Sakineh Mohammadi Ashtiani
Sakineh Mohammadi Ashtiani (persan: سکينه محمدي آشتياني, née en 1967) est une femme iranienne de la minorité azérie, emprisonnée entre 2006 et 2014.
Naissance | |
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Nom dans la langue maternelle |
سکینه محمدی آشتیانی |
Nationalité |
Condamnée pour | |
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Condamnation |
Peine de mort par lapidation, commuée en dix ans de prison |
Elle aurait d'abord été condamnée en 2006 pour adultère, et aurait ensuite été condamnée à mort pour « complicité de meurtre contre son mari ». Son complice, amant, a été condamné à la même peine[1].
Selon notamment Amnesty International[2] et Human Rights Watch[3], qui relaient les propos des avocats de Sakineh Mohammadi Ashtiani, les aveux de complicité de meurtre ont été obtenus sous la torture, ce qu'elle a elle-même qualifié de mensonges tout en dénonçant une exploitation médiatique de son affaire[4]. De plus, cette condamnation aurait été ordonnée par lapidation.
L'ambassade d'Iran à Londres a publié un communiqué infirmant ces rapports, expliquant que la peine de mort ne serait pas par lapidation[5]. Si ce communiqué atteste, incidemment, la condamnation à mort, il ne précise pas si c'est pour adultère seul, complicité de meurtre ou les deux. De manière plus générale, l'Iran affirme ne plus pratiquer la lapidation[6] (en 2005) mais le code pénal iranien prévoit la lapidation et cette peine est prononcée et appliquée[7].
Quoi qu'il en soit, une campagne lancée pour trouver un soutien et annuler la sentence a eu un retentissement médiatique et politique international, Sakineh Mohammadi Ashtiani étant le plus souvent présentée comme « condamnée à la lapidation pour adultère »[8],[9],[10]. En , Sakineh Mohammadi Ashtiani aurait été libérée pour bonne conduite[11]. La mesure de grâce a été annoncée le par Mohammad-Javad Larijani, Secrétaire général pour les droits de l'Homme au sein de l'appareil judiciaire iranien[12].
Procédures judiciaires
modifierElle a d'abord été jugée le par un tribunal à Tabriz (nord-ouest de l'Iran), plaidant coupable du chef de « relation illicite » avec deux hommes. Elle a été condamnée à la flagellation et a reçu 99 coups de fouet[3].
En , lors du procès d'un des deux hommes pour le meurtre du mari de Sakineh Mohammadi Ashtiani, cette dernière a de nouveau été mise en cause. D'après International Campaign for Human Rights in Iran, qui ne cite pas de source, elle aurait été condamnée à 10 ans de prison pour complicité de meurtre[13]. Selon The Guardian, qui cite son avocat, elle a été acquittée de ce chef d'inculpation[14]. Elle a ensuite été déclarée coupable d'« adultère commis en étant mariée », et condamnée à mort par lapidation. Mais elle revient plus tard sur ses aveux, déclarant que ceux-ci avaient été faits sous la contrainte, et qu'elle ne parle d'autre part pas le persan, mais la langue azérie. Sakineh Ashtiani n'a pas eu non plus d'avocat avant la fin de la procédure d’appel[15]. La Cour suprême iranienne a confirmé la peine de mort le , de sorte que seule une grâce accordée par l'ayatollah Ali Khamenei pourrait éviter l'exécution.
Selon l'agence de presse officielle IRNA, le chef des autorités judiciaires de la province de l'Azerbaïdjan oriental, Malek Ezhder Sharifi, a indiqué que Sakineh Mohammadi Ashtiani « avait commis plusieurs crimes très graves, et pas seulement un adultère »[16].
Le , Mohammad-Javad Larijani, Secrétaire général pour les droits de l'Homme au sein de l'appareil judiciaire iranien annonce que Sakineh Mohammadi Ashtiani aurait été libérée pour bonne conduite[12].
Réactions internationales
modifierEn , l'exécution imminente de Sakineh Mohammadi Ashtiani a été suspendue[17], à la suite d'une campagne à l'initiative de ses deux enfants, sans que la condamnation à mort ne soit levée. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes[18], dont Londres et Washington. Les États-Unis, l'Union européenne, la France[19], des organisations de défense des droits humains, notamment Avaaz, Amnesty International et Human Rights Watch, le journal The Times, ainsi que différentes personnalités[20],[21] ont exhorté les autorités iraniennes à stopper l'exécution[22].
La presse en Iran a eu interdiction de faire état de cette affaire[23]. Son avocat, Mohammad Mostafaei, inquiété par les autorités iraniennes[24], a demandé l'asile en Norvège[25].
Le , le président du Brésil a offert l'asile à Mme Ashtiani. Le , l'offre était rejetée par Téhéran : le New York Times indique qu'un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a précisé que le président Lula ne disposait pas de toutes les informations sur cette affaire. Le New York Times ajoute que ce commentaire vient peu après que le site d'information Jahannews ait déclaré, sans mentionner de source, que Mme Ashtiani avait aussi été déclarée coupable du meurtre de son mari[26], mais que les juges n'avaient pas rendu publique cette information en raison des détails « trop horribles » du crime. Cette redéfinition du crime qui aurait déterminé la condamnation à mort intervient après le tollé suscité par la sentence qui pèse sur Sakineh Ashtiani ; selon le Los Angeles Times, avant le les autorités iraniennes comme son avocat disaient qu'elle était condamnée pour adultère[27]. Dans une interview publiée le sur le site du Guardian, l'intéressée affirme, concernant l'inculpation pour meurtre, qu'elle a été acquittée[28].
Le , les autorités iraniennes ont dit à l'avocat actuel de Sakineh Ashtiani, Houtan Kian, que sa cliente reste sous le coup d'une condamnation à mort par pendaison. Une décision définitive devait être prise la semaine suivante[29]. Le même jour la Cour suprême de Téhéran a rejeté la demande de réouverture du procès, et étudie la demande du procureur de Tabriz d’exécuter Mme Ashtiani. Le dossier a été transféré au procureur général adjoint, Saïd Mortazavi[30].
Le , la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton mentionne Mme Ashtiani dans une déclaration où elle exhorte l'Iran à respecter les libertés fondamentales de ses citoyens[31].
Le , environ 300 personnes se sont rassemblées sur le Parvis des droits de l'homme, à Paris, pour soutenir Sakineh Mohammadi Ashtiani. Plusieurs personnalités, comme Marek Halter ou la comédienne Yamina Benguigui, ont participé à ce rassemblement organisé à la mi-journée par l'association Ni putes ni soumises, la Ligue du droit international des femmes, et le Mouvement pour la paix et contre le terrorisme[32].
Des manifestations similaires étaient organisées dans 100 villes à travers le monde[32]. À l'issue du rassemblement, les présidentes des trois associations organisatrices se sont dirigées, sous escorte policière, vers l'ambassade d'Iran, où elles ont pu déposer dans la boîte aux lettres un courrier demandant à Téhéran de surseoir à l'exécution de Sakineh[32].
En , Malek Ajdar Sharifi, chef de la justice de la province iranienne de l’Azerbaïdjan orientale laisse entendre qu’elle restait passible de la peine de mort par pendaison. Il a ensuite démenti[33]. Selon le secrétaire général du Haut conseil iranien pour les droits de l'homme, Mohammad-Javad Larijani, en , Sakineh Ashtiani a été graciée[34].
Publications
modifier- Lauriane Stengers, Pierres non seulement : Conversations avec Sakineh Mohammadi Ahstiani, éditions BoD, , 56 p. (ISBN 978-2-8106-1932-0)
Notes et références
modifier- (en) Shahghasemi, E., « Human Rights against Human Rights: Sexism in Human Rights Discourse for Sakineh Mohammadi », Society, vol. 6, no 53, , p. 614-618
- (en) « IRAN: FEARS FOR PRISONERS ON DEATH ROW IN IRAN », Amnesty International, (lire en ligne)
- (en) « Iran: Prevent Woman’s Execution for Adultery », Human Rights Watch, (lire en ligne)
- « Iran: Sakineh va porter plainte contre les journalistes allemands », L'Express, (lire en ligne [archive])
- (en) « Iran denies stoning claims », PressTV, (lire en ligne)
- (en-GB) « Iran denies execution by stoning », BBC News, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Michael Theodoulou, « Adulterer stoned to death in Iran... but repentant woman wins reprieve », sur Daily Mail (consulté le )
- Delphine Minoui, « Une Iranienne accusée d'adultère condamnée à mort », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
- «Il faut empêcher la lapidation de Sakineh», sur Libération.fr, (consulté le )
- « Sakineh : "Ce verdict est en cours d'examen" affirme l'Iran », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- (en) « Iranian woman who escaped stoning for adultery given leave from prison », The Guardian, (lire en ligne)
- (en) « Sakineh Ashtiani, Once Sentenced to Stoning Execution, to Be Released », sur برای ایران آزاد mission free iran, (consulté le )
- (en) « Mother of Two Faces Stoning for Alleged Adultery », sur International Campaign for Human Rights in Iran,
- (en) « Iran stoning case woman ordered to name campaigners », sur The Guardian,
- « Cette femme risque toujours la lapidation », sur Paris-Match,
- (en) « Iran spares woman from stoning for now - IRNA », sur Reuters,
- « Une femme iranienne accusée d'adultère condamnée à mort », sur Le Figaro,
- (en) « Iran urged to free jailed woman », sur Al Jazeera English,
- « Exécution en Iran: la France "révoltée" », sur Le Figaro,
- « Iran : Sakineh Mohammadi Ashtiani ne sera pas lapidée », sur Nouvel Obs,
- « Iran : il faut sauver Sakineh Mohammadi-Ashtiani », sur Libération.fr,
- « Une femme condamnée à la lapidation risque toujours d'être exécutée », sur Amnesty International,
- (en) « Iran imposes media blackout over stoning sentence woman », sur The Guardian,
- « L'Iran doit mettre fin au harcèlement exercé contre un avocat ayant défendu des personnes condamnées à la lapidation », sur Amnesty international/fr,
- (en) « Lawyer in Iranian stoning case in Norway, seeking asylum », sur The Earth Times,
- (en) « Iran’s Account of Woman’s Crime Shifting From Adultery to Murder », sur The New York Times,
- (en) « IRAN: Judiciary official says woman to be stoned for husband's murder, not just adultery », sur Los Angeles Times,
- (en) « Iranian facing stoning speaks: 'It's because I'm a woman' », sur The Guardian,
- (en) « Iran stoning case lawyer arrested in Turkey after escaping across border », sur The Guardian,
- « Le procureur de Tabriz demande l’exécution de Sakineh », sur International Committee Against Stoning,
- (en-US) « Urging Iran to Respect the Fundamental Freedoms of its Citizens », sur state.gov,
- « Soutien à Sakineh : 300 personnes rassemblées à Paris », sur Le Parisien, (consulté le )
- « Sakineh : les dernières (et tristes) nouvelles de l’iranienne », sur La Règle du Jeu, (consulté le )
- « Amnistie pour Sakineh, l'Iranienne condamnée à la lapidation », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifier- Droits de l'homme en Iran
- Condition des femmes en Iran
- Delara Darabi
- Shirin Ebadi
- Mina Ahadi
- Marina Nemat
Liens externes
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