Réactance (psychologie)
En psychologie sociale, la réactance est un mécanisme de défense psychologique mis en œuvre par un individu qui tente de maintenir sa liberté d'action lorsqu'il la croit ôtée ou menacée[1],[2],[3]. Effectuée de manière plus ou moins consciente, la réactance peut survenir quand l'individu a l'impression que quelqu'un ou quelque chose (une règle, une offre) limite les choix qui se présentent à lui normalement et a des composantes affectives, cognitives et motivationnelles[1]. La réactance est d'autant plus importante lorsque l'individu se sent poussé à croire ou faire quelque chose. La réactance psychologique est un résultat possible dans les appels à la peur, comme dans le modèle étendu des processus parallèles (en) de Kim Witte.
Historique
modifierMise en évidence
modifierLe phénomène de réactance a été mis en évidence par Jack W. (pl) et Sharon S. Brehm (en) en 1966 à travers une expérience sur un groupe d'enfants[4].
Utilisation
modifierPsychologie inversée
modifierLe phénomène de réactance peut faire naître chez l'individu une attitude ou une croyance opposée à celle qui lui est suggérée.
La théorie de la réactance psychologique au contexte du confinement des populations par exemple à la suite de la pandémie de Covid-19, s'applique à cette psychologie inversée. Face à la menace perçue de restriction de liberté, les individus adoptent un comportement dont les effets dépendent de la proportionnalité de la menace, de la source de la menace, de la durée de la privation et de l'aspect coercitif de la demande[5],[6].
L'action de ce facteur de réactance expliquerait ainsi la résistance aux messages de persuasion (résistance renforcée lors de l'imposition de règlements, d'interdictions et de messages donneurs d'ordres, résistance atténuée par des messages moins coercitifs, plus empathiques[7] ou émanant d'experts s'appuyant sur des discours à base de faits et de preuves[8]), voire les effets boomerang : « les messages contrattitudinaux devraient créer plus de réactance que des messages pro attitudinaux[9] ».
Face aux risques auxquels les sociétés plus averses tendent à vouloir s'en protéger, elles sont conduites à adopter des stratégies d'adaptation basés sur les perceptions du risque de chaque individu qui vont depuis le déni total à la phobie, en passant par tous les degrés d'euphémisation — minimisation, mise à l'écart dans le temps ou l'espace qui traduisent le biais d'optimisme comparatif et constituent souvent la réaction à une dissonance cognitive —)[10],[11]. Quand ces perceptions sont associées à une menace de la liberté individuelle, les chercheurs peuvent observer un phénomène de réactance face à certains messages liés aux risques des changements climatiques[12].
L’inoculation psychologique utilise la réactance pour solidifier la résistance aux messages de persuasion.
Notes et références
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Reactance (psychology) » (voir la liste des auteurs).
- (en) Christina Steindl, Eva Jonas, Sandra Sittenthaler, Eva Traut-Mattausch & Jeff Greenberg (en), « Understanding Psychological Reactance. New Developments and Findings », Zeitschrift für Psychologie (de), vol. 223, no 4, , p. 205–214 (PMID 27453805, PMCID 4675534, DOI 10.1027/2151-2604/a000222).
- (en) Brehm, J. W. (pl) (1966). A theory of psychological reactance. Academic Press.
- (en) Brehm, S. S. (en), & Brehm, J. W. (pl) (1981). Psychological Reactance: A Theory of Freedom and Control. Academic Press.
- (en) Sharon S. Brehm (en) (1981), « Psychological reactance and the attractiveness of unobtainable objects: Sex differences in children's responses to an elimination of freedom », Sex Roles, volume 7, no 9, p. 937-949.
- « Psycho : comment le confinement peut provoquer le contraire de l'effet voulu ! », sur The Conversation, .
- (en) Chadee, D. (2011). Toward freedom: Reactance theory revisited. In D. Chadee (Ed.), Theories in social psychology (p. 13–43). Wiley-Blackwell.
- (en) Tobias Reynolds-Tylus, « Psychological Reactance and Persuasive Health Communication: A Review of the Literature », Front. Commun., vol. 4, no 1, , p. 56 (DOI 10.3389/fcomm.2019.00056).
- (en) S. A. Rains & M. M. Turner, « Psychological Reactance and Persuasive Health Communication: A Test and Extension of the Intertwined Model », Human Communication Research (en), vol. 33, no 2, , p. 241–269 (DOI 10.1111/j.1468-2958.2007.00298.x).
- Fabien Girandola, Psychologie de la persuasion et de l'engagement, Presses universitaires de Franche-Comté, , p. 166.
- (en) Amos Tversky & Daniel Kahneman, « The Framing of Decisions and the Psychology of Choice », Science, vol. 211, no 4481, , p. 453-45 (DOI 10.1126/science.745568).
- Patrick Peretti-Watel, « La culture du risque, ses marqueurs sociaux et ses paradoxes. Une exploration empirique », Revue économique, vol. 56, no 2, , p. 371-392 (DOI 10.3917/reco.562.0371).
- (en) Yanni Ma, Graham Dixon, Jay D Hmielowski, « Psychological Reactance From Reading Basic Facts on Climate Change : The Role of Prior Views and Political Identification », Environmental Communication, vol. 13, no 1, , p. 71-86 (DOI 10.1080/17524032.2018.1548369).
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- (en) S. A. Rains, « The nature of psychological reactance revisited: A meta‐analytic review », Human Communication Research (en), vol. 39, no 1, , p. 47–73 (DOI 10.1111/j.1468-2958.2012.01443.x).
- (en) Andy H. Ng, Mohammad S. Kermani & Richard N. Lalonde, « Cultural differences in psychological reactance: Responding to social media censorship », Current Psychology, (DOI 10.1007/s12144-019-00213-0).
Articles connexes
modifierLien externe
modifier- Les chemins de la censure, long-métrage de vulgarisation sur la réactance réalisé par la chaîne Youtube Horizon Gull (2019)