Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $9.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La vie s’écoule…: Passage
La vie s’écoule…: Passage
La vie s’écoule…: Passage
Livre électronique162 pages2 heures

La vie s’écoule…: Passage

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

"La vie s’écoule" est une saga familiale qui s’étend sur quatre générations. Passage, son second volume, offre un regard drôle et étonnant sur la fin de vie et l’au-delà à travers Anne qui s’en va, entourée de ses proches, venus avec leur amour et leurs préoccupations. Ce qu’ils ignorent, c’est qu’elle leur a préparé une sacrée surprise, transformant ce moment solennel en une scène singulière.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Diplômé en neurosciences et en psychologie clinique, Christophe Henry, docteur en médecine, a longtemps travaillé comme chirurgien de la face et du cou. Après un accident, il s’est orienté vers l’ostéopathie équine, une discipline qu’il a également enseignée. Actif dans une association caritative, il se consacre désormais à l’écriture, partageant son regard sur les complexités de la psychologie humaine à travers essais et romans.
LangueFrançais
Date de sortie3 oct. 2024
ISBN9791042243760
La vie s’écoule…: Passage

Auteurs associés

Lié à La vie s’écoule…

Livres électroniques liés

Humour et satire pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La vie s’écoule…

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La vie s’écoule… - Christophe Henry

    Chapitre 1

    Chloé

    J’étais au fond d’un rêve et le téléphone sonne. J’ouvre un œil. Sur l’écran, Papa – 7 h 30 s’affiche. L’appel tant redouté qui me broie le cœur. Je décroche. Ma grand-mère, ma Nannie, se meurt. C’était attendu depuis des semaines. Je réponds « j’arrive ». Je m’assois sur le bord du lit, mon monde vacille. Trop d’alcool la veille, trop de chagrin aujourd’hui. Derrière moi des boucles blondes se retournent sur l’oreiller, un œil bleu m’interroge. Comment s’appelle-t-il déjà ? Ah oui, Swen. Les images de la soirée me reviennent et m’envahissent comme une vague qui court inexorablement et couvre la plage. Le bar, la musique, les shots de Téquila, les rires, le velouté et la chaleur de ses épaules, le parfum de miel de sa peau. J’ai bien vu qu’il voulait me montrer que les Vikings étaient les meilleurs amants d’Europe. Je l’ai laissé faire. Je lui mettrai cinq étoiles sur l’appli. C’était vraiment mon jour de chance hier. Pour une fois que je tire un bon numéro. J’aurais dû aussi jouer au Loto. Je lui explique :

    « Ma grand-mère quasi dead. »

    « Sorry for your granny. »

    Il est vraiment gentil. Je lâche un vague « je te rappelle ». Je me lève et bing ! je marche sur le préservatif gluant et froid et des papiers aussi peu ragoûtants. Pas agréable. Je vais m’enfermer dans la salle de bain pour dissiper les miasmes de la nuit avant que mon odeur n’évoque la criée de Concarneau un midi au mois d’août.

    Swen est une entorse dans ma vie avec Mathieu. L’eau chaude et puissante inonde ma tête et mes épaules. Je la laisse me laver des gestes indicibles de la nuit pour m’aider à renaître à ma vie antérieure. Je me dépêche, dopée par un Doliprane pour éloigner le clou dans la tête et les remords. J’entends la porte qui claque. Il est parti. Comme un vrai gentleman. Un sac pour le week-end. Je fouille désespérément mon antre à la recherche d’une tenue noire digne des pleureuses de Martano. Une nouvelle bouffée de chagrin m’envahit et me submerge. Elle, ma Nannie, ma référence, saurait me conseiller pour la tenue appropriée. Les chaussures qui vont bien, la tenue pour courir, au cas où, les affaires de toilettes, le blouson et c’est parti. Je laisse l’ordinateur sur le bureau même s’il me regarde avec les yeux suppliants d’un cocker à la SPA pour que je le prenne avec moi. Les partiels sont pour bientôt, mais je sens que ce n’est plus mon affaire. Je dirai à mon père que dans l’émotion je l’ai oublié. Il ne dira rien, baissera les yeux et n’en pensera pas moins. Je compte sur son amour paternel inconditionnel qui pardonne tout à sa fille unique.

    Je me glisse dans ma petite voiture qui m’attendait sagement en bas dans la rue. Un peu plus de deux heures avant de franchir le pont au-dessus de la rivière et de m’engager dans l’allée des tilleuls. J’appréhende mon arrivée. La voir dans son lit. Je ne pourrai plus lui parler. J’ai peur de la mort. Heureusement, il y aura papa et Mathilde et aussi Gaston. Ils me montreront comment il faut être. Ils sont la vie qui continue.

    Je ne mets pas de musique car je vais pleurer encore plus. Je passe devant la fac de droit, là où je suis censée apprendre à gagner ma vie. Les boulevards sont déjà encombrés, puis le pont d’Aquitaine me propulse rapidement sur la rive droite. Je roule. Je m’empêche de penser à ma Nannie. Je pense à Mathieu. Il va falloir que je prenne une décision. En fait je sais que je vais le quitter.

    Il y a encore quelques semaines, j’aurais été incapable de m’imaginer autrement que liée à Mathieu. Ma pensée restait collée à la sienne, ce qu’il pensait emplissait mon esprit et sur aucune de mes pensées je n’aurais pu coller une étiquette « Cette pensée n’appartient qu’à moi ». Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. En même temps que mon désir pour lui s’est estompé jusqu’à disparaître complètement, mon esprit s’est à nouveau rempli de mes propres pensées, de nouvelles aspirations dans lesquelles il n’avait plus sa place. Quand je pense à lui et moi j’ai maintenant l’impression de regarder deux personnages, d’un peu loin, qui ne sont plus vraiment moi ni vraiment lui. Il est presque en train de devenir un étranger. Un étranger que je connais, mais un étranger. Je crois que c’est cela prendre du recul. Je n’ai plus de désir pour lui. Plus envie, donc plus d’amour. L’amour sans désir c’est pour moi un truc de vieux. J’ai 23 ans et je ne me vois pas continuer une relation sans passion. Plus je pense à ma vie avec Mathieu, plus je me vois comme une prisonnière qui se débat dans des filets. Il est plus âgé que moi, beau parleur d’avocat bien installé dans sa vie. Il aime bien tout contrôler et il m’a mise sous sa coupe. Je me rends compte que je lis ce qu’il lit, je regarde ce qu’il regarde, je pense ce qu’il pense, j’agis comme il agit. Il me dicte ma vie. Le plus pénible c’est cette obsession écolo. Il tord le nez quand je prends ma voiture ou quand je me trompe dans le tri des déchets. Lui, il aurait su dans quelle poubelle il faut mettre le préservatif usagé ! La verte ? La jaune ? La violette ? Il y a du plastique, mais aussi de la matière organique, probablement compostable. Surtout à l’intérieur. Un jour ils nous imposeront de séparer les deux. Je me vois mal racler le fond des préservatifs. Je lui dirai plutôt d’aller jouir directement dans la poubelle, la bonne, celle qui me ressemble le plus. Ou alors l’anti-chiard sera destiné aux déchets non valorisables, ceux qui seront enfouis. J’imagine une fosse commune géante dans laquelle on jette tous les préservatifs du monde. La fosse des demi-graines perdues, des désirs inaboutis, un amas gluant de potentiels morveux indésirables. Mathieu a un côté végane pénible. J’en ai assez des graines qui me dilatent le ventre, du chou cru, des circuits courts… J’aime les tartines de Nutella et les Chocapics de la mondialisation et la nuit parfois, je rêve d’une entrecôte comme celle que me cuisine Mathilde, grillée, bleue, tendre avec la sauce aux échalotes confites dans le beurre. J’en ai assez de cette écologie effrayante et culpabilisante. Vivre dans la peur que l’humanité finisse toute desséchée sous le soleil à cause du réchauffement climatique et penser que c’est de ma faute chaque fois que je veux me faire plaisir ! Très peu pour moi ! Je ne suis ni débile ni inconsciente, je comprends bien les enjeux et je sais que le modèle d’hyperconsommation et de gaspillage des ressources a fait long feu, mais j’ai aussi en moi la pulsion du désir de vivre, de liberté, de transmettre la vie dans la joie et la ressource d’imaginer le monde de demain à construire en dehors d’une chape de plomb mortifère et culpabilisante que les écolos et le politiquement correct veulent nous imposer. Et quand on parle des enfants, c’est pire. Pour Mathieu, c’est un non catégorique. Je le soupçonne de cacher son égoïsme et son désir de préserver son confort de vie de petit bordelais derrière les grandes idées « Ne faisons pas naître des enfants dans un monde terrible qui va à sa perte ». Heureusement que dans l’histoire de l’humanité la vie se transmet malgré tout et sans attendre que le monde aille mieux ! Nous ne serions pas là si pendant la peste du Moyen Âge ou pendant les guerres les hommes avaient écouté les prophètes comme Mathieu ! Je n’ai pas envie d’avoir un enfant pour l’instant, mais je me sens partie prenante de cette humanité, j’aime ressentir la pulsion de vie dans mon corps et mon âme et je veux avoir ma place entière dans ce monde.

    Encore 20 minutes sur le GPS. Je roule dans la campagne périgourdine. La ville m’a fait oublier comment la nature est belle en ce début de juin. Camaïeu de verts, jaune et bleu, lumières et ombres. Je suis comme Blanchette, la chèvre de monsieur Seguin qui découvre la montagne, sautillante et le cœur léger : « Pour elle, c’était la fête. La nature la reçut comme une petite reine. Les arbres se baissaient jusqu’à terre pour la caresser du bout de leurs branches. Tout sentait si bon », sauf que je ne suis pas comme Blanchette, j’ai le poil noir et une tristesse infinie emplit mon cœur.

    Chapitre 2

    Pierre

    Je viens de raccrocher. C’était Chloé. Sa peine me fait mal. Je me suis levé tôt ce matin, après une mauvaise nuit où j’ai cherché en vain le sommeil. Levé dix fois pour voir maman, recouché pour jouer avec mon corps à pile ou face dans le lit, descendu pour explorer le frigo en espérant y trouver la solution à ma tristesse et à mes problèmes, regarder les mails, recouché, à nouveau debout. Maman est inconsciente depuis hier matin. Le médecin impuissant, mais compatissant, va passer dans la matinée. C’est notre vieux médecin de famille, une espèce en voie de disparition. Ventripotent et rassurant, sa bonté transparaît dans son physique. Je le sais en communion de pensée avec maman. Je pense que si elle avait eu besoin il aurait su abréger ses souffrances pour lui permettre de partir en paix. À 10 heures les filles viendront faire les soins et la toilette. J’aime bien quand elles me parlent de « Madame Anne… ».

    J’ai téléphoné aussi à Jean et Françoise pour qu’ils viennent voir leur mère une dernière fois. Jean, le fils prodigue, l’oiseau de nuit que j’ai réveillé ce matin dans son premier sommeil. Je l’aime bien, Jean, même s’il est parfois exaspérant. Il y a eu une longue période, pas si lointaine, où il venait souvent voir maman, presque chaque fin de semaine. Comme un étudiant plus qu’attardé qui repart le dimanche soir avec des provisions et un chèque. Il m’a dit qu’il viendrait aujourd’hui, mais qu’on ne l’attende pas et qu’il ne dormirait pas à la maison car il serait avec sa compagne. Karine ou Catherine. Je n’ai pas bien compris. Une autre, une de plus, une que l’on ne connaît pas. Françoise, c’est ma sœur aînée avec laquelle je suis fâché depuis des années. Un lourd contentieux de l’enfance. Une aînée qui se croit indispensable. Si je vous dis qu’elle est mielleuse, fourbe, perfide et jalouse, vous allez me dire que j’exagère. À peine, ce sont les adjectifs qui lui vont le mieux. Je la vois déjà en pleurs et en train de faire croire qu’elle sait ce qu’il faut faire, qu’elle s’est occupée de tout alors que maman ne l’a pas vue depuis plusieurs mois.

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1