Dugong
Le dugong (Dugong dugon), du malais duyung, est une espèce de mammifères marins herbivores au corps fuselé, vivant sur les littoraux de l'océan Indien, de l'océan Pacifique ouest et de la mer Rouge (Marsa Alam, Qseir). Il fait partie, avec les trois espèces de lamantins, de l'ordre des siréniens.
Règne | Animalia |
---|---|
Embranchement | Chordata |
Classe | Mammalia |
Ordre | Sirenia |
Famille | Dugongidae |
Sous-famille | Dugonginae |
VU A2bcd+4bcd : Vulnérable
Répartition géographique
Statut CITES
Depuis la disparition de la rhytine de Steller, le dugong et le lamantin sont les deux seuls genres restants de l'ordre des siréniens.
En 2019, il restait moins de 40 000 individus[1] dans le monde.
Morphologie
modifierCe mammifère marin herbivore, appelé aussi vache marine ou halicore, a une silhouette potelée, mesure 3 à 4 m de long et peut atteindre 500 à 900 kg[2]. Il est équipé de deux pattes avant modifiées en courtes nageoires arrondies, et dépourvu de pattes arrière (même vestigiales). La nageoire caudale du dugong, contrairement à celle du lamantin en forme de palette arrondie, est de forme triangulaire et présente un sillon médian. Elle ressemble en cela à la queue des cétacés[2].
Son museau se termine par une sorte de petite trompe élargie, et il possède une paire de petites défenses, peu visibles, et au total 18 grosses dents. Il vit jusqu'à 70 ans[2].
Comme tous les mammifères, le dugong possède des poils[3].
-
Allure générale
-
Queue caractéristique
-
Visage
-
Avec un plongeur
Vie sociale
modifierL'animal vit seul ou en petits groupes familiaux.
Le dugong émet de petits sifflements, des gazouillis et des aboiements : on dit qu’il chante (comme le Lamantin)[4].
Reproduction
modifierLa maturité sexuelle pour un dugong a lieu aux alentours de 10 ans. La femelle a un petit tous les 4 à 5 ans. Après une gestation de 12 à 14 mois, la femelle met bas un seul petit qui mesure 1,20 m, pèse 20 à 35 kg et ne sera sevré (fin de la lactation) que 18 mois plus tard. Ensuite le petit reste encore quelques années avec sa mère. La femelle ne donne naissance qu'à 5 ou 6 petits au cours de sa vie et a donc une faible capacité de reproduction.
Nourriture
modifierCes animaux, herbivores, broutent la végétation se trouvant sur les fonds peu profonds et généralement très près des côtes où ils vivent, dans les baies, les lagons et les mangroves. Ils plongent en apnée pendant moins de 8 minutes pour brouter les herbes marines zostères et leurs racines sur les fonds, entre 10 et 15 m de profondeur au maximum. Un adulte a besoin de 30 à 40 kg de nourriture chaque jour, phanérogames des prairies sous-marines et autres plantes. Il broute en particulier dans les eaux du parc national de Hat Chao Mai en Thaïlande les herbes marines suivantes : herbe à tortue Syringodium isoetifolium, Cymodocea rotundata et Cymodocea serrulata, Enhalus acoroides, Halodule pinifolia, Halophila ovalis et Thalassia hemprichii[5].
Le dugong participe au brassage des fonds marins ce qui contribue directement à l'épanouissement de la végétation et au développement de la faune locale. Il est accompagné d'une grande variété de poissons tels que labres, carangues, rémoras et rougets.
Le dugong accomplit de longues migrations saisonnières pour suivre les courants froids et la pousse des plantes marines.
Menaces et protection
modifierPlus encore que le lamantin, qui appartient au même ordre des siréniens, cette espèce est menacée. Elle est fréquemment blessée par les hélices des embarcations à moteur et parfois chassée pour sa viande[6]. Ses habitats côtiers sont en réduction, en particulier du fait du tourisme, de la pollution et de l'urbanisation des côtes[2].
Le taux de reproduction est bas — un petit tous les quatre ou cinq ans — et la maturité sexuelle tardive : vers 10 ans.
Les populations mondiales sont en chute rapide.
« On ne connaît pas de façon extrêmement précise la population globale des dugongs, mais quelques pays disposent de chiffres fiables : il en resterait environ 70 000 dans le Nord de l’Australie et 6 000 dans le golfe Persique, les deux seules régions du monde, au dire des spécialistes, où l’espèce a de véritables chances de survie à moyen terme. Ailleurs, ils ne se comptent que par petites populations résiduelles, une centaine au Mozambique, une cinquantaine au Kenya par exemple, quelques dizaines en Malaisie (ces chiffres sont incertains). Il est considéré aujourd’hui comme le mammifère marin le plus menacé, et dans de nombreux pays, comme les Maldives ou Maurice, le dugong n’est déjà plus qu’un souvenir[7]. »
En Thaïlande, on pense qu'il y a environ 250 dugongs[8].
À Mayotte, il reste moins de 10 individus[2]. La pêche volontaire au filet d'une femelle en juin 2015 met encore plus en danger la population dans ce lagon[9].
En Nouvelle-Calédonie, on estime qu'il en reste environ 700 en 2022[10]. En décembre 2022, la population de dugongs de Nouvelle-Calédonie est passée de vulnérable à en danger d’extinction, sur la liste rouge établie par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN)[11].
Le dugong peut confondre des déchets plastiques (sacs ou fragments de plastiques en suspension ou posés sur le fond) avec des algues et les ingérer. Ainsi une jeune femelle âgée de 8 mois trouvée morte en août 2019 (après avoir été secourue sur une plage du sud de la Thaïlande (probablement morte des suites d'une agression par un ou plusieurs mâles), avait cessé de se nourrir ; l'autopsie a révélé huit sacs plastique emmêlés dans son estomac et de "petits fragments de plastique" dans son intestin, qui ont entraîné une gastrite et une infection du sang[12].
Le dugong a aussi peuplé la Méditerranée dans des temps reculés, bien qu'aucun individu n'y évolue actuellement, peut-être à cause d'une chasse excessive de la part de l'homme.
L'animal est officiellement intégralement protégé, et placé en annexe 1 de la CITES.
Le dugong n'a pas toujours été le seul représentant de sa famille. Il y a également eu une autre espèce de dugongidés, qui a disparu au XVIIIe siècle, exterminée par l'homme quelques années après sa découverte : Hydrodamalis gigas ou rhytine de Steller, qui mesurait environ 7 à 8 m de long.
Consommation rituelle
modifierEn 2009 le sanctuaire d'Akab, une structure rituelle composée des restes d'une quarantaine de dugongs, a été découvert à Umm al-Quwain, aux Émirats arabes unis. Il a été daté de 5 140 ± 55 ans AP (3500 à 3200 avant notre ère)[13].
Culture
modifierLittérature
modifierDans le roman Vingt mille lieues sous les mers (1869-1870), Jules Verne décrit une chasse au dugong entreprise par le harponneur Ned Land. Les descriptions qu'il donne de l'animal sont très exagérées, puisqu'il écrit que « sa longueur dépassait au moins sept mètres », qu'il « pesait cinq mille kilogrammes », et qu'il peut renverser un bateau à l'aide de défenses (ces dimensions correspondent plus à la rhytine de Steller, qui n'était pourtant pas agressive). De même, Jules Verne décrit avec beaucoup d'erreurs un dugong dans le seizième chapitre de L'Île mystérieuse, le confondant avec les cétacés, pesant « de trois à quatre mille livres », soit entre 1,3 et 1,8 tonne (alors que cet animal pèse généralement entre 250 et 420 kg) et surgissant d'un lac d'eau douce pour s'attaquer à un chien (alors que le dugong, comme toute espèce de sirénien, est exclusivement herbivore et - sauf deux espèces de lamantins - marin).
Georges Baudoux rapporte ou invente deux récits kanak de Nouvelle-Calédonie Le dugong (Légendes canaques, 1910-1940, réédition 1952).
En tradition afar, le dugong, avec ses formes gynoïdes, s'apparente à une sirène ou une ogresse.
La Légende de Dugong (2015), de Salyna Cushing-Price, réinterprète diverses légendes.
Cinéma
modifierDans le film australien Long Weekend (1978), une « Dugong production » réalisée par Colin Eggleston, un dugong est abattu par erreur après avoir été confondu avec un requin. Le mammifère marin hante ensuite les deux touristes responsables de sa mort durant une bonne portion du récit. Le remake de ce film sorti en 2008 et réalisé par Jamie Blanks exploite également ce motif.
Manga
modifierDans Les Enfants de la mer, Umi et Sora, deux des personnages principaux, ont été élevés par des dugongs[14].
Dans l'arc Alabasta du manga One Piece d'Eiichirō Oda, l'équipage de Monkey D. Luffy rencontre une joyeuse troupe de kung-fu dugongs. Ces animaux sont de la taille d'un chien, se tiennent debout sur leur nageoire caudale et ont une forte habilité au combat avec leurs poings. Lorsqu'ils sont vaincus, ils se rangent du côté de leur adversaire gagnant.
Notes et références
modifier- Marie-Paul Zierski et Philipp Röhlich, La grande encyclopédie des animaux, Terres éditions, , 320 p. (ISBN 978-2-35530-295-4), Dugong pages 264 et 265
- Frédéric Ducarme, « Les dernières sirènes mahoraises : les dugongs », sur MayotteHebdo.com, .
- (en) Leon Augustus Hausman, « Structural Characteristics of the Hair of Mammals », The American Naturalist, vol. 54, no 635, , p. 496–523 (ISSN 0003-0147 et 1537-5323, DOI 10.1086/279782, lire en ligne, consulté le )
- « Dugongs, la Survie des dernières sirènes : Le chant du plus répandu des siréniens risque de ne plus retentir »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur planeteplus.com, .
- (th) « อุทยานแห่งชาติหาดเจ้าไหม (Hat Chao Mai) », sur portal.dnp.go.th (consulté le )
- (en) Philippe Borsa, « Marine mammal strandings in the New Caledonia region, Southwest Pacific », Comptes Rendus Biologies, vol. 329, , p. 277-288 (DOI https://doi.org/10.1016/j.crvi.2006.01.004, résumé)
- Isabelle Croizeau, « Les dugongs animaux magiques, menacés d'extinction », sur futura-sciences.com, .
- (en) Associated Press, « Virus travel restrictions leave space for shy sea mammal », sur khaosodenglish.com, Khaosod, .
- Anne Perzo, « Mort d’une femelle dugong, capturée par un pêcheur », sur lejournaldemayotte.com, .
- Coralie Schaub, « Rapport 2022 du WWF: tortues luth et dugongs en danger outre-mer », sur liberation.fr, Libération,
- (en) IUCN, « Red List : Dugong » (consulté le )
- Sophie Lewis, « Rescued baby dugong dies of shock with a stomach full of plastic in Thailand », sur cbsnews.com, (consulté en ).
- « Découverte du plus ancien sanctuaire d'Arabie : la structure en os de dugong de l'île d'Akab », sur inrap.fr, Institut national de recherches archéologiques préventives, (consulté en ).
- Captain Jim, « [Annecy 2019] Les Enfants de la Mer – 2019 Odyssée de l’océan », sur cinematraque.com, (consulté le ).
Références taxinomiques
modifierGenre Dugong
modifier- (en) Référence Mammal Species of the World (3e éd., 2005) : Dugong
- (fr) Référence CITES : taxon Dugong dugon (sur le site du ministère français de l'Écologie) (consulté le )
- (fr + en) Référence ITIS : Dugong Lacépède, 1799
- (en) Référence Animal Diversity Web : Dugong
Espèce Dugong dugon
modifier- (en) Référence Mammal Species of the World (3e éd., 2005) : Dugong dugon
- (en) Référence UICN : espèce Dugong dugon Müller, 1776 (consulté le )
- (en) Référence Tree of Life Web Project : Dugong dugon
- (en) Référence Catalogue of Life : Dugong dugon (Müller, 1776) (consulté le )
- (fr + en) Référence ITIS : Dugong dugon (Müller, 1776)
- (en) Référence Animal Diversity Web : Dugong dugon
- (en) Référence CITES : espèce Dugong dugon Müller, 1776 (+ répartition sur Species+) (consulté le )
- (en) Référence Fonds documentaire ARKive : Dugong dugon
- IUCN : Dugong: Status Report and Action Plans for Countries and Territories - 2002 (ISBN 9280721305) [PDF] (en)
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- vidéo d'un dugong sur National Geographic
- Frédéric Ducarme, « Les dernières sirènes mahoraises : les dugongs », sur MayotteHebdo.com, .
- http://www.francoceanpacifique.com/downloads/livret_dugongs.pd
- « Dugong, la vache des mers qui ne rit pas », sur ConsoGlobe, (consulté le )
- Brut., « VIDEO. Le dugong, une "vache de mer" dont la survie est menacée », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
- « France Télévision - Polynésie 1ère - Dugongs » [vidéo], sur YouTube (consulté le )
- Le dugong - Fiche espèce pour les enfants
- Le dugong - Fiche espèce pour les jeunes et les adultes