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L'homme qui n'embrassait pas les femmes
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L'homme qui n'embrassait pas les femmes
Livre électronique271 pages4 heures

L'homme qui n'embrassait pas les femmes

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À propos de ce livre électronique

EL MÁS VENDIDO TRADUIT AU QUATRE LANGUES PLUS IMPORTANTS DU MONDE



L'histoire se déroule in deux momentos diferentes. Un jeun psychiatre est chargé d'examiner et d'analyser les dossiers de trois pacientes; Deux femmes et a homme avec une histoire bizarre et extraordinaire. En avançant dans la lecture, vous verrez que son destin est lié à celui d'Adolf Hitler que raconte l'histoire du le dictateur et les événements qui rtuni ces trois personnages mystérieux, puis avec le psychiatre, vous découvrirez une fin inattendue.
 

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie12 avr. 2020
ISBN9781547526512
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    Aperçu du livre

    L'homme qui n'embrassait pas les femmes - MOHAMED BOUZITOUNE

    L’homme qui n’embrassait pas les femmes

    Le son d’un baiser n’est pas aussi fort que celui du canon, mais son écho résonne beaucoup, beaucoup plus longtemps. Il n’est pas d’amour plus véritable que celui qui meurt sans avoir été dévoilé.

    Vienne, le 6 février 1972

    PREMIÈRE PARTIE

    Je ne peux vous dire ni qui je suis, ni d’où je viens, et encore moins où je vais. Si je le faisais, ce serait mentir. Tout a changé pour moi en très peu de temps, d’une façon inattendue et dévastatrice... À tel point que la vie de l’éminent psychiatre que je suis, habitué à observer les délires humains les plus étranges, me semble la plus invraisemblable qui puisse être.

    Les années que j’ai passées dans les hôpitaux autrichiens, les plus intenses de ma vie, sont devenues, ces derniers mois, un univers chaotique empreint d’une logique terrifiante. Est-ce que je deviens dingue ? Ce ne serait pas étonnant pour un psy, mais non, j’essaie tout simplement de remettre un peu d’ordre dans le chamboulement de mon existence. C’est paradoxal, mais à présent que je sais tout de mon passé, de mes parents, alors que tout s’imbriquait parfaitement dans ma vie, c’est aujourd’hui un labyrinthe et je m’aperçois que je ne sais pas grand-chose sur moi, et encore moins sur ce que je vais faire à l’avenir. Je ne sais pas, tout simplement. Mais laissez-moi vous raconter comment j’en suis arrivé là.

    Jusqu’à l’âge de treize ans, ma vie était on ne peut plus normale. Je vivais sur le plateau suisse, dans un quartier paisible de Berne appelé Gäbelbach. J’avais des parents affectueux, un foyer agréable et tranquille, des amis dans le quartier et presque tous les voisins me connaissaient.

    Mon père s’appelait Klaus Hüttler, il était notaire. Ma mère, Ada Strauss, était institutrice dans un kindergarten. Ils n’étaient pas différents de la plupart des parents de la bourgeoisie suisse : un baiser au lever ou au coucher, des étreintes et des cadeaux à chaque anniversaire ou pour une bonne note à l’école. J’étais habitué à demander peu, car mes parents semblaient toujours anticiper mes désirs.

    Ils me gâtaient, mais à vrai dire, maintenant que je les considère sous un autre angle, je réalise que leur tendresse était quelque peu obséquieuse. Je me souviens avec émotion de nos promenades du samedi après-midi, sous les arcades de la vieille ville, jusqu’à la cathédrale de Münster, la Fête de l’Oignon que nous ne manquions jamais au mois d’août.             

    Mon père avait un air quelque peu ennuyeux, parfois même idiot, mais je l’aimais comme cela, avec cette sorte de formalisme désuet de fonctionnaire. Quant à ma mère, en revanche, je crois qu’elle me vouait un amour sincère. Elle semblait lire dans mes yeux quand j’étais triste ou ennuyé, et même lorsque je lui mentais. Ses câlins étaient toujours le plus précieux des refuges lorsque je faisais une bêtise ou qu’une peur irrationnelle m’assaillait. Jamais elle ne m’a parlé de mes premières années, de cette émotion maternelle que l’on ressent devant les premiers pas ou les premiers mots de son petit, ni d’autres anecdotes qui emplissent les premières inexpériences d’une maman. Elle se contentait de sourire, et disait : « tu as toujours été un enfant adorable et curieux, comme tu l’es maintenant... » Et je me contentais de cette réponse évasive qui n’évoquait en moi aucun souvenir. Je ne me souvenais pas de moi tout petit, à l’exception de quelques rares cauchemars que je faisais parfois. Ils explosaient en moi et semblaient vouloir m’étouffer, mais ils ne faisaient aucun bruit. Dans ces rêves sporadiques, je ne voyais que des ombres qui s’évanouissaient, qui volaient, ou qui tombaient dans d’obscurs abîmes. J’essayais parfois de les transposer en une sorte de fête nocturne pleine de feux d’artifice, comme celles que l’on organise dans les villages du Sud.

    Le moindre miroir suscitait en moi des questions absurdes. Une réalité parallèle semblait exister dans cette image virtuelle qui, quand je tentais de la toucher, n’offrait que la froideur d’une vitre invisible, réceptacle de reflets diffus. Je faisais des grimaces, je gesticulais, je bougeais, et je croyais voir une réplique de moi... elle était là, devant ou en moi.

    Dans mon lit, lorsque je ne dormais pas, je me rappelais ces images et elles finissaient, totalement désordonnées, dans mes rêves.  Je me sentais seul, et je ne comprenais pas pourquoi je n’avais ni frère ni sœur. Lorsque je posais la question, je voyais ma mère rougir et mon père s’inquiéter.  Il prenait son air grave et répondait : « mon fils, ça n’a pas été facile d’être parents, et lorsque nous t’avons attendu, ta mère a été très malade, c’est pour cela que nous n’avons pas voulu risquer sa vie. Pardonne-nous. Mais, ne t’en fais pas, les enfants uniques comme nous sont les plus choyés, et en plus, on n’a pas à partager avec qui que ce soit. » C’était la partie de ce mièvre et sempiternel refrain que je détestais le plus entendre. Rien ne m’aurait fait plus plaisir que d’avoir avec un frère avec qui être complice ou adversaire.

    Je ne leur en ai jamais rien dit, mais une fois, je suis allé voir Herr Singer, notre médecin de famille, un ami d’enfance de mon père, qui s’occupait de nous depuis toujours. Je lui ai posé la question avec l’insolence innocente propre aux enfants : « Maman a été malade quand elle m’a eu ? » Face à cette question, le bon docteur m’affirma que ma mère n’avait jamais souffert de rien, sauf peut-être d’un rhume ou deux. « Une santé de fer ! » disait-il. Et moi, je souriais, quelqu’un mentait. Mais ça n’avait aucune importance, j’avais de nombreux amis parmi les gamins du quartier et du collège, et nous faisions les quatre cents coups dès que l’occasion nous était donnée. On m’a rarement puni, sauf la fois où Gunther, Ralph et moi étions entrés dans la chapelle du collège par la fenêtre et où nous avions chapardé quelques cierges, mais c’était une bêtise de gosses. 

    Je dirais que ma famille était relativement à l’aise financièrement, sans pour autant dire qu’elle était riche. Je percevais toutefois un certain paradoxe entre les revenus de mes parents et ma fréquentation du collège Herberststrasse, à Salem. C’était l’un des établissements les plus chers et les mieux fréquentés de la ville, et les parents de mes camarades de classe étaient les plus haut placés dans la société bernoise. La discipline y était extrêmement stricte et on ne s’exprimait qu’en allemand. Le collège organisait traditionnellement des activités extrascolaires de mise en scène de pièces de théâtre moyenâgeuses de nature pangermanique. Les contraintes financières étaient elles aussi considérables. J’essayais de m’expliquer cette contradiction apparente entre l’éducation que j’y recevais et la relative liberté dont je jouissais à la maison, entre la modestie de notre foyer et l’extravagance des frais de scolarité. Face à chacune de mes remarques à ce sujet, mes parents m’expliquaient que ce n’était pas un problème, que ce qu’ils dépensaient - ce qui me semblait considérable - c’était pour mon bien. De plus, on donnait toujours la même explication à beaucoup de choses : l'héritage de mon grand-père viennois.

    J’étais l’un des rares à emprunter les vieux tramways de la Bernmobil pour aller en classe, mais je n’y voyais aucun inconvénient, à part les remarques ironiques de mes camarades qui, eux, s’y rendaient dans de luxueuses automobiles.

    La première impression qui vint briser ma routine familiale quotidienne me saisit peu après mon treizième anniversaire. C’était arrivé un jour où j’étais rentré chez moi plus tôt que d’habitude. Arrivé devant la maison, je vis que la porte était entrouverte, et je la franchis sans m’en inquiéter. Mon père était dans le couloir du fond, le téléphone à la main, plongé dans une conversation envenimée. D’après le ton de sa voix, il parlait certainement à un employé ou un fonctionnaire...

    – C’est impossible, monsieur, vous croyez que nous les fabriquons, les billets ? Voilà deux mois que vous retardez votre dépôt à la banque. L’école du gamin nous coûte une fortune, et pour couronner le tout, on nous demande de payer en plus l’utilisation du gymnase et des sorties scolaires. Comprenez-moi, je ne suis qu’un simple notaire qui ne touche qu’un maigre salaire, et..., à l’autre bout du fil, quelqu’un le rassurait par des paroles apaisantes.

    - Très bien, très bien, mais pas plus de deux jours, nous avons un accord. Il raccrocha et, me voyant planté devant lui, son expression changea. Il fit son possible pour dissimuler sa colère, et me donna des explications inutiles sur un supposé client qui lui devait de l’argent.

    Je le saluai comme d’habitude et, une fois dans ma chambre, je me mis à spéculer sur ce que j’avais entendu, ou cru entendre. Pourquoi mon père m’avait-il appelé « le gamin » ? Qui lui donnait de l’argent pour mes études, et pourquoi ? Quel accord pouvait bien exister entre un employé de banque et mon père ? Cela avait-il un rapport avec les enveloppes que nous recevions invariablement les premiers jours de chaque mois ? Face à toutes les questions qui m’assaillaient, je ressentis un certain malaise. Je décidai de me pencher sur mes devoirs et d’oublier cette situation inquiétante qui commençait à me perturber.

    Les jours passèrent, et l’incident ne fut plus qu’un vague souvenir. Cependant, mes jeux avec les miroirs commencèrent à prendre un nouveau sens. Je trouvai une photo du mariage de mes parents et la posai sur ma commode, tout près de mon miroir. Instinctivement, j’observai avec le plus grand soin les traits de mon père et de ma mère. Certains détails comme leurs yeux, leurs nez, et même leurs postures. Cette photographie ne me suffisait pas, et je me mis à feuilleter soigneusement les albums de famille et, quelle surprise ! Ils ne contenaient aucun cliché de moi avant mes trois ans. Sur les photos de mes parents pendant les premières années de leur mariage, ils étaient toujours seuls, et la première sur laquelle nous étions tous les trois avait été prise sur le quai d’une gare. Ce n’était pas la station Zofingen de Berne.

    D’après ce qu’ils disaient, j’étais né en septembre 1939, dans le village de mon grand-père : Linz, près de Vienne. Jamais on ne me donna la moindre précision sur le mariage de mes parents, sur ce court séjour viennois, ni sur les circonstances de ma naissance.

    Apparemment, ils s'étaient mariés à Berne et ils avaient passé une année à Vienne, avec mon grand-père.

    Sourires idiots et gestes évasifs qui laissaient transpirer leur gêne.  Lorsque je leur avais posé franchement la question, leur réponse m’était apparue plus que vague. Mon grand-père avait conservé les photos de moi bébé et, sur celle qui avait été prise à la gare, après l’avoir quitté, et que nous conservions dans notre salon, nous ne figurions que tous les trois. Bizarrement, il n’était pas sur le cliché. Je n’ai jamais insisté. Je me dis que c’était des histoires de famille.

    Ma mère avait les cheveux blonds, les paupières tombantes, l’iris sombre, un petit nez retroussé, des lèvres charnues et délicates.  Mon père aussi avait les cheveux châtain clair, bien qu’un peu dégarni. En revanche, il avait de grands yeux noirs, un long nez saillant et, bien qu’elles fussent cachées par de grosses moustaches, on pouvait deviner des lèvres épaisses. Mes jeux avec les miroirs finirent par me lasser, et je décidai de ne plus perdre de temps avec ces sottises. D’ailleurs, quelques jeunes filles du quartier occupaient à présent mon temps libre, et je les observais avec le plus grand intérêt lorsque je me promenais dans le parc d’à côté.

    Le temps ferait son affaire de mes hésitations. Tout reprit son cours normal. Néanmoins, je rangeai des photos de mon père et de ma mère près de la mienne, dans mon portefeuille. Dès que je le pouvais, je les étalais et je comparais nos traits. À qui ressemblais-je ? Je posais cette même question à certains de mes amis, connaissances et autres professeurs. Leurs réponses étaient diverses et opposées, et tout cela ressemblait à une douce hypocrisie. Mes yeux bleu ciel, mes cheveux noirs et raides, ni l’un ni l’autre ne les avaient. Devant mes doutes, ils me répondaient simplement que je devais en avoir hérité de mon grand-père. La « Grande Guerre » était un sujet dont personne ne parlait. Pour ma part, vierge de tout souvenir personnel, j’en ignorais tout. Pendant ces années de puberté, je sentis poindre une touche de mélancolie.  Quand je tombais amoureux, c’était sans demi-mesure. Je me souviens d’une jeune fille, Karina, un peu plus âgée que moi. Elle était infirmière dans un dispensaire. J’avais fait sa connaissance lorsque j’étais allé me faire soigner une blessure à l’index gauche. La délicatesse dont elle avait fait preuve avait fait naître en moi une image érotique. Je l’avais invitée au cinéma. Sa réponse avait été nette.

    Je finis à cinq heures, attends-moi dehors, nous irons chez moi... Je ne répondis pas, mais, à quatre heures et demie, j’étais planté devant le dispensaire. Elle sortit tranquillement, tourna à droite et, en me voyant, me fit signe de la suivre. Après avoir tourné au coin de la rue, nous fîmes le chemin ensemble. C’était elle qui posait les questions : comment je m’appelais, où je suivais mes études, où j’habitais, avec qui, et d’autres choses encore. Je lui répondais timidement en enjolivant un peu pour avoir l’air un peu plus âgé. Nous devions avoir passé cinq pâtés de maisons lorsque nous arrivâmes devant une demeure de deux étages dans laquelle on entrait par une sorte de hall. Un escalier était planté en son centre. Nous montâmes. Elle ouvrit la deuxième porte dans le couloir du fond.

    Entre, me dit-elle. Je m’exécutai, lentement, en observant tout ce qui m’entourait. Elle ôta son chapeau et la petite étole qu’elle portait.

    Assieds-toi et mange une pomme, il y en a sur la table. Moi, je vais prendre un bain, je ne serai pas longue.

    J’hésitai quelques instants, mais je finis par prendre un fruit que je dévorai. À peine avais-je terminé que je la vis sortir.  La jeune fille attirante et prude que j’avais accompagnée était devenue une femme splendide. Ses cheveux humides, rassemblés sous une serviette, son peignoir léger et ses fines pantoufles donnaient d’elle une image extraordinaire.

    Viens avec moi, allez, dit-elle. Nous pénétrâmes dans ce qui devait être sa chambre.

    Tu veux bien m’aider à me sécher le dos, s’il te plaît ? me demanda-t-elle, en laissant glisser son peignoir et me tendant une petite serviette de toilette. Elle était nue. Elle m’attira vers elle et me donna un baiser gourmand et humide. Je sentis ses lèvres envahir les miennes avec force. Je perdis toute timidité et fondis sur elle, couvrant de baisers le moindre centimètre de son cou, jusqu’à atteindre ses seins. Ses mamelons se firent durs et sensibles. Elle prit ses seins dans les mains et me les offrit. Cet après-midi se poursuivit jusqu’à vingt-deux heures. Lorsque je me réveillai, elle dormait toujours. Je m’habillai rapidement, en essayant de ne pas la réveiller, et sortis dans la rue tel un guerrier, ou un esclave. En fait, j’étais un peu les deux. Je me fis réprimander une fois à la maison. Ils avaient imaginé des idioties bien éloignées du paradis dans lequel j’avais vécu toutes ces heures durant.

    Pendant trois jours, je n’osai pas y retourner. Mais ce vendredi-là, je montai craintivement les marches à demi plongées dans l’obscurité. Je me dirigeai, hésitant, vers la porte et j’entendis du mouvement derrière elle. Quelques secondes plus tard, on vint ouvrir la porte, avec une certaine lenteur. Un type au crâne rasé apparut. Il semblait avoir été tiré d’une longue sieste et était de sale humeur.

    Qu’est-ce que tu veux ? Tu cherches quelqu’un ? grommela-t-il, encore un peu somnolent. Je crois avoir bredouillé « Excusez-moi » et avoir dévalé l’escalier. J’entendis de loin les expressions de mauvaise humeur de l’homme. Je n’y revins jamais. Je passais parfois devant chez elle en murmurant « Karina, Karina ». Je ne sus jamais ce qui s’était passé, si le type était son père, son amant, son mari, ou si j’avais pu me tromper de porte par étourderie. Mais cette expérience est restée gravée en moi comme un souvenir déroutant et agréable à la fois. J’eus d’autres amourettes au collège, mais rien de bien sérieux. Ce n’est qu’une fois adulte que je connus l’amour, et avec tellement d’intensité que les baisers volés ou les premières étreintes de l’adolescence me parurent bien fades.

    Le temps passa, et la certitude de la tendresse de mes parents était toujours empreinte d’un soupçon d’orphelinat.

    Lorsque j’obtins mon baccalauréat, je choisis d’étudier la médecine. À vrai dire, je n’étais pas forcément convaincu par la discipline, mais elle me permettrait de fréquenter l’École de médecine de Vienne, la ville de mon grand-père. Les préparatifs durèrent des semaines, longues comme des mois. Arriva enfin le jour de mon départ et, malgré nos adieux chargés de sentiments, je ressentis quelque chose qui s’approchait davantage de la liberté et d’une profonde réjouissance. J’étais certain que, loin d’eux, je ne m’en porterais que mieux et que je trouverais ma propre voie.

    Après quelques heures de sommeil, nous longeâmes une grande partie du lac de Constance pour arriver ensuite à Zurich puis, en passant par Bülach, en Autriche. J’arrivais à la gare de Westbahnhof, à Vienne, par une nuit humide du printemps 1958.  À peine avais-je posé le pied sur le quai qu’un homme d’âge mûr, tout habillé de noir, me fit de grands signes avec une certaine familiarité, comme s’il me connaissait depuis toujours. Il s’approche d’un pas pressé. Il avait un visage émacié et des moustaches grises. Je pus déceler une vraie gentillesse au fond de ses yeux verts.

    - Bienvenue à Vienne, mon cher Ritter, on ne vous aurait pas imaginé autrement ! Comme c’est bon de vous voir ici. Il m’étreignit avec émotion et, constatant ma perplexité, me dit : Mon garçon, vous ne me connaissez pas, évidemment, je m’appelle August, je suis un bon ami de votre grand-père et de vos parents. Il me serra frénétiquement la main et m’étreignit à nouveau, puis m’indiqua enfin la sortie de la gare. Il prit mes valises et continua à me parler sans discontinuer.

    Nous prîmes un taxi qui nous conduisit devant une maison, au 1127 Wolkersbergenstraße. Cette habitation de deux étages était précédée d’un jardin envahi de pivoines. Sur la cheminée de la petite entrée était posé un petit tableau de Klimpt, de toute beauté.  Une table ovale était installée dans la salle à manger et, au fond, se trouvait la cuisine. Sur les murs vert pâle étaient accrochées de petites vues de Berlin sous cadre doré. À l’arrière de la maison, deux chambres communicantes accueillaient frau Helen et son petit-fils. On me la présenta comme femme de ménage et cuisinière à ma disposition. Au deuxième étage, au bout d’un escalier en colimaçon, ma chambre m’attendait sur la gauche. Dans la grande salle de bains trônait une baignoire en bronze. Sa porte en chêne donnait sur un vaste studio meublé entre autres d’un grand bureau et, sur les murs, plusieurs étagères soutenaient un grand nombre d’ouvrages. Des livres de médecine, de philosophie, de littérature, et bien d’autres. C’était un petit paradis pour l’étudiant que j’étais. Je n’avais pas à me plaindre, l’endroit était fort pratique. De la fenêtre, je pouvais voir le Danube serpenter au loin entre les immeubles et les maisons. Mon bienfaiteur encore inconnu m’informa qu’il répondrait à tous mes besoins. Il me laissa un numéro de téléphone, un livret d’épargne ouvert à mon nom à la Berenberg Bank, après quoi il prit rapidement congé.

    Le lendemain, après le petit-déjeuner, j’entendis klaxonner, et je vis August me faire des signes depuis une Mercedes Benz gris plomb. Je le rejoignis quelques minutes plus tard et il m’invita à visiter la ville et l’École de médecine.  Nous arpentâmes Ringstrasse depuis le croisement avec Karnerstrasse, près de l’Opéra. Nous pénétrâmes quelques instants dans la Hofburg, le palais impérial, et traversâmes ses magnifiques jardins pour atteindre le Belvédère. Nous arrivâmes vers la place Saint Charles puis visitâmes les musées du Museumsquartier. Cette promenade m’avait épuisé, et je suggérai à mon guide de nous arrêter dans un café pour boire quelque chose.

    August était un passionné de musique, et il entreprit de me concocter un programme de concerts et d’opéras. Je lui dis que nous le ferions un peu plus tard, et que j’avais très envie d’aller voir l’université. Il m’informa que j’étais déjà inscrit et que mes cours débuteraient au début de la semaine suivante. Après un capuccino bien mérité, nous nous rendîmes à la

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