(514107) Kaʻepaokaʻawela
(514107) Kaʻepaokaʻawela, désigné provisoirement 2015 BZ509, est un astéroïde d'environ 3 kilomètres de diamètre découvert par les télescopes Pan-STARRS en . Il est co-orbital de Jupiter, mais il parcourt son orbite dans le sens rétrograde, qui est opposée à la direction de la plupart des autres corps du système solaire. Les deux corps sont ainsi considérés comme étant en résonance de moyen mouvement 1:-1 (le signe moins pour rétrograde). L'objet est inhabituel en ceci que c'est le premier exemple d'un astéroïde dans une résonance 1:-1 avec l'une des planètes.
Demi-grand axe (a) |
768,943 × 106 km[1] (5,14 ua) |
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Périhélie (q) |
475,727 × 106 km[1] (3,18 ua) |
Aphélie (Q) |
1 060,662 × 106 km[1] (7,09 ua) |
Excentricité (e) | 0,38[1] |
Période de révolution (Prév) |
~4 252 j (11,64 a) |
Inclinaison (i) | 163,0°[1] |
Longitude du nœud ascendant (Ω) | 307,4°[1] |
Argument du périhélie (ω) | 257,4°[1] |
Anomalie moyenne (M0) | 66,4°[1] |
Catégorie | Astéroïde rétrograde[1],[2] |
Dimensions | 3 km |
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Magnitude absolue (H) | 16,0[1],[2] |
Date | 26 novembre 2014 |
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Découvert par | Pan-STARRS 1 |
Nommé d'après | /Kaʻepaokaʻāwela/, espiègle de Jupiter; en langue hawaïenne. |
Désignation | 2015 BZ509 |
Il a été découvert le à l'observatoire de Haleakala sur l'île de Maui, aux États-Unis.
Une recherche statistique des orbites stables conclut en 2018 que Kaʻepaokaʻawela est sur son orbite depuis la formation du Système solaire, et qu'il s'agit donc d'un astéroïde interstellaire capturé il y a 4,5 milliards d'années sur une orbite rétrograde autour du Soleil[a],[3],[b],[c], mais ce résultat est critiqué[réf. nécessaire].
Origine du nom
modifierLe nom hawaïen Kaʻepaokaʻāwela /kəˌʔɛpəˌokəʔaːˈvɛlə/ est composé de ka (« le »), epa (« délicat » ou « espiègle », se référant à son orbite contraire), o (« de »), et Kaʻāwela (« Jupiter »)[6] Le nom a été créé par A Hua He Inoa, un programme en langue hawaïenne dédié à nommer les objets découverts avec Pan-STARRS. Le nom soumis a été approuvé par l'Union astronomique internationale le . Avant d'être nommé Kaʻepaokaʻawela, il avait reçu la désignation provisoire 2015 BZ509, indiquant qu'il fut le 12 750e objet observé entre le 16 et le . Le Centre des planètes mineures lui a ensuite attribué le numéro (514107) le dans la MPC 109159.
Orbite rétrograde synchrone
modifierL'orbite de Kaʻepaokaʻawela autour du Soleil le porte à une distance de 3,2–7,1 UA, et avec une périodicité de 11 ans et 8 mois (4 256 jours ; semi-grand axe de 5,14 UA). Son orbite a une excentricité de 0,38 et une inclinaison de 163° par rapport à l'écliptique[7].
Sa période de 11,65 ans est très proche de la période de 11,86 ans de Jupiter. Pendant une année jovienne, Jupiter se déplace de 360° autour du Soleil tandis que Kaʻepaokaʻawela se déplace de 366.3° dans la direction opposée. L'excentricité de son orbite lui permet de passer alternativement à l'intérieur et à l'extérieur de l'orbite de Jupiter, à ses approches les plus proches de 176 millions de kilomètres.
Le premier diagramme ci-joint montre une orbite complète de l'astéroïde Kaʻepaokaʻawela, dans le système de coordonnées lié à Jupiter. La vue est depuis le nord vers le sud du système solaire. Le point au milieu est le Soleil, et le cercle vert est l'orbite de la Terre. Le cercle noir montre la taille de l'orbite de Jupiter mais dans ce cadre de référence, Jupiter (le point rouge) reste presque stationnaire. L'orbite de l'astéroïde est représentée en bleu quand il est au-dessus du plan de l'orbite de Jupiter, et en magenta lorsqu'il est en dessous du plan de l'orbite de Jupiter.
Le deuxième diagramme montre une orbite complète d'astéroïde Kaʻepaokaʻawela, dans un système de référence lié à Jupiter. La vue est de côté, par rapport au plan de l'écliptique. Le Soleil est le disque jaune au milieu. Le plan de l'orbite de Jupiter est représenté en noir, mais dans ce cadre de référence, Jupiter (le point rouge) reste à l'extrémité droite de la ligne noire. L'orbite de cet astéroïde est montrée en bleu quand elle est au-dessus (au nord) du plan de l'orbite de Jupiter, et elle est montrée en magenta quand elle est au-dessous (au sud du plan de l'orbite de Jupiter.
Origine et stabilité de l'orbite
modifierDe toute évidence, le passage à proximité de Jupiter perturbe les éléments orbitaux. Chaque fois qu'il passe près de Jupiter, ses éléments orbitaux, y compris sa période, sont légèrement modifiés. Sur le long terme, l'angle entre la position de l'astéroïde et de son périhélie moins l'angle entre Jupiter et le périhélie de l'astéroïde a tendance à osciller autour de zéro, avec une période d'environ 660 ans, et une amplitude d'environ 125°, bien que parfois cette différence « saute un tour » et glisse de 360°.
Cependant, les perturbations de Jupiter maintiennent la stabilité de cette orbite sur des millions d'années. Les simulations montrent qu'il est dans sa relation co-orbitale avec Jupiter depuis au moins un million d'années et continuera pendant au moins un autre million d'années.
Maria Helena M. Morais et Fathi Namouni ont montré en 2013, grâce à des travaux théoriques[8],[9],[10], qu'un astéroïde rétrograde peut coorbiter de façon stable avec une planète, c'est-à-dire avoir une orbite très voisine de celle d'une planète mais parcourue dans le sens contraire et néanmoins stable pendant des millions d'années.
En 2016, Paul Wiegert, Martin Connors (en) et Christian Veillet ont démontré que l'astéroïde Kaʻepaokaʻawela est dans ce cas[11].
Cependant, dans un article paru en , Fathi Namouni et Maria Helena M. Morais annoncent avoir calculé l'orbite de Kaʻepaokaʻawela lors des 4,5 derniers milliards d'années grâce à la simulation numérique d'un million d'astéroïdes semblables. Ils montrent que, même en remontant jusqu'à la naissance du Système solaire, il y a 4,5 milliards d'années, cet objet aurait toujours eu une orbite rétrograde. Comme il est presque certain qu'à cette époque tous les astéroïdes (et les planètes) tournaient autour du Soleil dans le même sens, Kaʻepaokaʻawela a dû naître dans un système stellaire voisin avant d'être capturé par Jupiter[12],[13].
La conclusion de Fathi Namouni et Maria Helena M. Morais est néanmoins critiquée par divers autres auteurs. Scott Tremaine fait notamment remarquer que la probabilité d'une telle capture pourrait être extrêmement faible, rendant de ce fait le scénario proposé potentiellement peu probable. Konstantin Batyguine indique pour sa part qu'il est attendu que la planète 9, si elle existe bien, « contamine » le système solaire avec des objets sur des orbites rétrogrades[14].
Comment cet astéroïde (ou comète) est entré dans cette orbite de résonance est un mystère, mais on pense qu'à un certain moment dans le passé lointain, il a été placé sur une orbite ressemblant à son orbite actuelle par une interaction avec Saturne, puis son orbite a été perturbé dans l'état dans lequel il se trouve aujourd'hui. De même, dans un avenir lointain, il pourrait éventuellement se rapprocher suffisamment de Saturne pour être expulsé de sa relation co-orbitale actuelle avec Jupiter.
On[Qui ?] a longtemps[Quand ?] pensé que Kaʻepaokaʻawela pourrait être une comète de la famille de Halley (également rétrograde) qui serait entrée en résonance avec Jupiter à la suite d'une interaction avec Saturne, bien qu'aucune activité cométaire n'ait été détectée[11].
Notes et références
modifierNotes
modifier- Les modèles actuels de formation des corps planétaires sont incapables d'expliquer par une formation in situ une orbite aussi inclinée à une époque où les planètes devaient être sur des orbites quasi coplanaires et en interaction avec des disques de débris également coplanaires, tous en circulation dans le sens prograde.
- Oumuamua est aussi un petit corps d'origine extrasolaire, mais, se déplaçant sur une trajectoire hyperbolique, il n'est que de passage dans le Système solaire.
- On connaît d'autres exemples de matière d'origine extrasolaire, notamment sous forme de poussière. Dix-neuf autres astéroïdes, tous des centaures gravitant entre Jupiter et Neptune, sont peut-être aussi d'origine extrasolaire[4],[5].
Références
modifier- (en) « (514107) 2015 BZ509 », sur le site du Minor Planet Center (consulté le ).
- (en) « (514107) 2015 BZ509 », sur ssd.jpl.nasa.gov, Jet Propulsion Laboratory (consulté le ).
- (en) F. Namouni et M. H. M. Morais, « An interstellar origin for Jupiter’s retrograde co-orbital asteroid », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters, vol. 477, no 1, , L117-L121 (DOI 10.1093/mnrasl/sly057).
- « Découverte de la première population d’astéroïdes « venus d’ailleurs » », sur CNRS, (consulté le ).
- (en) F. Namouni et M. H. M. Morais, « An interstellar origin for high-inclination Centaurs », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 494, no 2, , p. 2191-2199 (DOI 10.1093/mnras/staa712).
- (en) A Hua He Inoa, consulté le , la scène se produit à 4:30
- (en) « JPL Small-Body Database Browser: 514107 Ka'epaoka'awela (2015 BZ509) », Jet Propulsion Laboratory (consulté le ).
- Morais et Namouni 2013.
- Morais et Namouni 2015.
- Morais et Namouni 2016.
- Wiegert, Connors et Veillet 2017.
- « Découverte du premier corps du Système solaire d'origine extrasolaire », sur CNRS, (consulté le ).
- Namouni et Morais 2018.
- Billings 2018.
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Articles scientifiques
modifier- [Morais et Namouni 2013] (en) M. H. M. Morais et F. Namouni, « Retrograde resonance in the planar three-body problem », Celestial Mechanics and Dynamical Astronomy, vol. 117, no 4, , p. 405-421 (DOI 10.1007/s10569-013-9519-2, lire en ligne [PDF], consulté le ).
- [Morais et Namouni 2015] (en) F. Namouni et M. H. M. Morais, « Resonance capture at arbitrary inclination », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 446, no 2, , p. 1998-2009 (DOI 10.1093/mnras/stu2199, lire en ligne [PDF], consulté le ).
- [Moaris et Namouni 2016] (en) Maria Helena M. Morais et Fathi Namouni, « A numerical investigation of co-orbital stability and libration in three dimensions », Celestial Mechanics and Dynamical Astronomy, vol. 125, no 1, , p. 91-106 (DOI 10.1007/s10569-016-9674-3, lire en ligne [PDF], consulté le ).
- [Namouni et Morais 2018] (en) Fathi Namouni et Helena Morais, « An interstellar origin for Jupiter’s retrograde co-orbital asteroid », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters, vol. 477, no 1, , L117–L121 (DOI 10.1093/mnrasl/sly057).
- [Wiegert, Connors et Veillet 2017] (en) Paul Wiegert, Martin Connors et Christian Veillet, « A retrograde co-orbital asteroid of Jupiter », Nature, vol. 543, , p. 687-690 (DOI 10.1038/nature22029).
Articles de vulgarisation
modifier- [Billings 2018] (en) Lee Billings, « Astronomers Spot Potential "Interstellar" Asteroid Orbiting Backward around the Sun » [« Des astronomes repèrent une potentiel astéroïde « interstellaire » orbitant à l'envers autour du Soleil »], Scientific American, (lire en ligne).