Dans la maison d’en face
Tapie derrière ses rideaux dans l’obscurité de la cuisine de sa maisonnette de Lens, Martine observa sa jeune voisine d’en face, Aurélie Simon, pousser sur le bord du trottoir sa poubelle.
Même si la jeune femme était déjà rentrée dans sa maison, ce n’était pas encore le moment de sortir. Il fallait attendre qu’elle ferme ses volets, que la lumière du premier étage s’allume et qu’ensuite elle s’éteigne d’ici une trentaine de minutes.
– Elle est réglée comme du papier à musique, cette petite ! remarqua Martine. Et puis elle est bien trop polie pour être honnête, elle cache sûrement quelque chose. Je vais prendre ma tisane en attendant.
Martine alluma la lumière, brancha sa bouilloire électrique et, les mains dans les poches de sa blouse à fleurs qui avait appartenu à sa mère décédée l’année dernière, à 98 ans, elle fit les cent pas autour de la table. Elle était bien vaillante la presque octogénaire.
Il faut dire qu’elle ne s’était jamais écoutée et qu’elle avait au cours de sa vie fait les métiers les plus pénibles.
Dans sa première jeunesse, elle avait été bonne chez un notaire père de six enfants qui lui en avaient fait voir de toutes les couleurs. Ensuite elle avait travaillé dans une blanchisserie. Enfin, elle avait trouvé une place dans une cantine scolaire où elle était restée jusqu’à 65 ans.
Avec son défunt mari, Pierre, un mineur, elle avait eu tardivement une fille. Mylène venait de fêter ses 45 ans et ne l’avait même pas invitée à son anniversaire. Elle avait fait ça avec des amis, au restaurant. Le lendemain, elle était venue voir sa mère pour recevoir son cadeau. Mylène était repartie bredouille : pas de cadeau pour les ingrates.
Martine ricana sous le duvet de sa moustache en pensant à la visite de sa fille et à son air désappointé quand elle lui avait dit :
– Ton anniversaire ? Mais j’ai complètement oublié !
Quand l’eau fut chaude,
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