XIII, 96-97. Voir, ibid., 98-99, dautres dtails sur le citrus. 2. Pline (XIII, 95) dit : Tuber hoc est radicis, maximeque laudatum quod sub terra totum fuerit. Conf. XVI, 185. 3. Pline, XIII, 93. 4. Voir Marquardt, das Privatleben der Rmer, 2e dit., p. 722-3 ; Blmner, Technologie, II, p.276-7. Il y avait Rome une corporation de negotiatores eborarii et citriaril : Mittheil, des archol, Instituts, Rmische Abtheilung, V, 1890, p, 287 et suiv. 5. XIII, 95. 6. XIII, 99. 7. Comme Pline lindique : XIII, 100. 8. Hist. plantarum, V, 3, 7. 9. Battandier et Trabut, l. c., p. 43. 10. XIII, 95.
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fourni les plus beaux thuyas, taient dj puises de son temps(1). Le gnral Sutonius Paulinus, cit par le mme auteur(2), signalait, au pied de lAtlas (au Maroc), des forts paisses, formes darbres inconnus ailleurs, dune grande taille, au tronc poli et sans nud, ressemblant par leur feuillage au cyprs et exhalant une forte odeur(3) ; ils sont recouverts dun duvet lger, avec lequel des gens habiles pourraient faire des toffes, comme avec de la soie . Peut-tre, ainsi quon la suppose(4), ces arbres merveilleux taient-ils simplement des pins, infests de chenilles processionnaires, qui y auraient construit des bourses soyeuses de couleur blanche, leur servant dhabitations communes(5). Telles sont les indications que les anciens nous ont laisses sur les forts de lAfrique septentrionale. V Ltendue et la densit des forts, la rpartition des espces qui les composent dpendent du climat, de laltitude et de la constitution gologique du sol(6). En Berbrie, la rgion forestire par excellence est la longue zone qui stend en arrire du littoral, depuis la grande Kabylie jusquau del de la Khoumirie : zone montagneuse, o les
____________________ 1. Voir plus haut, p. 139-140. 2. V,14. 3. Frondes cupressi similes, praeterquam gravitate odoris. Cela peut vouloir dire soit que lodeur de ces arbres est moins forte que celle des cyprs, soit quelle est, au contraire, plus forte. On a propos de corriger : praeterque gravitatem odoris . Solin (XXIV, 8), qui a copi ce passage, crit : Arboribus proceris opacissimus (Atlas), quarum odor gravis, comae cupressi similes, etc. 4. Guyon, dans Comptes rendus de lAcadmie des Sciences, XXXIII, 1851, p. 42-43. Lacroix, l. c., p. 165. 5.. Conf. Rivire et Lecq. Manuel de lagriculteur algrien, p. 845-6. 6. Pour ce qui suit, voir surtout Lefebvre, les Forts de lAlgrie, p. 68 et suiv., avec la note de M. Ficheur.
148 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. pluies sont abondantes et o dominent les terrains siliceux, forms surtout de grs, trs propices la vgtation arbustive. Cest le pays du chne lige(1), espce silicicole, qui exige au moins 0 m. 60 de pluie et qui slve jusqu 1300 mtres, tout en prosprant surtout entre 600 et 800 mtres. Cest aussi le pays du chne zen, qui commence apparatre une altitude denviron 800 mtres et slve plus haut que le lige, jusqu 1800 mtres environ. Les terrains calcaires, qui forment une grande partie des montagnes de lintrieur, sont galement des terrains forestiers, mais, comme ils reoivent en gnral moins de pluie que la zone ctire, ils portent surtout des espces qui demandent, peu deau. Larbre typique est le pin dAlep(2), trs peu exigeant .pour le sol comme pour lhumidit (il se contente de 0 m. 30 de pluie). Il savance jusqu la lisire du Sahara et atteint une altitude de 1500 1600 mtres. Il est souvent accompagn du genvrier de Phnicie, petit arbre qui slve jusqu 1700 mtres. Parmi les autres espces, le chne vert, le thuya et le cdre saccommodent aussi bien des grs que des calcaires, Le chne vert, arbre sobre et robuste, forme des boisements importants entre 600 et 1200 mtres environ, mais il peut atteindre 1700 mtres. Le thuya ne dpasse gure 800 mtres ; il est frquemment associ au pin dAlep. Le cdre vient entre 1300 et 2000 mtres. Les causes naturelles qui rgissent la vgtation forestire en Afrique ne paraissant pas stre modies depuis lantiquit, il ny a point lieu de supposer que la rpartition des espces ait t diffrente de ce quelle est aujourdhui. En ce qui concerne la densit et ltendue des forts, il convient de se souvenir de certains textes anciens, qui montrent
____________________ 1. Il occupe plus de 400 000 hectares en Algrie et environ 120 000 en Tunisie. 2. En Algrie, il couvre plus de 500 000 hectares.
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quil y avait dans lAfrique septentrionale de trs vastes espaces non boiss. Dans la clbre description de Salluste(1), on lit ces mots : ager... arbori, infecundus. Certes, lafrmation de lhistorien est beaucoup trop absolue les documents que nous avons cits lattestent. Mais, si labsence darbres a frapp Salluste, qui fut, on le sait, gouverneur de lAfrica nova (lOuest de la Tunisie et lEst de la province de Constantine), il fallait bien quelle ft relle pour une bonne partie du pays. En:Numidie, crit Columelle au premier sicle de notre re, le sol, gnralement dpourvu darbres, est ensemenc en bl(2). Saint Augustin, voulant montrer, contrairement aux prtentions des donatistes, quun passage de lcriture, o il est question dun mons umbrosus, ne peut pas sappliquer la Numidie, dcrit: ainsi, cette rgion(3) : Tu y trouves partout la nudit, des campagnes fertiles, il est vrai, mais portant des rcoltes; elles ne sont pas riches en oliviers, elles ne sont pas gayes par dautres arbres. Ailleurs, il dit(4) : Prenez un Gtule, placez-le parmi ces arbres agrables (il sagit des alentours dHippone) il voudra fuir dici et retourner vers, la Gtulie nue. Csar, combattant aux environs dHadrumte et de Thapsus, dut faire; venir de Sicile du bois pour fabriquer des machines, car les matriaux ncessaires, observe lauteur, du Bellum africum, manquaient en Afrique(5). A lintrieur des terres, les rgions de Capsa (Gafsa) et de Thala taient nues au temps de Jugurtha(6), et
____________________ 1. Jug., XVII, 5. 2. II, 2, 23 : Numidiae et Aegypto,... ubi plerumque arboribus viduum solum frumentis seminatur. 3. Sermons, XLVI. 16, 30 ; Sed ostende mihi partem Donati a Numidia de monte umbroso venire. Invenis nuda omnia, pingues quidem campos, sed frumentarios, non olivetis fertiles, non caeteris hemoribus amoenos. 4. Enarr, in psalm. CXLVIII, 10 : Apprehende inde Getulum, pone inter istas arbores amoenas ; fugere hine vult et redire ad nudam Getuliam. 5. XX, 3 : crates materiemque ad arietes, cuius inopia in Africa esset. 6. Salluste, Jug.,. LXXV, 2; LXXXIV, 4. Il en tait de mme de la plaine parcourue par le Muthul (oued Mellgue) : ibid., XLVIII, 4.
150 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. si, plus tard, elles se couvrirent darbres, ce furent des arbres fruitiers. Ainsi, ces textes indiquent la Numidie, la Gtulie, une partie de ce qui fut sous le Bas-Empire la province de Byzacne comme des pays dnuds. Par Numidie, saint Augustin nentend pas la zone ctire, en arrire des ports de Tabarca, de la Calle, de Philippeville, de Collo. Il y a en effet tout lieu de croire que ces parties de la Numidie taient boises dans lantiquit, comme aujourdhui : nous avons cit le tmoignage de Juvnal au sujet des forts de Tabarca. Lvque dHippone devait le savoir mieux que personne. La Numidie quil vise, celle o ont domin ces donatistes quil rfute, cest le pays de plaines qui dtend au Sud de Constantine, jusqu au pied du massif de lAurs. Par le nom de Gtulie, les anciens dsignaient une zone intrieure, situe entre les rgions voisines du littoral et le Sahara. Les plaines mridionales du centre de la province de Constantine appartenaient la Gtulie. Madauros (Mdaourouch, au Sud de Souk Ahras) tait la limite du pays Gtule et du pays numide(1) (il ne sagit pas ici de la Numidie dans le sens administratif de ce mot). En Tunisie, Sicca (Le Kef) parait avoir t proximit de la Gtulie(2). Ce manque darbres sur de grands espaces ne doit pas tre attribu des dboisements que les hommes auraient excuts pour se prparer des pturages et des terrains de culture. Il y a dans lAfrique du Nord des sols qui ne se prtent pas la vgtation forestire(3). Telles beaucoup de parties du centre de la
____________________ 1. Apule, Apologie, 21. 2. Columelle, X, 107. 3. Conf. les rexions trs justes de Niepce, dans la Revue des Eaux et forts, IV, 1865, p. 4 : Tel sol convient la vgtation forestire, et particulirement telle ou telle essence, tandis que les crales ny poussent qu grand-peine et dans des conditions particulires dengrais et damendement ; tel autre, au contraire, est propre aux crales et se trouve, pour ainsi dire, dpourvu de vgtaux ligneux, sauf quelques espces rares qui sen accommodent. Cest ces conditions, en gnral, plutt qu des causes de destruction, quon peut attribuer ltat de lAlgrie, trs bois dans certaines contres, compltement nu dans dautres.
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province de Constantine et de la Tunisie, sur lesquelles s entend une sorte de carapace gypso-calcaire, due lvaporation deaux remontant par capillarit(1) : cette crote, quand lhomme nintervient pas pour la casser, est un obstacle au dveloppement des racines des arbres. Telle aussi une bonne partie des steppes des provinces dAlger et dOran, o existe une crote analogue et o les pluies ne sont pas assez abondantes pour alimenter des arbres, mme trs peu exigeants. Telles les terres argileuses de beaucoup de valles et de plaines, sols qui se desschent compltement pendant la saison dt. Telles enn les terres fertiles de lOuest du Maroc, qui ne forment quune mince couche, recouvrant un sous-sol pierreux compact(2). Quand des crivains arabes afrment qu la n au VIIe sicle, des ombrages continus stendaient de Tripoli Tanger(3), leur assertion ne peut pas plus tre admise que les mots ager arbori infecundus de Salluste, mme si lon se souvient que ces auteurs veulent parler dombrages forms, non seulement par des forts, mais aussi par des plantations darbres fruitiers(4). Sur quelques points, la fort a repris possession de terrains qui, lpoque romaine, devaient tre cultivs, car on y trouve des ruines enfouies dans des massifs darbres. Ce fait a t observ en Khoumirie et dans le Nord-Est de la province de, Constantine, entre Souk Ahras et la Calle(5), rgions o des pluies abondantes dveloppent la vgtation et o les troupeaux,
____________________ 1. Pervinquire, dans Revue de Gographie, III, 1909, p. 308. Battandier, et Trabut, lAlgrie, 325-6. Une crote semblable se retrouve souvent dans le Maroc occidental : Gentil, le Maroc physique, p. 307, 319. 2. Gentil, l. c., p. 300. 3. En Noweiri, dans la traduction de lHistoire des Berbres dibn Khaldoun par de Slane, l, p. 341. Ibn Khaldoun, ibid., p. 214. Conf. El Kairouani, Histoire de lAfrique, trad. Pellissier et Rmusat, p. 25 et 54 ; Moula Ahmed, Voyages dans le Sud de lAlgrie, trad, Berbrugger, p. 237. 4. Conf. Toutain, les Cits romaines de la Tunisie, p. 41. 5. Goyt, dans Rec de Constantine, XXVII, 1892, p. 225. Gsell, Atlas archol. de lAlgrie, f 10 ; f 18 (angle Nord-Est). Clerget, dans la Gographie, XXV, 1913, p. 49.
152 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. moins nombreux quailleurs, ne lempchent pas de se reconstituer. On a de mme constat lexistence dans lAurs dune ruine importante, aujourdhui cache en pleine fort(1). En revanche, parmi les textes anciens que nous avons cits, plusieurs nous font connatre des forts qui ont disparu : celles qui entouraient Laribus, non loin du Kef(2) ; probablement aussi une grande partie de celles que Corippus signale dans le centre et le Sud de la Tunisie, qui sont aujourdhui trs peu boiss ; celles qui Hrodote et Strabon indiquent dans le voisinage de Lebda, la colline des Grces et au cap Misrata(3). Le dboisement de la Berbrie a d commencer ds les temps antiques. Si les hommes transformrent en champs, de crales beaucoup de sols dnuds ; ou couverts seulement de broussailles (lentisques, jujubiers, gents, palmiers nains, etc.), sils y plantrent mme des arbres fruitiers, il est probable que lagriculture agrandit aussi son domaine aux dpens des forts, naturelles. Aux poques dinscurit antrieures la paix romaine, des massifs montagneux servirent peut-tre de refuges des populations qui sy sentaient mieux dfendues que dans les pays plats contre les attaques brusques et le pillage : ce qui dut contribuer la diminution des forts. Dans les premiers sicles de notre re, lagriculture reut
____________________ 1. Vaissire, dans Comptes rendus de lAcadmie dHippone, 1800, p. LVIII. Au Maroc, les ruines de Lixus, prs de Larache, sont en partie couvertes par des chnes liges. Il y a de nombreuses ruines dans la rabah de Chebba, lEst dEl Djem, un Tunisie (Mnumen, dans Enqute sur les installations hydrauliques romaines en Tunisie, I. p. 19). Mais cette fort nest en ralit quune broussaille peu serre . 2. Diehl, dans Nouvelles Archives des missions, IV 1803, p. 383 : A 10 kilomtres la ronde, dans la plaine et dans la montagne, on ne rencontre pas le moindre Arbre. 3. On peut noter aussi la disparition des bois indiqus par Hannon au cap Cantin. Le djebel Borma et le djebel Chettaba sont aujourdhui dnuds ; on doit admettre quil nen tait pas ainsi dans lantiquit, si lon reconnat un dieu des forts dans le Silvanus qui y tait ador.
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une impulsion vigoureuse ; des mesures lgislatives encouragrent le dfrichement. LAfrique septentrionale tait alors trs peuple; au dbut du IIIe sicle, Tertullien crivait, non sans emphase(1) : De riants domaines ont effac les dserts, les plus fameux, les champs cultivs ont dompt les forts, les troupeaux ont mis en fuite les btes froces... Preuve certaine de laccroissement du genre humain ! nous sommes charge au monde... Partout retentit cette plainte : la nature va nous manquer ! En sexprimant ainsi, le prtre de Carthage devait surtout penser son pays natal. Par suite de la mise en valeur dun grand nombre de terres fertiles, dans les plaines et dans les valles, par suite de laccroissement de la population, les rgions montagneuses et forestires, o les indignes, rests barbares, taient refouls, furent sans doute exploites plus activement que par le pass. Le rcit quAmmien Marcellin fait de la rvolte de Firmus, la n du IVe sicle, atteste le fort peuplement de la Kabylie orientale, dune partie des Babors, des pays qui bordent la valle du Chlif, qui entourent Aumale(2). Procope donne des indications analogues pour le massif de lAurs, au VIe sicle(3). Ces indignes se livraient soit llevage, soit, quand le sol sy prtait, lagriculture. Dans les deux cas, ils devaient tre tents de sattaquer la fort, comme la broussaille, non seulement pour augmenter la surface des terres disponibles, mais aussi pour carter les fauves, si nombreux, ennemis redoutables des hommes et des troupeaux. En beaucoup de lieux, la vgtation naturelle ne subsista peut-tre que sur les sols dont on ne pouvait pas tirer un parti plus avantageux. Ajoutons aux causes de la diminution des forts une exploitation probablement abusive. Pline constatait dj la dispari____________________ 1. De anima, 30. Conf. De pallio, 2, in ne. 2. Gsell, dans Rec. de Constantine, XXXVI, 1902, p. 32 et suiv. 3. Bell. Vand., II, 13, 1, et II, 10, 19. Conf. Diehl, lAfrique byzantine, p. 43.
154 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. tion de certains boisements de thuyas(1). Des documents du BasEmpire indiquent, nous lavons vu, que des quantits importantes de bois taient expdies Rome. En Afrique mme, la population, trs dense, devait en consommer beaucoup pour la charpenterie, la menuiserie, le chauffage; il fallait du charbon pour traiter les minerais dans des exploitations situes gnralement en pays de montagne et de fort(2). Les incendies, accidentels ou prmdits, taient sans doute frquents, comme de nos jours(3). Par les chaudes journes dt, quand soufe le siroco desschant, une tincelle suft pour causer des dommages trs tendus. Allum dessein, le feu prparait le sol pour la culture, en lenrichissant de la potasse fournie par les cendres ; il mettait la disposition du btail, lanne suivante, une vgtation herbace vigoureuse et les jeunes pousses du recr(4). La destruction des forts a pu aussi accompagner les maux quentranaient les guerres, Corippus nous montre des indignes rvolts brlant les arbres en Byzacne(5). Il est vrai quil sagit surtout darbres fruitiers. On nous dit que, vers la n du VIIe sicle, la fameuse hrone berbre, la Kahena, t couper partout les arbres qui, depuis Tripoli jusqu Tanger, formaient des ombrages continus(6). Il y a l, certainement, une forte exa-
____________________ 1. Voir plus haut, p. 140. 2. Carton, dans Revue tunisienne, XIII, 1906, p. 585. 3. Strabon (XVII, 3, 8) mentionne, daprs Gabinius, des incendies de forts en Afrique ; lauteur quil cite prtendait que les lphants se donnaient la peine de combattre le feu. Corippus (Johann., VIII, 60 et suiv.) dcrit un incendie de fort, allum volontairement ( ignis... appositus ). Mais ces vers sont une comparaison imite dHomre : voir, par exemple, Iliade, XI, 155-7 ; XX, 400-2. 4. Conf. les vers de Lucrce, V, 1243 et suiv. 5. Johann., 1, 331-3 ; Uritur aimes seges cultos matura per agros, Omnis et augescit crescentem frondibus ignem Arbor, et in cineres sese consumpta resolvit. Ibid., III, 451-3 Raptor ubique furens urbes succendit et agros. Noc seges aut arbor, agrans quae solvitur igne. Sola perit. 6. En Noweiri, passage cit plus haut, p. 151, n. 3.
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_____________________ 1. Conf. El Kairouani, l. c., p. 54 ; Kahina ordonna aux peuples qui lui taient soumis de ravager les campagnes et les jardins, de couper les arbres, pour que les Arabes, ne trouvant de ressources nulle part..., ne rencontrassent rien qui pt les attacher lAfrique. Moula Ahmed, 1. c., p. 237 : la Kahena envoie lordre de couper les oliviers et tous les arbres fruits . 2. Tissot, I, p. 278. Conf. Lacroix, Rev. africaine, XIII, p. 177; Diehl, lAfrique byzantine, p. 406. 3. Victor de Vite, III, 20 : lussi estis in Corsicanam insulam relegari, ut ligna profutura navibus dominicis incidatis. 4. Rivire et Lecq, Manuel de lagriculteur algrien, p. 984.
gration. Dailleurs, la Kahena voulait, assure-t-on, enlever des ressources aux envahisseurs arabes et les empcher de faire du butin : si les ravages quon lui impute ont t vritablement commis, ils ont atteint les plantations darbres fruitiers, beaucoup plus que les peuplements forestiers(1). Il parait donc inexact dafrmer que les mesures ordonnes par la Kahena aient accru dans une proportion irrparable la dvastation des forts africaines(2) . Quoi quil en soit, ces forts avaient d, depuis longtemps dj, tre fort prouves. A la n du Ve sicle, les Vandales faisaient couper en Corse des arbres qui leur servaient construire des navires(3) ; peut-tre leur tait-il difcile de trouver en Afrique les matriaux ncessaires. Les progrs du dboisement ont t sans doute trs grands depuis linvasion hilalienne, qui, au XIe sicle, jeta sur lAfrique du Nord des milliers de nomades et dveloppa beaucoup la vie pastorale. Lintroduction du btail dans les forts prospres prsente peu dinconvnients ; elle a mme lavantage de dtruire le sous-bois, cause dincendie (4). Mais le berger, mconnaissant du reste ses vritables intrts, est lennemi de la fort, laquelle il met le feu pour se procurer des pturages. Elle se reconstitue assez facilement, surtout dans les pays humides du littoral, lorsquon la laisse en repos. Il nen est pas de mme des espaces o lon introduit le btail. Les moutons, par leur pitinement rpt, durcissent le sol et empchent lclosion des germes ; les bufs crasent les pousses ; les chvres et les
156 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. chameaux broutent les bourgeons naissants, les jeunes tiges avec leurs feuilles et leur corce. Les effets de linvasion se rent sentir l mme o les nomades ne pntrrent pas. Se retirant devant eux, des indignes qui habitaient des plaines allrent se rfugier dans des districts montagneux, dont ils accrurent la population ; il fallut y faire de la place, lagriculture aux dpens de la fort. On peut apprcier en Algrie les ravages commis dans les rgions forestires depuis la conqute franaise; Ils ont pour causes principales le pacage et les incendies. Ils sont manifestes dans les montagnes qui dominent les grandes plaines de la province de Constantine, au pied mridional de lAurs, dans lAtlas de Blida, dans le djebel Amour, etc.(1). Les forts de la Tunisie centrale sont aussi en dcroissance. Il en est de mme de celles du Maroc(2). Mais luvre de destruction qui se poursuit sous nos yeux date de loin. Sur beaucoup de points, elle se devine. Des forts devaient stendre jadis sur des montagnes, aujourdhui dpourvues de vgtation, qui offrent les mmes sols que des chanes voisines, portant encore des arbres. Le djebel Mgris, entirement dnud, dit M. Ficheur(3), prsente la mme constitution (grs medjaniens) que le Tamesguida et les crtes boises de la rgion de Djidjeli, trente, kilometres au Nord... Dans tous les chanons dissmins sur les plateaux, de Stif An Beda, ce sont les calcaires du crtac infrieur qui forment ces crtes mamelonnes ou ces croupes entirement dnudes, que lon voit passer progressivement vers le Sud des montagnes boises, de constitution et dallures identiques, dans les Ouled Sellem et le Bellezma(4). En gnral, il est impossible de xer
____________________ 1. On trouvera de nombreux renseignements ce sujet dans une publication du Gouvernement gnral de lAlgrie : Commission dtudes forestires, Compte rendu des sances et rapport de la Commission (Alger, 1904. 2. Gentil, le Maroc physique, p.277. 3. Dans louvrage de Lefebvre, les Forts de lAlgrie, p. 80 et 83. 4. Voir dautres exemples cits par Ficheur, l. c., p. 76-77, 88 ; 89, 91.
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____________________ 1. Le dboisement du Chettaba, prs de Constantine, est, parait-il, de date relativement rcente : Fraud, Rec. de Constantine, XIII, 1809, p. 47-48. De mme, le dboisement de diverses montagnes de lancienne tribu des Ouled Abd en Nour, au Sud-Ouest de cette ville : ibid., VIII, 1804, p.144-5. Le djebel Sadjar, nu Sud du Chettaba, porte un nom qui signie la montagne des arbres ; il ny en a plus un seul : Cherbonneau, ibid., XII, 1808, p. 405. 2. Voir plus haut, p. 82-83. 3. Voir ce sujet Rabot, dans la Gographie, XVI, 1907, p. 169-170, et, en sens contraire, Buffault, dans Bull. de gographie historique, 1910, p. 153 et suiv. La vrit est entre les deux opinions extrmes.
lpoque de ces dboisements(1). Ils se sont certainement rpartis sur une priode trs longue, qui commena sans doute aux temps antiques. La reconstitution de certaines forts na pas pu compenser les pertes, qui se sont aggraves de sicle en sicle, qui sont presque irrparables dans les rgions de lintrieur, plus sches et plus peuples de btail que le littoral. En plaine et sur les pentes douces, la disparition de la vgtation naturelle donne aux hommes les terrains de culture qui leur sont ncessaires. Elle a ailleurs des consquences fcheuses. Pourtant il faut se garder de les exagrer. Nous ne pensons pas que les forts aient une grande inuence sur la formation des pluies(2). Elles ne paraissent pas favoriser autant quon la dit lalimentation des sources. Les arbres arrtent une bonne partie de leau du ciel que reprend lvaporation produite par le soleil ou par le vent. Quant celle qui parvient au sol, elle est assurment moins expose svaporer que dans les surfaces dcouvertes, mais elle est souvent accapare par le terreau et par les mousses, qui sen imbibent, par les racines des arbres, auxquelles elle suft peine dans beaucoup de lieux de lAfrique septentrionale. La terre en absorbe beaucoup moins que la fort nen reoit(3). Ce qui est certain, cest quen pays de montagne, le revtement du sol, fort ou broussaille, attnue beaucoup le ruissellement. A cet gard, le dboisement a t un mal : personne ne saurait le contester. On peut cependant en diminuer les inconvnients et les dangers, en tablissant sur les pentes des terrasses
158 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. superposes, portant des cultures. Les anciens ont souvent pratiqu ce mode damnagement des sols accidents. Des remarques qui prcdent, nous pouvons conclure que, dans lantiquit comme de nos jours, il y avait en Berbrie de vastes rgions dnudes, o la constitution du sol et le climat ne se prtaient pas la vgtation arbustive. Il y avait aussi dans cette contre des forts tendues. Elles taient probablement plus nombreuses quaujourdhui(1). Dans quelle mesure ? nous lignorons. Le dboisement avait commenc ds cette poque, mais ses effets, funestes sur les terrains montagneux, furent combattus en maints endroits par le travail de lhomme.
____________________ 1. Actuellement, les forts couvrent 2 800 000 hectares en Algrie, dont 2 000 000 pour le Tell, soit 15 16 p. 100 de la supercie de cette rgion. Il faut dire quen bien des lieux, ce quon appelle fort nest quune humble broussaille. En Tunisie, la supercie de forts est denviron 500 000 hectares, peine 5 p. 100. En France, la proportion est de 18,2 p. 100, en Allemagne, de 23 (Brunhes, la Gographie humaine, p. 418), mais il sagit de vraies forts.
CHAPITRE V
160 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. riz, qui na t introduit dans lagriculture mditerranenne quau moyen ge(1). Dans lAfrique du Nord, ce sont surtout les sols argilocalcaires (marnes) et silico-calcaires qui conviennent aux crales(2). Les premiers constituent des terres fortes, exigeant un labeur intensif ; les autres, des terres lgres, faciles travailler, absorbant et conservant bien lhumidit, dont lagronome romain Columelle a pu dire : En Afrique, en Numidie, des sables friables lemportent en fertilit sur les sols les plus robustes(3). La distribution des couches de phosphate de chaux est importante au point de vue agricole. On sait quelles reprsentent des sdiments, dpaisseur variable, qui se sont accumuls le long danciens rivages lpoque tertiaire, dans la priode ocne, et o abondent les restes de grands poissons, les coprolithes, les coquilles de mollusques, etc.(4). Lrosion a attaqu
____________________ nant let relations du chrtiens avec les Arabes de lAfrique septentrionale, p. 221 ; Lacroix, dans Rev. africaine, XIII, 1869, p. 166-7 et 314. Pour la canne sucre Mas Latrie, 1. c., p. 218 ; Lacroix, l. c., p. 167 (conf. Berbrugger, Rev. africaine, VI, 1862, p. 116-9). 1. Movers (die Phnizier, II, 2, p. 411, note) semble dispos faire venir le mot latin aryza (riz) du berbre aruz . Mais le terme rouz, dont les Berbres se servent, est un mot quils ont emprunt aux Arabes, et oryza est videmment une transcription du grec. Un passage de Strabon (XVII, 3, 23), relatif loasis dAugila, au Sud de la Cyrnaque, se lit ainsi : . Mais dire que la scheresse est une condition de la culture du riz est une absurdit. Le texte est donc altr; voir dans ldition de Mller, p. 1044, les diverses corrections proposes (conf. le mme, dition de Ptolme, n. p. 671). 2. Les terrains siliceux qui stendent sur la majeure partie de la rgion littorale, dans la province de Constantine et le Nord de la Tunisie, manquent de calcaire et ne sont point propices la culture des crales, si on ne les amende pas. Certains sols, comme ceux de la plaine voisine dOran, de quelques plaines du centre de la province de Constantine, sont rendus infertiles par leur forte salure. 3. De re rustica, 1, prface : In Africa, Numidia putres arenne fecunditate vel robustissimum solum vincunt. Conf. le mme, II, 2. 25 : Numidiae et Aegypto, ubi pterumque arboribus viduum solum frumentis seminatur. Atque eiusmodi terram pingnibus arenis putrem, veluti cinerem solutam, quamvis levissimo dente moveri satis est. Pline lAncien (XVII, 41) parle des terres du Byzacium, o, aprs les pluies, le travail de l charrue se fait trs facilement. 4. Rappelons ce propos un passage assez curieux de Pomponius Mla (1, 32) : Interius ( lintrieur de la Numidie) et longe satis a littore, si dem rescapit, mirum
LES CONDITIONS DE LEXPLOITATION DU SOL. 161 ces dpts en beaucoup dendroits, en a charri dinnombrables parcelles, lments de fertilit quelle a mls au sol des valles et des plaines. Il est curieux dtudier, crit un gologue(1), la rpartition des ruines romaines [en Tunisie] ; on constate que les raines dexploitations agricoles sont tout particulirement nombreuses sur les marnes de locne, qui accusent toujours une teneur notable en phosphate de chaux . Les principaux gisements de phosphate aujourdhui connus se trouvent au Sud-Ouest de Kairouan ( Sidi Nasser Allah) ; entre le Kef et Tbessa et dans le voisinage de cette dernire ville ; louest de Gafsa, sur une longueur dune soixantaine de kilomtres; au Sud du pays des Nmenchas (djebel Ong) ; dans la rgion de Souk Ahras; dans la Medjana (au Sud-Ouest de Stif) ; aux environs dAumale, de Berrouaghia, de Boghari. Mais ltendue des sols gologiquement fertiles surpasse celle des terres o la culture des crales peut se faire dans des conditions favorables. Une tranche de pluie de 35 40 centimtres est en gnral considre comme un minimum ncessaire pour le succs des rcoltes. Or, daprs un calcul approximatif, il ny aurait gure, en Algrie et en Tunisie, que 18 millions dhectares recevant 0 m. 40 de pluies annuelles(2) : cest peu prs le tiers de la France. Pour suppler par lirrigation au manque ou aux caprices des prcipitations atmosphriques, il faudrait disposer de rserves deaux, supercielles et souterraines, bien plus abondantes quelles ne le sont en Berbrie. On value environ 220 000 hectares la surface totale des terres irrigues actuellement en Algrie et en Tunisie(3), et si de futurs travaux
____________________ ad modum spinae piscium, muricum ostrearumque fragmenta, saxa adtrita, uti solent, fuctibus et non differentia marinis, inxae cautibus anchorae et alia eiusmodi signa atque vestigia effusi olim usque ad en loca pelagi in campis nihil alentibus esse invenirique narrantur. Conf. Strabon, XVII, 3, 11. 1. Pervinquire, dans Revue scientique, 1905, II, p. 353. Voir Bernard et Ficheur, dans Annales de Gographie, XI, 1902, p. 363. 2. Saurin, lAvenir de lAfrique du Nord (Paris, 1896), p. 48. 3. Bernard, dans Annales de Gographie, XX, 1911, p. 411.
162 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. hydrauliques, inspirs par les exemples de lantiquit, lvent ce chiffre, ce ne sera pas de beaucoup : peut-tre du double. Lirrigation fait prosprer des cultures arbustives ou marachres relativement peu tendues; elle nest possible quexceptionnellement pour les vastes champs o lon sme les crales. Aussi ce mode dexploitation est-il trs alatoire dans des rgions o la nature des terres sy prterait fort bien, par exemple dans le centre et le Sud de la Tunisie. Mme dans les pays qui conviennent aux crales par la constitution du sol et le climat normal, on doit compter avec les scheresses, trop frquentes durant la saison des pluies et particulirement graves lpoque des semailles et au printemps(1). Il en rsulte que les rcoltes sont bien plus incertaines et dun produit beaucoup plus variable que dans lEurope centrale(2). Les pluies cessant ou devenant rares en mai, parfois en avril, et les chaleurs brusques qui surviennent alors nuisant la bonne formation des grains dans lpi, il est ncessaire de semer de bonne heure, an de moissonner tt. Mais, pour labourer et semer, il faut que le sol, durci pendant lt, soit amolli par les pluies, qui tardent souvent en automne. Ajoutons que cette saison dautomne est celle o il est le plus difcile de trouver de la nourriture pour las bufs de labour. On peut, il est vrai, remdier, dans une certaine mesure, ces conditions dfavorables, cultiver mme en crales des rgions o la tranche de pluie sabaisse au-dessous de 0 m. 35, o elle natteint gure que 0 m. 25. Lagriculture antique a pratiqu les labours prparatoires, excuts au cours dune anne de jachre : ils facilitent labsorption de leau dans le sol, lempchent de svaporer, dtruisent les herbes qui lpuiseraient. Il est ainsi possible de semer sans attendre les pluies, ds la n
____________________ 1. Voir plus haut, p. 45-46. , 2. Par contre, la trs grande raret des pluies dt permet de faire dans de meilleures conditions la moisson et le battage.
LES CONDITIONS DE LEXPLOITATION DU SOL. 163 de septembre ou le dbut doctobre. En semant clair dans les pays secs, on mnage lhumidit qui sest emmagasine pendant la jachre et que des plantes trop serres tariraient vite(1). Dans une bonne partie de lAfrique du Nord, proximit du littoral et de basses altitudes, la douceur du climat en hiver(2) permet aux crales de poursuivre leur croissance et de parvenir rapidement maturit(3). Mais, dans les hautes plaines de lintrieur, par exemple dans la rgion de Stif, le froid retarde la vgtation et, aprs quelle est partie, les geles printanires peuvent lui tre funestes. Les mauvaises herbes (folle avoine, chiendent, etc.) abondent et se dveloppent vigoureusement(4). Enn, au printemps, le siroco cause parfois de graves dommages. De toutes les cultures mridionales, disent MM. Rivire et Lecq(5), cest incontestablement celle des crales qui est le moins bien adapte au climat mditerranen. Cette afrmation est plus vraie encore pour le bl que pour lorge, qui craint moins la scheresse et met un mois de moins mrir : elle doit donc tre prfre au bl dans les pays o il ne pleut gure, dans les annes o lon est forc de semer tard.
____________________ 1. Voir Bernard, l. c., p. 412 et suiv. 2. Il ne faut cependant pas oublier les refroidissements nocturnes : voir plus haut, p. 41. 3. Conf. Pline, XVII, 31 : Est fertiles Thracia frugum rigore, nestibus Africa et Aegyptus. 4. Rivire et Lecq, Manuel de lagriculteur algrien, p. 702 ; Battandier et Trabut, lAlgrie, p. 49 ; Trabut et Mars, lAlgrie agricole en 1906, p. 110. Conf., pour lantiquit, Corippus, Johannide, II, 299-303. Columelle et Pline donnent, il est vrai, des indications contraires. Columelle. II, 12. 3 : .... Aegypti et Africae, quibus agricola post sementem ante messem segetem non attingit, quoniam caeli condicio et terrae bonitas ea est, ut vix ulla herba excat, nisi ex semine iacto, sive quia rari sunt imbres, seu quia qualitas humi sic se cultoribus praebet. Pline, XVIII, 186 : In Bactris, Africa, Cyrenis... a semente non nisi messibus in arva redeunt, quia siccitas coercet herbas, fruges nocturno, tantum rore nutriente. On voit quil sagit ici des rgions sches de lAfrique. Mais, mme pour ces rgions, les assertions des deux auteurs que nous verrons de citer ne sont pas conformes la vrit. 5. Cultures du Midi, de lAlgrie et de la Tunisie, p. 77.
164 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. Malgr les risques quelle comporte, la culture des crales a pris une .grande extension en Berbrie lpoque antique. Nous ne savons gure comment elle sy est tablie et propage. La lutte contre la fort et le marais dut tre moins pnible quen Gaule(1) : les sols marcageux sont assez peu nombreux(2) et nous avons vu que beaucoup de terrains ne sont pas favorables la vgtation arbustive(3). Mais il fallut sattaquer la broussaille, qui est souvent trs dense et trs tenace, surtout dans les bonnes terres(4). Lidentit des conditions naturelles et quelques tmoignages explicites(5) permettent de croire que les rgions o lon cultivait les crales taient peu prs les mmes quaujourdhui. Nous mentionnerons surtout : les plateaux du Maroc occidental, o stendent en vastes nappes les terres noires, connues sous le nom de tirs, et o des terres rouges sont fertiles aussi ; la plaine de Sidi bel Abbs ; des espaces, dailleurs assez restreints, dans les rgions de Sada et de Tagremaret ; le plateau de Tiaret et le Sersou ; les plaines de la Medjana, de Stif et celles qui sont situes au Sud de Constantine, de Guelma, de Souk Ahras ; les plaines de Ghardimaou et de la Dakhla, traverses par la Medjerda ; le plateau central tunisien et les va1les environnantes ;
____________________ 1. Voir Jullian, Histoire de la Gaule, I, p. 103. 2. Pour les plaines voisines du littoral, voir plus haut, p. 6. Il y a des raisons de croire que les anciens ont dessch le lac Halloula, au Nord-Ouest de la plaine de la Mitidja : Gsell, Atlas archologique de lAlgrie, f 4, n 56. Il est bien plus douteux quils aient mis sec le lac Fetzara, au Sud-Ouest de Bne : voir ibid., f 9, n 25. Dans cette dernire rgion, des marais furent desschs au second sicle de notre re, mais peuttre seulement pour tablir une route : Cagnat, dans Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 380 et 381. Dans la Tunisie centrale, linscription dAn el Djemala-nous montre des colons demandant des concessions de terres marcageuses, an de les planter en arbres fruitiers : Carcopino, dans Mlanges de lcole de Rome, XXVI, 1906, p. 308 (conf. p. 370). 3. P. 140 et suiv. 4. Conf. saint Augustin, Quaest. in Heptateucham, II, 2 : Sicut solel uber terra, etiam ante utilia semina, quadam herbarum quamvis inutilium feracitate laudari, : Le mme, Contra Faustum, XXII, 70 : ... agricolae quam terram viderint quamvis inutiles, tamen ingentes herbas progignere, frumentis aptam esse pronuntiant. 5. Nous les indiquerons quand nous tudierons lagriculture carthaginoise et lagriculture romaine.
LES CONDITIONS DE LEXPLOITATION DU SOL. 165 une partie du littoral oriental de la Tunisie, au Sud du golfe de Hammamet, au Nord et autour de Sousse. La plupart des pays que nous venons dnumrer sont des plaines, hautes ou basses. Ailleurs, dans les rgions montagneuses, Rif, grande et petite Kabylie, Khoumirie, Aurs, etc., des valles se prtent la culture des crales, mais les supercies disponibles sont en gnral peu tendues. Larboriculture a t autrefois et redeviendra sans doute trs orissante en Afrique. Elle peut russir sur des terres mdiocrement favorables aux crales. En premier lieu, dans les pays de montagnes, pluies abondantes, mais sol pauvre : comme la vgtation naturelle des forts, certaines espces fruitires sen contentent. Les sources, nombreuses dans ces rgions, servent en t ou durant les priodes sches de lhiver des irrigations, ncessaires aux jeunes plants et utiles aux arbres adultes. Cependant les arbres fruitiers, surtout lolivier, le guier, lamandier, supportent assez bien de longues scheresses(1). Leurs racines puissantes vont chercher lhumidit qui sest maintenue dans les profondeurs du sol ; alors que le soleil a dessch la crote suprieure. Cette rserve existe en quantit sufsante, mme dans des pays o la tranche de pluie ne dpasse gure 0 m, 25. Si, par lamnagement habile des eaux disponibles, on sy procure le liquide ncessaire larrosage des jeunes sujets, on peut y crer de vastes vergers, rcoltes presque assures. Telle fut, dans lantiquit et mme plus tard, la cause de la prosprit de la Tunisie orientale et mridionale, du pays des Nmenchas, du Hodna. Il est naturel que les centres de quelque importance sentourent darbres fruitiers, dont les produits servent surtout la consommation locale. Aujourdhui, encore, bien des villes de
____________________ 1. Il faut excepter les espces ppins, qui craignent les chaleurs sches, et aussi les cerisiers,el les pruniers.
166 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. lAfrique septentrionale sont pares dune ceinture de beaux jardins(1). Il en fut de mme au moyen ge, comme lattestent les gographes arabes, et sans doute aussi dans lantiquit ; on sait que les vergers de Tlemcen ont succd ceux de Pomaria. Enn, dans les oasis du Sud o lirrigation permet la culture, de nombreux arbres fruits poussent sons le couvert des palmiersdattiers, assez chtivement et au prix dun travail acharn. Seul, le dattier, probablement indigne au Sahara(2), a une vritable valeur conomique, que les anciens nont pas nglige(3). Dans la Berbrie proprement dite, les deux espces principales sont la vigne et lolivier, qui y existent ltat sauvage depuis les temps les plus reculs(4). Des olastres se rencontrent
____________________ 1. Ttouan, Fez, Sefrou, Mekns, Demunt, Bebdou, Miliana, Mila, Msila, Ngaous, etc. 2. Cosson, le Rgne vgtal en Algrie, p. 52. De Candolle, Origine des plantes cultives, p. 240-2. Fischer, Die Dellelpalme, dans Petermanus Mitteil., Ergnzungsheft, LXIV (1881), p. 2. Il convient dajouter que lon na aucune preuve de lexistence actuelle de dattiers vritablement sauvages dans le Sahara. 3. Hrodote, IV, 172, 182, 183. Thophraste, Hist. plant., II, 6, 2 ; IV, 3, 5. Pline. V, 13 ; XIII, 20 (o il est question des dettes qui ne se conservent pas et doivent tre consommes sur place) ; XIII, III ; XVIII, 188. 4. Dans lantiquit, des oliviers sauvages (olastres) sont indiqus en divers lieux : Pline, V, 3 (prs de Lixus, sur la cte occidentale du Maroc) ; Ptolme, IV, 3 ; Salluste, Jug., XLVIII, 3 (rgion de loued Mellgue) ;Table de Peutinger (Ad Oleastrum, entre Sfax et Gabs) ; Corippus, Johannide, VI, 573 (au Sud-Est de Gabs) ; Priple de Scylax, 110, dans Geogr. gr. min., 1, p. 87 (le de Djerba) ; inscriptions dHenchir Mellich, dAn Ouassel et dAn el Djemala, epud Toutnin, Inscription dHenchir Mettich, p. 8 (III, 10-11), et Carcopino, Mlanges de lcole de Rome, XXVI, 1906, p.370 (Tunisie centrale). Conf. saint Augustin, Contra Faustam, XXII, 70 : Agricolae... quem monttem oleastris silvescere adspexerint, oleis esse utilem culture accedente non dubitant. Battandier, Flore de lAlgrie, Dicotyldones, p. 581 ; Aucune plante ne peut, daprs sa dispersion actuelle, tre considre comme indigne en Algrie plus juste titre que lolivier, qui constitue notre espce forestire la plus gnralement rpandue, en dehors de toute action de lhomme. Conf. Fischer, Der Oelbaum, dans Petermanns Mitteil., Ergnzungsheft CXLVII (1904), p. 4, 5, 8. On peut cependant se demander si une partie de ces olastres ne sont pas des de noyaux provenant doliviers cultivs, noyaux que les oiseaux auraient transports. La vigne, bien nettement caractrise, a t trouve dans des dpts quaternaires en Algrie (Battandier et Trabut, lAlgrie, p. 20), comme en Europe (de Saporta et Marion, lvolution du rgne vegtal., II, p. 179 ; en Italie, ds le pliocne). Des textes anciens mentionnent des vignes sauvages. Telles taient sans doute celles du cap Spartel, qui valurent ce promontoire le nom dAmpelusia, (, d, vigne) traduction
LES CONDITIONS DE LEXPLOITATION DU SOL. 167 peu prs partout, fort loin dans lintrieur des terres(1), et nattendent que la greffe pour donner dexcellents produits. Lolivier cultiv vient, sans avoir besoin dengrais, sur les sols les plus pauvres, sauf sur les terrains marcageux(2). Il peut fructier des altitudes assez hautes, plus hautes mme quon ne le dit dordinaire, puisque nous trouvons des restes de pressoirs antiques plus de 1000 mtres(3). Cependant il se ressent des froids vifs et persistants de lhiver, des geles tardives et rptes du printemps. Au contraire, la chaleur, pourvu quelle ne soit pas excessive(4), semble exercer une inuence heureuse sur la teneur des fruits en huile : on a constat que les mmes
____________________ grecque dun mot indigne ayant, nous dit-on, la mme signication (kts) : Pomponius Mla, I, 25 ; conf. Strabon, XVIl ; 3, 2, et Ptolme, IV, 1, 2. Telles taient peut-tre aussi ces vignes de la Maurusie (Maroc actuel), au sujet desquelles Strabon (XVII, 3, 4) donne des indications dont il ne se porte pas garant : deux hommes pouvaient peine en treindre le tronc et les grappes avaient une coude de longueur. Les Lixites, habitants de lAtlas, ce nourrissaient, dit Pausanias (I, 33, 5), du raisin des vignes sauvages ( ). Pline (XII, 133 ; conf. XXIII, 9) parle du produit de la vigne sauvage dAfrique, qui servait des usages mdicinaux ; on lappelait massaris. Un trait faussement attribu Aristote (De mirabilibus auscultationibus, 161) signale une espce de vigne qui existait en Libye et quon appelait vigne folle : elle portait presque dans le mme temps des fruits mrs, verts et en eur. Ctait probablement une vigne sauvage. La vigne pousse encore ltat sauvage dans beaucoup de lieux de la Berbrie : Battandier et Trabut, lAlgrie, p. 20-21 ; Eugler, apud Helm, Kulturpazen und Hausthiere, p. 89 de la 6e dition. Il faudrait savoir, il est vrai, sil sagit de vignes vritablement sauvages, ou de pieds issus de ppins pris des plants par des oiseaux : sur les caractres distinctifs de la Vitis silvestris et de la Vitis vinfera (vigne cultive), voir Stummer, Milteilungen der anthropologischen Gesellschaft (Vienne), XLI, 1911, p. 283et suiv. Dans lAfrique du Nord, la Vitis vinifera peut-tre t introduite par les Phniciens. 1. On en trouve en plein Sahara : Schirmer, le Sahara, p. 190. Dans lAhaggar, lolivier sauvage est Appel aleo, nom qui nest sans doute que le mot latin olea (olivier cultiv) : indication de M. Basset, daprs le P. de Foucauld. 2. Rivire et Lecq, Manuel, p. 353. Conf. Columelle, De arboribus, 17, 1. 3. Voir plus haut, p.88, n. 6. Selon une opinion rapporte par Thophraste (Hist. plant., VI, 2, 4 ; conf. Pline, XV, 1), lolivier ne crotrait pas plus de trois cents stades de la mer (55 kilomtres). Dautres indiquaient une distance plus grande. Columelle, V, 8, 5 : Hane arborem plerique existamant ultra miliarium sexagesimum (prs de 90 kilomtres) a mari aut non vivere, aut non esse feracem. Sed in quibusdam locis recte valet. On rencontre dans lAfrique du Nord des oliviers bien plus loin du littoral. 4. Conf. Pliine, XV, 4 : Fabianus negat provenire in frigidissimis oleam, neque in enlidissimis. Goponiques, IX, 3 : lair chaud et sec est ncessaire lolivier, comme cela se voit en Libye et en Cilicie.
168 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. varits sont plus riches en matires grasses en Afrique quen France, et dans les stations du Sud que dans celles du Nord(1) . La vigne cultive prospre admirablement dans les rgions climat tempr, voisines de la mer. A lintrieur ; elle peut tre trs prouve par des geles survenant au printemps, alors quelle a dj commenc bourgeonner(2). Le guier et lamandier paraissent tre indignes aussi en Berbrie(3). Le premier de ces arbres ne souffre ni du froid, ni de la scheresse ; il accepte tous les terrains et slve de hautes altitudes (1200 mtres en Kabylie), Lamandier est de mme trs rustique(4) et ne redoute gure, en dehors du littoral, que les froids printaniers. Parmi les cultures lgumires, celle des fves convient particulirement lAfrique du Nord(5). Cette plante craint peu la scheresse, grce ses racines trs longues. De plus, par la qualit quelle a de xer lazote de lair, elle constitue un vritable engrais et prpare le sol recevoir des crales; il en est de mme, du reste, des autres, lgumineuses.
____________________ 1. Battandier et Trabut, lAlgrie, p. 80. conf. Fischer. l. c., p. 30-40. 2. Dautre part, la culture de la vigne prsente des risques dans les rgions o rgnent de trs fortes chaleurs lpoque de la vinication (par exemple dans la valle du Chlif). La fermentation sy fait dans de mauvaises conditions, moins quon emploi des procds de rfrigration, inconnus des anciens. 3. Pour lindignat du guier dans les pays mditerranens, voir Engler, apud Helm, l, c., p.97-98. Le guier cultiv descend certainement du guier sauvage : de Candolle, Origine des plantes cultives, p. 236. Lamandier abonde ltat sauvage (avec des amandes toujours amres) dans de nombreuses montagnes de lAlgrie. Cosson (le Rgne vgtal en Algrie, p. 26) dclare quil est manifestement indigne . Battandier, Flore de lAlgrie, Dicotyldones, p. 206 ; Il parait rellement spontan sur divers points. 4. Conf. Columelle, V, 10, 12 ; Palladius, Agric., II, 15, 7. 5. Il est possible que cette plante soit indigne en Berbrie. Pline (XVIII, 121) mentionne en Maurtanie une fve sauvage : (Inba) nascitur et sun sponte plerique in locis, item in Mauretania silvestris passim, sed praedura et qune peroqui non possit. On trouve encore dans le Sersou une fverole qui parait tre spontane : voir Trabut, dans Bull, de la Socit dhistoire naturelle de lAfrique du Nord, 1911, p. 116-122. Nous devons toutefois observer que le nom berbre de la fve, ibiou, plur. Ibaouen (en dialecte zouaoua), nest nullement un Indien dune trs haute antiquit, comme de Candolle (p. 256) semble dispos le croire ; il vient du mot latin faba ; Stummu, dans Zeitschrift fr Assyriologie, XXVII, 1912 ; p. 122 et 126.
II Pour llevage comme pour lagriculture, il faut tenir compte de la rpartition des pluies. Dans les pays o la moyenne annuelle dpasse 0 m. 35, et lorsque les chutes deau ont lieu sans trop dirrgularit, les conditions dexistence du btail sont bonnes pendant une grande partie de lanne. En dcembre, ds novembre mme quand les pluies sont prcoces, le sol se couvre dun talus dherbes naturelles, gramines et lgumineuses, dont beaucoup plaisent aux troupeaux. Elles sont plus savoureuses et plus nutritives dans les rgions leves, telles que les montagnes du Nord du dpartement de Constantine, les hautes plaines de Stif et de Tiaret. Mais elles se dveloppent mieux dans les parties basses du littoral, o le climat est plus doux. Aux hautes altitudes, le froid ralentit la vie des plantes; les chutes de neige empchent le btail de patre; la rigueur de la temprature et surtout les geles nocturnes font de nombreuses victimes. A partir du mois de juin, le soleil grille les pturages que nhumecte plus la pluie, et son action peut tre hte par des coups de siroco. En juillet. Parfois en aot, le btail salimente encore, tant bien que mal, avec les herbes dessches et les chaumes. Mais, entre le mois daot, et la n de novembre environ, la campagne ne lui fournit presque rien, sauf sur des terres o lhumidit est maintenue par des irrigations articielles, et dans les forts o les arbres protgent le gazon coutre les ardeurs du soleil. Pendant cette priode critique, il est en gnral ncessaire de nourrir au moins le gros btail avec des rserves. Dans les pays de steppes, cest--dire dans le Sud de la Tunisie, dans une partie des hautes plaines de la province de Constantine, dans celles des provinces dAlger et dOran, dans le
170 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. Dahra marocain ( lEst de la Moulouia suprieure), dans la zone intrieure des plateaux qui stendent entre lOcan et lAtlas, les pluies, peu abondantes et irrgulires, font cependant pousser une vgtation chtive, compose de gramines et de salsolaces. Lalfa vient sur les sols calcaires(1), le drinn sur les dunes, larmoise blanche (chih des indignes) dans les dpressions limoneuses ; le guettaf est surtout rpandu dans lEst, sur les terres sales. Le btail ne se nourrit pas dalfa, il mange de larmoise quand il na pas autre chose se mettre sous la dent, mais il recherche le guettaf et les petites herbes qui viennent sintercaler entre lalfa et le chih(2). Il y a donc en hiver, dans ces rgions, dutiles pturages, moins souvent ensevelis sous la neige que les montagnes leves du Tell. Mais ils spuisent vite : ce qui ncessite le dplacement frquent des troupeaux, quexigent aussi la raret et le peu dabondance des points deau. Le btail doit subir le froid sans abri, car des tables limmobiliseraient. Aprs la saison des pluies, la vgtation est encore entretenue pendant quelque temps par des roses, que provoque un rayonnement nocturne trs intense. Mais, en t, leau manque dans les steppes, le sol ne donne plus gure de nourriture; les maigres herbes qui le tapissaient en hiver nont pas pu tre fauches pour constituer des rserves. Il faut donc que les troupeaux se transportent ailleurs, soit dans les montagnes du Sud, o ils ne trouvent pas toujours lalimentation liquide et solide dont ils ont besoin, soit plutt dons le Tell. Enn, la lisire septentrionale du Sahara offre et l, dans la saison hivernale, des pturages, vite puiss. Les bufs ne peuvent tre levs que dans les rgions pluies abondantes et pturages riches. Ils se plaisent surtout
____________________ 1. Lalfa est le spartum africanum de Pline (XIX, 26 ; XXIV, 65), sorte de jonc, propre un sol aride, qui est en Attique de taille exigu et ne sert rien. 2. Battandier et Trabut, lAlgrie, p. 115.
LES CONDITIONS DE LEXPLOITATION DU SOL. 171 dans les pays montagneux, o les herbes sont nes, o la vgtation se conserve plus longtemps quailleurs, grce aux nombreux suintements des eaux souterraines et au couvert des forts. Ils sont nombreux au Maroc, chez les Zemmours et les Zaanes, dont les territoires sont parcourus par loued Bou Regreg et ses afuents; dans la pointe Nord-Ouest du Maghrib (entre Tanger et loued Sebou) ; dans les rgions dAumale et de Boghar ; dans le Nord-Est de la province de Constantine (pays de Guelma, de Jemmapes, de Bne, de Souk Ahras) ; dans le Nord de la Tunisie. Le cheval a besoin de moins dhumidit et peut mme vivre dans la steppe. Les pays qui produisent aujourdhui les plus beaux sujets sont, au Maroc, la province dAbda (au Sud-Est de sa) ; en Algrie, les rgions de Sebdou, de Draya, de Frenda, dAmmi Moussa, de Tiaret, de Chellala, de Boghar, dAumale, les hautes plaines de la province de Constantine (Medjana, rgions de Saint-Arnaud, de Chteaudun-du-Rummel, dAn Mlila, de Batna, de Khenchela, de Tbessa), le bassin du Hodna ; en Tunisie, les environs du Kef, les plaines de Kasserine et de Friana. Le mouton saccommode naturellement fort bien des pturages du Tell(1), et il ne faudrait pas que lexpression banale pays du mouton , par laquelle on dsigne les steppes de lintrieur de lAlgrie, t croire quelles soient les terres qui lui conviennent le mieux. Ce qui est vrai, Cest quelles doivent surtout cet animal leur valeur conomique, dailleurs trs mdiocre. Sur de vastes espaces o leau est rare et o les dplacements simposent, le mouton peut rester jusqu quatre jours sans boire et accomplir de longues marches. Il recherche les herbes sales et accepte les eaux magnsiennes, frquentes dans les steppes.
____________________ 1. Sauf dans les pays de froid humide.
172 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. Si les chvres sont trs nuisibles par la voracit avec laquelle elles broutent les bourgeons, les corces et mme les rameaux des jeunes arbres, elles savent, quand il le faut, se contenter des plus maigres pturages, des plus misrables broussailles. Elles supportent au besoin la soif pendant plusieurs jours, comme les moutons, et elles rsistent bien aux intempries. Trs proliques, elles rendent de grands services par leur lait, leur viande, leur poil et leur peau. Un des grands obstacles au dveloppement de llevage fut, dans lantiquit, labondance des fauves, dont le nombre diminua beaucoup lpoque romaine(1). III Dans certaines parties de lAfrique septentrionale, on na gure lembarras du choix entre les diffrents modes dexploitation que nous venons de passer en revue. Les steppes ne se prtent qua llevage ; les hautes plaines du centre de la province de Constantine, les terres noires, de lOuest du Maroc, propices aux crales, ne sont pas favorables, en gnral, la bonne venue des arbres ; au contraire, le sol dune partie du centre et du Sud de la Tunisie convient bien larboriculture, tandis que le climat exclut presque les crales ; dans les oasis, on ne peut gure faire que des cultures fruitires. Cependant une classication qui prtendrait rpartir les rgions de lAfrique du Nord en terres crales, en pays dlevage, en pays darboriculture, serait videmment inexacte. Beaucoup dentre elles admettent des exploitations diverses. La monoculture, souvent reproche nos contemporains, ne se justie pas dans une grande partie du Tell. Sous un ciel dor-
LES CONDITIONS DE LEXPLOITATION DU SOL. 173 dinaire clment, lhomme de la campagne peut soccuper dehors pendant presque toute lanne et il dispose de plus de temps que dans lEurope centrale ; par suite des conditions de la vgtation, les travaux ncessaires aux diffrentes cultures schelonnent de manire pouvoir tre excuts les uns aprs les autres par les mmes bras. Les labours pour les crales, dit M. Saurin(1), se font de juillet n novembre; peine les semailles sont-elles termines quil est temps de labourer, de piocher et de tailler les vignes. Aussitt aprs, le cultivateur... coupe ses fourrages et ses moissons (avril n juin). Les travaux de la vendange interrompent, durant une quinzaine de jours, les labours prparatoires aux semailles. Ce ne sont pas seulement les produits quils peuvent tirer du sol qui dterminent les hommes se xer dans telle ou telle rgion. Ils doivent se proccuper davoir leur disposition leau ncessaire leur alimentation et celle des animaux domestiques. Cest auprs des sources que slvent les habitations. Or il y a des pays de lAfrique septentrionale o ces sources sont rares et tarissent mme en t. Ils ne peuvent tre que trs maigrement peupls, si lon ny constitue pas des rserves en emmagasinant les pluies dhiver, si lon ne creuse pas des puits pour atteindre les nappes souterraines : tel est le cas du Sud de la Tunisie et dune bonne partie du Maroc occidental. Il faut tenir compte aussi de la rsistance plus ou moins grande des organismes humains au climat. LAfrique du Nord est presque partout salubre(2). Elle ltait dj autrefois. Hrodote dit que les Libyens sont les plus sains des hommes qui lui soient connus(3). Salluste parle en ces termes des indignes :
____________________ 1. La Tunisie (Paris, 1897), p. 14-15. 2. Surtout le Maroc, o la malaria parait tre trs rare : Fischer, MittelmeerBilder, II, p. 361. 3. IV, 187 ; conf. II, 77. Les Maures, dit lien (Nat, anim., XIV, 5) sont beaux et grands.
174 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. Race dhommes au corps sain, agile, rsistant la fatigue: la plupart succombent la vieillesse, sauf ceux qui prissent par le fer ou par les btes, car il est rare que la maladie les emporte(1). Les Numides, crit Appien(2), sont les plus robustes des Libyens et, parmi ces hommes qui vivent longtemps, ceux dont la vie est la plus longue. La cause en est peut-tre que lhiver est peu rigoureux chez eux et que lt ny est pas dune chaleur torride, comme chez les thiopiens et les Indiens. Masinissa, qui mourut nonagnaire, qui eut, dit-on, un ls quatre-vingt-six ans et montait encore cheval deux ans avant sa mort, fut, pour les Grecs et les Romains, le plus bel exemple de cette vigueur et de cette endurance physiques(3). A lpoque de la domination romaine, les inscriptions latines qui mentionnent des centenaires sont fort nombreuses(4).Certaines rgions sont cependant vreuses, surtout quelques plaines basses, voisines du littoral ; elles devaient ltre plus encore dans lantiquit, du moins dans les parties qui ntaient pas draines par des canaux articiels, car le travail des euves, comblant peu peu les marcages par des apports dalluvions, tait moins avanc quaujourdhui. Nous avons dit(5) que la Mitidja tait alors peu prs inhabitable ; l mme o la terre ferme avait pris la place du marais, la malaria sopposait des tablissements humains. Il en tait sans doute, de mme de la plaine de la Macta et dune partie de celles qui stendent en arrire
____________________ 1. Jug., XVII, 6 ; Genus hominum salubri corpore, velox, patiens laborum ; plerosque senectus dissolvit, nisi qui ferro aut bestiis interiere ; nam morbus haud saepe quemquam superal. 2. Lib., 71. 3. Polybe, XXXVI, 16 (dition Bttner-Wobst). Appien, Lib., 71. Cidron. De senectute, X, 34.Valre-Maxime, IX, 13, ext., 1. 4. Conf., entre autres, Masqueray, dans Bull. de correspondance africaine, I, 1882-3, p. 108 ; Poulle, dans Rec. de Constantine, XXII, 1882, p. 291-6 ; ibid., XXXI, 1897, p. 344-8. Je citerai en particulier cette inscription de Stif (C. I. L., VIII, 20387) ; Pescennia Suturnina vix(it) an(nis) CXXV ; se valente fecit. 5. P. 6-7.
LES CONDITIONS DE LEXPLOITATION DU SOL. 175 de Bne. Lair de la ville dHippone tait assez malsain, du moins en t(1). A lintrieur, il y avait aussi des rgions insalubres. Une inscription dAuzia (Aumale) est lpitaphe dune femme, qui vcut quarante ans sans avoir souffert des vres, sine febribus(2) : ctait, dans cette ville romaine, une exception digne dtre signale(3). Observons aussi que les nombreux travaux hydrauliques tablis par les anciens ont pu et l contribuer la diffusion du paludisme. Au Sud de la Berbrie, les oasis, o les eaux dirrigation scoulent mal, o souvent les rideaux de palmiers empchent le vent de circuler, sont malsaines pour les blancs ; les ngres et les mtis en supportent mieux le climat(4). Des pestes, dont on nindique pas en gnral le caractre exact, sont mentionnes plusieurs reprises, soit lpoque carthaginoise(5), soit lpoque romaine(6). Lune delles, qui clata la n du Ve sicle avant J.-C., parait avoir t propage par des troupes qui lavaient contracte en Sicile(7). Une autre, qui t beaucoup de victimes Carthage au milieu du IIIe sicle de notre re, vint dthiopie et se rpandit dans tout le bassin de la Mditerrane(8). Celle qui svit sous la domination byzantine,
____________________ 1. Saint Augustin, Lettres, CXXVI, 4: aeris morbidi . Augustin y mourut des vres, la n du mois daot 430) : Possidius, Vie de saint Augustin, 29. Conf. Gsel1, Atlas archologique de lAlgrie, f 9, n 59 (p. 5, col. 1). 2. C. I. L., VIII, 9050. 3. Pour les vres dAfrique dans lantiquit, voir encore Celse, Medic., III, 4 ; saint Augustin, Sermons, XIX, 6. 4. Schirmer, le Sahara, p. 251 et suiv. 5. Justin, XVIII, 6, 11 : au VIe sicle, Carthage. Diodore de Sicile, XIII, 114 : la n du Ve sicle, Carthage et dans dautres lieux de lAfrique. Le mme, XV, 24 et 73 : vers 370, Carthage (cette peste fut trs meurtrire). 6. C. I. L., VIII, 9048 (Aumale) ; 18792 (rgion dAn Beda). Comptes rendus de lAcadmie des Inscriptions, 1906, p. 431 (Carthage). 7. Diodore, XIII, 114. 8. Saint Cyprien, De mortalitate, 14 (o il dcrit les effets physiques de la maladie) ; Ad Demetranium, 10. Pontius, Vie de saint Cyprien, 9. Conf. Monceaux, Histoire littraire de lAfrique chrtienne, II, p. 224-5, 303 et suiv. Le martyr Marianus excut Lambse, en mai 259, aurait prophtis, au dire de celui qui raconta sa passion peu de temps aprs, varias saeculi plagas, luem, famem, terraeque motus et cynomiae venena cruciantia (il sagit de mouches venimeuses) ; von Gebhardt, Ausgewhlte Mrtyracten, p. 145.
176 LES CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE. en 543. fut aussi apporte dorient(1). Une autre, signale en 125 avant J.-C., fut provoque par une terrible invasion de sauterelles ; elle stendit en Numidie, dans la province romaine et en Cyrnaque(2). Ces contagions dsastreuses, comme aussi certains tremblements de terre(3), furent des accidents, qui ne causrent que des maux passagers. En somme, lAfrique du Nord est une contre o la vie humaine se dveloppe dans des conditions favorables, pour les autochtones aussi bien que pour les immigrants originaires du rgions tempres de lEurope et de lAsie; o, dordinaire, le climat Affaiblit ni la force physique, ni lintelligence. Ces qualits doivent se dployer presque partout avec vigueur, car le pays nest pas une terre bnie qui dispense libralement ses dons. Nous verrons quune grande partie de ses habitants, non seulement les Carthaginois et les Romains, mais encore beaucoup dindignes, ont fait bon usage des ressources qui soffraient eux, lorsquils ont t libres de travailler en paix, lorsquils ont su quils tireraient de leur travail un prot quitable.
____________________ 1. Corippus, Johannide, III, 343 et suiv. Conf. Parisch, dition de Corippus, p. XVI-XVII ; Diehl, lAfrique byzantine, p. 339. 2. Voir plus haut, p. 136-7 3. C. I. L., VIII, 13362 ( Aunobaris, dans la Tunisie centrale : [templum per ter]rae motum dilabsum . Tremblement de terre en Asie, Rome, en Libye, en 262 de notre re. Histoire auguste, Gallieni duo, V, 4 : mota et libya (mais il nest pas sr quil sagisse de la Berbrie). C. I. L. ; 2480 et 2481 (en 267, Ad Maiores, au Sud de la Numidie) : [post terra]e motum quod patriae, Paterno et Arcesilao co[n]s[ulibus], hora noc[tis, sommo f]essis contigit Ce tremblement de terre parait avoir aussi caus des dgts Lambse : Wilmanus, au C. I. L., VIII, 2571 ; Cagnat, lArme romaine dAfrique, 2e dit., p. 442. Saint Augustin, Sermons, XIX, 6 : en 419, tremblement de terre violent Stif ; pendant quinze jours, toute la population campa dans les champs.
TABLE DES MATIRES TABLE DES MATIRES LIVRE PREMIER LES CONDITIONS DU DVELOPPEMENT HISTORIQUE
CHAPITRE PREMIER. Les rgions naturelles de lAfrique du Nord. 1. LAfrique du Nord ou Berbrie; ses limites, 1-2. II. Rgions naturelles du Maroc, 2. Le Rif, 2. Couloir de Taza, 3. Le Haut: Atlas, le Moyen-Atlas, lAnti-Atlas, 3. Le plateau subatlantique, 3-4. Le Sous, 4. Les oasis du Sud du Maroc, 5. III. LAlgrie, 5. Le Tell, 5-6. Plaines basses voisines du littoral, 6-7. Le Dahra, 7. La grande Kabylie, 7. Massifs ctiers de la province de Constantine, 8. Plaines intrieures du Tell oranais, 8. Haut pays au Sud de ces plaines, 8-9. Valle du Chlif, 9-10. Massif de lOuarsenis, 10. Plateau de Tiaret, 10. Plateau de Mda, 10. Plaines des Beni Slimane, des Aribs et de Boura, 11. Valle de la Soummane, 11. Rgion dAumale, 11. Rgions montagneuses du Tell constantinois, 12; bassins de Constantine et de Guelma, 12. IV. Steppes des provinces dOran et dAlger, 12-13. Bassin du Hodna, 13. Hautes plaines de la province de Constantine et de la Tunisie occidentale, 13-15. V. LAtlas saharien, 15. Djebel Amour, 15-16. Aurs, 16. Djebel Chechar, 16. Pays des Nmenchas, 16-17. Oasis du Sud de lAlgrie, 17. VI. La Tunisie, 18. Massif de la Khoumirie, 18. Les Grandes Plaines de la Medjerda, 18-19. Plateau central tunisien, 19. Chane Zeugitane, 19-20. Tunisie orientale, 20-21. Tunisie mridionale, 21-22. Oasis de la rgion des Chotts, 22, VII. La bordure des Syrtes, 23. Rgion de le Djeffara, 23. Rgion du Djebel, 23-24. Littoral occidental et mridional de la grande Syrte, 24-25. VIII. Manque de cohsion de lAfrique du Nord, 25-26. Dfauts du rgime des rivires, 26-27. Massifs montagneux, habitats de petits groupes sociaux, 27. Valeur ingale des pays plats, 27. Impuissance des Berbres se constituer en nation, 27. Relations trs anciennes entre les habitants de cette contre, 28. Formation de tribus, dtats, 28. Pas dunit politique complte, 28-29. Opposition entre la civilisation et la barbarie, 29.
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CHAPITRE II. LAfrique du Nord dans le monde mditerranen. I. LAfrique du Nord est isole au Sud, 30 ; elle communique difcilement avec le ord-Est du continent africain, 31. Elle appartient au monde de la Mditerrane occidentale, 31-32. La Mditerrane nest pas une barrire, 32-33. La navigation y rencontre cependant divers obstacles, 33. Nature inhospitalire des ctes de la Berbrie, 33-34. Ncessit de ports nombreux pour les marins de lantiquit, 34-35. Difcult de pntrer lintrieur de lAfrique du Nord, 35-36. II. Isolement relatif de la Berbrie, 37. Civilisations et dominations communes cette contre et au Sud-ouest de lEurope, 37-38. LAfrique du Nord trait dunion entre lOrient et lOccident, 38-39. Elle a plus reu que donn, 39. CHAPITRE III. Le climat de lAfrique du Nord dans lantiquit. Importance historique de cette question, 40. Le climat actuel, 41. Chaleur et froid, 41-42. Vents, 42. Siroco, 42-43; autres vents, 43. Saison humide et saison sche, 43-44. Irrgularit des pluies, 45-46. Rgime torrentiel des pluies, 46-47 ; orages de grle, 47. Rpartition ingale des pluies selon les rgions, 47-51. II. Climat de lAfrique du Nord avant lpoque historique, 51. Priode de chaleur humide lpoque quaternaire, 51-52; puis refroidissement, moindre quen Europe, 52-53. Climat lpoque de la civilisation nolithique, 53 ; il parait avoir t peu diffrent du climat actuel, sauf peut-tre dans le Sud, 53-54. Climat du Sahara cette poque, 54-56. III. Climat lpoque historique, 56. Le Sahara tait un dsert, 5658 ; il tait cependant moins difcile traverser quaujourdhui, 58-62 (sans chameaux. 59-61). IV. Preuves dun climat sec dans te Sud de la Berbrie, la lisire du Sahara, 62-66. Indices dune scheresse moindre que de nos jours, 66-70. V. Climat du Tell, 70. Valeur mdiocre des arguments allgus en faveur de lhypothse dun climat plus humide : diminution ou disparition de sources, 70-73 ; dcadence de certaines forts, 73-74 ; existence de llphant dans la Bergerie antique, 74-81. - Prtendues causes dun changement de climat, 81-83. VI. Valeur mdiocre de certains textes qui paratraient indiquer un climat plus sec, 83-84. Arguments en faveur dun climat, sinon identique, du moins trs analogue au climat actuel, 84. Mme rgime des vents, 84-87. La saison sche et les chaleurs de lt, 87-88. La saison dhiver, 88. Scheresses prolonges pendant celte saison, 89-01. Rgime torrentiel des pluies, 91-92. Ingale rpartition des pluies selon les rgions, 92-98. Travaux hydrauliques anciens, 98. Conclusion, 99.
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100-158
159-176
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