Hackathon
Un hackathon, marathon de programmation[1],[2] ou programmathon[1] est un événement durant lequel des groupes de développeurs volontaires se réunissent pendant une période de temps donnée afin de travailler sur des projets de programmation informatique de manière collaborative. C'est un processus créatif aux objectifs larges et variés souvent axés sur la proposition de solutions informatiques innovantes, l'amélioration de logiciels existants ou la conception de nouvelles applications dans le domaine des technologies numériques[3].
Histoire du mot et du concept
modifierLe terme est un mot-valise constitué de hack et marathon. La référence au « Marathon » se justifie par le travail sans interruption des développeurs pendant deux jours, généralement lors d'un week-end[4].
Le hackathon est à l'origine un rassemblement de développeurs, généralement organisés en équipe, par ou autour d'un ou plusieurs porteur(s) de projet avec l’objectif commun de tester une idée et de produire un prototype d'application en quelques heures (principe du prototypage rapide)[3]. Sous forme de concours chronométré, l'équipe gagnante est généralement désignée par un jury à l’issue du temps imparti.
Il s'inscrit généralement dans des perspectives de coconception, d'économie du partage et de l'économie collaborative[5], avec parfois une dimension artistique qui s'expriment dans ses aspects créatifs et parfois de design d'objet[6] et parfois d'éducation au design collaboratif, éventuellement détournés par des entreprises[7].
La méthode est souvent réutilisée par des entreprises et autres entités commerciales[8] (ex: Markathon[9], un Choreograthon[10]...) et constitue ainsi une alternative aux méthodes classiques de développement du système d'information en interne ou d'appel d'offre de prestations.
Déroulement type
modifierL'événement a souvent lieu le weekend (pour permettre aux travailleurs salariés ou indépendants de se rendre plus facilement disponibles). Il peut être organisé par une école, une société, une administration (Ministère, Région, Commune...)[11].
Il est préparé par une équipe et peut avoir été précédé d'une veille technologique, d'un idéathon ou simplement d'un moment de préparation des idées, objectifs et de la méthode.
Le vendredi soir :
- Inputs : Présentation des données et moyens utilisables, des idées directrices ou objectifs recherchés (« pitch ») par les porteurs de projets ;
- Vote des participants (ceux qui vont développer) pour retenir un nombre de projets proportionnel au nombre de présents, chaque projet retenu devant disposer d’au moins deux ou trois développeurs / designers. Parfois des formateurs ou des experts-invités (special guest) sont mis à disposition ou des techniques de créativité sont encouragées ("Fly on the wall", «Graffiti Wall», techniques "Immersives"..)
- Constitution des équipes, et développement (pendant environ 48 heures). Parfois des observateurs/médiateurs peuvent intervenir, rappeler le rôle des brise-glace, des leaders et du travail d'équipe.
Le dimanche soir :
- Démonstration des prototypes de tout ou partie du projet devant un jury de spécialistes (et parfois avec avis des autres équipes et d'un public invité) ;
- Remise des prix
Aucune règle établie ne régit ce type d’événement. Cependant, chaque fois s’y retrouvent ces points essentiels :
Valeurs
modifierLa « philosophie » du hackathon prend sa source dans les idées des communautés de développeurs du mouvement Free/Libre Open Source Software. Que ce soit au travers d’événements festifs tels que le Burning Man, ou plus studieux comme les barCamps, l’esprit communautaire est entretenu par le jeu consistant à relever des défis en équipe (émulation), et par le partage d'un jargon technique, d'une expertise voire d'un mode de vie particulier. Le hackathon est aussi une « plate-forme d'apprentissage » (par et avec les pairs[14]) plus ou moins « informelle »[15], un lieu où l'on apprend en créant et où l'on entretient un « savoir informel »[16],[17] ; L’expérimentation, et la sérendipité sont également très présentes dans ce type de manifestation.
L’ouverture est un héritage direct de l’esprit de l'open source. Elle se décline de plusieurs manières et notamment à travers l’entraide pendant le concours, où les échanges entre compétiteurs sont nombreux, facilités par la proximité, voire la promiscuité du lieu et une ambiance souvent festive. Au bout du compte, le résultat n’a pas plus d’importance que la course elle-même.
Le mérite est le principal moteur des participants à cette course. Les développeurs sont des auteurs compositeurs (au sens le plus large de l'expression). À ce titre, ils cherchent principalement la reconnaissance des pairs, à même de juger la qualité du travail accompli, avant celle d’un public, partiellement profane.
L'esprit d'émulation et la vitesse sont deux caractéristiques déterminantes de l’organisation. Le délai de réalisation extrêmement court introduit un stress positif dans les équipes. Il focalise les participants sur le résultat final. Il exclut tout ce qui pourrait retarder la réalisation : études de faisabilité, discussions stériles. Dans la prise de décisions, il redonne une place importante à l’instinct et contribue à maintenir la concentration des développeurs sur les tâches essentielles au fonctionnement général du projet. En imposant le travail de nuit, il confère un caractère exceptionnel à l’événement, renforçant probablement le plaisir d’y participer.
Selon Gerard Briscoe, et al. (2014) le hackathon est « beaucoup plus intense que tout autre événement de réseautage » [3] ; Briscoe et ses collègues ajoutent que c'est certes un lieu de prototypage de projets concrets, mais c'est tout autant « aussi un exercice de prototypage de nouvelles relations de travail et/ou de collaborations personnelles pour les participants », et donc « une occasion unique de réseautage », « souvent à échelle internationale »[3].
La littérature disponible les cite de plus en plus souvent comme sources avérée de l'innovation[18] et de développement d'une nouvelle forme d'« entrepreneuriat citoyen »[19]
Recherche
modifierLe Hackathon, en tant que phénomène émergent où se croisent et se forment des expertises en design, créativité, informatique, data, industrie... est aussi devenu un sujet de science sociale et de recherche[3].
Selon Gerard Briscoe, et al. (2014) des travaux mériteraient de porter sur le caractère souvent très « masculin » de ces événements ; on ne sait pas encore s'il découle de problèmes généraux d'inclusivité des deux genres dans la société, ou de problèmes plus spécifiques aux domaines de l'informatique[20], des technologies, de la participation aux sciences informatiques[3].
Gerard Briscoe, et al. (2014) suggèrent également de mieux étudier comment le bien commun (ressources diverses et biens culturels), au cœur de la culture des hackers est utilisé et valorisé par certains hackathons centrés sur des sujets culturels (« Culture Hacks » pour les anglophones)[3].
Limites ou approches critiques
modifierUne limite intrinsèque est le manque de temps qui peut empêcher le prototypage des projets trop complexes. Mais le hackathon est souvent aussi un lieu et un moment où de tels projets (de plus long terme) peuvent naître, éventuellement ensuite portés par les interlocuteurs qui s'y sont rencontrés.
Il lui est parfois reproché d'être (notamment en contexte d'austérité) un moyen d'enrôler ou de faire travailler des gens sans les payer et d'exploiter leur créativité au profit d'innovations éventuellement "récupérées" ou brevetées pour en tirer d'éventuels bénéfices financiers[21],[22]. C'est une des raisons qui font que certains participants apprécient que le résultat de leurs travaux soit ensuite disponible en open source et open data, afin qu'il reste dans le bien commun. La question de la propriété intellectuelle d'innovations ainsi produites en commun n'est pas toujours abordée.
Notes et références
modifier- Commission d’enrichissement de la langue française, « marathon de programmation », sur FranceTerme, ministère de la Culture (consulté le ).
- Office québécois de la langue française, « Fiche terminologique », sur gdt.oqlf.gouv.qc.ca.
- (en) Gerard Briscoe et Catherine Mulligan, « Digital innovation: The hackathon phenomenon » [PDF], sur CreativeWorks London, (consulté le ).
- Lucie Ronfaut, « Comment le «hackathon» réinvente l'innovation en entreprise », Le Figaro, (lire en ligne , consulté le ).
- Richardson, L. (2015). Performing the sharing economy. Geoforum, 67, 121-129
- Arrigoni, G., & Schofield, T. Understanding Artistic Prototypes Between Activism and Research. Skyler and Bliss Original Citation Adkins, Monty and Segretier, Laurent (2015) Skyler and Bliss. In: xCoAx 2015: Proceedings of the Third Conferenc on Computation, Communication, Aesthetics and X. Universidade do Porto, Porto, 24.
- Page F, Sweeney S, Bruce F & Baxter S (2016) The use of the hackathon in design education : An opportunistic exploration. In DS 83: Proceedings of the 18th International Conference on Engineering and Product Design Education (E&PDE16), Design Education: Collaboration and Cross-Disciplinarity, Aalborg, Denmark, 8th-9th September 2016|PDF|6pages.
- Munro D (2015) Hosting hackathons a tool in retaining students with beneficial side effects. Journal of Computing Sciences in Colleges, 30(5), 46-51 (résumé).
- M. Calco and A. Veeck. The Markathon: Adapting the Hackathon Model for an Introductory Marketing Class Project. Marketing Education Review, 2015
- Briscoe, G., Hon, J. X., & Creatives, B. Choreograthons: Hackathons for Dance Composition (résumé)
- « Concours - Hackathons », sur Programmez! (consulté le ).
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Voir aussi
modifierArticle connexe
modifierLiens externes
modifier- Samuel Poiraud, « Hackathon – 1er prix pour l’équipe de l’ESEO », sur projets.eseo.fr, (consulté le )
Bibliographie
modifier- J. A. Artiles and D. R. Wallace. Borrowing from Hackathons: Overnight Designathons as a Template for Creative Idea Hubs. WEEF, 2013.
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