Bikini Story
Par Patrik Alac
5/5
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À propos de ce livre électronique
En adoptant le bikini sur les plages, les femmes sont amenées à porter un nouveau regard sur elles-mêmes. Bien plus qu'un costume de bain, le bikini participe, dans les années 70, à la révolution sexuelle et aux modifications comportementales dans les relations entre hommes et femmes.
Ce livre décrypte, à travers l'histoire du bikini, l'évolution de la femme, qui assume désormais son corps et revendique l'égalité des sexes. À travers une iconographie très riche, recueillie chez les grands créateurs, ce sont plus de cinquante années de l'histoire féminine qui s'égrènent tout au long de cet ouvrage.
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Aperçu du livre
Bikini Story - Patrik Alac
Auteur :
Patrik Alac
Mise en page :
Baseline Co. Ltd
61A-63A Vo Van Tan Street
4e étage
District 3, Hô-Chi-Minh-Ville
Vietnam
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ISBN : 978-1-78310-816-9
Patrik Alac
BIKINI STORY
Remerciements :
Les marques : diNeila, Lenny Swimwear, RiodeSol et Pain de sucre.
Un merci particulier à Neila Granzoti Rudden pour sa postface, et ses nombreux
conseils dans le choix des photos.
Sommaire
Introduction
La Naissance du bikini
De scandale en scandale
Les limites de l’imagination
Le Bikini dans les films
Le Conditionnement du corps
Les Nouvelles Libertés
La Plage comme espace de liberté
Postface
Zoom sur l’avenir : le bikini
Retour en arrière…
Aujourd’hui…
Ce qui nous attend…
Pour la maison - ou à la piscine, ou sur un yacht, ou à la plage…
Bibliographie
Crédits photographiques
Photographie retravaillée de la
fin du XIXe siècle avec une cabine
provisoire pour se changer (details).
Introduction
Photographie de Coney Island au début du XXe siècle. Le site de villégiature, réputé pour être la « Sodome-sur-mer », semble donner justice à sa réputation dans la représentation de ces cinq dames qui soulèvent leur jupe dans le style french cancan. Elles portent des costumes de bain qui couvrent tout le corps à l’exception des bras. Il est intéressant de voir la multitude des étoffes qui se superposent : sur un collant en laine on met une culotte courte retenue par des rubans aux cuisses ; ensuite suit le véritable costume de bain. La silhouette à la Rubens des danseuses visiblement de bonne humeur, est typique de son temps.
Le début du nouveau millénaire s’accompagne du besoin de passer en revue le siècle qui vient de s’écouler. Les différentes tentatives de rédiger une histoire du XXe siècle introduisent rapidement la notion de « siècle de guerres et de cruautés », ou de « siècle de la barbarie ». Elles laissent de côté les événements importants et les conquêtes positives qui paraissent secondaires et frivoles, vu le poids des événements sinistres. Néanmoins, il faut espérer que l’on rédigera dans le futur une histoire plus complète du siècle passé dont l’historicité ne sera pas déterminée par la collection des souffrances, l’étendue des catastrophes et des guerres ou encore par le nombre de morts et la liste des villes détruites.
Parmi les événements positifs, il faut compter la libération du corps, revendiquée par un mouvement qui s’est étendu dans tout le monde occidental. Cette libération a été facilitée par le déclin des valeurs chrétiennes après la Seconde Guerre mondiale. Le bikini a joué un rôle décisif dans le processus qui a mis de côté des mœurs et des codes de morale depuis longtemps dépassés mais qui n’avaient pas encore été abolis. La mode, comme expression de cette nouvelle culture du corps, a offert dès le début une possibilité de projection d’idées politiques ; bien souvent, la « tenue obligatoire » donne des informations sur le niveau actuel de liberté dans une société. D’autre part, la mode représente le moyen de communication le plus simple et le plus élémentaire. Alors que jadis elle marquait la position sociale, le rang et l’importance d’une personne, elle est aujourd’hui, et depuis les années soixante, un signe d’appartenance idéologique. Par ailleurs, il est important de remarquer qu’une tenue non réglementaire et « décontractée » peut, elle aussi, devenir soudain un uniforme qui montre l’appartenance à un groupe. Le bikini et l’indignation morale qu’il a engendrée se trouvent à la naissance même de cette mode révolutionnaire de l’habillement qui a causé tant de scandales.
Pain de sucre. Bikini Canail.
Mannequin : Jenna Pietersen.
Photographie : Éric Deniset, 2009.
On peut résumer un autre aspect des chamboulements d’après 1945 en deux mots : « consommation et communication ». Ils caractérisent pratiquement l’ensemble des activités économiques. L’histoire du bikini illustre à merveille l’importance de la marchandise et du moyen d’en faire la publicité. Il faut ainsi mentionner le soutien réciproque du film et du bikini. Au début des années cinquante, les cinéastes se servaient des « caractéristiques propres à dénuder » du petit maillot de bain pour attirer plus de spectateurs dans les salles. En contrepartie, les créateurs de bikinis augmentaient leurs chiffres de vente. On pressent d’ores et déjà l’alliance entre marchandise et communication en un clip publicitaire bien étudié, qui se veut à la fois chef-d’œuvre et encouragement à la consommation.
Cependant, la diffusion du « petit maillot de bain » n’est pas seulement la conséquence d’une culture du corps qui s’éveillerait à nouveau. Elle est aussi responsable d’une prise de conscience accrue de son corps. Il faut avoir un corps parfait pour l’exhiber dans un bikini. L’obsession de la minceur, le fanatisme du sport et du bodybuilding ne sont que les dernières apparitions d’une libération du corps initiée dans les années cinquante et qui fait plus effet de norme et de discipline que de liberté.
Ce livre raconte l’histoire du bikini : sa naissance dans une piscine parisienne lors d’un après-midi étouffant de juillet 1946, le scandale qu’il a provoqué (le bikini a en effet été condamné à ne paraître que dans les magazines pour hommes), son apparition étonnante au cinéma, le soudain intérêt que lui ont porté les créateurs de mode et finalement sa présence triomphale sur toutes les plages du monde. Que ce soit sur les côtes du Brésil, sur les plages de la Méditerranée ou sur les longues étendues balnéaires de la Californie, le bikini appartient aujourd’hui aux visions incontournables de notre paysage estival.
Nous le voyons dans des couleurs éclatantes, bigarré ou d’un uni décent, en matière synthétique, en laine ou en lycra, taille basse ou taille haute, en tanga ou en string, en petits rectangles cachant les seins et collant comme des feuilles à la peau ou bien d’une construction complexe et de plusieurs épaisseurs formant comme une carapace devant la poitrine. Avec ses deux petits bouts d’étoffe de forme triangulaire, il ne fait pas grande impression quand il est sur un cintre, mais sur le corps, c’est une métamorphose. Ces deux bouts de tissu insignifiants prennent des formes et des courbes inattendues comme si on leur insufflait la vie. Bien tendus sur la peau, ils montrent leurs motifs, ornements et inscriptions. Un petit bout de métal quelconque relève soudain la signification jusqu’alors cachée d’une partie du corps en l’ornant et la mettant en valeur. Le bikini révèle son véritable moi quand on le porte. Voici la caractéristique particulière de ce vêtement.
Pain de sucre. Bikini or et orange, 1990.
Mannequin : Sonia, agence Fam,
Paris. Photographie : Delavigne.
Une autre photographie du début du siècle dernier présentant le site de villégiature américain Coney Island, et son groupe de baigneurs joyeux. Les femmes portent des maillots de bain comparables à des chemises de nuit. Le plus souvent bleu marine avec des rayures blanches (le motif est répandu et surtout utilisé pour les costumes de plage pour garçons), des mèches, des cols et des ceintures, ces costumes de bain atteignent les mollets.
Une plage de l’Italie du nord entre Gênes et Santa Marguerita vers 1900. Au premier plan, deux couples se promènent au bord de l’eau. Les hommes portent des maillots de couleur sombre qui ressemblent à des tenues sportives, tandis que les costumes de bain des femmes sont taillés et atteignent les genoux. À l’arrière-plan, on distingue la masse qui afflue vers le demi-cercle de la baie et qui reste inchangée aujourd’hui. À droite, les têtes de quelques nageurs et à gauche dans le fond un complexe de cabines de plage et de tentes de divertissement.
Photographie retravaillée de la fin du XIXe siècle avec une cabine provisoire pour se changer. La dame au milieu s’est déjà changée, et attend à l’abri d’une construction en forme d’un coquillage son amie qui se change derrière un rideau. La troisième femme, peut-être la mère, se trouve complètement habillée à droite. Elle porte un chapeau et un foulard, et s’appuie avec un parapluie sur une chaise. Dans l’arrière-fond, deux autres femmes se promènent sur la plage. La scène, sans doute mise en place, offre une vue osée du décolleté de la jeune femme qui se change. En l’occurrence, il pourrait s’agir ici d’une image érotique.
Il y a peu d’autres produits de l’industrie de la mode qui sont liés à tant d’idées préconçues. En effet, le bikini fait partie des mythes de notre quotidien. Tout comme une voiture rapide donnerait à son conducteur un grisant sentiment de pouvoir, comme une carte de crédit en or donnerait à son propriétaire l’impression de possibilités infinies, le bikini est un de ces objets qui possède une aura. Lorsque nous le mettons au contact de notre corps, il nous transmet une partie de cette magie dont nous l’avons doté et change notre univers.
Quand une femme met un bikini, elle ne revêt pas simplement un maillot de bain, elle porte un objet magique qui la transforme, elle et son entourage, comme le fait la baguette dans les contes de fées. Elle devient ainsi spectatrice de sa propre vie. Les nouvelles capacités qu’elle acquiert grâce au bikini la transportent dans un monde de possibilités qui se différencie totalement du monde quotidien où tout est ennuyeux. Mais pour qu’elle puisse pénétrer ce monde, il faut qu’elle se rende à un lieu bien précis dans lequel cette métamorphose pourra s’accomplir. Ce lieu, c’est le paysage balnéaire qui s’étend le long des côtes et qui met hors fonction les lois et les règles valables dans le quotidien. Nous connaissons tous parfaitement ce paysage balnéaire, il est irremplaçable. Toutefois, il a fallu du temps pour l’établir et pour lui accorder ce maillot de bain merveilleux et extravagant.
Un groupe de dames vers 1910. Les belles portent des costumes de bain remontant jusqu’aux genoux qui pourraient provenir d’une garde-robe d’une fête foraine comme l’indiquent leur variété de couleur et leur fantaisie. Au milieu, on trouve un Père Noël avec des bordures blanches, à gauche se trouvent deux personnes qui pourraient servir de bouffons à la cour d’un roi du Moyen Âge, et une troisième portant une robe avec des rayures en guise de maillot de bain. La proximité de la mode balnéaire avec la lingerie est nette. Toutes les femmes portent des chaussures (la quatrième de gauche porte même des chaussures de boxe) et des collants.
Les premières plages comparables aux nôtres apparaissent à la fin du XIXe siècle. Jusqu’alors la mer était quelque chose de mystérieux et d’incompréhensible. Chantée par les aèdes de l’Antiquité, la mer est presque entièrement tombée dans l’oubli pendant le Moyen Âge, époque qui a transformé le monde en un endroit obscur, tourné vers l’intérieur. La mer était un élément malsain et dangereux, habité par des monstres qui guettaient les humains. Aussi les habitants des côtes construisaient-ils leurs maisons à l’intérieur des terres pour se protéger des « vapeurs nocives » et des « forces démoniaques » de la mer. Cette croyance en la malédiction de certains lieux tous liés à l’élément de l’eau s’est prolongée jusqu’au début du XIXe siècle. C’est ainsi, par exemple, qu’on a attribué des « vapeurs néfastes » au Colisée de Rome. Les « promenades à Rome » de Stendhal en font souvent mention et dans « Daisy Miller » de Henry James, l’héroïne du même nom meurt après une nuit de folie passée dans l’ancien amphithéâtre.
Le contact de la mer n’était conseillé que dans le cas de maladies incurables. On a longtemps pensé que cette inconnue ouvrait la porte sur le néant ou qu’elle était une frontière anguleuse la séparant