Le Coeur en Médecine Chinoise

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LE

SEIGNEUR ET SON ACOLYTE


Le Cur souverain


"Le Cur ( xin ) a la charge du Seigneur et du matre ( jun zhu );


le resplendissement des Esprits (shen ming ) en procde."
(Suwen 8)

La double face du Cur, comme celle de tout souverain, est ici montre :
- Il est le seigneur ( jun ), sur lequel nul n'ose lever les yeux. Cach au
fond de son palais, au centre du monde, sa prsence et son autorit se font
pourtant partout sentir et dterminent, en profondeur, la bonne ou la
mauvaise fortune de tout le pays.
Le mme caractre jun ( ) est utilis dans l'expression dsignant le Feu
empereur, ou Feu seigneur ( jun huo ).
- Il est le matre ( zhu ), capable de faire sentir le poids de sa prsence et
de son autorit par quelques manifestations choisies. Le fait qu'il soit le
souverain, cach dans l'invisible communication avec le Ciel et ses Esprits,
ne l'empche pas d'exercer le pouvoir. Il n'y a pas de grand pontife ct
d'un roi temporel; c'est le mme individu qui assure cette charge unique;
c'est l'Empereur dans l'Empire centralis et unifi; c'est le Cur dans un
organisme humain.
Le mme caractre zhu est utilis dans l'expression dsignant le Cur-
matre (xin zhu ). Cette expression est l'appellation normale du
mridien Jueyin de main1; c'est aussi le Cur agissant comme un matre,
exerant une matrise particulire, telle celle de commander le sang ( xin
zhu xue ), de commander les circulations vitales ( xin zhu mai
), ou encore de commander la circulation rgulire du sang (xin zhu
xue mai ), trois variations de la mme fonction.
Les mai (ou mo ) sont les circulations vitales et ce sont les pouls. C'est la
pulsation; la force et la rgularit avec lesquelles le Cur est capable de
pulser le sang dans tout le corps par ses voies de circulations. Ce rythme

1.

Mridien correspondant au Xinbaoluo (protections et connexions du Cur), parfois


improprement traduit par "pricarde".

vital2 est prsent partout, jusque dans les plus fins des capillaires, qui sont
aussi des mai3. Il se peroit l o la quantit de sang est suffisante, sur les
artres quand elles sont assez superficielles, et ce sont les pouls. Mais la vie
ne s'arrte pas o l'il s'arrte; quand on ne peroit plus la pulsation, elle
reste prsente; quand on ne voit plus le sang, il circule encore.
Le sang n'est pas simplement un liquide4 qui nourrit et rchauffe; mais le
vecteur porteur des esprits qui rendent capable de sensibilit, de
perception, de connaissance.
Une autre faon de parler de la prsence en tous lieux de l'influence des
esprits est de parler de leur rayonnement ou de leur lumire.
On associe alors les esprits ( shen ) au caractre ming ( ), qui signifie
lumire et splendeur, intelligence et clairvoyance, faire briller et clairer,
distinguer et comprendre.
Ming ( ), c'est la splendeur qui rsulte de l'activit spirituelle, c'est--dire
quand les esprits du Ciel mnent les activits selon l'ordre naturel. C'est la
lumire qui se rpand partout dans le corps et le mental, qui inonde les
dispositions intrieures qui me font agir et ragir, comme l'influence d'un
bon souverain touche ses sujets au trfonds, au-del des lois justes ou de la
paix et de la prosprit maintenues. C'est l'illumination, quand le Cur de
l'homme est entirement ouvert ce qui lui vient du Ciel, du Naturel.
La lumire des esprits ( shen ming ) montre comment l'opration
subtile et secrte qui met en contact avec les esprits est assume par un
matre - qui est le Cur dans le corps et le souverain dans l'empire. Ce

2

. Le rythme des battements du Cur fait cho, ou plutt exprime et ralise, le rythme originel, le
battement yin/yang qui dclenche le processus de formation de mon tre l'origine. Le mme
caractre (dong ) est utilis pour les battements du Cur et pour les battements,
imperceptibles, des souffles qui font mon origine : "Les souffles qui battent ( dong qi ) entre
les Reins, sous le nombril, c'est la destine vitale de l'homme, l'enracinement des Douze
mridiens. On les appelle donc : source (origine, yuan )." (Nanjing 66) On a l un des exemples
de la relation entre le Cur et l'origine, o le Cur manifeste authentiquement la potentialit
originelle.

3. Tous les luo ( ), connexions, circulations qui tissent le rseau de relations entre un mridien

et les lieux et fonctions qu'il rgle ou qu'il sert, sont des mai. Ce sont des luomai, qu'il s'agissent
des grands luo ou des circulations les plus superficielles (fu luo ), les plus fines (sun luo
).
4. Le sang ne fait jamais partie des "liquides corporels" (jin ye ). Il est unique en son genre,

comme en atteste sa couleur rouge.

contact illumine la vie intrieure dans l'invisible, et fait resplendir


superbement tous les aspects visibles de cette vie : teint sain et superbe
(procur par une juste circulation d'un sang de qualit la face), il vif et
clair (o transparaissent les Esprits du Cur), beaut de l'apparence
comme acuit de l'intelligence...


"Quand le matre rpand sa lumire ( zhu ming ), les infrieurs

sont paisibles. Un tel entretien de la vie (yang sheng ) procure la

longvit, de gnration en gnration, et l'Empire sous le Ciel

resplendit d'un grand clat. Mais si le matre ne rpand pas sa

lumire, les Douze charges sont en pril; ce qui provoque fermeture

et blocage des voies, l'arrt des
communications, et le corps en est

gravement atteint. Une telle faon d'entretenir la vie est

catastrophique, et dans l'Empire sous le Ciel les lignes ancestrales5

elles-mmes sont en grand pril. Prenez-y garde; prenez-y bien garde!"

(Suwen 8)
Du Cur, premier nomm dans la hirarchie des Douze charges, dpendent,
en dernier ressort, la bonne ou la mauvaise sant, la longvit ou la mort
prmature. De la mme manire, le souverain mne son royaume la
prosprit ou la perte. Si la radiance des esprits, qui est lumire de la
Vertu, est voile, plus aucun des fonctionnaires n'a de cur l'ouvrage, ne
sait o il va, ne coopre avec les autres. C'est la dsorganisation.
Les agents du Cur


"Le Milieu de la Poitrine (dan zhong ) a la charge des agents sur


place et en missions ( chen shi ); l'allgresse et la joie ( xi le )
en procdent. " (Suwen 8)

Pour allgresse et joie, consulter plus loin le ch. : Les motions du Cur.
Danzhong ( ) est le milieu de la poitrine, l o est habituellement
situe la mer des souffles de la poitrine. Cette mer des souffles, lieu
d'accumulation des souffles ancestraux ( zong qi ), dirige les souffles
de tout le corps partir des rgions hautes du tronc, o trne le Cur avec

5. Les lignes ancestrales (zong ) sont la base de la socit et la fondation de l'Empire; elles

pourraient tre, dans l'organisme, les principes directeurs qui maintiennent la continuit, la
cohrence dans le travail des souffles (souffles ancestraux, zong qi ), dans la force
musculaire (muscle ancestral, zong jin )... etc. Leur affaiblissement dsorganise l'tre.

son ministre d'Etat, le Poumon6.


"Danzhong ( ) est la mer des souffles ( qi hai )." (Lingshu 33)

La mer des souffles est l'union des souffles qui viennent directement du Ciel
par la respiration et ceux qui viennent de la Terre par la transformation des
aliments. Une compntration yin/yang se ralise donc constamment en
cette mer, qui donne aux souffles leur qualit et leur rythme. L'harmonieuse
composition ralise dans la mer des souffles reprsente le yin/yang
l'uvre dans le corps et l'quilibre des couples : sang et souffles, nutrition
et dfense ...
Le rythme correct qui en mane se peroit la rgularit de la respiration
du Poumon et celle des battements du Cur. Il y a donc un effet sur place,
dans la poitrine, sur le Poumon et le Cur, et un effet distance dans toutes
les circulations, commandes depuis la poitrine et parcourant le corps.
L'harmonie de la composition des souffles, mettant la vie dans son rythme
naturel, est aussi la meilleur faon de servir le Cur, de lui permettre de
commander la vie telle qu'elle doit se drouler et de le protger de tout mal.
La diffrence de fonction entre la mer des souffles et le Poumon7 n'est pas
facile faire; souvent elle ne s'impose pas. Poumon comme Danzhong sont
des assistants, hauts placs, du Cur. L'un comme l'autre servent le Cur
en assurant l'quilibre yin/yang des souffles qui s'accumulent dans la
poitrine et en rgulant les mouvements qu'ils impulsent la respiration, au
Cur et toutes les circulations. Les mridiens, qui rglent les mouvements
de sang et souffles, commencent avec le mridien du Poumon et dpendent
de la mer des souffles de la poitrine; les pulsations qui font circuler sang et
souffles sont rguls chaque aube par le Poumon8, mais sont aussi la
manifestation du bon (ou mauvais) fonctionnement de la mer des souffles.
De toute faon, sang et souffles ne sont pas sparables, que le sang dpende
du Cur et les souffles du Poumon, ou que sang et souffles se retrouvent
ensemble dans la poitrine sous l'autorit du Cur et de son assistant. On
peut simplement remarquer que le Poumon n'intervient pas directement
sur le sang; il n'agit que sur les souffles qui le conduisent.

6. Le mme caractre (xiang ) est utilis pour le Feu ministre ( xiang huo ) et pour le

Poumon, ministre et chancelier (xiang fu ) du Cur.


7. "Le Poumon a la charge du ministre et chancelier; le contrle des rythmes en procde." (Suwen ch.8)

8. "les souffles des mai () s'coulent aux mridiens ( jing ); les souffles des mridiens se

reportent au Poumon; le Poumon reoit en audience les Cent mai." (Suwen 21)

Par contre les protections et connexions du Cur ( xinbaoluo, cf plus loin)


sont une fonction agissant directement sur le sang. On pourrait alors dire
que Danzhong, mer des souffles sur le Renmai9, reprsente la convergence
du yin et du yang en mouvement dans le corps, tant il est vrai qu'il n'y a pas
de souffles actifs en un corps sans des substances qui leur permettent de
s'activer, et que ces mmes substances ne sont plus "incorpores",
fructueusement prsentes dans l'organisme, si elles ne se laissent plus
compntres, animes et transformes sans cesse par les souffles.
En Suwen 8, on insiste davantage, pour le Poumon, sur la rythmique des
souffles, et on donne Danzhong le rle de propager partout la prsence
mystrieuse et vivificatrice du Cur et de ses Esprits, travers toutes les
circulations qui se commandent au Rchauffeur suprieur : yin et yang,
sang et souffles, nutrition et dfense.
Agents sur place et en mission convient donc bien au double aspect du rle
de Danzhong :
- D'un ct, ses souffles sont l pour aider le Cur battre et pulser, pour
conduire vers lui les sucs dont il se nourrit et fait le sang.
- D'autre part, ses souffles servent aussi toutes les circulations qui
investissent le corps et ses organes; ils insufflent et soutiennent le
mouvement. Mais leur relation au Cur leur permet galement d'inspirer
une orientation ou un sentiment de vie qui prend naissance au trfonds du
Cur, l o se tiennent les Esprits. Ce qui sort du Cur, ce n'est pas
seulement le sang, c'est l'allgresse et la joie, c'est ce qui claire la vie et
permet la conscience de fonctionner.
On voit que les analogies avec les enveloppes protectrices et connexions du
Cur ( xin bao luo ) sont fortes. Danzhong est mme parfois explicitement
dot d'un rle de protection :


"Poitrine et ventre ( xiong fu ) sont les remparts des zang et des


fu. Danzhong est le palais imprial ( gong cheng )10 du Cur-
matre ( xin zhu )." (Lingshu 35)

. Danzhong est aussi le nom et l'emplacement du point RM 17. La mer des souffles se trouve trs

naturellement sur le mridien extraordinaire responsable du yin, car le yang toujours se


renouvelle grce au yin et en provient.
10. Terme qui sera employ pour dsigner la "Cit interdite", rsidence des Empereurs, Pkin.

La meilleure dfense du Cur n'est-elle pas de continuer battre,


rgulirement, car tout l'organisme coopre harmonieusement la
formation quilibre des souffles de la poitrine. Le rayonnement du Cur,
en retour, fera que chaque organe se comporte encore mieux.

Danzhong et Xinbaoluo
Dans l'expression "enveloppes protectrices et connexions propres au
Cur" ( xin bao luo ), qui tient habituellement la place du douzime
viscre, au lieu de Danzhong, on retrouve le mme double aspect : les
enveloppes sont pour la protection sur place, et les connexions pour la
communication, la circulation, la propagation au loin.

"A l'extrieur du Cur il y a des graisses qui enveloppent (bao guo
)
le Cur; on les nomme: protections du Cur (xin bao )."
(Taisu)

"Le Matre-Cur (xin zhu) est en relation avers/revers (biao li )
avec le Triple Rchauffeur; ils ont un nom (ming ) mais pas de forme
(wu xing ) ." ( Nanjing 2 5)
Forme (Taisu) ou non forme (Nanjing) ? Ou fausse question. Il y a la
fonction, le mouvement de souffles qui pulse le sang et c'est l'essentiel; mais
il y a des manifestations sensibles de ce fonctionnement comme les
vaisseaux sanguins. Les vaisseaux sanguins font partie de la circulation du
sang et souffles, mais on ne peut rduire le sang et souffles, ni les mridiens
qui les guident, ces vaisseaux. De mme, les graisses qui enveloppent le
Cur peuvent protger le Cur anatomique. Mais l'important se trouve
dans la relation fonctionnelle du Cur-souverain, matre de la conscience et
de la vie, avec ses moyens d'expression.
Les vaisseaux sanguins font partie de la circulation du sang et souffles, mais
on ne peut rduire le sang et souffles, ni les mridiens qui les guident, ces
vaisseaux. De mme, les graisses qui enveloppent le Cur peuvent protger
le Cur anatomique. Mais l'important se trouve dans la relation
fonctionnelle du Cur-souverain, matre de la conscience et de la vie, avec
ses moyens d'expression.

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