Changement de cap
Par Yvain Remeuf
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À propos de ce livre électronique
L'apparition d'un mystérieux cube permettra-t-elle d'enrayer l'inéluctable ?
Tout commence sur une petite île, située quelque part dans l'Atlantique. Un petit bout de terre sans prétention où vivent quelques pêcheurs. Roland est l'un d'entre eux. Il se retrouvera bientôt au centre d'un imbroglio incroyable.
Ce roman où se côtoient la science-fiction, l'imaginaire et la poésie, est un appel à changer radicalement notre façon d'emprunter le plus extraordinaire des astres de notre système solaire.
Yvain Remeuf
L'auteur a vécu dans une grotte durant de nombreuses années. Il ne connaît pas exactement sont âge. Physiquement, une dépigmentation de ses cheveux est en cours. Sculpteur, musicien, réalisateur de court-métrage, écrivain, Yvain Remeuf considère la vie dans l'acte créatif. Aucune autre raison pourrait en justifier son existence ou presque. Dyslexique, maîtrisant difficilement les codes du langage, ce roman a été écrit dans la douleur. Un exercice d'autant plus compliqué qu'il n'avait pas d'antécédent. Un deuxième ouvrage est en préparation.
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Aperçu du livre
Changement de cap - Yvain Remeuf
Tous mes remerciements à Fabienne Remeuf et Marie-Andrée Ducassé pour leurs corrections, ainsi qu'à Ghislaine Remeuf pour le graphisme de couverture
Sommaire
1ère partie
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
2éme partie
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
3éme partie
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
4éme partie
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
5éme partie
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
1ère partie
Chapitre 1
Vu du ciel, cette petite île de quelques km², n'avait rien de réjouissant. Escarpement rocheux et menaçant dressé comme une épine sur la peau grise et lisse de l'Atlantique. On savait, en y posant un pied, qu'elle avait tout à envier aux îles paradisiaques de carte postale. Le port y était minuscule, quelques barques de pêcheurs s'alignaient sur une plage aussi étroite qu'un chemin et une grappe de petites maisons grignotait le flan ouest de la montagne. Ça sentait la solitude et le désœuvrement. Il n'y avait pas beaucoup de jeunes ici. Aucun d'ailleurs. Avec ses trente-cinq ans, Roland Stingfall était le benjamin. Il constituait à lui seul toute la jeunesse des soixante-six habitants.
Par beau temps, le rivage essaimait ses minuscules chaloupes. Les hommes partaient au large sans jamais se presser et y pêchaient quelques cabillauds et sardines. En fin d'après-midi, lorsque la flottille revenait occuper la plage, un caboteur chargé des prises de la journée, partait vers le continent. Ce rythme était immuable presque millénaire.
Les habitants ne disposaient que de deux bâtiments publics. La pêcherie et le bar. Ce dernier faisait aussi office de magasin d'alimentation, d'outillage, de pharmacie et même de parfumerie !... Un vieux fou s'était mis en tête de vouloir concurrencer le célèbre "Chanel n°5" à partir d'une base faite de graisse de poisson et d'algues. Ses flacons bataillaient leur espace sur une étagère avec des boîtes de vis et de clous à tête plate.
Cette île dépeuplée fourmillait de gentils illuminés
. Chuck préparait la défense du territoire, car, disait-il "Ces coco d'Européens nous envahiront un jour, vous verrez !". Son projet était d'édifier une muraille de pierre autour de l'île. Sa tâche était colossale. En onze années, il n'avait construit qu'une dizaine de mètres d'un muret de deux mètres de haut sur un total estimé à quinze km. Diana, l’ancienne institutrice, voulait créer un centre universitaire. Elle avait commencé par la construction d'une bibliothèque. Un bâtiment de bric et de broc qui accueillerait selon elle des étudiants du monde entier.
Chaque insulaire laissait libre court à son imagination, sans se soucier du pragmatisme de leur entreprise. Liés par un sentiment partagé que leur petit bout de terre agonisait lentement et surement, ils palliaient le manque cruel de divertissements et rompaient ainsi la lassitude de leurs journées indiscernables.
Roland Stingfall était l'un d'entre eux. Sa maison se trouvait de l'autre côté de l'île - rien que cela en disait long sur lui - totalement isolée du village mais fièrement cramponnée en face de l'Europe. Il était le plus solitaire de tous. Il parlait peu mais était d'une extrême gentillesse. Râblé, visage rond, yeux d'un bleu très cristallin, des cheveux bruns toujours en bataille, il était né d'une famille nombreuse, seul à être resté dans la maison familiale et à y perpétuer le savoir-faire ancestral : la pêche. Roland n'avait jamais été à l'école mais ses parents lui avaient appris à lire, à écrire et à compter. Il allait de temps à autre au village, lorsqu'il avait pêché plus de poissons qu'il ne lui en fallait ou bien pour se ravitailler d'une boite de clous, de sucre candi ou de quelques autres denrées rares.
Ce matin-là, le soleil miroitait sur la surface d'une eau si lisse qu'elle en paraissait épaisse. Tout était étrangement calme. L'ilien appréciait particulièrement ces moments de quiétude. Mais ces derniers temps, il n'était pas tout à fait lui-même. Il restait des heures sur le pont de son bateau à scruter l'insondable profondeur de l'océan. Roland avait aperçu quelques jours auparavant une étrange lumière bleue au fond de l'eau, pareille aux énigmatiques créatures luminescentes des hauts fonds nées d'un livre illustré de son enfance. Le genre de fascinantes découvertes que l'on fait petit et que l’on n’oublie jamais. Parti inhabituellement tôt ce matin, Roland était plus excité que jamais. Il remonta son filet avec vivacité.
Ce jour-là, personne ne le vit au port.
Chapitre 2
Stéphanie était au bord de la dépression. Elle avait ressenti un besoin impérieux de se ressourcer dans un endroit désertique. Peu importe où.
Elle partit en baroudeur, duvet et sac à dos, en prenant soin, non sans appréhension, d'oublier son téléphone portable et débarqua sur l'île aux gentils fous
. Bien qu'elle se soit préparée à plonger dans un monde dépourvu d'artifice, elle fut tout de même décontenancée par la précarité des habitations et le manque de structures touristiques.
Stéphanie resta un moment sur le quai à observer les hommes décharger paisiblement le navire de ses caisses en bois. Sur le côté, un amoncellement de boites en polystyrène blanc - sans doute du poisson - attendait que la cale soit vide pour y être entreposé. Puis elle se dirigea vers ce qui semblait être un café.
Il n'y avait personne. L'intérieur ressemblait à un grenier où l'on entasse comme un fil d'Ariane, ses souvenirs jour après jour. Il ressemblait aussi aux petites épiceries de son enfance bretonne où le patron cumulait plusieurs métiers. C'était ahurissant, presque comique de voir des tubes d'aspirines côtoyer des paires de bottes en caoutchouc, des savons garnir un lot de casseroles. Elle dénicha un paquet de gâteaux secs et puisqu’il faisait beau et bon, s'installa à une petite table à l'extérieur.
Le petit caboteur rempli de morues prenait le large. Les hommes avaient terminé leur travail. Ils revenaient d'un pas lourd et défilèrent devant Stéphanie en lui jetant un coup d'œil méfiant, telle une procession silencieuse qui aurait fait la joie d'un moine cistercien. Un peu surprise et avant qu’ils ne se soient tous engouffrés à l'intérieur du café, Stéphanie les interpella :
- Bonjour messieurs !
- D'où venez-vous ? Votre accent est bizarre, répondit Chuck le bâtisseur.
- Je suis de Chicago mais native d'Europe.
Le sang de Chuck se mit à bouillir instantanément.
- J'en étais sûr ! Je le savais. Vous voyez les gars hein ? Qu'est-ce que j'vous avez dit hein ? C'est l'avant garde, les éclaireurs... Y'a pas une minute à perdre !
Chuck s'enfuit jambe au cou en direction de son mur. Stéphanie en resta bouche bée.
- Ne vous inquiétez pas m'dame. Il n'est pas méchant. Il n'aime pas les cocos mais il ne ferait pas d’mal à une mouche. Quoique... il n'aime pas les mouches non-plus, intervint un gros monsieur légèrement acerbe et après une petite hésitation.
Les hommes se mirent à rire copieusement.
- Que puis-je faire pour vous ? continua-t-il.
- Serait-il possible d'avoir un café ? J'ai pris également ce paquet de gâteaux.
- Pas de problème, je vous apporte ça.
Depuis son arrivée, les autochtones observaient Stéphanie discrètement. Les étrangers étaient rares et faisaient toujours l'objet d'une grande suspicion. Les hommes étaient entrés à l'intérieur. Quelques minutes après, le gros monsieur revint avec un bol et une cafetière.
- On ne voit pas souvent de nouvelle tête ici, que venez-vous donc faire sur notre île ? questionna- t-il.
- Me reposer surtout. Je fuis la foule de Chicago, le temps d'une petite semaine.
- Hum... il n'y a pas grand-chose à faire ici vous savez, dit-il dubitatif.
- C'est très exactement ce que je recherche. Mais dites-moi, est-ce qu'il y a un hôtel au moins ?
- Un hôtel ?! Ah ah... non !
- Une auberge, quelqu'un qui pourrait me loger, un camping ?
- Rien de tout cela m'dame, et je ne vois personne qui pourrait vous accueillir. Nos maisons sont trop petites.
Stéphanie commença à s'inquiéter un peu. Cette retraite s'avérait plus difficile qu'elle ne l'avait imaginé. Une voix s'échappa de l'intérieur du capharnaüm :
- Il y aurait p'être la maison du Rol.
- Ah oui tiens ! C'est p'être pas une mauvaise idée ça, s'exclama le serveur et de continuer :
- C'est la plus grande maison de l'île. Roland y vit seul, ce serait bien le diable qu'il n'ait pas de place pour vous. Bah... c'est un jeune loup solitaire mais il est brave. Hein James ? Tu devrais en prendre de la graine, hurla le serveur à l'intention de l'auditoire tapit à l'intérieur du café.
- Va te faire foutre Jean ! Et fou moi la paix ! Je me suis p'être un peu emporté hier mais c'était justifié.
- Pfft... à d'autre. Tu nous fais chier avec tes crises d'urticaire.
- Ouai, ouai, ben l’poisson faisait deux mètres j'te l'dis !
- Pourquoi pas cinq ou dix ? Bon, enfin bref, la dame n'en a que faire de ton poisson de vingt- deux mètres, on va pas remettre ça. Excusez-nous m'dame. Moi c'est Jean et vous ?
- Stéphanie Burn - elle se redressa légèrement pour serrer la main du pachyderme - Ou puis-je trouver cette maison ?
- C'est très simple mais il vous faudra marcher. Elle se trouve de l'autre côté de l'île. Vous voyez ce chemin, là ? Ici, là... derrière l'église vous voyez ?
- Heu... oui, j'aperçois l'église, dit Stéphanie en se levant.
- Bon, ben donc, vous le prenez et c'est toujours tout droit. Vous faites cinq km et hop. Si vous la loupez c'est que vous avez un sérieux problème. C'est la seule maison et elle est toute rouge.
- Rouge ?
- Ouai, rouge coquelicot. En arrivant, observez bien le rivage - il regarda sa montre - Si vous ne voyez pas son rafiot, il est aussi rouge que sa maison, c'est qu'il est à la pêche.
Une nouvelle voix s'exprima de l'intérieur :
- Faudrait pas qu'il s'mette à siphonner du gros rouge le Rol, il d'viendrait invisible sur son bateau !
Tous rirent aux éclats.
- Bon enfin, Chuck le surveille de près à cause de la couleur mais vous verrez, c'est un bon gars.
- Merci bien, dit Stéphanie ravie de cet échange exotique.
Elle termina son café, remercia le propriétaire des lieux et s'engagea sur le chemin côtier. Celui-ci était plat, aussi arriva-t-elle assez rapidement de l'autre côté de l'île. Ce n'est qu'après avoir dépassé le dernier virage que la maison de Roland jaillit dans le paysage. Un spectacle franchement stupéfiant. Le bâtiment était comme une gigantesque pivoine plantée au cœur de la forêt. Il était d'un rouge lumineux. En s'approchant on pouvait constater qu'absolument tout avait été peint, des escaliers à la cheminée, comme si l'on avait plongé la maison entière dans une citerne de peinture de telle sorte qu'elle semblait, n'être constituée que d'une seule pièce.
Comme il n'y avait personne à l'intérieur et qu'aucun bateau n'était amarré au ponton du bord de mer, Stéphanie s'installa sur un rocher en face de l'océan. Il faisait encore beau et chaud à cette heure. Elle laissa le soleil et la petite brise lui caresser le visage. En fermant les yeux, le murmure des vagues envahit tout son être. Quel contraste avec sa vie urbaine ! Elle somnola ainsi un long moment.
Une ombre masqua la lumière, Stéphanie ouvrit brusquement les yeux et sursauta. Un homme était planté devant elle. Il était de petite taille mais bien charpenté. Il recula.
- Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur, dit-il timidement.
Sa voix douce rassura immédiatement Stéphanie.
- Ce n'est rien. Vous m'avez surprise dans ma somnolence. Êtes-vous M. Stingfall ? Roland Stingfall ?
- Oui, c'est moi.
- Je vous attendais. Ce sont les gens du village qui m'ont proposé de venir vous voir. Je viens passer une semaine sur votre île pour me ressourcer un peu. Je pensais trouver un hôtel mais il n'y en a pas. Auriez-vous la possibilité de me loger ?
L'homme ne réagissait pas. Il dévisageait Stéphanie.
- Jean, le patron du café m'a expliqué que leurs maisons étaient trop petites. Je n'ai besoin que d'un lit vous savez...
- ...
- ... mais un canapé fera l'affaire, j'ai un sac de couchage.
Roland semblait s'être perdu dans des méandres inextricables. Il parvint néanmoins à s'extirper de ses pensées. Il regarda sa maison orgueilleusement plantée sur le versant de la montagne.
- Pardon..., oui oui, il n'y a pas de problème, dit-il.
- Vraiment ?! Formidable ! Je m'appelle Stéphanie dit-elle soulagée en lui tendant la main.
Roland qui portait une lourde caisse se contenta de s'incliner légèrement.
- Suivez-moi, je vais vous montrer la maison.
Ils empruntèrent un petit sentier incliné qui serpentait au milieu des rochers jusqu'à l'étrange maison. L'intérieur était entièrement en bois et fort heureusement le rouge n'avait pas phagocyté cet espace. La maison était étanche. Stéphanie aurait peut-être eu du mal à supporter un rouge omniprésent, pensa-t-elle. Le tout était spartiate mais bien tenu. Une table massive entourée de quelques chaises trônait au centre de la pièce principale. Un vieux livre d'illustration marine y était posé. Une étagère adossée au mur abritait une collection de pierres et d'objet hétéroclites. Et mise à part un escalier qui desservait le premier étage, c'est tout ce qu'il y avait dans ce salon.
Ils s'avancèrent dans un couloir qui desservait plusieurs espaces. La première porte à gauche donnait accès à la cuisine, vue sur l'océan, la seconde à droite était pour la salle de bain.
- Voilà et ces trois autres portes donnent accès aux chambres, dit-il en les ouvrant les unes après les autres. Prenez celle que vous voudrez. La mienne est au-dessus.
- Super ! C'est plus qu'il m'en faut, dit Stéphanie en souriant.
Les gens du village ne lui avaient pas menti. Le jeune homme parlait peu. Il y avait quelque chose de mystérieux dans sa voix. Elle était douce et bienveillante certes mais il y avait autre chose d'indéfinissable. Une confusion difficile à saisir.
- Les trois lits sont faits. Vous voulez une serviette ?
- Non, non, ne vous inquiétez pas, j'ai tout ce qu'il me faut, dit Stéphanie en montrant son sac à dos.
- Bon... et ben voilà. Heu... il n'y a pas de clé hein. Donc, ben vous faites comme chez vous.
- C'est vraiment très aimable Roland. Je peux vous appeler par votre prénom ?
- Oui, si vous