Samson et Dalila

opéra de Camille Saint-Saëns

Samson et Dalila, op. 47, est un Grand opéra composé par Camille Saint-Saëns sur un livret de Ferdinand Lemaire. Il s'apparente également à l'oratorio sur son plan dramaturgique et musical. Il se divise en trois actes et quatre scènes, s'inspirant du récit biblique extrait du Livre des Juges, autour de la figure de Samson.

Samson et Dalila
Description de cette image, également commentée ci-après
Enrico Caruso dans Samson et Dalila en 1919
Genre Grand opéra
Nbre d'actes 3
Musique Camille Saint-Saëns
Livret Ferdinand Lemaire
Langue
originale
français
Sources
littéraires
Livre des Juges
Dates de
composition
Entre 1859/1872 et 1877
Création 2 décembre 1877
Weimar
Création
française
3 mars 1890
Rouen

Airs

  • Printemps qui commence (Acte 1)
  • Samson, recherchant ma présence...Amour! viens aider ma faiblesse! (Acte 2)
  • Mon cœur s'ouvre à ta voix (Acte 2)
  • Bacchanale (Acte 3)
Samson et Dalila
Gerard van Honthorst, 1615.
Camille Saint-Saëns.

L’œuvre comporte deux grands airs de Dalila repris régulièrement dans les récitals de mezzo-soprano ou contralto : Printemps qui commence et Mon cœur s'ouvre à ta voix. Des cantatrices comme Shirley Verrett, Marilyn Horne, Olga Borodina ou Elīna Garanča ont incarné le rôle de façon remarquable.

Historique

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Genèse

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Dès 1859, le compositeur démarre le projet mais sa production subit une éclipse durant huit années[1]. A partir de 1867 ou 1868, Saint-Saëns recommence la composition de Samson et Dalila, d’abord sous la forme d'un oratorio, à la manière des ouvrages de Georg Friedrich Haendel[2],[3]. Il choisit alors Ferdinand Lemaire comme librettiste, bien que celui-ci soit amateur dans le domaine et contacte Pauline Viardot pour l'écriture du rôle de Dalila[4]. Le librettiste propose au compositeur d'écrire un ouvrage plus conséquent encore et le compositeur ébauche un plan de l'ouvrage pendant ce temps que le premier versifie le texte à partir d'extraits de la bible[5]. La forme de l'ouvrage évolue, notamment sous l'influence de Richard Wagner, en particulier au niveau de la partie lyrique, que le compositeur souhaite diriger vers une forme de déclamation, ainsi que l'emploie du leitmotiv[2]. Reprenant ces codes, l'œuvre devient opéra en même temps que sa tournure prend le parti d'une approche profane plutôt que sacré[2].

Au moment où le compositeur fait germer son opéra, initialement intitulé Dalila, il achève la partition de Orient et Occident, op. 25., et celle de Mélodies persanes, op. 26., manifestant l'intérêt qu'il porte à l'orientalisme, influençant ainsi son approche lors de l'écriture de cet ouvrage lyrique[6]. Pour des raisons de santé, il séjourne d'ailleurs quelque temps, lors de l'automne 1873, en Algérie, où il y poursuit la composition[6].

La composition de l'opéra est cependant discontinue, la guerre franco-prussienne l'interrompt jusqu'en 1872 ; le soutien de Franz Liszt permet de relancer le projet[4],[7]. Il le rencontre lors de fêtes données en Allemagne, pendant lesquelles le compositeur français souhaite faire écouter des extraits de son ouvrage naissant à son homologue[5]. Celui-ci lui confie qu'il le montera sur scène quoi qu'il arrive, et l'invite à en terminer l'écriture[5]. En 1874, lors d’une nouvelle représentation privée du deuxième acte que Camille Saint-Saëns compose en premier[5], chez Pauline Viardot et le compositeur, l'accueil est assez mitigé[4],[7]. Par la suite, devant la méfiance que provoque l'annonce de l'écriture de cet ouvrage, Camille Saint-Saëns délaisse la composition[5]. L’acte 1 est alors rapidement achevé et donné en concert avec orchestre à Paris aux Concerts Colonne, l'acte 3 suit fin 1875 et début 1876[7],[8].

Création

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L'œuvre ayant été interdite en France par la IIIe République naissante dans le contexte de l'anticléricalisme, la création complète et scénique de l'ouvrage (en allemand et sur l'initiative de Liszt) a lieu au Théâtre de la Cour grand-ducale de Weimar, le [9] sous la direction d'Eduard Lassen[8].

Il est joué peu après sous la forme de l'oratorio en mai 1878 à la Grande Harmonie de Bruxelles avec la Société de musique de Bruxelles[8]. L'opéra est ensuite monté pour trois représentations à l'Opéra de Hambourg sous la direction du compositeur en mars 1882[8].

Au-delà des considérations politiques, l'importance de l'orchestre dans la partition fait redouter au public français un opéra « symphoniste » de compositeur[2]. Il faut attendre 1890 pour que l'opéra soit représenté en création en France, alors au Théâtre des Arts de Rouen, le 3 mars, pour dix sept représentations, sous la direction de Gabriel Marie[8]. Connaissant un succès local, il y est représenté pas moins de cent dix fois jusqu'à la Première Guerre Mondiale[8]. Par la suite, il est monté à Paris, d'abord à l'Éden-Théâtre (en) en octobre de la même année sous la même direction, puis à Lyon, Marseille, Bordeaux, etc. entre 1891 et 1892, et enfin au Palais Garnier de l'Opéra de Paris en 1892 sous la direction de Édouard Colonne[1] ; Samson et Dalila y est monté à plus de neuf cent reprises entre sa création et 1978[8].

Postérité

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Fondé sur l'épisode biblique de la séduction de Samson par Dalila[10], c'est le seul opéra de Saint-Saëns actuellement inscrit au répertoire, faisant partie des ouvrages lyriques français les plus représentés sur scène[8]. Les douze autres chefs-d'œuvre lyriques du compositeur restent pour la plupart très rarement joués et enregistrés, voire complètement oubliés[11]. En revanche, à partir des années 1980, des scènes étrangères donnent régulièrement Samson et Dalila, notamment le Metropolitan Opera de New York, Londres, etc.[12]

Description

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À propos du récit biblique

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L’intrigue de l’opéra est tirée du Livre des Juges, chapitres 13 à 16, comme l'est l'opéra Samson composé par un autre des amis de Liszt, Joachim Raff, composé en 1857. Après l’Exode hors d’Égypte, à l’époque de Josué, le peuple d'Israël avait immigré en Judée. Au mépris du premier commandement, il céda à nouveau au polythéisme et vénéra, outre Yahvé, les dieux cananéens. En guise de châtiment, il tomba sous le joug des Philistins.

L’apparition du légendaire Samson marque un tournant. Samson avait été promis à sa mère inféconde par un ange et annoncé comme un libérateur du peuple et un être consacré à Dieu qui n’avait pas le droit de se couper les cheveux. Samson, en combattant solitaire, fut souvent inscrit dans la tradition des héros de la mythologie grecque et, au même titre qu’Héraclès, possédait des pouvoirs surhumains. Son caractère était considéré comme impulsif et violent. Selon le Livre des Juges, son adversaire et séductrice Dalila, qui lui arracha son secret, provoquant ainsi sa chute, agissait pour le compte des princes des Philistins.

Après l’époque de Samson, le peuple d’Israël continua à être en guerre contre les Philistins, qui, selon la Bible, ne furent vaincus que sous le roi David.

Rôle Voix Créateur[12] Rouen 1890[12] Eden-Théâtre 1890[12] Opéra de Paris 1892
Dalila mezzo-soprano Auguste von Müller Amélia Bossy Rosine Bloch Blanche Deschamps-Jéhin
Samson ténor Franz Ferenczy Emmanuel Lafarge Jean-Alexandre Talazac Edmond Vergnet
Le Grand-Prêtre de Dagon baryton Hans Feodor von Milde M. Mondaud Jacques Bouhy Jean Lassalle
Abimélech, satrape de Gaza basse Dengler René-Antoine Fournets
Un vieillard hébreu basse Adolf Henning Marius Chambon
Un messager philistin ténor
Premier Philistin ténor
Deuxième Philistin basse

Argument

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En Palestine, dans les temps bibliques[13].

Samson appelle le peuple d'Israël à se mettre à l'action plutôt que de s'en tenir aux lamentations en leur enjoignant de se soulever contre les philistins, son oppresseur. Il conduit les Hébreux vers la révolte contre Abimélech, gouverneur de Gaza. Le Grand Prêtre du culte de Dagon essaye de convaincre les philistins de se défendre en réprimant durement les révoltés. Il n'y parvient pas car ils craignent la puissance de Samson. Sortant victorieux, les Hébreux fêtent l'Eternel, et Dalila, une philistine, vient féliciter Samson, son ennemi, en s'offrant à lui. Samson est dérouté, et malgré les injonctions à s'en méfier d'un Vieillard hébreux, Samson ne peut se détourner de Dalila.

Acte II

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Dalila prépare sa vengeance contre le héros, le séduisant afin de l'asservir. Le Grand Prêtre lui demande de se hâter, par crainte que le temps ne joue contre eux et fasse reculer l'admiration de Samson pour la philistine. Dalila admet que ses tentatives de retirer le secret de la force de Samson par la force ont été infructueuses et que sa nouvelle tentative devrait fonctionner, prévue pour le soir-même. Samson renouvelle ses voeux d'amour à Dalila, malgré la confusion qu'elle lui inspire. La philistine prétend douter de la sincérité du héros et décide de rentrer chez elle, provoquant ainsi la capture du héros, parti la rejoindre.

Acte III

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Samson captif, il a été aveuglé et rasé. Il regrette amèrement ses actions tandis que les Hébreux se scandalisent de sa trahison. Le temple de Dagon prépare la fête durant laquelle Samson doit être l'attraction principale. Malgré son état, Samson parvient à réunir ses dernières forces pour faire écrouler le bâtiment, faisant s'effondrer le temple sur le peuple philistin et sur lui-même.

Instrumentation

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L'orchestration de Samson et Dalila comprend les instruments suivants[2] :

  • Bois : 3 flûtes, 2 hautbois, 1 cor anglais, 2 clarinettes, 1 clarinette basse, 2 bassons, 1 contrebasson ;
  • cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 2 cornets à pistons, 3 trombones, 1 tuba, 2 ophicléides ;
  • 2 harpes, percussions ;
  • cordes.

Discographie sélective

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CD :

DVD :

Filmographie sélective

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  • Roberto Alagna (Samson), Marie-Nicole Lemieux (Dalila), Nicolas Cavallier (Le Grand-Prêtre de Dagon), Julien Véronèse (Abimélech), Christophe Berry (un messager philistin), Nicolas Courjal (un vieillard hébreu), Marc Larcher (le premier Philistin), Frédéric Caton (le second Philistin); Ballet de l'Opéra Grand Avignon (directrice de la danse par intérim : Brigitte Claret), Ballet de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole (maître de ballet : Laurence Bolsigner-May); Chœur de l'Opéra de Monte-Carlo (chef de chœur : Stefano Visconti), Chœur de l'Opéra Grand Avignon (chef de chœur : Christophe Talmont); Orchestre Philharmonique de Radio France (direction musicale : Yves Abel) (captation du spectacle donné le 7 juillet 2021 à 21h30 aux Chorégies d'Orange; 2h15; mise en scène : Jean-Louis Grinda; lumières : Laurent Castaingt; vidéo : Étienne Guiol et Arnaud Pottier; costumes : Agostino Arrivabene; chorégraphie : Eugène Andrin)[14],[15]

Autres Premières

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Représentation de Samson et Dalila au Théâtre du Capitole de Toulouse en 1971.
 
Représentation de Samson et Dalila par H. Lombard à Agen.

Bibliographie

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  • Joann Élart, « La création française de Samson et Dalila à Rouen en 1890 », Dezède,‎ (ISSN 2269-9473, lire en ligne)
    Ce dossier en ligne rassemble les dix-sept représentations de la création française de cet opéra de Camille Saint-Saëns (1835-1921) au Théâtre des Arts de Rouen au cours de la saison 1889-1890, entre le 3 mars et le 29 avril 1890. Ce corpus inclut la répétition générale du 1er mars, la première représentation du 3 mars et les seize suivantes les 5, 7, 11, 13, 15, 17, 21, 23, 25, 27, 31 mars, 2, 7, 11, 25 et 29 avril 1890.
  • « Samson et Dalila », L'Avant-scène opéra, no 293,‎ (ISBN 978-2-84385-328-9).

Notes et références

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  1. a et b Points de repères, p. 4.
  2. a b c d et e Jean de Solliers, « Introduction et guide d'écoute », p. 12-53.
  3. Huebner, Steven, « 1877. La création de Samson et Dalila : entre opéra et oratorio », Nouvelle Histoire de la Musique en France (1870-1950), sous la direction de l’équipe « Musique en France aux XIXe et XXe siècles : discours et idéologies »,‎ (lire en ligne)
  4. a b et c « Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns - À propos - Ôlyrix », sur Olyrix.com (consulté le )
  5. a b c d et e Camille Saint-Saëns, « "Sans Liszt, Samson n'existerait pas" », p. 54-55. in, Henri Collet, Samson et Dalila de C. Saint Saëns, Paris, Mellotée, 1922.
  6. a et b Sabina Teller Ratner, « L'orientalisme de Saint-Saëns », p. 66-69.
  7. a b et c Steven Huebner, « 1877 : La création de Samson et Dalila : entre opéra et oratorio », dans Michel Duchesneau (dir.), Nouvelle Histoire de la musique en France, 1870-1950 (lire en ligne).
  8. a b c d e f g et h Joann Elart, « Saint-Saëns et Dalila à Rouen », p. 61-65.
  9. a b et c François-René Tranchefort, L'Opéra, Paris, Éditions du Seuil, , 634 p. (ISBN 2-02-006574-6), p. 285
  10. Jg 16,4-31
  11. « Le Timbre d’argent », Opéra Comique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. a b c et d L'oeuvre à l'affiche, p. 118.
  13. Chantal Cazaux, « Argument », p. 9-11.
  14. forumopera.com > article "Samson et Dalila — Orange" par Christian Peter
  15. france.tv > France 3 > Place au spectacle > Samson et Dalila (diffusion en direct le dimanche 16 juillet 2023 de 0h21 à 2h36) (2h15)
  16. Marc Honegger, Dictionnaire de la musique : Tome 2, Les Hommes et leurs œuvres. L-Z, Paris, Bordas, , 1232 p. (ISBN 2-04-010726-6), p. 973

Voir aussi

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Liens internes

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Liens externes

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