Diapason

Nathalie Stutzmann Là-haut sur la colline

De Monteverdi à Chostakovitch en passant par Handel, Schubert et Mahler, elle fut trente ans durant l’une des voix de contralto fêtées sur tous les continents. Quand, en 2009, elle fonda son ensemble baroque, Orfeo55, avec lequel elle chantait et dirigeait tour à tour, le succès s’accompagna de quelques railleries face à la prétendue incongruité du projet. Quinze ans plus tard, les rieurs d’hier se sont fait discrets, et Nathalie Stutzmann a réussi sa mue sur le podium vers les grands horizons symphoniques qui l’appelaient. Invitée du London Symphony Orchestra au San Francisco Symphony, elle a surtout gravi les échelons des postes à responsabilité : chef principal du Symphonique de la Radio-télévision Irlandaise de 2017 à 2019, puis du Symphonique de Kristiansand en Norvège de 2018 à 2023, premier chef invité de l’Orchestre de Philadelphie depuis 2020, directeur musical du Symphonique d’Atlanta depuis 2022. « Merci de ne pas m’appeler cheffe », précise-t-elle, arrêtant notre élan spontané. « On peut regretter la structure des langues latines, qui confondent le masculin et le neutre, mais les fonctions n’ont pas de genre. Les femmes accèdent et continueront à accéder à de nouveaux métiers sans qu’il soit nécessaire de les nommer plombières ou prêtresses. »

La discrimination de genre, elle connaît pourtant, ayant évoqué dans nos colonnes cet épisode douloureux de son adolescence où, à l’issue de ses études instrumentales, elle tente la classe de direction d’orchestre, qui lui fut fermée par un enseignant machiste. Sa vie de musicienne et d’artiste resta guidée par cette vocation précoce et contrariée, à laquelle les encouragements de Simon Rattle et Seiji Ozawa finirent par la ramener. Accomplissement aujourd’hui manifeste, avec ses débuts triomphaux dans deux fosses légendaires : et ) et du Festspielhaus de Bayreuth avec Les premiers donnèrent même lieu à une tempête dans un verre d’eau numérique, après qu’elle se fut réjouie que les musiciens, exceptionnellement surélevés pour , puissent pour une fois voir le spectacle, certains membres de l’orchestre ayant voulu y lire un jugement sur leur motivation le reste du temps. Elle ne souhaite pas se laisser gâcher le plaisir du succès en se remémorant l’épisode, dans lequel elle voit surtout l’effet des « cabales » qui peuvent être montées dans une maison complexe, et l’influence d’une presse américaine qui court après le buzz sur les réseaux sociaux. Aucun nuage n’est venu assombrir, en revanche, l’ascension de la colline sacrée, dont elle nous livre avec émerveillement ses carnets de débutante.

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