Affaire d'Outreau
L'affaire d'Outreau est une affaire judiciaire s'étant terminée par un procès aux assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) en France du 4 mai au 2 juillet 2004, puis un procès en appel à Paris en novembre 2005. Elle mit en exergue les dysfonctionnements de l'institution judiciaire française et des acteurs sociaux, notamment dans des cas d'abus sexuel sur mineur. Elle eut un grand retentissement médiatique, au point qu'une commission d'enquête parlementaire fut montée début 2006 pour analyser le déroulement de cette affaire et proposer d'éventuelles réformes sur le fonctionnement de la justice en France.
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Le procès en appel
En novembre 2005 s'ouvrit à la Cour d'assises de Paris le procès en appel, des six personnes condamnées en première instance et qui avaient interjeté appel. Dès les premiers jours l'accusation s'est effondrée, suite aux aveux de la principale accusatrice, Myriam Badaoui, ayant déclaré le 18 novembre que les six appelants « n'avaient strictement rien fait » et qu'elle avait menti[1]. Son ex-mari, Thierry Delay, a soutenu ses déclarations. Durant l'audience, les expertises psychologiques ont également été remises en cause, tant elles ont paru biaisées et peu sérieuses. Les dénégations de deux enfants qui ont reconnu avoir menti ont également participé à affaiblir l'accusation.
Certains enfants mineurs ont encore été entendus à huis clos.
A la fin du procès, l'avocat général a requis l'acquittement pour l'ensemble des accusés. La défense a renoncé à plaider, préférant observer à la place une minute de silence pour François Mourmand, mort en prison par suicide dans les premières années de l'affaire. Fait exceptionnel, le procureur général de Paris, Yves Bot, est venu dans la salle d'audience en fin de séance de la dernière journée du procès sans prévenir la présidente de la cour d'assise, Mme Mondineu-Hederer (voir audition de la commission parlementaire), pour présenter ses excuses aux accusés au nom de la justice, avant même le rendu du verdict - ce qui lui a été reproché par plusieurs magistrats.
Enfin, le jeudi 1er décembre 2005, un verdict d'acquittement général pour l'ensemble des accusés a été rendu par le jury, mettant fin à cinq années de ce qui est souvent qualifié, depuis le premier procès, d'un « naufrage judiciaire », voire d'un Tchernobyl judiciaire[2].
Quelques heures après le rendu du verdict, le ministre de la justice, Pascal Clément, a donné une conférence de presse, présentant à son tour ses excuses aux acquittés au nom de l'institution judiciaire; annonçant l'ouverture d'une triple enquête des inspections générales des services judiciaires, policiers et sociaux; évoquant enfin la possibilité de sanctions administratives contre certains acteurs de l'affaire au vu des résultats de l'enquête. Plusieurs modifications dans la procédure pénale ont également été annoncées, surtout dans les affaires d'abus sexuel sur mineur.
Le 5 décembre, cinq jours après le verdict de la Cour d'appel, le Président de la République, Jacques Chirac, a publié un communiqué indiquant qu'il avait souhaité écrire à chacune des personnes concernées pour leur exprimer, à titre personnel, toute son émotion et son soulagement, et leur présenter, en tant que garant de l'institution judiciaire, regrets et excuses. Sur les raisons des dysfonctionnements et des éventuelles responsabilités qui ont conduit à cette « catastrophe judiciaire», il a tenu à préciser aux victimes que des enquêtes étaient lancées, que toutes les conséquences en seraient tirées et qu'il y veillerait personnellement.
L'enquête parlementaire
Suite à l'acquittement général au procès en appel, l'Assemblée nationale décide en décembre 2005, à l'unanimité, de créer une commission d'enquête parlementaire. En janvier 2006, des polémiques naissent quant à la composition de cette commission et au sujet du huis-clos décidé pour les auditions de certaines personnes concernées par l'affaire. Le choix du huis-clos (initialement envisagé) était contesté par les acquittés, et la commission n'eut plus d'hésitations à abandonner le huis-clos lorsque le juge Burgaud rendit aussi publique sa préférence pour des auditions publiques. Mais ce huis-clos pouvait être rétabli pour les personnes interrogées en faisant la demande.
Comme toute commission parlementaire, cette commission a 6 mois pour rendre son rapport. Elle dispose d'un certain nombre de pouvoirs dont celui de contraindre toute personne à venir témoigner devant elle. Elle peut avoir également accès a tous les documents qu'elle souhaite sauf cas particuliers (comme le secret défense).
Composition de la commission
La commission d'enquête parlementaire sur Outreau (officiellement appelée "commission d'enquête chargée de rechercher les causes de dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement") est présidée par André Vallini et a Philippe Houillon comme rapporteur. Les enregistrements des vidéos de l'ensemble des intervenants de ce procès "invités" par la commission, avocats, juges, experts, procureur, acquittés sont visibles sur le site de l'Assemblée nationale: www.lcpan.fr.
Elle est composée de 30 membres (le maximum que peut compter une commission), dont 2 femmes, répartis proportionnellement à la représentation politique de l'Assemblée Nationale. Ses membres sont :
- 19 membres UMP dont 1 femme :
- M. Jacques-Alain Bénisti
- M. Étienne Blanc
- M. Marcel Bonnot
- M. François Calvet
- M. Jean-François Chossy
- M. Georges Colombier
- M. Léonce Deprez
- M. Georges Fenech
- M. Jean-Paul Garraud (vice-président)
- M. Guy Geoffroy
- Mme Arlette Grosskost
- M. Philippe Houillon (rapporteur)
- M. Jean-Yves Hugon
- M. Thierry Lazaro
- M. Alain Marsaud
- M. Christian Philip
- M. Jacques Remiller
- M. Xavier de Roux
- M. François Vannson
- 8 membres socialistes dont 1 femme :
- M. Christophe Caresche (vice-président)
- M. Gilles Cocquempot
- M. Bernard Derosier
- M. Jacques Floch
- Mme Élisabeth Guigou
- M. Jean-Yves Le Bouillonnec
- M. Guy Lengagne
- M. André Vallini (président)
- 2 membres UDF :
- M. Michel Hunault (Secrétaire)
- M. Gérard Vignoble
- 1 membre du groupe communistes et républicains :
- M. Patrick Braouezec (secrétaire).
La commission procède à de nombreuses auditions dont le calendrier peut être consulté ici.
Auditions
Le 18 janvier 2006, ceux qu'on nomme les « acquittés d'Outreau » peuvent exprimer leur vision du système judiciaire dans le cadre de l'enquête, suivis le lendemain par leurs avocats. Les auditions de la commission d'enquête parlementaire sont retransmises avec un léger différé pour permettre de biper les prénoms des enfants, afin de préserver leur anonymat, sur La Chaîne parlementaire puis relatées dans les journaux télévisés des chaînes nationales ainsi que dans la presse. La description poignante du calvaire vécu par les accusés à travers l'ensemble de la chaîne judiciaire, depuis la garde à vue jusqu'au procès, la destruction de leurs vies et de celle de leurs enfants (l'un des accusés, Alain Marécaux, fait une tentative de suicide quelques jours après son audition par la commission) et les dénonciations incisives de leurs avocats, causent une vive émotion à travers le pays.
Limites de la commission
Le travail de cette commission d'enquête parlementaire fait l'objet de multiples reproches :
- Le titre même de cette commission serait particulièrement partial puisqu'il suppose qu'il y a eu "des dysfonctionnements de la Justice" alors que par définition, la justice des hommes ne serait pas infaillible et que dans le cas d'espèce, la justice aurait réparé elle-même les erreurs et rétabli la vérité. S’il est possible depuis quelques années de faire appel des décisions de cour d'assises, ce serait bien pour réviser de temps en temps les décisions prises en première instance, pas pour systématiquement les avaliser. Ce progrès dans la procédure judiciaire que serait la possibilité d'appel des décisions de cour d'assises a été imposé par la Cour européenne des droits de l'homme, pas par l'action des politiques français qui se seraient bien gardés en l'espèce de tout reproche lors des incarcérations ou même après le procès Outreau 1 où les indices de culpabilité seraient apparus bien faibles. De la même façon, la loi française impose le huis clos en cour d'assises lorsque des enfants mineurs en font la demande, ce qui serait une violation de la Convention européenne des droits de l'Homme.
- Pour certains, elle porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs par des pressions politiques ou par la recherche de fautes commises par les magistrats, en s'immisçant dans le processus d'élaboration de leurs décisions ou en portant atteinte à la sérénité de la Justice. Le président de la République a rappelé le 23 février 2006 les membres de cette commission à plus de sérénité.
- Les parlementaires ne s'interrogeraient guère sur les moyens de la Justice qui compterait moins de magistrats qu'un siècle plus tôt alors que ce sont les députés qui votent le budget de la Justice. La charge de travail des juges d'instruction et de la chambre de l'instruction serait lourde, ce qui influerait nécessairement sur la qualité et la profondeur de leur travail, et ils devraient négliger de nombreux dossiers. Le juge Burgaud aurait été en effet loin de travailler à plein temps sur cette affaire.
- L’impasse serait faite sur les inégalités de traitement devant la Justice en fonction des zones géographiques ou au sein même d'une juridiction. Par exemple, la différence de moyens et de traitement serait manifeste entre la section financière du TGI de Paris installée dans des bureaux neufs boulevard des Italiens et la galerie des juges d'instruction du Palais de justice situé à la Cité, boulevard du Palais (qui serait un « rouleau compresseur »); de plus, il y aurait des procédures d’exception devenues normalisées au tribunal de Bobigny. Ce qui pourrait expliquer pourquoi la présomption d'innocence semblerait ne s'appliquer qu'aux seuls notables soupçonnés d'infractions financières. Cela constituerait une différence de traitement contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, mais les politiques (dont certains sont membres de la commission), qui n'aimeraient guère que les juges les contrôlent, ne s'en offusqueraient guère.
- Les membres n'interrogeraient pas les auteurs de projets de loi tendant à la répression aveugle des actes supposés pédophiles et ne s'interrogeraient guère sur la responsabilité des parlementaires sur ce qui constituerait des incohérences ou des contradictions de la législation, dues à la succession de lois allant dans des sens différents (par exemple, la loi sur la présomption d'innocence aurait fait par la suite l'objet d'un retour en arrière)
- Enfin, la commission aurait été particulièrement dure avec le juge Burgaud qui aurait manqué d'"humanité" et lui aurait fait une leçon de morale, formulant des considérations qui seraient inopérantes lors d'une instruction, dont le but principal serait uniquement d'établir la vérité, et alors que rien ne permettrait d'établir que ce juge n'a pas appliqué strictement la loi en toute impartialité. De plus, la diffusion en direct de son audition serait un supplice qui n’est infligé à aucun criminel, que ce soit durant l’audition ou durant son procès.
Analyse
Lors de ce procès, l'ensemble de la réaction sociale face aux affaires d'abus sexuel sur mineur fut remis en question.
Dysfonctionnement de la justice
D'abord concernant la justice : tous les échelons de l'appareil judiciaire sont mis en cause, surtout les pouvoirs importants du juge d'instruction, le non-respect de la présomption d'innocence, le recours à l'emprisonnement préventif ainsi que l'importance donnée aux expertises psychiatriques, jugée trop grande.
Les acteurs sociaux sont également mis en cause, notamment les experts psychiatriques et les professionnels (assistants sociaux, etc.) ayant recueilli la parole de l'enfant, mais aussi les associations de protection de l'enfance accusées de faire du lobbying et d'exercer une forte pression sur les juges en dressant le spectre du scandale.
Beaucoup de critiques portèrent sur l'écoute de la parole de l'enfant victime, jugée comme abusivement crue sans précautions, telle une parole d'évangile — extrémité qui serait un retour de balancier suite à la prise de conscience de la gravité des abus sexuels sur mineur au cours de la décennie précédente. On peut toutefois remarquer que dans ce type d’affaire, les preuves matérielles sont rares, et les aveux des coupables extrêmement difficiles à obtenir durant l’instruction, étant donné la gravité (aussi bien pour la loi que pour la morale) des faits. Il ne reste donc que les témoignages des victimes, les faits se déroulant généralement en l’absence de tout témoin.
D'autres critiques portent également sur le rôle des services de police, qui ont pu prendre des libertés par rapport à la présomption d'innocence et ont pu avoir un manque de neutralité.
Un des éléments le plus souvent mis en avant par la commission parlementaire semble être le problème de la solitude du juge d'instruction. Les parlementaires ont souligné à plusieurs reprises qu'il paraissait difficile de continuer à laisser le juge d'instruction prendre autant de décisions aussi importantes sans en référer ou au moins en discuter avec qui que ce soit.
Un autre problème ressortant de l'audition du juge Burgaud le 8 février 2006 est celui de l'inexpérience des juges "sortant de l'école". Un parlementaire a ainsi indiqué qu'il lui semblait que, pour des affaires d'importance, un délai de 5 ans d'expérience semblait être un minimum. En l'occurrence, le problème est que, dans la juridiction de Boulogne-sur-Mer, il n'y avait que 3 juges d'instruction dont le plus expérimenté n'avait, à l'époque des faits, qu'un an et demi d'expérience.
La pénurie de moyens, face à une judiciarisation des relations sociales, est également mise en avant : le budget de la justice mettrait la France au 23e rang européen.
Procédure inquisitoire
La procédure inquisitoire de la justice française est largement remise en cause, le rôle assigné au juge d'instruction dans la procédure inquisitoire l’empêchant de faire preuve d'humanité et d'humilité. Sa position au sein de l’institution ne le placerait pas non plus en position d’instruire à décharge les affaires qui lui sont confiées.
Réactions politiques
Enfin, la classe politique soit s’est assez largement abstenu de réagir au début de l'instruction, soit a encouragé le juge Burgaud. Il est reproché parfois aux anciens ministres Claude Allègre et Ségolène Royal d'avoir encouragé la délation, par exemple, par la circulaire ministérielle du 26 août 1997, Instructions concernant les violences sexuelles.
Le rôle des médias
Le traitement médiatique de ce type d'affaire fut également montré du doigt : ont été dénoncés pêle-mêle une précipitation des médias, un manque de professionnalisme, une tendance à croire le pire sans vérification, des accusations nominales bafouant parfois la présomption d'innocence...
Cette affaire soulève donc le problème de l'appréciation des médias sur un dossier ayant une nature particulière suscitant une émotion particulière dans l'opinion. Cela amène par ailleurs une nécessaire réflexion sur l'équilibre qui doit être trouvé entre le droit et le devoir d'informer et le respect de la présomption d'innocence qui a pû être dilué au cœur du scandale médiatique.
Voir aussi
Liens internes
- Abus sexuel sur mineur
- Cour d'assises (France)
- Liste des erreurs judiciaires
- Magistrat (France)
- Organisation juridictionnelle (France)
- Victimisation
- Cas similaires: affaire Grégory , affaire de Bruay-en-Artois et Jean Groix
Bibliographie et reportages spécialisés
Le déroulement de l'enquête
- Revue de presse (archive) (intéressant pour voir l'évolution de l'affaire et le rôle des médias).
- Outreau dans la tempête médiatique ([France 5] - Arrêt sur images).
- Les fantômes d'Outreau (France 5 - Articles Magazine)
- Florence Aubenas, La Méprise : l'affaire d'Outreau, Seuil, 2005, ISBN 2020789515.
Les conséquences et leçons de l'affaire
- L'affaire d'Outreau et ses durs enseignements
- Mineurs et justice : tirer les enseignements d’Outreau - Site du Premier ministre
- Les rapports de la Documentation française sur les enseignements du traitement judiciaire de l’affaire dite « d’Outreau »
- Article pour une réforme de la justice, par la Ligue des droits de l'homme
- « Affaire d’Outreau » : Après le « délire » médiatique, l’amnésie collective, article d'Acrimed sur le rôle de la presse
- Les faits divers, ou le tribunal implacable des médias, par Gilles Balbastre, Le Monde diplomatique (décembre 2004)
Sites consacrés
Références
- Le Monde, 18 novembre 2005, Outreau : Myriam Badaoui innocente les six accusés et charge le juge Burgaud
- Le Parisien, 10 juin 2004