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Paris tel qu'il est
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Livre électronique251 pages3 heures

Paris tel qu'il est

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À propos de ce livre électronique

DigiCat vous présente cette édition spéciale de «Paris tel qu'il est», de Jules Noriac. Pour notre maison d'édition, chaque trace écrite appartient au patrimoine de l'humanité. Tous les livres DigiCat ont été soigneusement reproduits, puis réédités dans un nouveau format moderne. Les ouvrages vous sont proposés sous forme imprimée et sous forme électronique. DigiCat espère que vous accorderez à cette oeuvre la reconnaissance et l'enthousiasme qu'elle mérite en tant que classique de la littérature mondiale.
LangueFrançais
ÉditeurDigiCat
Date de sortie6 déc. 2022
ISBN8596547456667
Paris tel qu'il est

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    Paris tel qu'il est - Jules Noriac

    Jules Noriac

    Paris tel qu'il est

    EAN 8596547456667

    DigiCat, 2022

    Contact: [email protected]

    Table des matières

    UN REPORTER

    LES MANGEURS DE NEZ

    JADIS ET AUJOURD'HUI

    LES DEUX GENDARMES D'URI

    L'HOMME AU SOU

    UNE RÉVOLUTION POUR LES FEMMES

    PETITS MYSTÈRES DE LA CLAQUE

    GUERRE ENTRE LES DEUX FAUBOURGS

    LE NÉCROLOGISTE

    UN PEU DE HIGH LIFE

    LES PETITS OISEAUX

    LA ROSIÈRE DES BATIGNOLLES

    LA ROSIÈRE DE SURESNES

    ACTRICE ET GRANDE DAME

    UN THÉATRE DE L'AVENIR

    LES FAUX PAUVRES

    TABLEAUX VIVANTS

    LE MURILLO VOLÉ

    UNE HISTOIRE DE GENTILHOMME

    LE JEU

    LES FOLLES

    LA QUESTION DES DIAMANTS

    PETITS BONHEURS DU DEUIL

    SCÈNES DE LA VIE BALNÉAIRE

    COMMENT ON DISCIPLINE LES MUSICIENS

    PARIS EST-IL UN GARGANTUA?

    UN DUEL RUSSE

    FAUX NOBLES ET CHAUVES

    UN MARCHAND DE TABLEAUX

    TÉMOIN DE TOUT LE MONDE

    COMÉDIENS ERRANTS

    L'ÉDUCATION D'UN VICOMTE

    LOUIS PHILIPPE ET MARIE AMÉLIE

    LE DUC DE BRUNSWICK

    A PROPOS DU SHAH DE PERSE>

    THÉODORE BARRIÈRE

    PEPITA SANCHEZ

    HENRI MÜRGER

    LES AMIS D'HENRY MÜRGER

    NAUNDORFF

    JULES JANIN

    FÉLIX PIGEORY

    BERTALL

    LISE TAUTIN

    ARMAND BARTHET

    MYSS AMY SHERIDAN

    ALFRED QUIDANT

    EDMOND VIELLOT

    MICHELET

    LOUIS D'AVYL

    LA REINE POMARÉ

    MADAME THIERRET

    EN FUMANT UN CIGARE

    UN REPORTER

    Table des matières

    M. Octave Feuillet vient de donner une comédie nouvelle, ou plutôt un drame: Le Sphinx, au Théâtre-Français.

    La première représentation a été fort brillante; la Comédie-Française a encore, Dieu merci, conservé les bonnes traditions. Ses loges ne se vendent point hors de son bureau de location, et soit que sa surveillance soit plus active, soit que son titre de première scène parisienne en impose aux marchands de billets, ces industriels trafiquent peu autour de son guichet.

    Peu de joli monde, mais du beau monde; pour une fois, ça vaut mieux et cela repose.

    La partie féminine se compose des dames de l'Académie française et des femmes des hauts fonctionnaires, enfin des dames du monde à qui leurs goûts ou leurs relations ouvrent à deux battants la porte de la maison de Molière.

    Le Sphinx, ainsi se nomme la comédie de M. Feuillet, avait mis sens dessus dessous le faubourg Saint-Germain; on y savait que ce n'était autre chose que la charmante nouvelle de Julia de Trécœur mise en pièce.

    Or, dans la nouvelle, mademoiselle de Trécœur est une héroïne on ne peut plus aristocratique. Quand dans un livre d'un auteur de marque, l'héroïne est prise dans le grand monde, le noble faubourg s'émeut et se demande qui l'auteur à voulu peindre.

    Là, comme ailleurs, on est assez médisant; il arrive presque toujours qu'au lieu de l'original demandé on en trouve trois ou quatre.

    Ainsi, le soir même de la première, on entendait dans les loges des choses comme celles-ci:

    —Dites-moi, ma chère, M. Feuillet dit que son héroïne était si admirablement faite, qu'on l'aurait pu habiller avec un gant de Suède: ne serait-ce pas de mademoiselle de Pontcouvert qu'il a voulu parler?

    —Ah! comtesse, que dites-vous là?

    —Je ne sais pas; je demande.

    —On a parlé de mademoiselle de Couvrepont, mais je n'en crois rien.

    Il ressort de la composition mentionnée ci-dessus que les jeunes et jolies femmes sont d'autant plus remarquées les jours de première au Français, qu'elles y sont plus rares.

    Il faut tout dire, leur succès est plus grand et plus aimable, car elles n'ont pas à lutter avec les toilettes tapageuses des beautés en renom.

    Dans le Sphinx, une surprise attendait les spectateurs.

    Cette surprise, c'était la mort de l'héroïne. L'héroïne, c'est mademoiselle Croizette.

    Tous les jours une héroïne meurt, c'est dans l'ordre des choses; mais jamais, au grand jamais, on n'avait vu mourir comme sait mourir cette demoiselle. C'est à croire que cette artiste, en sortant du Conservatoire, allait prendre des répétitions à l'hôpital.

    Elle meurt si bien, qu'un croque mort s'y tromperait.

    Il y a eu des larmes, des attaques de nerfs et le reste. Mademoiselle Croizette meurt empoisonnée; elle roule, contracte et démène ses jolis membres convulsés pendant cinq minutes qui paraissent cinq siècles.

    On sent le poison brûler sa poitrine et corroder son pauvre corps; elle gémit et râle à donner le frisson, son joli visage, illustré par Carolus Duran et si remarqué dans Jean de Thommeray, devient blanc, pâle, livide, jaune et vert, sans que l'on sache ni pourquoi ni comment.

    Enfin, elle meurt comme on ne meurt pas dans le plus sombre mélodrame du boulevard du crime.

    Les grands rôles du drame, les Georges, les Dorval, les Laurent, les Lia-Félix, qui, certes, savaient l'art de produire de grands effets, n'ont jamais tenté la moitié des efforts accomplis par la jeune première des Français. Auprès d'elle, Émilie Broisat, dont la mort était si saisissante dans la Vie de Bohême, aurait tout au plus l'air de faire dodo.

    Le critique appréciera ainsi qu'il l'entendra si ce genre de mort réaliste est de l'art vrai, si ces horreurs, sublimes peut-être, appartiennent plus particulièrement aux héroïnes du doux Feuillet qu'à celles d'Émile Zola, je m'en lave les mains. Mais ce que je puis constater sans marcher dans ses terres, c'est que dans cette mort est ou n'est pas le succès tout entier de la pièce.

    Cette mort est-elle trop grande pour la pièce ou la pièce trop petite pour cette mort? Encore une fois je ne me veux point mêler de cela.

    Toute la question est pourtant dans ce trépas sans pareil.

    Tout Paris voudra-t-il voir mourir mademoiselle Croizette ou tout Paris préférera-t-il quelque chose de plus gai? Voilà la question.

    Cette façon de décéder si extraordinaire a fait une sensation telle, que le lendemain tous les directeurs de journaux amusants mettaient leurs reporters en campagne.

    Les reporters n'avaient pas tous attendu l'ordre de leur propre chef et étaient partis de leur propre chef à eux.

    La jeune artiste dormait encore, après une nuit bien gagnée à la suite des fatigues d'une importante création, qu'un violent coup de sonnette l'éveillait sans pitié.

    —Mademoiselle, dit la femme de chambre en entrant effarée, c'est un monsieur qui vient de la part de tel journal pour une chose importante.

    Mademoiselle Croizette est la bonté même, elle fait prier d'attendre, ne tarde pas à paraître et demande au monsieur le motif d'une visite un peu matinale.

    —Voilà, fait le monsieur, vous savez que le..., est le journal le mieux informé de Paris?

    —Vous me le dites.

    —Aujourd'hui, vous allez être la lionne du jour.

    —Pourquoi, je vous prie?

    —A cause de votre mort d'hier soir.

    —Vous croyez?

    —J'en suis sûr. Il est donc nécessaire que le public sache tout, jusqu'au moindre détail.

    —Pardon, tout quoi?

    —Où, quand et comment vous avez appris à mourir.

    —Où j'ai appris à mourir?

    —Oui. Est-ce à l'Hôtel-Dieu, à Lariboisière, à Beaujon, à la Charité ou à la Pitié?

    —Mais...

    —Est-ce à la Morgue ou chez des particuliers? Avez-vous étudié toute seule ou avez-vous un professeur?

    —Monsieur...

    —Ce professeur est-il un médecin, un artiste ou simplement un amateur?

    —Mais, monsieur...

    —Avez-vous appris vite, les leçons vous ont-elles coûté cher? Répondez, je vous prie, et surtout mettez le comble à vos bonnes grâces en répondant vite; il faut que mon article soit le premier. Déjà ce matin, il y a des indiscrétions dans les autres journaux; heureusement, elles ne sont pas graves.

    —Monsieur, répond la jeune artiste à qui le reporter consent enfin à céder la parole, je suis comédienne et je tâche de jouer mes rôles le plus consciencieusement possible. Je n'ai ni professeur ni maître et n'ai jamais fréquenté les hôpitaux, je travaille ici, je cherche, j'étudie, et voilà tout. Si j'ai réussi, tant mieux, si non, je tâcherai de faire mieux une autre fois.

    Le reporter dépité se retire assez peu satisfait de ces renseignements par trop simples.

    Deuxième coup de sonnette, deuxième reporter.

    On sonne trois fois, dix fois, vingt fois, et toujours des reporters.

    Au quatrième, l'artiste ennuyée a défendu sa porte; cela pourrait bien lui coûter cher; les reporters sont rancuniers.

    Quelques-uns ont cherché à soudoyer les serviteurs de la maison.

    —Mademoiselle, disait l'un d'eux à la femme de chambre, dites-moi où votre maîtresse a appris à mourir, je vous donnerai une loge pour aller à l'Odéon.

    —Merci, a répondu la camériste avec une dignité parfaite, je ne vais jamais dans les petits théâtres.

    Malgré cette déconvenue, soyez sûrs que les reporters ne se tiendront pas pour battus; ils trouveront quelques bonnes histoires pour piquer la curiosité du bon public.

    Il ne serait pas extraordinaire qu'avant peu, quelque émule de Talbot ne mette sur sa porte un avis ainsi conçu:

    ADAMASTOR

    professeur de déclamation.

    Trépas divers en vingt-cinq leçons.


    LES MANGEURS DE NEZ

    Table des matières

    Saviez-vous qu'il y eût à Paris une société de mangeurs de nez?

    Privat d'Anglemont n'en fait pas mention dans son livres des Dessous de Paris, et mon pauvre camarade Alfred Delvau, qui savait mieux les Mystères de Paris qu'Eugène Sue lui-même, ne m'avait jamais parlé de cette secte horrible.

    Dieu sait pourtant s'il avait braqué sa lunette avec attention sur les bas-fonds de la Babylone moderne et ce qu'il y avait vu de choses étranges et incroyables, bien des étonnements et bien des épouvantes, mais jamais ni Privat, ni Gérard de Nerval, ni Delvau, n'ont découvert cette horrible corporation, ils en auraient parlé certainement.

    Certes j'ai souvent entendu parler du nez mais non pas comme comestible.

    De loin en loin, on voyait bien, dans les journaux du Palais, des misérables coupant de leurs dents le nez ou le doigt de leur adversaire, mais ce n'était qu'une de ces épouvantables exceptions que la chaleur de la lutte et l'ivresse même ne rendent pas croyables.

    Il paraît que ces faits n'étaient pas des cas détachés ou extraordinaires.

    Il existe des mangeurs de nez, comme il existe des francs-maçons ou des musiciens.

    La preuve, c'est qu'on a en arrêté un ces jours derniers, au moment où, séduit par la couleur sans doute, il allait entamer un marchand de vin, quand la police est arrivée.

    Il s'est un peu débattu, mais enfin il s'est rendu et a avoué, quand on lui a demandé sa profession, non sans rougir un peu, qu'il était pêcheur à la ligne pendant le jour, et que le soir il était secrétaire de la Société des mangeurs de nez.

    Qu'on aime le poisson, passe encore, mais M. le commissaire, qui n'a pas compris comment on pouvait allier deux goûts aussi différents, a envoyé l'abominable gastronome en prison.

    Si ce vaurien est jugé, il faut espérer que la justice donnera un fameux coup de dent à la liberté de ce bandit qui ne se contente pas de son poisson.

    Qu'aurait-il fait pendant le siège?

    Qu'on y prenne garde, c'est à la suite de leurs défaites que les peuples deviennent cruels.

    Nous avons déjà ces terribles chiens qui brisent les rats avec leurs dents à la grande joie des gamins qui suivent les chasseurs.

    Les rats ne sont pas intéressants, et, bien que membre de la Société protectrice des animaux, ce dont je me vante, je vote leur mort avec conviction, mais je persiste à trouver leurs bourreaux odieux.

    —C'est une chasse, dira-t-on.

    Non, la chasse est une lutte relative, un assaut entre l'homme et la bête; il faut une grande adresse et, quelquefois, cet exercice n'est pas sans danger.

    Tandis que là un nocturne voyou passe une palette de fer dans la gargouille, le rat sort, le chien le broie et tout est dit.

    D'ailleurs, en chasse, le crime a lieu dans le silence des bois et non dans une rue fréquentée.

    Nous avons fini par nous débarrasser de ces prétendus combats de taureaux, où les bouchers étaient habillés de velours, de grelots, et ressemblaient à Figaro, fors l'esprit.

    Parfois l'animal, qui trouvait cette façon de se vêtir absolument ridicule, trouait à coups de cornes la veste ou la culotte de ces cruels farceurs péninsulaires. C'était bien fait, sans doute, puisque l'assemblée applaudissait avec enthousiasme; mon Dieu! que c'était répugnant à voir!

    Dans l'extrême midi de la France, on parle de ces représentations avec une admiration émue.

    Heureusement cette admiration s'est arrêtée à Bayonne et à Perpignan. Le centre et le nord n'ont pas mordu.

    Mais nous l'avons échappé belle; si les taureaux amenés par trois fois à Paris n'eussent été d'un ridicule achevé, ce spectacle aurait eu des amateurs certainement, et, plus d'une fois, nous aurions mangé des biftecks d'assassins.

    La perfide Albion nous prend nos poules et nos œufs, ce qui fait qu'en France et à Paris surtout, où l'on paye de gros droits d'entrée, il faut faire des sacrifices sérieux pour regarder une cuisse de poulet; nous n'avons rien à dire, c'est le libre échange. Il paraît que cela a de grands avantages, que les économistes ont seuls le droit de voir et de comprendre: tant mieux.

    Donc que les anglais mangent nos œufs, bon; mais qu'ils les fassent couver pour nous envoyer leurs coqs, non; ce n'est plus de jeu.

    Qu'avons-nous besoin de ces animaux? Ils sont bons sur les drapeaux, dans la casserole, et non pas dans l'arène.

    Voilà un beau jeu que d'aller leur attacher des canifs aux pattes, pour qu'il se charcutent!

    Les canifs servent à tailler les plumes, c'est vrai, mais pas la chair avec.

    M. Belmontet dirait:

    Les canifs ne sont pas instruments de bataille:

    C'est bon pour les contrats, et non pour la volaille.


    JADIS ET AUJOURD'HUI

    Table des matières

    Aujourd'hui l'on ne travaille plus pour la gloire. Il est bien évident que les artistes de nos jours ne suivent pas les errements de leurs devanciers. Au lieu de s'imposer à la foule, comme les maîtres d'hier, ils s'agenouillent devant elle. Il leur faut du succès, n'en fût-il plus au monde, et Dieu sait les concessions de tout genre qu'ils imposent à leur talent, à leur nature et à leur conscience pour arriver à un résultat plus bruyant que durable!

    Aujourd'hui, la question n'est plus entre les classiques et les romantiques, entre les amants de la ligne et les fanatiques de la couleur; on a bien d'autres chats à fustiger. Qu'importe le dessin, qu'importe la couleur, qu'importe la composition, qu'importe la recherche de l'idéal? Fadaises que tout cela.

    Aujourd'hui, il n'y a plus que deux espèces de tableaux: les tableaux qui se vendent et les tableaux qui ne se vendent pas.

    On ne dit plus d'un peintre:

    —Que fait-il?

    On se contente de demander:

    —Vend-il cher?

    S'il vend cher, on achète, sinon on ne s'occupe pas de lui.

    Henri Rochefort, avant de faire de la politique, écrivait des livres: c'était plus amusant et moins dangereux.

    L'un de ses livres—incomplet mais assez réussi—a pour titre: les Mystères de l'Hôtel des ventes. L'auteur y dévoile toutes les ruses des vendeurs de ce temple. Dans le même esprit, il y aurait à faire un bien joli volume intitulé: les Mystères de la Réputation. Ce serait à en pleurer de rire ou à rire d'en pleurer.

    Si vous voulez, nous allons en esquisser deux chapitres.

    Voici un brave artiste qui a du mérite depuis vingt-cinq ans et qui commence à vivre heureux.

    Autrefois, quand il était dans toute la force de son talent, il s'estimait fort heureux de vendre une toile cinq cents francs. Aujourd'hui la même toile avec les mêmes petits animaux, un peu moins bien faits pourtant,—l'âge est venu,—vaut quinze mille francs, et l'artiste qui a pourtant une facilité de travail surprenante et qui se fait aider par l'un des siens,

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