Droite réelle achevée
En mathématiques, la droite réelle achevée est l'ensemble ordonné constitué des nombres réels auxquels sont adjoints deux éléments supplémentaires : un plus grand élément, noté +∞ et un plus petit élément, noté –∞[1]. Elle est notée [–∞, +∞], ℝ ∪ {–∞, +∞} ou ℝ (notation toutefois ambiguë, car la barre signifie généralement « complémentaire » en théorie des ensembles, ou « adhérence » en topologie).
Cet ensemble est très utile en analyse, notamment pour généraliser les formules et théorèmes sur les limites sans avoir à effectuer une disjonction des cas, et dans certaines théories de l'intégration[2].
Propriétés
modifierOpérations
modifierL'addition et la multiplication, définies sur l'ensemble des réels, sont partiellement étendues comme suit à la droite achevée[1].
Addition
modifierPour tout x ∈ ]–∞, +∞], x + (+∞) = +∞.
Pour tout x ∈ [–∞, +∞[, x + (–∞) = –∞.
Multiplication
modifierPour tout x ∈ ℝ :
- x × (+∞) = +∞ si x > 0 et –∞ si x < 0 ;
- x × (–∞) = –∞ si x > 0 et +∞ si x < 0 ;
Opérations indéterminées
modifierIl est impossible de munir ℝ d'une structure de groupe dont (ℝ, +) soit un sous-groupe[réf. souhaitée], parce qu'on ne rajoute pas suffisamment d'éléments (voir « Indice d'un sous-groupe »). On préfère donc ne pas définir (+∞) + (–∞).
De même, dans le cadre des calculs de limites, on ne donne aucun sens aux produits ou quotients par 0 de +∞ ou –∞. Cependant, en théorie de la mesure et en analyse convexe, on adopte souvent la convention .
Récapitulatif
modifierL'addition et la multiplication partiellement étendues à la droite réelle achevée sont résumées dans les tableaux suivants, les cases grisées représentant les formes indéterminées :
|
|
Relation d'ordre
modifierL'ensemble ℝ est muni d'une relation d'ordre, notée ⩽, qui étend la relation d'ordre usuelle sur ℝ. Cette relation est telle que –∞ est le plus petit élément de ℝ et +∞ le plus grand élément[1].
Ainsi, si , avec au sens de la relation d'ordre usuelle sur ℝ, on a :
Comme celle sur ℝ, la relation d'ordre usuelle sur ℝ est totale.
La droite réelle achevée est un treillis complet, c'est-à-dire que toute partie de cet ensemble admet une borne supérieure et une borne inférieure[1], y compris l'ensemble vide ∅ (+∞ est sa borne inférieure et –∞ sa borne supérieure, comme expliqué dans le § « Exemples » de l'article sur les bornes supérieure et inférieure).
Métriques et topologie
modifierL'ordre sur ℝ induit une topologie de l'ordre : une base d'ouverts est constituée des intervalles de la forme ]a, +∞] ou [–∞, b[ ou ]a, b[ avec a et b réels. La topologie induite sur ℝ par cette topologie sur ℝ est donc la topologie de l'ordre de ℝ, c'est-à-dire sa topologie usuelle[1]. Autrement dit : les voisinages dans ℝ d'un réel x sont les mêmes que ceux définis par la topologie usuelle sur ℝ, augmentés éventuellement de –∞ et/ou de +∞.
Tout point de ℝ possède une base de voisinages dénombrable. Par exemple :
- les intervalles ]n, +∞] avec n entier (ou entier positif) forment une base de voisinages de +∞ ;
- les intervalles [–∞, n[ avec n entier (ou entier négatif) forment une base de voisinages de –∞ ;
- pour tout réel x, les intervalles ]x – 1/n, x + 1/n[ avec n entier strictement positif forment une base de voisinages de x.
L'espace topologique ℝ est même métrisable, mais aucune distance ne s'impose naturellement plus qu'une autre ; en particulier, il n'existe sur ℝ aucune distance continue qui soit une extension de la distance usuelle sur ℝ.
Parmi les distances induisant la topologie de ℝ, on peut citer :
- , en comptant
- , en comptant
En effet, l'application arctan (resp.respectivement tanh) est un isomorphisme d'ensembles ordonnés de ℝ dans ]–π/2, π/2[ (resp. dans ]–1, 1[), donc[1] se prolonge en un isomorphisme d'ensembles ordonnés de ℝ dans [–π/2, π/2] (resp. dans [–1, 1]), qui est par conséquent un homéomorphisme entre les topologies associées à ces ordres.
Notes et références
modifier- N. Bourbaki, Éléments de mathématique, livre III : Topologie générale [détail des éditions], chap. IV, § 4, p. IV.13-17.
- Cf. par exemple N. Bourbaki, Éléments de mathématique, livre VI : Intégration, chap. IV, § 1 et 5.