Corps quasi-algébriquement clos
En mathématiques, un corps K est dit quasi-algébriquement clos si tout polynôme homogène P sur K non constant possède un zéro non trivial dès que le nombre de ses variables est strictement supérieur à son degré, autrement dit : si pour tout polynôme P à coefficients dans K, homogène, non constant, en les variables X1, …, XN et de degré d < N, il existe un zéro non trivial de P sur K, c'est-à-dire des éléments x1, …, xN de K non tous nuls tels que P(x1, …, xN) = 0.
En termes géométriques, l'hypersurface définie par P, dans l'espace projectif de dimension N – 1, possède alors un point sur K.
Cette notion a été d'abord étudiée par Chiungtze Tsen, un étudiant d'Emmy Noether, dans un article de 1936, puis par Serge Lang en 1951 dans sa thèse. L'idée elle-même est attribuée à Emil Artin.
Exemples et propriétés
modifier- Tout corps algébriquement clos est quasi-algébriquement clos. En fait, sur un tel corps, tout polynôme homogène en au moins deux variables possède un zéro non trivial.
- Tout corps fini est quasi-algébriquement clos, d'après le théorème de Chevalley-Warning.
- Tout corps muni d'une valuation discrète pour laquelle il est complet et de corps résiduel algébriquement clos est quasi-algébriquement clos, d'après un résultat de Lang.
- Toute extension algébrique d'un corps quasi-algébriquement clos est quasi-algébriquement close.
- Le groupe de Brauer d'un corps quasi-algébriquement clos est trivial.
Théorème de Tsen
modifierChiungtze C. Tsen a démontré en 1933 que tout corps de fonctions d'une courbe algébrique sur un corps algébriquement clos est quasi-algébriquement clos. Ceci implique que son groupe de Brauer, et plus généralement que tous les groupes de cohomologie de Galois H i(K, K*) pour i ≥ 1, sont triviaux. Ce résultat est utilisé pour calculer les groupes de cohomologie étale d'une courbe algébrique.
Corps Ck
modifierLes corps quasi-algébriquement clos sont aussi appelés corps C1. Plus généralement, pour tout entier k ≥ 1, un corps K est dit Ck si tout polynôme homogène à coefficients dans K, non constant, de degré d, en N variables, possède un zéro non trivial sur K dès que dk < N. La dimension diophantienne d'un corps K est définie comme le plus petit k tel que K soit Ck s'il existe de tels k, et ∞ sinon.
Lang et Nagata ont démontré que si K est Ck, alors toute extension de K de degré de transcendance n est Ck+n.
Artin avait conjecturé que les corps p-adiques étaient C2, mais Guy Terjanian (en) a trouvé des contre-exemples p-adiques pour tout p. Le théorème d'Ax et Kochen applique des méthodes de la théorie des modèles pour montrer que la conjecture d'Artin est vraie pour ℚp pour tout p supérieur à une certaine borne (qui dépend de d).
Références
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en anglais « Quasi-algebraically closed field » (voir la liste des auteurs) et « Tsen's theorem » (voir la liste des auteurs).
- (en) J. Ax et S. Kochen, « Diophantine problems over local fields I », Amer. J. Math., vol. 87, , p. 605-630
- (en) Shisun Ding (de), Ming-Chang Kang et Eng-Tjioe Tan, « Chiungtze C. Tsen (1898-1940) and Tsen's theorems », Rocky Mountain J. Math., vol. 29, no 4, , p. 1237-1269 (lire en ligne)
- (en) M. J. Greenberg, Lectures on Forms in Many Variables, Benjamin,
- (en) Serge Lang, « On quasi algebraic closure », Ann. of Math., vol. 55, no 2, , p. 373-390
- (en) Falko Lorenz (de), Algebra, vol. II : Fields with Structure, Algebras and Advanced Topics, Springer, coll. « Universitext », (ISBN 978-0-387-72487-4, lire en ligne), chap. 27 (« The Tsen Rank of a Field »), p. 109-126
- Jean-Pierre Serre, Cohomologie galoisienne [détail des éditions]
- Guy Terjanian (en), « Formes p-adiques anisotropes », J. reine angew. Math., vol. 313, , p. 217-220 (lire en ligne)
- (de) Chiungtze C. Tsen, « Divisionsalgebren über Funktionenkörpern », Nachr. Ges. Wiss. Göttingen, vol. 44 (Math.)/48 (Phys.), , p. 335-339 (lire en ligne)
- (de) Ch. C. Tsen, « Zur Stufentheorie der Quasi-algebraisch-Abgeschlossenheit kommutativer Körper », J. Chinese Math. Soc., vol. 1, , p. 81-92