Durckheim Karlfried Graf - Mediter PDF
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Durckheim Karlfried Graf - Mediter PDF
VERS
LA VIE INITIATIQUE
MDITER
POURQUOI ET COMMENT
Huitime dition
Le Courrier du Livre
A Maria Hippius
AVANT-PROPOS
PREMIRE PARTIE
MDITER POURQUOI ?
CHAPITRE I
1.
Le malaise essentiel
respiration.
MDITER : PRATIQUER SANS RELCHE
2.
soi.
Mditer veut dire se transformer. Celui qui vivait selon sa seule
nature, tourn avant tout vers le monde contingent, se transforme
en un homme nouveau, consciemment ancr dans son tre essentiel.
Il lui porte librement tmoignage dans le monde par la connaissance,
la cration et lamour.
LA MDITATION : PERCE VERS LTRE ESSENTIEL
3.
CHAPITRE II
1.
Contact de l'tre
2.
Le numineux
3.
La perception du numineux
4.
Lexprience de l'tre
est prouv dans ces expriences nous autorise dire que notre tre
essentiel participe Ltre surnaturel.
La rsistance la plus acharne une totale transformation par
ltre essentiel est celle du moi attach son pch originel . La
chance, la condition mme, de lclosion dans la conscience de Ltre
essentiel est donc lanantissement dun moi retranch sur ses
positions. Devant la destruction, labsurde et lisolement qui le
menacent, lhomme pr-initiatique ne connat que la rsistance. En
face dune situation extrme, lappel la vie initiatique, lui, ralise
le paradoxe daccepter linacceptable : la mort, labsurde et labandon.
Lclosion de Ltre essentiel, dans lexprience de Ltre au-del du
temps et de lespace, implique donc la mort du moi rebelle. Elle peut
tre le fruit dun long travail ou le don dun moment de grce.
La mditation, comme toute vie initiatique, est un constant effort
fait pour situer correctement le moi dans la structure densemble de
la personne. Lorsque le moi profane est le matre du terrain,
lhomme reste ferm son tre essentiel. Quand ce moi est trop
faible, lhomme risque de se perdre, soit dans le profane, soit dans le
grand Tout archaque. La voie initiatique ne vise pas une
dissolution cosmique du moi existentiel, mais lpanouissement,
dans la plnitude de Ltre, source de sa vitalit, dun moi capable de
crer les conditions favorables la perce du Soi.
Chaque fois que nous sommes touchs par ltre essentiel
et non pas seulement dans les grandes expriences de Ltre
lorsque, en dautres termes, souvre la porte du mystre, le
dynamisme de notre essence mtaphysique et mtapsychique se
manifeste en nous. Nous les ressentons comme une aspiration qui
renferme et comble tous les dsirs existentiels et comme une
promesse illuminatrice. Elle est la force dimpulsion qui nous pousse
sans relche la ralisation de notre image inne. Elle engendre une
nouvelle conscience de la tche qui nous incombe imprieusement :
tmoigner en ce monde de Ltre veill en nous. Toute exprience
authentique de Ltre porte en soi la charge dune mtamorphose qui
lui est conforme.
Dans la nuit de lexistence, les expriences de Ltre sont des
phares guidant notre voyage travers les alas de la vie. Grce eux
nous retrouvons toujours notre direction. La ralit quils nous
6.
La conscience sensitive
auparavant pour lui perd de son importance et les choses toutes simples deviennent des moyens de contact avec Itre.
Sur le chemin initiatique, la conscience sensitive suprieure a une
double signification : elle est la fois le but et le chemin vers le but.
Elle concerne la fois le pourquoi et le comment de la mditation. Le
pourquoi, parce que le dveloppement de cette conscience sensitive est
lui-mme, pour celui qui pratique la voie intrieure, un but et une tche
remplir. Le but, en ce sens que lorgane de cette conscience nest pas
un sens ou un organe dtermins mais lhomme qui peroit, tout entier
devenu transparent ITRE. Et elle est aussi linstrument irremplaable
dune mditation appele russir.
DEMEURER DANS LA CONSCIENCE SENSITIVE
7.
8.
Qui est, en fait, celui qui se trouve pris entre les exigences du moi
profane et celles de ltre essentiel ? Qui doit dcider de faire droit
aux unes ou aux autres ? Cette question nest jamais pose et pourtant
la rponse est ncessaire si lon veut suivre en responsable la voie
initiatique, car elle rclame de constantes dcisions de cet ordre. La
rponse est une simple constatation : lhomme personne
consciente et responsable se vit en son centre comme un moi qui
peut et doit faire deux choses : discerner et dcider. Il est linstance
de la connaissance et de la libert.
Lhomme est constamment oblig de dcider, par exemple, sil
peut cder aux pulsions, aux dsirs et aux obligations qui guident son
moi profane ou obir aux exigences opposes de ltre essentiel.
Il existe donc ici un moi distinct aussi bien du moi profane que de
ltre essentiel et qui, en face deux, se pose en instance dcisive. Ce
moi peut tre le surmoi dtermin par la morale, le moi du monde
parental, porteur des lois tablies dans sa socit. Ou bien, oppos
ce surmoi, il est le libre centre de conscience et de dcision o
sexprime un Tout auquel il est subordonn. En partant du point de
vue que lhomme est initialement appel raliser un processus
d'individuation qui donne son image inne une forme existentielle,
on peut considrer ce centre comme linstance qui, peu peu, amne
ce processus la conscience responsable.
Ltape qui fait passer du surmoi moral ce moi plus profond est
dcisive. Elle est lentre dans lordre de la transformation initiatique.
Lveill la voie devra constamment observer sil agit selon la
libert de son tre essentiel ou sil reste domin par son moi, thique
ou pragmatique. Envisager aussi par quels moyens il parviendra
lintgration de son moi existentiel et de son tre essentiel. Le centre
qui nous occupe doit donc renfermer limage directrice de
lintgration, qui est la vocation de lhomme, du moi profane et de
ltre essentiel.
Au-dessus de ce centre, lexprience de Itre fait apparatre
encore, dans la structure fondamentale de la conscience, une
instance suprieure. Devant elle le moi est chaque instant
responsable des choix quil est charg de faire entre le moi profane et
ltre essentiel. Les dcisions prises sont acceptes ou rejetes par
cette instance plus profonde, vritable noyau de la personne, qui
incarne la prsence de Itre divin. A travers elle parlent lesprance
et lexigence de ltre essentiel tendant intgrer le moi profane.
Elle est lexpression de la personne, pleinement accomplie, parvenue
au niveau supra-personnel auquel elle est appele. La vigilance du
centre de discernement et de choix entre Ltre essentiel et le moi
existentiel est ncessaire la prise de conscience du Soi exige par le
progrs sur la voie intrieure. Sans la prsence de ce centre qui veille
au devenir de Ltre essentiel, le mditant se trouvera toujours dans
un tat de tension infructueuse entre la requte essentielle et les
dsirs naturels du moi profane.
DISCERNER ! DCIDER !
9.
Celui qui est une fois accord dprouver rellement en luimme la prsence de Ltre et de suivre, par un constant exercice,
lappel contenu dans cette exprience, accde une relation la
transcendance qui dtermine toute sa vie. Alors que lhomme prinitiatique pour lequel toute ralit accepte est indpendante de son
vcu personnel, situe la transcendance hors de son moi, lveill la
voie prouve Ltre surnaturel au-dedans de lui-mme. Tout dabord
10.
Terre nouvelle
CHAPITRE III
1.
2.
Transcendance immanente
3.
4.
5.
Le don initiatique
CHAPITRE IV
2.
La libration de l'homme
3.
CHAPITRE V
LE PROBLME DE LOMBRE
1.
Lombre
2.
La nature refoule
3.
4.
La rpression du fminin
5.
6.
CHAPITRE VI
LA SOUFFRANCE
1.
2.
Le comportement de lhomme en face des trois angoisses fondamentales de sa vie : la peur de lanantissement, le dsespoir
devant labsurde et la tristesse de lisolement, rvle clairement la
singularit de la relation initiatique la souffrance.
Lhomme pr-initiatique cherche spontanment crer les
conditions dune vie assure, sous le signe du sens et de la protection.
Il existe une chance de tournant vers linitiation au moment o la
recherche de scurit, propre lhomme naturel, est mise en chec et
o il est abandonn, sans chappatoire possible, la destruction,
labsurde, la solitude. Retrouver une vie fconde et une raison
dtre nest alors ralisable que si les bornes dune existence axe sur
la scurit, le sens raisonnable et la protection sont franchies. Elles le
sont quand lacceptation de la souffrance vient prendre la place du
refus naturel de souffrir. Lhomme reconnat alors que cette attitude,
en apparence paradoxale, reprsente sa chance datteindre un tat
qui exige le dpassement du moi naturel. Cest le pas vers la grande
profondeur, peut-tre mme le saut sur le chemin qui mne la
renaissance par lunit avec le Soi, mais qui suppose dabord un
anantissement. Cest le grand meurs et deviens , la formule
fondamentale de toute transformation.
Pour quapparaisse le surnaturel, il faut franchir les limites
naturelles de notre capacit de sentir et de souffrir. Pour que se lve
une lumire jusque-l inconnue, il faut traverser les tnbres. Le
vieil homme, craintif devant la souffrance doit douloureusement
disparatre afin de laisser natre la personne qui ne cherche plus sy
drober et porte tmoignage, travers son moi souffrant, ltre
essentiel transcendant toute douleur.
Sur la voie initiatique, plus la souffrance est grande, plus elle peut
tre fconde. Elle lest mme encore davantage
aussi longtemps quelle nteint ou naltre pas la conscience
lorsquelle porte en elle lanantissement, le mourir et la mort. Plus
une situation ou une souffrance paraissent insupportables lhomme
naturel, plus la chance dune exprience initiatique est proche,
pourvu que soit accepte la rgle du jeu essentielle : accepter
linacceptable. Alors il est possible de progresser dun pas, datteindre
3.
CHAPITRE VII
Dieu comme un tre limit saperoit que plus il approche du mystre plus limage sloigne de sa vue. Et lorsquil croit avoir perdu
Dieu, sil reste fidle au chemin, il en est plus prs quil ne la jamais
t. Il faut quil en soit ainsi car, au fur et mesure des progrs, les
images svanouissent et la voie qui na pas de fin prend la place du
but. Le mouvement exig nest pas linaire. Partant du centre, cest
une croissance vers toutes les directions. Cest en mme temps
lexprience dun infini qui, de toutes parts, sapproche du disciple
cest lanantissement librateur de lhomme dans un infini et
lclosion bienheureuse de cet infini en lhomme.
La structure personnelle issue de cette croissance nest pas une
forme termine en soi, mais une formule dhumanit dont la finalit
est un dpassement de soi-mme sans fin, mais non sans lois. Toutes
les frontires de la conscience naturelle doivent tre franchies
lhorizon de la connaissance rationnelle, les capacits dexprience
des sens et les bornes de lesprit objectif dans la triple unit de ses
valeurs du beau, du vrai et du bien. Dans cet au-del de toutes les
limites de la conscience naturelle souvrent les potentialits dune
conscience surnaturelle transcendante. Sa vision illumine aussi, de la
lumire de la transcendance, ce qui se trouve lintrieur de ces
limites.
Lune des grandes intuitions apportes par la voie intrieure nous
rvle que la transformation, par laquelle lhomme se rapproche de
lunit avec ITRE divin, est avant tout une mtamorphose de la
conscience. La conscience rationnelle, dfinissante, celle qui stablit
et sorganise en concepts, avec la vision et les formes de vie statiques
quelle implique, constitue la rsistance fondamentale une union
avec ltre essentiel que seul un dynamisme vivant rend possible.
Ainsi laccs la transformation ne souvrira que si rgne en nous
une conscience intriorise, non conditionne par des catgories et
des formes fixes, une conscience qui dpasse lobjectivit.
Pourtant il existe, avec le progrs sur la voie, une connaissance
primordiale qui lapprofondit et laccompagne. Elle est la conscience
de Ltre essentiel qui signale au disciple ses arrts et ses erreurs, les
tapes manques sur litinraire qui lui est intrieurement trac. Cet
itinraire intrieur suppose lexistence dune architecture de
Pme et laction dun matre duvre secret qui prpare
CHAPITRE VIII
LA RECHERCHE DU SOI
(benedictio vacui).
CHAPITRE IX
LAMOUR
*
* *
La rponse la question du pourquoi mditer est : le tournant
initiatique. Elle fait de lintime union avec LTRE divin immanent
lessence de lhomme le centre de la vie humaine. Le percevoir et lui
porter tmoignage dans lexistence quotidienne est la finalit de tout
exercice.
*
* *
DEUXIEME PARTIE
MDITER - COMMENT
CHAPITRE I
CONDITIONS PRALABLES
1.
L'attitude gnrale
effort dun exercice ininterrompu. Or, sans lui aucun progrs nest
possible. Il ne sagit naturellement pas dune discipline trangre o
le disciple se soumettrait par bonne volont ou par ambition, par
crainte ou par enthousiasme une autorit extrieure. Il faut que,
par une discipline autonome, lassiduit lexercice soit ici le fruit
dune dcision du disciple prise vis--vis de lui- mme, en pleine
libert. Mme sil se confie la direction dun autre, ses progrs
namneront de relle transformation que si les conseils de son
matre concident avec son propre tre essentiel, sil les accepte
dune volont libre et si la constance dans lexercice est le produit
dune discipline propre et indpendante.
Mais llment dcisif reste ladhsion la loi fondamentale de
toute transformation : le grand meurs et deviens . Il ny a pas
dclosion sans anantissement pralable, pas de renaissance sans
destruction, pas de vie nouvelle sans le mourir. Et ce mourir est
toujours celui du devenu, adversaire du non advenu dont
lavnement est ltape suivante qui importe. Chaque fois quune
situation acquise satisfaisante rassure lhomme, son devenir par
Ltre essentiel est en pril. La vie amne sans cesse, invitablement,
chacun de nous la limite de sa rsistance, au point o il nen peut
plus , o il nest plus capable de supporter une obligation trop
lourde, une souffrance, un chagrin. Cest par le dpassement de
cette limite, qui comprend lanantissement de ses propres
exigences, que souvre lui la porte du mystre. Il ne sagit pas l
dun vnement isol mais de moments qui se rptent et creusent
toujours plus profond. Le courage, la patience sont ici ncessaires. Il
y faut le souffle dune foi inbranlable, grandie dans les expriences
du surnaturel et source de tous les dons. Sans elle la fidlit la voie
reste dans le domaine du rve.
2.
questions suivantes :
Comment puis-je mouvrir ltre essentiel ?
Comment le percevoir ?
Comment laccueillir ?
Comment vais-je me pntrer de sa prsence ?
Comment carterai-je les obstacles qui larrtent (ma volont
propre et lombre) ?
Comment permettre Ltre essentiel de prendre forme, dans ma
vie et travers moi, selon mon mode individuel de perception du
monde. En dautres termes, comment vais-je saisir le monde dans sa
vrit profonde, puis structurer ma vie, et ce monde mme,
conformment cette vrit ?
Il sagit de deux choses : dune part de la rencontre avec Ltre
essentiel comme exprience et, dautre part, du devenir, cest--dire
de la transformation, par ltre essentiel.
Le but de tout exercice mdiatif est de devenir UN avec LTRE divin.
Plus le mditant progresse, plus il devient apte percevoir la voix de
la grande VIE, sy enraciner et vivre par elle son existence, cest-dire prouver, connatre et former le monde dans lequel il vit par
rapport ce divin.
Si la grande transparence est la finalit de lexercice, le mditant
doit donc essayer de dtruire ce qui bloque son chemin et de
favoriser ce qui la rend possible.
3.
La transparence physique
cette transformation lui est donc oppos. Lhomme, par son devenu,
reprsente une de ces rsistances. Hostile au changement, il dfend
ses positions, tient et se tient une forme dtermine. Lorsque lon
pratique la voie par un constant exercice, il ne faut jamais perdre de
vue que cette rsistance nest pas seulement une attitude psychique :
elle est ancre dans le corps. La vie initiatique est une lutte ininter rompue contre cette force dinertie.
La mditation initiatique, et la vie qui lui correspond,
concernent lhomme total, cest--dire aussi son corps. Pour bien
comprendre les conditions qui font chouer ds labord la vie
initiatique, il faut se faire une ide prcise de ce que lon entend par
corps , de la relation de lhomme avec ce corps et de limportance
de celui-ci dans lintgralit humaine.
La conception que lon se fait du sens et de la valeur du corps a
toujours tenu une place importante, dterminante mme, chaque
fois que la voie a t cherche, enseigne et suivie comme le chemin
de lunit avec la vie surnaturelle. Certaines convictions, en Orient
par exemple, et mme dans la gnose occidentale, font du corps le
principal obstacle sur la voie. Le renoncement intrieur au corps
devient alors la condition sine qua non dun progrs intrieur sur la
voie qui mne la lumire. Par son enseignement de lEsprit fait
chair, le Christianisme dfend la position inverse. Le corps est la
forme spatio-temporelle de lesprit (K. Rahner). Malgr cela
lopinion contraire celle du corps ennemi de lesprit domine
largement lglise chrtienne. On commence rviser ce jugement
ngatif et cest un des signes du tournant de notre temps en
faveur dune reconnaissance du corps comme de la forme manifeste
de lesprit.
Lorsquil est question du corps, il faut apprendre distinguer le
corps que lon est du corps que lon a. Suivant langle selon lequel on
le considre soit comme le corps que lon a, soit comme celui que
lon est il y a deux manires de sentir le corps. Au corps que lon
a, on ne sidentifie pas. On le possde et il doit tre votre service et
votre disposition comme un outil. Ses dtriorations concernent la
sant, lefficacit, la capacit de fonctionnement dans le monde.
Quand il est malade, les soins quil rclame sont laffaire du mdecin
dont la science se rapporte au corps que lon a. La tradition venue
ordre. Elle concerne la transparence. Elle est, dans une large mesure,
indpendante de la sant physique, de la jeunesse et de lefficacit
profane. Souvent mme les tres que leur physique fragile et
souffreteux rend moins aptes rsister aux agressions de lexistence
semblent mieux dous pour la transparence du corps, dtermine par
ltre essentiel dont lexprience possible est, finalement, la vocation
de lhomme. La beaut que signifie la transparence se trouve aussi,
comme dans lart, chez des tres gs et malades. Une transparence
accrue dpend de facteurs diffrents de ceux qui agissent sur la sant
physique. Ici la courbe de la vie ne descend pas ncessairement avec
la vieillesse. Il est possible que, jusqu la mort, elle reste ascendante.
Elle peut, dans le mourir mme, atteindre son apoge au moment o
lhomme, abandonnant le corps quil a, acquiert cette transparence
dpouille du moi qui le libre de tous ses liens et louvre la vie
surnaturelle venant lui sans entraves. La laideur menace lhomme
vieillissant qui a manqu le chemin ou la toujours ignor. Cest celui
qui souffre de son ge et en conoit de lamertume. Mais la monte
de la transparence rend lge serein et embellit le visage.
Toute pratique de la voie initiatique est un exercice du corps que
lon est, un exercice dont le but est de crer les conditions qui
laissent la transparence ltre essentiel pntrer en lui. Elle rend
capable de deux choses : pressentir peut-tre mme prouver
travers le langage du corps notre essence immanente et, en elle, ITRE
surnaturel, et donner cette essence la chance de prendre, dans le
corps que lon est, la forme qui correspond notre image inne.
Le commencement de la vie initiatique implique toujours le
changement qui fait reconnatre le corps comme linstrument de la
transparence. Une vigilance critique lgard de cette transparence,
que notre vocation nous assigne, est indispensable au progrs sur la
voie initiatique. La conscience corporelle oriente vers elle doit
dcider des exigences physiques compatibles avec la transparence du
corps que lon est. Cette mme conscience commande le rythme du
sommeil et de la veille, ce que lon doit manger et boire, comme aussi
la somme et la forme des activits physiques. Sur tout cela il nexiste
pas de rgles rigides. Il faut que lveill la voie adapte lui-mme,
avec souplesse, sa conduite corporelle la fois au degr o il se
trouve et au seuil quil doit passer vers lchelon suivant.
CHAPITRE II
1.
La pratique du silence
2.
a) Hara :
Le mot hara vient du japonais et signifie littralement
ventre. Son sens transpos est celui dune disposition densemble
de lhomme dans le corps quil est. Cette attitude, libre de lemprise
du petit moi, est sereinement ancre dans son centre terrestre
(rgion de labdomen et du bassin). Sil possde le hara, lhomme est
capable de faire face, facilement et avec srnit, aux exigences du
monde aussi bien qu celles de la voie intrieure.
Le hara limine les obstacles sur la route des ralisations existentielles comme sur le chemin du progrs intrieur. Il assure le
rythme de la respiration naturelle et le tonus juste, au-del de la
rigidit comme du relchement.
Lexprience nous apprend que la meilleure marche suivre pour
trouver et exercer le centre de gravit juste consiste en ceci : llve
se tient debout, ferme et bien droit, les jambes un peu cartes, les
bras pendant en souplesse le long du corps, le regard vers linfini,
dans la position que sa condition humaine lui confre : debout et
libre, porteur de lumire.
Il est important pour llve de toujours partir de cette position
fondamentale, tout fait naturelle : il repose en soi- mme avec
fermet et, en mme temps, il est reli au monde. Il ne doit pas
penser tout dabord au ventre, la rgion lombaire, etc. Plus tard, en
se tenant dans cette bonne position densemble, il pourra sentir, du
dedans, chaque partie de son corps, en partant de son centre de
gravit et en revenant vers lui.
Lexercice du hara consiste prendre pied dabord consciemment. La sensation dirige vers les pieds, llve prend de plus
en plus conscience de ce quil prouve rellement l o ils sont. Il
sent le poids qui pse sur eux senfoncer plus profondment dans le
sol avec chaque expiration. A travers ses pieds il sent la terre, il sent
son propre poids et le fait porter alternativement sur les talons, les
orteils et la plante des pieds. Il se sent grandir en tendant vers le
haut, depuis la rgion de labdomen et du bassin jusqu la racine des
cheveux. Le sens de lenracinement est celui dune croissance que
rien ne contrarie.
Pour dvelopper le hara, il faut se servir consciemment de la
B. LEXERCICE FONDAMENTAL
CHAPITRE I
ZAZEN
avant tout dans lassise une verticale juste. Il faut se tenir, selon
lexpression du matre Zen, comme si lon voulait enfoncer le sol
avec le sige et percer le plafond avec la tte . Cest lassise dans le
hara, o toute lnergie est ancre dans la rgion de labdomen et du
bassin. Pendant lexercice, le contact avec le sol rend les os du bassin
de plus en plus sensibles et donne limpression doccuper une surface
toujours plus large. Cest un abandon la terre, qui progresse en
profondeur, une union avec cette terre dans laquelle on senracine.
Une vritable prsence du hara vite le risque d'affaissement ou
dvasion dans le relchement intrieur. Il faut, pour se tenir droit,
que le centre de gravit se trouve dans le hara. A son tour, cette
attitude elle-mme affermit le hara lorsquon russit garder une
lgre tension dans le bas- ventre, rpartir le poids du corps
galement sur les cuisses, pendant que le sige stire un peu en
arrire. Lexpression ironique du Zen, propos de cette position est :
Contempler le soleil avec lanus.
La difficult, lorsquon cherche tre l de la faon juste dans
le buste est dviter la crispation des paules. Le dbutant donne
souvent limpression que son corps est suspendu ses paules leves
comme un porte-manteau. Un vritable enracinement au bas du
tronc permet une souple dtente du buste. Quand la verticale est
bonne, chaque vertbre porte tout naturellement la suivante et la
colonne vertbrale entire supporte la tte qui, le menton
lgrement rentr, marque la relation de son sommet avec le ciel .
Dans un rapport, justement vcu, de lhomme avec le ciel et la terre,
celle-ci, telle quelle est sentie dans une bonne assise, reprsente le
lieu dun enracinement profond dans le sol nourricier qui assure la
croissance vers le haut. La verticale forme le lien entre le ciel et la
terre. Elle figure lpanouissement de soi-mme par la couronne
de vie, la cime de larbre. La forme juste sy accomplit et souvre vers
le haut comme une coupe recevant la bndiction cleste.
Lorientation vers le haut est un chec quand cette monte fait
perdre lhomme son attache au sol. Dautre part, une relation
ngative la terre se produit lorsque le mditant se laisse absorber et
dissoudre, quil narrive plus remonter la surface. Lhomme
affermi dans le hara fait face aux dangers, venus den haut ou den
bas, qui le menacent car, tandis quil souvre vers le haut, il reste
CHAPITRE II
LA FORMULE DE TRANSFORMATION
La formule fondamentale
destine.
Tout ce qui peut tre dcrit sur chacune des phases respiratoires
ne sera vraiment prouv en particulier limpression de libert du
corps quaprs une longue pratique de lexercice. On peroit
nettement ici quel point cette libert du corps que lon est dpend
de son lien naturel ses racines terrestres. Lorsquil se remet debout
aprs un exercice russi, llve se sent l autrement, dune
manire nouvelle, parce quil est bien plant dans la terre. La
bonne verticale est par-l mme libre. Par le simple fait de stre
dbarrass des lments qui bloquaient sa forme corporelle juste, il
est, dans sa totalit, davantage lui-mme. Mme sil ne sen rend pas
tout fait compte, une porte sest ouverte sur son tre essentiel.
Quand elles sont excutes consciemment, les quatre phases
respiratoires deviennent aussi une source dinformation sur la
quantit et la gravit des vieilles attitudes fausses. Le simple fait de
les remarquer est dj utile et contribue, avec les progrs dans la
pratique des exercices, gagner la forme juste. A la fin, le mditant
devient capable de se sentir lui-mme, cest-- dire de sentir le corps
quil est, dans un systme de vibrations qui fonctionne avec une
souplesse toujours plus grande. Quand il observe avec vigilance la
verticale exacte et quil prouve, grce elle, chaque aspiration une
impression de vivante croissance vers le haut, tout le mcanisme de
la respiration peut devenir la source dune nouvelle et authentique
joie de vivre. Pour que soit durable ce sentiment vital, il est ncessaire ici dacquiescer au meurs et deviens , accompli avec une sorte
dvidence : sabandonner et se retrouver dans une nouvelle forme.
Il nexiste pas de limites aux progrs de ce mouvement de
transformation du corps. Il faut que llve apprenne se sentir
toujours plus lui-mme en ce corps qui merge sa propre conscience. Sans doute, au commencement de lexercice, il occupe toute
sa pense mais, en son langage propre, ce corps quil est reprsente
aussi lme et lesprit. Ceci se rapporte surtout lart de sentir, du
dedans, les sensations cnesthsiques. La mthode de lEutonie,
enseigne par Gerda Alexander (Copenhague) dveloppe
particulirement cet art aujourdhui. Les exercices dEutonie
facilitent donc le Zazen et sont des exercices prparatoires
recommands. Il importe quen progressant dans lexercice, llve
ton et le sens initial de ces formes est de plus en plus occult par un
processus de rationalisation. La transformation initiatique, en leur
rendant le sens surnaturel quelles contiennent, permet de surmonter
les discordances dconcertantes pour bien des fidles entre
lexprience authentique et la thologie, dans la mesure o celle-ci
repose aussi, lorigine, sur une exprience de rvlation.
Lenracinement dans le fonds surnaturel de la vie, qui samorce
dj la troisime phase s'intriorise encore plus nettement la
quatrime. La confiance fondamentale, ne de cette troisime phase,
aboutit ici une impression de libert qui na plus besoin du secours
daucune garantie discernable. En son moi existentiel lhomme reste
encore prisonnier dune foule de dfenses mais, dans son
asservissement mme, il dcouvre pour la premire fois ce quest la
vraie libert. De mme quune foi accessible au doute nest pas une
vraie foi, une libert qui sappuie sur labsence de contraintes
existentielles nest pas une libert authentique. Cest dans la
dpendance existentielle mme que lhomme tmoigne de la libert
engendre par son lien au surnaturel. Cest ce quil russit percevoir
ici. Ainsi, dans la respiration, laspiration porte le disciple sur la
vague dune confiance neuve, dans la lumire dune forme de vie
nouvelle. En dpit de tous les dangers il se sent rgnr par elle,
port, maintenu, protg par une force infinie.
La finalit profonde des quatre phases respiratoires ne se ralise
que si lexercice de transformation prend tout son sens initiatique.
Dj une prise de conscience assez effrayante de ses blocages peut
accompagner, pour le dbutant, la premire impression du lcher
prise . Il dcouvre soudain quelle distance de son vrai centre le
font vivre sa recherche de scurit purement existentielle et la
confiance quil accorde aux connaissances de la conscience objective.
Il faut quil jette, ds cette premire phase du lcher prise, un regard
sans faiblesse sur ses dviations par rapport ltre essentiel, sur les
dtours et le chemin perdu, sur sa lgret face lappel de la
profondeur.
Sous le signe de linitiation, la progression vers la seconde et la
troisime phase de la formule fondamentale mne une dimension
dsormais insaisissable aux concepts. En un tourbillon de
transformations qui atteint des couches toujours plus profondes de
vive qui, grce elle, claire une conscience emplie de LTRE dvoile
alors une ralit reste cache la connaissance rationnelle.
La confiance, immotive mais absolue, prouve la seconde
phase semplit ici dun pressentiment de rvolution totale. Labandon
radical, auquel elle le contraint de tout vraiment tout ce qui le
soutenait jusquici rejette lhomme de la confiance sans bornes enfin
atteinte dans une nouvelle angoisse. A sa peur sassocie cependant
cette fois lintuition de la profondeur insondable, encore inconnue,
qui le porte.
Plus la rceptivit initiatique grandit chez le disciple, plus la
troisime phase de la formule de respiration devient exprience de la
mort mystique. Cest lanantissement, la nuit. Dans ces tnbres, la
croyance en un Dieu sauveur qui soutenait le moi existentiel a
disparu. Il ne reste plus rien, cet instant, de ce qui donnait force,
sens et appui. Mais sans cette mort il ny a pas de rsurrection en
ltre essentiel.
Seul ce passage travers la nuit totale apporte la vritable
renaissance par ltre essentiel. Alors seulement peut se produire
lexprience dans son sens le plus haut. Elle survient rarement
pendant lexercice. Pourtant, lorsque celui-ci est pratiqu avec une
assiduit et un courage soutenus pendant une longue priode, des
signes prcurseurs de la grande illumination peuvent sy manifester
de temps autre.
Quand elle atteint son but initiatique, la troisime phase prpare
aussi le mditant briser lcorce sous laquelle la graine divine
attend le moment o elle pourra germer. Alors que lobstination du
moi existentiel et la force de lombre agissant dans linconscient ne
cessent de retarder ce moment, une pratique fidle de lexercice
renouvelle au contraire ses chances de perce. Cest alors que la
formule fondamentale, le meurs et deviens acquiert pour le
disciple tout son sens : celui de formule transformatrice dont dpend
son devenir de personne selon ltre essentiel.
Souvent, des annes dexercice persvrant scoulent avant que le
disciple peroive le sens le plus haut de la troisime phase et il faut
bien plus de temps encore pour que lexprience passagre devienne
C.
COMPLMENTS
CHAPITRE I
INDICATIONS
1.
Sens particulier de linspiration
Lorsque la mditation est pratique comme un exercice de
transformation, le lcher prise cest--dire, dans le langage de la
respiration, lexpiration se trouve au commencement de
lexercice. Une aspiration juste est le fruit dune bonne expiration ;
llan ascendant dune forme nouvelle est le fruit de lunion avec la
terre. Ainsi le rsultat de lexercice est manifest dans laspiration,
dont limportance ne le cde en rien celle de lexpiration. Mais, du
fait que lon a surtout affaire, dans nos pays, des lves qui
retiennent leur souffle parce quils ont dsappris la respiration
correcte, il faut leur faire exercer dabord lexpiration. Cela comporte
un certain danger de ngliger finalement laspiration, en thorie et en
pratique.
La formule fondamentale utilise les diffrentes significations de
chaque phase dexpiration selon leur ordre de succession : lcher
prise, stablir dans le hara, devenir un. Laccent mis sur lexpiration
ne doit cependant pas dtourner lattention de linspiration. Elle ne
prend, quand la respiration fonctionne bien, quun quart de la dure
totale dune respiration (suivant la formule : revenir soi ) mais
ce quart possde une signification spcifique que llve dj avanc
doit observer consciemment. Quelle est-elle donc ? Quels sont le sens
et limportance de linspiration ?
CHAPITRE II
DIVERS EXERCICES
1.
2.
3.
Le vide-plnitude
CHAPITRE III
ASPECTS PARTICULIERS
1.
les activits lexercice par exemple qui pourraient agir sur elle.
Si, par contre, on considre simplement comme la grce LTRE
surnaturel qui nous habite, le Christ inn en nous, on peut y unir un
exercice, un effort pour lui ouvrir la porte de la conscience. La vie
initiatique est faite tout entire du travail qui amne la conscience
la grce inne : notre participation, par Ltre essentiel, ce mystre
que nous nommons Dieu.
2.
Images et signes
3.
Elle ne rsoud pas les oppositions, elle les absorbe dans la plnitude
de la vie devenue elle-mme dans lhomme.
4.
Simplement tre l
D. PRATIQUES ACTIVES
CHAPITRE I
1.
Loue
Lodorat
3.
Le got
Le got et lodorat sont troitement lis. On ne distingue pas sans
raison gourmet de gourmand, manger de dguster, le dlicat de celui
qui avale plus ou moins inconsciemment sa nourriture. Il y a une
diffrence entre savourer les aliments et apaiser simplement sa faim.
La dgustation dun bon vin est une invitation prouver le sens
et de prter loreille vers lintrieur qui est aussi bien lau-dedans des
choses que son cho en nous- mmes. Alors lcoute de notre propre
intriorit se fond avec lcoute de celle des autres. Voici donc les
trois choses quil faut constamment exercer : prendre son temps, se
retirer et couter au-dedans de soi-mme et des choses. En agissant
ainsi, lexercice des sens se dveloppe au-del de leurs qualits habituelles pour atteindre la connaissance du monde perceptible la
sensation qui regarde, touche, sent, gote et entend toutes les choses
de lintrieur et les dcouvre en leur tre essentiel.
La transcendance devenue lexprience du dedans qui nous
unit toute chose fait du vieil adage : Le crateur est prsent dans
ses cratures une ralit vivante.
CHAPITRE II
qui se laisse blouir par les idologies ou le pur pragmatisme voit ici
une utopie. En fait, pourtant, le tournant vers linitiation est
lexpression dun ralisme transcendant. Par lui lhomme senracine
dans la seule ralit solide celle de la vie surnaturelle et en
reconnat la primaut.
Le sport offre ici un champ de possibilits spciales. Enseigner
aux jeunes ne pas voir le but dune performance dans son seul
rsultat extrieur mais dans la joie dune exprience intrieure et leur
faire prendre pleinement conscience du contact supra-naturel contenu
dans cette joie aurait sur leur volution une influence incalculable.
Mais si le sens de lactivit se trouve dans son apport potentiel
lhomme intrieur, elle devient une exigence autant quune chance.
Cela va de la plus banale occupation quotidienne jusqu lexercice
de tous les cultes, mme la clbration de la messe. Il est important
que, jusquau bout de ses doigts, le prtre accomplisse cette
crmonie comme une danse sacre et que ses gestes soient dirigs,
dans une attitude initiatique, par son contact avec la transcendance
immanente qui lhabite. Lorsque le prtre comprend la crmonie
quil clbre chaque jour comme un exercice transformant mme son
corps et alors seulement sa forme acquiert la transparence qui,
au-del des gestes et des mots, ouvre aux participants laccs au
mystre. Transform lui-mme, il les transforme son tour et devient
linstrument vivant de leur mtamorphose. La foi en la puissance
agissante des sacrements nest nullement branle par-l : son cho
dans les mes touches ne fera que les ancrer dans une plus profonde
exprience.
CHAPITRE III
WU WEI
Les moments dactivit alternent, dans notre vie, avec les
moments doisivet. Mais il existe une troisime alternative : le nonagir dans laction aussi bien que dans linaction. Il est le pont secret
vers la vie qui, dans le devenir et le disparatre, dans lclore et
steindre, reste indpendant de notre activit ou de notre passivit.
Du fond de cette vie aussi, la loi de ITRE agit en notre tre essentiel.
Il y a une manire dexister qui lui reste lie dans laction comme
dans linaction. Cest le non-agir uni ltre essentiel dans lactivit
et loisivet. Les Chinois lappellent Wu Wei . Agir ou ne pas
agir ne sont, en soi, source de bndiction que dans la mesure o ils
nentravent pas la croissance venue de la profondeur. Celle-ci est
menace quand lhomme se passionne trop pour son action, quelle
soit altruiste ou intresse. Mme le non-agir, sil est plein
dagitation intrieure, trouble la prsence venue de la profondeur.
Le non-agir exprime la prsence constante de la paix de ITRE,
mme dans une existence tourmente, comme aussi le lien, os dans
le non-agir mme, avec le fond mouvant de la vie cratrice. LTRE est
au-del de laction et de linaction. Il existe une attitude de non-agir
dans laction par laquelle Ltre essentiel, tendant vers la forme qui
nous est destine, demeure dans sa paisible et incessante pousse
vers la manifestation notre critre de sens et de direction. Son
mouvement reste alors protg contre loppression dune activit
trop empresse vers ses buts profanes.
Dans toute pratique mditative quil sagisse du Zazen ou dun
exercice actif, dun travail physique ou dune occupation artistique
il est possible de demeurer dans ce non-agir qui assure la
croissance par ltre essentiel. Cest pour lhomme la manire de
rester ouvert et conforme au sens initiatique de chaque activit et de
chaque comportement. Dans le Wu Wei son esprit reste dirig sur le
CHAPITRE IV
LE DESSIN DIRIG
Lintgrit de lhomme comporte la spontanit inaltre de ses
forces cratrices. Depuis longtemps la psychothrapie voit dans la
libration de celles-ci un facteur capital de gurison. Les exercices
destins dgager la crativit dun sujet prennent une place de plus
en plus importante en psychothrapie. Ce sont des exercices qui
autorisent avant tout la libert dexpression dans la danse, le dessin,
le modelage, la musique. Il ne sagit pas ici de formes ralises
volontairement dans un but artistique intentionnel, mais dun
mouvement spontan permettant aux forces enfermes dans
linconscient de se manifester librement et de trouver une expression
libratrice. Le but de ce travail est de dlivrer les dons de vie
originels qui, sils restent bloqus, altrent le dveloppement naturel
de lhomme. Appliqus en un sens plus profond, ces exercices
permettent, outre la libration de richesses immobilises, de dgager
le principe formateur de lhomme intgral afin de faire natre une
crativit authentique.
Il y a une diffrence entre la recherche, au moyen de ces efforts
inventifs, dune capacit toujours plus grande de crer des formes
objectivement valables et le fait de la faire servir la ralisation du
Soi. Dans ce dernier cas, lactivit juste devient un moyen
dvolution et prend un caractre initiatique. Cet effort atteint son
sens le plus haut quand il russit veiller les forces, involues ou
inconscientes, du noyau transcendant immanent. Lexprience nous
enseigne que les dons plastiques, parce quils sont proches de la
nature, conduisent plus facilement que dautres dispositions des
expriences o llve se peroit lui-mme dans la profondeur de son
tre essentiel. Cela suppose, naturellement, que son but soit de
goter la vrit, ou quil soit dirig en un sens favorable une
exprience de cet ordre.
dune seule main ou des deux mains, sur des feuilles de papier de
diffrents formats, jusqu ce que le processus se droule de luimme. Lautomatisation croissante et lintriorisation du modle
archtypique apportent une aisance, une fluidit de plus en plus
videntes, comme aussi une sret accrue des gestes et des formes.
La rptition automatise de certains tracs finit par saisir lhomme,
intrieurement aussi. Il en rsulte un dessin mieux diffrenci et, audel de lactivit primaire, un beau langage plastique individualis
qui peut acqurir une qualit artistique.
Ce genre de dessin conduit et cest son vritable but une
exprience de soi-mme et, ventuellement, des ralisations qui
peuvent amorcer une transformation personnelle. Leur caractre
archtypique libre souvent une capacit de vcu suprieur (gerbe de
forces), ou bien encore elle rend possibles des aha expriences, des
points de tournant lumineux qui rapprochent de la perception
consciente ltre essentiel et ses qualits. La manifestation du noyau
crateur de ltre essentiel mne, si llve continue le dessin,
lexpression plastique dun dveloppement ab ovo. La trace
graphique dune perce vers le centre, le noyau, et dune
renaissance en lui trouve dans le dessin une expression vidente. Il
semble quun mystrieux matre duvre travaille au plan de
larchitecture de lme et que son jeu de forces, plein de sagesse,
marque la certitude de sa prsence. Lexprience de cette secrte
force agissante amne la conscience une laboration de soi-mme
que rendent possible des moyens didactiques srs. Llve ressent
spontanment la force libratrice et formatrice de son centre lorsquil
a appris, grce lassociation de ses lments inconscients de
lumire et dombre, utiliser le jeu de ses propres forces. Des
processus de cet ordre laissent une trace visible dans des squences
de dessins qui donnent un aperu du chemin suivi, du point de dpart
et des mtamorphoses de lnergie psychique.
Le contrepoint, qui se joue dans lexercice, entre laction
sobrement religieuse correspondant lexercice et les forces montant
des profondeurs vers leur perception aide lhomme qui nest pas
encore tout fait parvenu la conscience de lui-mme dployer
lventail de ses complexits. Ainsi se construit en lui une conscience
de la voie et de la forme et il peut apprendre utiliser les lments
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
LA VOIX
Lhomme engag sur la voie de la transformation, avec la ferme
dcision dutiliser tous les moyens et toutes les occasions pour se
rapprocher de son vritable Soi, dcouvrira un jour ou lautre que
notre propre voix est le meilleur appareil dont nous disposions pour
contrler notre tat intrieur et dtecter nos attitudes errones. Par
elle se manifeste chaque humeur, chaque disposition dun tre et la
mesure de sa transparence. Apprendre lcouter, sen servir
comme dun miroir de vrit, offre un moyen irremplaable de se
connatre et de sexercer sur le chemin.
La voix rvle infailliblement le niveau partir duquel on parle.
Les interlocuteurs ne sont pas seuls le percevoir, il est possible de
dceler soi-mme la manire dont on est l par ltre essentiel ou
dont, au contraire, il est bloqu par le moi profane qui le cache. Ce
blocage peut rsulter de circonstances passagres ou traduire une
attitude gnrale. Il existe ainsi la voix conventionnelle de ladapt
la socit et la voix plus sombre, profonde, du taciturne tourn plutt
vers lui- mme. Le contrle ncessaire sur le chemin intrieur veut
que lon tende loreille ces variations de la voix qui rpondent aux
obstacles ou louverture lgard de ltre essentiel. La qualit
esthtiquement mlodieuse de la voix na pas dimportance id : cest
sa transparence qui est en cause. Or elle peut exister dans la voix
rauque ou casse dun vieil homme tandis que le ton suave, sucr,
dune voix tudie dont lorateur se dlecte lui-mme est tout autre
chose que transparent. Une voix aigu trahit la coupure avec la
profondeur du Soi. Une voix plate marque une indiffrence qui peut
tre passagre ou correspondre une attitude de non-engagement. Il
y a aussi la voix timide, trop faible, qui exprime soit une certaine
peur du monde menaant, soit aussi la timidit devant une
manifestation de soi- mme conforme ltre essentiel.
Les variations qualitatives de la voix, dcisives sur le chemin
CHAPITRE VII
EPILOGUE
TABLE
Premire partie : Mditer Pourquoi ?
Chapitre I. Des temps modernes l're nouvelle
1. Le malaise essentiel
2. Mditer : exercice initiatique
3. La mditation initiatique : objet de scandale
Chapitre II. Ltre essentiel comme exercice
1. Contact de l'tre
2. Le numineux
3. La perception du numineux
4. Le numineux dans le domaine sensoriel
5. Lexprience de l'tre
6. La conscience sensitive
7. Le moi profane et ltre essentiel
8. Linstance qui peroit le moi profane et l'tre essentiel
9. Le contact permanent de l'tre
10. Terre nouvelle
Chapitre III. Les tapes de lvolution humaine au sens initiatique
1. Les cinq degrs
2. Transcendance immanente
3. La voie initiatique et les croyances religieuses
4. La conscience pr-rationnelle de la vie
5. Le don initiatique
Chapitre IV. Le Tout manqu et retrouv
1. Grandeur et tragdie de lesprit occidental
2. La libration de lhomme
3. La perte et la redcouverte du Tout
Chapitre V. Le problme de lombre
1. Lombre
2. La nature refoule
3. La sexualit et lrotisme refouls
4. La rpression du fminin
5. La rpression de lindividualit cratrice
6. Le refoulement de ltre essentiel
Chapitre VI. La souffrance
1. Lattitude pr-initiatique devant la souffrance
2. Lattitude initiatique devant la souffrance
3. La souffrance de la sparation de ltre essentiel
Chapitre VII. Image intrieure et voie intrieure
Chapitre VIII. La recherche du Toi
Chapitre IX. Lamour
C Complments :
Chapitre I. Indications
1. Le sens particulier de linspiration
2. Lexercice debout et la marche (Kin Hin)
3. Le comportement lgard de ce qui trouble la mditation
a) Le comportement juste devant les dsagrments physiques
b) Le comportement juste devant les difficults psychiques
c) Le comportement juste vis--vis des contenus ou des formes
de conscience gnants
Chapitre II. Divers exercices
1. Images mditer : la coupe, larbre, loignon
a) La coupe
b) Larbre
c) Loignon
2. Mditation sur limage de la Croix
3. Le vide-plnitude
Chapitre III. Aspects particuliers
1. Concentration, mditation, contemplation
2. Visions et signes
3. Les vertus fondamentales
4. Le moi existentiel et ltre essentiel
5. Simplement tre l
D Pratiques actives :
Chapitre I. Exercice initiatique des sens
1. Loue
2. L'odorat
3. Le got
4. Le toucher
5. La peur des contacts
6. La vue
Chapitre II. Laction, mthode initiatique
Chapitre III. Wu Wei
Chapitre IV. Le dessin dirig
Chapitre V. Lexprience de l'Etre essentiel
Chapitre VI. La voix
Chapitre VII. Le travail initiatique du corps
Epilogue