Intégrale multiple

intégrale définie sur un domaine multi-dimensionnel d’une fonction de plusieurs variables

En analyse mathématique, l'intégrale multiple est une forme d'intégrale qui s'applique aux fonctions de plusieurs variables réelles. Les deux principaux outils de calcul sont le changement de variables et le théorème de Fubini. Ce dernier permet de ramener de proche en proche un calcul d'intégrale multiple à des calculs d'intégrales simples, et d'interpréter le « volume » d'un domaine « simple » de dimension (ou son hypervolume si ) comme l'intégrale d'une fonction de variables (Fig. 2), de même que l'intégrale définie d'une fonction continue positive d'une variable est égale à « l'aire sous la courbe » associée (Fig. 1).

Fig. 1. Intégrale simple comme aire de la figure délimitée par une courbe, deux droites et , et l'axe des abscisses.
Fig. 2. Intégrale double comme volume du solide situé entre un domaine du plan et la surface image de ce domaine par une fonction.

Définition

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Soit   une fonction bornée sur une partie bornée   de  . Pour définir (au sens de Riemann) l'intégrabilité de   et, le cas échéant, la valeur de son intégrale, notée

 

ou plus simplement  , on se ramène d'abord au cas où   est un pavé fermé  , en choisissant un tel   qui contient   et en prolongeant   par   (on démontre après coup que les définitions suivantes sont indépendantes du choix de  ). Les définitions sont ensuite identiques, mutatis mutandis, à celles dans le cas   : à l'aide des notions de volume et subdivision de P et de pas, marquage et raffinement d'une telle subdivision, on définit l'intégrabilité et l'intégrale soit en termes d'intégrales inférieure et supérieure, soit en termes de sommes de Darboux inférieure et supérieure, soit en termes de sommes de Riemann, et l'on montre que ces trois définitions sont équivalentes[1]. La première, par exemple, s'écrit :

 

(c'est-à-dire que   est intégrable si et seulement si ses intégrales inférieure,  , et supérieure,  , sont égales, et l'intégrale de   est alors par définition cette valeur commune), et la troisième s'écrit :

 

où chaque   est une subdivision marquée de P de pas δ.

Dans les applications pratiques, comme l'ingénierie ou la physique appliquée, on rencontre quasi exclusivement des intégrales simples, doubles ou triples. L'intégrale, sur un domaine   de dimension  ,   ou  , de la fonction constante  , est respectivement la longueur, l'aire ou le volume de  .

Propriétés

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Critère de Lebesgue

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Le théorème de Lebesgue-Vitali étend aux fonctions de plusieurs variables le critère de Lebesgue pour l'intégrabilité de Riemann : une fonction bornée sur une partie bornée de   est Riemann-intégrable si et seulement si l'ensemble des points de discontinuité de son prolongement par   à   est négligeable[2]. En particulier :

Théorème — Toute fonction continue et bornée sur une partie cubable de   est Riemann-intégrable[2].

En effet, une partie de   est cubable (si et) seulement si elle est bornée et de frontière négligeable. Cette hypothèse de régularité du domaine est indispensable : une fonction continue sur un compact peut ne pas être intégrable (prendre, sur un compact non cubable, une fonction constante non nulle). Mais en pratique, tous les domaines considérés seront cubables, comme intersections finies de domaines « simples », au sens défini ci-dessous.

Propriétés élémentaires

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Les autres propriétés des intégrales simpleslinéarité, monotonieetc. se généralisent également. On en déduit par exemple que si   est un compact connexe de  , cubable mais non négligeable, et   une fonction continue, alors il existe un point   de   en lequel la « valeur moyenne » ou « moyenne intégrale » de   sur   est atteinte, c'est-à-dire tel que

 

Cette propriété généralise le théorème de la moyenne en dimension  , à cela près qu'en dimension supérieure, on n'est plus assuré de trouver un   intérieur à  .

Théorème de Fubini

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Le théorème de Fubini pour les intégrales de Riemann est énoncé ci-dessous pour une intégrale double pour simplifier les notations, mais il se généralise en remplaçant   par  . De plus, on peut évidemment intervertir les rôles des deux variables (mono- ou multidimensionnelles)   et  .

Théorème[3] — Pour toute application   :

 

Corollaire[4] — Lorsque   est Riemann-intégrable, les deux fonctions (intégrales inférieure et supérieure)

 

sont Riemann-intégrables et de même intégrale que  .

L'énoncé de la conclusion se simplifie[5] lorsque de plus, pour tout  , la fonction   est intégrable (sur  ) : alors, son intégrale (fonction de  ) est intégrable et

 

Changement de variables

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Soient   et   deux ouverts de  ,   un C1-difféomorphisme et   une application de   dans  .

Théorème[6] — Si   et   sont bornés et si   et (f∘Φ) × |det JΦ| sont Riemann-intégrables, alors

 

Ces hypothèses sont vérifiées dès que   et   sont cubables,   est continue bornée, et   est borné[7].

Méthodes d'intégration

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Examen direct

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Linéarité

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Par linéarité, pour toute constante  ,   En particulier, l'intégrale d'une fonction constante égale à  , sur un domaine cubable   de  , est le produit de   par le volume de  .

De même, l'intégrale d'une somme de fonctions intégrables peut être transformée en la somme de leurs intégrales :  

En particulier, on peut partitionner le domaine d'intégration en un nombre fini de sous-domaines — ce qui revient à écrire   comme la somme des produits de   par les indicatrices de ces sous-domaines — puis appliquer la règle précédente. C'est ce qui remplace, en dimensions supérieures, la relation de Chasles propre à la dimension   :  

Exploitation des symétries

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Si la fonction est impaire par rapport à une variable   et si le domaine est invariant par la symétrie par rapport à l'hyperplan  , l'intégrale s'annule.

Exemple :

Soit la fonction   avec pour domaine d'intégration la boule unité de  . Le domaine présente une symétrie par rapport aux trois plans de coordonnées, mais comme la fonction est impaire par rapport à la variable  , il suffit de la symétrie par rapport au plan yOz pour annuler toute l'intégrale.

Réduction à des intégrales simples

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La réduction en intégrales simples utilise le concept de domaine simple, de façon à exprimer l'intégrale en une composition d'intégrales simples. L'intégration est effectuée de l'intérieur vers l'extérieur, chaque fois par rapport à une seule variable en considérant les autres constantes, de la même façon que pour le calcul de dérivées partielles.

Domaines simples

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Fig. 3. Un domaine simple   de   est délimité par les courbes   et   de deux fonctions   et   définies sur  , et par les verticales   et   au-dessus du bord de  .

Si   est une partie cubable de   et si deux fonctions   et  , définies sur  , sont Riemann-intégrables — par exemple si elles sont bornées et continues (éventuellement par morceaux) — alors la partie suivante de  , appelée un « domaine simple orhogonal à l'hyperplan   », est cubable (Fig. 3) :

 

On peut bien sûr, dans cette définition et ce théorème, permuter les composantes des n-uplets de  , pour choisir laquelle joue le rôle de  .

On peut également, dans la définition de  , remplacer un ou deux   par des  , car le graphe d'une fonction intégrable sur   est Jordan-négligeable.

Théorème

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Si   est une fonction continue bornée sur ce domaine simple  , les hypothèses du critère de Lebesgue sont vérifiées, et le théorème de Fubini devient :

 

Exemples

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Réduction d'une intégrale double
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Fig. 4. Domaine simple défini par   et  , pour  .

La région   (Fig. 4) se présente comme le domaine simple (orthogonal à l'axe  ), associé aux deux fonctions   et  , sur l'intervalle   (on trouve l'extrémité  , abscisse du point d'intersection des courbes de   et  , en calculant la solution positive de l'équation  ).

On se propose d'intégrer sur   la fonction  . Appliquons le théorème :

 

On calcule donc d'abord, pour   fixé :

 

puis l'intégrale définie :

 

Si l'on avait choisi de redéfinir   comme un domaine simple orthogonal à l'axe  , on aurait obtenu les expressions :

 
 

conduisant au même résultat.

Réduction d'une intégrale triple
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Fig. 5. Domaine orthogonal au plan   dans  .

Considérons le domaine   de   orthogonal au plan   (Fig. 5)

 

Sa projection sur   est le domaine   de   orthogonal à   défini par[8]

 
 

Changements de variables usuels

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Lorsque les méthodes précédentes ne sont pas efficaces (domaine difficile à exprimer ou fonction difficile à intégrer), un changement de variables permet parfois de reformuler l'intégrale de façon plus commode.

Coordonnées polaires

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Fig. 6. Passage d'un secteur annulaire de coordonnées cartésiennes à polaires.
 
Fig. 7. Passage d'un anneau des coordonnées cartésiennes aux polaires.

Dans  , si le domaine présente une symétrie circulaire (c.-à-d. décrit un secteur annulaire) et que la fonction a des caractéristiques particulières, on peut appliquer une transformation des coordonnées cartésiennes en coordonnées polaires, pour changer la forme du domaine et faciliter l'intégration.

D'après la définition de ce système de coordonnées, la transformation à effectuer est :

 

(avec   positif, et   généralement choisi entre   et  ).

Exemple :

Soit  . Dans ce cas,

 

(grâce aux identités trigonométriques).

Calcul du nouveau domaine
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Le calcul du nouveau domaine U = Φ−1(V) s'effectue de façon automatique, en remplaçant   et   en fonction de   et   dans les conditions sur   qui définissent l'ancien domaine  .

Exemple :

Si   avec   (Fig. 7),  

Jacobien, intégration
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La matrice jacobienne de l'application   au point   est :

 

Son déterminant est donc égal à  , et l'on a, sous les hypothèses du théorème de changement de variables :

 
Exemple :

Soit   à intégrer sur l'ouvert   de l'exemple précédent, qui correspond via   à l'ouvert   (  et  ).

  donc
 

Coordonnées cylindriques

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Fig. 8. Système de coordonnées cylindriques.

Dans  , l'intégration sur des domaines ayant pour base une portion de disque peut s'effectuer via un passage en coordonnées cylindriques :

 

Puisque la composante   est inchangée, le calcul du nouveau domaine et du jacobien sont calqués sur ceux du passage en coordonnées polaires, et l'on a :

 

Il est conseillé d'utiliser cette méthode dans les cas de domaines cylindriques, coniques, ou tout du moins de régions pour lesquelles il est commode tant de délimiter l'intervalle des   que de transformer la base circulaire et la fonction.

Exemple :

Soit   à intégrer sur  . Alors,

 

et

 

En toute rigueur,   et   ne sont pas ouverts, le jacobien   s'annule en certains points de  , et   n'est même pas injective de   vers  . Mais il suffirait, pour remédier à tous ces problèmes, de remplacer le parallélépipède   par son intérieur et le cylindre   par Φ(U), et cela ne modifierait pas les intégrales (puisque les parties fermées qu'on supprime sont négligeables). Ce genre de raccourci, fréquent dans l'application du théorème de changement de variables proprement dit, sera désormais tacite. On obtient donc :

 

Coordonnées sphériques

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Fig. 9. Système de coordonnées sphériques.

Certains domaines de   présentent une symétrie sphérique, ainsi il est possible d'exprimer les coordonnées de leurs points à l'aide de deux angles   (longitude) et   (colatitude) et d'une distance à l'origine  . Le passage en coordonnées sphériques est la transformation :

 

(avec   positif,   compris entre   et  , et   entre   et  ) et son jacobien est :

 

Dès lors, on a (en se rappelant qu'il faut prendre la valeur absolue du jacobien) :

 

Il est conseillé d'utiliser cette méthode dans le cas de domaines sphériques et de fonctions facilement simplifiables à l'aide des identités trigonométriques, comme dans l'exemple du calcul du volume d'une boule ou l'exemple ci-dessous.

Exemple :

Intégrons   sur   (boule de rayon   centrée à l'origine).

 
 
 

On termine le calcul en utilisant par exemple le changement de variable t = –cos φ :

 

et l'on conclut :

 

(Le passage en coordonnées cylindriques mènerait à des calculs un peu plus compliqués.)

Exemples d'applications : calculs de volumes

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Grâce aux méthodes décrites précédemment, il est possible de démontrer les règles de calcul du volume de certains solides, en calculant l'intégrale triple sur ces solides la fonction constante  .

Cylindre droit :

Le volume d'un cylindre droit   (de base   et de hauteur  ) se ramène à l'intégrale double   sur le domaine   du plan  . On retrouve ainsi, dans le cas particulier d'un cylindre droit, la formule classique :  .

Boule :

Le volume d'une boule de rayon   est :

 
Simplexe :

Grâce aux formules de réduction, on peut calculer le volume du  -simplexe (le tétraèdre rectangle dont le sommet est à l'origine et les arêtes génératrices sont placées le long des trois axes et de longueur  ), en considérant, par exemple, l'orthogonalité selon le plan   et l'axe   :

 

ce qui est conforme à la formule générale : Volume d'un cône = aire base × hauteur / 3, soit ici :  .

Intégrale multiple impropre

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Dans le cas de domaines non bornés ou d'intégrandes non bornés sur le bord du domaine, on parle d'intégrale multiple impropre.

Notes et références

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  1. Jean-Pierre Ramis, André Warusfel et al., Mathématiques Tout-en-un pour la Licence 3, Dunod, (lire en ligne), p. 130-137.
  2. a et b Ramis et Warusfel 2015, p. 155.
  3. (en) Xinwei Yu, « Fubini », sur Université de l'Alberta, (Honors Advanced Calculus I: Math 217).
  4. Démontré directement dans Ramis et Warusfel 2015, p. 160-161.
  5. Ramis et Warusfel 2015, p. 162.
  6. Ramis et Warusfel 2015, p. 165.
  7. Ramis et Warusfel 2015, p. 166.
  8. Une coquille s'est glissée dans la Fig. 5 : remplacer f(y) et g(y) par f(x) et g(x).

Voir aussi

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Sur les autres projets Wikimedia :

Jacques Douchet et Bruno Zwahlen, Calcul différentiel et intégral : Fonctions réelles de plusieurs variables réelles, Lausanne, PPUR, , 2e éd. (1re éd. 1998), 172 p. (ISBN 2-88074-257-9)