Observatoire cantonal de Neuchâtel

observatoire astronomique et chronométrique

L'Observatoire cantonal de Neuchâtel est un observatoire astronomique et chronométrique fondé le par le canton de Neuchâtel. Il est situé à Neuchâtel et fait partie des biens culturels d'importance nationale. Les divers services de l'observatoire ont été fermés en 2007 et repris par diverses institutions.

Observatoire cantonal de Neuchâtel
Vue extérieure de l'observatoire
Présentation
Partie de
List of cultural properties in Neuchâtel (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Destination initiale
Observatoire chronométrique
Architecte
Hans Rychner, Alphonse Droz, Charles-Henri Matthey et Didier Kuenzy
Construction
1858
Ouverture
Démolition
Propriétaire
Canton de Neuchâtel
Patrimonialité
Localisation
Pays
Canton
Commune
Coordonnées
Géolocalisation sur la carte : canton de Neuchâtel
(Voir situation sur carte : canton de Neuchâtel)
Géolocalisation sur la carte : Suisse
(Voir situation sur carte : Suisse)

Création de l'Observatoire

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La création d'un observatoire à Neuchâtel est sollicitée pour la première fois en 1855. Les délégués neuchâtelois à l'exposition universelle de Paris souhaitent en effet la création d'une institution « pour la vérification de nos pièces de précision dans le but de rendre possible la fabrication de chronomètres de marine dans le Canton. »[1]. Le Conseil d'état et le Conseil général de la ville vont ensuite entamer les débats sur la forme à donner à ce projet. Un premier rapport est fourni au Grand Conseil par Henri Ladame avec une somme prévue de 26'000 francs. Cette somme est rapidement retranchée à la suite des événements de la contre-révolution. Un nouveau devis est alors établi par les professeurs Desor, Vouga et Favre[2]. Le Grand Conseil charge alors un astronome de passage dans la région, Adolphe Hirsch, de faire un rapport sur le projet de fonder un observatoire à Neuchâtel[3]. Ce dernier a pour but de déterminer les proportions à donner au projet. Le but de l'institution soutenue par Adolphe Hirsch est de « déterminer le temps d'une manière scientifique et appropriée aux besoins de l'industrie horlogère »[4] et « en second lieu, il faut que l'observatoire,(...), soit pourtant à même de produire des observations scientifiques »[5]. Le , le Grand Conseil ratifie le projet, promulguant un décret pour la fondation de l'Observatoire de Neuchâtel[6], Adolphe Hirsch est nommé comme premier directeur. Les premiers travaux pour la construction des bâtiments débutent rapidement et se terminent pendant l'hiver 1858. L'ouverture officielle de l'Observatoire a lieu en 1860[7].


Architecture

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Après l’enlisement politique d’un premier projet confié au professeur Henri Ladame et à l’architecte Louis-Daniel Perrier en 1856, la création d’un observatoire à Neuchâtel se concrétise à partir de 1858, avec la nomination déjà évoquée de l’astronome Adolphe Hirsch, l’attribution du mandat de construction à l’architecte Hans Rychner et l’octroi d’un crédit de 60 000 francs par le Grand Conseil neuchâtelois[8].

Autorités et scientifiques s’accordent sans tarder sur l’emplacement de la nouvelle construction, la colline du Mail répondant à l’essentiel de leurs critères : solidité des affleurements rocheux, dégagement en direction du lac, proximité du chef-lieu et des voies de communication, mais distance suffisante de la localité et des nuisances provoquées par l’activité humaine[8].

 
Le premier bâtiment de l'Observatoire, appelé la Méridienne en raison de la fente qui permettait à la lunette méridienne de fonctionner.

Noyau initial ou bâtiment de la méridienne

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De 1858 à 1860, Hans Rychner réalise un bâtiment dont le programme architectural est dicté par les besoins scientifiques définis par Adolphe Hirsch. La construction est ainsi strictement orientée est-ouest, alors qu’une imposante saignée dans les façades nord et sud trahit l’utilisation d’une lunette méridienne. Certains instruments sont placés sur des piliers qui reposent directement sur le rocher, « le tout entièrement isolé du plancher et du reste du bâtiment »[9].

L’ensemble demeure de petite dimension en comparaison internationale et ne compte à dessein qu’un étage sur rez-de-chaussée. Dans un rapport au Grand Conseil, Adolphe Hirsch explique en effet qu’en matière d’observatoire, « on ne tâche plus de se rapprocher autant que possible du ciel que l’on veut observer; au contraire, on se tient le plus près possible de la terre, pour obtenir la plus grande solidité et échapper aux vibrations et aux ébranlements auxquels les édifices élevés sont plus exposés que les autres»[10].

L’édifice forme un volume compact au centre duquel se détache une sorte de tour coiffée d’un dôme; seul élément sphérique et métallique, la coupole signale clairement la destination de l’édifice. Malgré les contraintes de son mandat, l’architecte parvient à inscrire les exigences et les spécificités du programme de l’observatoire dans le cadre bien ordonné de l’architecture néoclassique. Exception faite de la fente imposée par l’usage d’une lunette méridienne, la symétrie et l’équilibre des façades sont respectés ; elles présentent un jeu discret de retraits et de saillies, ainsi qu’une facture soignée associant maçonnerie crépie et pierre de taille. La sobriété de l’ensemble rappelle qu’il s’agit d’une construction fonctionnelle plutôt qu’un édifice de prestige ; aucun élément décoratif n’indique par exemple son statut de commande publique[8].

Les dispositions initiales du bâtiment prévoient une partie centrale réservée aux observations, alors que les extrémités sont destinées aux logements du directeur et de son aide. Il n’existe malheureusement pas de plan ou d’image permettant de retracer la distribution des locaux et l’emplacement des instruments des débuts. Des recherches conjointes de la Haute-Ecole-Arc (section conservation restauration) et de l’Université de Neuchâtel (section d’histoire) sont en cours ; elles apporteront un éclairage précieux sur l’équipement scientifique, le fonctionnement et les recherches de l’institution au fil de son siècle et demi d’existence.

 
L'ancienne maison du directeur

Développement du site

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A l’instar des constructions industrielles et des instituts de recherches, les installations de l’Observatoire connaissent de fréquentes réparations, transformations et modernisations au gré de l’évolution de ses missions de l’observatoire. Les contraintes techniques mentionnées plus haut empêchant de surélever les bâtiments existants, de nouvelles constructions complètent progressivement le noyau initial. La première adjonction est édifiée en 1865 au nord du bâtiment principal pour loger le directeur ; agrandie en 1948-49, elle est finalement démolie en 1991. À partir de 1889, une « maison du directeur » abrite le logement d’Adolphe Hirsch et de ses successeurs, leur bureau et bibliothèque, ainsi qu’un réduit pour le matériel technique. En 1900, l’aide-mécanicien dispose de sa propre habitation (démolie en 1999). Commandités par l’État de Neuchâtel, ces chantiers sont alors conduits par l’architecte cantonal Auguste Ribaux. En 1912, les autorités inaugurent un nouveau lieu de recherche, le « pavillon Hirsch », une réalisation de l’intendant des bâtiments de l’État, Charles-Henri Matthey (voir ci-dessous)[8].

Au cours du XXe siècle, l’observatoire connaît un développement important qui s’accompagne d’une forte demande en locaux[7]. Un édifice préfabriqué est construit en urgence en 1976 ; cette situation provisoire va durer jusqu’en 1993, date du remplacement de ce pavillon par le nouveau centre de recherche réalisé par l’architecte Didier Kuenzy[8]. L'observatoire est mis sous protection au titre de monument historique depuis 2006.

 
Le pavillon Hirsch, 1909-1912

Pavillon Hirsch

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Décédé sans héritier en 1901, Adolphe Hirsch lègue sa fortune à l’État de Neuchâtel, dans l’idée de développer la recherche en astronomie. Sa générosité est en effet assortie d’une condition : les autorités disposent de dix ans pour équiper l’observatoire d’une lunette équatoriale et pour bâtir l’édifice qui l’abritera[11].

Après plusieurs années de tergiversations, le chantier débute en automne 1909, sous la direction de l’intendant des bâtiments de l’État, Charles-Henri Matthey. Le gros-œuvre est suffisamment avancé en 1910 pour que la coupole – fabriquée par l’entreprise Zeiss à Iéna et envoyée en pièces détachées depuis l’Allemagne – soit montée. La construction et l’équipement arrivent à leur terme en 1911, même s’il faut attendre le pour que le pavillon soit officiellement inauguré à l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’institution[11],[12],[13].

Respectant les clauses testamentaires, les autorités équipent le bâtiment d’une lunette équatoriale et de ses accessoires, mais elles profitent également de l’espace disponible pour aménager une salle de réunion, un laboratoire de photographie, pour créer divers locaux en sous-sol et pour installer un sismographe[8].

 
L'entrée du pavillon Hirsch

Malgré le désintérêt des experts, plus versés en astronomie qu’en architecture, l’architecte va conférer à la nouvelle construction un caractère monumental et moderne en recourant au Heimatstil, un régionalisme alors en vogue en Suisse romande[14]. L’architecture du bâtiment se caractérise ainsi par son asymétrie en plan et en volume, par des façades qui reflètent la disposition intérieure et par une mise en œuvre plastique des matériaux. La juxtaposition d’une tour coiffée d’une coupole et d’une sorte de cube ou de parallélépipède à toit plat s’impose dès le début du projet pour des raisons techniques autant que stylistiques. De son côté, l’entrée renvoie à la solennité des mausolées et annonce le décor du vestibule auquel elle donne accès. Elle présente des parentés avec celle de l’Observatoire de Nice.

Décor Art nouveau

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L'un des signes du zodiaque

Projet et contexte

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En signe de reconnaissance, le Grand Conseil décide d’ériger un monument à la mémoire du généreux donateur. Après quelques propositions très conventionnelles, le projet connaît un profond bouleversement en 1909, lorsque Charles L’Eplattenier, artiste chaux-de-fonnier pressenti pour la confection d’un buste, propose à l’État d’étudier l’agencement de l’ensemble du vestibule et de créer une œuvre nouvelle et originale dédiée à Adolphe Hirsch[8].

Professeur à l’École d’art de La Chaux-de-Fonds, Charles L’Eplattenier cherche en effet à offrir à ses étudiants diplômés des débouchés concrets, à l’image des collaborations établies entre l’art et l’industrie dans les pays germaniques (Werkbund allemand et Wiener Werkstätte). Réunis au sein des Ateliers d’art réunis, Léon Perrin, Georges Aubert et leurs collègues vont transformer le décor du vestibule en une œuvre d’art total (Gesamtkunstwerk), s’étendant du sol au plafond, leur professeur se réservant la réalisation du buste commémoratif[8],[15].

 
Détail du décor de la bibliothèque

Plus discrets mais de qualité, les rehauts décoratifs des autres locaux sont confiés au peintre neuchâtelois Alfred Blailé qui décline lui aussi une thématique stellaire[16].

Description

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L'une des portes du vestibule

Le vestibule, en forme de cube, est orné de douze plaques de métal repoussé réparties selon un jeu de vraies et de fausses portes. «Chacun de ces panneaux comporte deux tableaux superposés. Répétition d’un modèle unique, la partie inférieure est ornée d’un décor végétal stylisé, alors que les douze motifs du zodiaque animent la partie supérieure. L’iconographie des plafonnets évoque le ciel avec les panneaux allongés ornés d’éclairs et de nuages alternant avec les carrés occupés par des oiseaux stylisés.»[8] La mosaïque du sol souligne l’ordonnance du décor et fait vraisemblablement écho à l’ancienne coupole. Aujourd’hui disparue, cette dernière était ornée d’étoiles multicolores serties dans un réseau de plâtre armé. Évocation du ciel, elle n’a malheureusement pas résisté à l’usure du temps[8].

« L’ensemble se lit du sol au plafond, soit de la terre au ciel. Le caractère minéral et l’organisation géométrique des tesselles de la mosaïque confèrent une solide assise au décor qui se développe ensuite avec les éléments végétaux à mi-hauteur, pour s’élever dans les airs avec les oiseaux et les nuages et finalement atteindre le cosmos grâce aux étoiles. De la solidité du granit à la fragilité du verre coloré, en passant par le métal repoussé, la nature des matériaux et leur façon d’absorber ou de réfléchir la lumière font partie intégrante de l’œuvre »[17].

Thème, style et postérité

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Panneau aux oiseaux

Sous l’impulsion de Charles L’Eplattenier, le simple buste commémoratif est ainsi intégré à une œuvre d’art totale, cohérente et homogène. Les Ateliers d’art réunis réalisent un décor « déclinant des sujets chers à l’Art nouveau, comme le passage du temps, la fragilité de la vie ou les liens entre la terre et le cosmos, avec un vocabulaire ornemental souvent puisé dans les faune et flore locales. Dépassant la simple décoration, les différents éléments évoquent une vision poétique des liens que l’homme entretient avec l’univers plutôt qu’une approche scientifique de l’astronomie. »[17]

Il s’agit d’un bel exemple de déclinaison régionale de l’Art nouveau, qu’on appelle aujourd’hui le Style sapin : un vocabulaire décoratif et stylistique élaboré sur la base de l’univers végétal et animal jurassien. Cet ensemble, avec les décors du hall de la poste (aujourd’hui détruit) et du crématoire de La Chaux-de-Fonds devaient servir de vitrine aux travaux des Ateliers d’art réunis. Ces ensembles n’auront pas de postérité[15],[18].

Galerie

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Annexes

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Bibliographie

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  • Virginie Babey et Claire Piguet, « La recherche de l'exactitude », dans Jacques Bujard et Laurent Tissot (dir.), Le Pays de Neuchâtel et son patrimoine horloger, Chézard-Saint-Martin, Editions de la Chatière, , p. 224-243
  • Helen Bieri Thomson (dir.), Une expérience Art nouveau, le Style sapin à La Chaux-de-Fonds, La Chaux-de-Fonds,
  • Julien Gressot, « Automating Time Determination: The Photographic Zenith Tube (PZT) of the Neuchâtel Observatory », Bulletin of the Scientific Instrument Society, 156, 2023, 16-23.
  • Julien Gressot et Romain Jeanneret, « Determining the right time, or the establishment of a culture of astronomical precision at Neuchâtel Observatory in the mid-19th century », Journal for the History of Astronomy, 53(1), 2022, 27–48, https://doi.org/10.1177/00218286211068572
  • Julien Gressot et Romain Jeanneret, « Élaborer le cercle méridien Ertel & Sohn de l’Observatoire de Neuchâtel (1858-1861) : besoins scientifiques, possibilités techniques et contraintes financières », Cahiers François Viète, III.14, 2023, 255-287, https://doi.org/10.4000/cahierscfv.4105.
  • Claire Piguet, « L'Observatoire cantonal de Neuchâtel: une architecture et un ensemble décoratif », Revue historique neuchâteloise, nos 3-4 « Fragments de patrimoine neuchâtelois »,‎ , p. 307-329 (lire en ligne)
  • Claire Piguet, « Entre ciel et terre: le pavillon Hirsch », L'Ermite herbu, Journal de l'Association des amis du Jardin botanique de l'Ermitage « Botanique et Art nouveau, de la plante vivante au décor d'apparat »,‎ , p. 8-11 (lire en ligne)
  • Lucien Trueb, L'Observatoire de Neuchâtel. Son histoire de 1858 à 2007, La Chaux-de-Fonds, Editions l'Homme et le Temps,

Article connexe

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Rapport présenté au comité du canton de Neuchâtel pour l'exposition universelle de 1855 à Paris, , p. 25
  2. Lucien Trueb, L'Observatoire de Neuchâtel. Son histoire de 1858 à 2007, La Chaux-de-Fonds, Editions l'Homme et le Temps, , p. 23-26
  3. Adolphe Hirsch, Rapport de M. le Dr. Hirsch sur le projet de fonder un observatoire à Neuchâtel,
  4. Adolphe Hirsch, Rapport de M. le Dr. Hirsch sur le projet de fonder un observatoire à Neuchâtel, , p. 2
  5. Adolphe Hirsch, Rapport de M. le Dr. Hirsch sur le projet de fonder un observatoire à Neuchâtel, , p. 3
  6. Décret de fondation de l'Observatoire cantonal,
  7. a et b Lucien Trueb, L'Observatoire de Neuchâtel. Son histoire de 1858 à 2007, La Chaux-de-Fonds, Editions l'Homme et le Temps, , p. 30-31
  8. a b c d e f g h i et j Claire Piguet, « L'Observatoire cantonal de Neuchâtel: une architecture et un ensemble décoratif », Revue historique neuchâteloise, nos 3-4 « Fragments de patrimoine neuchâtelois »,‎ , p. 307-329
  9. Bulletin de la Société neuchâteloise des sciences naturelles, 1860, p. 232
  10. Archives de l’Etat de Neuchâtel, mémoire présenté par Adolphe Hirsch le 31 mars 1858 et publié dans Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, n°18, 17 mai 1858, p. 615-616
  11. a et b Edouard Quartier-la-Tente (père), L'Observatoire cantonal de Neuchâtel 1858-1912, souvenir de son cinquantenaire et de l'inauguration du pavillon Hirsch, Neuchâtel,
  12. Feuille d'avis de Neuchâtel, 8 juillet 1912, p. 5
  13. L'Impartial, 6 juillet 1912, p. 5
  14. Claire Piguet, « Heimatstil et Art nouveau à Neuchâtel: des frères ennemis en quête de renouveau artistique », Revue historique neuchâteloise, nos 1-2,‎ , p. 111-138
  15. a et b Helen Bieri Thomson (dir.), Une expérience Art nouveau, le Style sapin à La Chaux-de-Fonds, La Chaux-de-Fonds,
  16. Marie-Hélène Miauton, Alfred Blailé 1878-1967, Onelineprinters GmbH, , 110 p., p. 33
  17. a et b Claire Piguet, « Entre ciel et terre: le pavillon Hirsch », L'Ermite herbu, Journal de l'Association des amis du Jardin botanique de l'Ermitage « Botanique et Art nouveau, de la plante vivante au décor d'apparat »,‎ , p. 98-11
  18. Georges Aubert, Un Mouvement d’Art à la Chaux-de-Fonds, à propos de la Nouvelle Section de l’Ecole d’Art, La Chaux-de-Fonds, , p. 5-6