1 court, 1 cours, 1 coup
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une grande expérience dans l’univers du tennis, Sébastien L'Hérondel prend la plume pour partager ce qu’il a vu, fait et enseigné. "1 court, 1 cours, 1 coup" met en scène des savoirs multiformes pour valoriser une activité sportive noble.
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Aperçu du livre
1 court, 1 cours, 1 coup - Sebastien L'herondel
Préface
Ô combien de livres !
Ô combien de professeurs vous ont expliqué, démontré, fasciné pour vous faire comprendre que le tennis c’est difficile, mais « y a qu’à ».
Aussi, ce livre ne se veut pas un énième opus sur l’enseignement ou une méthode magique. Non, plutôt un essai évoquant un point de vue : chacun est différent. Vous allez découvrir autant de profils de joueurs ou de joueuses que de jeunes ou d’adultes.
En toute simplicité, je vais vous exposer ma façon de « travailler », sachant que pour certains, pour beaucoup, « prof de tennis, c’est pas un métier » ! Par méthode, je devrais écrire mon manque de méthode étant donné que chacun est unique, il devrait y avoir une méthode pour chaque joueur. Mais disons que des traits se recoupent, et heureusement !
Avant, il y avait une façon de faire, un moule, une méthode… Certes, mais les temps changent, et ça peut avoir du bon… Assener des vérités est devenu dangereux, car tout est remis en cause ; et – j’ose le dire – c’est tant mieux.
Dire d’un enseignant qu’il est « bon » est subjectif ; plusieurs écoles existent. Pour prendre des exemples, avec N. Bollittieri nous avions le marine et sa conception « militaire », avec P. Mouratoglou, nous avons une vision plus compétente, pécuniaire et élitiste, avec T. Benhabiles ou J.W. Tsonga, l’accent est plus mis sur l’humain, avec T. Nadal, c’est le travail et la répétition. Tous ont des valeurs, ces valeurs font leur particularité, leur signature. Autant de façons de travailler qui se recoupent plus ou moins et qui donnent autant de résultats différents. Donc, la panacée n’existe pas. En revanche, il n’est pas interdit de prendre chez chacun une part, un esprit, une idée. Le vainqueur final devra toujours être le joueur ou la joueuse.
Un bon enseignant est donc une personne qui fait, qui essaie de faire émerger le possible, le mieux chez le joueur. Pour cela, il a des connaissances de terrain, mais pas que. L’aspect humain doit être primordial. On ne s’adresse pas de la même manière à un enfant de 4 ans qu’à un patron coté en bourse, ou à une femme qui joue pour être avec son mari, ses amies, qu’à un jeune talent brut à dégrossir.
C’est l’occasion de laisser parler Arnaud Clément :
« On ne construit pas bien les jeunes joueurs, à vouloir absolument être les meilleurs en 8-9 ans, 9-10 ans, 11-12 ans, à les envoyer systématiquement sur des tournois internationaux. C’est ma sensibilité. On ne construit pas un joueur comme un robot. Aujourd’hui, la FFT a un plan, cette catégorie, ça se passe comme ça, c’est tant d’heures et tant de tournois
, cette catégorie c’est encore plus d’heures
. On parle d’augmenter des doses de travail pour des enfants de 6-7 ans… Le tennis évolue, je sais, mais on n’est pas assez dans l’adaptation aux joueurs. Sous couvert de vouloir absolument un gars qui veut gagner Roland-Garros, on arrive à dégoûter des enfants qui vont passer très vite à autre chose. La baisse des licenciés est peut-être aussi due à ça. (...). 11-12 ans, c’est vingt d’heures d’entraînement par semaine pour les meilleurs, avec des pressions sur les aides supprimées ou réduites si l’enfant ne veut pas être déscolarisé. Tu ne peux pas faire ça à tout le monde, ça ne peut pas être une règle. (…) On oublie aussi d’éduquer et d’expliquer aux parents que dans 95 % des cas, l’enfant ne va passer pro plus tard et ne gagnera pas sa vie en jouant au tennis. On n’est pas assez honnête là-dessus. On peut générer de la frustration et aboutir à des décrochages, sans bagage derrière. (…)
Il faut oublier LE champion qu’on veut absolument avoir. Dans le discours fédéral, les mots jeu
et plaisir
ne sont plus employés. Le but, c’est de gagner, c’est tout. Mais le tennis, à la base, ce n’est pas ça. Et ce n’est pas incompatible non plus, le jeu, le plaisir et gagner ! Et en fait, tu as l’impression que ça l’est. Il faut retrouver la passion, inculquer pourquoi on aime ça. On ne fait pas du sport pour gagner des millions et accéder forcément au haut niveau. »¹
Quelques décennies de terrain m’ont permis, donc, de rencontrer et découvrir toute sorte de joueurs, du pur loisir au pur professionnel, du plus vindicatif au plus fairplay, du plus cool au plus hargneux, du plus « looser » au plus « winner ».
Ainsi, mon approche pédagogique est, en quelque sorte, sociologique sans l’être moi-même, ou psychologique sans l’être moi-même, voire philosophique. Cela pourrait être qualifié d’apprentissage par l’expérience, principalement essai/erreur². J’ai juste l’expérience du terrain. Et la curiosité intellectuelle d’apprendre de la vie. Cela m’a permis de tracer des portraits tous véridiques, ou presque… comme on dit, toute ressemblance serait fortuite…
Au travers de ces pages, vous ferez la connaissance de joueurs en devenir, en revenir ou plus simplement de joueurs venus découvrir ce sport, ce jeu, cette pratique.
Le fil rouge est donc le tennis, mais plus précisément du côté de l’enseignant. Justement, son enseignement sera dévoilé sous ses dispositions les plus secrètes (veinards), mais ne perdons pas de vue que chacun fait à sa façon.
En l’occurrence, l’humour et le mental se chevauchent souvent ; reste que la technique et le physique ainsi que la tactique ne sont pas oubliés. On peut dire que toutes les facettes sont évoquées sans priorité si ce n’est vous divertir.
Le point central sera l’humain. Cet humain, que ce soit l’enfant ou l’adulte, qui est de plus en plus conditionné, formaté par la société. Et permettez-moi d’inclure ce petit texte de Frédéric LENOIR :
« Conformisme, imitation, perte d’esprit critique, appauvrissement du désir : la société de consommation produit une dépersonnalisation croissante qui a de quoi inquiéter. Elle tente évidemment de la masquer par un discours trompeur sur la liberté de choix et l’accomplissement de soi, mais elle réduit en fait les individus à l’état de consommateurs abrutis, esclaves des impulsions de leur cerveau primaire et de leurs envies mimétiques. L’idéologie néo-libérale, qui porte le système consumériste, nous promet la liberté et le bonheur, alors que ce système est source de servilité et de frustration. Nous sommes dressés, soumis, manipulés dans nos désirs… et perpétuellement insatisfaits. Pour en sortir, il s’agit de quitter les impératifs catégoriques de nos sociétés, qui associent le bonheur à la réussite sociale et à la jouissance des biens matériels ; il convient de renforcer notre discernement et notre esprit critique ; et surtout d’apprendre à nous reconnecter à nos désirs profonds, réellement personnels, et à l’élan vital qui les porte. »³
Or, le rôle de l’enseignant doit être de laisser de la liberté, de laisser la place aux rêves. Pour cela, il doit cadrer et laisser de l’autonomie aux joueurs. Comme Maria Montessori le disait : « l’enfant n’est pas un puits que l’on remplit, c’est une fontaine, qu’il faut laisser s’exprimer ». Et quand on voit comment jouent les meilleurs jeunes d’aujourd’hui, on peut vite se rendre compte du formatage : tous ont un coup fort et puissant avec une technique très similaire et des répétitions. Peu d’inventivité et d’originalité. Pour prendre une comparaison, les voitures ont toutes un moteur, une carrosserie, et des éléments d’aide à la conduite ; mais elles ont des formes et des puissances différentes.
Il y a un large choix… mais cela reste des machines. L’homme doit pouvoir s’exprimer librement sur un terrain avec des constantes techniques, tactiques, physiques et mentales, en soulignant leurs diversités.
Qui sont ces personnes qui veulent apprendre, jouer, progresser, gagner, s’amuser au tennis ?
C’est ce match auquel je vous propose d’assister maintenant. Comme toute bonne dialectique, comme tout bon match, ce livre se découpe en 3 parties : la première décrit les portraits, la deuxième concerne les séances et la troisième évoque la méthode d’une manière globale et détaillée.
Bonne lecture et bon divertissement.
Les joueurs sont prêts, jouer !
Première partie
Portraits trait pour trait
I
L’enseignant
Le succès est une conséquence, non un but.
Gustave Flaubert
Gabriel a bourlingué, il a vécu dans différentes régions, côtoyé différents lieux, différentes personnes, différents personnages. Avec sa famille, ils ont décidé de se poser dans le sud de la France. Avant, il était propriétaire d’un pavillon dans un milieu rural et quelque peu désertique, maintenant il est propriétaire d’un appartement dans une grande ville de la « Riviera ». Indépendant dans l’esprit et dans les faits, il a appris à travailler dur. On a rien sans rien.
Physiquement, il se tient… à la rampe. Les tablettes de chocolat ont fondu, passé les 30 ans. Ça reste néanmoins son péché mignon. Il n’est pas très grand, mais l’essentiel, « c’est que les pieds touchent par terre » comme disait Coluche. Un léger surpoids dû à son âge, dira-t-on, et au manque d’activité physique. Ça paraît paradoxal qu’un sportif ne soit pas sportif, en même temps, demande-t-on à un pilote d’avion de ne se déplacer qu’en avion, à un boulanger de ne manger que du pain. Au contraire, son crédo est de faire courir et s’exprimer ceux qui viennent le voir, que ce soient des enfants ou des adultes. De visage, il y aurait un mélange entre Gai-Luron pour son aspect passif et Léonard de Vinci, pour ceux qui l’ont connu de son vivant (!), pour son regard expressif.
À bientôt 50 ans, sans club, comment s’est-il retrouvé à l’étranger, lui qui est plutôt sédentaire et pépère. Ça part d’un réseau. Un ami d’ami donne une information comme quoi un club de vacances cherche un enseignant pour un nouveau concept. L’annonce est formulée ainsi :
« Il faut un prof
dispo, compétent, aimant le contact. »
Cela fait sourire cet enseignant, c’est un peu ce qui est demandé dans tous les postes à pourvoir. La différence, ici, c’est le cadre et le concept. Travailler 33 heures par semaine dans un hôtel 5 étoiles, avec un turn-over de joueurs quotidien. Autrement dit, il faut une capacité d’adaptation qui permette de donner de la qualité à tous sans savoir qui on aura la veille pour le lendemain. Gabriel est celui qu’il faut. De l’expérience, il en a à l’envi et de l’envie, il en a pour découvrir cette nouvelle façon d’enseigner. Sortir de sa zone de confort. C’est vrai qu’il a de l’expérience : plus de 30 ans de terrain, cela vous tanne une peau, un homme et un esprit. Le hic, c’est qu’il se retrouve avec des animateurs jeunes, même très jeunes, qui l’appellent tous papa ou tonton. Encore une raison de s’ouvrir et de progresser. Progresser pour devenir un meilleur être.
Un bon enseignant se remet en cause, c’est quasiment un euphémisme. Mais se remettre en cause, ce n’est pas que d’un point de vue tennistique. Toutes les facettes d’un homme sont à prendre en considération. L’aspect familial, physique (y paraît que ça se voit !), mental, voire spirituel.
Lui qui a enseigné aux petits que la mère dépose pour pouvoir aller faire ses courses tranquillement au supermarché, aux jeunes dont les parents sont collés au grillage à répéter – ou précéder – les consignes de l’enseignant. Lui qui a enseigné aux jeunes filles qui sont essentiellement là pour parler entre elles, et médire tant qu’on y est, aux filles que la compétition attire dans un sport où la grâce et le physique vont de pair. Lui qui a enseigné à des jeunes sûrs d’être les appelés sans faire trop d’efforts, et ceux qui s’échinent, mais qui n’ont pas ce petit « je ne sais quoi » qui pourra tout déclencher. Lui qui a enseigné à l’adulte fourbu après une journée de travail, et à l’oisif dans sa propriété privée – après que ce dernier ait raccroché le téléphone avec son ami à New York et pris un petit verre. Lui, enfin, qui a fait de la masse qualitative et non du chiffre purement financier.
§
Le départ se fait dans la précipitation : une semaine pour préparer les bagages et surtout profiter de sa famille à fond dans ce dernier laps de temps. Partir une saison, soit plus de 7 mois quand on a 20 ans, ce n’est pas pareil que lorsqu’on est mari et père. Gabriel ne prend vraiment conscience que le détachement, l’arrachement va être violent qu’une fois dans l’aérogare, quand les portes de l’enregistrement se ferment sur lui, il se rend compte alors que « ça y est ! ». Le bagage paraît très peu lourd comparé au poids sur le cœur. Laisser sa femme gérer la maisonnée seule pendant que lui sera H 24 dans un cocon. Dans un hôtel où il n’aura plus à se soucier de ce qu’il y a dans le réfrigérateur ni du linge à laver comme de la vaisselle et les sempiternelles tâches ménagères. Et surtout, laisser son enfant en se disant que « FaceTime » sera un palliatif. Mais la chaleur des câlins ne peut se transmettre à distance. Le pire, c’est que son enfant n’a pas voulu montrer l’arrachement et la douleur que cela lui provoquait. Du haut de ses 10 ans, il a voulu montrer que c’est