Sylviane Agacinski

philosophe française

Sylviane Agacinski [aɡazɛ̃ski] est une philosophe française, née le à Nades, dans l'Allier[1]. Elle est élue à l'Académie française le .

Sylviane Agacinski
Sylviane Agacinski en 2008.
Fonction
Fauteuil 19 de l'Académie française
depuis le
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata (79 ans)
Nades (France)
Nationalité
Formation
Activités
Père
Henri Agacinski (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Raymonde Agacinski (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Conjoint
Lionel Jospin (depuis 1994)
Enfant
Daniel Agacinski (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Membre de
Sylviane Agacinski en 2002.

Biographie

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Famille

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Sylviane Agacinski est la fille d’Henri Agacinski, ingénieur des Travaux publics de l'État (au Service des Mines)[2], lui-même fils d'un immigré polonais, mineur de fond, ayant quitté Potsdam en 1918[3], et de Raymonde Lejeune ; elle est la sœur de la comédienne et documentariste Sophie Agacinski.

Formation

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Après une licence de philosophie obtenue à l'université de Lyon, où elle suit notamment les cours de Gilles Deleuze et d'Henri Maldiney, elle poursuit ses études à la Sorbonne, est reçue successivement au concours du CAPES et à l'agrégation de philosophie.

Vie personnelle et parcours professionnel

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Elle est la compagne de l'écrivain Jean-Noël Vuarnet (1945-1993) et devient journaliste à Paris Match qu'elle quitte après le limogeage d'André Théron à la tête du magazine. Elle participe à Mai 68[4].

Elle enseigne en 1972 au lycée de Soissons et au lycée Carnot de Paris[5], entre 1978 et 1990, en classes préparatoires aux écoles de commerce[2].

En 1984, elle a un fils, Daniel[6], né de sa relation avec Jacques Derrida. Cette naissance lui fait réviser sa lecture de Simone de Beauvoir et bouleverse ses conceptions théoriques[7].

En 1991, elle est affectée comme professeur agrégée à l’EHESS[5], qu'elle quitte en 2010 lors de sa retraite.

Parallèlement, elle participe à la création, en 1975, du Groupe de recherches sur l'enseignement philosophique (Greph), au côté, notamment, de Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy et Sarah Kofman. De 1984 à 1990, elle est directrice de programme au Collège international de philosophie (CIPH), et membre du comité directeur.

Le , elle épouse Lionel Jospin avec lequel elle vit depuis 1990[8]. Elle concède qu’elle a tout « fait dans le désordre » : « Le célibat, puis un enfant, puis un mariage avec un autre [Lionel Jospin]. »

Autres activités

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Elle est membre du comité de lecture de la Comédie-française (2011-2015) et du conseil scientifique pour le projet de rénovation du Musée de l’Homme (2013-2014).

Depuis 2009, sur des questions de bioéthique, elle a été auditionnée par l'Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil d'État, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Académie française

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En 2023, elle se porte candidate à l'Académie française[9]. Le , elle succède à Jean-Loup Dabadie au fauteuil 19, élue au premier tour avec 13 voix sur 23 votants[10].

Décoration

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Prises de position et controverses

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Sylviane Agacinski s'investit dans le débat pour la parité à partir de 1996 (« Citoyennes, encore un effort... », Le Monde du 18 juin). Dans son ouvrage Politique des sexes (Seuil, 1998), elle théorise la nécessité de faire advenir une mixité des sexes dans la représentation nationale et l'espace public pour mettre fin au monopole masculin du pouvoir. La loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives est votée en 2000[12]. Elle soutient le projet de Pacte civil de solidarité (PACS)[13] (promulgué en 1999).

Après quatre ans consacrés à son travail de recherche principal (Métaphysique des sexes, Masculin/Féminin aux sources du christianisme), elle entame en 2005 une réflexion sur la pratique des « mères porteuses » (« Mère porteuse ? Le risque d'une nouvelle aliénation », Le Figaro du 7 mars 2005) et s'engage dans une lutte contre diverses formes de marchandisation du corps humain, dont les femmes lui semblent les premières victimes. En 2009, elle pointe dans Corps en miettes l'usage des biotechnologies dans le développement d'un « baby business » américain, peu à peu mondialisé. En 2012, dans la réédition de ce livre, elle dénonce cette partie de la gauche qui se montre prête à accepter la « société de marché » dès qu'il s'agit de la « gestation pour autrui », mais elle est en accord avec une autre partie de la gauche et plus généralement avec un féminisme social[14]. Elle milite au sein du Collectif pour le respect de la personne (CoRp)[5], « collectif pour l'abolition universelle de la maternité de substitution »[15]. Elle voit dans la gestation pour autrui « une forme inédite d'esclavage » qui « s'approprie l'usage des organes d'une femme et le fruit de cet usage »[16].

Sylviane Agacinski considère que « les femmes ne sont ni une minorité ni un groupe particulier »[5] et que la différence sexuelle divise universellement l'espèce humaine en tant qu'elle est vivante. Dans Femmes entre sexe et genre, elle critique l'idée de Judith Butler selon laquelle la distinction homme/femme est une « binarité artificielle » qui devrait laisser place à une multiplicité de genres.

Dans un essai, publié en juin 2019 et intitulé L'Homme désincarné, à propos de la procréation médicalement assistée ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules, elle s'inquiète de l'institutionnalisation d'une filiation fondée uniquement sur la volonté et effaçant l'asymétrie des deux sexes dans la procréation, comme s'ils étaient interchangeables. Elle se demande si l'on doit tout justifier au nom « des intérêts individuels et des demandes sociétales »[17].

Dans le contexte de ces débats, en octobre 2019, une conférence sur « l'être humain à l'époque de sa reproductibilité technique » prévue à l'université Bordeaux-Montaigne est annulée à la dernière minute, à la suite de menaces émanant d'un petit groupe d'activistes « trans », qui dénoncent en Sylviane Agacinski une militante « réactionnaire, transphobe et homophobe »[18],[19], accusation qu'elle conteste[20].

Dans Face à une guerre sainte, en 2022, la réflexion sur les relations entre le politique et le religieux conduit Sylviane Agacinski à s'insurger contre « l'intolérable promotion du voilement des femmes » par le prosélytisme islamiste, pratique discriminatoire toujours associée à la « mise sous tutelle des femmes » et incompatible, selon elle, avec le principe d'égalité devant la loi.

Œuvres

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  • Aparté. Conceptions et morts de Søren Kierkegaard, Aubier, 1978[21].
  • Critique de l'égocentrisme. La question de l'Autre, Galilée, 1994.
  • Volume. Philosophie et politique de l'architecture, Galilée, 1996.
  • Politique des sexes. Mixité et parité, Seuil, coll. « La Librairie du XXe siècle », 1998 ; coll. « Points, Essais », 2002[22].
  • Le Passeur de temps. Modernité et nostalgie, Seuil, coll. « La Librairie du XXe siècle », 2000[23].
  • Journal interrompu, -, Seuil, 2002.
  • Métaphysique des sexes. Masculin/féminin aux sources du christianisme, Seuil, 2005 ; coll. « Points, Essais », Seuil, 2007 (ISBN 2-7578-0288-7).
  • Engagements, Seuil, 2007.
  • Drame des sexes. Ibsen, Strindberg, Bergman, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2008.
  • Corps en miettes, Flammarion, 2009.
  • Femmes entre sexe et genre, Seuil, 2012.
  • Le Tiers-corps : réflexions sur le don d'organes, Seuil, , 240 p. (ISBN 978-2-02-139359-0).
  • L’Homme désincarné. Du corps charnel au corps fabriqué, Gallimard, coll. « Tracts », 2019[24].
  • Face à une guerre sainte, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2022.

Participation à des ouvrages collectifs (sélection)

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  • Nietzsche aujourd'hui ? tome 1, Intensités, actes du colloque de Cerisy-la-Salle, 10-18, 1973.
  • Mimesis, Desarticulations, Aubier-Flammarion, 1975 (avec J. Derrida, J-L Nancy, P. Lacoue-Labarthe, Bernard Pautrat, Sarah Kofman).
  • Qui a peur de la philosophie, Greph, coll. « Champs », Flammarion, 1977.
  • La Puissance maternelle en Méditerranée, Mythes et représentations, dir. Geneviève Dermenjian, Actes Sud/MMSH, 2008.
  • La Plus Belle Histoire des femmes, avec Françoise Héritier, Michelle Perrot, Nicole Bacharan, Seuil, 2011.
  • Devenir humains, par Yves Coppens et dix auteurs "invités", coll. « Manifeste », Musée de l'Homme/Autrement, 2015.
  • Les Marchés de la maternité, dir. Martine Segalen et Nicole Éthea, Odile Jacob, 2021.
  • Wittgenstein en France, dir. Pascale Gillot et Élise Marrou, éditions Kimé, 2022.

Prix littéraires

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  • 2013 : Grand prix Moron de l'Académie française pour Femmes entre sexe et genre.
  • 2018 : Prix Pauwels pour Le Tiers-corps.
  • 2023 : Prix des députés (Journée du livre politique) pour Face à une guerre sainte.

Notes et références

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  1. Marie Guichoux, « Sylviane Agacinski-Jospin Femme de tête. », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. a et b Anne Fulda, « Sylviane Agacinski, immortelle », Le Figaro, supplément Le Figaro et vous,‎ , p. 44 (lire en ligne).
  3. Serge Raffy, Jospin : Secrets de famille, Fayard, 2001, p. 303 :

    « Ses grands-parents polonais ont quitté Potsdam en 1918 pour l'Ouest. Au cours du voyage, sa grand-mère a mis au monde un petit Henri Agacinski, le père de Sylviane. Les exilés débarquent dans le nord de la France, à Douai, où le grand-père est engagé comme mineur de fond. »

  4. Serge Raffy, Jospin : Secrets de famille, Fayard, 2001, pp. 304-305 :

    « Sa licence en poche, elle quitte Lyon en 1967 et monte à Paris.[...]. Son compagnon, Jean-Noël Vuarnet, romancier, vient de publier au Seuil La Fiancée posthume... [...] Sylviane devient journaliste à Match. [...] Roger Thérond, jugé trop indépendant par ses employeurs de la famille Boussac, est limogé. Par solidarité avec son "parrain", Sylviane s'en va et file sur les barricades. [...] Pendant dix jours et dix nuits, Sylviane la rebelle occupe les lieux [le siège de la Société des gens de lettre], dort sur place. »

  5. a b c et d Isabelle Lacoue-Labarthe, « Sylviane Agacinski », Dictionnaire des féministes, PUF,‎ , p. 11-14.
  6. Devenu normalien et agrégé de philosophie Centre Prospero.
  7. Cécile Daumas, « Sylviane Agacinski, tout sur la mère », Libération,‎ (lire en ligne).
  8. Serge Raffy, Jospin : Secrets de famille, Fayard, 2001, p. 308 :

    « Début 1990, le couple décide de vivre ensemble. Lionel Jospin s'installe chez elle, rue de Berri, avec Daniel. »

  9. « Candidature au fauteuil de M. Jean-Loup Dabadie (F19)s », sur academie-francaise.fr (consulté le ).
  10. « La philosophe Sylviane Agacinski élue à l'Académie française », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  11. « Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses n° 04 du 5 août 2024 », sur legifrance.gouv.fr (consulté le ).
  12. Laure Bereni, De la cause à la loi : Les mobilisations pour la parité politique en France (1992-2000) (thèse de doctorat), université Paris 1 Panthéon – Sorbonne, (lire en ligne).
  13. Blandine Grosjean, « Socialistes: en avoir ou Pacs. Evoqué depuis 1992, le projet a mûri très lentement », liberation.fr, 23 septembre 1998.
  14. Julia Pascual, « Les opposants de gauche à la GPA tentent de se mobiliser », lemonde.fr, 3 février 2016.
  15. « Membres du Collectif CoRP », CoRP,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. Sylviane Agacinski, L'homme désincarné : du corps charnel au corps fabriqué, dl 2019 (ISBN 978-2-07-286734-7 et 2-07-286734-7, OCLC 1110653280, lire en ligne).
  17. « Sylviane Agacinski : « Avec la PMA, on crée le rêve de l'enfant sur commande », Le Point, 27 juin 2019.
  18. « Université de Bordeaux : la conférence de Sylviane Agacinski annulée après des menaces », sur SudOuest.fr (consulté le ).
  19. « Conférence annulée de Sylviane Agacinski à Bordeaux : des personnalités réagissent », sur SudOuest.fr (consulté le ).
  20. Louis Mollier-Sabet, « Conférence de Sylviane Agacinski annulée à Bordeaux : ce que la philosophe avait dit à la délégation aux droits des femmes du Sénat », sur Public Sénat, (consulté le )
  21. Traduction avec une introduction de Kevin Newmark : Aparté, Conceptions and deaths of Sören Kierkegaard, University Presses of Florida, 1988.
  22. Traduction de Lisa Walsh : Parity of the sexes, Columbia University Press, New York, 2001.
  23. Traduction de Jody Gladding : Time Passing, Modernity and Nostalgia, Columbia University Press, 2003.
  24. Traduction en italien de Giorgia Visentin, L'uomo disincarnato, Neri Pozza Editore, Vicenza, 2020.

Voir aussi

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Liens externes

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