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Compte-Tours: Histoires de motards
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Compte-Tours: Histoires de motards
Livre électronique159 pages2 heures

Compte-Tours: Histoires de motards

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À propos de ce livre électronique

Compte-tours est une virée à destination de la liberté. C’est un nouveau souffle, un appel d’air primitif rarement évoqué.
Série de respirations fortes, ce livre rassemble des histoires décousues et vagabondes d’humains vivants parmi tant d’autres, qui s’échappent intérieurement du quotidien. Quelques secondes, quelques heures ce sont des escapades d’engins étourdissants pour des motards inconnus, libres et passionnés. Des femmes et des hommes comme elle et lui. Un baiser de feu sur le bitume qui défie un ciel où la tragédie de la mort guette. Toutes ces histoires inédites sont issues de nuits d’insomnie au son feutré d’un Rock n’roll vibrant de souvenirs et d’anecdotes qu’arrondissent des clins d’œil.
Conduire une moto suscite des vibrations uniques, sans tricher ni mentir. Dans l’authenticité d’une nature qu’il faut nécessairement aimer, respecter et défendre avant qu’elle ne disparaisse à tout jamais. Car être privé de liberté et d’espace serait la pire des souffrances.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Thierry BALLOY est un feu ardent d’inspiration. Âgé de 48 ans, c’est un homme de voyages, passionné d’écriture et de moto. Amoureux de son Ardèche, sauvage. Sa conception de la vie réside dans « le Mouvement », la dynamique et l’intensité de toutes choses, le cœur à l’ouvrage et l’ouverture de la conscience. « Un homme de mots », tel qu’il aime se décrire, curieux d’explorer la vie avec respect et sincérité, en invitant le lecteur à découvrir son univers électrique et son âme, dans ce sixième ouvrage qu’il signe ici, à moto.
LangueFrançais
ÉditeurLibre2Lire
Date de sortie5 juin 2020
ISBN9782490522842
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    Aperçu du livre

    Compte-Tours - Thierry Balloy

    Chapitre 1

    Découverte

    En selle, sur la route.

    Immortels. Les gaz filent en tous sens. Vers la liberté.

    En selle, haut les cœurs. Le voyage devient divinité. Sur le doux ruban qui nous attire.

    Poussés par le désir fulgurant de vivre. Les mains gantées en cuir sont équipées de coques rappelant le sein de nos collines ; la main droite épouse la poignée de gaz en regardant l’azur transcendé ; séduits nous sommes pour essayer de l’atteindre d’un coup de première vitesse, en bas du sélecteur pied gauche. Nerveux, le palpitant oscille à la façon d’un wattmètre dont l’aiguille agitée au cadran devient toute folle. Ce n’est pas la vitesse qui nous importe. C’est l’accélération. Ce qu’affiche ce noble Compte-tours intrépide, qui s’enflamme dans une ascension montagneuse de sensations et ne semble n’avoir jamais une minute à lui. Tout commence par le démarrage du moteur délivrant un chant régulier, au ralenti, ou le chuchotement d’une sérénade qui enfantera un véritable concert de rock ; le ronron du pot carbone rauque tel le rugissement d’un lion sorti de caverne prêt à bondir, comme à la chasse. Au chevet de la célèbre Chauvet peut-être, ici chez nous, en Ardèche.

    Nerveux, nous sentons déjà sa chaleur et notre pouls monter. On va y aller. L’adrénaline pour jolie amie. À devenir anonymement des héros, bien que nous n’ayons rien inventé mais juste caressé la chance et l’enthousiasme d’honorer cette liberté tant aimée. Nous sommes ses défenseurs dans la fureur et la perpétuité des Ago, Pons, Mc Queen, Jimmy, Johann, Vale et Dunlop qui dansent à travers des millions d’entre nous… Motards ou non.

    Embarquement immédiat, sauvage. Bien sûr que ce sentiment est éternel !

    Attention les ami-e-s, l’aventure va démarrer.

    Soudain elle m’appelle ; comme toi je la respire. Elle me demande si je dispose de raisons valables pour faire ce que je fais. Pardi que oui ! Le regard des autres ? Je m’en moque éperdument et j’aime ça. Bien que les gens se retournent à notre passage et que par habitude nous détestons ceux qui parlent gras dans notre dos, nous jugeant d’irresponsables fous. J’enfile mes bottes, j’agrippe tonique mon cuir noir et taille déjà dans ma tête la route après avoir jeté mon mégot écrasé sur le bitume humide, récupéré dans ma poche. Nouvelle vie. Prise de conscience de ne plus polluer. Nous courons et voyons ce qu’il en retournera. Son duvet d’asphalte éphémère m’interpelle toujours lorsque mon cœur entreprend d’engager une virée, une escapade dans son lit de rues et de dragues, dans les vents nous recueillir. C’est comme si l’âme des montagnes et des champs avait conquis mon esprit, obstinée à m’envoûter et me supplier de témoigner. Face au Razal.

    Elle est notre reine. C’est par la route, reliant tous les éléments que je me sens le mieux, avec toi. C’est une passerelle entre les humains. Dans le paisible mystère d’une communion établie entre la nature et nous. La communion des hommes pour être heureux et non divisés. Ne vous est-il jamais arrivé de vouloir tenter de parfaire nos vies avant que nos yeux ne s’éteignent pour de bon ? Sauvages.

    Comme on rencontrerait une femme exquise, celle de sa vie intense, on découvre sa passion pour la moto. Ça nous tombe dessus sans prévenir. Comme une bonne surprise, un agréable renouveau. Une hérésie. Moins philosophique, on fanfaronne jovialement en déconneur façon Barry Sheene et son légendaire numéro 7 dont je conserve le tee-shirt, à clamer haut et fort qu’on ne peut plus vivre sans elle. La bécane. Cuir, rires, gaz et asphalte. Le cœur à l’ouvrage. Troubadours. La sensation d’accélération est réelle, tonique et unique. Voilà ici tout ce qui nous rend profondément vivants ! User de la gomme. C’est du courage, tout le contraire de fuir. Seuls les ignares rabougris ou de vieux politicards, donneurs de leçons flanqués derrière un bureau à dicter les lois, ne peuvent comprendre.

    C’est ce chemin de liberté, l’univers d’un père routier qui sur ses artères de goudron a gagné sa vie, trainé son dos brisé et flingué sa hanche désormais constituée d’une prothèse atrophiée, jusqu’aux bras de déménageur convulsés que je serai l’été. Je connais très bien cet univers, celui de la route. Tout comme de nombreux esclaves du volant, je l’ai pratiquée des années, des nuits et jours de sueur, parfois des soirs d’hiver sans espoir ni félicité. Conduire sur la dame route est sans pareil. Dormir tout habillé, dans une remorque de vingt tonnes avec une sangle enlacée au poignet, d’un œil. Avec pour compagnie les meubles et cartons des clients déménagés. Mon épaule calée contre leur maison. C’est la force de la chevaucher. Tel un indien campé au tipi, dans des prés aux multiples horizons que même la nuit nous adorons, respectueux à l’admirer sans fin. Pour la défendre. Redevenir Apache.

    Enfin pour elle, mon âme a également pleuré. Confessions intimes. Et la fierté de ne rien dévoiler n’a duré que trop longtemps. C’est idiot avec du recul. C’est humainement compréhensible.

    Des visions me reviennent. C’est un camion lourd qui la chemine, dans la nuit glacée et fuyante, loin de chez soi avec des voyages fortunés d’ailleurs et des pensées plein la tête. L’âme sur le bitume, égarée dans une équation impossible à résoudre vite oubliée par un formidable lever de soleil. La poésie qui ne se meurt jamais.

    Tout a démarré comme cela, au bord de ces vignes ancestrales du Bas Vivarais et au détour de ce ciel chaud du Sud. Un pays où des grognons adorables revendicatifs défendent leur passion pour elle. Avec des chants de coq, des tracteurs matinaux et des cigales turbulentes. Et des sangliers en pagaille occupant la virginité intemporelle de nos monts ardéchois. C’est aussi le bel été des figues, amandiers et pêches, mûres et mirabelles qui attirent les abeilles devenant rares et les guêpes nichées dans les lavandes toutes excitées, sous les bras d’un vieux chêne. Parfaitement sur cette nationale 102 qui emporte nos tourments et nos euphories pour relier Montélimar aux monts du Plateau et d’Auvergne. Le bon vin qui réconcilie et fait chanter nos ardeurs, danser. L’artère légendaire qui fait cheminer les hommes depuis bien avant les Romains. Ici c’est chez moi, chez toi à Alba la Romaine, ma douce reine d’Ardèche méridionale, aux parfums de fenouil s’émanant jusqu’à la source de la Loire.

    Enfin c’était chez moi, puisque je vis aujourd’hui dans une vieille magnanerie rénovée, de mes mains sauvages à vingt-deux kilomètres de là, dans la vallée malheureusement que trop agitée. Esprits dérangés. Rien n’est écrit dans le marbre. Envie de bouger, de me retirer.

    Que j’aime la rugosité de cette liberté ! Celle bohème de Jack, Hervé, Manu, Nico, Christophe, Pascal, Mig et tous les autres, des centaines de milliers de troubadours aux yeux identiques toujours en rythme, en mouvement dans un esprit de collectif sur une machine individuelle. Plein angle.

    C’est l’audace d’une chair de poule sur les avant-bras, avant d’y aller. Le sang qui circule plus vite en traversant des champs de récolte si différents et des océans de parfums et de hameaux, de villages faits de pierres ancestrales. Le barrage de Rochemaure qui a ouvert ses vannes idem aux visages des hommes qui s’éclairent derrière leur visière. Gaz !

    Gamin des heures durant, je me rappelle en train de fabriquer des maquettes de camions américains, tous ces dioramas pour planter mes décors de rêve en géant averti que je devenais, spectateur et concepteur-bâtisseur d’escapades, avec déjà ce goût matérialisé du voyage, en créateur chevelu d’atmosphère. Sans divinité ni vanité, juste le désert pour refuge. Espaces sauvages propices à l’exil pour mieux grandir. Affronter les turbulences du monde à réinventer en plus beau, tout en restant un enfant.

    À confectionner des rêves sans aller bien loin, on avance toujours de quelques pas, de quelques tours de roue, même à pied. Au coin de la rue au café ou au boulot. Juste à l’effort simple de pousser la porte de son imaginaire. On aurait pu vivre dans n’importe quelle époque, ivre de découvrir le monde et ses galeries de coutumes, de fêtes dédiées à la terre avec le feu. On ne fera pas la révolution, tout le monde peste dans son canapé la bière au poing, je m’en trouve passablement usé ; mais il y aurait tant à corriger des ondes négatives qui nous entourent. Ce sont ces instants de vie qui nous correspondent bien, au guidon d’une sacrée bécane. Dans les tours-minute qui s’excitent, momifiant nos tourments et cristallisant nos peurs les plus vicieuses. Droit devant, dessiner une voie.

    Mais une histoire d’amour avec un « deux-roues » démarre souvent dès un moment clé, un évènement particulier et déterminant. Une période d’éveil. Pour moi ce sera le renvoi à l’âge de dix ans. Comme je l’évoquais précédemment et bien avant d’acheter d’occasion ma première mobylette, la perception forte de cet appel de la route était déjà très active, bien qu’étant il est vrai assis passivement sur un siège de camion, l’humeur bohème. De derrière un immense parebrise vous seriez étonnés de savoir toute la vie qui s’anime ! Souvent le départ s’effectuait le vendredi soir ou bien lors des vacances scolaires. Mes voyages en poids lourds avec le vieux paternel, un hibou. Routier la nuit, lorsque tout le monde dort sauf ces forçats du cerceau de 38 tonnes loin de chez eux. Filant sur des lignes régulières en messagerie comme les collègues montaient sur Rungis. Point trop lourds. Pas chtarbés.

    Partir le cœur vaillant de la capitale du nougat, monter à Valence chez un fabriquant de vêtements de luxe changer de remorque et monter à Lyon cité des Gaules par le grand ruban de l’A7, direction le monumental Sernam de la Guillotière. Ce service combiné, largement complémentaire au rail de la « belle époque » où le wagon partageait le colis avec le bahut, issu de toutes les régions de l’hexagone. Le rail non polluant qu’ils ont désossé. Là où très étrangement je travaillerai sans le savoir, trente années plus tard… Si tu avais connu cette effervescence active ; c’était beau et je me réjouissais de jouer au travailleur intrépide, empoignant ce diable en acier chargé de cartons pour aider mon vieux à charger la caisse longue puis dormir deux heures dans la couchette sur un matelas confortable, les rideaux bruns tirés à quelques mètres des parfums de bois planchéiés des remorques en agitation. Et reprendre deux heures plus tard, la concentration d’à plomb, la route en direction de Tain l’Hermitage, puis Montélimar, la villa des Cyprès retirée en Ardèche.

    Je n’avais que treize ans. J’étais si heureux et libre, et pourtant je n’avais rien. Pas exactement ; je possédais le principal : les copains et l’ivresse de la fuite, cette envie de toujours être en mouvement, de célébrer la vie. Et quand je n’étais au camion, c’étaient les amis, un ballon, un vélo. Le rythme est une addiction sublime.

    Devant l’inconnu, il m’arrivait de trembler comme une feuille de platane, tombée à l’automne mais bien debout. J’ai toujours été en retrait, assez timide et attiré par cet inconnu sentiment de repli, muet et plein d’acné juvénile autour du menton, mais surtout à l’intérieur. Éclairé par intermittence d’un sursaut énergique dans cette belle et parfois indélicate adolescence, les mains apeurées à trop bouger et les bras maigrichons où les poils avaient depuis longtemps pris la décision de s’affirmer. Objets de moqueries, eux aussi.

    Chaque jour pour le collège matin et soir, je montais dans ce bon vieux bus Saviem blanc à bandes brunes conduit par l’ami Florent, le chauffeur bien connu de la société Sitra qui débutait son ramassage scolaire à Valvignères, avec autant d’enthousiasme chevelu que de me pendre à une corde sèche, alors que lui restait à la régulière super sympa, blagueur. Moi, enfermé, je me tracassais à l’idée oppressante de croiser l’hypocrisie imaginaire des autres élèves. En réponse, je m’imposais de souvent accuser une mine basse, d’entretenir malgré moi la démarche d’un sauvage aux cheveux noirs mexicains contraint d’avancer parmi eux, dans le groupe, mais à reculons. La poitrine meurtrie de douleur devant une société dévoilant de façon incompréhensible le racisme, la défiance, les différences que je découvrais impuissant sans pouvoir y mettre un nom sinon ressentir un sentiment glacé, une différenciation de classe sociale, cette force terrible qui est capable de faire et d’obtenir.

    Alors pour m’évader et ne trop prendre tout cela à cœur, je regardais plus loin au-dehors ce qui se passait sur la route. Voir se mouvoir magiquement ces masses de carrosseries de voitures, ses camions et motos et des vélos aussi. Autant de moyens pour transporter nos rêves colorés et éjecter nos insolentes peines. Et tant pis si l’on me taxerait de gamin triste.

    Parce qu’on n’imagine pas combien les mômes peuvent être odieux entre eux. À la vérité, ce sont ces idiots d’adultes qui les conditionnent, des parents globalement engloutis dans la société de consommation fada, dangereuse qui veut instaurer une quête d’identification ; et pourtant nul ne vient au monde avec de la haine en lui ou de la méchanceté, ni un

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