Bastdorff Le Filet D'ariane

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LE FILET D'ARIADNE

LE FILET DARIADNE
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LABIRYNTHE DE LA PHILOSOPHIE HERMETIQUE.

Vir impius non cognoscet : et stultus non intelliget haec. Ps 91

MDCXCV

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TABLE. Avertissement. Discours prliminaire sur la Pierre des Sages. Chapitre Premier. De la Matire. Chapitre II. Les Minraux et Mtaux. Chapitre III. De la Prparation. Chapitre IV. Du Feu. Chapitre V. De la Putrfaction. Chapitre VI. Elixir Blanc. Chapitre VII. Elixir Rouge. Chapitre VIII. De la Multiplication. Chapitre IX. De la Projection. Chapitre X. Des merveilles et vertus de la Pierre blanche sur lAnimal, le Vgtal et le Minral. Chapitre XI. Des merveilles de la Pierre rouge, plus abondantes que celles de la Pierre blanche. Le Fourneau Philosophal. De lEcuelle. De luf Philosophal. Des Sceaux dHerms. De la Lampe. Des Luts.

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AVERTISSEMENT. ai longtemps balanc avant que de me rsoudre mettre la main la plume pour composer ce petit Trait, dissuad de le faire par les mmes raisons, qui ont empche tous les Philosophes denseigner leur Science autrement quils nous lont laisse, avouant quils nont crit que pour les Enfants de lArt, et non pour les Ignorants, ni autres personnes qui en auraient pu abuser, et quils se sont plutt tudiez la cacher qu la vouloir mettre en vidence : En effet il y en a qui ont compos plusieurs Volumes, chacun desquels contient bon nombre de Chapitres, qui sont autant de voiles quils mettent devant les yeux, de ceux qui simaginent pouvoir pntrer leurs mystres, o ils se sont rompus inutilement la tte. Les Chimistes mme se persuadent que cette Science est de leur comptence et non de celle dautrui, voyant souvent dans leurs Livres les termes de Sublimations, Solutions, Digestions, Calcinations, Imbibitions, Coagulations, et une infinit dautres termes, dont on se sert dans la Chimie. Sur quoi travaillants, ils ont fait cent brouilleries qui nont rien produit que del confusion dans leurs esprits et del dpense inutile dans leurs Laboratoires, parce quils ont pris la lettre les dires des Philosophes qui doivent sexpliquer tout autrement : et comme il y a peu de Personnes, qui puissent, comme il faut, manifester leurs dires et manires de parler, jai fait exprs un Dictionnaire qui explique fort nettement ce qui est le plus difficile, afin de satisfaire en quelque faon les Curieux, et dsabuser ceux, qui se ruinent inconsidrment, voulants travailler sur une Science quils nont jamais apprise, et par consquent quils ne peuvent bien savoir ni mettre en usage. Et quoi que lon voie dans les Livres des Sages, tant de Chapitres avec des noms diffrents, soyez averti (cher Lecteur) que ce nest que pour mettre de l confusion dans les esprits, et quils disent ou crivent une mme chose en cent faons diffrentes, et mettent la fin de leurs Volumes, ce qui devrait tre au commencement, et la fin au milieu, et le milieu ds le second ou le troisime feuillet. Outre que quelquefois ce quils ont dit en un endroit, ils le rvoquent dans un autre, disant : quil ne faut pas sy arrter. Quelques-uns disent, que lors quils semblent parler le plus clairement, cest alors quils sont plus obscurs et le moins intelligibles ; cest ce qui a fait dire la plupart des hommes, que comme ces Livres sont composs autrement que les autres, quils sont Livres faits a plaisir, pour amuser les gens dune Science imaginaire qui na point de fondement, et qui promet des Trsors chimriques. Cest pourquoi ceux qui ny peuvent rien comprendre, et qui nont pas lesprit assez pntrant pour dvelopper le sens des paroles des Sages, ne nomment
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point autrement que fols et visionnaires ceux qui sy attachent, et ferment la bouche ceux qui en veulent parler. Javoue quil ny a rien de si rebutant que la lecture de ces Livres, une personne qui ne les entend pas, et qui nen a pas les clefs, mais aussi il faut demeurer daccord, que ceux qui les ont et qui les entendent, sont ravis de voir la subtilit de lesprit des Philosophes pour cacher leur Science, il ny a pas une page, o ils ne remarquent quelque trait nouveau qui les satisfait pleinement. Quant moi, on ne peut pas parler plus nettement, plus sincrement, plus intelligiblement, ni avec plus dordre, sans pourtant dire trop clairement quelques principes, qui au lieu de faire du bien, feraient sans doute beaucoup de mal, si je les avais dclars autrement, parce que ce mien petit Travail pourrait tomber entre les mains de plusieurs personnes, qui en pourraient msuser au prjudice de leur salut. Encore que toute la substance de ce petit Trait se puisse crire en moins de cent paroles, je my suis beaucoup tendu, non pas pour mriger en Philosophe, dautant que jcris trop clairement pour cela, et avec des termes vulgaires que jaffecte contre lusage des mmes Philosophes, mais je lai fais ainsi exprs, afin que rien ny manque de tout ce quon y peut dsirer, et que ceux qui le liront naient point besoin dinterprte pour claircir les difficults qui pourraient natre dans leur esprit. Reste dire que le travail de la Pierre nest pas grand, que la dpense est trs modique, et quil ny a que le temps qui est long ; cest pourquoi il faut faire bonne provision de patience et ne se pas ennuyer, et devant que de commencer, se dgager du soin de toutes affaires temporelles autant quon pourra.

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DISCOURS PRELIMINAIRE SUR LA PIERRE DES SAGES.

a Science Hermtique est si cache, quelle sappelle avec raison, la Science de la Philosophie secrte ; les autres Sciences sapprennent par la lecture des Livres, dautant quils sont composs de termes ordinaires et intelligibles, mais celle-ci ne peut tre comprise par la lecture mille fois ritre de ceux des Philosophes, dautant que leurs termes ne se doivent pas prendre la lettre, mais mystiquement, similitudinairement, allgoriquement, et nigmatiquement.

Si est-ce pourtant que grand nombre personnes sy attachent, les uns par curiosit, les autres dans lesprance dy rencontrer de lutilit. Encore sils ne faisaient tous que lire et tcher de pntrer le sens des Livres des Sages, cela serait en quelque faon tolrable, mais la plupart consomment leurs biens, et ensuite ceux des autres, travailler et chercher ce quils ne trouveront jamais. En bonne foi, tous ces gens me font piti de sattacher si opinitrement a chercher avec tant de frais, et de perte de temps, et vouloir faire une chose quils ne savent pas, ni mme le moindre des principes. Dans tous les Arts il faut bien savoir, les principes et le moyen doprer, et celui-ci qui est lArt des arts, ils le veulent entreprendre, sans en savoir ni le commencement, ni le progrs, ni les moyens de conduire leur ouvrage a une due et raisonnable fin. Cela est donc contre le bon sens, car tout homme prudent doit premirement apprendre la, Science, sil peut ; cest--dire, les principes et les moyens doprer, sinon en demeurera l, sans bien, et en outre celui des autres. Or je prie ceux qui liront ce petit Livre, dajouter foi mes paroles. Je leur dis donc encore une fois, quils napprendront jamais cette Science sublime par le moyen des Livres, et quelle ne se peut apprendre que par rvlation divine ; cest pourquoi on lappelle Art divin, ou bien par le moyen dun bon et fidle matre : et comme il y en a trs peu qui Dieu ait fait cette grce, il y en a peu aussi qui lenseignent, dautant que Dieu ne veut pas quelle soie su de beaucoup de personnes, et que ceux qui la savent doivent lui rpondre de la probit de leurs disciples, cest ce qui a mu les Sages la laisser la postrit voile de divers nuages, et de divers termes ambigus et mystiques, de comparaisons, similitudes, analogies, de mtaphores, de fables, et de diverses confusions , dont ils se sont adroitement avisez et servis, sans jamais rien dire que de vritable. Ils ne lenseignent donc pas de suite comme font tous les autres Auteurs, mais en confusion et sans ordre mlant toutes les parties et diffrentes chose avec des termes diffrents, imposants cent noms diffrents la mme chose, et nommant
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dun mme nom diverses matires et divers sujets. Ils lui donnent divers noms suivant les diverses couleurs ou changements qui arrivent dans le progrs du travail : quand elle est au noir, ils la nomment leur airain ; quand elle a pass de la noirceur la citrinit, leur or ; quand elle est venue une troisime couleur, la fleur de lor ; quand elle a encore pass outre, ils lappellent ferment : et quand elle est au rouge parfait, le venin des Teinturiers. Les Sages nen font pas la petite bouche, ils avouent franchement eux-mmes, quils nont crit que pour les enfants de la Science : et que quand ils semblent parler le plus clairement, cest alors quils sont le moins intelligibles et le moins croyables ; cest pourtant quoi sattachent les ignorants et les Sophistes qui travaillent sur,1e Soufre, le Mercure, et lArsenic du vulgaire, et ils ne trouvent rien. Ils nont crit, disent-ils, que pour donner ceux qui ont, et ter ceux qui nont pas, suivant le dire de lEcriture : Habenti dabitur ; ab eo autem qui non habet, etiam quod habet auseretur ab eo. Ils disent que dans leur Art, on ne parle pas vulgairement : do senfuie quil ny a rien de si fcheux et dgotant que la lecture de leurs Livres, parce quon ny peut rien comprendre sans avoir les clefs propres pour ouvrir les portes de leurs cabinets, qui sont au nombre de trois principales, outre quelques autres de moindre importance. Ces principales sont, la vraie matire, sa prparation, et le rgime, lesquelles clefs, tous ces Chercheurs nont jamais trouves chez les bons Artistes, et ne les trouveront point, sans les deux moyens ci-dessus. Ils ont donc enseign plusieurs rgimes, quoiquil ny en ait quun ; ils disent prenez ceci, prenez cela, et il ne faut rien prendre ni ajouter ; car la nature contient en soi tout ce qui est ncessaire, et il ne faut point non plus ouvrir le vaisseau qui a t une fois scell et ferm, jusqu ce que lArtiste ait conduit son ouvrage sa dernire perfection. Ils confondent aussi souvent la matire avec leur mercure, parlant de sublimation, ils la nomment diversement. Ils feignent diverses oprations, sparation et divers poids quils appellent tantt dune manire, tantt dune autre. Ils crivent beaucoup de choses quils ne font pas, par exemple lorsquils parlent de la dissolution, distillation, descension, ablution et calcination de la Pierre, ils font un Chapitre part de chacune, encore que ce ne soit quune seule et mme opration, quils ne font pas ; mais bien la Nature seule, avec laide de lArt. Quelques-uns, nont pas parl du commencement ni de la fin de louvrage et nont parl que du milieu, dautres nont parl que du commencement, et
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dautres seulement de la fin, et sils ont dit quelque chose des autres parties, cest si peu, quil ny a que les Savants et les yeux de Lynx qui sen puissent apercevoir : do on doit conclure, que toutes leurs ruses, leurs adresse, et manires de parler nigmatiques, ne sont employes que pour aveugler les ignorants, rebuter les mchants, et dtourner les uns et les autres du droit chemin de parvenir au but tant dsir : Et videntes non videant, et intellignts non intelligant. Pour faire justice aux Sages, disons, quoutre les raisons ci-dessus, il nest pas raisonnable quils enseignent leur Science autrement quils font, dautant quelle leur cote beaucoup de temps, et de peine et dtude, quils prtendent en agissant ainsi que ceux qui dsirent y parvenir, l'achtent au mme prix queux, si Dieu veut permettre quils arrivent ce grand bien : cest pourquoi ils ont engag leurs, disciples, et ceux qui la savent, garder inviolablement le silence, tre prudent et avisez leur exemple, et ne sexpliquer que par des termes ambigus et nigmatiques ; quoi faisant, ils acquerront le glorieux titre de Sages, queux-mmes nont mrit que par-l. Ils ont mme donn divers noms la Pierre, suivant les diverses couleurs : qui se font voir dans le travail, et mme cause quelle contient en soi plusieurs choses, et quelle est compose des quatre lments ; et encore parce quelle a en soi des vertus et proprits de toutes choses, soit minrales, vgtales et animales, aussi bien que des corps clestes. Les envieux ont encore multipli le nombre de ces noms, pour donner le change et faire errer ; mais tous ces envieux et ceux qui ne le sont pas conviennent dun nom, qui est de lappeler Pierre en son commencent, en son progrs, et en sa fin. Et pourtant elle nest nullement pierre ni en lun ni en lautre tat ; et pour dire ingnument la vrit, elle ne lest quen puissance et en similitude, et non pas en nature : et dautant plus quelle demeure au feu, dit Arnaud de Villeneuve, dautant plus elle augmente en bont, ce que ne font pas les autres pierres ni autres corps, car elles y sont brles et consumes ; mais au contraire, la Pierre des Sages est fondante au feu et y demeure volontiers, dautant quil est sa nourriture et quil cause sa perfection, pour cet effet les Philosophes ont nomm pierre tout ce qui persiste au feu. Il faut encore dire une raison pour laquelle ils lappellent pierre, cest que sur elle comme sur une vraie pierre et solide fondement, ils tablissent leurs richesses et leurs fortunes. Tant plus une chose sloigne de son principe, tant plus elle sloigne de sa perfection naturelle : leau dune fontaine est trs pure en son commencement et sortant de la source, mais elle prend et entrane avec soi du limon et de la boue,
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en suivant son penchant et sen allant dans une rivire. Il en est ainsi de toutes choses ; il ny a que la pierre qui se perfectionne toujours, plus elle sloigne de son origine : car elle perd toujours de sa perfection et de son excellence, mesure quelle rtrograde par la projection qui sen fait sur les mtaux imparfaits, et quelle retourne vers son principe; Ce qui a fait bien de la confusion et du dsordre dans la Science dHerms, cest que les Sophistes ont t la cause quelle a t fort dcrie, ayant compos bon nombre de Livres remplis derreurs, quil ont autant malicieusement que faussement attribus aux Philosophes, cause quaprs avoir beaucoup travaill, il nont pu faire aucune dcouverte : et pour se venger, se sont aviss de ce moyen infme pour ternir la rputation quils staient acquise ; et ceux qui ont lu les livres de ces Sophistes, les ayant voulu mettre en pratique, suivant ponctuellement tout ce quils prescrivaient, et enfin se voyant abuss, ils ont dit que cette Science navait rien de vrai, ni de solide, et que ce ntait quune Science imaginaire, comme un conte fait plaisir, afin dentretenir les esprits faibles et crdules dans de grandes esprances ; nous tmoignant par la que leur mpris provenait que de leur ignorance et du manque dy avoir fait de bonnes et solides rflexions, ou davoir rencontr un matre qui eu la charit de les mettre dans le bon chemin. Dautres ont beaucoup lu les vrais Livres des Philosophes qui ne doutent nullement de sa possibilit, et quil ny ait des personnes qui laient conduite jusqu sa dernire perfection, et eux-mmes croient la savoir sans avoir encore mis la main luvre, car ils disent quils expliquent facilement les dires et manires de parler des Philosophes ; mais sils nen savent pas davantage, jestime quils ne savent rien , parce quil est du tout impossible dapprendre par les Livres la Science Hermtique, et que sils expliques quantits de choses de ces sortes de Livres, ils les expliquent suivant leur propre sentiment, et non conformment au sens cach des Philosophes, quil est trs difficile de dcouvrit, sans avoir les trois clefs principales dont nous avons parl ci-dessus, dautant que ces Livres sont conus sous des termes mystiques et non vulgaires. Louvrage de la Pierre Philosophale sappelle par excellence le grand uvre, et luvre divin, dautant que les hommes ne sauraient faire en nature aucune chose plus excellente, ni plus grande, tant pour conserver leur sant, que pour senrichir ; cest pourquoi on peut bon droit lappeler un don de Dieu, quil donne qui lui plat, comme il fit Herms, et quelques autres qui sont en petit nombre ; et cest lordre de la Providence de Dieu, que tant plus une chose est releve et a dexcellence, tant moins il y a de personnes qui en sont gratifies
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; il ny a que quelques mes dlite dgage des affections aux richesses et vanits du Sicle, qui possdent ce grand bien, et qui en soulagent les Pauvres. Pauci quos aequus amavit Jupiter, aut ardens evexit ad aethera virtus. Ceux de cette lvation sont si rares, quon peut dire quil ny en a presque point, dautant quils font des ouvrages dune cause surnaturelle qui les rend capables dun si grand bien, et den faire un bon usage pour sa gloire et le soulagement des Pauvres, car ainsi ils sont faits les trsoriers de la Providence divine, auxquels Dieu inspire ses volonts pour les exccuter, ou leur prsente les occasions pour cela ; cest pourquoi les Sages ont dit : aut sanctum invenit, aut sanctum facit. Do il faut conclure, que ceux qui par quelque occasion apprennent partie ou le tout de cette Science, sont empchs dy russir par les Anges ou par les Dmons, dautant quils en m-useraient et emploieraient de si grands trsors contre lintention de Dieu et la perte de leurs mes. Il est encore appel uvre divin lors de la partie du rgime en laquelle lme de la pierre est jointe son corps, parce que cela est fait en un moment, et dpend de Dieu seul et de la Nature en laquelle Dieu opre, comme nous dirons ciaprs en son lieu. Il lest encore, dautant quil est la forme et la figure des uvres admirables de Dieu envers lhomme, et quil contient en soi toutes les excellentes vertus de tout ce qui est au monde. Quam admirabilia sunt opera tua Domine, nimis profundae factae sunt cogitationes tuae ? On est donc convaincu, que cette Science est un don de Dieu, quil donne peu de personnes, cause de son excellence qui surpasse lentendement humain et va au-del de sa capacit, quoique quelques Philosophes laient appel Jeu denfants et ouvrage de femmes ; ce quil faut entendre, aprs que le Mercure Philosophal est fait, et extrait du corps o il est enferm, lequel il ne faut plus que conduire avec le Soleil et la Lune dun rgime lautre, et dune qualit grossire une plus subtile et plus spirituelle. La manire de le faire, et de cette extraction, est aussi au-del de ce que lentendement humain et pu penser ; Dieu la donn quelques Philosophes, afin quils sen servissent pour sa gloire, et quils connussent une tincelle de sa grandeur et de sa puissance, qui peut faire beaucoup de choses au-dessus de la Nature, et quil en serait en effet, comme quune Vierge enfanterait, que Dieu se ferait homme, et autres telles merveilles que nous enseigne la Foi Chrtienne. Puisque la Pierre des Sages est un don de Dieu, et son rgime aussi, sans la permission de Dieu la Nature et lArt ne peuvent la faire, mais Dieu laisse agir librement les causes secondes ; la Nature ne la pouvant faire elle seule, parce
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quelle travaille toujours simplement, et quelle a son pouvoir limit quelle ne peut outrepasser, lArt aussi ne pouvant rien faire de lui-mme, ni donner les poids et proportions aux choses, dautant que cela passe ses forces et ses connaissances ; mais lorsque la Nature est jointe lArt, et quils travaillent de concert, elle est leve une perfection si tendue quelle passe limagination, et elle acquiert une puissance presque infinie. Et pourtant il faut savoir quils ne peuvent rien faire sans le Mercure philosophal, qui est la base et le fondement de tout louvrage, cest pourquoi les Sages se sont particulirement tudis le cacher ; quelques-uns mme nen ont point voulu parler dans leurs Livres, dautres en ont dit un mot en passant et si succinctement quon ne sen aperoit presque pas ; il y en a quun qui en ait fait un Livre entier, mais avec tant dobscurit quil ny a que ceux qui le savent et le connaissent parfaitement, qui puissent comprendre ce quil veut dire ; nous en parlerons ci-dessous plus clairement que lui, pour la consolation des Enfants de la Sciences. Allons maintenant plus avant et parlons fond de la Doctrine des Philosophes, et disons. Que Dieu a premirement cre la Nature de rien par sa pure libralit, bont et volont, en une certaine substance qui est appele Quintessence, dans laquelle toute la Nature est comprise, et de laquelle substance divise en trois parties, de la meilleure et plus pure dicelle, le Trs-Haut a fait les Anges, qui est la premire ; de la seconde les Cieux, les Plantes et les Etoiles ; et de la troisime moins pure, il a fait le Monde infrieur. Cest ce que doit entendre le Fils de la Science, non comme nous avons crit, mais comme tout a t cr ensemble par la volont de Dieu, sans aucune suite de productions, et sans aucune matire prcdente qui regarde la succession du genre ; car autrement ce ne serait pas une cration de lunit, venant scientifiquement par cration de rien en une vritable entit substantielle ; cest pourquoi il faut que vous entendiez vritablement et scientifiquement, et non pas dune faon vulgaire et commune, parce que nous parlons ainsi au regard de la Nature. Et quand tout cela fut fait, Dieu forma le premier homme du limon de la terre, et le fit son image et semblance, lui inspira la vie, et ensuite le nomma Adam. Il est certain que ce premier homme a eu toutes les Science infuses, et la connaissance de tous les Arts ds le moment de sa cration ; il savait donc tout ce que les causes secondes pouvaient faire dans tous les tages de la nature, cest dire, dans le Ciel, dans lair, la mer et la terre, et ainsi il avait la connaissance des minraux et des mtaux, de leur origine, de leur progrs, et de
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leur fin ou perfection constitutive. Tubalcaim tait forgeron de cuivre et de fer, comme tmoigne le Texte Sacr : il vivait au commencement du Monde et tait fils de Lamech, qui tait la sixime gnration depuis Adam. Do il sensuit que le Soleil et les Elments, et en un mot la Nature ne les avait pas fait en ce temps l, comme elle a fait depuis, dautant quelle nen avait pas encore eu le temps ; mais que Dieu les avait crs lui-mme, en faisant le Monde infrieur. Ds ce temps l on cherchait le minraux et les mtaux dans la terre ; et les enfants dAdam se multipliant, ils scartrent les uns des autres et firent divers Peuple et diverse Nations, et nayant tous quune mme Langue, ils commencrent den avoir et den parler diverses, lorsque leur tmrit les porta faire la Tour de Babel, de laquelle ils se dsistrent, quand ils virent quils ne sentendaient plus les uns les autres, tant alls chacun de son ct ; et ayant habit diverses contres, ils firent des Villes aux lieux quils jugrent les plus propres, o ils sexercrent en toutes sortes dArts et de Sciences. Lors le commerce des hommes se faisait de bonne foi, par change dune chose lautre, et a dur ainsi jusqu la destruction de Troyes, comme nous assure Homre ; mais quand la mauvaise foi commena de se glisser parmi les hommes, et que les mtaux commencrent aussi devenir plus commun, on savisa de faire de la monnaie, et ce fut Janus qui rgnait dans lItalie et qui associa au Royaume un nomm Saturnus, qui tait venu dans un Navire, et fut le premier qui enseigna et fit graver de la Monnaie de cuivre, qui reprsentait dun ct leffigie de sa Tte et celle dun Navire de lautre, lan du Monde 2032. Cette sorte de monnaie dura jusquen lan 547 de la Ville de Rome, quon fit de la monnaie dor, qui se nommait Ducat, Romano Ducatu ; et ds lors, son imitation, on en fit par tout le Monde et dor et dargent, et cette monnaie devint commune toutes les Nations : et par ainsi le ngoce qui stait toujours fait par change dune chose lautre, commena de se faire avec ces prcieux mtaux, qui ont t depuis le prix de toute choses, et le souhait, le principe et le but de lavarice des hommes ; leur cupidit les fit entrer dans les Mines pour en tirer : ils y trouvrent les autres mtaux ; savoir, le plomb, ltain et le mercure, que nous nommons mtaux imparfaits, avec le cuivre et le fer, dont nous avons cidevant parl, compars avec lor et largent. Comme chacun a son talent et son gnie particulier, il se trouvait de temps en temps des hommes desprit, remplis de Science et de Doctrine, qui cherchaient les merveilles contenues dans tous les tre. Herms Trimgiste qui vivait selon la plus commune opinion du temps de Ninus lan 2072 pntra si avant dans les profonds secrets de la Nature, quil fut appel le trs grand Philosophe, et le
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Pre de la Science Chymique et transmutation mtalliques, et sa science a pass de main en main jusqu nous, et en tous les sicles il sest trouv des personnes qui ont eu cette sublime Science, et qui nous en ont laiss des connaissances particulires dans leurs ouvrages, mais toujours voiles de quelques nigmes, types et analogies, pour les raisons quils nous dduisent dans leurs crits, dont lune des principales est le dsordre que cela causerait par tout le Monde, si cette Science tait publique comme les autres, et que chacun pt faire de lor et de largent sa volont : do il sen suivrait, que les autres Arts cesseraient, et que les terres mmes demeureraient incultes, jusqu ce quon et trouv un autre moyen pour tablir un nouveau commerce.

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CHAPITRE PREMIER. De la Matire.

our cet effet ils se sont particulirement tudis cacher la matire sur laquelle ont doit travailler cet Ouvrage divin, sa prparation et le rgime du feu ; les hommes desprit de toutes professions lont cherch pendant tous les Sicles en diffrents sujets, croyant, comme il est vrai, que dans tous les mixtes, les trois principes naturels y sont contenus ; savoir, sel, soufre et mercure : mais il est vrai aussi, quils sont si loigns, quil ne faut pas stonner si ces gens ne sont jamais venus bout de leur intention.

Ils se sont aviss de travailler sur les animaux, sur les urines, et mme sur des choses mscantes nommer, et ils nont rencontr au bout de leurs diverses oprations chimriques, que de la corruption ; et ce qui les a abus, cest que les Philosophes ont dit que la matire tait triviale et commune, et que nous la voyons et touchions tous les jours, et quautant en a le pauvre que le riche : ils disent tous vrai ; car par ces paroles ils entendent les lments, qui sont la matire dont se sert la Nature, pour faire celle de la Pierre ; mais ceux qui ne savent pas expliquer les manires de parler des Philosophes, les prennent dans le sens littral, et cest en quoi ils se trompent, car il les faut expliquer tout autrement. Il faut encore savoir quil y a deux matires de la Pierre ; savoir la prochaine qui est largent vif ; et la matire loigne qui est leau, dautant quelle a t eau auparavant dtre argent vif. Que tous ceux donc qui la cherche dans les ordures comme les porcs, que Pontinus appelle fils de btes, saillent cacher, sils ne veulent sexposer tre siffls et rays du nombre des raisonnables ; que ceux qui la cherchent dans les vgtaux, minraux et animaux, reconnaissent leur erreur, autrement ils ne mriteront pas le nom de Philosophes, puisquils ne savent pas raisonner, ou sils le font en quelque manire, cest comme les Aveugles lorsquils parlent des couleurs. Quils reconnaissent donc leur ignorance ; et pour sen gurir, quils tudient la Nature, et ses oprations, ils apprendront en quel lieu se rencontre ce quils cherchent, qui nest pas dans les vilenies et dans les corruptions ; quils sachent quil ne faut pas chercher une chose o elle nest pas. Quils ouvrent les yeux de lentendement et quils considrent comme la Nature sest perptue, multiplie et augmente depuis le commencement du Monde, et saugmente toujours en se reproduisant. Quils voient, dis-je comment cela se
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fait, ils verront que chaque chose porte sa semence, le vgtal dans chaque espce, comme le bl froment fait le froment, le bl seigle fait le seigle, lorge, et ainsi des autres vgtaux ; de mme lhomme fait lhomme ; le chien le chien, et chaque animal conserve son espce en sa semence, et par sa semence. De sorte que si tu veux faire de lor et de largent par le moyen de la Nature aide de lart, sme de lor et de largent dans le Jardin des Philosophes, et tu en feras par ton travail, en bien moins de temps que la nature seule ne le fait dans les entrailles de la terre. Ecoute le Pote Augurel : in auro Semina sunt auri quam vis abstrusa recedant longius, et nobis multo quaerenda labore. Prends aussi de la semence de la Lune pour faire le mariage Philosophal tant dsir et si cach par les Sages, qui est la matire de la Pierre toute prpare, avec les poids et proportions que la Nature y a mises et unies ensemble dellemme ; et cest ce que les Sages disent, que lesprit humain ne peut concevoir, ni ne peut faire, et ce mercure Philosophal est le Ciel terrestre des Hermtistes ; et cest lui qui il faut attribuer la plupart de ce quils disent dans leurs crits, parce que sans lui rien ne peut se faire, et que cest lui qui fait presque tout louvrage avec laide de lart, et la prudence de lArtiste ; et cette semence nest pas la semence dun or fait, mais faire, ni de lor vulgaire, mais dun or spirituel et Philosophique. Encore un coup, que ces Chercheurs prennent la matire o elle se trouve, et non dans les vilenies et les corruptions, et ils se souviennent que cest pcher contre le bon sens, que de prtendre donner la perfection aux mtaux imparfaits, par des choses qui ont moins de perfection queux, ou par des choses qui sont dautre nature et dautre espce que lesdits mtaux, avec lesquels elles ne peuvent avoir de liaisons et dunion parfaite. Dautres ont travaill sur les Minraux, comme Marcassites, Aluns, Arsenic, Tuthies, Vitriols, Antimoines et semblables ; quelques-uns sur des Champignons, dautres sur la rose des Equinoxes, et dautre tels sujets ; mais tout cela ne leur a produit que bien de la peine, la perte de beaucoup de temps, et bien de la dpense inutile et du dplaisir. Dautres plus raisonnables ont travaill sur les mtaux, mais ils se sont servis de diverses eaux fortes et corrosives pour les dissoudre, sans considrer que toutes ces eaux sont destructives, quelles gtent, infectent et empoisonnent les substances mtalliques ; et quainsi, pour difier et faire u ouvrage, ils emploient des choses contraires, ce qui est aussi contre le bon sens, et tout homme qui se servira de chose corrompantes et adustibles, sera toujours rput aveugle en cette Science ; mais il faut se servir dune substance pure, et qui persiste au feu sans combustion.
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Il est vrai, suivant tous les bons Auteurs, que la vraie matire de la Pierre des Sages, doit tre de Racine mtallique : ainsi tous ceux qui travaillent sur dautre matires, et sur des matires loignes, ne feront jamais le grand uvre, quoique les trois principes naturels se trouvent dans tous les mixtes, parce que cela est trop loign, et que les diverses prparations quon y emploie, dtruisent et ne sont pas conformes la simplicit avec laquelle la Nature travaille, et fait ses oprations ; ce qui est particulirement et expressment ordonn de faire par les Philosophes, et que la matire la plus proche, et qui est de la mme nature que ce que nous prtendons faire, doit plutt tre choisie que toute autre, outre quelle na pas besoin de tant de prparations et doprations, ne de faire un si long et dangereux voyage. Pour bien comprendre cela, il faut savoir que tous les mtaux sont faits et procrs dans le terre par la Nature seule, et dun seul et mme Mercure, quelle fait et quelle anime dun seul et mme Soufre ; mais les empchement quelle rencontre par les chemins, qui sont les impurets des matrices ou veines de la terre par o elle pousse son mercure et son soufre, spcifient chaque mtal dans la terre par une particulire Providence de Dieu, qui les a jug ncessaires divers usages pour la commodit et lutilit des hommes. Cest pourquoi ils sont tous appels mtaux imparfaits, comme si on disait qui ne son pas fait, ni achevs de faire, mais parfaire, et ainsi ils dsirent et attendent toujours la perfection, tant en chemin pour lacqurir ; ce quils ne peuvent que par lElixir ou la Pierre parfaite au blanc ou au rouge, parce quils sont morts ds le moment quils sont dtachs de la Minire ; mais lElixir est vivant et anime le Mercure de tous les mtaux, tant leur semence, et fait une espce de rsurrection semblable peu prs celle qui se fait par diverses semences des vgtaux. La premire matire des mtaux est donc argent-vif et soufre, qui ne le sont pas en leur nature, mais altrs ; ainsi la premire matire des mtaux est proprement une vapeur onctueuse et humide, qui contient en soi la nature de largent-vif et du soufre : do il sensuit que toute chose de laquelle on peut extraire une telle vapeur onctueuse semblable celle dont les mtaux sont procrs dans la terre, peut tre la matire de laquelle lElixir ou la Mdecine qui perfectionne les mtaux imparfaits doit tre prise ; ce qui pourtant ne se peut faire, si cette mme chose nest putrfie par une longue digestion et dcoction, et nest leve une autre nature. Les curieux de cette Science ayant lu les Livres des Philosophes et appris que la Pierre tait minrale, vgtale et animale, ont travaill sur ces divers sujets,
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comme nous avons dit ci-devant. Il est vrai quils lappellent vgtale, lorsque le verdeur parait, et quils lont nomme animale lorsque lme est jointe son corps et son esprit, parce quils disent que pour lors elle est anime ; mais ces Messieurs ne considraient pas que ces termes sont dits comparativement, car la Pierre na pas une vie semblable celle des vgtaux ni des animaux, mais il faut interprter cela selon le sens susdit des Sages ; et encore que quand la Pierre est parfaite au blanc ou au rouge, elle est une Mdecine, sur les minraux, les vgtaux et les animaux. Les Mtaux ne croissent point, parce que prcisment ils nont point de vie ; ils ne se nourrissent point aussi, car nayant que le simple tre, ils ne peuvent produire ni engendrer deux-mmes ; et quand ont dit que les mtaux sont mort, cest une faon de parler qui veut dire quils sont dtachs de la Mine o ils avaient une espce de vie, ou une vie en similitude par le moyen dun esprit qui sy attachait et sy joignait par les exhalaisons que la Nature leur envoyait du centre de la terre. Une personne curieuse peut entrer dans les Mines, et l contempler avec attention ce qui sy fait, pour bien concevoir les secrets de la Nature. Il y verra comment les mtaux sont forms, il y apprendra que les maladies des Mtaux imparfaits, ne sont autre chose quune humidit superflue adhrente au Mercure, et un soufre combustible tenant au soufre naturel et incombustible, que nous avons dit ci-dessus, tre les impurets des matrices ou veines de la terre ; disons en un mot.

CHAPITRE II. Les Minraux et Mtaux.

es corps Minraux se distinguent spcialement en deux parties ; savoir en la mtallique, cest dire en mtaux, qui sont prochainement faits de mercure, et sont nomms grands minraux ; comme, or, argent, cuivre, tain, plomb, fer et vif-argent. Et en la partie minrale qui nest pas faite de mercure prochain, mais dun mercure loign, comme sont les sels, les attramens, aluns, vitriols, arsenics, orpiments, antimoines, soufres et
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semblables, qui sont appels petits minraux, et qui cause de lloignement de leur mercure, ne peuvent servir de matire pour louvrage des Sages. Les mtaux se rduisent en leur liqueur ou en eau, parce que leur matire est eau, et une eau mle fortement avec une substance terrestre qui ne se peuvent facilement sparer lune de lautre, si ce nest avec un feu fort tendu, et selon quils sont plus ou moins mls et unis, et quils ont plus ou moins de soufre combustible, cest--dire de puret ou dimpuret ; pour faire voir que leur premire matire est argent-vif ou mercure, lorsquon les veut faire fondre, ils se rduisent en forme de mercure ; or toute chose est de ce en quoi elle se convertit, comme la glace moyennant chaleur, se rduit en eau, dautant quelle a t auparavant et prochainement eau devant que dtre glace. Les petits minraux ne sont pas faits dun mercure prochain comme les mtaux, mais dun mercure loign ; et lorsquils sont mis au feu, ils ne se rduisent pas en mercure, cest ce quils feraient sils en taient prochainement, mais il ny a que leur sel ; cest pour cela, quoiquils participent en vertu minrale avec les mtaux, quils ne peuvent par quelque artifice que ce soit, tre rduits en mtaux, tant dune autre nature et espce, et ne participant point avec eux en leur matire prochaine. Do il faut conclure, que ces petits minraux ne se peuvent parfaitement unir avec les mtaux, et ne peuvent donner aucune teinture permanente, dautant quil ny a que la mme nature et la mme espce qui se puisse parfaitement unir. Ils font bien une espce dunion apparente, mais fausse, et qui se spare lorsquon leur donne lpreuve ordinaire, et par-l on reconnat la vrit de laxiome : Nihil convenit rei, nisi quod propinquius est ei. Et quand on veut unir deux choses de diverses natures et espces, lune chasse lautre naturellement, ou bien la nature ne produit que des monstres et des faussets dfendues par les Lois. Et si ces corps tranges pouvaient donner une teinture fixe et permanente, ils donneraient la leur et non celle du Soleil ou de la Lune, parce que chaque chose produit son semblable ; cest pourtant ce que prtendent faire contre la raison et la vrit, les Sophistes, les Ignorants et un nombre infini de Souffleurs, en quoi ils ressemblent les Aigles btards, dont les yeux ne peuvent souffrir la splendeur du Soleil. Je demeure pourtant daccord que le soufre des corps imparfaits, peut arrter le mercure en corps imparfait, mais non pas en parfait ; car une chose ne peut donner ce quelle na pas, ce que les Philosophes btards prtendent opinitrement pouvoir faire ; mais tout homme de bon sens, sans tre

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Philosophe, leur peut donner hardiment le dmenti et leur faire connatre leur ignorance crasse. Javoue encore que les petits Minraux peuvent purger et dissoudre les mtaux, et leur donner une forme accidentelle et superficielle pour abuser les hommes ; mais ils ne peuvent, comme jai dit ci-dessus, leur en donner une fixe et permanente ne pouvant sunir parfaitement avec eux cause quils sont de diverses espces et de diverses natures. Herms tranche le mot, disant, quil ny a point de vraie teinture que du Soleil et de la Lune, cest--dire du Soleil et de la Lune des Philosophes. Ce qui manifeste lerreur des Souffleurs et des Sophistes, et qui doit faire prcautionner ceux qui ont de lesprit et du jugement contre ces sortes de gens, qui ne leur prchent autre chose que des secrets pour senrichir, que des teintures fixes sur la Lune, et des fixations de mercure dans les deux luminaires, afin de tirer largent de ceux qui sont curieux des belles choses, et notamment de la Science Hermtique ; mais le seul moyen de fixer le mercure de leur tte, est de les traiter de mpris, pour les obliger de semployer dans une profession plus honnte que celle daffronteurs publics. Or je soutiens, que puisquil ny a point de vraie teinture, ni de fixation parfaite au blanc ou au rouge, que celles qui se font par le moyen du Soleil et de la Lune des Philosophes ; quil ny a aussi aucun secret pour faire Soleil ou Lune, cest--dire vrai or ou argent Philosophique, que la pierre blanche ou rouge des mme Philosophes. Il y a une grande erreur parmi les gens qui simaginent savoir quelque chose dans les secrets de la Nature, et notamment dans la mtallique, qui est quils croient que ce qui est prsent plomb, dans un grand temps deviendra tain, cuivre, argent et enfin or parfait, et que ce qui est prsent or, a pass par tous ces degrs : mais sils avaient bien conu, comme jai dit ci-devant, que cest limpuret des matrices ou veines de la terre qui spcifie et distingue les mtaux, et que dans la suite des temps la nature poussant toujours son mercure et son soufre vers la superficie de la terre, ne peut faire autre chose, que de faire mtal de quelque espce que ce soit les terres proches ce quelle a dj fait tel et tel mtal. Et sil se trouve dans les Mines de plomb ou dautre mtaux, quelques peu dor ou dargent ; il faut savoir que cela se fait, parce que la Nature a trouv telle terre plus pure que le reste de la Minire, et ainsi plus dispose par sa perfection recevoir telle forme mtallique meilleure et plus excellente que le reste de la Mine ; et ce qui leur a pu donner lieu davoir une telle pense, doit

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aujourdhui les dtromper, et les faire entrer dans la connaissance et dans les sentiments de la vrit que nous avons avance. Je ne nie pas que lor fait par lart de la Philosophie secrte, nait t argent auparavant quil soit devenu or, dautant que lun et lautre sont sous un mme sujet ; mais celui qui a t fait par la Nature nest pas de mme, cause des empchements qui sy sont rencontrs qui ont spcifi chaque mtal, quoiquils soient tous provenus dun mme soufre et dun mme mercure. Il est vrai quaprs avoir prpar les mtaux, on peut leur donner des teintures qui les font paratre or ou argent ; mais ce ne sont point encore un coup, des teintures fixes ni permanentes, ni pntrantes leur intime, mais seulement superficielles ; cest pourquoi lorsquon les expose aux preuves ordinaires, tout sen va en fume : ainsi, il faut rejeter le faux, et sattacher fortement la vrit, en travaillant toujours conformment la nature, et non autrement. A prsent il est bien ais de comprendre comment lElixir ou la pierre parfaite au blanc ou au rouge, donne et communique sa perfection aux mtaux imparfaits, et leur donne une teinture fixe et permanente, et fixe leur volatilit, qui rsiste ensuite toutes preuves de quelque nature quelles puissent tre ; cela se fait parce que ces teintures fixes ont pntr lintime et locculte des mtaux imparfaits, non seulement par leur perfection, mais leur plus que perfection, car lElixir est bien lev au-dessus de la perfection ordinaire par sa spiritualisation ; et sil navait que la perfection ordinaire comme lor vulgaire, il ne pourrait communiquer aux imparfaits que la perfection ordinaire, encore ce serait avec la perte de la sienne propre, comme fait lor minral ml avec un mtal imparfait, dautant quil na quune simple perfection, que lui a donn la Nature, qui ne travaille que simplement sans pouvoir jamais stendre plus loin. La grande extension de perfection de lElixir se communique donc aux mtaux imparfaits, proportion quelle a dlvation lorsquil est projet sur eux, et quils sont rduits en forme mercurielle, cest dire lorsquils sont fondus, si ce sont les mtaux mous ; mais si ce sont les durs, il ne faut que les enflammer et faire comme il sera dit ci-aprs, lorsque nous traiterons de la projection. Si les mous sont donc fondus, lElixir projet sur eux en trs petite quantit, spare ce quils ont dimpurets et se communique leur pur, qui est leur mercure et bon soufre, achve de leur donner la coction parfaite qui leur manque, les teint dune teinture invariable, et les fixe parfaitement : et si on appelle cela transmutation de mtaux, cest parler improprement ; mais cest proprement et vraiment purgation, fixation, teinture et perfection de mtaux imparfaits.

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Il faut maintenant savoir pour la parfaite intelligence du commencement de louvrage Philosophique et du choix de la matire, que puisque tous les mtaux sont de la quintessence et de la mme nature ou principe du mtal parfait, duquel ils ne diffrent que de puret et de coction, que tous les mtaux peuvent servir de matire notre ouvrage, quand ils auront t purgs et prpars comme il est ncessaire, cest--dire quils auront t rduits en leur principe et premire matire, qui est leur mercure. Beaucoup de personnes se sont trompes en travaillant sur le mercure ordinaire, comme tant du nombre des mtaux, et ce semble une matire plus prte et plus commode que les autres ; ils se sont dis-je tromps, parce quil est tout volatil et quil na rien de fixe ; car il faut que la matire propre et convenable pour faire le grand uvre, soit ncessairement en partie fixe et en partie volatile : et ainsi, le mercure commun peut seulement servir pour recevoir la projection de lElixir parfait, comme tant de la quintessence, de la nature, et du nombre des mtaux. Il faut donc tirer le mercure du mtal, qui est sa quintessence, et par ce moyen vous aurez la matire prochaine de luvre des Philosophes, parce quil est fait Mercure philosophal, cest--dire, purg, prpar et extrait de Racine mtallique par art de Philosophie qui rejette toutes eaux fortes. Ou bien vous serez comme il est dit dans le Livre de la Toison dor. Notre corps deviendra premirement cendre, puis sel, et aprs par ses diverses oprations devient enfin le Mercure philosophal, cest--dire, que le mtal doit tre calcin, rduit en sel, et enfin travaill en sorte quon en fasse le mercure Philosophal : sur quoi il est ncessaire de savoir, quil ny a que les sels mtalliques qui soient propres louvrage, et que tous les autres en doivent tre exclus pour les raisons ci-dessus allgues ; et dautant quils ne peuvent sunir parfaitement avec lor, la rserve de celui de leau de mer, ou sel marin. Encore que je vous ai ci-dessus enseign plusieurs voies certaines pour arriver lElixir parfait, nanmoins ce nest pas de cette matire et de ce mercure dont les Philosophes se sont servis pour faire leur grand uvre ; leur matire et leur manire est bien plus facile et moins embarrassante que les prcdentes : et pourtant, il ny a quune matire et un chemin, car ils sont homognes, quoiquils semblent tous diffrent ; la matire de laquelle les Philosophes se sont servis quoique homogne avec celles ci-dessus, encore un coup nest pas de mme, en quoi plusieurs sabusent grandement, parce que lintention de la Nature et de lArt sont bien diffrentes.

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La Nature prtend engendrer les mtaux, comme vraiment elle fait avec un fort longtemps, lArt ne prtend pas cela ; mais faire chose bien plus excellente que la Nature, qui est, de faire une Mdecine, qui convertit en peu de temps les corps imparfaits, en vraie Lune ou vrai Soleil ; cest pourquoi lArt se sert dautres voies et manires et dautre matire, quoique pourtant il imite la Nature en quelque faon, se servant comme elle de semence ; savoir, la Nature, des principes naturels et des quatre lments, et lart, de la semence de lor Philosophal : lArt commence travailler o la Nature a fini son opration, en commenant lui aider, et faisant ensemble le mercure des Sages, qui est la premire sublimation, exaltation, subtiliation ou amlioration de la pierre, dont la matire loigne est un compos qui contient les quatre qualits lmentaires, comme dans un temprament dgalit, et la matire prochaine, est le mercure et le soufre. Et lorsque les Philosophes disent quil nat en lair, ce nest pas de la matire faite par la Nature et de laquelle elle se sert, dont ils entendent parler, mais de celle que fait lArtiste, qui est le mercure Philosophal, lequel vraiment nat en lair, et se fait par la Nature et lArt unis ensemble, et sappelle encore la matire de la pierre, faisant confusion de lune avec lautre ; ce qui se fait et se doit faire par destruction ritre en rsolvant et sublimant, et au mme temps quon fait la sparation du pur et de limpur, et du subtil davec lpais de la matire, et aussi du Soleil et de la Lune ; ce que les Sophistes ne peuvent faire, mais il faut tre bon Philosophe, pour extraire comme il faut les puissances de la Nature, dont il rsulte une quintessence merveilleuse qui contient toutes les perfections de cette Nature. Et quoique les Philosophes ne parlent que du mercure et du soufre, qui sont deux des principes de la Nature, et quils ne disent rien du sel, qui est le troisime : il y est sous-entendu, dautant que cest lui qui fait la liaison des deux autres, et cest de lui quils entendent parler, quand ils disent ntre terre, ou ntre corps terrestre. Voyons ce quen disent les Philosophes anciens et Modernes, et commenons par le chef et le pre des autres ; cest--dire, par Herms Trimgiste. Il dit que ce qui est dessus est semblable ce qui est dessous, et que ce qui est dessous est semblable aussi ce qui est dessus ; et que comme toutes choses ont t faites dun, ainsi tout le magistre de la pierre se fait dune seule substance et dune seule matire. Il entend par ces termes cachs du dessus et du dessous qui sont semblables lun lautre, le fixe et le volatil, le mercure et le soufre, qui sont dune mme substance, et ne font eux deux quun compos, qui se nomme Rebis ; cest--dire, une chose qui est faite de deux substances homognes. Et ce
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mercure et ce soufre, ne sont pas le mercure et le soufre du vulgaire, mais le mercure et le soufre des Philosophes ; et ce mercure tout seul, ou ce soufre tout seul, ne peuvent pas tre la matire de la pierre, mais bien tant unis ensemble par lopration de la Nature, et non par celle de lArtiste, ni de lArt et de la Nature unis ensemble : et comme il y a la pierre blanche et la pierre rouge, il faut conclure comme le docte Abb Sinsius, que lune et lautre sont sous un mme sujet ; et ne proviennent que dune mme et seule matire. Artphius commence son Livre par la matire de notre Ouvrage, disant, lantimoine est des parties de Saturne, et a en toutes manires sa nature, et dans cet antimoine Saturnin, le Soleil et la Lune sy submergent, cest--dire sy prcipitent, sy joignent et sy unissent, et ne paraissent jamais quaprs la fixation parfaite. Par ces termes nigmatiques, il dit la mme chose quHerms ; ce que je nexplique pas davantage exprs pour vous donner lieu de pntrer dans sa pense vous-mme, et pour vous y aider : il suffit davoir marqu, quil dit la mme chose. Le docte Abb Sinsius, veut que la matire de la pierre soit un mdium entre le mtal et le mercure, qui soit en partie fixe et en partie volatile : autrement, dit-il, il ne tiendrait pas le milieu entre le mtal et mercure. Celui-ci est bien plus clair et plus intelligible, et dit encore la mme chose. Flamel veut que ce soit deux dragons, dont lun a des ailes et lautre nen a point ; il les explique lui-mme, lun tre mle et lautre femelle ; lun le fixe et lautre le volatil ; lun le soufre et lautre le mercure, qui ne sont pas le soufre et le mercure du vulgaire, mais ceux des Philosophes galement proportionns par la Nature seule sans la participation de lArt, dautant que cela surpasse les forces de lentendement humain, en quoi plusieurs sabusent, qui ne peuvent savoir les proportions requises, ou se servent dautre matire que celle des Philosophes. Philalte tant le dernier qui a crit, est aussi le plus intelligible : il dit, quil y a une chose dans le rgne mtallique si excellente pour faire la Pierre des Sages, que celui qui sait la prendre dans le temps de sa naissance, na que faire de se mettre beaucoup en peine, dautant que le Soleil et la Lune des Philosophes y sont plus proches que dans le Soleil et la Lune du vulgaire : en un mot, cest-dire, que cest l le grand secret des Philosophes, qui fait un Elixir bien plus parfait que celui quon peut faire avec autre chose ; et quoique les Sages semblent se contrarier, ils sont pourtant daccord, et disent tous la mme chose sous des termes diffrents et manires de parler qui leur sont particulires, et

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qui en entend un parfaitement, peut expliquer facilement les autres ; cest ce qui ma fait mettre ici leurs dires et manires de parler touchant leur matire. Puisque tous les Sages disent la mme chose lgard de leur matire, et que ce que jai ci-devant avanc des mtaux et des sels mtalliques lest aussi, et quil ny a et ne peut y avoir quune seule matire sur laquelle lart emploie son industrie pour la rendre la fin un Elixir, ou la Pierre des Philosophes parfaite au blanc ou au rouge ; il sensuit ncessairement que tout ce que jai dit cidessus, et ce que les Sages disent, nest quune matire homogne revtue pourtant de diverse formes accidentelles, qui subsiste sous ses formes sans la destruction de la forme substantielle et altration de la substance. Il est bien vrai, que lArt dtruit le mercure depuis la tte jusquaux pieds, et llve aussi depuis les pieds jusqu le tte, en forme plus subtile dune substance naturelle quelle ntait auparavant ; mais cela ne se nomme pas proprement destruction, mais bien amlioration. La Pierre des Sages est une, sa matire est unique, quoique de plusieurs choses, et ne se peut trouver en autre chose du Monde, et il ny a rien qui en approche en tout cet Univers ; elle est la matire premire de tous les mtaux ; elle est un mixte de terre et deau anim de lesprit de la quintessence et des influences du Ciel. Elle est faite par la Nature sans que lArt y ait contribu : et comme la Nature agt toujours simplement, lArt doit limiter autant quil peut, cest pourquoi il la prpare pour la perfectionner par une seule manire, la rduisant en une quintessence si admirable, qu la fin il la pousse jusqu une perfection si tendue quelle est faite une Mdecine universelle sur toute la Nature, cest-dire sur le minral, sur le vgtal et sur lanimal, et qui voudra la prparer par autre manire ne viendra jamais bout de ses dsirs. Cette matire est un corps terrestre, elle est pondreuse, arienne, sulfureuse, mercurielle et aqueuse, qui contient en soi la nature, la force, la vertu et la perfection de tous les Mtaux, et de tous les tres. Enfin, sa Racine est mtallique, cest pourquoi elle sunit parfaitement avec tous les mtaux ; elle convertit les imparfaits en parfaits, lorsquelle a t leve la dernire perfection ; ce quelle ne pourrait pas faire, si en son cach elle nen participait. De cette matire naissent deux Lions ou Dragons, dont lun na point de plumes, et lautre en a ; ils sont toujours en action, et ne dorment jamais quils ne meurent lheure mme, cest pourquoi ils mangent continuellement par les soins dHercules, qui leur fournit tout ce qui leur est ncessaire ; et ces aliments dont ils ne manquent point, sont cause quils acquirent toujours plus de vigueur, sans avoir besoin de repos et de sommeil ; et on peut dire que ce sont
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ces deux animaux qui veillaient la garde de la Toison dor, que Jason endormit par lindustrie que lui suggra Mde. Et encore que cette matire soit de deux natures, elle nest pourtant pas hermaphrodite, quoiquon en ait dit, parce que ce nest quune Nature homogne. Ecoutez le Comte de la Marche Trvisane ; Notre Pierre, dit-il, se fait dune racine et de deux substances mercurielles crues, prises et extraites de la Minire, lesquelles tant purifie et mondifie, sont jointes et unies aimablement par le feu, qui les cuit assidment, selon que la Nature le dsire, jusqu ce que de deux ils soient fait un, et cet un, fait de deux, est semblable la matire, de laquelle la Nature se sert dans la terre la procration des mtaux, nonobstant toutes opinions contraires, et la diversit des noms quon lui impose, qui nempche pas que ce ne soit une seule chose. Dans cette matire, dit Zachaire, tout le magistre est contenu, laquelle nous najoutons rien dexterne, ni de laquelle nous ne diminuons rien aussi, mais seulement nous loignons en la prparation ce qui est superflu. Et il faut donner de garde de prendre aucune matire dont les Philosophes se sont servis pour comparaison, comme quand ils disent prenez de lArsenic blanc, du Soufre vif, et choses semblables, et si vous ajoutez quelque chose dexterne, cest--dire, qui ne soit pas de la mme nature, elle donnera lieu corrompre et dtruire tout votre ouvrage, et vous priver de vos dsirs. Cette matire est vile ceux qui savent lArt, en comparaison ce grand trsor quils possdent, comme sils ne les possdaient pas, ayant toujours demeur dans les propres limites de leur naissance : et en disant que la matire est vile, ce nest pas dire de vil prix, car elle prend son origine du Soleil et de la Lune, qui sont son pre et sa mre, et la terre sa nourrice, comme dit Herms. Cette matire est vile et prcieuse en mme temps ; vile, parce quelle a un corps terrestre ; et prcieuse, parce quelle contient tout ce quil y a dexcellent et de parfait dans toutes les cratures. Bonus dit que cette matire est compose de corps et desprit ; que lesprit est de nature mercurielle et volatile, et son corps de nature fixe : ainsi, elle est largentvif des Philosophes, et leur Soleil et leur Lune ; lunion donc de ces deux est ncessaire en cet Art, car il faut les rduire en leur premire matire par largent-vif des Philosophes ; cest--dire les convertir en une eau visqueuse, ce qui ne se peut mieux faire que par largent-vif des Sages, qui en vient facilement bout, et il ne faut pas entendre cela du Soleil et de la Lune, et du mercure du vulgaire, dit Rosarius ; mais de notre pierre, qui contient la nature et les proprits de ces trois choses ; et cette rduction en premire matire sappelle
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la dissolution de la pierre, do il faut conclure que la pierre est compose de deux choses ; savoir, de corps et desprit : lesprit se sublime de soi et non pas le corps, sil nest incorpor avec lesprit. Et cette dissolution en eau, nest pas proprement dissolution, mais liqufaction comme cire, et comme celle du sel, qui se fait lorsquil est mis lair ou lhumidit. Cette dissolution se fait pour rduire le corps qui est terrestre en sa premire matire et pour que lesprit et le corps soient insparablement unis, soient fait un, et prennent une mme couleur ; elle se fait pour rduire le corps la qualit de lesprit, et ainsi le corps se mle avec lesprit sans jamais sen sparer non plus que leau avec leau ; cest pourquoi le corps slve au commencement avec lesprit, et la fin se fixe avec le corps. Elle se fait donc pour subtiliser les corps avec les esprits, et les pousser par aprs tous les deux jusqu une si grande spiritualisation quils soient tout esprit ; cest pourquoi la dissolution est absolument ncessaire pour pouvoir parvenir la sublimation, et ainsi la dissolution est la premire sublimation de la pierre. Elle se fait enfin pour extraire ou tirer lme de son corps, laquelle contient la teinture blanche et la rouge cache sous la blanche, afin dunir lme faite spirituelle avec son esprit et quelle puisse donner la vie son corps : cette dissolution se fait avec son eau, qui est une eau mercurielle, car la pierre est toute mercure, et un mercure qui contient en soi naturellement son propre soufre. Quoique les Philosophes aient parl dans leurs crits de tout louvrage de la pierre, chacun en a pass sous silence quelque partie, ou nen a dit quun mot en passant. Bacon stend plus que les autres sur la matire : le Comte de la Marche Trvisane, est le seul qui ait beaucoup parl de la prparation dont il a fait un livre entier. Et Sendivogius, sest plus tendu sur le rgime du feu, que tout autre Philosophe ; mais dans ce Livre je ne prtends pas faire ainsi, je veux mettre toutes les parties de louvrage comme elles doivent tre, cest--dire sans aucune confusion, et dans lordre quon les doit dcrire et quon le peut dsirer sans rien laisser en arrire. Je dis donc que tout louvrage de la pierre, nest quune perptuelle sublimation Philosophale et non Chymique, car la Chymique nest quune lvation de la matire au sommet du vaisseau ; mais la Philosophale est une amlioration et lvation un plus haut degr de perfection auquel on porte la matire, ce qui se fait toujours jusqu ce que la pierre ait acquis sa dernire perfection, par le moyen de lart et de la nature unis ensemble, qui saccompagnent toujours.
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Or la sublimation prsuppose toujours la dissolution du corps, et tout corps est dissout par lesprit avec lequel il est ml, et par lui il est fait spirituel ; et lorsque le corps est dissout, lesprit se coagule par la mme opration, qui est divine, surnaturelle et incomprhensible : do il faut insrer ce qui est dissout et qui est dissout, sont de mme nature, et que sil y avait quelque nature trangre, il ne se ferait pas une vraie et physique dissolution du corps et conglation de lesprit. La premire opration sappelle lextraction de la semence de lor, qui est la premire sublimation ou prparation du mercure Philosophal ; lor en cette semence par le moyen de lart acquiert la puissance de se multiplier, et ainsi le sujet de la matire que lArtiste doit choisir pour faire son ouvrage, et do il peut tirer la forme de la semence de la pierre. En faisant cette opration, le rcipient qui est de verre doit tre mis dans leau froide, ou bien il le faudra rafrachir par des linges mouills, crainte que le verre, quoique double, vienne se casser par la force et violence des esprits qui entreront dans ce rcipient, et se condense en une liqueur blanche, paisse et pondreuse. Et dautant que la Nature engendre toutes chose par le mle et la femelle, et les multiplie aussi par la mme voie, et que lart doit imiter la nature : cette semence de lor sera lagent et le mle, et le mercure sera la femelle de mme espce et origine ; lun sera dissolvant, et lautre sera la matire qui sera dissoute ; lun est fixe et lautre volatil, et de lunion de ces deux, il nat lenfant du Soleil si merveilleux ; et de mme que lhomme qui a t cr de la terre, nengendre pas son semblable de la terre, mais de soi-mme, et que lhomme se nourrit de la terre, et de cette nourriture se fortifie, crot et saugmente : ainsi lor engendre lor, et doit tre nourri de sa premire substance ou matire trs pure, et cest ce que dit Herms. Sa nourriture est la terre. Cette premire sublimation se nomme aussi distillation, parce quen distillant leau monte au haut du vaisseau Philosophal en espce ou en forme de fume ; cest pourquoi Herms dit, le vent le porte en son ventre. Par la sublimation parfaite, la destruction, la contrition et la pulvrisation de la matire sen ensuit, qui est, de mettre en chaux par un feu fort, le corps qui est demeur au fond du vaisseau : ce qui se fait, afin que le lien et la consolidation des parties terrestres et combustibles soit rompu et les subtiles soient spares, et que lme subtile qui est la partie tingente en soit plus facilement extraite : le Trvisan la nomme Elixir, dautant que ce premier degr est de faire le mercure Philosophal, quil nomme le mercure vgtal net et pur, que les Philosophes appellent Soufre
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blanc non brlant, qui est un moyen de conjoindre les soufres avec le corps et mercure ; et les Sages disent quil conjoint les teintures aux corps, quil est de nature fixe et arrte les esprit. La sublimation des Philosophes contient plusieurs oprations ; savoir la purification, afin davoir une substance pure et nette : la dissolution, pour rduire toute la masse de la matire en eau ; la troisime, la putrfaction ou corruption ; dautant que rien ne se fait sans que premirement la corruption prcde, suivant laxiome des Philosophes, corruptio unius est generatio alterius. Lablution, le nettoiement, blanchiment et savonnement suit, parce que toute chose sordide doit tre nettoye de toute impuret corrompante, cette ablution se nomme aussi incration et mondification. Lautre est la coagulation, parce quil faut que cette eau si prcieuse de laquelle nous avons parl, soit dessche et retourne en forme de poudre dont elle avait t extraite. La calcination suit, dautant que la matire calcine est plus propre et plus dispose la sublimation, et quelle est plus proche de la fixation, ce que plusieurs Philosophes nomment fusion. Et la dernire est la fixation, qui est parfaite lorsque la couleur ne change plus. Toutes lesquelles oprations sont en la sublimation, les parties volatiles sont leves comme dans le vaisseau pour tre fixes avec le corps fixe, et pour quils puissent donner la fusion au corps ou parties plus grosses, et se dfendre de la vitrification : ce qui justifie ce que jai ci-devant avanc, que tout le travail de la pierre nest quune perptuelle sublimation Philosophale : et cette sublimation, que sa fixation, qui est leve en sa substance, en vertu et en couleur une plus haute perfection. Cette sublimation contient la dissolution qui a t faite ds le commencement, et la fin on fait la fixation, qui est la coagulation parfaite : et consquemment, comme lon dit que louvrage de la pierre est une perptuelle sublimation, on peut aussi dire quil ne consiste quen une perptuelle dissolution et coagulation.

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CHAPITRE III. De la Prparation. prs avoir parl si abondamment et si clairement de la matire, venons parler de sa prparation, que les Sages se sont tant tudis de cacher, quoiquelle soit la chose la plus difficile de tout lArt. Ils lont fait exprs, dautant que si par hasard, ou par limprudence de quelquun, un homme venait la connaissance de la vraie matire, ne sachant pas comment la prparer, (ce qui est absolument ncessaire) ne pt parvenir laccomplissement de luvre : et comme grand nombre de personnes pchent lgard de la matire, il y en a encore plus qui manquent en la prparation, sans laquelle la pierre nayant point de mouvement de soi, ne peut tre faite un Elixir parfait, mais doit le recevoir de lart et du travail. Ces prparations, purgations et purifications ne sont pas vulgaires, mais Philosophiques ; et les Artistes ne peuvent les faire par des voies contraires celle de la nature, et celui qui en emploie, dtruit son ouvrage, parce quil doit imiter la nature et lui aider, puisquil doit travailler avec elle, mais non pas lui faire violence ; cest dire se servir des eaux fortes pour dissoudre en la prparation, dautant quelles sont corrosives et corrompent la substance des corps ; car plus ces eaux les corrodent et corrompent, plus elles les loignent de lespce des mtaux. Mais les dissolutions qui se font comme il faut, se font par largent-vif ; cest-dire par leau des Philosophes, qui corrompt seulement la forme extrieure des corps qui sont dissous, mais non la substance, dautant quelle a en soi une vertueuse humidit qui les dissout amiablement et sans aucun dommage, et qui est plus forte que le feu, dautant quelle se fait du corps de lor, un pur esprit ; ce que le feu ne peu pas faire, ainsi que dit la Tourbe. La prparation se fait et doit se faire par la destruction ritre en rsolvant et sublimant, et en sparant de la pierre le pur davec limpur, lpais davec le subtil, comme dit le Philosophe, dans le mme temps quon mle le soufre et le mercure, le Soleil et la Lune ensemble, et sans perdre aucun temps crainte de la dissipation des esprits, sans lesquels rien ne se peut faire, nayant point de mains ; mais cest aux mains de lArtiste auxquelles cette opration est dvolue : ce qui tant bien fait, la matire ne peut plus demeurer dans son espce ni dans sa forme, mais bien dedans le genre et dans la sienne, et ainsi la matire est dispose recevoir la forme de tous les mtaux, et est une opration qui seule la dispose la sparation de toutes les parties qui la composent.
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Quand lanimal a pris des aliments, et quils sont aprs digrs par la chaleur naturelle, la sparation du pur et de limpur desdits aliments se fait par la Nature ; limpur et le grossier est chass, et ce quil y a de pur et de subtil est retenu et converti en chyle, lequel est ensuite distribu toutes les parties du corps ; il en est peu prs de mme dans cette opration que lArtiste fait, parce que la Nature ne la pu faire, etc. Les principes de la pierre sont soufre et mercure, non pas dans leur nature, mais altrs et ensemble mls, et dment proportionns par la nature : en sorte que leur mlange avec les deux luminaires, il en vienne une troisime nature, et qui pourtant retient parfaitement les vertus et proprits de lun et de lautre : sur quoi il faut savoir, que le soufre et largent-vif sont des esprit volatils et que largent-vif lest davantage que le soufre, dautant quil suit davantage le feu, comme ayant plus de contrarit avec lui, mais le soufre a en lui la vertu de coaguler et fixer ; ainsi la pierre a principalement de largent-vif la proprit de voler, et du soufre la puissance de fixer, qui sont les deux principaux fondement que les Philosophes veulent unanimement quai la pierre ou matire de la pierre, pour devenir Pierre parfaite. Et quand cette opration est faite par le moyen de lart et la prudence de lArtiste, le mercure et le soufre tant unis ensemble et proportionns avec le Soleil et la Lune, une troisime nature qui en provient est leur mercure, auquel les Sages ont donn divers noms, car ils lont appel eau de mer, parce quil y a plus deau que de mer, et que de la nature igne : il acquiert la subtilit, lamertume et la puanteur. Il est nomm eau de nue, mais eau permanente, dautant que leau de nue vulgaire nest pas permanente au feu, mais senfuit et sexhale, Herms lui donne le nom de queue de dragon, parce que le dragon qui est le corps ou la terre, la dvore et la boit toute, et ce dragon est la substance fixe. Ils lappellent leur eau dore et leur eau de talc, parce quelle contient en puissance la substance des deux luminaires. Leur mercure minral et corporel, leur mercure anim, le double mercure, le mercure mtallique, le mercure essentiel sans lequel rien ne peut se faire ; leur eau de vie, eau cleste, leur eau douce, eau antimoniale et mercuriale, eau bnite, eau venimeuse, eau puante, eau des eaux, eau pondreuse, parce qutant mtallique, elle est plus pesante que toutes les autres eaux. Ils lui ont donn une infinit dautres noms, non seulement pour le cacher aux ignorants et aux mchants, mais aussi cause de son excellence, et il ny a pas un de ces noms qui ne lui convienne parfaitement. Il contient les quatre lments dans une proportion gale, qui saltrent dans louvrage les uns et les autres ; et enfin deviennent, nonobstant leur propension
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mutuelle la guerre rciproque dans un si parfait temprament et dans une si grande paix et amiti, que ne faisant plus quune mme chose : cette chose est un remde tous les maux pour le soulagement de toute la nature. Mais auparavant quil est t travaill, il est une eau qui ne mouille point, il est un feu qui ne brle point, il est une eau qui ne craint point le feu, il est un feu qui ne steint point dans leau, et qui y subsiste sans sy altrer. Il est un aimable dissolvant de tous les corps sans excepter les pierres les plus dures. Il se dissout, se calcine, se sublime, se coagule et se perfectionne lui-mme. Il est le dissolvant et leau forte des Philosophes ; il est un Prothe et un Camlon, qui se change en toutes couleurs jusqu ce quil ait atteint le rouge parfait. Et la raison, cest quil contient le mercure et le soufre des Sages, qui sont les vrais dissolvants de tous les mtaux, et quil ne se trouve point quaux mtaux. Ce mercure congle facilement le mercure vulgaire, mais ne le fixe pas ; pour y parvenir, il faut quil soit joint au Soleil et la Lune, cest--dire, il faut quil soit cuit et rduit en Elixir parfait au blanc ou au rouge, et il nimporte avec lequel il doit tre joint, cest--dire, fix. Geber dit que ce mercure est une gomme plus noble que les marguerites et les pierres prcieuses, et que ceux qui pensent faire louvrage sans lui, sont semblables ceux qui veulent monter au haut dune Tour sans chelle, et qui tombent sur le pav en commenant. Ce mercure subtilis est appel eau permanente qui rsiste au feu tant unie son corps, sans lequel elle ne serait pas permanente : et la raison pour laquelle elle est permanente, cest quelle est engendre dans le feu, et par le feu ; et quainsi quon peut dire que le feu est son pre, quoiquil ne soit que sa nourriture. Elle est cette humidit vivifiante de la pierre, sa vie et sa rsurrection ; elle dissout et congle tout, elle est la chose qui teint et qui est teinte invariablement, parce quelle est anime dune chaleur vivifiante, cest pourquoi sa teinture est permanente et ne peut tre efface ; les Philosophes ont scell la manire de la faire, parce que cest la principale clef de tout luvre et de leur magistre : cette eau est lesprit des corps convertis en nature de quintessence donnant vertu la pierre. Devant que la pierre soit travaille, elle se divise en corporelle et spirituelle ; lun fort de lautre, et lun rend lautre meilleur ; lun est masculin et lautre fminin, largent-vif des Philosophes est lhumidit radicale de la pierre, la magnsie est tout le compost dans lequel est lhumidit susdite, laquelle humidit nest pas comme les autres humidits qui fuient le feu, parce quil les consume, mais celle-ci y courre ; dans cette humidit ou pierre sont le Soleil et
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la Lune en vertu et puissance, et aux lments en nature : et sils ntaient pas en ce compost, rien ne se ferait, et de cela ne se ferait pas le Soleil et la Lune, qui sont autres et meilleurs que ceux du vulgaire, parce quil sont vivants, et que ceux du vulgaire sont mort. Cette eau contient en soi tout ce qui lui est ncessaire pour son amlioration, et sa dernire perfection, nayant besoin que du secours de lart, cest--dire dun feu artificiel et proportionn : et on ne peut errer quen ce commencement, cest-dire au feu, parce quil est difficile de trouver sa proportion. Rasis dit que quand ce mercure nat, quavec lui dans son ventre naissent le Soleil et la Lune. Enfin il y a tant de merveilles en ce mercure, quil contient en soi non seulement toute ma perfection mtallique, mais encore toutes les perfections de tous les tres tant suprieurs quinfrieurs ; et en un mot de toute la nature, et son animation est la transformation de lor en sperme, et ce sperme nest que pur or spirituel. Ce mercure contient en soi un feu, qui doit tre repu et nourri de plus grand feu au second rgime de la pierre, et ce feu du second rgime doit tre enclos par ce second ; les Philosophes le nomment propre instrument. Ce mercure est de terre et deau, et on le met dans luf tout frais et rcent avec tout son sang ; cest-dire avec tous ces esprits ; cest pourquoi il faut sceller que le plus promptement quon pourra, avec le plus commode sceau dHerms, dont sera parl ci-aprs, afin quil y soit sublim et exalt la nature dair et de feu, comme dit Arnauld de Villeneuve. Que les Chymistes ne cherchent donc plus de dissolvants autre que celui-ci, qui est le vrai dissolvant universel, qui dissout tout corps, quelques durs quils soient, doucement, aimablement et sans altration, ni corrosion aucune. Quils ne distillent plus des soixante muids deau de puits pour en faire un, et que les Sophistes laissent toutes leurs folles imaginations pour en trouver un propre leurs desseins, et que les uns et les autres ne se rompent plus la tte en vouloir faire avec divers sujets et diverses drogues. Tous leurs dissolvants ne seront jamais dissolvants qui puissent radicalement dissoudre les corps sans corrosion et altration. Quils tudient donc, et quils cherchent le moyen de faire ce divin dissolvant, qui dissout si bien tous les corps quelques durs quils soient, et qui se dissout soi-mme, qui est ce merveilleux mercure, qui contient en soi tout ce qui est parfait au monde, et qui est labrg des merveilles de Dieu : il est corporel et spirituel, il est esprit et participe des natures spirituelles.
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Lorsque par une merveilleuse industrie on a tir ce mercure du lieu auquel il tait cach par la Nature, quoi quil ait encore beaucoup de superfluits, il nen faut rien sparer ; et ceux qui prtendent quil y a du phlegme ou des impurets quils disent devoir tre spares, ne sont pas bien clairs ni habiles gens en cet Art, dautant que le feu des Philosophes convertit tout cela en substance spirituelle, pure et fixe : ce quaucun Philosophe na enseign que Pontanus, et ceux qui en sparent quelque chose gtent louvrage, et ny pourront arriver. Mireris dit que la pierre est froide et humide au commencement, et aprs quelle est faite, chaude et sche ; que nanmoins il ny a quun rgime lgard de lArtiste, qui tend rendre la pierre en sa perfection ; ce que ne se put faire que par une parfaite digestion, laquelle on ne peut arriver que par diverses digestions particulires, qui produisent divers effets et plusieurs couleurs : do il sensuit, que devant quelle arrive sa perfection, elle passe de nature en nature, et de couleur en couleur ; de sorte qu lgard de lintention de venir la fin, il ny a quun rgime et une opration ; et quant la diversit des natures, il y a diversit doprations. Et quand le Philosophe dit : il monte au Ciel, cest--dire au sommet de luf ; et quaprs il descend en terre, cest--dire au fond du vaisseau. Quand la matire est noire, cette noirceur se nomme putrfaction ; et lorsquelle a perdu cette couleur, elle est appele ablution et cration par quelques Philosophes. Enfin tout le travail e la pierre moyennant la Nature, nest quune coction et digestion continuelle de la mme nature, par un travail trs simple et trs ais, pendant le progrs duquel toutes les Plantes se font voir ; cest pourquoi la pierre a t appele des noms des Plantes et mme de ceux des minraux. Devant que lArtiste commence son travail, il doit savoir et bien connatre la matire propre, et le moyen de la travailler comme il faut, il doit sarmer dune grande patience, tre vigilant et observer ponctuellement tout ce qui se passera dans ses vaisseaux, dautant quil se doit rgler sur se quil verra ; il apprendra mme par l, les merveilles que Dieu a mises et caches dans la Nature, sur lesquelles faisant de solides rflexions, il aura souvent des lumires, auxquelles il naurait pu atteindre, ni mme avoir la moindre esprance da pouvoir les acqurir. Il faut quil crive tout pour sa consolation, et afin que rien ne lui chappe : et surtout, que rien ne lui manque de ce qui lui est ncessaire devant que commencer son travail, dont il trouvera un tat dans larticle du Fourneau ci-aprs dclar. Or le vrai moyen de conduire louvrage une bonne et due fin, cest dimiter la Nature, qui par une continuelle et douce chaleur fait largent-vif et le soufre
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dans la terre, sans quoi lArtiste ne ferait jamais rien qui vaille, et ceux qui font autrement et leur fantaisie, ou se servent du mercure et du soufre du vulgaire, travaillent en vain, parce que lintention de la Nature et des Philosophes nest pas cela ; mais bien quon prenne leur argent-vif et leur soufre. Il est constant que la Nature est longtemps les faire ; mais quand elle est jointe lArt, et que lart commence o la nature a fini ses oprations, il en vient bout en peu de temps ; et comme lart tout seul ne peut rien faire sans la nature, la Nature qui a mis les poids et les proportions dans la matire, aide encore lArtiste perfectionner ce quelle avait commenc seule, en travaillant avec lui et lui fournissant son feu central ou interne, et lArtiste le feu externe proportionn, avec les vaisseaux peu prs pareil ceux dont se sert ordinairement le mme nature. Mais cause quil faut lever la matire une perfection fort tendue, pour en pouvoir perfectionner les mtaux imparfaits ; il faut de temps en temps augmenter le feu externe, qui est la nourriture de la pierre, mesure quelle se fortifie, suivant le sentiment de quelques Philosophes ; nous en parlerons fond dans larticle du Feu. Devant que de finir ce Chapitre, il faut que je mette ici une chose rare de notre mercure Philosophal. Tout le monde sait quil dissout assez facilement les mtaux, vous en savez la raison qui a t dite ci-dessus, et pourquoi il ne les corrode pas comme font tous les autres dissolvant ; et sil les dissout amiablement quelques durs quils soient, plus forte raison il dissout les choses moins compactes. Or si on lui donne de loripeau dissoudre, cet oripeau deviendra en un moment en bouille fort claire, laquelle tant prise, par un tour de lArt, avec un pinceau de mtal, et applique sur du bois, du fer ou autre matire, la dorera dune dorure infiniment plus belle que celle dont on se sert ordinairement, et qui durera mme beaucoup davantage, puisquelle fait par pntration dans les matires, selon la duret de leurs corps, ce que la commune ne fait que superficiellement et par application. Ce secret doit en le mditant faire bien penser ceux qui en auront la connaissance, inventer cent beaux ouvrages dont on ne sest jamais avis, et cette grande pntration en doit tre comme la base et le fondement. Le corps mort est rduit en une terre noire qui na plus que peu de sel fixe ni de volatil, et qui pourtant tant tritur et rduit en poudre, est capable par sa grande siccit dattirer puissamment lesprit universel, lequel sunissant avec
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cette poudre lui donne de nouveaux sels et esprit conformes sa premire nature : ce qui est un autre secret quaucun Philosophe na jamais enseign, et que je sais par exprience ; de sorte quon peut encore y trouver une substance, qui nest pas mpriser. De mme en est-il des matires dont on fait les eaux fortes communes et vulgaires, qui tant puises par lArt, de tous leurs esprits, en fournissent encore plus dune fois qui ne cdent en rien aux premires, lorsquon se donne la peine de faire ce que dessus. Par ces exemples, on peut chercher quelque chose de nouveau dans la plupart des fces et corps morts, des matires dont se servent la Chymie et la Mdecine ordinaire. Je pourrais encore ajouter quelquautre chose, mais cela suffira pour aiguillonner les Curieux au travail, et la recherche de diverses merveilles qui sont encore inconnues aux plus savants et meilleurs esprits.

CHAPITRE IV. Du Feu.

prs avoir amplement trait de la matire de la Pierre et du choix quon devait en faire, et encore du mercure des Sages, qui sont deux des principales clefs de tout louvrage, mme rfut quelques opinions errones ; il reste maintenant parler du feu, qui est la troisime et dernire principale clef, que les Philosophes nont point enseigne, que sous des termes forts obscurs et nigmatiques ; disons que comme il ne se fait aucunes gnrations en ce monde sans Soleil, de mme sans le feu qui est le plus pur des lments, et qui ne souffre point la corruption, lequel les Sages nomment leur Soleil, rien ne se fait et ne peut faire en cet Art. Sans le feu la matire demeure inutile dans la main de lArtiste, et le mercure Philosophal nest quune chimre qui na de substance que dans son imagination, et quil ne peut rduire en acte.

Tout homme a ce Soleil lmentaire en sa disposition, duquel il peut se servir son plaisir, lui donnant tantt plus et tantt moins de chaleur, afin den rgler les degrs selon ses dsirs, et selon quil les juge ncessaires aux oprations quil
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veut faire russir ; mais de trouver ce degr proportionn au fourneau et la matire qui est dans luf, cest ce qui est trs difficile. Arthphius la enseign fort obscurment, et Sendivogius en a plus parl que des autres parties de louvrage, et plus dit lui seul que tous les Philosophes ensemble. Quand donc un homme ne sait pas donner la proportion du feu, il travaille toujours inutilement et sans aucun fruit ; sans cela, cest--dire, sans cette troisime clef, il ne peut jamais entrer dans le parterre des Philosophes, la porte duquel elles sont attaches toutes trois, mais si haut, quil ny a que les grands hommes qui puissent y atteindre ; et si quelquun voulait franchir les murs, il ne manquerait jamais de se tuer, cause de leur grande hauteur, et de la profondeur du terrain. Avanons et tachons davoir cette troisime clef, puisque nous avons dj les deux autres, et que sans elle nous ne pouvons rien faire. Et pour prendre les choses de loin, afin que rien ne manque notre instruction disons. Que la nature ne peut rien faire que par un grand temps, quoiquelle peut dtruire une chose en peu. Que dans ses uvres elle a certaines bornes quelle ne peut outrepasser, et quelle contient aussi en soi tout ce dont elle a besoin pour ses oprations et ses productions ordinaires. Elle engendre bien les mtaux mais non pas les teintures, quoiquelle les contienne, et quen elle elles soient caches, mais le fils du mercure et du soufre en est tout rempli, et cest de lui seul quon en doit esprer de fixes et dinvariables. La Nature a une propension perfectionner tous ses ouvrages, mais elle ne peut delle-mme leur donner quune simple perfection, dautant quelle agit toujours simplement, si lArtiste ne lui prte son secours, et nagt de concert avec elle. Or le moyen dont lArt ou lArtiste se sert pour laider, nest autre chose que la chaleur convenable, qui ne se trouve que dans le feu. Les Philosophes ont accus plusieurs feux dans leurs crits, savoir celui du fient de cheval, du bain-marie, et celui du charbon, pour dtourner les idiots du droit chemin, lesquels prenants leurs dires la lettre, se sont servis de tous, sans avoir pu rencontrer quoi que ce soit, et sans considrer que tous ces grands hommes et ces matres de lArt, ne parlent jamais que par nigmes, mtaphores et similitudes ; car toutes ces chaleurs et ces feux ne pouvant longtemps durer dans un mme degr et mme temprament, doivent tre rejets, dautant quil faut absolument que le feu propre faire la coction du mercure et le changement des lments ou qualits lmentaires, les unes dans les autres, soit un feu gal, continuel et approchant de celui dont la Nature se sert pour la procration des mtaux.
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Or il ny a que le feu de lampe qui puisse faire cela, et avoir les qualits ncessaires pour faire un si bel ouvrage, cest pourquoi il est nomm le feu philosophique, le feu secret et de gnration ; et en effet, ce feu est un des plus grands secrets de lArt. Ce feu de lampe ne peut tre gal et continuel, quavec un grand soin et une grande peine, si on se sert de la mche ordinaire ; cest--dire, de coton, dautant quil faudrait que lArtiste veillt continuellement et sans intermission, et que trs souvent il ft oblig de tirer une lampe, et den remettre lheure mme dans le fourneau, autrement elle pourrait steindre, cause que la mche se consumant fait en peu de temps des champignons, qui font languir au commencement, et ensuite touffent le feu ; ce qui serait un travail insurmontable et plus quHerculen. Mais pour soulager lArtiste et lui donner courage, il se peut exempter de toutes ces peines, se servant de la mche incombustible, qui se fait avec le Talc de Venise, ou lAlun de plume, lAmiante, ou bien le Sel gemme prpars comme il faut, et pour tout travail, il ne restera que celui de ne point laisser manquer dhuile sa lampe : ce qui est facile faire, puisque cette lampe doit tre de celles de linvention de Cardan, qui se fournit dhuile elle-mme, et qui en contient plus que le feu nen peut consumer en vingt-quatre heures. Par ce moyen il aura la libert daller prendre lair, et vaquer ses affaires, sil lui en est survenu, sans avoir la moindre inquitude pour son travail et son ouvrage. Et si ce feu ntait pas continuel, cest--dire, sil tait teint et que la matire fut refroidie, et ainsi eut manqu de sa nourriture ordinaire, lArtiste le plus clair du monde ne pourrait rtablir son ouvrage par quelque artifice que ce pt-tre. La raison en est, que la pierre est engendre dans le feu, et par le feu, quil est sa vie et sa nourriture ; et quand il est teint, la pierre meure en mme temps, et ne se peut plus revivifier ; cest pourquoi il serait oblig de recommencer faire dautre mercure Philosophal, et aussi le surplus des oprations quil aurait ci-devant faites. Les Philosophes distinguent prudemment deux feux, et disent que la matire qui est leur mercure, a son feu interne et central, et que ce feu seul ne suffit pas pour sa coction parfaite, mais a besoin de la chaleur du feu lmentaire pour mettre en mouvement la chaleur de son feu naturel assoupi et engourdi ; cest ce que doit administrer ou fournir lArt ou lArtiste, non pas dans une cour ou jardin, ou bien tel autre lieu expos lair, comme on est oblig de faire en quelques oprations Chymiques, parce que lair souffre souvent diverses altrations par un froid excessif, par une trop grande abondance dhumidit, ou
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telles autres qualits, qui sans doute feraient impression sur cette matire trs dlicate, et ainsi dtruiraient entirement louvrage : cest pourquoi il faut tre couvert. Et le fourneau Philosophal est le lieu le plus propre pour cela, cest l dedans que la pierre se dissout, se calcine, se coagule, se blanchit, se rougit, et reoit commodment sa dernire perfection par la seule opration du feu, qui fait toute sa coction, et tout ce qui est ncessaire ce divin ouvrage. Il ne faut aussi mettre ce fourneau dans un lieu obscur, dautant que lArtiste doit voir commodment tout ce qui se passe au-dedans, par le moyen de quelques petites fentres vitres quon y a faites exprs. Ce feu doit tre gal, modr, continuel, et proportionn la qualit de la matire, laquelle proportion secrte dpend de la prudence de lArtiste, quun Philosophe dit tre artificiel trouver ; et lequel feu, tous les Philosophes disent devoir tre doux lent et du premier degr. Nous enseignerons ci-aprs divers moyens infaillibles pour le rencontrer ; mais il ne suffit pas davancer ces paroles en un point de si grande importance, sans lautoriser par la raison et le tmoignage le plus sincre des Philosophes. Une des principales raisons est, que lintention de lArt est de faire une Mdecine qui contienne en soi les quatre qualits lmentaires dans un temprament dgalit, et consquemment quil faut conserver la froideur de leau, qui doit dominer en ce commencement ; ce qui ne se peut faire que par un feu trs lent, par un feu doux, tempr et continuel, qui puisse seulement mettre la Nature en mouvement, et insensiblement desscher lhumidit superflue de leau ; et si on faisait un plus grand feu, on consumerait cette froideur si ncessaire conserver, et rien ne se dissoudrait et ne se coagulerait, parce que le grand feu est ennemi capital de la froideur, mais ce feu doux et modr du premier degr, est le seul propre conserver cette qualit, dissoudre le compost ; et enfin faire russir ce bel ouvrage. La seconde raison, cest que la pierre en son commencement est en partie fixe, et en partie volatile, et participe plus du volatile que du fixe, ainsi il faut se servir dun feu doux et lent, pour vaincre peu peu cette volatilit surabondante, en cuisant doucement la pierre, laccoutumant insensiblement souffrir le feu, qui de sa nature est sec, et par ces qualits dessche son humidit superflue sans altrer tant soi peu sa froideur, et la dispose ne plus craindre aucun feu ; do on peut conclure, que par un grand feu on ne conserverait pas la froideur, on brlerait les fleurs trs tendres du compost, et le vaisseau se romprait par la

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violence des esprits subtils et trop agits, qui seraient contraint de se faire passage, et le tout serait perdu sans aucune ressource. Tous les Philosophes sont de ce mme sentiment, quil faut se servir de ce feu lent et tempr, parce quil ny a que celui-l seul quils ont prouv capable dextraire les humidits corrompantes sans aucune lsion des qualits du compost, recommandant toujours de ne sennuyer pas de la longueur du travail, et blmant la prcipitation. Le seul tmoignage dHerms, outre que dessus, devrait suffire pour notre conviction, sans rapporter ici ceux des autres Philosophes ; nanmoins je ne laisserai pas de le faire, afin quil ne reste pas dans lesprit de ceux qui liront ce petit ouvrage, le moindre doute de cette vrit, que je nai avanc quaprs en tre pleinement convaincu moi-mme. Herms dit : Tu spareras la terre davec le feu, cest--dire davec lesprit ce quil explique lui-mme, ajoutant le subtil de lpais doucement et suavement, et avec une grande conduite. Il ne pouvait pas mieux exprimer le premier degr du feu, qui fait cette sparation dans luf Philosophal, levant doucement le subtil, qui est la substance spirituelle, et laissant la terre au fond ; ce qui narriverait pas, si on faisait un grand feu, car lpais ou le terrestre monterait avec lesprit ou le subtil, et tout se perdrait dans cette confusion faute de conduite et de jugement. Au Livre de Saturne, il est dit ; que celui qui gouverne son travail par un feu long peut arriver au secret, dautant que faisant ainsi, les qualits les plus dlicates de la matire sont conserves dans leur entier, et que la matire ne se vitrifie pas, mais demeure toujours en tat dtre dissoute, calcine, etc. Gallicanus, Morienus, Geber, Artphius, et les autres, disent la mme chose. Mais il ne suffit pas que ce feu soit lent et tempr : il faut, comme jai dit ci-dessus, quil soit encore gal et continuel, cest ce quenseigne Morien, disant : prenez bien garde doublier aucun de ses jours et faites que votre feu soit doux et tempr, et quil brle toujours galement. Pour trouver ce feu, il faut consulter la Nature qui fait ses oprations dans la terre par la continuelle et douce chaleur du Soleil. On doit aussi prendre exemple sur la poule qui couve ses ufs et les fait clore par sa seule chaleur, (au sentiment Arnauld de Villeneuve) que lArtiste doit plutt imiter que la premire, dautant que la Nature a besoin de plusieurs sicles pour faire les mtaux, cause de la trop grande lenteur de la chaleur dont elle se sert, et que lElixir est rduit en peu de temps en sa dernire perfection, ce qui ne procde que de la diversit de la chaleur et de la coction ; cest pourquoi lArt avance son travail bien plutt que la Nature.
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Ce feu tempr et du premier degr, se peut trouver en tenant la main par un longtemps dans le fond de lcuelle, sans se brler et souffrir aucune lsion, ou bien mettant des ufs dans lcuelle o seront les cendres prpares ; et si dans le temps prescrit par la Nature, il vient clore des poussins, cela sera bien, et vous aurez le premier degr du feu qui vous est ncessaire, suivant le sentiment de ce Philosophe : Pullifica concoctione focers non definit donec, etc. Et sils nclosent pas dans le dit temps, ou le feu est trop faible, ou bien il est trop fort, et aura brl le germe, et les aura cuit ; ce que vous connatrez en les cassant, de sorte quil ne sera question que de rgler ce feu sur lun de ces dfauts. De mme, si la noirceur ne parat pas dans quarante ou quarante-deux jours, ou au plus cinquante-deux, cest signe que le feu est trop faible et quil le faut augmenter, et continuant toujours ce mme feu, par son retardement vous jugerez avec certitude de laugmentation qui lui est ncessaire. Et quand les Philosophes disent, que le feu est trop faible, que la matire se morfond, cest une de leur manire de parler, qui veut dire que le feu doit tre augment, ou autrement quil fera longtemps, comme la Nature, rduire son ouvrage dans ltat quon le dsire. Ainsi on voit quil ny a point de pril faire le feu faible, et quil y en a le faire trop fort, et quil est mieux dviter ces deux extrmits. Voici un autre moyen, qui est dchauffer premirement le fourneau et les cendres de lcuelle avec le feu de quelques charbons, (ce qui se doit toujours faire pendant 24 heures) dans lesquelles cendres vous aurez mis un creuset vide que vous couvrirez, dans le lieu ou doit tre pos luf Philosophal, et de la mme manire ; et aprs les 24 heures, les charbons tant ts, vous introduirez la lampe fournie dhuile dolive et allume du nombre des fils de mches que vous aurez jug propos, et en mme temps vous mettrez dans le creuset du saturne ou plomb fondu petit feu dans un autre creuset, en sorte quil ne soit que seulement ou simplement fondu, et quen posant un ftu dedans, il ne soit point brl, et couvrant le dit premier creuset et le fourneau, vous laisserez cela au feu de lampe durant trois jours sans intermission ; et si vous voyez aprs le dit temps que le saturne demeure toujours fondu sans se congeler, votre chaleur est bonne. Toutefois cela nest pas encore suffisant pour tre assur, car cette chaleur pourrait peut-tre excder la juste proportion qui vous est ncessaire. Cest pourquoi pour le savoir au vrai, il serait bon de mettre quantit de petites lamines de saturne dans un creuset que vous poserez dans ladite cendre, auprs de lautre creuset o est le plomb fondu, le couvrirez de mme, et les laisserez l ensemble ce mme feu durant trois jours astronomiques, lesquels expirs, aprs avoir ouvert vos vaisseaux ; si vous voyez que vos lamine ne sont
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aucunement fondue par cette chaleur, et que le plomb de lautre ne soit pas congel, alors vous tes assur davoir le premier degr et rgime du feu que vous cherchez et qui vous est ncessaire pour votre ouvrage, et pour faire dans son temps la putrfaction ou corruption de la matire, qui prend la couleur noire, ainsi que nous dirons peu aprs. Ce feu doux du premier degr doit durer sans aucun changement jusqu la blancheur parfaite, dit Morien, parce quil est propre et ncessaire la fixation qui ne se fait quen la blancheur, dautant que depuis le commencement de louvrage jusqualors, le volatile rgne et surpasse le fixe, et on peut errer et tout gter, en donnant un feu plus fort ; mais quand on est parvenu cette couleur, on ne peut plus faillir, dautant qualors le soufre de la matire ne se peut plus brler, et que le fixe a surmont la nature du volatile, vu que le volatile mme sest fix avec son soufre fixe, sans en pouvoir jamais tre spar. Arnauld de Villeneuve dans sa Lettre crite au Roy de Naples, veut que le feu soit augment la blancheur, mais petit petit jusqu la rougeur, et de la rougeur encore peu peu jusqu la rougeur parfaite, conformment aux termes de son Testament : Donec colorum varietate lapis denisdatus, in niveo colore laetificet, et extunc, fine metu periculi sustinet poenas ignis crescentis, donec colore tinctus purpureo, egrediatur e monumento cumregia potestate. Et sa raison et celle des Philosophes, cest que pour lors tous les esprits sont fixs et sont capables de souffrir le feu quils fuyaient auparavant ; et si on lavait augment plutt, la force et violence des esprits aurait sans doute rompu luf pour se faire passage : outre que la froideur qui est une des qualits lmentaires quil est ncessaire de conserver, aurait t dtruite, dautant quelle nest pas compatible avec un feu fort. Il y a nanmoins des Philosophes qui ne sont pas de ce sentiment, et qui disent : Que quand les anciens Sages ont crit daugmenter le feu aprs la blancheur parfaite, ils nont pas entendu que cette augmentation ft une extension de la chaleur, mais une prolongation de temps et de travail, dautant que ce mme feu qui a pu conduire louvrage jusqu sa perfection et fixation au blanc, par sa continuation, pourra aussi le pousser jusquau rouge parfait, cause que par cette continuation la pierre se change mieux et plus aimablement de couleur en couleur, et de nature en nature ; outre que ce feu na plus combattre aucune humidit ni froideur comme ci-devant, et que la pierre en ltat quelle est, a en elle un feu plus tendu quelle navait auparavant, et quelle saide delle-mme se perfectionner davantage et recevoir limpression du feu, quelle contient dj en son cach.
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On peut expliquer le dire dArnauld, selon cette subtile pense, et dire que les Sages nous insinuent ainsi ; quil nen faut pas demeurer l, et que ce serait une perte notable, puisquon peut faire lElixir rouge en peu de temps, qui est sans comparaison beaucoup plus parfait que le blanc, parce que le blanc ne contient que trois lments ; savoir leau, la terre et lair, et que le rouge contient encore le feu, qui est le quatrime et le plus pur de tous, lequel achve la roue lmentaire et le dernier changement des lments ou qualits lmentaires les unes dans les autres, rduites dans un temprament parfait dgalit, contre leur inclinaison mutuelle et naturelle de se faire une guerre perptuelle : et si le feu nentre point dans lElixir blanc, il ny exerce pas sa dernire perfection et vertu comme il ferait, si louvrage tait conduit jusquau bout. Quant moi, je donne les mains cette charmante explication, et tiens quil est plus sr de continuer la mme chaleur, parce quon ne peut errer en aucune manire, ; et que sil y a quelque mal suivre cette voie, il ne consiste que dans le retardement, comme nous voyons arriver aux oprations de la Nature, qui sont toutes longues cause de la faiblesse et dbilit de la chaleur qui lui aide faire son travail dans les entrailles de la terre. Nanmoins on peut suivre le sentiment dArnauld avec assurance. Jai dit ci-devant, que si une fois pendant le travail, le feu tait teint et la matire refroidie, on ne pourrait par quelque artifice que ce ft ranimer ou pousser plus loin son ouvrage, et quil fallait recommencer le tout. Je le rpte ici exprs pour avertir le Lecteur, que si lElixir blanc est aussi refroidi, on ne peut plus le pousser au rouge, sinon en le rtrogradant, cest--dire, en le dissolvant dans de nouveau mercure Philosophal, et recommenant louvrage comme auparavant, car cest rduire lElixir en sa premire matire ; il est vrai aussi que le travail ne soit pas si long, cause des qualits et lvations que cet Elixir avait dj acquises par le long travail prcdent : ce qui est un grand secret, que je nai jamais lu en aucun lieu. Il y a encore dautres feux dont je ne parle point ici parce quils ne sont pas ncessaires cet ouvrage, et quils ne feraient quembarrasser lesprit ; on les peut voir dans mon dictionnaire, ils sont le feu naturel, le non naturel, et celui quon nomme contre nature.

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CHAPITRE V. De la Putrfaction.

l y a des Philosophes qui divisent le travail de la pierre en la sublimation, dalbation, rubification : mais sous chaque partie, il y en a dautres considrables qui y sont comprises et sous-entendues ; savoir, sous la sublimation, lextraction du mercure et la putrfaction. Sous la dalbation, le cours de diverses couleurs qui paraissent devant et aprs, et la premire fixation des esprits de la matire rduite en une couleur blanche, qui est la premire pierre. Et sous la rubification, la dernire perfection de la seconde pierre qui se rougissant fait paratre plusieurs couleurs et diverses sortes de rougeurs, et enfin se rougit dune couleur rouge invariable ; et entre ces trois parties, toutes les couleurs quon se peut imaginer se font voir diverses fois, jusqu ce que la couleur de pavot ait pris leur place, en laquelle couleur toutes les prcdentes se sont comme abmes et sont contenues. Dans la putrfaction la couleur noire rgne, qui est la terre ; dans la dalbation, la blanche ; qui est lair ; et dans la rubification, la couleur rouge, qui reprsente le feu ; ces trois principales couleurs de la pierre, dans lesquelles les autres sont contenues, achvent toute lopration. la couleur noire, est le signe de la corruption et bonne commixtion de lhumide avec le terrestre ; la blancheur, le signe de la fin de lhumidit superflue, et si on continue le feu, la chaleur agissant la couleur rouge est engendre. La putrfaction est la corruption de la matire, ou du mercure Philosophal, qui se fait par le feu lent ; car le feu fort consume et dtruit ; le feu lent au contraire, est appel le feu de gnration ; mais devant que la gnration se puisse faire, il faut ncessairement que la corruption prcde ; sur quoi pour la bien faire, il faut savoir que tant plus le temps en est prolong, tant plus elle est excellente, et partant que ceux qui la prcipitent par augmentation de feu, ne font rien qui vaille, et ne peuvent jamais russir, cest pourquoi, un Philosophe disait : Omnis praecipitation a diabolo. Quand on a le degr du feu, et que luf est bien scell du sceau dHerms, en sorte que rien ne respire, cest--dire quaucun esprits de la matire ne puisse senfuir, compter du jour quon commence travailler cette matire ou ce mercure, lorsquil est dans luf, au bout de quarante ou quarante deux jours,
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ou bien cinquante deux au plus tard, la noirceur commence paratre, qui est le signe certain que la putrfaction se fait, et que lartiste est dans le bon chemin. Les Philosophes lui ont donn divers noms, et lont appel occident, tnbres, clipse, lpre, tte de corbeau, mort, et la mortification du mercure, pour par aprs ressusciter plus clair, plus net, plus pur, et plus fort quauparavant, et par l il reoit et prend la vertu minrale du Soleil et de la Lune, qui sy unissent insparablement, et que les Sages ont nomm le mariage Philosophal, et lanneau du souverain Lien. De cette union de mle et de femelle de mme nature et de mme espce (car la gnration de chaque chose il est ncessaire davoir son semblable) suit lingrossation, ou sublimation s lgers lments ; en sorte que cette terre noire, par les continuelles circulations qui se font dans luf, qui retombent toujours sur le corps mort, qui est appel par les Sages, le corps, la terre, le fixe, et le ferment : et la partie qui slve qui est la spirituelle et la plus subtile, ils lont nomm la partie volatile, qui retombant fait delle-mme les imbibitions et calcinations ncessaires, et qui tant plus elle continue de slever, tant plus elle se subtilise, et plus aussi elle calcine mieux ce corps, et cette calcination est la purgation de la Pierre ; et le vrai signe de la calcination parfaite, est la conglation du mercure, et la conglation est une fixation des esprits ; en telle sorte quaprs un grand temps ; de noir et immonde quil tait, il semble quil ait t nettoy, purg, purifi et savonn, tant il a de blancheur ; cest pourquoi les Matres de lArt lui ont donn les noms de lavements, purgations, purifications, savonnement et dablutions ; au commencement leau paraissait, car le mercure est eau ; mais quand cette eau est paisse et que le noir se fait voir, cest pour lors la terre noire qui se fait voir. Il appert donc, que par cette putrfaction, on fait la sparation du pur et de limpur : ce que la Nature na pu faire, mais cest lArtiste qui ce pouvoir est dvolu : ce qui tant bien fait, la matire ne peut plus demeurer dans son espce, ni dans sa forme, mais bien dedans le genre et dans la sienne, et ainsi la matire est dispose recevoir la forme de tous les mtaux, et est une opration, qui la dispose la sparation de toutes les parties qui la compose, ntant point permis lArtiste, ni mme aux Anges de dtruire le genre, sans une particulire permission de Dieu, qui la ainsi voulu ds le commencement et ds la cration de tous les tres. La ncessit de la putrfaction est vidente, puisque sans elle louvrage ne se peut faire, dautant quil ne se fait point de gnration dune nouvelle forme si la premire nest corrompue ; cest pourquoi cela se doit faire en notre mercure, cause des imperfections qui laccompagnent, desquelles il le faut dgager par
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diverses altrations. Or les signes dune vraie et bonne putrfaction sont une noirceur trs noire ou trs profonde, une odeur puante, mauvaise et infecte, dite des Philosophes, toxicum et venenum, laquelle odeur nest pas sensible lodorat ; mais seulement lentendement ; et quand elle devient comme une huile trs noire, et tant que cette couleur dure, cest la femelle qui domine, cest dire le volatil. La noirceur est la vraie putrfaction ou corruption naturelle de la pierre, et cette corruption est le principe de nouvelle gnration, et de nouvelle forme : et par la continuation de la chaleur, la nouvelle forme sintroduit et parait, qui est la couleur blanche tant dsire, qui en son commencement nest quun petit cercle blanc, que Flamel nomme blancheur capillaire, qui saugmente peu peu et insensiblement, et enfin vient en une parfaite blancheur trs clatante, qui tmoigne que la pierre est prive de toute humidit superflue : et quand cette blancheur parait, cest le signe que luvre approche de sa fixation ; et quand Herms dans son Testament dit, toute sa force est convertie en terre, cest--dire en fixation. Le mariage Philosophal de mle et de femelle, ou lunion du corps et de lesprit, se fait premirement pendant la noirceur ; et quand par lopration lesprit se spiritualise et volatilise son corps, et que le corps corporalise et fixe lesprit qui de sa nature est volatile : pour lors ils sont fait un, et ne peuvent jamais tre spars et dsunis, tant tous deux spirituels et corporels, mais dune corporalit spiritualise.

CHAPITRE VI. Elixir Blanc.

ans cette noirceur, la blancheur est cache, et entre ces deux couleurs plusieurs autres se font voir ; savoir, quelque rougeur, la couleur citron, et une couleur verte, laquelle verdeur est le signe du commencement de la vgtation de la pierre : aprs cette verdeur, on voit une autre rougeur, et ensuite la vraie blancheur, dans laquelle la vraie rougeur est cache ; et entre la vraie blancheur et la vraie rougeur, les couleurs prcdentes
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se font encore voir, mais elles ne durent pas tant, et diverses rougeurs paraissent devant la vraie rougeur, qui est de couleur Pavot. Lorsque la mre a mang son enfant ; cest--dire, lorsque la terre qui est fixe, a bu toute son eau, qui est le volatile, une simple blancheur ne suffit pas pour la perfection de lElixir blanc, dautant que le milieu peut avoir encore de la noirceur ; cest pourquoi il faut continuer le feu jusqu la couleur citrine, qui dnote que tout le compost est parfait au blanc : et cest alors une Nature neuve exempte de toute terrestrit et sulphurit corrompante. Cet Elixir sappelle de plusieurs noms ; savoir Soufre de nature, Soufre blanc, et Elixir, ou la Pierre au blanc. Un Philosophe dit : Que dans le mme temps de la dalbation, toutes les couleurs dont nous avons parl ci-dessus, se perdent et sunissent en elle : et comme la noirceur est le principe de luvre et la premire couleur qui parait nos yeux, de mme la blancheur est la couleur moyenne entre la noirceur et la rougeur ; par laquelle couleur moyenne, il faut ncessairement passer pour aller la citrine, qui est la digestion parfaite : de mme, que la blancheur nest autre chose que la purgation ou nettoiement de la noirceur, ce qui se fait par la seule continuation du feu. En ce mme temps, dis-je, lme entre dans son corps, et la teinture sy joint aussi : cette union de lme au corps est une uvre divine, parce que cela dpend de Dieu seul et de la Nature dans laquelle il agit ; et ce temps est celui auquel Morien dit quil y aura de grandes merveilles, qui est celui de la dalbation, auquel lme entrant dans son corps, le fixe et llve en une teinture permanente au blanc et au rouge ; savoir, au blanc dans son extrieur, et au rouge dans son cach : et cet Elixir blanc en son manifeste qui contient lor en son occulte, est lor blanc des Philosophes ; et lor rouge en prochaine puissance, cest--dire en son cach. Et lorsque cet Elixir blanc est projet, il donne le poids de lor aux mtaux qui reoivent cette projection ; ce qui narriverait pas, si lor ntait compris sous cette substance blanche : cette me qui entre dans son corps, est la vertu de la matire, et lesprit est la matire volatile. Dans le Livre des sept Sceaux, cet Elixir blanc est nomm Anneau dor couvert dargent, cest-dire la Pierre des Philosophes qui en son profond est mle et or, et en son extrieur est argent et femelle. On rencontre souvent dans les Livres des Sages les termes de tuer, souper la tte et semblables, qui ne veulent dire autre chose, sinon fixer ; parce quen tuant un animal avec une pe, qui est le feu des Philosophes, son sang sort de son corps dans lequel consistent et rsident les esprits de sa vie : de mme, lors de la
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fixation, toute la volatilit, qui reprsente le sang et les esprits, ne parait plus. Cest ce que dit Herms, en ces termes : Que la Pierre a pour lors la force des choses suprieures et des infrieures, cest--dire des spirituelles et corporelles qui sont unies ensemble dans la fixation. Et si cet Elixir blanc na pas dingrs ou fusion, il faut lincrer peu peu, ou goutte goutte avec lhuile blanc des Philosophes, jusqu ce quelle flue comme cire, dont la meilleure manire est celle qui se fait par imbibition dans la multiplication, dont nous parlerons ci-aprs. Quand ont est parvenu cette blancheur parfaite, les Philosophes disent quils ont coup les pieds mercure, parce que tout est rduit en fixation ; et cette fixation coupe aussi les pieds au volatile des mtaux imparfait, ce qui sera plus amplement expliqu dans lArticle de la Projection.

CHAPITRE VII. Elixir Rouge. ous avons dit ci-devant, que la Nature contient en soi tout ce qui est ncessaire, et que pour se perfectionner, elle navait besoin que du secours de lArt, qui lui fournit un feu gal, continuel et proportionn, avec lequel tout louvrage se fait dans un seul vaisseau, sans quil soit ncessaire de louvrir jusqu la fin. Par la continuation de ce feu, nous avons vu la noirceur ou la putrfaction et corruption de la matire : et par cette mme continuation sans addition daucune chose, nous sommes venus la blancheur et fixation des esprits avec son corps qui ont fait lElixir blanc parfait. De mme par la prolongation du feu, ce qui tait blanc et argent, devient rouge et or parfait ; cest--dire, que le soufre blanc de largent-vif des Philosophes, devient leur soufre rouge et leur Elixir parfait au rouge, que quelques-uns appellent Crocus, qui ne change plus de couleur en couleur, et qui retient celle du feu, qui alors prdomine et contient en soi et en son cach toutes les autres couleurs prcdentes. Cet Elixir rouge, ou Pierre des Philosophes au rouge, est celle qui est la seconde, et qui a acquis sa dernire perfection, lorsque ce rouge ne change plus, et quil est venu la couleur du Pavot ; et lorsqutant mis au feu, il fond comme de la cire, quil y persiste et ny diminue point, ne faisant ni fume, ni aucun bruit ou
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ptillement, et quil sattache et sunisse insparablement avec toute lamine de mtal embrase, et la teint de sa teinture, la fixe et lui donne son poids et sa perfection aurique, et par mme moyen toute sa nature et son excellente incorruptibilit, en laquelle tous les lments y sont fortement mls les uns dans les autres dans un temprament dgalit, qui ne peut plus souffrir daltration, ni de contrarit. Cette rougeur est nomme la Racine du ferment du Soleil et de la Lune : premirement de la Lune, parce que largent-vif dominant dans la premire fixation, y donnait sa couleur blanche ; et dans la seconde, cest le soufre qui prdomine par la vertu et impression du feu, qui est attribu au Soleil. Louvrage des Philosophes si excellent et si cach, est donc achev, sur lequel il est besoin de faire quelques belles et solides rflexions, et notamment quil a t commenc par llment terre, qui a t rduite en eau, puis leau en air, lair en feu, et enfin le feu en fixation, cest--dire en terre, et partant quon achve par o on avait commenc : cest l, ce que les Philosophes veulent dire, quand ils parlent de la conversion des lments les uns dans les autres, parce quils symbolisent et conviennent en matire prochaine, laquelle conversion est toute Philosophique, et bien loigne de celle des Chymistes, qui font cent brouilleries sans raison ni jugement et ils prtendent sparer les lments les uns des autres ; ce quils ne peuvent faire parfaitement, dautant quils sont naturellement insparables. Ils prennent ordinairement dans toutes leurs oprations, le contre pied de celles des vrais Philosophes, ne mettent-ils pas de lor pour le ferment rouge, et de largent pour le ferment blanc : ce qui est contraire au sentiment des Sages, qui veulent que la pierre rouge et blanche soient sous un mme sujet, et sous une mme matire. Ils laissent mme leur travail la moiti de lopration, pour le reprendre et le continuer aprs un longtemps, contre le vrai chemin de parvenir au but, et de la continuation sans intermission, que les Sages ordonnent limitation de la Nature, qui agit toujours sans aucune interruption de temps. Cet Elixir ou rouge ou blanc, donne la vie aux mtaux qui sont mort, et qui sont dtachs de la Minire, lesquels anims par la grande perfection igne quil leur communique sont rendus capables de communiquer leur vie, et rendre aussi la vie dautres mtaux qui sont demeurs en arrire par leurs impurets, et la privation de la vie quils avaient dans les entrailles de la terre. Quand on est parvenu lElixir parfait, il ne faut point mettre entre deux creusets dAdaptation, sinon quand on a mis lor minral purg dissoudre dans le mercure Philosophal, qui est un amalgame, (et qui fait une Pierre beaucoup
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moins parfaite que la premire o on nen met point) devant que les mettre cuire : auquel cas, il faut le mettre dans lun des creusets, dont il est parl cidessus, et le poser pendant trois jours et trois nuits, au feu de Rverbre ou de verrier : aprs lequel temps, on louvre, et on trouve au fond une terre spare et sous lElixir, laquelle terre nest autre chose, sinon la terrestrit et mauvais soufre de lor qui a t dissout dans ladite eau mercurielle : et si ce soufre neut t spar, il eut empch quelle nait fusion ; mais vous leur donnez lun et lautre par les imbibitions et multiplications lorsque vous faites votre ouvrage, selon le desseins des Philosophes. Et quoique je demeure daccord que mettant de lor pour ferment dissoudre dans le mercure Philosophal, on puisse faire la pierre : je ne dis pourtant rien de contraire ce que jai avanc ailleurs, lorsque jai dclar quil ny avait quune matire, et un seul rgime ou moyen doprer, parce que cet or minral est homogne avec lor Philosophique, quoique accompagn de beaucoup de mauvaises qualits et terrestrits ; et lorsque jai blm les Chymistes de mettre de lor minral pour ferment, cest dautant quils le font dissoudre dans des eaux fortes, qui sont de mauvais dissolvants et qui le gtent, et quils nont pas la connaissance du mercure des Sages, ni de sa matire, par quoi ils ne peuvent jamais russir, quand mme ils seraient dans le vrai chemin doprer.

CHAPITRE VIII. De la Multiplication.

uand on est parvenu cet Elixir rouge parfait, il ne se faut pas rebuter du long travail pass, car on na encore fait que la moiti de louvrage, dautant quil est en trop petite quantit, et quen sen servant aux maladies des mtaux imparfaits, des vgtaux, et des animaux, il serait bientt consum sil ntait multipli, et il serait fcheux de recommencer encore, comme fit Flamel jusqu trois fois, un uvre si long et si ennuyeux ; cest pourquoi il est ncessaire dajouter ici le moyen de le multiplier, sans perdre tant de peine, et employer tant de temps quon peut pargner, afin quayant toujours ce trsor en abondance, il ne puisse jamais vous manquer, dautant
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quon peut laugmenter presque linfini par plusieurs multiplications, qui laugmentent notablement en quantit et qualit : ce qui sera expliqu ci-aprs. Quelques demi Savants ont voulu que la multiplication fut impossible ; mais sils eussent bien considr de quelle manire la Nature se perptue, ils eussent chang de sentiments, car ils eussent appris que toute chose naissante et croissante, est multiplie et augmente par sa semence, comme ils est manifeste aux vgtaux et animaux, et quil en est de mme eu prs des mtaux, qui ont pourtant cela de diffrence avec les autres tres sublunaire, quils ne se multiplient pas deux mmes comme eux ; mais quils se multiplient presque linfini, lorsque lArt en a tir la semence, quil purifie premirement de leurs terrestrits et htrognit, et ensuite pousse cette semence un tel degr, quelle fait des gnrations prodigieuses, et qui surpassent limagination. Louvrage de la multiplication se fait en deux manires ; savoir, selon lespce et selon le nombre. Elle se fait selon lespce par rtrogradation, en mettant du mercure Philosophal sur la moiti de votre poudre, en sorte quelle nen soit pas noye ou couverte, mais seulement demi pour la premire fois, et aussi pour le dernire ou la septime, ou bine si vous en mettez davantage, que ce soit au plus aux deux tiers ; le mercure dissoudra cette poudre ou cet Elixir qui sera dans luf, lequel aura t scell du sceau dHerms, comme il a t dit cidevant, puis mis a cuire sur les cendres dans le fourneau Philosophal, par le feu des Sages, du premier degr, ainsi quil a t fait ds le commencement ; car ce mercure qui est crud, et qui na pas t cuit, dcuit lElixir et le rduit en eau comme lui, cest ce qui sappelle rtrogradation. Et pour le conduire ou le rduire au mme tat de coction et de perfection quil tait auparavant, il faut le cuire de nouveau et recommencer louvrage comme la premire fois ; mais aussi lopration ne durera pas si longtemps que la premire, et ne sera au plus que de cinq mois, cause que le feu central de la matire qui avait t porte jusqu la perfection, et qui se trouve dans luf, est notablement augment, et toutes les couleurs qui staient fait voir dans la premire opration, recommenceront paratre selon leur rang et lordre prcdent, mais ils ne dureront pas tant beaucoup prs. Et lorsquon sera encore parvenu au rouge parfait comme la premire fois, on recommencera derechef comme ci-devant mettre du mercure Philosophal dans luf sur lElixir, et on le mettra cuire de la mme manire et au mme feu ; et on ritrera cette opration tant et tant de fois quon voudra, moyennant quon ait toujours de quoi fournir, a faire du mercure : et chaque multiplication quon fera, le temps de louvrage diminuera toujours, et enfin
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sera si court, quen moins de demi quart dheure tout le travail sera achev, par la raison susdite, que le feu central de la matire a toujours plus dextension. Ce nest pas le tout que le temps diminue si notablement chaque fois quon recommence, mais lElixir augmente aussi, non seulement en quantit de matire parfaite ; mais encore il augmente chaque fois en qualit, cest--dire, que si au commencement un poids nallait que sur dix ; la premire multiplication il ira sur cent ; la seconde sur mille ; la troisime sur dix mille ; la quatrime sur cent mille, et ainsi augmente toujours de dix en dix chaque multiplication ; et en continuant, il augmente jusqu linfini. Do on doit conclure, que si on stait content, lorsquon est parvenu au blanc ou au rouge parfait, sans faire les multiplications ; outre quon aurait peu dElixir, on se serait fait grand tort, puisque les multiplication de lElixir stendent si fort et se font en si peu de temps ; et par ce moyen, on se fait un fond et un trsor inpuisable, qui vaut mieux que tous les trsors du Monde unis ensemble. Il faut pourtant observer : Que quand jai dit ci-dessus quon pouvait emplir luf jusqu la moiti ou aux deux tiers au plus, que cela se doit seulement entendre, pour la premire opration ; car pour les autres il y aurait du pril, cause du feu central et interne de la matire qui augmente toujours chaque multiplication, et pourrait rompre le verre, pour ny avoir pas assez despace ou dair pour les circulations des esprits ; cest pourquoi lArtiste prudent doit rgler cet espace, proportion de lextension du feu de la matire ; car lair est une des clefs luvre, sans laquelle on ne peut russir, cest--dire un des plus grands secrets du travail de la Pierre. Mais quand vous aurez retranch de votre poudre chaque multiplication, si vous aviez dautres fourneaux, pour cuire le mercure que vous lui ajouteriez pour la dissoudre, vous gagnerez bien du temps, et vous ferez quantit dElixir dune lvation prodigieuse : et quand vous navez pas de fourneaux autant quil vous serait ncessaire, il faut mettre chaque poudre part dans des vaisseaux de terre ou de verre bien bouchs et mis dans un lieu sec, afin quil ny entre aucune poussire ou ordure, ni aucun air humide ; et chaque vaisseau y mettre un crit contenant le nombre de ses multiplications, afin de les mettre toutes dune mme qualit et lvation, commenant toujours par la plus loigne, masure que vous recommencerez. Quand vos multiplications ont tant dtendue quelles se font dans lespace dun miserere, cause de leur grande subtiliation, vous pouvez diminuer quelques fils de la mche, dautant que pour lors la matire na pas besoin de tant de feu externe comme par le pass, cause quelle en a toujours acquis de
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plus grand, mesure quelle a t multiplie, et il lui suffira dun feu si modr et si faible, quil ne fasse quexciter tant soit peu son feu central. Et si votre matire est si subtile, cause du grand nombre des multiplications, quelle pntre les parois du vaisseau, il faudra en demeurer l, et ne la pas pousser plus haut : ou bien mettre peu de votre poudre, et la noyer de votre mercure, gardant toujours la proportion de laisser vide au moins, les deux tiers de votre vaisseau ou uf ; quoi faisant, vous vous satisferez et augmenterez toujours vtre Elixir en quantit et qualit par cette autre espce de rtrogradation. Nous avons dit ci-devant, ce que ctait que la sublimation Philosophale, et quelle est une exaltation un plus haut degr de perfection ; de sorte que tout le premier travail de la pierre jusquau rouge parfait, en ce sens, se doit appeler tre sublim de premire sublimation ; et les autres travaux de la pierre, ou les multiplications, sont aussi des sublimations de seconde, troisime, quatrime, cinquime, sixime et septime sublimation, etc. dautant que la pierre est toujours leve une plus haute perfection par chaque multiplication. Lautre espce de multiplication, qui est selon le nombre, se fait par la projection dun poids sur cent, et dun poids de ces cent sur cent autres ; et encore de mme, et cest toujours Mdecine. Mais cette multiplication de nombre, nest dite multiplication que trs improprement, dautant que ltat de perfection de la pierre diminue au lieu daugmenter, et diminue toujours proportion quelle sloigne de sa dernire sublimation ; et cette dcadence, est une rtrogradation simple, et non pas de la nature des prcdentes. Mais la vraie multiplication Philosophale, est une multiplication en quantit et qualit de force et de vertu, qui arrive la matire dont nous avons parle ci-dessus. Cet Elixir tant venu en sa perfection, est trs pur et trs subtil ; et tant plus il est subtilis par les imbibitions et les multiplications, tant plus il est pondreux, lor minral est de mme qui augmente son poids mesure quil est plus purifi par le moyen de lArt. Mais lor de rivire, na pas une couleur aurique profonde, tant demi blanc faute de coction, et ne monte que jusqu quatorze carats, et cause de cela est plus lger, et a aussi plus de volume que lautre.

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CHAPITRE IX. De la Projection.

prs tant de travaux et tant de difficults surmontes, lartiste est enfin arriv la joie tant dsire, et au temps des moissons, comme disent quelques Philosophes. Il ne tiendra plus qua lui de jouir pleinement du fruit de ses labeurs et de son bonheur, usant avec grande prudence des grands biens quil a en sa possession, cest--dire avec une grande modestie et discrtion, pour la gloire de Dieu, le bien de son Eglise, et le soulagement des Pauvres, Dieu les lui ayant donn ce sujet, et pour en user pour son propre salut, et non pas pour les possessions des honneurs et vanits de ce monde.

Il est donc maintenant question de savoir, comment on doit se servir de cette poudre si admirable, afin de purger les mtaux imparfaits de leur lpre, et les convertir en or parfait, ou en argent, suivant la qualit de la poudre. Cette partie de louvrage sappelle la projection qui se fait en deux manires. La premire, rduisant le mtal en forme mercuriale, cest--dire en fondant le mtal mou dans un creuset par le moyen dun feu convenable, ou bien les mtaux durs, comme le fer et le cuivre rduit en lamines, et en forme de feu, cest--dire, enflammes ou ignifies. La projection qui se fait sur les mtaux mous, comme le plomb et ltain est la plus excellente manire, la plus prompte et la plus commode, et se fait comme il sensuit. On prend cent poids de lun ou de lautre de ces mtaux, on les met fondre dans un creuset, et tant en cet tat, vous mettrez un poids de la poudre dans un petit morceau de papier, et le jetterez dans ledit creuset, dans ce moment lElixir se fond et pntre le mtal fondu jusque dans son intime, do il slve un grand feu, dans lequel diverse couleurs paraissent ; lesquelles passes et le feu apais, aprs un miserere, vous laisserez refroidir le creuset, puis tez la matire, et vous verrez la sparation que lElixir faite des impurets corrompantes du mtal ; lesquelles rejetes vous vous conserverez le surplus, qui est aussi une Mdecine sur dautre mtal ; cest pourquoi, vous prenez un poids u poids de ces cent convertis en Mdecine, et faites comme devant, et tout est encore Mdecine, laquelle est frangible comme du verre, et vous ritrez toujours cette mme opration, jusqu ce que votre matire devienne de la mme couleur que lor le plus pur. Il serait bien ais de rencontrer point nomm le nombre des poids et la juste proportion que lElixir en convertirait tout dun coup, sans tant de fois ritrer la mme opration, mais je nen parlerai point ; car il ne faut pas se servir de
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cette voie, dautant quil y aurait trop de perte, par la raction qui se ferait. Et en la faisant comme ci-dessus, la poudre en convertira bien davantage, cest pourquoi il est mieux doprer par degrs. De mme quand on veut sen servir en Mdecine, pour lanimal ou pour le corps humain, il faut dissoudre un grain dElixir dans un esprit convenable la nature de la maladie, comme dans lesprit de vin, de miel, ou dautre : mme dans de leau, sil est expdient, en petite quantit, cest--dire environ une verre, puis prendre un peu de cette verre et le mettre sur une autre verre, et continuer ainsi jusqu ce que vous voyez que la couleur ou teinture soit devenue faible, et de cette manire lElixir sera bien proportionn pour tre pris par la bouche en petite quantit dans une verre de liqueur propre la maladie, ou dans un bouillon, ou bien appliqu sur une maladie externe, comme nous dirons ci-aprs. La premire raison en est, que si on en mettait une si grande quantit tout dun coup, lElixir serait noy, et sa vertu ne stendrait pas si loin, que si vous ny en mettiez quune petite portion. La seconde raison, cest que la pierre na pas acquis sa grande extension et lvation, que successivement et de degr en degr, et quil faut se servir des mmes voies pour la faire rtrograder sans lui causer de violence et la bien rduire la proportion requise pour sen servir avec sret par la bouche ou par application extrieure. Ou bien, on met en projection un poids sur mille du corps plus prochain fondu, et on met le vaisseau au four quatre registres, et il est laiss l pendant trois jours astronomiques pour se bien mler, lui donnant petit feu au commencement, et laugmentant de temps en temps et de degr en degr selon lArt ; lequel temps pass, on laisse doucement refroidir le vaisseau, ayant t la plupart du feu, et laissant mourir le reste de lui-mme faute de nourriture. Et quand le tout sera froid, prendre encore mille poids, les faire fondre, et prendre un poids de ces mille qui ont t convertis ; cela est fait en un jour, et ritrer encore la mme opration et cela est fait en un instant, qui est un grand secret. Or le mtal le plus prochain est celui qui symbolise davantage avec lElixir, parce quil est plus facilement, plus promptement et plus parfaitement converti, que ceux qui en sont plus loigns, et consquemment qui ont moins de convenance avec lui, quoiquil les perfectionne tous, mais avec moins dtendue les uns que les autres ; dautant que la Nature qui est projete sur sa mme nature, sy unit plus promptement et plus facilement que dans un autre corps qui lui est tranger.

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Quand on fait la projection sur la Lune, lElixir a bien de ltendue, parce quelle approche de la perfection, et quelle ne manque que dun peu de coction, de fixit et de couleur, il rpare tous ces dfauts, lui donnant le poids de lor ; mais il fait la sparation de ce que cette Lune avait dimpur et de mlange dautres mtaux imparfaits, dont les soufres taient combustibles ; mais quand la projection se fait sur le mercure commun ou du vulgaire, bien purg par le sel et le vinaigre et pass par le chamois, ou bien mis dans un mortier de pierre ou de verre, avec du saindoux de porc, et pareille quantit de trbenthine, et l bien battu et ml, puis vers par inclination, il est excellemment purg en peu de temps de toute terrestrit, et cest mon avis la meilleure et la plus prompte manire de la prparer ; car tout ce quil a dimpur demeure dans cette graisse, et il sort de ce mortier aussi beau que de largent. Quand on veut faire la projection sur ce mercure purg de lune de ces manires, il la faut faire comme suit. On met le mercure dans un creuset sur peu de charbons ardents afin de lchauffer, et lorsquil frmit ou commence bouillir et vouloir fuir, cest alors quil faut projeter peu de votre poudre dessus, laquelle sentant la chaleur, se fond lheure mme, pntre ledit mercure, et lenvironnant de toutes parts, lempche de sexhaler ; et quand ils ont t ainsi un petit quart dheure, et que toutes les couleurs ont cess, tant le feu, vous laissez doucement refroidir, pour lors la conversion est faite ; et les pieds et les ailes du mercure ont t coups, puisquil est fixe, et quil a perdu toute sa volatilit ; mais dans ce mercure lElixir na rien spar, dautant quil ny a point trouv dimpuret et de terrestrit corrompante, et quil est tout de sa nature. Il y a deux belles raisons pour lesquelles lElixir spare le pur de limpur des mtaux imparfaits. La premire, cest que la pierre tant trs pure et parfaite, est aussi tout feu, et ce feu ne peut souffrir aucune impuret et corruption, non pas mme celles des autres lments avec lesquels il sympathise. La seconde, cest que ces impurets sont des corps trangers la pure substance mtallique, avec lesquels les mtaux parfait ne se peuvent parfaitement unir. Cette seule raison bien appuye de lexprience devrait convaincre derreur tous ceux qui prtendent donner aux mtaux imparfaits, des teintures tires des corps tranges, et qui ne conviennent point en nature et espce avec eux. Les mtaux ont leur mercure qui est pur, mais ils ont deux soufres ; lun pur, et lautre impur, mauvais et combustible. Quand donc on fait la projection sur un mtal, lElixir sattache toujours fortement ce qui est pur comme lui, qui est le mercure et le soufre pur, et chasse ce qui ne lest pas, par les raisons prcdentes.
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Et ceux qui font la projection sur le mercure des mtaux, ne font pas mal, mais ils se donnent beaucoup de temps et de dpenses inutiles, puisque lElixir de lui-mme purge les mtaux de leurs htrognits, et sattache fortement leur mercure et leur bon soufre, qui de sa nature est trs fin et trs pur ; duquel soufre pur, et spar du soufre brlant et impur, si lArtiste faisait la projection sur quelque mtal comme sur la Lune, il ne lui donnerait pas la couleur aurique, le poids, le volume et le son de lor ; dautant que le soufre seul, ni le mercure seul ne peuvent produire une teinture aurique, mais bien lorsquils sont joints et unis ensemble, et quils sont rduits en leur principe, digrs selon lArt et pousss jusqu la perfection aurique : or ce soufre nayant pas ces qualits ne peut donner une telle teinture, mais seulement et au plus, celle du mtal duquel il a t tir. Quand la projection est faite une ou deux fois, comme nous avons dit ci-devant, elle est Mdecine, mais elle est frangible ; et lorsquelle vient en un tat quelle nest plus Mdecine, et quelle est encore frangible, le secret de lui ter cette frangibilit, est de la passer la coupelle sans y ajouter du plomb, dautant quelle se purifiera bien delle-mme dans lespace de trois heures, et vous laurez exempte de ce dfaut. A lgard des mtaux durs, lorsquils sont rduits en plaques ou lamines, il est ncessaire de les mettre dans un feu, qui leur communique fortement son impression igne, en sorte quelles ne paraissent que feu ; pour lors un peu de votre Elixir mis dessus, les convertit parfaitement en or ou argent, suivant la qualit de lElixir, dautant que par le moyen de cette forte ignition, lElixir se fond et pntre ces mtaux, jusque dans leur intime, cause que leurs pores sont ouverts. Cette pntration et conversion se fait encore mieux, lorsquon dissout un grain de lElixir dans un esprit comme est lesprit de vin, deau de pluie ou de rose cinq ou six fois rectifies, dont on emplit un verre et quon prend une plume dont on imbibe le petit bout de la peluche de ladite liqueur, de laquelle peluche on touche lgrement en divers endroits les lamines enflammes. Cest une merveille surprenante, de voir quen un moment la pntration, la conversion, la teinture et la fixation sont faites, et ces mtaux bien plus lgers que lor reoivent aussi en mme temps le poids et le volume de lor si lElixir est au rouge, et toutes les qualits de largent si lElixir est au blanc. On mobjectera ici, que lElixir projet en cette manire sur les mtaux durs et enflamms, ne peut les convertir entirement comme ils sont en or ou en argent parfait, suivant la qualit de lElixir ; dautant que jai dit ci-devant, que quand
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la projection se fait sur les mtaux mous, lElixir fait la sparation du pur et de limpur desdits mtaux rduits en forme mercurielle, et ne sattache qu leur pur ; or les mtaux durs ont quelques fois plus dimpurets que les mous, lesquelles lElixir ne spare pas du corps desdites lamines, et par consquent ne les convertit pas entirement, puisque les impurets y demeurent, qui sont des corps trangers avec lesquels lElixir ne se peut parfaitement unir. Je rponds quil est vrai quil nen fait pas alors sparation, cause de leur forte union avec le corps terrestre quil ne peut dtruire ; mais sil viennent tre travaills et fondus ou mis aux preuves ordinaires, cest alors que ladite sparation se fait et que le pur se dtache de limpur avec lequel il ne peut avoir parfaite union. Et quoique je naie parl dans la projection que de lElixir rouge, la mme chose se fait par lElixir blanc, sur les mtaux imparfaits, quil congle, teint et fixe en argent, qui reoit le poids de lor, dautant que cet Elixir blanc est lor blanc, auquel il ne manque que la couleur, ou un peu de coction, parce quil nest compos que de trois lments, et que le feu qui est le quatrime ne lui a pas donn sa dernire perfection. Les ignorants croient, que la conglation, teinture et fixation Philosophiques, sont des oprations diverses et diffrentes ; mais les Sages ne reconnaissent ces trois choses, que pour une seule et mme opration Philosophique, quoique sen soient plusieurs dans lentendement. Il y a des Plantes qui conglent le mercure ; mais la coupelle, tout sen va en fume, cause que la conglation est imparfaite, de mme que celle qui se fait la fracheur de la cave, et qui fait des rubis. Il y a bien des gens qui manquent de jugement, quand ils prtendent perfectionner les mtaux imparfaits par des choses corrompantes, et par celles qui sont de diverses natures, et mme moins parfaites queux. Quils apprennent aujourdhui que les mtaux, mme les imparfaits, ne teignent point et ne fixent point, mais quils sont teints et fixs, dautant que leur soufre manque de coction et est impur ; cest pourquoi il ny a que le soufre de lor et de largent des Philosophes, qui soit capable de les congeler, teindre et fixer parfaitement et en mme temps, cause de leur coction et digestion parfaite. Quand je dis quil ny a que le soufre du Soleil et de la Lune, je dis vrai, parce que largent-vif de soi na point de vraie teinture mtallique, ni blanche, ni rouge, mais bien le soufre, qui a mme vertu de digrer, congeler et coaguler le mercure. Or si les mtaux imparfaits ne peuvent teindre, plus forte raison les petits minraux, qui ne conviennent point avec la Nature mtallique, et consquemment sont des corps trangers. On a souvent prouv la fixation du
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mercure par lesprit de la Lune mtallique, mais cette Lune diminue toujours de poids aussi bien que desprit quelle communique au mercure ; or si cette Lune mtallique qui approche de la perfection, ne peut fixer le mercure quen se dtruisant elle-mme, que pourront donc faire tous les minraux ensemble qui sont loigns, et qui nont point de convenance avec les mtaux ? Et quand les Philosophes ont parls des Herbes pour la fixation, il parat quil nont dit cela que mtaphoriquement ou comparativement, et que leur Lunaire nest autre chose que la plus pur substance de leur Lune pour le blanc, et de leur or, pour le rouge, et cette pure substance est lesprit mtallique, qui ne peut-tre plus pur que dans lElixir. Voyons maintenant ce que cest que teindre, suivant les Philosophes, cest donner sa nature et sa perfection la chose qui est teinte ; or si vous donnez une autre teinture que celle de lor ou de largent des Sages, vous ne teindrez pas en or ou en argent, mais en la nature de la teinture, qui nest ni or ni argent, et qui ntant pas de la nature des mtaux, ne peut pas sunir parfaitement avec eux, car toute chose produit et engendre son semblable : or ntant pas de la nature mtallique, elles nengendreront pas du mtal, mais une chose semblable soi, ou sa nature, ou au plus quelque chose qui semblera tre mtal et ne le sera pas en effet ; cest pourquoi telles teintures sen vont au feu, et ceux qui les font, au grand chemin du gibet.

CHAPITRE X. Des merveilles et vertus de la Pierre blanche sur lAnimal, le Vgtal et le Minral.

ous avons enseign dans le Chapitre prcdent, le moyen de se servir de la Pierre pour la Mdecine des mtaux ; en celui-ci, il nous faut traiter des petits minraux, des Vgtaux et des Animaux, o nous verrons encore llvation ou exaltation minente de la pierre sur divers beaux sujets, qui doivent tre aussi secrets et aussi cachs que la pierre mme, qui fait tant de prodiges, aussi bien que ltonnement des esprits les plus clairs. Un homme qui a une fois fait cet Ouvrage avec les multiplication susdites, na plus rien dsirer en ce Monde, sinon davoir la libert den user sans crainte,
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envers les sujets dont nous avons parl ci-dessus ; car hors de l il ne doit avoir que du mpris pour tout ce quil y a dclatant en lUnivers, puisquil a en ses mains la Mdecine universelle qui purge fond les corps humains et mtalliques, connaissance de laquelle peu de personnes sont parvenues. Cette Mdecine gurit parfaitement toutes les maladies de quelques natures quelles soient, aux trois rgnes de la Nature ; elle fortifie et rtablit lhomme, quelque proche de la mort quil soit ; et enfin le rajeunit par son extrme subtilit et puret qui loigne toute corruption. LElixir blanc fait merveilles aux maladies de tous les animaux, et particulirement celle des femmes avec lequel elles ont le plus de sympathie, ainsi que dit un savant Philosophe, quavec lElixir rouge, le prenant dissout dans une potion convenable au mal ; et lorsquon se veut prcautionner contre le mauvais air, on en prend jeun de dissout dans de lesprit de vin, comme nous avons enseign ci-devant, et il donne une force et une vigueur non pareille pour rsister tout air corrompu, et la Peste mme, prserve de plusieurs maladie qui ne font que commencer, car cest la vraie Lune potable des Anciens, de laquelle ils ont crit une infinit de choses surprenantes. Entre autres choses, que si une femme voulait se renouveler, et rendre son corps aussi vigoureux quil tait dans sa jeunesse, stant mise par trois fois dans un Bain dherbes odorifrantes, avec lesquelles elle aurait nettoy son corps, et stre essuye ; elle se mettrait dans un autre Bain sans herbes, dans lequel on aurait mis trois grains de lElixir blanc dissout dans une chopine desprit de vin six fois rectifi, et ayant seulement demeur un quart dheure dans ce Bain, en sortirait sans sessuyer, mais irait lheure mme devant un grand feu, dont la chaleur ferait scher cette eau prcieuse sur son corps, et ferait tel effet, quoutre la vigueur quelle donnerait, elle rendrait tout le corps dune beaut et blancheur extraordinaire. Herms mme en demeure daccord, mais il veut quon en ait pris jeun sept jours de suite dissout en quelque liqueur ; et que si la mme personne fait cela tous les ans, elle vivra exempte de plusieurs maladies, et prolongera sa vie de plusieurs annes sans aucunes incommodits. Cet Elixir blanc mis en dissolution dans une chopine dEsprit de vin cinq ou six fois rectifi, tant quil en pourra dissoudre, est la vraie huile de Talc des Anciens, quils on toujours cache, quoiquils en aient dit tant de belle choses, et notamment pour le dcoration du visage, y mettant dessus une ou deux gouttes lesquelles stendent delles-mmes par toute la face, et lui donnent une blancheur si grande quelle surprend.

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De nos jours, une petite Paysanne toute brle des ardeurs du Soleil auquel sa naissance lobligeait dtre expose, aprs stre bien lave et dcrasse le visage ; deux Dames de conditions pour faire lpreuve dune liqueur quon leur avait vendue pour la vraie huile de Talc, et qui ltait en effet, lui en mirent deux gouttes sur le visage et continurent trois jours de suite, aprs lesquels cette petite fille paru si change et si blanche, quon avait peine la reconnatre. Voici encore une autre chose bien particulire. Une Dame de ma connaissance, laquelle on avait fait prsent de quelques gouttes de cette huile, sen tant servie, comme il est dit ci-dessus, entretint son visage si bau, et si frais pendant toute sa vie, qui fut assez longue, quaprs sa mort elle ne parut que trs peu change, car cette eau ou huile avait non seulement pntr sa peau, mais avait pass jusqu son crne, qui aprs avoir t seize ans en terre, ut vu aussi beau et aussi blanc que largent. Ce Secret sans doute dtruirait le Proverbe, qui dit : Que laver un Ethiopien est peine perdue, car puisquil passe jusquau crne, il le blanchirait et ferait pour cet effet tomber plus dune peau, ou en ferait le changement entier sans cela. Les Philosophes, pour cacher cet Elixir et son usage, lui ont donn le nom dhuile de Talc : ce qui a oblig bien des gens travailler sur la Pierre portant ce nom, qui vritablement fait quelques petites choses, mais ce nest rien en comparaison de notre Elixir, prpar comme nous avons dit. Leau prpare comme celle du Bain, dont nous avons parl, mise au pied des arbres languissants et moribonds, les ravive et rtabli en peu de temps, et leur fait porter abondance de fleurs et de fruits. Les Plantes dlicates et qui ont de la peine venir dans les climats dun temprament contraire celui qui leur est naturel, en tant arroses, deviennent aussi vigoureuses que si elles taient dans leur terroir et solage propre, et ordonn de la Nature. On peut avec cet Elixir faire des mtamorphoses et changement prodigieux sur tous les sujet, comme sur lmeri, lacier, le corail, le jaspe, le porphyre, le marbre, et quantit dautres choses, quoiquon ny conoive aucune proportion ou homognit, sinon trs loigne ; car qui croirait quil fut capable de changer les pierres, soit naturelles, soit artificielles, en pierres prcieuses, dter toutes les tches de celle qui en ont ; ce quil fait pourtant, en les plongeant seulement dans la liqueur, puis les suspendant pour les faire scher lair et au Soleil, et continuant cela deux ou trois fois ; et si ctait une pierre fine ou diamant qui eut des tches, le chauffant premirement cause de sa duret difficile pntrer, les effaces et les rend dun clat admirable, et plus beau cent fois quauparavant.
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En voici un exemple surprenant : Le Sieur Casteleon qui demeurait dans la Ville dAix, acheta un Diamant dAlenon quil mis au feu, puis dans une fiole o il y avait de lesprit de vin cinq ou six fois rectifi, dans lequel il avait mis de lElixir blanc autant que cet esprit en avait pu dissoudre, le retira de l lorsquil jugea quil navait plus de chaleur ; il le remis au feu, et fit de mme le mettre dans une fiole pareille la premire, ritra une troisime fois le mettre au feu, puis le remis dans la premire fiole ; il le mis ensuite au feu une quatrime fois, et aprs le plongea dans cette seconde fiole : do layant retir, il sen alla le vendre comme vritable Diamant fin, dont il eut une somme considrable. LElixir rduit le cristal en diamant fin, agissant sur lui si puissamment, quil lui donne non seulement lclat, le poids et la duret du diamant, mais le rend diamant en effet en le plongeant plusieurs fois dedans de lEsprit de vin qui aurait dissout de lElixir comme ci-dessus ; mais il faut observer, de ne gure chauffer le cristal pour la premire fois, de crainte quil ne se calcine ; mais on le peu davantage la seconde, cause que la liqueur qui la pntr, le prserve de cet accident ; et la troisime fois, il faut le rougir bien fort, afin quil soit mieux pntr. Cet Elixir te les tches des Perles et les blanchit dun blanc plus clatant que leur naturel, te la couleur celles qui sont jaunes, leur en imprimant une naturelle. Il dissout sur un feu doux les semences des Perles, et mme les plus grosses, en sorte qutant rduites en une pte, un Artiste en peut former de telle grosseur et figure quil lui plaira, qui seront non seulement fines, mais encore auront plus de poids, et une plus belle eau quelles navaient auparavant. LElixir rend le verre mallable, susceptible de toutes couleurs, et capable dextension comme le mtal, lui tant sa frangibilit : ce qui le rend plus prcieux sans comparaison que lor mme, qui nest pas diaphane comme le verre. Secret qui a t perdu du temps de Tibre, par la mort de celui qui lui prsenta un vaisseau de cette espce de verre, dont il fit lpreuve en sa prsence avec son marteau et une petite Enclume quil avait port exprs. Secret que les Sages ont tenu cach depuis, pour les raisons quon peut penser. Enfin cet Elixir fait tant de merveilles que je naurait jamais fait, si je voulais mettre ici tout ce quon en dit et crit ; je me contenterai den dire encore une seule particularit, quon aurait peine croire, si un homme digne de foi nen avait rendu un tmoignage authentique, qui est, quun linge ou autre chose pntrable et de matire combustible qui aura t tremp dans ladite eau, le feu ne pourra le consumer, ni mme lui donner la moindre atteinte. Je laisse
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penser ceux qui liront ceci, do peut lui venir tant de proprits, et tant deffets admirables. Le mme Elixir gurit aussi toutes les maladies externe du corps, comme sont les ulcres, cancers, crouelles, loups, paralysies, blessures, et telles autres maladies,, tant dissout dans une liqueur convenable, et appliqu sur le mal par le moyen dun linge imbib de la liqueur, ou bien appliqu en forme dempltre, comme il sera dit dans lArticle qui suit, qui est lElixir rouge. Les hommes sen peuvent aussi servir fort utilement, aussi bien que les femmes en toutes les maladies qui leur arrivent, de quelque nature quelles soient, ou extrieures ou intrieures, et toutes celles dont les animaux sont affligs.

CHAPITRE XI. Des merveilles de la Pierre rouge, plus abondantes que celles de la Pierre blanche.

prs avoir amplement dduit plusieurs merveilles de la Pierre blanche, qui pourtant ne contient que trois lments, et qui na pas encore acquis la dernire perfection de la Nature et de lArt, dautant quil lui manque llment feu, qui la rendrait parfaite en toutes manires, par le temprament de cet lment avec les trois autres, qui vivent aprs ensemble dans une concorde et amiti fraternelle, nonobstant leur contrarit naturelle ; cest pourquoi lElixir rouge est bien autre chose que le blanc, envers toutes les maladies des animaux, vgtaux et minraux, ayant bien plus de force, de perfection et dextension : aussi en faut-il bien moins pour leur parfaite gurison, ce quil est ais de concevoir. Car comme tout ce qui est pars dans la circonfrence dun cercle, est amass dans son centre en pouvoir, savoir en un seul Soleil ; de mmes toutes les vertus Mdicinales partages aux plantes, poissons, oiseaux, animaux terrestres, minraux et pierres prcieuses, sont ramasses en notre Soleil ou Elixir, qui les contient toutes, ayant en soi toutes les qualits lmentaires dans u parfait temprament, et dans une perfection minente et digestion complte ; cest pourquoi il peut gurir toutes maladies, froides ou chaudes, humides et sches ; ce que les autres choses ne peuvent faire, dautant quelles nont chacune
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quune petite participation trs faible de vertu pour une maladie particulire. Je ne rpte point ici ce que jai dit de lElixir blanc, pour en faire comparaison avec le rouge ; mais je dirai seulement, que tout ce que fait le blanc, le rouge le fait encore mieux, et en moins de temps, pour les raisons prcdentes, et nexcepte rien sinon la couleur aux choses qui doivent tre blanches, parce quelle leur est naturelle. Et sil me faut encore ajouter quelques raison, cest que quoique le blanc contienne virtuellement en soi la qualit du feu, il ne le contient pas si parfaitement que le rouge, dautant que le feu na pas encore surmont en lui les qualits lmentaires, comme il a fait dans le rouge. Quand donc lElixir rouge est accompli, il est le vrai or potable des anciens Philosophes, mille fois plus excellent que celui qui se fait avec lor minral, quelque pur et raffin quil soit, notamment sil est multipli sept fois, comme nous avons dit en son lieu, faisant toutes sortes de gurisons en moins de temps, et en beaucoup moindre quantit, tant dissout dans une liqueur convenable la maladie, et prpar comme nous avons dit de lElixir blanc. Quelques Mdecins dfendent de donner de lElixir blanc ou rouge pour les maladie internes du corps humain, lorsque lun ou lautre ont t multiplis ; dautant, disent-ils, que la Nature ne demandant qu tre aide, son feu intrieur et potentiel pourrait bien surmonter et dtruire larche ou le feu central de la Nature, qui ne demande seulement que du secours, par similitude de vertu et substance. Mais ils ne considrent pas, quayant t multiplis lun et lautre, on ne les donne pas au Malade, ni en quantit, ni avec toute sa qualit, puisquon les doit faire rtrograder par la dissolution quon en fait dans un esprit, ou bien dans une liqueur qui doit tre plus abondante en lun quen lautre, et proportion de son lvation ; et quand mme ils ne seraient pas multiplis, il faudrait les dissoudre et les proportionner la force du sujet et la qualit de la maladie ; mais ils auraient meilleure raison de dire, quon sabstient den user seulement lorsquon sen est servi en projection, quand mme ce ne serait quune fois, ce qui est vrai et trs remarquable. Je veux pourtant mettre ici un moyen commode et extraordinaire pour sen servir, sans quils puissent y trouver redire, et pour satisfaire pleinement ces Messieurs, qui font tant les scrupuleux, lorsque les Remdes viennent par un autre canal que le leur, et qui ne voudraient pas se donner la peine quil faut prendre, comme je lai enseign ci-devant ; cest den prendre le poids dun grain de bl, et le faire avaler dans une liqueur, un animal ; par exemple un Veau, ou un Mouton, ou bien le quart dun grain une volaille, et 4 ou 5 heure aprs faire tuer cet animal, qui aurait souffert leffort du feu de la pierre, si la proportion ntait pas juste, et le Malade aprs que de telles viandes sont
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cuites, pourrait sen servir avec assurance, ou en bouillon, ou bien autrement ; cest ce que je conseillerais volontiers ceux qui voudraient seulement sen servir par prcaution, et mme quelquefois ceux qui sont malades. Encore faut-il aussi prescrire un moyen de sen servir pour les maladies du dehors. Quand on a dissout de cet Elixir, ou de lautre dans un esprit ou liqueur, on en peut mettre un peu dans les huiles, essences, quintessences, esprits, ou toutes autres drogues, mdicament, et toute autre Mdecine extrieure, mme dans de la cire, ou onguents pour en faire des empltres, qui procureraient en bref un parfaite gurison, non seulement aux animaux, mais encore aux vgtaux et minraux atteints de leurs maladies ordinaires. LElixir rouge convertit en un instant les mtaux en or parfait, et fait la sparation de tout ce qui est superflu, impur, et dune autre nature et espce que de la mtallique ; les rend fixes en un moment, les teint dune couleur invariable, leur donne le poids, le volume, et le son de lor ; et dautant quil nen faut que fort peu pour convertir beaucoup de mtal en sa propre nature, les Sages lui ont donn le nom de ferment, cest dire levain, par comparaison dun peu de levain, qui fermente beaucoup de farine rduite en pte. Cet Elixir tant dissout dans quelque liqueur, comme nous avons dit en traitant de lElixir blanc, peut convertir en or parfait, tous les mtaux durs rduits en lamines rougies et embrases par le feu, se servant de la plume, ainsi quil est amplement dit en lArticle de la Projection sol. Il y a des Philosophes qui disent que la quintessence du Sol est lhuile incombustible, de laquelle on a tant fait de bruit autrefois, et que toute graisse, huile ou cire, o il y aura de cette liqueur dans laquelle on aura dissout de lElixir, senflammeront et brleront toujours, sans se consumer, y ayant une fois mis le feu : de mme en est-il dun linge, dune toffe, ou autre matire combustible, qui aura une fois t imbibe de cette liqueur. LElixir rouge multipli ou non, (mais le multipli fait mieux) prpar et employ comme ci-dessus, dit, converti le verre et le cristal en rubis fins, en escarboucles, en meraudes, turquoises, opales, saphirs, topazes, et gnralement en toute sortes de pierre prcieuse ; cest ce quenseigne Raymond Lulle, et mme quil rend le verre et le cristal mallable, leur donnant la duret et lextension du mtal, ce quon ne peut assez estimer : mme, pour des ouvrages exquis dans les Mathmatiques. Toutes ces belles et merveilleuses productions de lune et de lautre Pierre, sans parler dune infinit dautres, devraient exciter aux personnes qui sont hors du commun ; cest--dire, aux personnes curieuses et de jugement ; un ardent dsir dapprendre le moyen de faire cet ouvrage des ouvrages, et ce secret des
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Philosophes, afin de contenter leur curiosit, par des Expriences que nous avons enseigne, et pour la conservation de leur sant, plutt que pour le dsir dacqurir des richesses, que tout homme desprit et de vertu doit mpriser. Et pour leur donner lieu davoir ces penses, je leur dirai pour conclusion de ce petit travail. Que quelques Philosophes vont bien au de l de tout ce qui est dit ci-dessus ; car ils assurent que cette Science contient encore en soi, un secret plus admirable et plus souhaitable, que tous les prcdents ; puisque ceux qui sont assez heureux de la possder, quelques mchants quils fussent auparavant, sont dans un instant et tout dun coup changs en leur murs, et deviennent gens de bien, ne se mettant plus en peine de tout ce qui est de ce monde, quils mprisent, avec toutes les satisfactions des sens, les ambition, les vanits et les richesses, ne souhaitant plus que de sunir Die, qui est la vraie richesse, et le souverain contentement de lhomme, auquel soit honneur et gloire pendant toute lternit. Ainsi soit-il.
FIN.

Le Fourneau Philosophal. ous voil pleinement instruit des trois principales clefs ; il est maintenant question de travailler et de mettre la main luvre, ce que vous ne pouvez faire sans avoir la matire prte, un Fourneau pour la prparer, qui est celui de Pigr, de calcination, ou quatre registres un uf Philosophique dune hauteur et grosseur convenable, et proportionn lcuelle o seront les cendres, et lcuelle aussi au Fourneau Philosophal. Or comme la premire proportion est celle du Fourneau, et que toutes les autres en dpendent, afin de parler justement de toutes en particulier ; il est expdient de commencer par le Fourneau, et den faire la juste description, et mme dclarer de quelle matire il doit tre compos, et de quelle forme. Prenez tant de terre grasse que vous en ayez suffisamment pour faire votre Fourneau, nettoyez-la de toutes pierres et la ptrissez avec une masse, devant
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que de la ptrir pesez la premirement, et en crivez le poids sur un papier, crainte de vous tromper. Mettez deux onces de limailles de fer sur chaque livre de terre, fiente de cheval, et bourre bien charpe discrtion ; mlez le tout ensemble, humectant durine pour la bien lier ; et quand la terre sera ainsi prpare, vous commencerez la fabrique de votre Fourneau, ainsi quil sensuit. Sur une planche, ou un ais rond dun pouce dpais et de dix pouces de diamtre ; il faut lever ledit Fourneau, et lui donner deux pouces dpaisseur et douze de hauteur, prendre au fond en dedans, lequel sera se sept pouces de diamtre. A quatre pouces et demi, il y aura des deux cts un verre en forme ronde, ou un il, dun pouce de diamtre chacun, se rpondant lun lautre en droite ligne. La porte pour y introduire la Lampe sera de deux pouces trois ligne de hauteur, et de largeur dun pouce huit lignes, qui commencera ds le bas du Four, cest dire ds la planche. A neuf pouces de hauteur, seront fichs dgale distance en triangle trois lames de fer, dans la parois dudit Fourneau, chacune de la largeur denviron un pouce, et qui le seront dautant au dedans, pour soutenir le vaisseau contenant les cendres ; au bout de chaque lame de fer, il y aura un trou afin darer ledit vaisseau perc de trois trous son bord, dgale distance aux trous des dites lames. Sur ce four, sadaptera un chapiteau de mme paisseur, uniquement, de la hauteur de cinq pouces et demi au-dedans ; au milieu duquel il y aura un trou au haut denviron huit lignes de diamtre, pour donner issue la fume, et sera ce chapiteau en figure de poire comme sil avait une poigne de la hauteur de quatre doigts, pour le poser et ter facilement. Ce chapiteau sera en dehors denviron neuf dix pouces de hauteur, et ce trou ne se doit jamais boucher, pour laisser toujours libre la sortie de la fume. Le Fourneau ainsi fait doit tre mis en lieu propre pour bien scher, cest savoir en un lieu chaud, ou lair pendant lEt, en un endroit ou le Soleil ne donne pas durant la grande chaleur, dautant quil scherait trop tt, et ainsi, il pourrait souvrir en quelques endroits et devenir presque inutile, ou du moins il faudrait rparer ce dfaut, mais il est mieux de le laisser scher doucement et laise.

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Figure du Fourneau.

Partie du Fourneau par pices spares.

De lEcuelle.

e bord dudit vaisseau ou cuelle, que quelques-uns appellent le Cendrier, laissera tout lentour demi-pouce de vide, sans toucher aux parois dudit Fourneau, afin de laisser cet espace libre la fume de la Lampe. Ledit vase ou vaisseau qui sera de cuivre en forme dcuelle naura que cinq
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pouces de profondeur, six dentre, et demi-pouce de bord ; et il sera toujours meilleur de cuivre que de toute autre matire, dautant que la chaleur du feu de la Lampe, chauffera lieux les cendres et que le feu ou la chaleur sy proportionnera mieux et plus commodment ; outre qutant de cette matire, elle ne sera pas sujette se rompre comme si elle tait de terre, et ne dpensera pas tant dhuile, pour les raisons quon peut penser. Figure de lEcuelle ou Cendrier.

Les Cendres.

L L

es Cendres doivent tres de bois de chne, si faire se peut, bien passes ou tamises ; puis passes plusieurs fois par leau bouillante, afin quil ne reste aucun sel ; car sil en restait, quand il serait chauff par la chaleur du feu de la Lampe, il ne manquerait pas de rompre luf, et de faire rpandre dans les cendres, votre matire qui est trs prcieuse, et quil faut conserver avec un grand soin. Il est bien mieux de se servir des cendres de bois de chne, que de tout autre bois parce quelles sont plus douces ; cest pourquoi les Philosophes le prescrivent ainsi, disant ; que Cadmus, cest--dire lArtiste, tua le Serpent avec sa lance conte un creux de chne, cette manire de parler des Sages est bien facile expliquer ; car un chne ne peut pas tre plus creux que quand il est rduit en une cendre prive de son sel. De luf Philosophal. e vaisseau qui doit contenir la matire des Sages, lorsquelle est prpare pour tre mise en uvre, est nomm de plusieurs noms. Premirement, vaisseau Philosophal, dautant quil a t invent par les Philosophes. Il a t dit uf, dautant quil est en figure dun uf. Puis sublimatoire, parce que la Pierre y est sublime et leve une haute perfection ; puis Crible, dautant que la matire tant leve par la chaleur au sommet du vaisseau et ne pouvant avancer plus haut, redescend goutte goutte, comme fait de leau qui passe sur un crible ; il est appel Sphre cause quil est fait en forme ronde et Sphrique.
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Le Lion vert, le vrai Lion ; et enfin, Spulcre, cause que la Pierre y est ensevelie et mortifie. Et tout louvrage de la Pierre se fait en ce seul vaisseau. Cet uf doit tre enseveli dans les cendres de lcuelle, prpares comme nous avons dit, et bien sches devant qutre mises dans ce vaisseau deux doigts dpais tout autour de luf, et presses un peu avec les mains, en sorte quelles nexcdent pas la hauteur de la matire qui est dans ledit uf, lequel uf ne sera rempli quau tiers, ou au plus qua la moiti de sa capacit, lorsquon se servira du premier ou du troisime moyen de le sceller hermtiquement afin que les circulations aient plus dtendue et se fassent mieux de crainte que les esprits de la matire tant subtils, ne rompissent le vaisseau. Ce vaisseau doit tre de verre bien fort, ou double, et capable dendurer le feu, comme fait le verre de Lectane, dautant quun uf de toute autre matire ne serait pas si propre, cause qutant de verre, qui est un corps transparent, lArtiste peut voir travers, par les petites fentres mises exprs au Fourneau, les couleurs qui passeront, et les changement qui sy feront ; ce qui lui est absolument ncessaire pour son instruction, et afin quil se gouverne suivant quil le jugera judicieux. Le col dudit uf doit tre denviron demi-pied, avec une ouverture y pouvoir mettre le doigt ; et sil est plus long, il faudra retrancher le superflu, comme il sera dit ci-aprs, lequel uf sera premirement scell du Sceau dHerms, dont voici la figure et les diffrentes manires de faire.

Des Sceaux dHerms.

e premier Sceau se fait en faisant fondre le col de luf, qui est de verre, pour lequel il faut donner le feu de fusion peu peu, mettant entre le feu et luf une tuile perce ; et lorsquon voit que le col du vaisseau commence sincliner par la chaleur qui le fond, il faut avoir des ciseaux qui soient fort, et couper le col de ce vaisseau par lendroit o le verre est comme coulant, cela fait une compression qui unit les bords du verre insparablement, ou bien on peut le serrer en pointe en tortillant le col du vaisseau peu peu, mais aprs il faut mettre le petit bout la flamme de la chandelle, ou de la
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lampe, afin quil se forme un petit bouton, qui bouche bien exactement un petit trou qui demeure ordinairement au bout du tortillis, et qui est presque imperceptible. Or comme ces sortes de vaisseaux ont communment le col plus long quil ne faut, et quil est ncessaire den retrancher une partie qui pourrait incommoder, jai jug propos de mettre ici la manire de faire ce retranchement, sans apprhender la nature du vaisseau. Il y a trois manires de faire cette opration, cest--dire de rompre et casser le verre galement en travers. La premire, en appliquant un fer rouge pour commencer la fente ou la fissure. La seconde, en faisant trois tours dun fils soufr, lentour du col du vaisseau, sil est gros et pais. Et la troisime, en chauffant le col du vaisseau en le tournant la flamme de la lampe ou de la chandelle, sil est petit et mince ; et lorsque le verre est bien chauff par lun desdits moyens, il le faut essuyer, et poser dessus quelques gouttes deau froide, qui feront une fente, quil faudra continuer et conduire jusquau bout, avec de la mche darquebuse, en chauffant le verre et fondant sur le charbon de la mche. L ainsi on ne risque jamais les vaisseaux. Le second Sceau dHerms, est en mettant deux ufs lun sur lautre, et les luttant ou fermant bien ensemble avec du verre fondu, et comme font les Verriers, ainsi que dmontre la seconde figure. Par ce moyen, il y a bien de lespace et de lair pour les circulations ; cest pourquoi on pourrait mettre davantage de matire dans luf infrieur, ou bien dans celui qui est dessous. Cette manire me plat bien plus que la premire, parce que les vaisseaux sont bientt bouchs, et ainsi les esprits de la matire retenus, qui par la longueur du temps du Sceau se dissipent, et louvrage ne peut russir faute de les avoir conserv et retenu par la diligence requise qui pour cette raison est la condition principale et la plus essentielle. Le troisime moyen me plat encore davantage, et je le conseille plutt que les deux autres, dautant que le Sceau est fait presque en un moment, qui est avec un bouchon de verre, quon scelle avec luf par le moyen du verre fondu, qui est tt prt, ou autre bon lut convenable. Je ne dis pas quil faut que luf est t chauff lendroit par lequel il doit tre scell, et le bouchon aussi car cela est trop trivial, et ceux qui savent travailler ny manquent jamais, parce quautrement ils ne russiraient pas.

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Le fourneau, lcuelle et luf Philosophique, sont les trois vaisseaux absolument ncessaires lopration du grand uvre, accuss et recommands par tous les Philosophes, et sans lesquels ou lun deux, on ne peut jamais russir. Ces vaisseaux sont trs bien dcrits dans Flamel, mais quelquefois il ne leur donne quun nom, qui est celui de triple Vaisseau, quoiquil parle de chacun en particulier. De la Lampe.

a Lampe dont on doit de servir est celle qui est linvention de Cardan, qui se fournit dhuile pendant un grand temps, et donne loisir lArtiste de se reposer lorsquil en a besoin, sans crainte que le feu steigne faute de nourriture, et il ne se faut pas contenter dune seule lampe, mais il faut toujours en avoir une supernumraire au nombre des Fourneaux que vous faites travailler afin que tirant une lampe dun Fourneau, vous y en puissiez introduire une autre toute prte allume et fournie dhuile, dans le mme moment. Par ce moyen la chaleur de votre feu sera toujours continue dans lgalit requise, pourvu que le nombre des fils de la mche ne soient point augments ni diminus. Figure de la Lampe.

Le Crochet.

l sera ncessaire davoir encore un instrument un peu longuet, fait par le bout en forme de crochet, pour abattre la suie que la fume de la Lampe aura fait monter, et qui sera attache au fond de lcuelle, laquelle pourrait ralentir le degr du feu, ou laugmenter, en sorte quil empcherait entirement son action et le mouvement de la matire.
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Figure du Crochet.

Les Balances.

uisquil faut que toutes choses soient proportionnes, et que lArtiste conduise son ouvrage avec grande prudence, il doit avoir deux paires de Balances accompagnes ou assorties de leurs poids convenables, savoir une peser jusqu sept livres, qui servira peser la matire philosophale de laquelle on fait le dissolvant, et lautre, qui pourra peser depuis sept ou huit once jusqu un grain, pour savoir au vrai combien on fera de dissolvant, chaque fois quon en aura besoin, combien on en mettra dans luf, et enfin quand louvrage sera termin et parfait, le poids de la poudre qui en sera issue, car moins de cela, ce serait travailler sans ordre, sans connaissance de cause, sans plaisir, et sans instruction, et mme comme des aveugles ; cest--dire, que ce ferait agir lArtiste en tourdi et en bte, et non pas en bon et vrai Philosophe, qui se doit rendre raison de tout, et en parler pertinemment aux autres lorsquil est expdient. LArtiste ayant prt tout ce qui lui est ncessaire pour travailler ; cest--dire, la matire, tous les vaisseaux propres et ustensiles ci-dessus, et sa fourniture dhuile dolive, qui est la plus propre, la plus pure, et celle qui fait moins de fume ; doit avant que de commencer son travail, avoir fait son fourneau quinze jours devant, un feu de quelques charbons, afin dter doucement toute son humidit, et augmenter ce feu de temps en temps pour achever de le bien faire scher ; mais sil est parfaitement sec, et quil ait dj servi quelques oprations, le feu de huit jour suffira, et mme celui que vous serez oblig de faire, pour dcouvrir au vrai le premier degr du feu, par lequel vous tes oblig de commencer. Il ne sera pas hors de raison, denseigner encore une autre matire propre faire fourneaux de toutes sortes, et dont on se sert en diverses oprations ; et mme cette matire est commode faire des creusets, dautant que lArtiste les doit savoir faire et en avoir toujours, cause quil pourrait se rencontrer en des lieux o il lui serait impossible den pouvoir recouvrer, sil en avait besoin. Je pourrais pourtant mabstenir de mettre cela dans ce Livre, dautant quil se trouve dans tous ceux des Chymistes ; mais pour ne donner pas la peine de les
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chercher chez les libraires, et dy avoir recours, jai jug propos de linsrer ici, et ensuite expliquer les figures et caractres Chymiques dans une Table grave, mise la fin de ce petit Ouvrage. Des Luts.

ette matire se nomme ordinairement Lut, dautant quon sen sert lutter les vaisseaux quon expose au feu violent, et pour faire divers fourneaux et toutes sortes de lutation. Elle est compose de terre argileuse, qui ne soit pas trop grasse de peur quelle fasse des fentes, et qui ne soit pas aussi trop maigre, ni sableuse, crainte quelle nait pas assez de liaison.

Cette terre doit tre dtrempe avec de leau, dans laquelle on aura dlay de la crotte de cheval en grande quantit, et aussi de la suie de chemine, afin que lun et lautre communique leau, un sel qui donne la liaison et la rsistance au feu. Que si on veut se servir de ce mlange pour fermer et lutter les vaisseaux de verre et de terre quon expose au feu ouvert, et principalement pour les retortes ; il y faudra jouter du sel commun, cest--dire marin, ou de la tte morte deau forte, du verre pill et des paillettes de fer, qui tombent en bas de lenclume des Forgerons ; et vous aurez un Lut qui sera de si bonne rsistance au feu, quil sera impntrable aux vapeurs, jusque l quil sert de retorte, lorsque celles de verre sont fondues, par la grande violence du feu de flammes quon donne sur la fin des oprations qui se font sur les minraux. Quand il faut joindre des vaisseaux ensemble, et quils ne sont pas exposs au feu ouvert. Il y a trois sortes de Luts. Le premier, est celui qui se fait avec des blancs dufs battus et rduits en eau par une longue agitation, dans lesquels il faut tremper des bandelettes de linge, sur lesquelles il faut mettre de la poudre de chaux vive rendue fort subtile, puis poser une bande de linge mouille, la poudrer, et mettre une autre bande de linge. Mais il faut prendre garde de ne jamais mler la poudre de la chaux vive avec leau des blancs dufs, dautant que le feu occulte de cette chaux les brlerait et les endurcirait, qui est une faute ordinaire de beaucoup dArtistes. On peut aussi tremper de la vessie de porc, et de celle de buf, dans leau des blancs dufs sans se servir de la chaux, et principalement dans la rectification et lalcoolisation des esprits ardents, qui se tirent des choses fermentes. Le second Lut est celui qui se fait avec de lamidon ou de la farine cuite et rduite en bouillie avec de leau commune, cela lui suffit pour lutter les vaisseaux qui ne contiennent pas des matires subtiles.
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La troisime nest autre chose que du papier coup par bandes, pli et tremp dans leau, quon met lentour du haut des cucurbites, tant pour empcher que le chapiteau ne rompe la cucurbite, que pour empcher les vapeurs de sexhaler. Cest ainsi quon vapore et quon retire quelque menstrue qui ne peut tre utile quelquautre opration. On fait encore un bon Lut, pour les fissures des vaisseaux, et pour les joindre ensemble, lorsquils doivent souffrir une grande violence de feu ; il y en a de deux sortes. Le premier, est celui qui se fait avec du verre rduit en poudre trs subtile, du karab ou succin et du borax quil faut dtremper avec du mussilage de gomme Arabique, quon appliquera aux jointures des vaisseaux, ou leurs cassures, et aprs que cela sera bien sch, il faudra passer un fer rouge par-dessus, qui leur donnera liaison et une union presque parfaite avec les vaisseaux. Que si vous adaptez le col de la cornue au Rcipient pour les distillations des eaux fortes, et des esprits des sels, il faut prendre simplement du Lut commun, et de la tte morte de vitriol, ou deau forte, avec une bonne poigne de sel marin, quil faut bien ptrir ensemble, avec de leau dans laquelle on aura dissout le sel, et boucher avec ce Lut, lespace qui joint le Rcipient et la cornue ensemble, et le faire scher une chaleur lente, afin quil ne fasse point de fentes ; que sil arrivait quil se fendt, il faut avoir soin den refermer les fentes mesure quelles se font, parce que cela est grande consquence pour empcher lexhalaison des esprit volatils.

FIN.

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