La bête noire des évadés fiscaux
Drôle d’endroit, curieuse date, étrange révélation. Nous sommes le 14 février 2008, jour de la Saint-Valentin, sur l’île de Grand Cayman, dans l’archipel des Caïmans, l’un des plus florissants paradis fiscaux des Caraïbes. « C’est le moment pour moi où tout bascule », campe Pascal Saint-Amans, patron de la division fiscale de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). À l’époque, personne ne connaît ce haut fonctionnaire jovial et affable qui excelle autant sur une planche de surf que lorsqu’il expose la complexité d’une matière particulièrement aride, la fiscalité internationale et sa part d’ombre : l’évasion débridée, pratiquée à grande échelle par des grandes fortunes et des multinationales depuis la fin des années 1960.
Ce 14 février donc, notre homme prend le thé en compagnie du ministre des Finances des îles Caïmans. « Il me dit en résumé: “ne comptez pas sur nous pour échanger des renseignements fiscaux tant que la Suisse gardera son secret bancaire” », rapporte-t-il. Le soir venu, alors qu’il se promène sur une plage, une journaliste parisienne l’appelle et l’interroge sur les comptes offshore et les trusts. De l’autre côté de l’Atlantique, le scandale du Liechtenstein vient d’éclater. Un lanceur d’alerte a diffusé la liste d’un millier de fraudeurs fiscaux qui ont placé des milliards d’euros dans les banques de ce micro-État.
« Ce scandale et la crise financière qui s’annonce sont mon épiphanie, développe le fiscaliste, qui ne fait pas mystère de ses positions sociales-libérales. Je me dis que la finance magique qui tenait jusqu’alors à distance les politiques est en train de s’effondrer. L’opinion publique ne va pas supporter de sauver des banques à coups de milliards alors qu’elles aident des contribuables à
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