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Théâtre complet: Recueil de pièces de théâtre
Théâtre complet: Recueil de pièces de théâtre
Théâtre complet: Recueil de pièces de théâtre
Livre électronique329 pages4 heures

Théâtre complet: Recueil de pièces de théâtre

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À propos de ce livre électronique

7 PIÈCES: Les Inconsolables (2004); Destin (2005); Anna (2006); Une rencontre (comme une autre) (2007); Une vie d’infortune (2008); Hôtel idéal (2009); Compartiment non-fumeurs (2009)

Les inconsolables :
Pour éviter d'attendre sous la pluie, quatre croque-morts et leur patron se retrouvent piégés au presbytère pendant la messe d'enterrement d'un important notable local. Ils tuent le temps en se racontant leur vie commune...
Entre vérités affligeantes et inventions aberrantes...

Destin :
Destin, c'est la rencontre de deux femmes. Dominique, une femme mûre qui croit connaître la vie, et Anna, une jeune femme qui sait ne rien connaître. Un soir en rentrant du travail, Dominique trouve Anna dans l'entrée de son appartement. Elle devrait la mettre à la porte de chez elle. Elle devrait appeler la police. Elle devrait avoir peur. Elle devrait courir chez le voisin... Elle l'accueille, l'écoute, la nourrit...

Anna :
Anna est une pièce de combat entre un frère et une soeur.
Un règlement de comptes.

Marco a créé le label « Anna Star », qui a transformé Anna en une vedette mondiale du show-biz. Suite à la mort de leur mère, ils se sont séparés.
Quatre ans plus tard, Anna revient. Mais le décalage entre leurs mondes a creusé un sillon infranchissable. Elle va détruire ce que Marco avait patiemment bâti durant leur séparation. Les dommages collatéraux sont irréversibles... et les deuils inévitables.

Une rencontre (comme une autre) :
Cette pièce nous plonge au coeur d'une rencontre improbable entre une femme qui vit avec ses certitudes depuis longtemps et un jeune homme qui n'accepte que l'instant présent.

Une vie d’infortune :
Voici l'histoire d'un homme sans nom. Un homme solitaire, méthodique et consciencieux, qui a appris son métier avec son père, comme un bon artisan. Un invisible qui accomplit ses contrats avec soin. Mais aussi un homme de principes, qui n'hésite pas à refuser certains objectifs.

Hôtel idéal :
Dans ce qu'on pourrait prendre pour la réception d'un ancien « grand » hôtel se trouvent Willis et Wallace qu'on pourrait prendre pour des réceptionnistes. Que font-ils dans cet hôtel ? Pourquoi occupent-ils ce lieu ? Ont-ils toujours été là ?
Nous sommes au coeur d'un affrontement dans lequel les mots sont des armes servant un questionnement perpétuel. Condamnés à parler, les deux personnages sont intégrés dans un processus qui empêche la moindre initiative. De dialogues absurdes en clients virtuels, ils avancent dans ce qu'ils pensent être la vraie vie.

Compartiment non-fumeurs :
Marco Bodoni est écrivain. Auteur de romans policiers aux tirages fabuleux !
Il veut se débarrasser de cette étiquette. Il veut être reconnu « à sa juste valeur ». Après un dernier polar, il passe à autre chose et se met à écrire uniquement pour le théâtre...
Un jour, lors d'un voyage international en train, une jeune femme vient squatter le compartiment qu'il a reservé. Elle est étudiante, elle écrit un mémoire sur... Marco Bodoni.
Leur rencontre n'est pas due au hasard. Mais qui a vraiment suivi l'autre ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Outre ses propres pièces, Fabrice Gardin a adapté Candide de Voltaire (Compagnie des Galeries, été 2002), L’assassin habite au 21 de S.-A. Steeman (Théâtre des Galeries, octobre/novembre 2008) et La Souricière d’Agatha Christie (Théâtre des Galeries, octobre 2009).
Avec Christian Lutz, il est l’auteur de deux romans, Peut-être rencontrerons-nous des pintades en route (éditions Le Cri, 2006) et Davies, la mort qui tue (éditions Le Cri, 2009).
LangueFrançais
ÉditeurLe Cri
Date de sortie13 août 2021
ISBN9782871066125
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    Aperçu du livre

    Théâtre complet - Fabrice Gardin

    GARDIN_Tout_Cover1.jpg4ème couverture

    GARDIN

    Du même auteur

    chez le même éditeur

    Peut-être rencontrerons-nous des pintades en route

    (avec Christian Lutz), roman, 2006

    Davies, la mort qui tue

    (avec Christian Lutz), roman, 2009

    Adaptations théâtrales

    Candide, Voltaire,

    Compagnie des Galeries, 2002

    L’Assassin habite au 21, Stanislas-André Steeman,

    Théâtre des Galeries, 2008

    La Souricière, Agatha Christie,

    Théâtre des Galeries, 2009

    Gardin

    Fabrice

    Œuvre théatrale complète

    Logo%20LE%20CRI%20%5bConverti%5d.tif

    www.lecri.be

    [email protected]

    (La version originale papier de cet ouvrage a été publiée avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles)

    La version numérique a été réalisée en partenariat avec le CNL

    (Centre National du Livre - FR)

    ISBN 978-2-8710-6612-5

    © Le Cri édition,

    Avenue Léopold Wiener 18

    B 1170 Bruxelles

    Dépôt légal en Belgique

    D/2010/3257/28

    En couverture : Fabrice Gardin (© photo Anne-Sophie Galand)

    Tous droits de reproduction, par quelque procédé que ce soit, d’adaptation ou de traduction, réservés pour tous pays.

    FABRICE GARDIN

    (charleroi 1970)

    2004

    Les Inconsolables 7

    2005

    Destin 41

    2006

    Anna 77

    2007

    Une rencontre (comme une autre) 123

    2008

    Une vie d’infortune 159

    2009

    Hôtel idéal 181

    2009

    Compartiment non-fumeurs 219

    Les Inconsolables

    5 personnages masculins.

    Pour éviter d’attendre sous la pluie, quatre croque-morts et leur patron se retrouvent piégés au presbytère pendant la messe d’enterrement d’un important notable local. Ils tuent le temps en se racontant leur vie commune…

    Entre vérités affligeantes et inventions aberrantes…

    Lecture-spectacle au Théâtre du Parc dans le cadre du MET le 7 juin 2004.

    Distribution :

    Avec Jean-Paul Dermont, Marc De Roy, Serge Demoulin, Alexandre Crépet et Michel Poncelet

    Mise en espace : Claude Enuset.

    Les inconsolables

    Personnages :

    Fernand

    Lucien

    Marcel

    Mario

    Le Patron

    Marcel. — Ok. Les voilà, vos putains de sandwichs. Je pige pas pourquoi c’est toujours moi qui vais les chercher vos sandwichs. J’en bouffe pas, moi, des sandwichs. Chaque fois, pareil, c’est moi qui me tape le snack. En plus à cette heure-ci, j’ai du me farcir tous les étudiants de cette putain d’école d’en face. ça a besoin de bouffer un étudiant ?

    Hé, je vous parle. Pourquoi ça mange ? Foutent rien de toute la journée. Doivent s’emmerder d’ailleurs. Le cul sur une chaise toute la journée. Moi, je m’emmerderais, je peux pas rester en place. C’est trop con. Je suis pas ici pour rester assis sur une chaise. Faut que je bouge. C’est nécessaire de bouger. Marcher. Respirer. Vivre. Vous croyez pas ?

    Vous dites jamais rien. J’en ai marre de vous. Je vais me trouver un autre job. Voilà, ce que je vais faire. Trouver un autre job. Je vais vous laisser tomber comme des vieilles chaussettes. D’ailleurs ça pue ici. Pourquoi on nous fout toujours chez le curé ? Chaque fois qu’il pleut, c’est pareil. On doit attendre au presbytère. Le soleil. Voilà ce qui manque dans ce pays de con. Ce serait le job en or si on avait du soleil toute l’année. Note que parfois, avec le soleil, c’est plus difficile. Toujours cette espèce d’imperméable sur le dos. Quelqu’un pourrait me dire pourquoi on est obligé de porter ce truc. On dirait des truands. Et toi, le petit, avec ta tête de rital, on dirait un mafioso. Et les gars, vous trouvez pas qu’il ressemble à Pacino dans Le Parrain. C’est mon film préféré, Le Parrain. J’adore. Je l’ai vu des milliers de fois. Ouais, un bon millier de fois. Pas mal, hein. Ça vous épate, ça !

    Bon, je mangerais bien quelque chose. Toi, passe-moi un morceau de ton sandwich. Je hais les sandwichs. Mais j’ai faim. Tu comprends ? J’ai faim. Ce boulot me creuse le ventre. Vous croyez qu’ils en ont pour longtemps ?

    C’est qui la bonne femme qui pleurait comme une madeleine ? Elle est vachement bien foutue. J’ai pris note de l’adresse. Je repasserai lui dire bonjour dans quelques jours.

    Il est dégueu ton sandwich. J’ai mis de l’essence dans la voiture. Je dois toujours penser à tout. On va drôlement loin, y paraît. Il était pas du coin, alors il retourne dans sa terre natale. Le patron m’a dit le nom, j’ai déjà oublié tellement c’est compliqué. J’espère que le plan est dans le vide poche. Tu connais toi, Lucien ? Connaît toujours tout Lucien. Lucien, le roi de la route. Enfin, à 40 km/heure, hein Lucien. Attention, pas dépasser le 40, sinon y suivent plus derrière et puis y a les fleurs qui se barrent et ça, ça fait mauvais genre. Une fois, je me rappelle, tu te rappelles Lucien, on a perdu une couronne, une putain de belle et grande couronne qui s’est retrouvée le cul par terre au milieu de la chaussée. On a du arrêter le convoi. J’étais pas fier devant la famille quand j’ai du la ramasser cette putain de grande et belle couronne, une couronne à deux sacs au moins. On a rien dit au patron, tu penses ! Mais le connard qui a payé la facture s’en est chargé. On s’est pris un de ces savons par la femme du boss. Le boss lui, il en a rien à foutre. Il a fait le boulot avant nous, il sait bien que ça peut arriver. Mais la patronne, elle a gueulé comme un putois. Tu te rappelles, Lucien ?

    Quelle salope, celle-là. Quand je rentre dans le bureau, je ne pense qu’à une chose. Et les mecs, vous savez à quoi je pense ? Je pense à lui mettre le paquet. Ouais. Là, sur le bureau. Le paquet que je lui mettrais. Elle en verrait des étoiles avec moi. Pas de chichi, ma douce. Tout en force, y passe le Marcel. Hé Mario, t’as déjà remarqué que la patronne elle met tout le temps des porte-jarretelles. Moi, ça me tue ça. C’est le truc le plus bandant de la terre. Hé, si tu veux voir, tu fais comme moi, tu fais semblant de laisser tomber quelque chose sous le bureau. Mon vieux, c’est le nirvana. Elle a des jambes, la patronne, les jambes les plus longues de ce côté-ci du pacifique. Mais bon, c’est pas pour moi, hein. C’est la femme du patron. Pas touche que je me dis. On touche pas à la femme du patron. Ah, ça non.

    Le patron, c’est Dieu. Tu piquerais la femme à Dieu ? Et Fernand, tu piquerais la femme à Dieu ? Toi, peut-être. On m’a déjà raconté bien des choses sur toi. Une vraie brute y paraît. Et petit, tu sais que Fernand est une vraie brute ?

    Bon, ça avance. J’ai envie d’aller boire un coup. Fait sec dans cette baraque de prêtre. Je suis certain qu’il planque quelques bonnes bouteilles quelque part mais bon, je vais pas me mettre à fouiller. Bien. Puisque vous êtes décidés à ne pas dire un mot, je me casse. Je vais au café sur la place boire une bière. Mario, tu viens me chercher dès que ça bouge.

    Sauf si je reviens avant.

    Marcel sort.

    Mario. — Il me fait pitié. Pourquoi vous m’avez dit de pas lui parler ? Je comprends pas. J’ai raté un épisode. Il a rien fait de spécial. Au contraire, je le trouve cool aujourd’hui. Presque calme.

    Lucien. — Presque Calme. C’est ça. C’est là qu’est le problème. Je comprends pas qu’il soit presque calme. Pas normal. Il doit y avoir une embrouille quelque part. C’est pas possible qu’il reste si calme. La pluie, d’habitude, ça l’énerve plus que ça.

    Fernand. — Moi, ce que je comprends pas, c’est comment ce mec peut dire autant de conneries sans que je lui casse la gueule. Il a vraiment une bonne étoile au-dessus de la tête. Tu vois, petit, tu dirais la moitié du quart de ce qu’il me dit et je t’étale aussi sec.

    Mario. — J’essaierai de m’en rappeler.

    Lucien. — Ceci dit, c’est vrai.

    Mario. — Qu’est-ce qui est vrai ?

    Lucien. — Tu ressembles à Pacino avec ton manteau.

    Mario. — Merci.

    Lucien. — De rien. C’est une blague. Si toi tu ressembles à Pacino, moi, je ressemble à Gabin. C’est stupide. On ressemble à des cons, ça oui. Des cons qui font le métier le plus con de la terre. Mais bon, faut le faire aussi. Et puis, on peut pas dire que ça fait des grosses journées.

    Fernand. — On peut pas dire non plus que ça fait une grosse paie.

    Lucien. — Non, mais on se marre bien.

    Fernand. — ça oui.

    Mario. — ça fait longtemps que vous faites ce job.

    Lucien. — Vingt ans. Vingt ans que je conduis cette charrette à 40 km/heure, sur route rapide. J’ai presque connu le temps où on les tirait dans une carriole avec des chevaux.

    Mario. — Et toi ?

    Fernand. — Quelques années.

    Mario. — Moi, je fais ça pour gagner du fric et puis je me trouverai autre chose.

    Fernand. — Mais bien sûr.

    Mario. — Tu veux dire quoi ?

    Lucien. — Il veut dire qu’on dit tous ça. Et puis, on est trop fainéant pour chercher un autre boulot, et puis c’est pas si mal payé et les journées sont courtes, et puis si tu veux tu peux faire autre chose à côté, et puis ça te fait une très bonne paie.

    Mario. — Non, non. Moi, j’y crois. J’ai mon certificat. Je fais ça parce que j’ai rien trouvé d’autre et que j’en ai marre d’être au chômage. Mais je vais pas rester avec vous toute ma vie.

    Lucien. — Pourquoi ? On n’est pas assez bien pour toi.

    Mario. — C’est pas ce que j’ai voulu dire.

    Lucien. — Laisse tomber, je te charrie.

    Mario. — Tu fais un autre job, toi, Lucien ?

    Lucien. — Moi non. Je pourrais pas. J’ai déjà assez de soucis comme ça.

    Mario. — Des soucis ! Avec quoi ?

    Lucien. — Je m’occupe du ménage pendant que ma femme bosse. Pas facile. Fernand, il a un autre boulot.

    Mario. — Tu fais quoi Fernand ?

    Lucien. — Fernand est barman.

    Mario. — Pourquoi y réponds jamais aux questions lui-même.

    Fernand. — En fait, je suis pas vraiment barman. Je suis plutôt videur. Je m’occupe des petits cons dans ton genre qui pensent qu’ils savent boire et qui sont dans les vapes après le deuxième verre.

    Mario. — C’est normal que je sois votre tête de turc.

    Lucien. — Tu es le petit nouveau.

    Mario. — Chouette. On va bien s’amuser ensemble.

    *

    Mario. — Hé, Fernand, tu joues pas au foot ?

    Fernand. — Non.

    Mario. — Dommage, je te voyais bien au libero.

    Lucien. — T’aimes bien le foot ?

    Mario. — J’adore. Quoi ? Vous savez pas que je suis l’attaquant de l’équipe de l’Entente. C’est pas possible, vous me faites marcher.

    Lucien. — C’est toi le fameux Mario qui marque comme il respire.

    Mario. — Oui, Monsieur.

    Lucien. — Je te voyais plus grand.

    Fernand. — Moins tapette.

    Lucien. — C’est ça.

    Mario. — Je vous emmerde. On peut pas discuter avec vous. On pourrait tuer le temps…

    Fernand. — à parler foot ! Non merci. Tu crois que ça va encore être long, Lucien.

    Lucien. — Sûr. C’est une famille de calotins. On en a pour deux plombes ici.

    Fernand. — Bon, un coup de gnole alors. T’en veux ?

    Lucien. — Une petite rasade.

    Mario. — Pourquoi t’as pas dit à Marcel que tu avais de quoi boire un coup ?

    Fernand. — Vaut mieux pas qu’il boive Marcel.

    Lucien. — Deviendrait encore plus méchant.

    Fernand. — Encore que dans le fond, c’est un bon bougre. Mais il est pas comme les autres.

    Lucien. — C’est vrai.

    Mario. — Mais là, il est parti au café pour boire.

    Lucien. — Justement. Là, c’est pas sous notre responsabilité. Il fait ce qu’il veut.

    Fernand. — Avec nous, c’est pas pareil.

    Mario. — Vous êtes des compliqués. Et cette histoire de porte-jarretelles de la patronne, c’est du bidon ?

    Lucien. — Non, c’est bien vrai. Une bonne petite femme la patronne. Mais tu verras ça par toi même. Elle finira bien par te coincer un jour dans le garage. Elle adore ça.

    Mario. — Quoi ?

    Fernand. — Pauvre Marcel. Je crois bien qu’il y a que lui qui ne lui soit pas passé dessus à la patronne.

    Lucien. — Tout le monde le sait.

    Mario. — Vous êtes vraiment une bande de dégénérés.

    Lucien. — Dis pas ça à Marcel.

    Fernand. — Parce que lui, c’est vrai. C’en est vraiment un !

    Mario. — Je vais voir si on en a encore pour longtemps.

    Mario sort.

    Lucien. — C’est ça. Rends-toi utile, va te faire mouiller pour la cause.

    Fernand. — Il est sympa ce mec.

    Lucien. — Oui. Je trouve aussi. C’est pas plus mal un peu de sang neuf.

    Fernand. — T’as raison. Ça occupe.

    Lucien. — Et puis, je sais pas s’ils deviennent plus gros ou bien si c’est moi qui deviens vieux mais je trouve que c’est de plus en plus lourd à porter.

    Fernand. — T’as jamais été très costaud.

    Lucien. — C’est vrai.

    Fernand. — Je me rappelle quand t’es arrivé, il y a à peine dix ans, t’avais toutes les peines du monde à porter la rallonge. C’est pour ça qu’on t’a donné le volant.

    Lucien. — Si on m’a donné le volant, c’est parce que je suis un ancien pilote de rallye.

    Fernand. — Pilote de rallye ? Laisse-moi rire !

    Lucien. — De course de côtes. C’est un peu pareil.

    Fernand. — Si on veut.

    Lucien. — J’avais une fameuse pointe de vitesse.

    Fernand. — ça t’a jamais beaucoup servi depuis que tu es là. Il manquerait plus que tu fasses de la vitesse avec le corbillard. « Hé, les gars. Tenez-vous. V’là une petite côte, j’accélère. »

    Lucien. — ça te va bien de te foutre de ma gueule. N’empêche que la fois où on a été enterrer l’ancien facteur à l’autre bout de la province et qu’on voulait revenir dare-dare pour voir la finale du mondial de foot à la télé, tu étais bien content de ma pointe de vitesse.

    Fernand. — Encore vrai. On a pu voir la deuxième mi-temps et vider quelques casiers avec les copains.

    Lucien. — C’était en plein après-midi parce que c’était de l’autre côté de la terre.

    Fernand. — J’adore le foot, pour rien au monde j’aurais voulu rater ce match.

    Lucien. — Et on l’a vu.

    Fernand. — En partie.

    Lucien. — Rabat joie.

    Fernand. — Y joue drôlement bien le petit.

    Lucien. — C’est vrai. On parle de lui pour un fameux transfert.

    Fernand. — J’ai idée qu’il va pas rester longtemps parmi nous.

    Lucien. — Ouais. Trop malin pour ce métier.

    Fernand. — Et trop beau. Le patron va pas aimer d’avoir ça dans les pattes avec sa femme qui rôde dans les garages.

    Lucien. — Clair. Je me demande pourquoi il l’a engagé.

    Fernand. — Coup de pub. Le prochain week-end, après le match, il va poser à côté du petit s’il marque un but. Il veut juste avoir sa tronche dans le journal.

    Lucien. — C’est un futé le patron.

    Fernand. — C’est un con. Il a pas besoin de pub. On est les seuls de la région à faire ce qu’on fait. Il veut se faire mousser, c’est tout.

    Lucien. — C’est bien vu. Même si on est la seule boîte de pompes funèbres du coin, et puis c’est honorable d’avoir sa photo dans le canard.

    Fernand. — Tu crois ça, toi ? Moi, je pense que c’est juste pour les truands, ou pour les politiciens.

    Lucien. — Je relève même pas.

    Fernand. — Tu te présentes encore aux prochaines élections.

    Lucien. — Bien entendu.

    Fernand. — T’as jamais été élu depuis que tu t’es foutu dans ces conneries.

    Lucien. — C’est vrai mais j’ai ma tête sur les murs pendant deux mois.

    Fernand. — Et alors. C’est complètement con.

    Lucien. — C’est très agréable. Ma femme trouve ça très bien. Elle frime devant ses copines, on lui parle de moi chez le coiffeur, chez le boucher, …

    Fernand. — Elles doivent bien se marrer les copines de ta femme. J’imagine les greluches en train de ricaner devant ta gueule dans le canard. Il a encore grossi, il a de plus en plus de points noirs sur le nez, …

    Lucien. — Tu peux être con. La vérité, c’est que tu es jaloux.

    Fernand. — ça se pourrait.

    Lucien. — C’est vrai ?

    Fernand. — Pas du tout.

    Lucien. — Ah. Tu aurais pu.

    Fernand. — Et bien non. Et tu vas le chercher où l’argent pour financer les feintes des copines de ta femme.

    Lucien. — C’est le parti qui paie.

    Fernand. — Et tu fais quoi en échange.

    Lucien. — Des petites choses, par ci par là.

    Fernand. — Quelles genres, les petites choses ?

    Lucien. — Des trucs, quoi !

    Fernand. — Tu ressembles vraiment au patron. Tiens, ça ne m’étonne pas que c’est toi que la patronne préfère.

    Lucien. — Excuse-moi, mais ça n’a rien à voir. Si la patronne me préfère, c’est parce que…

    Mario. — Et bien. On n’est pas près de sortir d’ici. Ils vont seulement commencer les choses sérieuses. Jusqu’ici, c’était que des discours.

    Fernand. — Des discours ?

    Mario. — Ouais. Des amis, des membres de la famille, des hommes politiques. C’est ce qu’on m’a dit parce que moi les enterrements. D’habitude, j’y vais pas.

    Lucien. — C’est normal que ça prenne du temps. C’était quand même l’ancien directeur de la banque, il connaissait du monde.

    Fernand. — Y devait connaître tous ceux qui avaient des dettes. Hé Lucien, il te connaissait par cœur, ce mec.

    Lucien. — Tu dis n’importe quoi. J’ai jamais eu de dettes.

    Fernand. — Et à la roulette, au tiercé, au poker, au black-jack ?

    Lucien. — C’est autre chose, c’est pas légal. J’allais pas voir le banquier pour ça.

    Fernand. — Non, tu taxes les amis.

    Lucien. — C’est pas arrivé si souvent.

    Fernand. — C’est arrivé, c’est tout.

    Mario. — Tu joues beaucoup Lucien ?

    Lucien. — Je te demande si tu baises ?

    Mario. — Beaucoup.

    Lucien. — Ben alors, je joue beaucoup.

    Mario. — Quelle orgie.

    Fernand. — T’as pas vu Marcel dehors ?

    Mario. — Non. Mais y a plein de monde. Ils ont pas pu tous entrer. Y doivent avoir froid. La pluie est glaciale.

    Fernand. — On l’aimait bien cet homme-là.

    *

    Lucien. — Si on jouait aux cartes ?

    Fernand. — Pas question.

    Lucien. — Et toi, petit ?

    Mario. — Ouais, pourquoi pas.

    Fernand. — Pas question.

    Mario. — Pourquoi ?

    Fernand. — Parce que je le dis.

    Lucien. — Ok.

    Mario. — On fait quoi, alors ? !

    Fernand. — On attend qu’on vienne nous chercher.

    Lucien. — C’est notre métier, petit. Attendre. Et puis agir. Silencieusement. Avec respect.

    Fernand. — Avec amour aussi.

    Mario. — Ah. Ouais.

    Fernand. — évidemment.

    Lucien. — Y faut aimer porter des choses lourdes, y faut aimer être dehors…

    Fernand. — Ou dedans quand y pleut…

    Lucien. — Aimer l’odeur des églises…

    Fernand. — Et des cimetières…

    Lucien. — Un cimetière est toujours très aéré. Tu as déjà remarqué ?

    Fernand. — On se promène dans certains cimetières.

    Lucien. — Au Père Lachaise, par exemple.

    Fernand. — Mon plus grand souvenir. Je voyage pas beaucoup, on peut pas dire. Mais là, je suis déjà retourné quatre fois…

    Lucien. — Pourtant, c’est pas la porte à côté.

    Fernand. — Non, mais c’est tellement bien…

    Mario. — Vous êtes complètement barges…

    Lucien. — Peut-être.

    Fernand. — Pourquoi tu dis ça ? T’en connais beaucoup des ploucs qui aiment leur métier. Moi, j’aime mon boulot et tout ce que tu trouves à dire c’est que je suis cinglé… Tu veux savoir ? Moi, je pense que toi, t’es qu’un petit con de prétentieux de merde qui va finir comme tous ceux de ton espèce…

    Mario. — T’excite pas, tu vas te faire mal. Et puis c’est quoi mon « espèce » ?

    Lucien. — Ah, oui, ça m’intéresse aussi ça ?

    Fernand. — Un blanc bec qui connaît rien à la vie…

    Mario. — Toi, tu la connais la vie ? Tu côtoies que la mort.

    Fernand. — Et Lucien, c’est un mort, ça ! Et Marcel, il est pas bien vivant, lui ? Et le patron ?

    Lucien. — Et la patronne ?

    Mario. — La patronne ! Toujours la patronne ! On dirait que vous avez jamais vu d’autres femmes.

    Fernand. — Comme celle-là, c’est certain, on en a pas vu beaucoup.

    Lucien. — Et petit, tu serais pas homo parfois que !

    Mario. — Ouais, c’est ça. J’aime les mecs. Ce serait

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