Manuel pratique d'analyse bactériologique des eaux
Par Pierre Miquel
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Manuel pratique d'analyse bactériologique des eaux - Pierre Miquel
Pierre Miquel
Manuel pratique d'analyse bactériologique des eaux
Publié par Good Press, 2022
EAN 4064066323677
Table des matières
INTRODUCTION.
CHAPITRE I.
CHAPITRE II.
CHAPITRE III.
I. — Remarques générales sur les procédés.
II. — Dosage quantitatif et du matériel qu’il nécessite.
III. — Milieux nutritifs.
IV. — De l’essai préliminaire et des divers procédés usités pour le dosage numérique des bactéries des eaux.
V. — Procédés approximatifs.
VI. — Nécessaire pour l’analyse bactériologique des eaux.
CHAPITRE IV.
I. — Considérations générales sur les méthodes d’investigations.
II. — Recherche des espèces anaérobies.
III. — De la recherche des espèces zymogènes.
IV. — Recherche des espèces pathogènes.
V. — Des flores bactériennes.
CHAPITRE V.
I. — Résultats statistiques.
II. — De l’auto-infection des eaux.
III. — Résultats de l’analyse qualitative.
IV. — Moyens prophylactiques pour combattre l’infection par les eaux.
00003.jpgINTRODUCTION.
Table des matières
Bien qu’on eût compris, depuis les travaux de M. Pasteur, tout l’intérêt que pouvait présenter le dosage des bactéries répandues dans les eaux, ce n’est guère que depuis quatre à cinq ans que ces analyses sont entrées dans la pratique journalière des laboratoires de bactériologie et des instituts d’hygiène.
M. Pasteur, auquel nous sommes redevables de si belles découvertes en microbiologie, n’a pas abordé la question du dosage des bactéries; il s’est borné à dire, dans une Note communiquée en 1878 à l’Académie des Sciences à son nom et à celui de M. Joubert: que les eaux de source sont dépourvues de microbes; que les eaux distillées des laboratoires en renferment au contraire toujours; que les eaux de rivière, notamment de la Seine, sont fécondes à une goutte, et qu’à cette faible dose elles donnent naissance à plusieurs espèces de microphytes.
Presque simultanément, MM. Pasteur et Joubert en France, et M. Burdon Sanderson en Angleterre, fournissaient des indications générales sur la richesse des eaux en bactéries; mais, pour être très utiles et très intéressantes à connaître, ces indications, il faut le dire, n’avaient rien de mathématique et ne sauraient être mises en parallèle avec les analyses qui se publient actuellement. On saisira, d’ailleurs, le vague des affirmations de ces divers auteurs quand on verra plus bas qu’une goutte d’eau de Seine puisée en amont de Paris contient plus de 1000 bactéries et que, en aval, ce chiffre peut atteindre 10 000 bactéries, et souvent davantage, assurément assez de microbes pour exercer pendant de longues années la sagacité d’un savant qui voudrait étudier les fonctions biochimiques et pathogéniques de ces divers micro-organismes.
Les premières statistiques relatives à la richesse bactérienne des eaux furent publiées par moi en 1879, sous la forme d’un tableau comparatif comprenant: les eaux de condensation de la vapeur atmosphérique, les eaux météoriques, les eaux de la Vanne, de la Seine puisée à Bercy et les eaux d’égout. Depuis cette époque, j’ai eu la satisfaction de constater que ces travaux préliminaires étaient autant de jalons posés dans une voie aujourd’hui suivie par un grand nombre d’expérimentateurs; mais, je dois le rappeler, il y a onze ans, les analyses bactériologiques des eaux se pratiquaient uniquement dans mon laboratoire à l’Observatoire de Montsouris.
Actuellement, ces analyses doivent et peuvent s’effectuer partout. Aux procédés difficiles à appliquer et coûteux que j’employais à cette époque, il en a été substitué de beaucoup plus simples, je ne dirai pas de plus exacts. Dans les pages qui vont suivre, je me propose de décrire ceux qui, à mon sens, sont les plus pratiques et les plus dignes d’être recommandés, non seulement aux bactériologistes de profession, mais aux médecins, aux pharmaciens qui n’ont souvent à leur disposition qu’un matériel trop sommaire et peu de temps à consacrer à ce genre d’essais.
L’analyse bactériologique des eaux comporte cinq opérations bien distinctes:
1. ° Le prélèvement des échantillons;
2. ° Le transport de l’eau prélevée;
3. ° L’analyse quantitative;
4. ° L’analyse qualitative;
5. ° La lecture des résultats obtenus.
Notre étude se trouve donc nettement divisée en cinq Chapitres généraux que nous allons parcourir successivement et qui représentent, très exactement, les divers temps d’un essai bactériologique.
Dans sa laconicité, le titre du Chapitre IV (Analyse qualitative) indique le côté le plus difficile de l’analyse micrographique des eaux; car, s’il est relativement aisé d’établir la teneur en centimètres cubes de telle ou telle eau en organismes bactériens, il est infiniment plus délicat de déterminer la nature des espèces dont elle a provoqué l’éclosion dans les bouillons ou dans les gélatines, et surtout d’établir le pouvoir pathogène des microbes éclos vis-à-vis de l’espèce humaine. Cependant l’analyse bactériologique ne saurait être comprise autrement aujourd’hui. Plus tard, l’industriel qui a recours aux fermentations pour la fabrication de divers produits utilisés dans l’alimentation, pour l’obtention de substances tinctoriales, etc., pourra également avoir besoin du bactériologue, afin d’apprendre de lui si les eaux qu’il emploie sont utiles ou nuisibles à son industrie; mais actuellement, je le répète, le point le plus essentiel des analyses bactériologiques est d’éclairer les populations sur la nocuité ou l’innocuité des eaux qu’elles boivent.
CHAPITRE I.
Table des matières
DU PRÉLÈVEMENT DES EAUX.
Stérilisation des vases. — De la prise des eaux courantes, des eaux de source, de puits. — Prélèvement des eaux à diverses profondeurs. — Récolte des eaux de pluie, de la neige et de la grêle.
Le but qu’on se propose quand on veut étudier quantitativement et qualitativement les bactéries d’une eau est certainement de ne soumettre à l’observation que les bactéries tenues en suspension dans cette eau; d’où la nécessité d’éviter, par tous les moyens possibles, la contamination du liquide considéré par des organismes étrangers.
Cette simple réflexion fixe, déjà, l’expérimentateur sur la nature des précautions dont il doit s’entourer dans l’opération très importante du prélèvement des eaux.
Il devra n’employer à cet effet que des vases propres et stérilisés, c’est-à-dire ne contenant pas de matières organiques et purgés au préalable de tout germe.
Autrefois, je me servais de tubes ou déballons effilés en pointe, scellés à une haute température, dont on cassait l’extrémité capillaire dans l’eau qu’on désirait prélever. Sous l’influence du vide partiel produit par l’air raréfié par la chaleur, l’eau se précipitait dans le tube ou dans le ballon qu’elle remplissait à moitié ; cela fait, la pointe capillaire était de nouveau scellée. Cette façon de procéder est la plus exacte et la plus scientifique; mais, outre qu’elle n’est pas d’une application facile entre les mains d’un correspondant peu au fait des choses de la micrographie, les ballons scellés à pointe effilée sont fort fragiles, peu commodément transportables: aussi doit-on dans la plupart des cas leur substituer des appareils d’une manipulation moins délicate.
On peut employer à cet usage des flacons de verre de 100cc à 200cc simplement bouchés au liège et auxquels on aura fait subir le traitement suivant:
Les flacons, d’abord munis à leur goulot d’un tampon d’ouate, sont disposés dans un bain d’air dont on élève graduellement la température jusqu’à 200°. Au bout d’une demi-heure, on peut considérer les germes contenus dans l’intérieur des flacons comme irrévocablement détruits. Les flacons refroidis, on enlève, avec une pince ou un fil métallique flambé, le coton roussi, qu’on remplace par un bouchon de liège légèrement carbonisé à sa surface par la flamme d’une lampe à alcool ou d’un bec de gaz. Les flacons sont alors entourés d’une feuille de papier et cachetés dans cette enveloppe. C’est ainsi que je remets aux agents chargés du prélèvement des eaux que j’analyse les vases destinés à les contenir. Ces flacons restent indéfiniment stérilisés, d’abord parce qu’ils sont purgés de tout microbe et de toute humidité, ensuite parce que la partie extérieure de ces vases, surtout la fente circulaire qui sépare le goulot du bouchon, reste à l’abri des sédiments atmosphériques et de toutes autres impuretés.
Il va sans dire qu’en l’absence d’un four à flamber on peut soumettre les flacons, à l’autoclave, à la température humide de 110° ; on arrive encore à les stériliser en les chauffant lentement en tous sens dans une large flamme, de façon à les porter quelques instants vers 250°. Dans ce dernier cas, on se servira avantageusement de petits ballons, de petits matras, de tubes à essais en verre mince; le risque de voir les vases se casser sous l’inégale répartition de la chaleur sera considérablement diminué.
Voici maintenant les diverses façons de prélever les échantillons d’eaux:
A. L’eau est courante et accessible à la main. — Le flacon stérilisé, débarrassé sur le lieu de la prise de son enveloppe protectrice de papier, est débouché et plongé à quelques centimètres de profondeur dans la masse liquide, le col du vase dirigé en amont de la rivière, c’est-à-dire en sens inverse du courant. Le flacon rempli est retiré de l’eau, bouché avec le bouchon de liège qu’on a constamment tenu au bout des doigts, sans l’appuyer contre les habits, le sol ou un objet quelconque.
B. L’eau est courante et peu profonde. — Il faut dans ce cas surtout, s’il s’agit d’une source, d’un drain émergeant du sol, prendre toutes les précautions possibles pour éviter de soulever le limon ou le sable qui forme le lit de la source ou du ruisseau.
Quelques eaux très pures jaillissent du sol avec une certaine violence en provoquant des tourbillons de sable et de matières vaseuses ou calcaires souvent souillées de productions microphytiques; pour avoir la composition bactériologique exacte de ces eaux de source, il est évidemment indiqué d’opérer le puisage à une distance assez éloignée de leur lieu d’émergence. Les sources de l’Avre qu’on va amener à Paris, et parmi elles la source des Graviers, présentent la particularité très gênante que je viens de signaler.
C. L’eau est inaccessible à la main, stagnante ou courante. — On désire, par exemple, puiser de l’eau dans la branche montante de son siphon d’arrivée de la Vanne au réservoir de Montrouge, dans l’aqueduc de la Dhuis, le canal de l’Ourcq, dans un puits, une citerne, un collecteur d’égout; pour cela, le flacon est lesté d’une masse de plomb, suspendu par le col au moyen d’un nœud coulant à l’extrémité d’une ficelle ou d’un fil métallique flexible, débouché et plongé dans l’eau à quelques centimètres de profondeur. Le vase plein est remonté, bouché, puis délesté et libéré de son fil suspenseur.
D. L’eau circule dans une canalisation. — Hors le cas des fontaines sans cesse jaillissantes, les robinets donnant accès à l’eau qu’on veut analyser doivent être grandement ouverts; à ce moment, il n’est pas rare de voir le liquide sortir vaseux et trouble sous l’influence d’une chasse énergique à forte pression, mais l’eau ne tarde pas à reprendre sa limpidité normale et à se montrer débarrassée des matières diverses qui peuvent s’accumuler et séjourner dans les branchements. On maintient environ dix minutes l’écoulement à plein jet avant d’effectuer le prélèvement. Agir autrement, c’est s’exposer à recueillir non seulement une eau souillée de dépôts terreux, mais encore une eau chaude ayant séjourné longtemps dans des conduites secondaires et à tous les points de vue différente de celle qui circule sans relâche dans les artères des canalisations urbaines.
Fig. 1.
Appareil pour prélever les eaux à diverses profondeurs.
00004.jpgE. Prélèvement des eaux à diverses profondeurs. — On peut avoir intérêt à connaître les richesses en micro-organismes des diverses couches liquides qui se superposent dans un fleuve, un réservoir ou un puits. Il est ici absolument nécessaire, pour opérer avec précision, d’avoir recours aux vases scellés. L’appareil que je vais décrire, représenté par la fig. 1, peut servir à cet usage; il a été mis sous les yeux du public, en 1886, à la caserne Lobau, lors de l’exposition de la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle.
Il se compose d’un petit matras d’essayeur M, d’environ 50cc de capacité, à pointe effilée recourbée en col de cygne P′, maintenu verticalement dans une armature métallique aaa. Le système, lesté d’un poids de plomb P de 2kg à 3kg, est suspendu à une cordelette résistante, graduée en mètres et fractions de mètre au moyen d’anneaux et de nœuds. Le long de cette cordelette glisse, dans les anneaux d, d, espacés d’un mètre, un fil de cuivre terminé par une bague A, embrassant le col fragile recourbé P’ du matras.
L’instrument descendu à la profondeur voulue, par un mouvement brusque et sec, on relève la bague qui tranche la pointe capillaire du vase scellé, et l’eau se précipite dans le matras stérilisé où un vide partiel ou complet a été produit.
F. Récolte des eaux de pluie. — L’analyse de l’eau de pluie pouvant donner dans quelques cas des renseignements utiles